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Carmen (opéra)

Carmen est un opéra-comique en quatre actes de Georges Bizet, sur un livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy. L’œuvre est une adaptation de la nouvelle Carmen de Prosper Mérimée[1]. Carmen est une œuvre d'opéra-comique que l'on peut rapprocher de l'orientalisme en ce qu'elle se déroule dans une Espagne imaginaire[2]. À la différence de Mérimée, Bizet choisit de faire de Carmen le personnage principal de cette histoire, à contre-pied du carcan moral qui s’abat sur son époque[3].

Carmen
Description de cette image, également commentée ci-après
Affiche pour la création de Carmen (1875)
Nbre d'actes 4
Musique Georges Bizet
Livret Henri Meilhac et Ludovic Halévy
Langue
originale
Français
Sources
littéraires
Carmen, nouvelle de Prosper Mérimée
Durée (approx.) environ 160 minutes
Création
Opéra-Comique
Paris Drapeau de la France France

Personnages

  • Carmen, bohémienne et cigarière (mezzo-soprano)
  • Don José, brigadier (ténor)
  • Micaëla, jeune Navarraise (soprano)
  • Escamillo, torero (baryton ou baryton-basse)
  • Frasquita, bohémienne (soprano)
  • Mercédès, bohémienne (soprano ou mezzo-soprano)
  • Le Dancaïre, contrebandier (baryton ou trial)
  • Le Remendado, contrebandier (ténor)
  • Zuniga, lieutenant (basse)
  • Moralès, brigadier (baryton)
  • Lillas Pastia, aubergiste (rôle parlé)
  • Un guide (rôle parlé)

Airs

  • Habanera « L'amour est un oiseau rebelle » (Carmen, chœur) - acte I
  • Duo « Parle-moi de ma mère » (Micaëla, José) - acte I
  • Séguédille et Duo « Près des remparts de Séville » (Carmen, José) - acte I
  • Chanson bohème « Les tringles des sistres tintaient » (Frasquita, Mercédès, Carmen) - acte II
  • Air du Toréador « Toréador, en garde » (Escamillo) dans les couplets : « Votre toast, je peux vous le rendre » (Frasquita, Mercédès, Carmen, Escamillo, Moralès, Zuniga, Lillas Pastia, chœur d'hommes) - acte II
  • Air « La fleur que tu m'avais jetée (José) dans le duo : « Je vais danser en votre honneur... ...Non ! Tu ne m'aimes pas ! » (Carmen, José) - acte II
  • Trio des cartes « Mêlons ! – Coupons ! » (Frasquita, Mercédès, Carmen : prédiction de « la MORT ! ») - acte III
  • Air « C'est des contrebandiers le refuge ordinaire... Je dis que rien ne m'épouvante » (Micaëla) - acte III
  • la quadrille des toreros : marche et chœur « Les voici, voici la quadrille... Si tu m'aimes, Carmen » (chœur puis Frasquita, Mercédès, Carmen, Escamillo) - acte IV
  • Duo et chœur final « C'est toi ! – C'est moi ! » (Carmen, José, chœur)- acte IV

Créé le à l'Opéra-Comique sous la direction d'Adolphe Deloffre, l'opéra ne rencontra pas le succès escompté, ce qui affecta beaucoup son compositeur. Le succès ne viendra qu'à partir du 2 janvier 1878, grâce à l'interprétation à Bruxelles de Minnie Hauk[4]. Sa manière de chanter très intensive entraîne un succès immédiat et est à l'origine de la renommée durable de l'opéra qui avait été infructueux lors de sa création[5].

Bizet a pris une revanche posthume éclatante, puisqu’aujourd'hui Carmen est l'un des opéras les plus joués au monde[6].

Personnages

Distribution lors de la création

D'après Wikisource[9].

Signature des auteurs et des interprètes de Carmen réunies le 30 janvier 1885 à l'occasion de la 200e représentation de partition par Rose Delaunay qui interprétait le rôle de Micaela et reproduites par la revue L'Art du théâtre en 1905. Dix années après la première, Célestine Galli-Marié, Esther Chevalier et Barnolt jouaient encore les rôles qu'ils avaient créés.
Rôle Voix Distribution lors de la création, 3 mars 1875
Chef : Adolphe Deloffre
Carmen, une bohémienne mezzo-soprano Célestine Galli-Marié
Don José, caporal des dragons ténor Paul Lhérie
Escamillo, toréador baryton-basse Jacques Bouhy
Micaëla, jeune Navarraise[7] soprano Marguerite Chapuy
Zuniga, lieutenant des dragons basse Eugène Dufriche
Moralès, brigadier baryton Edmond Duvernoy
Frasquita, bohémienne, compagne de Carmen soprano Alice Ducasse
Mercédès, bohémienne, compagne de Carmen mezzo-soprano Esther Chevalier
Lillas Pastia, aubergiste rôle parlé M. Nathan
Le Dancaïre, contrebandier baryton Pierre-Armand Potel
Le Remendado, contrebandier ténor Barnolt
Un guide rôle parlé M. Teste
Chœurs : Soldats, jeunes gens, filles de la fabrique de cigarettes, supporters d'Escamillo, bohémiens, marchands, policiers, matadors, peuple, enfants.

Les décors sont de Lucien Jusseaume, inspirés par un voyage en Espagne.

Orchestre

L'orchestre est composé de : premiers et seconds violons, altos, violoncelles, contrebasses, 1 piccolo, 2 flûtes, 1 cor anglais, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones, 1 harpe, des timbales, 1 grosse caisse, cymbales frappées, 1 triangle, 1 tambourin, castagnettes

Argument

L'action se passe à Séville et dans les environs, au début du XIXe siècle[10].

Acte I - La place

Le prélude est l'un des plus célèbres de l'histoire de la musique : c'est un Allegro giocoso débordant au rythme joyeux et bondissant correspondant au motif de la corrida, entrecoupé d'abord par un petit thème du quatrième acte (où l'alguazil se fait copieusement huer) puis par le motif de la chanson d'Escamillo. Il est suivi immédiatement par un sombre Andante moderato dont le caractère inquiétant et frissonnant marque le thème du destin funeste qui sera joué aux moments clefs de l'opéra (Carmen jette la fleur à José, Micaëla convainc José de partir) et résonnera à toute volée à la fin du duo final.

Une place à Séville, entre la caserne des dragons d'Alcala et une manufacture de tabac, des soldats montent la garde. Leur brigadier, Moralès, voit arriver une jeune fille aux nattes blondes : c'est Micaëla qui cherche son fiancé, le brigadier Don José. Les sollicitations des dragons se faisant trop pressantes, elle s'éclipse. On entend les clairons de la garde montante suivie d'un petit groupe de gamins qui jouent aux soldats : « avec la garde montante, nous arrivons, nous voilà... sonne, trompette éclatante, ta ra ta, ta ra ta ta ; nous marchons la tête haute, comme de petits soldats ». Moralès annonce à Don José qu'une « jolie fille est venue le demander » et qu'elle reviendrait... Don José lui répond que c'est sûrement Micaëla. Le capitaine Zuniga, nouveau dans la province, demande à Don José s'il sait ce qu'est ce bâtiment que l'on voit de l'autre côté de la place. C'est, répond le brigadier, une manufacture de tabac où ne travaillent que des femmes. Sont-elles jolies, demande le capitaine. Don José répond qu'il l'ignore, car, étant navarrais, il estime que « ces Andalouses lui font peur », qu'il « préfère éviter le regard brûlant des Andalouses et de notre jouissante Carmen », et il raconte comment il est devenu soldat.

Manuscrit de la Habanera

La cloche sonne. C'est l'heure de la pause pour les cigarières de la manufacture qui font l'éloge de la fumée du tabac :

« Dans l'air, nous suivons des yeux
la fumée
qui vers les cieux
monte, monte parfumée [...] »

Une ouvrière, la plus attendue de toutes, ne tarde pas à apparaître ; c'est Carmen. Les jeunes gens assemblés lui demandent quand elle les aimera. En guise de réponse Carmen expose sa philosophie de l'amour, quelque peu pessimiste, dans la célébrissime habanera « L'amour est un oiseau rebelle », pour laquelle Bizet s'est fortement inspiré de la habanera El Arreglito (« Le petit arrangement ») du compositeur basque espagnol Sebastián Iradier :

« L'amour est un oiseau rebelle
que nul ne peut apprivoiser
et c'est bien en vain qu'on l'appelle
s'il lui convient de refuser
[...]
L'amour est enfant de bohème
Il n'a jamais jamais connu de loi
Si tu ne m'aimes pas je t'aime
si je t'aime prends garde à toi. »

Alors qu'elle chantait sa chanson, Carmen a repéré Don José ; elle l'aborde et engage avec lui une conversation sur un ton un peu moqueur, puis arrache de son corsage une fleur qu'elle lance au jeune homme. Cette fleur signifie qu'elle le choisit. « Quelle effronterie », dit le destinataire, qui après quelque hésitation ramasse la fleur qui est tombée à terre, il la respire mais dit : « certainement, s'il y a des sorcières, cette fille-là en est une ».

Arrive Micaëla qui annonce à Don José qu'elle vient de la part de sa mère ; elle lui remet une lettre qui conseille au jeune homme d'épouser… la porteuse de la lettre, car « il n'y en a pas de plus sage et de plus gentille ». Don José relit la lettre : « il n'y en a pas de plus sage ni de plus gentille. »

Un vif tumulte se produit. On apprend que Carmen, « railleuse à son ordinaire », s'est moquée d'une ouvrière, qu'il en est résulté une bagarre et que Carmen a marqué une croix de saint André au couteau sur le visage de son adversaire. Zuniga interroge Carmen, qui fredonne pour toute réponse. Zuniga fait arrêter la bohémienne et lui promet la prison. Ce sera Don José qui sera chargé de l'y conduire. Carmen commence à embobiner son aimable gardien et chante la séguédille :

« Près des remparts de Séville
chez mon ami Lillas Pastia
j'irai danser la séguédille
et boire du Manzanilla
[...]
j'emmènerai mon amoureux
mon amoureux ? Il est au diable
je l'ai mis à la porte hier
mon pauvre cœur est très consolable
mon cœur est libre comme l'air
j'ai des galants à la douzaine
(...)
qui veut m'aimer, je l'aimerai. »

Et elle dit qu'elle pense à « certain officier qui n'est que brigadier ». Il n'en faut pas plus pour que le trop sensible geôlier délie la corde et laisse s'échapper sa prisonnière.

Acte II - La taverne

Deux mois plus tard, des officiers se trouvent dans la taverne de Lillas Pastia, repaire notoire de contrebandiers. Carmen chante la « chanson bohème », accompagnée des deux autres bohémiennes, ses amies Mercedes et Frasquita. Lillas Pastia déclare que l'heure de la fermeture a sonné ; le capitaine Zuniga lui répond qu'il n'est pas dupe de ce qui se passe dans l'établissement après la fermeture.

Zuniga invite les bohémiennes au théâtre : elles refusent. Il invite Carmen qui refuse également ; il lui demande si c'est parce qu'elle lui en veut de l’avoir envoyée en prison. Carmen feint de ne pas s'en souvenir, et Zuniga lui annonce que le jeune brigadier chargé de la conduire s'est fait dégrader et emprisonner pour l'avoir laissé échapper. Mais le soldat vient de terminer de purger sa peine.

On entend des exclamations qui viennent de l'extérieur de la taverne : « Vivat le torero, vivat Escamillo. »

Le chœur loue l'intrépidité d'Escamillo, qui s'est couvert de gloire aux dernières courses de Grenade. À l'invitation de Moralès, il entre dans l'auberge, et aussitôt s'adresse aux officiers.

Anna Caterina Antonacci et Andrew Richards, Opéra Comique, 2009

Escamillo aperçoit Carmen et lui fait des avances qu'elle rejette avec une certaine coquetterie.

Les contrebandiers Le Dancaïre et Le Remendado essayent d'embringuer Carmen et ses deux amies dans une opération de déchargement de marchandise sur la côte. Carmen refuse de les accompagner. La raison ? « Je suis amoureuse. » Le Dancaïre : « Voyons, Carmen, sois sérieuse. »

De qui Carmen est-elle amoureuse ? Certainement, dit Frasquita, de ce prisonnier à qui Carmen a fait remettre une lime et une pièce d'or pour qu'il puisse s'échapper, mais il ne s'en est pas servi. Don José, tout juste sorti de prison, fait son entrée au moment où tous les autres, sauf Carmen, partent. Elle lui demande pourquoi il ne s'est pas servi de cette lime. Le brigadier répond que son honneur de soldat lui interdit de déserter et proclame son amour à celle qu'il retrouve.

Carmen s'amuse à rendre jaloux son amoureux en disant qu'elle a dansé pour les soldats, puis elle le calme en disant qu'elle dansera pour lui seul cette fois, ce qu'elle fait au cours d'une danse très suggestive et ensorcelante. Cependant le clairon sonne et Don José veut rejoindre son unité, ce que n'accepte pas Carmen qui le chasse avec colère et mépris :

« Il court, il perd la tête
et voilà son amour. »
Don José proteste de toute sa force :
« la fleur que tu m'avais jetée
dans la prison était restée
flétrie et sèche
cette fleur gardait toujours sa douce odeur. »

Carmen demande à Don José, pour lui prouver son amour, de la suivre dans la montagne « là-bas si tu m'aimais » avec les contrebandiers. Mais, pour Don José, c'est la honte et l'infamie que de déserter. « Non, je ne t'aime plus » lui dit Carmen. « Adieu, adieu pour toujours » dit Don José.

Survient le capitaine Zuniga, qui entre en faisant sauter la porte et qui prétend user de l'autorité que lui confère son grade pour chasser le brigadier et courtiser Carmen. Don José saute sur son sabre, les contrebandiers désarment le capitaine et le retiennent quelque temps. Zuniga admet son impuissance et tient des propos menaçants à l'égard de Don José.

« Es-tu des nôtres maintenant ? », demande Carmen à Don José, qui piteusement répond : « Il le faut bien ». Carmen, les bohémiennes et les contrebandiers promettent à Don José : « Pour pays l'univers et pour loi ta volonté ! Et surtout, la chose enivrante : la liberté ! »

Acte III - La montagne

Un site pittoresque et sauvage dans la montagne ; c'est le repaire des contrebandiers.

Les contrebandiers évoquent la grandeur de leur métier, font une halte et discutent des détails de l'opération. Carmen et Don José se querellent, Carmen dit que son amour n'est plus ce qu'il était, Don José pense à sa vieille mère ; Carmen lui conseille d'aller la retrouver, car « décidément, tu n'es pas fait pour vivre avec nous, chiens et loups ne font pas longtemps bon ménage ».

Frasquita et Mercédès tirent les cartes et y lisent un avenir très prometteur, amour, châteaux, bijoux ; la bohémienne n'y voit que la mort, toujours la mort, pour elle et pour son amant. Carmen dit qu'elle est sûre d'obtenir la bienveillance d'un douanier, ce qui suscite chez Don José une vive réaction de jalousie. Les trois bohémiennes n'ont pas le moindre doute sur les chances qu'elles ont de faire passer la marchandise :

« S'il faut aller jusqu'au sourire
que voulez-vous, on sourira,
et d'avance, je puis vous le dire,
la contrebande passera. »

Accompagnée d'un guide, Micaëla pénètre dans le camp. Elle dit qu'elle n'a pas peur, mais en fait, « j'ai beau faire la vaillante, au fond du cœur je meurs d'effroi. »

Don José, qui surveille le camp, tire sur un inconnu mais le manque. Cet inconnu n'est autre qu'Escamillo qui explique à l'apprenti contrebandier les raisons de sa venue. C'est pour obtenir les faveurs d'une belle bohémienne du nom de Carmen, car, il le suppose, elle n'aime plus le soldat qui avait déserté pour elle. « Les amours de Carmen ne durent pas six mois. » Les deux hommes ne tardent pas à s'affronter. Escamillo, un professionnel est sûr de l'emporter ; il l'emporte effectivement mais, comme il a pour habitude de tuer les taureaux mais pas les hommes, il épargne son rival, mais glisse et tombe. Don José veut le frapper ; à ce moment, entre Carmen qui l'en empêche. Escamillo invite Carmen aux courses de Séville et, quand il est parti, Don José lance à Carmen : « Prends garde à toi, Carmen, je suis las de souffrir ! »

Les contrebandiers découvrent Micaëla qui est venue chercher Don José. Sa mère, dit-elle, est au désespoir. Carmen encourage Don José à partir, mais l'idée de laisser la place à un nouvel amant est insupportable à celui-ci. Micaëla annonce : « Ta mère se meurt, et ne voudrait pas mourir sans t'avoir pardonné. »

Au moment de partir, Don José s'adresse à Carmen : « Sois contente, je pars, mais nous nous reverrons. » On entend au loin Escamillo entonner son chant de combat. Il est sûr maintenant de sa victoire amoureuse.

Acte IV - La corrida

Une place à Séville, devant les murs et l'entrée des arènes. Les marchands s'affairent et proposent eau, éventails, lorgnettes, oranges, vin, cigarettes, etc. Le capitaine Zuniga s'étonne de ne pas voir la Carmencita. Frasquita lui dit qu'elle ne doit pas être bien loin, car elle ne quitte plus Escamillo. Frasquita s'enquiert de Don José ; il a été vu dans son village, mais a disparu depuis. Frasquita dit qu'à la place de Carmen, elle s'inquiéterait.

Avant le combat, Carmen dit à Escamillo que, s'il gagne, elle sera à lui.

Entrées successives de la quadrille des toreros, de l'alguazil, des chulos et des banderilleros et des picadors. Arrive enfin Escamillo, accompagné de Carmen, radieuse dans un costume éclatant. Il entre dans l'arène après avoir chanté avec elle un bref mais magnifique duetto d'amour.

Frasquita et Mercédès, qui ont aperçu Don José dans la foule, mettent en garde Carmen, qui leur répond : « Je ne suis pas femme à trembler devant lui. » Toute la foule pénètre dans l'amphithéâtre, à l'exception de Carmen. Don José apparaît ; il la supplie de lui pardonner et de le suivre pour « commencer une autre vie, loin d'ici, sous d'autres cieux ». Devant son refus obstiné, il en vient à la menacer. La jeune femme lui répond : « Jamais Carmen ne cédera : libre elle est née, et libre elle mourra. » Dans l'arène retentissent les cris de joie du public qui salue le triomphe d'Escamillo. Pressée de rejoindre celui-ci, Carmen défie Don José et jette la bague que celui-ci lui avait offerte à l'époque où elle l'aimait. Don José, fou de désespoir, la frappe à mort avec un poignard, alors qu'Escamillo apparaît sur les marches du cirque, entouré de la foule qui l'acclame.

La partition

Après la mort de Bizet, son ami le compositeur Ernest Guiraud a remplacé les passages parlés originaux, caractéristiques de l'opéra-comique, par des récitatifs. Cette révision a peut-être contribué au succès de l'œuvre en facilitant sa diffusion, notamment à l'étranger et dans les théâtres peu habitués à pratiquer l'alternance entre dialogues et musique dans une œuvre lyrique. Cependant cette adaptation est souvent contestée par les musicologues, et de nos jours, les deux versions sont jouées.

Quoi qu'il en soit, cet opéra a rapidement bénéficié d'une très grande popularité qui ne s'est jamais démentie. Il est généralement considéré comme l'opéra français le plus joué dans le monde.

Ceci peut s'expliquer, en partie, par les nombreuses oppositions qui jalonnent le livret, les scènes tragiques contrastant avec des passages plus légers, voire comiques (rôles de Frasquita, de Mercédès, du Dancaïre, du Remendado, etc.), équilibre entre scènes de foule et scènes plus intimes dans lesquelles les solistes passent au premier plan. Mais la musique de Bizet, expressive et colorée, son orchestration souvent raffinée, ses mélodies faciles à mémoriser, ne sont certainement pas étrangères à ce succès.

Parmi les pages les plus célèbres de Carmen, on peut citer :

  • le prélude
  • à l’acte I : le chœur des gamins « Avec la garde montante » ; le chœur des cigarières « Dans l'air, nous suivons des yeux » ; la habanera « L'amour est un oiseau rebelle » ; le duo « Parle-moi de ma mère » ; la séguedille « Près des remparts de Séville » ;
  • à l’acte II : la chanson bohème « Les tringles des sistres tintaient » ; les couplets du toréador ; le quintette « Nous avons en tête une affaire » ; l'air « La fleur que tu m'avais jetée » ;
  • Le prélude de l'acte III, un élégiaque duo pour flûte et harpe, un des sommets de la poésie du compositeur, et évoquant le paysage des hautes montagnes.
  • à l’acte III : le sextuor avec chœur « Écoute, compagnon, écoute » ; le trio des cartes ; l'air de Micaëla « Je dis que rien ne m'épouvante » ;
  • l'intermezzo entre les actes III et IV ;
  • à l’acte IV : la quadrille des toreros ; le bref duo Escamillo-Carmen « Si tu m'aimes Carmen », le duo avec chœur final « C'est toi ? — C'est moi ».

Bizet et Guiraud ont composé deux suites pour orchestre à partir des thèmes principaux.

Le chœur à bouche fermée est souvent supprimé de l'orchestration dans les créations modernes.

Numéros musicaux (version avec récitatifs)

  • 1. Prélude (orchestre)

Acte 1 :

  • 2. Scène et chœur « Sur la place chacun passe » (Moralès, chœur d'hommes puis Micaëla)
  • 3. Chœur des gamins « Avec la garde montante » (José, Moralès, chœur d'enfants)
  • 3bis. Récit (José, Zuniga)
  • 4. Chœur des cigarières « La cloche a sonné » (chœur puis Carmen)
  • 5. Habanera « L'amour est un oiseau rebelle » (Carmen, chœur)
  • 6. Scène « Carmen ! Sur tes pas, nous nous pressons ! » (chœur)
  • 6bis. Récit (José puis Micaëla)
  • 7. Duo « Parle-moi de ma mère » (Micaëla, José)
  • 7bis. Récit (Micaëla, José)
  • 8. Chœur « Que se passe-t-il donc là-bas ?... Au secours ! Au secours ! » (Zuniga, chœur)
  • 9. Chanson et mélodrame « Tra-la-la... Coupe-moi, brûle-moi » (Carmen, José, Zuniga, chœur de femmes)
  • 10. Séguédille et duo « Près des remparts de Séville » (Carmen, José)
  • 11. Final « Voici l'ordre, partez » (Carmen, Zuniga)
  • Entr'acte (orchestre)

Acte 2 :

  • 12. Chanson bohême « Les tringles des sistres tintaient » (Frasquita, Mercédès, Carmen)
  • 12bis. Récit (Frasquita, Mercédès, Carmen, Zuniga)
  • 13. Chœur « Vivat ! Vivat le toréro ! » (Frasquita, Mercédès, Carmen, Moralès, Zuniga, Lillas Pastia, chœur d'hommes)
  • 14. Couplets « Votre toast, je peux vous le rendre » (Frasquita, Mercédès, Carmen, Escamillo, Moralès, Zuniga, Lillas Pastia, chœur d'hommes)
  • 14bis. Récit (Carmen, Escamillo, Zuniga)
  • 14ter. Sortie d'Escamillo
  • 14quat. Récit (Frasquita, Mercédès, Carmen, le Dancaïre)
  • 15. Quintette « Nous avons en tête une affaire ! » (Frasquita, Mercédès, Carmen, le Remendado, le Dancaïre)
  • 15bis. Récit (Carmen, le Remendado, le Dancaïre)
  • 16. Chanson « Halte-là ! Qui va là ? » (Frasquita, Mercédès, Carmen, José, le Remendado, le Dancaïre)
  • 16bis. Récit (Carmen, José)
  • 17. Duo « Je vais danser en votre honneur... La fleur que tu m'avais jetée... Non ! Tu ne m'aimes pas ! » (Carmen, José)
  • 18. Final « Holà ! Carmen ! Holà ! » (Frasquita, Mercédès, Carmen, José, le Remendado, le Dancaïre, Zuniga, chœur)
  • Entr'acte (orchestre)

Acte 3 :

  • 19. Sextuor et chœur « Écoute, compagnon » (Frasquita, Mercédès, Carmen, José, le Remendado, le Dancaïre, chœur)
  • 19bis. Récit (Carmen, José, le Dancaïre)
  • 20. Trio des cartes « Mêlons ! – Coupons ! » (Frasquita, Mercédès, Carmen)
  • 20bis. Récit (Frasquita, Carmen, le Dancaïre)
  • 21. Morceau d'ensemble « Quant au douanier, c'est notre affaire » (Frasquita, Mercédès, Carmen, le Remendado, le Dancaïre, chœur)
  • 22. Air « C'est des contrebandiers le refuge ordinaire... Je dis que rien ne m'épouvante » (Micaëla)
  • 22bis. Récit (Micaëla puis José, Escamillo)
  • 23. Duo « Je suis Escamillo, toréro de Grenade ! » (José, Escamillo)
  • 24. Final « Holà, holà, José ! » (Frasquita, Mercédès, Carmen, José, le Remendado, le Dancaïre, Escamillo, chœur puis Micaëla)
  • Entr'acte (orchestre)

Acte 4 :

  • 25. Chœur « À deux cuartos ! » (chœur puis Zuniga)
  • 26. Marche et chœur « Les voici, voici la quadrille... Si tu m'aimes, Carmen » (chœur puis Frasquita, Mercédès, Carmen, Escamillo)
  • 27. Duo et chœur final « C'est toi ! – C'est moi ! » (Carmen, José, chœur)

Quelques interprètes du rôle de Carmen

Célestine Galli-Marié qui créa le rôle en 1875[11].

Le rôle de Carmen est ambigu dans sa tessiture : en effet, il présente des exigences de mezzo-soprano autant que de soprano dramatique. De ce fait, de nombreuses sopranos comme des mezzos se sont attaquées à ce rôle très célèbre.

Ainsi, Maria Callas, dont la tessiture réelle suscite encore des doutes, a chanté le rôle ; des sopranos dramatiques ou lirico spinto ont également chanté Carmen, comme Victoria de los Angeles, Leontyne Price ou Julia Migenes-Johnson (qui a joué le rôle au cinéma, aux côtés de Placido Domingo[12]).

Enfin, quelques-unes des plus grandes Carmen étaient des mezzos-sopranos, comme Teresa Berganza, Elīna Garanča, Marilyn Horne, Nancy Fabiola Herrera, María José Montiel ou Béatrice Uria Monzon.

Influence

Nietzsche et Carmen

À la fin de sa vie, Friedrich Nietzsche s'éloigne de Richard Wagner, dont il considère les idées politiques bien trop arrêtées, lui préférant l'opéra Carmen[19].

Nietzsche ouvre son ouvrage Le Cas Wagner par une lettre de mai 1888. Il y loue Carmen, qu'il a écouté « pour la vingtième fois », l'écoute de l’œuvre de Bizet le rendant « plus philosophe, meilleur philosophe ». Il livre un commentaire très personnel de Carmen, et se montre très sensible à la partition. Ses éloges se font nombreux. Il écrit :

« Cette musique de Bizet me paraît parfaite. Elle approche avec légèreté, avec souplesse, avec politesse. […] Cette musique est cruelle, raffinée, fataliste : elle demeure quand même populaire. »

Son aveu « Bizet me rend fécond. Le Beau me rend toujours fécond » constitue peut-être l'un des plus vibrants compliments faits à l’œuvre de Bizet.

En France

  • Dans son roman L'amour à trois, Olivier Poivre d'Arvor décrit une grande fête organisée sur une île à la Saint-Jean le 24 juin, avec des acteurs récitant des passages de Nietzsche, interprétant des sonates et des lieder, chantant des airs de Patti Smith, de Led Zeppelin et de Carmen de Bizet, le tout dans une ambiance de haschich[20].
  • Dans En Camping-car, l'historien Ivan Jablonka écrit à propos de ses vacances dans les années 1980 et de l'atmosphère de liberté associée, que "la bande-son de nos années camping-car, c’est Carmen, tout particulièrement l’air du deuxième acte où la bohémienne tente d’entraîner le raisonnable don José"[21].

Discographie et vidéographie

Discographie

Videographie

Adaptations

Musique

Ballets

Cinéma

Films adaptant l'opéra et/ou la nouvelle :

Notes et références

  1. « Carmen de Georges Bizet - Vue globale - Ôlyrix », sur Olyrix.com (consulté le )
  2. Bruno Étienne, « Carmen ou Colomba ? », La pensée de midi n°4, (lire en ligne)
  3. « Carmen, l'amour d'aimer. », sur rebellyon.info (consulté le )
  4. Michael Christoforidis, Elizabeth Kertesz, Carmen and the Staging of Spain: Recasting Bizet's Opera in the Belle Epoque, 2019, p. 57-60
  5. Norman Lebrecht, Genius & Anxiety: How Jews Changed the World, 1847-1947, 2020, p. 70
  6. Revue Management & Avenir, no 9 2006/3
  7. Personnage qui n'existe pas dans l'œuvre originale de Prosper Mérimée et qui est destiné à faire contraste avec la sulfureuse Carmen vis-à-vis de la censure.
  8. « Toreador » est un mot qui n'existe pas vraiment dans la langue castillane, sauf rarement pour désigner un mauvais torero. Il existe les « toreros », l'ensemble des hommes qui participent au combat dans l'arène, et parmi eux les « matadors », chargés de tuer le fauve (du verbe matar, tuer).
  9. « Carmen », sur Wikisource
  10. « Carmen de Georges Bizet - Argument - Ôlyrix », sur Olyrix.com (consulté le )
  11. Bibliothèque-musée de l'Opéra de Paris.
  12. Voir sur guardian.co.uk.
  13. Elle a enregistré mais n'a jamais chanté le rôle sur scène.
  14. Elle a notamment participé à la production de Franco Zeffirelli aux arènes de Vérone en 2003.
  15. (en) « Elina Garanca stars in Richard Eyre's new production of Bizet's Carmen at the Metropolitan Opera », décembre 2009.
  16. Mathieu Gorse, « Scala: l'interprète de Carmen ovationnée, mais des sifflets pour la mise en scène », sur lepoint.fr, (consulté le )
  17. Interprète de Carmen 250 fois à l'Opéra Comique et 62 fois à l'Opéra Garnier, c'est elle qui tint ce rôle le plus souvent.
  18. Enregistrée en 1928 avec Georges Thill dans le rôle de Don José.
  19. Le Cas Wagner (lire sur Wikisource), partie 1.
  20. O. Poivre d'Arvor, L'amour à trois: roman, Grasset, 2015, Chap. 25
  21. I. Jablonka, En Camping-car, Seuil, 2018, p. 55
  22. Pierre Degott, « La tragédie de Carmen avec Anna Caterina Antonacci et Jonas Kaufmann », sur ResMusica, (consulté le )
  23. Pierre Barbaud, Correspondance, éditions Delatour France, 2013.
  24. La musique entre France et Espagne, par Louis Jambou, collection Musiques/Écritures, p.321.
  25. Cf. le film d’animation« Carmen, interprété par Stromae », sur TV5 Monde.
  26. « Carmen 63 », sur Internet Movie Database (consulté le )
  27. Bertrand Dicale, Jean Yanne, A Rebrousse-Poil, chap. 22 (« La clique Dassault-Yanne »)
  28. « Carmen », sur Internet Movie Database (consulté le )
  29. « Carmen », sur Internet Movie Database (consulté le )
  30. « Carmen », sur Internet Movie Database (consulté le )

Voir aussi

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