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Parastaseis syntomoi chronikai

Les Parastaseis syntomoi chronikai (en grec: Î Î±ÏÎ±ÏƒÏ„ÎŹÏƒÎ”Îčς ÏƒÏÎœÏ„ÎżÎŒÎżÎč Ï‡ÏÎżÎœÎčÎșαί; litt : « brĂšves notes historiques Â») est un ouvrage anonyme datant probablement du VIIIe siĂšcle et dĂ©crivant certaines places publiques de Constantinople et leur statuaire. Le texte, n’a Ă©tĂ© conservĂ© que par un manuscrit (Parisinus graecus gr. 1336) datant du XIe siĂšcle dont le texte est souvent corrompu et d’interprĂ©tation difficile[1]. En dĂ©pit de ses lacunes, ce bref texte jette un Ă©clairage intĂ©ressant sur la culture de cette pĂ©riode sombre de la littĂ©rature byzantine [2].

Contexte historique

SuccĂ©dant Ă  une pĂ©riode d’intense activitĂ© littĂ©raire (IIIe siĂšcle au VIe siĂšcle) au cours de laquelle, sous l’influence des PĂšres de l’Église grecque, s’était dĂ©veloppĂ©e une littĂ©rature chrĂ©tienne qui tentait d’établir une synthĂšse entre pensĂ©e chrĂ©tienne et pensĂ©e hellĂ©nistique, les VIIe siĂšcle et VIIIe siĂšcle constituent une pĂ©riode sombre de la vie de l’empire byzantin tant sur le plan intĂ©rieur (succession de plusieurs empereurs) qu’extĂ©rieur (invasions arabes, bulgares), oĂč la vie urbaine et l’éducation dĂ©clinent et avec elles l’utilisation de la langue et du style classiques. C’est aussi la pĂ©riode de l’iconoclasme oĂč de nombreuses Ɠuvres artistiques et littĂ©raires sont dĂ©truites et dont ne subsistent que celles favorables Ă  la vĂ©nĂ©ration des icĂŽnes[3] - [4]. Lui succĂ©dera Ă  partir du IXe siĂšcle une pĂ©riode de renouveau que l’on a appelĂ© la « Renaissance macĂ©donienne » ou « encyclopĂ©disme »[N 1], laquelle se distinguera moins par sa crĂ©ativitĂ© que par sa volontĂ© de rassembler, de copier et de structurer la culture hellĂ©no-chrĂ©tienne de l’antiquitĂ© tardive.

Les Parastaseis syntomoi chronikai annoncent dĂ©jĂ  cette pĂ©riode de « compilation » en tentant de dresser une liste de monuments et de statues que l’on pouvait encore trouver ou qui avaient jadis existĂ© Ă  Constantinople, en particulier les statues d’origine paĂŻenne auxquelles on attribuait un pouvoir malĂ©fique.

Elles s’apparentent Ă©galement Ă  ce que les Grecs appelaient « ekphrasis » (du grec ancien ጐÎșÏ†ÏÎŹÎ¶Î”ÎčÎœ`, litt : expliquer jusqu'au bout) qui Ă©tait une description dĂ©taillĂ©e d’une personne, d’un lieu ou d’un Ă©vĂšnement d’une maniĂšre vivace, comme la description que fait HomĂšre dans l’Iliade du bouclier d'Achille[5]. Toutefois, les Parastaseis syntomoi chronikai s’intĂ©ressent moins Ă  dĂ©crire cette statuaire ou Ă  en Ă©valuer le mĂ©rite artistique qu’à rassembler tĂ©moignages et anecdotes qui la concernent.

Auteurs et contenu

Lorsque Constantin Ier (r. 306 – 337) fonda Constantinople, il voulut que la Nouvelle Rome soit en tous points semblable Ă  l’Ancienne. Constantinople fut dotĂ©e d’un Capitole, d’un forum, d’un SĂ©nat, etc. et ornĂ©e de nombreuses statues provenant d’un peu partout dans l’empire. Les empereurs subsĂ©quents continuĂšrent cette pratique, les dĂ©pouilles de guerre rapportĂ©es de leurs conquĂȘtes contribuant Ă  cĂ©lĂ©brer leur propre gloire[6]. Ces statues servaient Ă©galement de lien avec les grandes figures du passĂ© : empereurs, conquĂ©rants, dieux et autres figures mythiques [7].

Auteurs

Tout indique que cette compilation fut le rĂ©sultat du travail d’un groupe de personnes de la haute sociĂ©tĂ© soucieuses de prĂ©server la mĂ©moire d’un hĂ©ritage en voie de disparition, peut-ĂȘtre sous la direction d’un personnage auquel on fait plusieurs fois allusion dans le texte sous le nom de « Philokalos »[8]. Toutefois, ce terme signifiant « amateur de beautĂ© » ne nous renseigne guĂšre sur l’identitĂ© du compilateur. Les auteurs se dĂ©crivent eux-mĂȘmes comme des « philosophes », c’est-Ă -dire un groupe de personnes instruites capables de comprendre la vraie nature et la signification d’Ɠuvres (notes 14, 28, 40, 64, 75) dont le sens Ă©chappait aux non-initiĂ©s (note 37, fin et 39, fin)[9].

Titre

Le titre Î Î±ÏÎ±ÏƒÏ„ÎŹÏƒÎ”Îčς ÏƒÏÎœÏ„ÎżÎŒÎżÎč Ï‡ÏÎżÎœÎčÎșαί est un extrait du livre et non le titre officiel devant coiffer les notes qui y sont rassemblĂ©es. Pour Cameron et Herrin, le nombre de rĂ©pĂ©titions que contient l’Ɠuvre, l’inclusion de lettres, sa structure et son style, de mĂȘme que le nombre de collaborateurs, pourraient suggĂ©rer qu’il s’agit plutĂŽt d’un « dossier d’information » que d’un texte achevĂ©[10].

Date de rédaction

Si certains chapitres de l’ouvrage peuvent ĂȘtre datĂ©s avec une certaine prĂ©cision, la date de compilation est tout aussi incertaine que l’identitĂ© du compilateur. Dans leur ouvrage, Averil Cameron et Judith Herrin plaident pour le dĂ©but du VIIIe siĂšcle[11]. Faisant la recension de ce livre, A. Kazhdan met plutĂŽt de l’avant la fin du VIIIe siĂšcle ou le dĂ©but du IXe siĂšcle [12]. La mention de Philippicus (711-713) indique que le texte ne peut ĂȘtre antĂ©rieur Ă  cette date; par ailleurs le fait qu’une bonne partie des Parastaseis syntomoi chronikai ait Ă©tĂ© reprise dans le Patria de Constantinople indique qu’il ne peut ĂȘtre postĂ©rieur au Xe siĂšcle.

Nombre de rĂ©fĂ©rences font allusion Ă  des Ă©vĂšnements qui se seraient produits « de notre temps », c’est-Ă -dire sous le rĂšgne de Constantin V (741 – 775). Ainsi Ă  la note 15 qui traite du Forum, il est indiquĂ© que trois des sirĂšnes dorĂ©es furent enlevĂ©es « par l’empereur de notre temps » pour ĂȘtre replacĂ©es prĂšs de Saint-Mamas, n’en laissant que quatre dans le Forum [13]. Faute de preuves concluantes, on doit se ranger Ă  l’avis de P. Speck qui croit que les textes constituant la version actuelle auraient vraisemblablement Ă©tĂ© rĂ©unis au cours du VIIIe siĂšcle[14].

Contenu

Les Parastaseis Syntomoi Chronikai se prĂ©sentent donc comme un recueil de notes sur divers lieux publics comme le Forum et l’Hippodrome en mettant l’accent sur les statues qui les ornaient ainsi que les anecdotes et lĂ©gendes s’y rapportant.

On pourrait y retrouver le plan suivant[15] :

  • Notes 1 Ă  26 : Informations diverses sur diffĂ©rents lieux regroupĂ©s plus ou moins selon leur localisation gĂ©ographique. La section comprend plusieurs rĂ©fĂ©rences aux Ariens (notes 1, 5d, 7, 8, 10). On y trouve de nombreuses rĂ©fĂ©rences Ă  des statues (notes 4, 5 a Ă  5 d, 6 Ă  8, 10 Ă  23, 26). Le but y est nettement didactique. La derniĂšre rĂ©fĂ©rence concerne LĂ©on III (717 – 741).
  • Notes 27 et 28 : La note 27 n’est que le titre de la note 28 constituĂ©e par un narratif Ă  la premiĂšre personne d’un certain ThĂ©odore qui en voyant une statue raconte comment, en tombant, celle-ci a tuĂ© son ami, le chartularius Himerius. La note est adressĂ©e Ă  un certain Philokalos et prĂ©vient des dangers attenants aux statues paĂŻennes. Elle prend place sous le rĂšgne de Philippicus (711 – 713).
  • Notes 29 Ă  36 : Une section sĂ©parĂ©e portant le titre « À nouveau, de ThĂ©odore le lecteur, Note brĂšve sur les femmes ». Elle trace une liste de statues d’impĂ©ratrices (et d’empereurs Ă  partir de la note 34), la derniĂšre allusion remontant au rĂšgne d’HĂ©raclĂšs (610 – 641). On y fait part des acclamations des Verts.
  • Notes 37 Ă  43 : Une section intitulĂ©e « Au sujet des spectacles », concernant cinq lieux particuliĂšrement intĂ©ressants. Elle est Ă  nouveau adressĂ©e Ă  Philokalos comme celui qui aurait encouragĂ© la production de l’Ɠuvre par ses demandes d’informations qui auraient Ă©tĂ© compilĂ©es par un certain Dioscorus. La derniĂšre allusion se rapporte au second rĂšgne de Justinien II (705 – 711).
  • Note 44 et 44a : Une section particuliĂšrement difficile Ă  interprĂ©ter attribuĂ©e Ă  un certain Papias, sans vĂ©ritable sujet.
  • Notes 45 Ă  59 : Une section dĂ©crivant l’activitĂ© de divers empereurs : LĂ©on Ier (45), Julien (46 – 49), Gratien (50), Valentinien (III ?) (51) et, dans un format lĂ©gĂšrement diffĂ©rent, Constantin (52 – 59). La note 56 concernant la statue de l’empereur sur le Forum peut ĂȘtre comparĂ©e Ă  celle que l’on retrouve Ă  la note 5, tout en Ă©tant diffĂ©rente.
  • Notes 60 Ă  65 : Une section consacrĂ©e Ă  l’Hippodrome et Ă  ses monuments. La note 61 rappelle l’empereur impie Justinien II (705 – 711) et la note 63 Ă  un moine qui y fut brulĂ© vif en raison de sa foi, la mention anachronique « de notre temps » Ă©tant peut-ĂȘtre une allusion Ă  l’iconoclasme.
  • Notes 66 Ă  89 : Tout comme la premiĂšre sĂ©rie de notes, cette section constitue une Ă©numĂ©ration Ă  fins didactiques de monuments et de places publiques, mais de façon plus brĂšve. On y trouve des descriptions de statues dans presque toutes ces notes, ainsi qu’une allusion Ă  un « portrait » de Philippicus (711 – 713) (note 82) et Ă  la restauration du port de Neorion par LĂ©on III (717 – 741) (note 72).

Les descriptions de ces statues sont extrĂȘmement sommaires spĂ©cifiant quelques fois de quelle matiĂšre est faite la statue lorsqu’il s’agit de mĂ©tal prĂ©cieux, d’ivoire ou de marbres rares. Quelques fois la reprĂ©sentation est qualifiĂ©e de « trĂšs fidĂšle Ă  l’original ». À l’occasion on spĂ©cifie sa provenance, surtout lorsqu’il s’agit de statues anciennes.

On trouve de nombreuses rĂ©pĂ©titions tant pour les statues que pour les endroits oĂč elles sont situĂ©es; le Forum et l’Hippodrome sont mentionnĂ©s deux fois, de mĂȘme que les tĂȘtes de Gorgone. Évidemment, concernant les statues, il peut Ă  l’occasion s’agir de copies, celles-ci ayant Ă©tĂ© nombreuses, mais il n’est jamais fait mention d’originaux ou de copies. Ainsi la statue d’HĂ©raclĂšs couchĂ©e est mentionnĂ©e Ă  la fois Ă  l’Amastrianum, Ă  l’Hippodrome et Ă  la Basilique[16].

Les anecdotes associĂ©es Ă  certaines de ces statues contiennent gĂ©nĂ©ralement des morales sous-jacentes sur le pouvoir malĂ©fique de certaines d’entre elles, surtout paĂŻennes, qui peuvent faire des prĂ©dictions sur l’avenir de la citĂ© et de ses empereurs, comme la note 64 rapportant un vif Ă©change entre l’empereur ThĂ©odose II et sept « philosophes » dont il ressort que toutes les statues importantes de l’Hippodrome ont une influence potentiellement malĂ©fique pour l’avenir de la CitĂ©. Seules toutefois des personnes Ă©clairĂ©es (appelĂ©es ici « philosophes » ou « amateurs de la connaissance ») sont Ă  mĂȘme d’en interprĂ©ter le sens et la portĂ©e [17].

Interprétation

En raison de leur caractĂšre obscur, les Parastaseis syntomoi chronikai ont Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©es diffĂ©remment par les spĂ©cialistes qui se sont penchĂ©s sur le dossier. Cyril Mango y voyait un genre de « guide touristique » sommaire de Constantinople[18] Ă  l’instar des guides plus tardifs de Rome comme le Mirabilia urbis Romae (vers 1140) ou le De mirabilibus urbis Romae (milieu du XIIe siĂšcle). Si tel Ă©tait le cas, il s’agit d’un guide extrĂȘmement confus. Constantinople y est prĂ©sentĂ©e comme une ville offrant des places spacieuses dont certaines tels le Forum, le Xerolophos, la Basilique, le Kynegion, l’Hippodrome et le Milion richement dĂ©corĂ©es, mais n’offrant aucune indication spĂ©cifique sur l’emplacement de ces statues Ă  l’intĂ©rieur de la place publique ni sur la disposition de ces places Ă  travers la ville [19].

Cameron et Herrin y voient plutĂŽt les efforts d’un groupe de citoyens fortunĂ©s, certains d’entre eux hauts-fonctionnaires, vivant Ă  une Ă©poque oĂč ils constatent la dĂ©cadence de leur ville et qui cherchent Ă  en prĂ©server la mĂ©moire en dĂ©chiffrant les traces de son passĂ© Ă  travers ses grandes places, monuments et statuaire. Dans un monde oĂč les livres Ă©taient rares et chers, ils devaient se fier Ă  leur mĂ©moire collective et Ă  ce qu’en rapportaient leurs amis pour dĂ©crire non seulement des statues depuis longtemps disparues, mais Ă©galement d’autres qu’ils ne pouvaient voir de leurs propres yeux mais qui Ă©taient associĂ©es Ă  l’histoire des monuments et places publiques de leur ville[2].

Selon le « Oxford Dictionary of Byzantium”, (1991) on devrait y voir un pamphlet politique dirigĂ© contre le culte de Constantin le Grand qui s’était dĂ©veloppĂ© Ă  l’époque des empereurs iconoclastes. Alexander Kazhdan en veut comme preuve l’anachronisme citant HĂ©rodote comme source de l’attribution Ă  Constantin du meurtre de son fils Constantin alors que c’est Crispin qui fut tuĂ©. De la mĂȘme façon le pouvoir malĂ©fique attribuĂ© aux statues paĂŻennes devrait ĂȘtre opposĂ© au pouvoir bĂ©nĂ©fique des icĂŽnes chrĂ©tiennes orthodoxes[1].

Liz James interprĂšte le texte comme un exemple de la maniĂšre dont les Byzantins croyaient que des daimones habitaient ces objets en trois dimensions et comment, en y ajoutant des symboles chrĂ©tiens, comme les croix au-dessus des tĂȘtes de Gorgone (note 78), on pouvait en conjurer le mauvais sort[20] - [21]. Plus prĂšs de nous, Benjamin Anderson y voyait la tentative d’un groupe d’aristocrates de voir dans ces statues les dĂ©positaires d'une connaissance occulte sur l’avenir de l’empire et, ainsi, de pouvoir mieux faire pression sur les empereurs du huitiĂšme siĂšcle [22].

Essayant de comprendre la façon dont les Byzantins du mĂȘme siĂšcle se reprĂ©sentaient les liens qui unissaient leur culture Ă  celle du fondateur de Constantinople et au-delĂ  de lui Ă  l’AntiquitĂ© dont provenaient tant de statues qui ornaient leur ville, Calum Samuelson montre comment la popularitĂ© croissante du christianisme modifia la conception que ceux-ci se faisaient de leur histoire, mais que celle-ci n’était pas uniforme dans tous les secteurs de la sociĂ©tĂ© et que la comprĂ©hension de l’antique statuaire pouvait varier selon les personnes [23].

Transmission

Le texte n’a Ă©tĂ© prĂ©servĂ© que dans un seul manuscrit du XIe siĂšcle, le Parisianus gr. 1336. Une bonne partie de ce manuscrit est retranscrit et parfois Ă©laborĂ© dans deux textes plus tardif : le Patria[N 2] de Constantinople, collection de textes sur l'histoire et les monuments de Constantinople rassemblĂ©s en un recueil Ă  la fin du Xe siĂšcle, ainsi que dans un texte anonyme publiĂ© par M. Treu et appelĂ©, faute de mieux, l’ « Anonyme de Treu » (Parisianus suppl. gr. 607a) [24]. Ces deux textes sont relativement clairs et simples, permettant Ă  l’occasion d’élucider certains passages particuliĂšrement obscurs ou difficiles des Parastaseis syntomoi chronikai.

Quelques siÚcles plus tard les Parastaseis syntomoi chronikai servirent de source à Nicétas ChoniatÚs pour la rédaction de son petit pamphlet « Des statues détruites par les Latins » concernant la destruction de Constantinople par les croisés de la QuatriÚme Croisade en 1204 [25].

Le texte fut publiĂ© au dĂ©but du XXe siĂšcle par T. Preger dans son Ă©dition des Scriptores Originum Constantinopolitanarium (Leipzig, vol. I en 1901 et vol. 2 en 1907). Sa publication toutefois ne gĂ©nĂ©ra pas un grand intĂ©rĂȘt parmi les chercheurs de l’époque, la qualitĂ© de la langue Ă©tant trop pauvre pour justifier l’attention des linguistes et son contenu trop fantaisiste pour attirer celle des historiens[26].

Le renouveau méthodologique des études historiques au cours des derniÚres décennies et une nouvelle édition du texte par A. Cameron et J. Herrin en 1984 sous le titre « Constantinople in the Early Eighth Century : The Parastaseis Syntomoi Chronikai » a permis de jeter un nouveau regard sur ce qui reste le seul texte de littérature séculiÚre que nous possédions de cette période sombre de la littérature byzantine.

Langue

Le texte du manuscrit prĂ©sente de nombreuses difficultĂ©s tant sur le plan linguistique que d’interprĂ©tation.

Une des principales difficultĂ©s est le fait que quelques fois un mot peut ĂȘtre employĂ© avec des significations diffĂ©rentes alors qu’un concept peut ĂȘtre rendu par plusieurs mots. Ainsi le terme « stĂšle » peut dĂ©signer soit une statue, soit une image, soit un monument. À l’inverse, le concept de « statue » peut ĂȘtre rendu par de nombreux termes : eikon, zodion, agalma, eidolon, stoicheon, homoioma, etc. L’absence d’autres textes de littĂ©rature sĂ©culiĂšre de la mĂȘme pĂ©riode rend difficile la comparaison avec d’autres sources.

L’Ɠuvre semble ĂȘtre le fait de gens ayant reçu une certaine Ă©ducation et qui, ayant des prĂ©tentions littĂ©raires, cherchent Ă  atteindre une qualitĂ© de style dont ils n’ont qu’une connaissance approximative, leur culture se limitant d’aprĂšs les lectures qu’ils citent Ă  quelques textes ecclĂ©siastiques. Il en rĂ©sulte ce que Browning a appelĂ© « un style sous-littĂ©raire
 reprĂ©sentant un compromis bancal entre un idĂ©al puriste et la langue populaire[27] ». La recherche du terme « technique » inconnu ailleurs et de la construction alambiquĂ©e rĂ©sulte en un style obscur et difficile Ă  comprendre. La grammaire est hasardeuse changeant constamment le sujet de la phrase, multipliant les gĂ©rondifs absolus comme charniĂšres entre les phrases et utilisant des participes lĂ  oĂč un verbe principal serait requis. Curieusement c’est lĂ  oĂč le texte devrait ĂȘtre le plus simple, par exemple dans les directions, qu’il devient le plus pĂ©nible Ă  interprĂ©ter (notes 16, 33, 44a). Ainsi, alliant constructions tarabiscotĂ©es, vocabulaire ampoulĂ© et style prĂ©tentieux et affectĂ©, le texte loin d’atteindre un niveau de langue sophistiquĂ© ne dĂ©montre que l’incapacitĂ© de ses auteurs Ă  s’exprimer de la maniĂšre Ă©lĂ©gante utilisĂ©e par les anciens Grecs[28].

IntĂ©rĂȘt historique

En dĂ©pit de tous leurs dĂ©fauts, les Parastaseis syntomoi chronikai demeurent un texte important ne serait-ce que parce qu’il demeure l’un des seuls textes que nous possĂ©dons en dehors de la littĂ©rature ecclĂ©siastique pour cette pĂ©riode de la littĂ©rature byzantine.

Il nous permet Ă©galement de mieux comprendre la conception qu’un certain groupe de citoyens du VIIe siĂšcle se faisait de leur citĂ©. Quelle idĂ©e ces citoyens d’une ville devenue chrĂ©tienne se faisaient du passĂ© paĂŻen de leur ville. Comment ils interprĂ©taient ce passĂ© sans l’aide d’une documentation accessible de nos jours, mais Ă  laquelle ils n’avaient pas accĂšs. Pour eux, vivant un demi-millĂ©naire plus tard, le fondateur de leur citĂ©, Constantin le Grand, Ă©tait devenu Ă  la fois mythe et lĂ©gende et ce qu’ils retrouvaient de ce passĂ© Ă©tait objet de mystĂšre, d’anxiĂ©tĂ© et de superstition. Et la crainte qu’ils Ă©prouvaient Ă  l’endroit des pouvoirs cachĂ©s attribuĂ©s Ă  ces statues alimentait les querelles de leur siĂšcle sur la question des statues et images, en particulier de celles possĂ©dant un caractĂšre religieux[2].

Bibliographie

  • (en) Anderson, B. « Classified Knowledge : The Epistemology of Statuary in the Parastaseis Syntomoi Chronikai” (dans) Byzantine and Modern Greek Studies, 35, 2011 pp. 1-19.
  • (en) Bassett, S. Urban Image of Late Antique Constantinople, Cambridge, 2004. en ligne.
  • (en) Berger, A. (trad.). Accounts of Medieval Constantinople: The Patria. Cambridge (Mass), Dumbarton Oaks Medieval Library, 2013, vol. XXIV. (ISBN 978-0-674-72481-5).
  • (en) Cameron, Averil & Judith Herrin. Constantinople in the Early Eighth Century: The Parastaseis Syntomoi Chronikai, Leyde, Brill, 1984. partiellement en ligne dans Google books (comprend le texte grec et sa traduction en anglais).
  • (fr) Dragon, G. Constantinople imaginaire : Ă©tudes sur le recueil des Patria. Paris, Presses Universitaires de France, 1984. (ISBN 978-2130385813).
  • (en) James, Liz & Ruth. Webb. « To understand ultimate things and enter secret places: Exphrasis and art in Byzantium”. Art History 14, 1991. pp. 1-17.
  • (en) James, Liz. “Pray Not to Fall into Temptation and Be on Your Guard”: Pagan Statues in Christian Constantinople” (dans) Gesta 35, 1, 1996, pp. 12-20.
  • (en) Kazdhan, Alexander (ed.) The Oxford Dictionary of Byzantium. Oxford, Oxford University Press, 1991, (ISBN 0-19-504652-8).
  • (en) Kazdhan, Alexander. Recension du livre de Cameron & Herrin. (dans) Byzantinische Zeitschrift, 80, (1987), pp. 400-403.
  • (en) Mango, Cyril. “Antique Statuary and the Byzantine Beholder” (in) Dumbarton Oak Papers, 17 (1963) pp. 53-75.
  • (en) Samuelson, Calum. The Parastaseis Syntomoi Chronikai and Eight-Century Constantinopolitan Perceptions of Antiquity. Darwin College, Cambridge. en ligne
  • (de) Speck, P. « War Bronze ein Knappes Metal? Die Legende von dem Stier auf dem Bus in den Parastaseis’ 42”, Hellenika, 39 (1988) p. 6.
  • (fr) Vogt, Albert. Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, Le livre des CĂ©rĂ©monies, Commentaire (Livre 1), Paris, Les Belles Lettres, 1967.

Notes et références

Notes

  1. Terme proposĂ© par Lemerle comme Ă©tant plus prĂ©cis que l’expression « Renaissance macĂ©donienne ».
  2. Le mot grec Ï€ÎŹÏ„ÏÎčα signifie « hĂ©ritage ancestral »

Références

  1. Kazdhan (1991), « Parastaseis Syntomoi Chronikai » vol. 3, p. 1586
  2. Cameron & Herrin (1984) Préface
  3. Kazhdan (1991), vol. 2, « Literature », pp. 1234-1237
  4. « La littérature byzantine » dans Imago Mundi, Encyclopédie gratuite en ligne.
  5. James & Webb (1991) p. 1
  6. Basset (2004) p. 13
  7. Samuelson (2016) p. 6
  8. Cameron & Herrin (1984), p. 1
  9. Cameron & Herrin (1984) p. 13
  10. Cameron & Herrin (1984) Introduction, p. 1
  11. Cameron & Herrin (1984), « Introduction. v The date of the Parastaseis », pp. 17-29
  12. Kazhdan (1987) pp. 400-403
  13. Cameron & Herrin (1984) p. 23
  14. Speck, (1988) p. 6
  15. ProposĂ© par Cameron & Herrin (1984) pp. 9 Ă  13 oĂč les notes sont appelĂ©es « chapitres »
  16. Cameron & Herrin (1984) pp. 51-52
  17. Cameron & Herrin (1984) p. 31
  18. Mango (1963) p. 60
  19. Cameron & Herrin (1984) p. 52
  20. James (1996) pp. 15
  21. James & Webb (1991) pp. 1-17
  22. Anderson (2011) pp. 1-19
  23. Samuelson (2016) « Conclusion », p. 16
  24. Cameron & Herrin (1984) p. 5
  25. Voir Cyril Mango, (1963) pp. 55-59
  26. Paolo Odorico, Invitation à une conférence sur « From collecting to inventing texts in the Byzantine Middle Ages », 24 janvier 2013. [en ligne] http://byzance.ehess.fr/document.php?id=89.
  27. R. Browning, Medieval and Modern Greek, London, 1969, p. 61
  28. Cameron & Herrin (1984) p. 15

Voir aussi

Liens internes

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