Amastrianum
LâAmastrianum (en latin : AmastriĂĄnum, en grec : ÏÎŹ ÎΌαÏÏÏÎčÎ±ÎœÎżáżŠ) Ă©tait une place publique de la citĂ© de Constantinople, aujourdâhui Istanbul (en Turquie). Important marchĂ© aux chevaux, utilisĂ©e Ă©galement pour les mutilations publiques et les exĂ©cutions, elle disparut complĂštement aprĂšs la chute de lâEmpire byzantin.
Emplacement
On ignore lâemplacement prĂ©cis de cette place publique. Dans son De Ceremoniis, Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte (r. 913 - 959) cite lâAmastrianum comme lâun des arrĂȘts de la procession ayant lieu Ă la fĂȘte de lâAscension[1]. Il situe cette septiĂšme « rĂ©ception » ou rencontre entre celle ayant lieu au forum du BĆuf oĂč il recevait le domestique des excubites et la huitiĂšme rĂ©ception se dĂ©roulant au Philadelphion. Ă lâAmastrianos, il recevait les hommages du domestique des Scholes.
Câest Ă cet endroit que la MesÄ, principale artĂšre de Constantinople, se sĂ©parait en deux branches, lâune allant vers la porte DorĂ©e, lâautre vers la porte de Charisios[2].
On peut donc situer lâAmastrianum dans la vallĂ©e oĂč coule le ruisseau Lycus, entre la septiĂšme et la troisiĂšme colline de Constantinople, Ă mi-chemin entre ce qui sont de nos jours les quartiers ĆehzadebaĆı and Aksaray[3]. Toutefois, une autre source la situe dans la plaine au sud des pentes de la quatriĂšme colline de Constantinople, plus ou moins lĂ oĂč de nos jours les rues AtatĂŒrk Caddesi et ĆehzadebaĆı Caddesi se croisent[4]. Quoi quâil en soit, sur le plan administratif, elle faisait partie de la IXe rĂ©gion de Constantinople[5].
Histoire
Aucune source byzantine ne donne prĂ©cisĂ©ment Ă lâAmastrianum le qualificatif de « forum »[N 1]; toutefois, le contexte indique clairement quâil sâagissait dâune place publique, possiblement situĂ©e Ă la jonction des deux branches de la MesÄ[6]. LâAmatrianum nâest donc pas gĂ©nĂ©ralement inclus parmi les quatre forums qui sâalignaient le long de la MesÄ, Ă partir du Milion : forum de Constantin, forum de ThĂ©odose, forum du BĆuf et forum dâArcadius.
Son nom dĂ©rive de la ville dâAsmara[7] (aujourdâhui Amasra) en Paphlagonie (rĂ©gion cĂŽtiĂšre de la mer Noire en Anatolie), soit quâun citoyen de cette ville soit venu Ă Constantinople et y ait Ă©tĂ© assassinĂ©, soit parce quâil sâagissait dâune place oĂč lâon exĂ©cutait les criminels, les Paphlagoniens ayant une rĂ©putation dâassassins[6]. Selon la Patrologia latina[N 2] on trouvait sur le square deux statues, lâune dâun Paphlagonien, lâautre de son esclave, toutes deux continuellement couvertes dâordures et dâexcrĂ©ments[6]. Le quartier jouissait en effet dâune mauvaise rĂ©putation et les exĂ©cutions publiques y Ă©taient frĂ©quentes. Câest lĂ que Michel III (r. 842 â 867) fit bruler les restes exhumĂ©s de lâempereur iconoclaste Constantin V Copronyme (r. 741 â 775) et que Basile le MacĂ©donien (r. 867 -886) fit bruler les esclaves responsables dâavoir assassinĂ© leur maitre. En 932, Romain Ier LĂ©capĂšne y condamna au bucher Basile Main-de-Cuivre, chef rebelle qui avait pris lâidentitĂ© de lâusurpateur Constantin Doukas et qui avait menĂ© une rĂ©bellion en Bithynie dans les annĂ©es 920.
LâAmastrianum Ă©tait aussi reconnu comme le principal marchĂ© aux chevaux de Constantinople [8].
Architecture
La place devait ĂȘtre de forme rectangulaire[3]. Elle Ă©tait ornĂ©e de plusieurs statues paĂŻennes dont une de Zeus reprĂ©sentĂ© en HĂ©lios et une dâHĂ©raclĂšs endormi[3]. On y trouvait Ă©galement des groupes reprĂ©sentant des tortues et des oiseaux ainsi que seize statues de canards. Elle Ă©tait entourĂ©e dâune ceinture de marbre dont les petites colonnes Ă©taient surmontĂ©es de croissants. Cette ornementation plutĂŽt Ă©trange, ainsi que le fait que sây dĂ©roulaient des exĂ©cutions publiques, avait fait naitre dans la population la croyance que lâAmastrianum Ă©tait habitĂ©e par des dĂ©mons[3]. DâaprĂšs la Parastaseis syntomoi chronikai, ensemble de textes datant des VIIIe siĂšcle et IXe siĂšcle contenant de brefs commentaires sur la topographie de Constantinople et de ses monuments, spĂ©cialement sur ses sculptures grecques classiques, se trouvait sur cette place un monument appelĂ© Modion (en grec : ÎÏÎŽÎčÎżÎœ)[9]. SituĂ© devant la demeure dâun certain Krateros, cet Ă©difice Ă plan centrĂ© et surmontĂ© dâune pyramide abritait un exemplaire dâargent du « modius », la plus volumineuse unitĂ© de mesure romaine pour marchandise sĂšche utilisĂ©e surtout dans le commerce des cĂ©rĂ©ales[N 3] . Cet exemplaire devait servir dâunitĂ© de base pour ce mĂȘme genre dâunitĂ© partout Ă travers lâEmpire byzantin[9]. Sur la façade de ce monument on pouvait voir deux mains humaines en bronze fichĂ©es sur des lances[3]. Elles devaient servir Ă prĂ©venir les marchands de blĂ© de ne pas utiliser de fausses mesures, les coupables voyant leur main droite amputĂ©e, comme il arriva au Ve siĂšcle lorsque deux marins furent accusĂ©s dâavoir fraudĂ© lâempereur en lui vendant des cĂ©rĂ©ales[9]. Cette place avait Ă©tĂ© choisie pour y mettre ce monument, car elle Ă©tait Ă proximitĂ© des dĂ©pĂŽts de blĂ© dits « Ă©gyptien » et de « ThĂ©odose », tous deux situĂ©s Ă proximitĂ© du port dâĂleuthĂ©rios[10]. Le Modion avait Ă©tĂ© Ă©rigĂ© par lâempereur Valentinien Ier (r. 364 â 375) qui avait officialisĂ© cette unitĂ© de mesure Ă Constantinople[3]. Lâempereur Ă©tait du reste reprĂ©sentĂ© sous la voute du monument tenant une de ces mesures. Toutefois, au cours des ans, la fonction originelle des mains de bronze avait disparu; la place nâen resta pas moins un lieu de punition des criminels, notamment par mutilation[3].
Bibliographie
Source primaire
- Constantin VII PorphyrogénÚte. Le livre des cérémonies. vol. 1, ainsi que Commentaires, vol. 1. Paris, Les Belles-Lettres, 1967.
Sources secondaires
- (fr) Janin, Raymond. Constantinople Byzantine (2 ed.). Paris, Institut français d'études byzantines, 1964. ISSN 0402-8775.
- (en) Mamboury, Ernest. The Tourists' Istanbul. Istanbul. Ăituri Biraderler Basımevi, 1953.
- (de) MĂŒller-Wiener, Wolfgang. Bildlexikon zur Topographie Istanbuls: Byzantion, Konstantinupolis, Istanbul bis zum Beginn d. 17 Jh. TĂŒbingen, Wasmuth, 1977. (ISBN 978-3-8030-1022-3).
- (en) Necipoglu, Nevra. "Byzantine Constantinople: Monuments, Topography and Everyday Life". Leiden, Brill, 2001. (ISBN 978-9-004-11625-2).
- (en) Sumner-Boyd, Hillary & John Freely "Strolling through Istanbul, a guide to the city", Blumsberry, 2019 (ISBN 978-1-838-60002-0).
- (en) Van Millingen, Alexander. Byzantine Churches of Constantinople. London, MacMillan & Co, 1912. Reprint: e-Kitap Projesi & Cheapest books, 2015. (ISBN 978-15-0771-8223).
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Amastrianum » (voir la liste des auteurs).
Notes
- Certains ouvrages comme lâOxford Dictionary of Byzantium emploient le terme dans certains articles [Constantinople, monuments of, vol. 1, p. 517], mais lâexcluent dans les cartes de la ville [Map of Constantinople, vol. 1, p. 509]
- Collection majeure de textes du christianisme primitif, de l'AntiquitĂ© tardive et du Moyen Ăge, contenant les Ă©crits des PĂšres de lâĂglise et dâauteurs ecclĂ©siastiques, publiĂ©e par Jacques-Paul Migne entre 1844 et 1855.
- La mesure Ă©quivalait Ă 2 2â3 congii ou Ă 8.73 litres.
Références
- De Ceremoniis, livre I, chap. 8.
- De Ceremoniis, Commentaires, chap. 8.
- Janin (1964) p. 69
- Mamboury (1953) p. 73
- Mamboury (1953) p. 67
- Janin (1964) p. 68
- Kazdhan (1994) vol. 1, « Amastris », p. 74
- Janin (1964) p. 95
- Janin (1964) p. 104
- Janin (1964) p. 55
Voir aussi
Liens internes
Lien externe
- Time Line Project. « Timeline Travel - Milion, Mese, Fora, Monumental Columns in Constantinopleâ. YouTube, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=EL9AaGB1WX0&t=221s.