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Philadelphion

Philadelphion (en grec : ΊÎčλαΎέλφΔÎčÎżÎœ) Ă©tait le nom donnĂ© Ă  Constantinople (aujourd’hui Istanbul, en Turquie) Ă  une place publique situĂ©e sur la Mesē, lĂ  oĂč celle-ci se sĂ©parait en deux tronçons, l’un allant vers le nord, l’autre vers le sud. Cette place Ă©tait considĂ©rĂ©e comme le centre (mesomphalos) gĂ©ographique de la Constantinople byzantine. Entre autres statues cĂ©lĂšbres, on y retrouvait celle des quatre tĂ©trarques, aujourd’hui Ă  Saint-Marc de Venise.

Carte de Constantinople. La place Philadelphion Ă©tait situĂ©e entre le forum de ThĂ©odose et le forum du BƓuf.

Emplacement

Partie du Milion, la MĂ©sĂš (en grec áŒĄ Μέση [ᜈΎός], litt. « rue centrale ») passait par le forum de ThĂ©odose avant de se sĂ©parer en deux tronçons : l’un se dirigeant vers le nord longeant les quatriĂšme, cinquiĂšme et sixiĂšme collines de Constantinople vers la porte de Charisius (correspondant aux actuels quartiers de ƞehzadebaƟi et Fatih); l’autre se dirigeant vers le sud-ouest parallĂšlement Ă  la mer de Marmara et aboutissant Ă  la porte d’Or (quartiers actuels de CerrahpaƟa, Aksaray et Yedikule). L’embranchement oĂč ces deux routes se sĂ©paraient formait une petite place appelĂ©e Philadelphion, laquelle Ă©tait considĂ©rĂ©e comme le centre (mesomphalos) de la citĂ©. Selon les recherches de Cecil Striker, la place aurait Ă©tĂ© situĂ©e Ă  une centaine de mĂštres de ce qui est aujourd’hui la mosquĂ©e LĂąleli et probablement au sud de Belediye Sarayı (tr) (hĂŽtel de ville)[1].

Histoire

La triade capitoline (musée de Guidonia).

Selon la Parastaseis syntomoi chronikai[N 1], ce qui allait devenir la place Philadelphion Ă©tait connu sous le nom de « Proteichisma» ou « avant-murs » et aurait Ă©tĂ© le site d’une porte dans un mur construit sous l’empereur Carus (r. 283 – 284)[2]. Raymond Janin pour sa part a Ă©mis l’hypothĂšse qu’il s’agissait d’un mur extĂ©rieur de dĂ©fense protĂ©geant celui Ă©rigĂ© par Septime SĂ©vĂšre (r. 193 - 211) lors de la reconstruction de Byzance, donnant Ă  croire que l’agglomĂ©ration s’était dĂ©jĂ  Ă©tendue au-delĂ  du mur de SĂ©vĂšre[3].

C’est sur cette place que devait se situer le Capitolium, Ă©difice Ă©rigĂ© semble-t-il par Constantin Ier[4]. Le terme devait alors dĂ©signer un temple sur le modĂšle de la Triade capitoline. Servant de temple paĂŻen ou semi-paĂŻen Ă  l’origine, sa vocation dut ĂȘtre modifiĂ©e par la suite, car on sait qu’une croix monumentale surplombant une colonne ou un pilier devant le temple fut renversĂ©e lors d’une tempĂȘte en 407 et fut par la suite restaurĂ©e. Un fragment de la base en marbre blanc de cet obĂ©lisque fut dĂ©couvert dans les annĂ©es 1930 immĂ©diatement Ă  l’ouest de la mosquĂ©e LĂąleli. Selon la Parastaseis, la colonne aurait Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e par Constantin pour commĂ©morer la vision qu’il avait eue d’une croix descendue du ciel Ă  cet endroit; des Ă©tudes rĂ©centes ont montrĂ© toutefois que le monument est d’une date postĂ©rieure et aurait plutĂŽt commĂ©morĂ© la dĂ©couverte de la Sainte Croix par sa mĂšre, HĂ©lĂšne[5]. En 425, cet Ă©difice fut transformĂ© en une acadĂ©mie et les petits commerces situĂ©s dans les absides (exedrae) furent fermĂ©es[4]. Le capitolium n’est plus mentionnĂ© dans les sources par la suite, mais dut exister probablement en ruines, pendant plusieurs siĂšcles[6].

Architecture

Le groupe des TĂ©trarques, intĂ©grĂ© dans l’un des coins de la basilique Saint-Marc, Ă  la « Porta della Carta ».
Détail de la figure de deux des tétrarques, probablement un auguste et son césar.

Nous ignorons comment se prĂ©sentait l’espace situĂ© Ă  cet embranchement. On sait cependant que devant le capitolium se trouvaient plusieurs colonnes de porphyre surmontĂ©es par des statues. Leur dĂ©coration permet de croire que ces colonnes Ă©taient des spolia et appartenaient auparavant au palais de l’empereur DioclĂ©tien (r. 284-305) Ă  NicomĂ©die (Izmit)[6]. Toujours selon la Parastaseis, on y aurait trouvĂ© des statues de Constantin Ier (r. 306 – 337), de sa mĂšre HĂ©lĂšne ainsi que de ses fils, assis sur des trĂŽnes, autour de l’imposante colonne de porphyre carrĂ©e, surmontĂ©e d’une croix dorĂ©e mentionnĂ©e plus haut[7], de mĂȘme que des statues de Julien (r. 361 – 363) et de son Ă©pouse appelĂ©e Anastasia par erreur dans la Parastaseis. Il se pourrait qu’il se soit agi de la sƓur de Constantin qui s’appelait Anastasia[8]. Enfin, la Patria de Constantinople[N 2], autre collection de textes sur les monuments de Constantinople, on y aurait aussi trouvĂ© les statues des deux fils de Constantin assis sur des trĂŽnes et faisant face Ă  la colonne. Ces statues auraient survĂ©cu jusqu’au dĂ©but du XVe siĂšcle et Ă©taient communĂ©ment appelĂ©es « les Vrais Juges »[9].

La mieux connue de ces statues est un groupe comprenant deux statues de porphyre juxtaposĂ©es formant un coin, appelĂ© « les TĂ©trarques », groupe qui devait par la suite donner son nom Ă  la place, « Philadelphion » (litt : Place de l’amour fraternel). Le groupe fut probablement rĂ©alisĂ© en Asie aprĂšs la crĂ©ation de la tĂ©trarchie par l’empereur DioclĂ©tien en 293 et reprĂ©sente quatre personnages, se donnant l’accolade deux Ă  deux. On discute encore de l’identitĂ© de ces quatre personnages; il est toutefois raisonnable de croire que l’un des deux groupes reprĂ©sente l’Auguste et le CĂ©sar d’Occident, l’autre l’Auguste et le CĂ©sar d’Orient [10]. On peut aussi penser qu’ils reprĂ©senteraient le concept de la TĂ©trarchie et de son unitĂ©, plutĂŽt que des portraits personnels, les personnages n’ayant pas de traits physiques distinctifs, sauf que les deux personnes portant la barbe sont probablement les Augustes, alors que ceux qui n’en portent pas seraient les deux CĂ©sars.

Toutefois, selon la Parastaseis, le groupe reprĂ©senterait la rencontre entre les trois fils de Constantin aprĂšs la mort de celui-ci en 337 et leur accolade scellant une entente entre eux, donnant ainsi Ă  la place le nom de place « de l’amour fraternel ». Comme il n’y eut d’autre rencontre entre les frĂšres que briĂšvement en Pannonie, il est possible que la Parastaseis se rĂ©fĂšre en fait Ă  une statue de trois personnages perdue en mer sous le rĂšgne de ThĂ©odose II (r. 408 – 450) et qui reprĂ©sentait Constantin et ses deux fils, Constant et Constance[11]. Toutefois, comme le soulignent les commentateurs de la Parastaseis, les divergences existant entre ce groupe de personnages et la description qu’elle en fait sont trop importantes pour que l’on soit certain de quel groupe il s’agit[12].

En 1948, Paolo Verzone dĂ©montra que ce groupe appelĂ© « les TĂ©trarques »[13], que l’on trouve maintenant Ă  un angle de la cathĂ©drale, intĂ©grĂ© Ă  la porta della Carta, provenait bien de Constantinople dont elle aurait Ă©tĂ© rapportĂ©e par les VĂ©nitiens en 1204. L’identification fut corroborĂ©e par la dĂ©couverte du talon manquant de l’un des tĂ©trarques (voir la diffĂ©rence de matĂ©riaux dans l'image du groupe de Saint-Marc) et de la base sur laquelle il repose lors de fouilles au Myrelaion (aujourd’hui MosquĂ©e Bodrum)[14] - [N 3].

Notes et références

Notes

  1. La Parastaseis syntomoi chronikai (en grec :Î Î±ÏÎ±ÏƒÏ„ÎŹÏƒÎ”Îčς ÏƒÏÎœÏ„ÎżÎŒÎżÎč Ï‡ÏÎżÎœÎčÎșαί, litt: "BrĂšves notes historiques") est un texte byzantin du VIIIe siĂšcle donnant de brefs commentaires sur la topographie de Constantinople et de ses monuments, en particulier sur les statues grecques qui s’y trouvaient. Il ne s’agit pas de descriptions objectives, mais plutĂŽt d’anecdotes historiques ou lĂ©gendaires se rapportant Ă  ces objets.
  2. Les Patria de Constantinople (en grec : Î ÎŹÏ„ÏÎčα ÎšÎżÎœÏƒÏ„Î±ÎœÏ„ÎčÎœÎżÏ…Ï€ÏŒÎ»Î”Ï‰Ï‚) sont une collection d'origine byzantine de textes d’origine diverses sur l'histoire et les monuments de Constantinople rassemblĂ©s en un recueil Ă  la fin du Xe siĂšcle; tout comme ceux de la Parastaseis, il faut les interprĂ©ter avec prudence car la fiction s’y mĂȘle souvent Ă  la rĂ©alitĂ©.
  3. Ce talon et la base qui le supporte sont aujourd’hui au musĂ©e archĂ©ologique d’Istanbul.

Références

  1. Striker (1981) p. 7.
  2. Cameron et Herrin 1984, p. 131.
  3. Janin (1964) pp. 19-20.
  4. Mango (2000) p. 177.
  5. Cameron et Herrin 1984, p. 135 et 247.
  6. (en) « Capitolium and Philadelphion », Byzantium 1200.
  7. Cameron et Herrin 1984, p. 135.
  8. Cameron et Herrin 1984, p. 151, 153 et 266.
  9. Cameron et Herrin 1984, p. 247.
  10. Reese (1993), p. 183.
  11. Cameron et Herrin 1984, p. 151 et 265-266.
  12. Cameron et Herrin 1984, p. 265.
  13. Verzone (1958) pp. 8 -14.
  14. Striker (1981) pp. 1, 29.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte. Le livre des cĂ©rĂ©monies. vol. 1, ainsi que Commentaires, vol. 1. Paris, Les Belles-Lettres, 1967.
  • (en) Averil Cameron et Judith Herrin, Constantinople in the Early Eighth Century. The Parastaseis Syntomoi Chronikai: Introduction, Translation, and Commentary, Brill Archive, (ISBN 9004070109).
  • (it) Verzone, Paolo. "I due gruppi in porfiro di San Marco in Venezia ed il Philadelphion in Costantinopoli". Palladio, 1958. N.S. 8: 8–14.
  • (fr) Janin, Raymond. Constantinople Byzantine (2 ed.). Paris, Institut français d'Ă©tudes byzantines, 1964. ISSN 0402-8775.
  • (en) Mamboury, Ernest. The Tourists' Istanbul. Istanbul. Çituri Biraderler Basımevi, 1953.
  • (en) Mango, Cyril. "The Triumphal Way of Constantinople and the Golden Gate" (PDF). Dumbarton Oaks Papers. Dumbarton Oaks, Trustees for Harvard University, 2000. 54 (54): 173. doi:10.2307/1291838. JSTOR 1291838. Archived from the original (PDF) on September 29, 2007. Retrieved 2020.02.28.
  • (de) MĂŒller-Wiener, Wolfgang (1977). Bildlexikon zur Topographie Istanbuls: Byzantion, Konstantinupolis, Istanbul bis zum Beginn d. 17 Jh. TĂŒbingen, Wasmuth, 1977. (ISBN 978-3-8030-1022-3).
  • (en) Necipoglu, Nevra. "Byzantine Constantinople: Monuments, Topography and Everyday Life". Leiden, Brill, 2001. (ISBN 9789004116252).
  • (en) Rees, Roger. “Images and Image: A Re-Examination of Tetrarchic Iconography.” Greece & Rome, vol. 40, no. 2, 1993, pp. 183. [en ligne] www.jstor.org/stable/643157. Retrieved 30 November 2017.
  • (de) Schemel, Elisabeth Maria. “Die Selbstdarstellung der ersten Tetrarchie”, UniversitĂ© d’Innsbruck, 2003, [en ligne] https://www.uibk.ac.at/klassische-archaeologie/Institut/Diplomarbeiten/SchemelDipl.html.
  • (en) Striker, Cecil L. (1981). The Myrelaion (Bodrum Camii) in Istanbul. Princeton, NJ, Princeton University Press, 1981.
  • (en) Sumner-Boyd, Hillary & John Freely "Strolling through Istanbul, a guide to the city", Blumsberry, 2019 (ISBN 9781838600020).
  • (en) Van Millingen, Alexander. Byzantine Churches of Constantinople. London, MacMillan & Co, 1912. Reprint: e-Kitap Projesi & Cheapest books, 2015. (ISBN 978-15-0771-8223).

Liens externes

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