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La Volonté de puissance

La VolontĂ© de puissance (Der Wille zur Macht. Versuch einer Umwertung aller Werte, La VolontĂ© de puissance. Essai d'inversion de toutes les valeurs.) est un projet de livre du philosophe allemand Friedrich Nietzsche, projet abandonnĂ© Ă  la fin de l'annĂ©e 1888. La VolontĂ© de puissance dĂ©signe Ă©galement plusieurs compilations des fragments posthumes de Nietzsche publiĂ©es et prĂ©sentĂ©es comme son Ɠuvre principale, et considĂ©rĂ©es aujourd'hui comme des falsifications.

La Volonté de puissance
Titre original
(de) Der Wille zur Macht
Langue
Auteur
Genre
Sujet

Un projet abandonné

La cĂ©lĂ©britĂ© de La VolontĂ© de puissance est due principalement aux falsifications dont ses nombreuses Ă©ditions sont le fruit, falsification dont la premiĂšre est son existence mĂȘme. Nietzsche Ă©baucha et abandonna de nombreux projets au cours de sa vie, et, de ce point de vue, La VolontĂ© de puissance ne se distingue pas de sa maniĂšre de travailler habituelle, mais par le dĂ©sir du philosophe d'y exposer sa doctrine, ce qui suscita chez les lecteurs et les Ă©diteurs le dĂ©sir de possĂ©der un livre oĂč sa pensĂ©e serait exposĂ©e de maniĂšre systĂ©matique.

C'est au cours des annĂ©es 1880 que Nietzsche projeta d'Ă©crire une Ɠuvre qui exposerait l'ensemble de sa doctrine. Cette Ɠuvre, dans les diffĂ©rents plans que Nietzsche Ă©baucha, prit le titre : La VolontĂ© de puissance, essai de transmutation de toutes les valeurs (Der Wille zur Macht - Versuch einer Umwertung aller Werte). Ce projet de livre fut par la suite intitulĂ© Inversion de toutes les valeurs. Une partie de ce qui est appelĂ© aujourd'hui fragments posthumes (partie correspondant aux tomes X Ă  XIV dans la traduction française de l'Ă©dition Colli-Montinari, voir bibliographie) constituait le travail prĂ©paratoire de cette Ɠuvre. Nietzsche en abandonna finalement le projet, et il utilisa ces textes pour Ă©crire CrĂ©puscule des idoles et L'AntĂ©christ.

Longtemps, on fit croire que Nietzsche avait Ă©tĂ© empĂȘchĂ© par la folie d'achever son grand ouvrage[1], ou que cet ouvrage avait existĂ© sous une forme complĂšte et achevĂ©, mais qu'il fut perdu en grande partie. L'avant-propos du CrĂ©puscule des idoles signale d'ailleurs aux lecteurs que le premier livre de ce qui s'appelle Ă  prĂ©sent L'Inversion de toutes les valeurs Ă©tait terminĂ© Ă  la date du . Ce premier livre est L'AntĂ©christ, dont le titre fut ainsi prĂ©sentĂ© dans sa premiĂšre Ă©dition () et les suivantes, alors que Nietzsche n'avait plus sa raison et avait atteint un Ă©tat vĂ©gĂ©tatif qui devait ĂȘtre dĂ©finitif :

« L'Antéchrist

Essai d'une critique du christianisme
Premier livre

de l'Inversion de toutes les valeurs. »

La photographie située en haut de cette page montre pourtant que Nietzsche a finalement considéré L'Antéchrist comme toute L'Inversion des valeurs, et qu'il a donc abandonné ce projet d'ensemble. Sur ce papier, il est en effet écrit :

« Der Antichrist.

Umwertung aller Werte

Fluch auf das Christentum. »

La mention Inversion de toutes les valeurs a Ă©tĂ© rayĂ©e. Or, comme cela est connu par une lettre de Peter Gast (un ami proche de Nietzsche) Ă  la sƓur du philosophe, Elisabeth Nietzsche, L'AntĂ©christ ne fut pas en fin de compte prĂ©sentĂ© par Nietzsche comme le premier livre de L'Inversion :

« Étant donnĂ© qu’à l’origine, apparaĂźt comme titre : L’AntĂ©christ. Inversion de toutes les valeurs, on peut penser que Monsieur votre frĂšre, Ă  l’époque de sa folie naissante, considĂ©rait avec ce livre son sujet achevĂ©. »[2]

Gast ne parle pas de premier livre et affirme clairement que le projet est achevĂ©. Plusieurs lettres de Nietzsche lui-mĂȘme, datant des mois de novembre et , montrent que le projet d'ensemble n'existe plus, et qu'il n'y a en tout et pour tout qu'un seul livre correspondant Ă  L'Inversion des valeurs. Or, Nietzsche a supprimĂ© ce titre. Ainsi, ce qui devait ĂȘtre une Ɠuvre composĂ©e de plusieurs livres, et qui porta tout d'abord le titre de La VolontĂ© de puissance puis d'Inversion de toutes les valeurs, n'Ă©tait plus pour Nietzsche que L'AntĂ©christ, tandis que les fragments prĂ©paratoires pour l'ensemble du projet n'Ă©taient plus considĂ©rĂ©s par lui comme devant ĂȘtre retravaillĂ©s pour le projet initial.

« - Mon Inversion de toutes les valeurs, dont le titre principal est l'Antéchrist, est terminée. »[3]

À la lumiĂšre de preuves de ce genre, que le travail des historiens et des philologues a fournies, il est apparu que La VolontĂ© de puissance Ă©tait une lĂ©gende forgĂ©e par la propre sƓur de Nietzsche, Elisabeth Nietzsche, afin de profiter du succĂšs naissant de son frĂšre devenu fou. On trouve dĂ©jĂ  dans les lettres de Nietzsche des plaintes contre sa sƓur qui prĂ©figurent ce qui allait se produire :

« J'ose Ă  peine ajouter qu'au Paraguay[4], les choses vont aussi mal que possible. Les Allemands que l'on y a attirĂ©s sont furieux, rĂ©clament leur argent — on n'en a pas. Il y a dĂ©jĂ  eu des voies de fait. Je crains le pire. — Cela n'empĂȘche nullement ma sƓur de m'Ă©crire pour le avec ses pires sarcasmes, que je me dĂ©cide enfin Ă  devenir "cĂ©lĂšbre". C'est assurĂ©ment, ajoute-t-elle, une belle chose, mais quelle racaille j'ai Ă©tĂ© me choisir ! Des Juifs qui ont mangĂ© Ă  tous les rĂąteliers, comme Georg Brandes... Et elle m'appelle encore "Fritz de mon cƓur" !... Cela dure depuis sept ans ! »[5]

Cette falsification est Ă  l'origine entiĂšrement distincte de celle que feront subir les nazis aux textes de Nietzsche, puisqu'elle date des premiĂšres annĂ©es du XXe siĂšcle. La sƓur de Nietzsche mettra ensuite l'Ɠuvre de son frĂšre au service du nationalisme allemand, en compilant quelques textes susceptibles de nourrir cette idĂ©ologie et de soutenir l'effort de guerre[6]. Mais tout ceci concerne l'Allemagne de Guillaume II. Par la suite, des auteurs nazis utiliseront des textes tronquĂ©s de Nietzsche pour leur propagande, et Elisabeth Nietzsche cautionnera la politique nazie[7], caution symbolisĂ©e par la canne du philosophe qu'elle offrit Ă  Hitler le , Ă  l'occasion de la visite de ce dernier aux Nietzsche-Archiv (Weimar). MalgrĂ© ces liens, ces deux aspects de la rĂ©ception du texte nietzschĂ©en restent cependant nettement distincts[8].

« La Volonté de puissance n'existe pas [9]»

MalgrĂ© les preuves qu'Elisabeth Nietzsche possĂ©dait de l'abandon de ce projet (et Gast le lui avait rappelĂ©, voir la lettre citĂ©e plus haut), elle dĂ©cida de publier un recueil de fragments prĂ©sentĂ© comme l'Ɠuvre couronnant la pensĂ©e de Nietzsche et qu'il n'aurait pas eu le temps de terminer. Ce recueil parut en 1901. Sur le travail d'Ă©dition rĂ©alisĂ© par Peter Gast, par Elisabeth Nietzsche et par les frĂšres Horneffer, l'un des participants, Ernst Horneffer, Ă©crira :

« Nous avons voulu prĂ©senter notre compilation des travaux prĂ©paratoires pour l’Inversion, comme un recueil de matĂ©riaux ordonnĂ© par nous, de maniĂšre Ă  ce que chacun puisse savoir de quoi il retourne. Nous voulions dire, comme pour les autres volumes : “InĂ©dits de telle ou telle annĂ©e (de l’époque de l’Inversion).” Mais Frau Förster-Nietzsche tenait Ă  avoir l’Inversion en elle-mĂȘme. C’est pourquoi elle a orgueilleusement baptisĂ© ce simple recueil d’aphorismes : La VolontĂ© de puissance, ce qui ne pouvait que nuire Ă  Nietzsche. Il n’existe aucune Inversion, quand bien mĂȘme Frau Förster-Nietzsche voulut-elle en avoir une. »[10]

Par la suite, afin de rendre l'idĂ©e de l'existence de La VolontĂ© de puissance plus crĂ©dible, Elisabeth Nietzsche affirmera que l'Ɠuvre avait Ă©tĂ© entiĂšrement achevĂ©e par Nietzsche, mais que les trois derniers livres furent perdus par Franz Overbeck, l'ami le plus fidĂšle de Nietzsche, qui alla chercher ce dernier Ă  Turin lors de son effondrement. L'AntĂ©christ devenait ainsi le premier livre de La VolontĂ© de puissance (alors que Nietzsche le considĂ©rait comme toute L'Inversion), et l'Ă©dition des fragments fut prĂ©sentĂ©e comme une tentative de reconstituer les parties Ă©garĂ©es. Cette reconstitution fut Ă©laborĂ©e selon l'un des nombreux plans auxquels Nietzsche avait rĂ©flĂ©chi et d'aprĂšs des classements qu'il avait fait de fragments destinĂ©s Ă  sa grande Ɠuvre avant d'en abandonner le projet.

Ce montage d'un faux fit dire Ă  Karl Schlechta :

« La VolontĂ© de puissance n’existe pas en tant qu’ouvrage de Nietzsche et ce qui existe sous ce titre est sans intĂ©rĂȘt positif, parce que les fragments sont mieux Ă  leur place dans les Ɠuvres publiĂ©es par lui. C’est sans doute pourquoi il a abandonnĂ© cette VolontĂ© et maintenu les Ɠuvres. »[11]

Et c'est Karl Schlechta qui, parmi les premiers (aprÚs les frÚres Horneffer cités plus haut), apporta les preuves de la fausseté de La Volonté de puissance, mais ce fut sans effet :

« Le , Schlechta et Hoppe prĂ©sentent au ComitĂ© scientifique de l'Ă©dition historico-critique des Ɠuvres et de la correspondance de Nietzsche les conclusions de leur enquĂȘte sur la lĂ©gitimitĂ© des Ă©ditions des livres de Nietzsche. Les preuves sont irrĂ©futables : c'est une vĂ©ritable entreprise de falsification que dirigea Elisabeth avec ses Nietzsche-Archiv. L'ouvrage est dĂ©finitivement classĂ© comme faux. Mais cette Ă©tude n'aura guĂšre de retentissement : les maisons d'Ă©dition n'ayant rien Ă  y gagner sur le plan financier, on continuera Ă  lire et publier La volontĂ© de puissance... »[12]

Toutefois, il n'invalidait pas la thÚse selon laquelle Nietzsche n'avait pas eu le temps de terminer La Volonté de puissance.

Erreurs d'interprétation

Outre les erreurs de transcriptions et d'attributions, les manuscrits de Nietzsche ont subi des falsifications directes : sur cette page d'Ecce Homo on peut voir des modifications faites par Peter Gast

Cette volontĂ© de la sƓur de Nietzsche influença considĂ©rablement la rĂ©ception de la pensĂ©e de Nietzsche, car elle fit de La VolontĂ© de puissance le fondement obligĂ© de tout commentaire : on considĂ©ra en effet qu'avec ce livre on disposait d'un exposĂ© aussi systĂ©matique que possible de la pensĂ©e de Nietzsche. Comme le remarquera Peter Gast, ce faux rĂ©pondait aux besoins du public. Or, cette valorisation mensongĂšre fut la cause de plusieurs types d'erreurs d'interprĂ©tation parfois relatives aux notions fondamentales de Nietzsche.

Les nombreuses erreurs de transcription relevées par l'édition critique des manuscrits de Nietzsche constituent un premier type d'erreurs. Ces fautes furent la source d'erreurs d'interprétations plus ou moins importantes, comme le montre Paolo D'Iorio à propos d'un commentaire de Gilles Deleuze. Ce dernier écrit, à propos de la Volonté de puissance :

« Un des textes les plus importants que Nietzsche Ă©crivit pour expliquer ce qu’il entendait par volontĂ© de puissance est le suivant : « Ce concept victorieux de la force, grĂące auquel nos physiciens ont crĂ©Ă© Dieu et l’univers, a besoin d’un complĂ©ment ; il faut lui attribuer un vouloir interne que j’appellerai la volontĂ© de puissance ». La volontĂ© de puissance est donc attribuĂ©e Ă  la force, mais d’une maniĂšre trĂšs particuliĂšre : elle est Ă  la fois un complĂ©ment de la force et quelque chose d’interne. »[13]

Mais cette interprétation repose sur une erreur de transcription, signalée par Paolo D'Iorio :

« Dans le manuscrit de Nietzsche, par contre, on ne lit pas innere Wille (vouloir interne), mais innere Welt (monde interne). On ne peut donc soutenir que la volontĂ© de puissance est « Ă  la fois un complĂ©ment de la force et quelque chose d’interne », Ă©galement parce que cela reproduirait un dualisme que la philosophie moniste de Nietzsche s’efforce Ă  tout prix d’éliminer. »

De telles erreurs de transcription ont été reproduites dans toutes les éditions de La Volonté de puissance.

Un deuxiÚme type d'erreurs est constitué par l'attribution à Nietzsche de textes apocryphes ; de telles erreurs suscitent des interprétations fausses puisque le commentateur n'analyse pas en réalité un texte de Nietzsche. D'Iorio en donne un exemple récent, trouvé dans le livre d'Alexis Philonenko, Nietzsche, Le rire et le tragique[14] :

« « L’un de nos grands historiens de la philosophie » (quatriĂšme de couverture) se lance dans un commentaire dĂ©taillĂ© d’un aphorisme de La VolontĂ© de puissance (Ă©dition Sautet no 26) dans lequel Nietzsche – « magistralement » disait jadis BĂ€umler dans sa postface – dĂ©crit les XVIIe, XVIIIe et XIXe siĂšcles. Le commentaire s’achĂšve sur l’affirmation selon laquelle « si Rousseau pleure, Nietzsche rit » et : « Lire Rousseau Ă  l’envers, c’est lire Nietzsche, et vice et versa ». Sans entrer dans les dĂ©tails, nous nous contenterons de signaler que l’aphorisme qui sous-tend son interprĂ©tation [celle de A. Philonenko] n’est pas un texte de Nietzsche : il s’agit de simples notes de lecture, d’extraits de paraphrases, de commentaires recopiĂ©s du livre de Ferdinand BrunetiĂšre : Études critiques sur l’histoire de la littĂ©rature française, que Nietzsche a traduit en allemand, et que les diffĂ©rents Ă©diteurs des Archives Nietzsche ont publiĂ©s tels quels. »

Ce type d'erreurs est Ă©galement illustrĂ© par une autre erreur de Deleuze, relative Ă  l'Éternel Retour, et reposant sur un fragment composĂ© arbitrairement de deux autres fragments, prĂ©sentĂ©s comme fragment unique et attribuĂ© Ă  Nietzsche. Or, le faux fragment ainsi obtenu sur lequel s'appuie entiĂšrement Deleuze pour sa comprĂ©hension de l'Éternel Retour contient en rĂ©alitĂ© plusieurs citations d'un scientifique, Johannes Gustav Vogt[15]. Son commentaire n'est donc pas un commentaire de Nietzsche.

Ce genre d'erreurs affecte également un large lectorat : le lecteur français qui lit aujourd'hui l'édition 1901 de La Volonté de puissance (traduite par Henri Albert, 1903, récemment rééditée telle quelle sans appareil critique) ne sait pas qu'il lit, par exemple, des textes de Tolstoï, et il les attribue à Nietzsche, puisque le livre qu'il a entre les mains est présenté comme un livre composé de fragments du philosophe.

D'Iorio relÚve donc deux types d'erreurs ; dans toutes les éditions de La Volonté de puissance, nous trouvons selon lui :

  • de nombreuses erreurs de transcription qui affectent parfois la quasi-totalitĂ© des fragments Ă©ditĂ©s, erreurs qui sont recopiĂ©es d'une Ă©dition Ă  l'autre ;
  • des erreurs d'attributions, dĂ©coulant de la confusion entre ce que Nietzsche a Ă©crit et ce qu'il a recopiĂ© (en le traduisant par exemple du français).

Ces erreurs étaient difficilement repérables au moment des premiÚres éditions de La Volonté de puissance, puisque les manuscrits de Nietzsche étaient peu accessibles. Cependant, d'autres problÚmes liés à la publication de ces fragments furent remarqués trÚs tÎt par quelques personnes. Ainsi, Albert Lamm écrit-il en 1906 :

« On crĂ©e une aberration grave et irrĂ©mĂ©diable quand [
] on rassemble de vieilles annotations Ă©cartĂ©es par Nietzsche lui-mĂȘme pour en faire une Ɠuvre illusoire, trompeuse qui est placĂ©e Ă  la suite des derniĂšres Ɠuvres de Nietzsche comme si elle constituait leur conclusion. Tandis que ce sont prĂ©cisĂ©ment ces Ɠuvres qui ont dĂ©passĂ© et rendu caduques ces Ă©tudes prĂ©paratoires. »[16]

Cette remarque fait apparaßtre un troisiÚme type d'erreurs : présenter des fragments comme des textes qui font foi, quand en réalité il s'agit d'ébauches préparatoires, les rend équivalents aux textes publiés, et ils acquiÚrent ainsi le statut de somme, de compendium systématique de la pensée de Nietzsche, ce que Nietzsche a explicitement condamné :

« Je me méfie de tous les gens à systÚmes et je les évite. La volonté du systÚme est un manque de loyauté. »[17]

Ce mépris des systÚmes philosophiques est l'une des causes de l'abandon de La Volonté de puissance.

Il existe enfin un quatriÚme type d'erreurs. Les différentes éditions de La Volonté de puissance, parce qu'elles sont en réalité des éditions de textes en devenir, induisent une interprétation qui s'est largement répandue, interprétation selon laquelle la pensée de Nietzsche est contradictoire. Or, nombre de ces contradictions relÚvent d'une juxtaposition thématique des fragments, en l'absence de toutes références chronologiques. Des fragments distants de plusieurs décennies se retrouvent ainsi juxtaposés et peuvent exprimer des idées de Nietzsche fondamentalement opposées, ce qui rend le texte, en l'état, incompréhensible[18] :

« On y retrouve pĂȘle-mĂȘle des notes des annĂ©es 1870 Ă  1888, emmĂȘlant ainsi allĂšgrement les considĂ©rations de sa pĂ©riode mĂ©taphysique avec celles de sa pĂ©riode antimĂ©taphysique. »[19]

Ces contradictions ont suscité de nombreux commentaires relatifs au problÚme méthodologique de leur interprétation, et ces questions de méthode se retrouvÚrent à la base des travaux de plusieurs commentateurs, comme c'est le cas de Jean Granier qui consacre plusieurs chapitres à ces questions[20]. Si, au contraire, on considÚre ces fragments pour ce qu'ils sont, i.e. des ébauches sans cesse retravaillées, parfois utilisées en vue de la publication, mais souvent aussi finalement rejetées par Nietzsche, il apparaßt que ces contradictions sont inévitables pour un tel travail qui s'étend sur des décennies, et que les apparentes contradictions de Nietzsche ne sont pas intrinsÚques à sa pensée.

RĂ©sumant les deux derniĂšres erreurs, Walter Kaufmann Ă©crit :

« La publication de La VolontĂ© de puissance, comme Ɠuvre finale et systĂ©matique de Nietzsche empĂȘche de distinguer entre ses Ɠuvres et les notes prĂ©paratoires et crĂ©e une fausse impression selon laquelle les aphorismes de ses livres sont de la mĂȘme teneur que ces notes Ă©parses. Depuis lors, c’est La VolontĂ© de puissance qui a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme la position finale de Nietzsche et non plus Le CrĂ©puscule des idoles ou L’AntĂ©christ, et ceux qui la considĂšrent comme Ă©trangement incohĂ©rente sont enclins Ă  conclure qu’il doit en ĂȘtre de mĂȘme pour son Ɠuvre propre. »[21]

Conséquences sur la réception française de Nietzsche

Comme le montrent les exemples citĂ©s ci-dessus, la rĂ©ception française de Nietzsche fut fortement influencĂ©e par une Ɠuvre, La VolontĂ© de puissance, qui est un faux composĂ© de textes fautifs.

En premier lieu, seule la premiĂšre des Ă©ditions de La VolontĂ© de puissance (1901) faites sous l'autoritĂ© de la sƓur de Nietzsche fut traduite en français. Or, les erreurs contenues dans cette Ă©dition s'Ă©tendent Ă  la moitiĂ© des fragments que Nietzsche avait organisĂ©s pour mettre au propre son projet :

« L'ouvrage d'Elisabeth comprendra en tout 483 aphorismes et ne correspondra nullement au plan Ă©laborĂ© par Nietzsche — plan qui ne sera jamais publiĂ© par les Nietzsche-Archiv. Non seulement Elisabeth insĂšre arbitrairement des fragments posthumes qui n'Ă©taient nullement destinĂ©s Ă  ce projet ; mais de plus, sur les 374 fragments que Nietzsche avait ordonnĂ©s en vue de la VolontĂ© de puissance, elle en Ă©carte 104. Et sur les 270 fragments lĂ©gitimes ayant subsistĂ© Ă  la sĂ©lection arbitraire, 137 se rĂ©vĂšlent ĂȘtre inexacts : lacunes, inexactitudes, ou leçons erronĂ©es. »[22]

La deuxiÚme édition allemande remania entiÚrement les fragments et en ajouta plusieurs centaines (passant de prÚs de 500 à plus de 1000 fragments) ; enfin, ce fut la troisiÚme édition (elle non plus jamais traduite en français) qui servit à Karl Jaspers, Karl Löwith, Martin Heidegger, Eugen Fink, Charles Andler, ou encore Walter Kaufmann. Toutes ces éditions n'arriveront jamais en France.

En second lieu, l'Ă©dition qui acquerra la plus grande influence sur les commentateurs et les philosophes français est la compilation Ă©tablie par Friedrich WĂŒrzbach, compilation rĂ©alisĂ©e sans l'aide des manuscrits, Ă  partir des Ă©ditions fautives prĂ©cĂ©dentes (cf. Bibliographie, 1935). Cette Ă©dition sera utilisĂ©e par presque tous les commentateurs comme Ă©dition de rĂ©fĂ©rence. Or, d'aprĂšs Marie Luise-Haase et Jörg Salaquarda, citĂ© par Paolo D'Iorio (voir bibliographie) :

« Dans les concordances de la Kritische Gesamtausgabe un point exclamatif signale des erreurs de dĂ©chiffrage particuliĂšrement graves, les omissions etc. dans notre concordance nous ne reprenons pas cette indication parce que dans les Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes pratiquement aucune des notes de Nietzsche n’a Ă©tĂ© transcrite de maniĂšre correcte. »[23] [nous soulignons].

Reposant sur ces Ă©ditions, l'Ă©dition de WĂŒrzbach est naturellement elle-mĂȘme une somme d'erreurs de transcription.

La Volonté de puissance aujourd'hui

Les spĂ©cialistes de l'Ɠuvre de Nietzsche qui participĂšrent Ă  l'Ă©dition des textes Ă  partir des manuscrits sont unanimes : Horneffer, Karl Schlechta, Richard Roos, Giorgio Colli, Montinari et d'autres, estiment que la faussetĂ© de toutes les Ă©ditions de La VolontĂ© de puissance est prouvĂ©e par l'examen philologique des textes. Citons Ă©galement Heidegger, puisqu'il fit partie du comitĂ© pour la premiĂšre Ă©dition historico-critique des Ɠuvres de Nietzsche (projet qui fut interrompu) : Heidegger avait lui aussi remarquĂ© l'Ă©tat non scientifique de l'Ă©dition des Ɠuvres de Nietzsche, et s'en Ă©tait irritĂ©. Une Ă©dition critique et scientifique des Ɠuvres de Nietzsche a Ă©galement Ă©tĂ© approuvĂ©e par Deleuze, trĂšs conscient de la non-scientificitĂ© de la VolontĂ© de puissance[24].

MalgrĂ© cela, La VolontĂ© de puissance est encore Ă©ditĂ©e et prĂ©sentĂ©e comme une Ɠuvre de Nietzsche, en France, en Italie et dans d'autres pays. On trouve ainsi en Allemagne des rĂ©Ă©ditions rĂ©centes de l'Ă©dition de 1906 prĂ©facĂ©e par Alfred BĂ€umler, qui utilisa d'ailleurs les Ă©crits de Nietzsche pour soutenir la propagande nazie.

Cette situation éditoriale, pour les spécialistes et philologues du texte nietzschéen, ne reflÚte pas les connaissances acquises ; ainsi Paolo D'Iorio conclut-il :

« Je regrette d’avoir dĂ» rĂ©pĂ©ter ce que tous les connaisseurs de Nietzsche savent depuis des annĂ©es et d’avoir dĂ» revenir sur des questions depuis longtemps et Ă  maintes reprises rĂ©glĂ©es dans le cours des polĂ©miques qui ont accompagnĂ© La VolontĂ© de puissance au cours de ce siĂšcle. Mais tant que des Ă©diteurs continueront de reproposer ce vieux faux au si beau titre, il nous faudra rĂ©pĂ©ter – avec les mĂȘmes vieux arguments [...] – qu’il s’agit d’un faux. »

Plans de l'Ɠuvre

Nous possĂ©dons plusieurs plans de cette Ɠuvre abandonnĂ©e ; certains de ces plans (en particulier le premier ci-dessous) ont Ă©tĂ© utilisĂ©s pour classer les fragments posthumes des cahiers de Nietzsche. Nous n'en donnons ici que deux :

Plan ébauché à Nice le

Esquisse d'un avant-propos

Livre premier : Le nihilisme européen

  • I. Nihilisme
  • II. Pour une critique de la modernitĂ©
  • III. Pour une thĂ©orie de la dĂ©cadence.

Livre deuxiÚme : Critique des valeurs supérieures

  • I. La religion comme expression de la dĂ©cadence
  • II. La morale comme expression de la dĂ©cadence
  • III. La philosophie comme expression de la dĂ©cadence.

Livre troisiĂšme : Principe d'une nouvelle Ă©valuation

  • I. La volontĂ© de puissance en tant que connaissance
  • II. La volontĂ© de puissance dans la nature
  • III. La volontĂ© de puissance en tant que morale
  • IV. Pour une physiologie de l'art.

Livre quatriÚme : Discipline et sélection

  • I. L'Ă©ternel retour
  • II. La nouvelle hiĂ©rarchie
  • III. Par-delĂ  le bien et le mal
  • IV. L'idĂ©al aristocratique
  • V. Dionysos.

Dernier plan, automne 1888

Dépréciation de toutes les valeurs

Livre premier :
L'Antéchrist. - Essai d'une critique du christianisme.

Livre deuxiĂšme :
L'Esprit libre. - Critique de la philosophie comme d'un mouvement nihiliste.

Livre troisiĂšme :
L'lmmoraliste. - Critique de l'espÚce d'ignorance la plus néfaste, la morale.

Livre quatriĂšme :
Dionysos. - Philosophie de l'Éternel Retour.

Bibliographie

Éditions

L'édition qui fait actuellement référence (et qui contient un registre des fragments destinés à la Volonté de puissance) :

  • Werke. Kritische Gesamtausgabe (abrĂ©viation : KGW), hg. von Giorgio Colli und Mazzino Montinari. Berlin und New York 1967.
  • SĂ€mtliche Werke, Kritische Studienausgabe in 15 BĂ€nden (abrĂ©viation : KSA), hg. von Giorgio Colli und Mazzino Montinari. MĂŒnchen und New York 1980. (ISBN 3-423-59044-0).
  • Traduction française : Friedrich Nietzsche, ƒuvres philosophiques complĂštes, XVII tomes (abrĂ©viation : FP), Gallimard.

Éditions non scientifiques

Le caractĂšre non scientifique de ces recueils est Ă©tabli par la comparaison directe avec les carnets de Nietzsche[25].

  • Nietzsche, La VolontĂ© de puissance. Essai d'une transmutation de toutes les valeurs. (Études et Fragments), 1901, traduit par Henri Albert, 1903.
  • Nietzsche, La VolontĂ© de puissance, seconde Ă©dition allemande (augmentĂ©e de plusieurs centaines de fragments), non-traduite en français, 1906.
  • Nietzsche, La VolontĂ© de puissance, troisiĂšme Ă©dition allemande (identique Ă  la seconde, avec en plus un appareil critique), non-traduite en français, 1911.
  • Nietzsche, La VolontĂ© de puissance, Une interprĂ©tation de tout le devenir, Ă©ditĂ© par Max Brahn, 1917 (696 aphorismes, repris en 1 921 in Klassiker-Augabe).
  • Nietzsche, La VolontĂ© de puissance, Ă©dition Musarion (par Friedrich WĂŒrzbach, reproduction de la troisiĂšme Ă©dition, sans appareil critique), 1922.
  • Nietzsche, La VolontĂ© de puissance, reprise de l'Ă©dition Musarion par Alfred BĂ€umler, sans appareil critique (Ă©dition que recommandait Heidegger dans ses cours des annĂ©es 1930), 1930.
  • En 1930, trois Ă©ditions Kröner, dont une version nouvelle par August Messer (491 aphorismes).
  • Nietzsche, La VolontĂ© de puissance, texte Ă©tabli par Friedrich WĂŒrzbach, 1935 (2397 aphorismes). Édition publiĂ©e en Allemagne en 1940, sous le titre : Le legs de Friedrich Nietzsche. Tentative d’une interprĂ©tation de tous les Ă©vĂ©nements et d’une inversion de toutes les valeurs. Édition gravement fautive (voir ci-dessus). RĂ©Ă©ditĂ© chez Gallimard, Collection Tel, numĂ©ro 259 et 260, (ISBN 2-07-074216-4) et (ISBN 2-07-074217-2).

Études

  • Ernst Horneffer, Nietzsches letztes Schaffen. Eine kritische Studie, Jena, 1907.
  • Richard Roos, « Les derniers Ă©crits de Nietzsche et leur publication », in Revue Philosophique, 146 (1956), p. 262-287.
  • K. Schlechta, Le cas Nietzsche, Paris, Gallimard, 1960.
  • Heinz Frederick Peters, Nietzsche et sa sƓur Elisabeth, Paris, Mercure de France, 1978.
  • David Marc Hoffmann, Zur Geschichte des Nietzsche-Archivs. Chronik, Studien und Dokumente, Berlin-New York, De Gruyter, 1991.
  • Montinari, Mazzino, « La VolontĂ© de puissance » n'existe pas.

Citations

  • « Monsieur Schmeitzner ! Monsieur Schmeitzner ! Publier des morceaux de mes lettres est Ă  mes yeux un dĂ©lit des plus graves. C’est une chose qui me fait souffrir comme peu d’autres – et c’est le plus grossier des abus de confiance. » Carte postale de Nietzsche Ă  son Ă©diteur, Ernst Schmeitzner, .
  • « J'ai peu Ă  peu rompu presque toutes mes relations humaines, par dĂ©goĂ»t de voir que l'on me prend pour autre chose que ce que je suis. » F. Nietzsche Ă  M. von Meysenbug, Lettre du .
  • « L’édition des Ɠuvres posthumes de Nietzsche Ă©crites pendant les derniĂšres annĂ©es de son activitĂ© intellectuelle a fait l’objet d’une vive discussion. Dans la mesure oĂč l’on met en question l’existence d’une derniĂšre Ɠuvre fondamentale de Nietzsche (La VolontĂ© de puissance), notre nouvelle Ă©dition critique rĂ©sout le problĂšme d’une maniĂšre claire et simple : cette Ɠuvre principale n’existe pas. Ce sont des circonstances historiques singuliĂšres qui ont donnĂ© Ă  cette question une importance exagĂ©rĂ©e.» Giorgio Colli & Mazzino Montinari, « État des textes de Nietzsche », in Nietzsche, Cahiers de Royaumont, Paris, Éditions de Minuit, 1967, p. 136.

Notes et références

  1. C'Ă©tait en particulier la thĂšse de Alfred BĂ€umler, principal artisan de la rĂ©cupĂ©ration par les nazis de l'Ɠuvre de Nietzsche. Voir, pour plus de dĂ©tails, Mazzino Montinari, « InterprĂ©tations nazies. »
  2. Peter Gast à Elisabeth Förster-Nietzsche, le 8 novembre 1893, cité par Paolo D'Iorio.
  3. 20 novembre 1888, lettre Ă  Georg Brandes.
  4. Elisabeth Nietzsche était partie au Paraguay avec son mari pour fonder une communauté d'« Aryens purs ».
  5. Lettre à Franz Overbeck, Noël 1888.
  6. En 1915, elle fait distribuer 20 000 exemplaires d'une compilation de citations censĂ©es illustrer le patriotisme de Nietzsche.
  7. En 1922, elle compile des citations anti-dĂ©mocratiques de Nietzsche, Sur les États et sur les peuples, et adhĂšre entiĂšrement aux idĂ©es d'extrĂȘme droite et Ă  la lĂ©gende du « coup de poignard dans le dos (Dolchstoßlegende) ».
  8. Sur ce point, Mazzino Montinari : « Notons qu’on a fini Ă©galement par “faire porter la faute” Ă  Elisabeth Förster-Nietzsche pour ce qui concerne tous les abus liĂ©s au nom de Nietzsche, en tant que “philosophe du national-socialisme”; mais c’est une simplification inadmissible et une nouvelle lĂ©gende. Les BĂ€umler (mais aussi les LukĂĄcs) et tous ceux qui ont maltraitĂ© “idĂ©ologiquement” Nietzsche, ont fait ceci pour leur propre compte, et n’avaient certainement pas besoin “d’ĂȘtre menĂ©s par le bout du nez” par une sƓur plus qu’octogĂ©naire. Comprendre la pensĂ©e de Nietzsche et l’interprĂ©ter sans dĂ©formations idĂ©ologiques, Ă©tait possible, mĂȘme sous l’“empire” de la Förster-Nietzsche Ă  Weimar. »
  9. Cette section suis Paolo D'Iorio, Postface à Mazzino Montinari, « La Volonté de puissance n'existe pas », disponible sur Internet : http://www.lyber-eclat.net/lyber/montinari/postface.html
  10. Ernst Horneffer, Nietzsches letztes Schaffen. Eine kritische Studie, Jena, 1907, p. 52-53.
  11. K. Schlechta, Le cas Nietzsche, tr. fr. Paris, Gallimard, 1960, p. 139.
  12. Source : « La Volonté de puissance, mythe et réalité »
  13. Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, Paris, p.u.f., 1962, p. 56. Cité par Paolo D'Iorio
  14. Alexis Philonenko, Nietzsche, Le rire et le tragique, Ldp Biblio Essais, numéro 4213, 1995, (ISBN 2-253-94213-8)
  15. Paolo D'Iorio, L'Éternel Retour. GenĂšse et interprĂ©tation [PDF].
  16. Albert Lamm, « Nietzsche und seine nachgelassenen ‘Lehren’ », SĂŒddeutsche Monatshefte, septembre 1906, p. 255-278, cit. in D. M. Hoffmann, Zur Geschichte des Nietzsche-Archivs. Chronik, Studien und Dokumente, Berlin-New York, De Gruyter, 1991, p. 69. CitĂ© par P. D'Iorio.
  17. Crépuscule des Idoles, « Maximes et pointes », § 26.
  18. Heidegger avait déjà dénoncé le caractÚre inintelligible de ces juxtapositions contradictoires. Voir ses cours, Nietzsche I et II.
  19. Source : « La Volonté de puissance, mythe et réalité. »
  20. Jean Granier, Le problÚme de la vérité dans la philosophie de Nietzsche.
  21. W. Kaufmann, Nietzsche : Philosopher, Psychologist. Antichrist, Princeton, 1950.
  22. Source : La Volonté de puissance, mythe et réalité.
  23. in « Konkordanz. Der Wille zur Macht : Nachlaß in chronologischer Ordnung der Kritischen Gesamtausgabe », Nietzsche-Studien, 9 (1980), p. 446-490. CitĂ© par P. D'Iorio.
  24. Deleuze, Nietzsche, , Section "L'Ɠuvre"
  25. Source de cette bibliographie : Paolo D'Iorio, Postface à Mazzino Montinari, « La Volonté de puissance n'existe pas ».

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