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Squadrisme

« Squadrisme » est le terme par lequel on désigne les forces paramilitaires luttant par la violence contre les mouvements sociaux suscités par les socialistes et les communistes aprÚs la PremiÚre Guerre mondiale en Italie. Nées avant le fascisme italien, elles en sont devenues une forme de bras armé. Ces mouvements paramilitaires furent dirigés par les chefs locaux (les ras, du nom des chefs éthiopiens) des Faisceaux italiens de combat.

Une manifestation squadriste à Rome dans les années 1920.

Origine

Avant mĂȘme la montĂ©e du mouvement fasciste, il existait des regroupements, plus ou moins spontanĂ©s, de militants qui, au travers de l'usage de la violence, rĂ©agissaient aux actions des mouvements de gauche. Ces mouvements Ă©taient composĂ©s de squadre d'azione (littĂ©ralement : « escouades d'action ») d'oĂč le nom de squadrismo, appelĂ© aussi squadracce, qui constituaient le bras armĂ© du mouvement fasciste, agissant en dehors de toute lĂ©galitĂ©.

Le premier squadrisme s'inscrit dans la tradition de formation d'une élite combattante qui était celle des faisceaux d'action révolutionnaire et fut un phénomÚne citadin. Mais apparut également un squadrisme agraire orienté vers la répression des grÚves d'ouvriers agricoles. Les propriétaires recrutÚrent d'anciens combattants inoccupés, lesquels ne tardÚrent pas à rejoindre les faisceaux italiens de combat. Mais ces squadristes des petites agglomérations n'étaient pas tous contrÎlés par le mouvement mussolinien et se tinrent parfois longtemps à l'écart de celui-ci. Décentralisé, le mouvement s'est rapidement étendu, sans que Mussolini ne le contrÎle véritablement, à toute l'Italie, le « fascisme agraire » du nord atteignant les villes et le sud[1].

Le mouvement squadriste naquit au dĂ©but de l'Ă©tĂ© 1920, timidement d'abord puis avec une intensitĂ© croissante au fur et Ă  mesure que se dĂ©veloppaient les effectifs des faisceaux italiens de combat et que se renforçait l'appui logistique et financier fourni Ă  ces derniers par les possĂ©dants et les reprĂ©sentants de l'appareil d'État dĂ©sireux de rĂ©primer toute tentative de rĂ©volution communiste[2]. Il commença en VĂ©nĂ©tie oĂč la « lutte contre le bolchevisme » servit de prĂ©texte Ă  l'Ă©crasement des socialistes et des minoritĂ©s slaves. Il se poursuivit avec des affrontements armĂ©s contre le mouvement paysan des braccianti (les travailleurs sans terre), en 1920. Il prit ensuite sa pleine puissance avec les actions sanglantes menĂ©es dans les zones urbaines contre les socialistes et anarchistes, tenus pour responsables du climat d'agitation sociale du mouvement ouvrier qui a culminĂ© lors du biennio rosso[3].

Contribution du squadrisme au régime fasciste

Indépendamment de la répression de ses opposants, le squadrisme contribua à la mise en place du régime fasciste à trois niveaux : indirectement par la création du parti fasciste et des syndicats fascistes, directement par la pression exercée sur Mussolini pour qu'il mette en place une dictature.

  • Lors de la montĂ©e du fascisme, et en particulier aprĂšs les Ă©lections de , les ras locaux (Farinacci Ă  CrĂ©mone, Grandi Ă  Bologne, Balbo Ă  Ferrare, Bottai Ă  Rome, etc.) se sont ouvertement opposĂ©s Ă  la tactique parlementaire adoptĂ©e par Mussolini, concrĂ©tisĂ©e par le « pacte de pacification » d'. Ils contraignirent Mussolini qui Ă©tait tentĂ© par le jeu parlementaire Ă  durcir sa position et jouĂšrent un rĂŽle dans l'Ă©tablissement de la dictature.
  • Partout oĂč les squadristes dĂ©truisaient une bourse du travail ou une organisation syndicale, fut mis en place Ă  partir de un syndicat fasciste sous la houlette d'Italo Balbo et des anciens socialistes Dino Grandi et Edmondo Rossoni ; ce dernier dĂ©finit le syndicalisme fasciste comme un syndicalisme national, renonçant Ă  la lutte des classes et admettant en son sein des « producteurs » venus de toutes les couches de la sociĂ©tĂ©[4]. Ces idĂ©es Ă©taient celles qu'avait dĂ©fendu Mussolini mais les squadristes lui imposĂšrent de les reprendre Ă  son compte car il souhaitait travailler avec la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale italienne du travail[4].
  • DĂ©sapprouvant les menĂ©es des squadristes qu'il ne contrĂŽlait pas, Benito Mussolini conçut alors la nĂ©cessitĂ© de crĂ©er un parti disciplinĂ© dotĂ© d'un programme prĂ©cis et capable de contrĂŽler le mouvement squadriste[5]. Le parti fut crĂ©Ă© en et Mussolini finit par recentrer sur lui l'attention publique et rĂ©duire le pouvoir des squadristes qui Ă©taient en train de prendre la main.

Expéditions punitives

Les « expĂ©ditions punitives » contre les adversaires du parti fasciste sont rĂ©guliĂšrement organisĂ©es[6] avec l'utilisation dans le « meilleur des cas » de la matraque et de l'huile de ricin qui avaient pour effet d'Ă©liminer l'opposant pour quelques jours en plus de l'humiliation ainsi infligĂ©e, certaines expĂ©ditions furent des actes criminels destinĂ©s Ă  Ă©liminer physiquement l'opposant politique[7] - [8]. Dans ce cas, lors de leurs expĂ©ditions, de l'essence pouvait ĂȘtre ajoutĂ©e Ă  l'huile pour que l'humiliation soit mortelle.

morts et blessés dans les combats politiques de 1920-1921[9]
PĂ©riode Forces de l'ordre Socialistes Fascistes
Morts Blessés Morts Blessés Morts Blessés
1920 51 437 172 578 4 57
De janvier Ă  21 53 48 149 35 146

Apres la marche sur Rome

Mussolini, «pour calmer et contrĂŽler la situation, a instituĂ© en janvier 1923 la (MVSN) la Milice volontaire de sĂ©curitĂ© Nationale, un instrument pour canaliser les squadres d’actions et discipliner le phĂ©nomĂšne du squadrismo»[10]. Dans le mĂȘme temps, il dĂ©clare que "quiconque touche Ă  la milice recevra du plomb"[11] et en effet la violence continue de maniĂšre ciblĂ©e, comme en tĂ©moigne le fait que, «prĂšs de Ferrare, des squadristi d'Italo Balbo tuent don Giovanni Minzoni»[12]. La dĂ©nonciation de l'usage de la force pendant les Ă©lections de 1924, prononcĂ©e par Giacomo Matteotti le Ă  Montecitorio, marque «l'incurable diversitĂ© politique, philosophique, morale et on dirait presque anthropologique de Matteotti et de Mussolini et condamne le premier comme l'obstacle irrĂ©ductible Ă  la conquĂȘte du second du pouvoir absolu»[13].

La «thĂ©orie classique du squadrisme, exprimĂ©e par le slogan “DES COUPS, DES COUPS ET ENCORE DES COUPS, DES COUPS EN QUANTITÉ”, peut Ă  l’occasion devenir une trĂšs bonne thĂ©orie coloniale»[14]. MĂȘme en Libye, Ă  la fin, “aux actions squadristes, visant en particulier les journaux d’opposition et la Chambre du Travail de Tripoli, succĂšde la rĂ©organisation du Parti dans le sens de sa « normalisation ». La concentration des pouvoirs implique plus rapidement qu’en mĂ©tropole un tel processus”[15].

Références

  1. Pierre Milza, Mussolini, Ă©d. Fayard, 2007, p. 272.
  2. Pierre Milza, Mussolini, Ă©d. Fayard, 2007, p. 271.
  3. Franzinelli, Mimmo., Squadristi : protagonisti e tecniche della violenza fascista, 1919-1922, Mondadori, (ISBN 88-04-51233-4 et 978-88-04-51233-2, OCLC 52284653, lire en ligne).
  4. Pierre Milza, Mussolini, Ă©d. Fayard, 2007, p. 288.
  5. Pierre Milza, Mussolini, Ă©d. Fayard, 2007, p. 289.
  6. M. Franzinelli, Squadristi. Protagonisti e tecniche della violenza fascista, Mondadori, Milano, 2003.
  7. (it) Photographies de saccages perpétrés par les fascistes sur les locaux des bùtiments ouvriers
  8. (it) Liste des organisations, journaux, établissements dévastés
  9. chiffres officiels du MinistÚre de l'Intérieur
  10. Giovanni Copertino, LA JEUNESSE FASCISTE, « Sens-Dessous », Éditions de l'Association Paroles, 2022/1 N° 29, page 134.
  11. B. Mussolini, Opera omnia, Firenze, 1956, vol. XX, pp. 171, 175.
  12. Philippe Foro, L’Italie fasciste, Armand Colin (2016), Chapitre 2. La mise en place de la dictature et le fonctionnement de l’État fasciste, pages 39 à 68.
  13. Giampiero Buonomo, Il movente affaristico e il barone di Munchhausen, Critica Sociale, n. 1/2023, pp. 55-56 (gennaio-febbraio 2023).
  14. Vittorio VERNÈ, Le camicie nere in Libia, Rome, Ministero delle Colonie, 1927, p. 27.
  15. François Dumasy, Le fascisme est-il un « article d'exportation »?, dans Le fascisme italien : dĂ©bats, historiographie et nouveaux questionnements, Revue d’histoire moderne et contemporaine 2008/3 (n° 55-3).

Voir aussi

Bibliographie

  • (it) Mimmo Franzinelli, Squadristi, Mondadori - Oscar Storia - 2003

Articles connexes

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