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Mosquée Bodrum

L’actuelle mosquĂ©e Bodrum (en turc : Bodrum Camii) fut au temps de l’Empire byzantin l’église du monastĂšre du Myrelaion (grec : EÎșÎșÎ»Î·ÏƒÎŻÎ± Ï„ÎżÏ… ÎœÏ…ÏÎ”Î»Î±ÎŻÎżÏ…; litt : endroit couvert de myrrhe) Ă  Constantinople, aujourd’hui Istanbul. Elle fut transformĂ©e en mosquĂ©e vers 1500 par Mesih PaƟa Camii, d’oĂč son nom actuel. De mĂȘme que la prĂ©sente mosquĂ©e Fenari Isa (ancien MonastĂšre de Lips) et l’église du Sauveur de la Porte ChalkĂȘ, elle marque la premiĂšre phase de l’architecture du Moyen Empire byzantin avec l’apparition Ă  Constantinople d’églises Ă  plan centrĂ© reposant sur quatre piliers principaux.

Mosquée Bodrum
Image illustrative de l’article MosquĂ©e Bodrum
Présentation
Nom local Bodrum Camii ou Mesih PaƟa Camii
Culte Musulman
Type Mosquée
DĂ©but de la construction vers 922
Fin des travaux ?
GĂ©ographie
Pays Drapeau de la Turquie Turquie
RĂ©gion Province d'Istanbul
Ville Istanbul
CoordonnĂ©es 41° 00â€Č 31″ nord, 28° 57â€Č 20″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Turquie
(Voir situation sur carte : Turquie)
Mosquée Bodrum

Emplacement

EnserrĂ© par des immeubles modernes sur trois de ses cĂŽtĂ©s, la mosquĂ©e se trouve dans le district d'EminönĂŒ, plus prĂ©cisĂ©ment dans le quartier d'Aksaray (en), Ă  environ un kilomĂštre Ă  l'ouest des ruines du Grand Palais de Constantinople.

Histoire

Devenu coempereur en 919/920, avec Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte (r. 913-959), l’ancien drongaire[N 1] Romain Ier LĂ©capĂšne (r. 920-944) fit construire sur un terrain qu’il avait acquis dans la neuviĂšme rĂ©gion de Constantinople, Ă  un endroit appelĂ© Myrelaion (un lieu plantĂ© de myrrhe), prĂšs de la mer de Marmara[1], un palais destinĂ© Ă  concurrencer le Grand Palais.Y Ă©taient attachĂ©s un monastĂšre et une Ă©glise destinĂ©e Ă  abriter le tombeau de la famille LĂ©capĂšne[2]. Comme il y fit enterrer son Ă©pouse, ThĂ©odora, en 922, on peut prĂ©sumer que l’édifice date environ de 920[3]. Le palais Ă©tait situĂ© sur la partie nord-ouest d’une vaste plateforme qui recouvrait une immense rotonde datant du Ve siĂšcle mesurant 41,8 mĂštres de diamĂštre[N 2]. Au Xe siĂšcle, la rotonde n’était plus utilisĂ©e et avait Ă©tĂ© transformĂ©e, peut-ĂȘtre par Romain Ier lui-mĂȘme, en une citerne grĂące Ă  un systĂšme de voĂ»tes reposant sur quelque soixante-dix colonnes. L’église fut construite au sud-est de cette plateforme[4]. Elle repose sur une sous-structure, lĂ©gĂšrement plus large que la base de l’église (13,10 Ă— 24,10 mĂštres pour la sous-structure, 11,22 Ă— 17,50 mĂštres pour l’église) crĂ©ant ainsi une sorte de chemin de ronde au mĂȘme niveau que la plateforme du palais et permettant d’aller de l’un Ă  l’autre[5]. Elle possĂšde ainsi deux niveaux qui ne communiquent pas l’un avec l’autre et qui ne sont accessibles que par leurs propres entrĂ©es[6].

AprĂšs que son Ă©pouse y ait Ă©tĂ© enterrĂ©e en dĂ©cembre 922, son fils aĂźnĂ© et coempereur Christophe LĂ©capĂšne le sera en 931[1]. En procĂ©dant ainsi, Romain Ier rompait avec une tradition vieille de six siĂšcles selon laquelle les empereurs byzantins, depuis Constantin Ier, Ă©taient inhumĂ©s dans l'Ă©glise des Saints-ApĂŽtres. AprĂšs avoir dĂ» abdiquer, l'empereur fut exilĂ© sur l'Ăźle de Proti oĂč il fut forcĂ© de devenir moine. AprĂšs sa mort en 948, son corps fut ramenĂ© Ă  Constantinople pour ĂȘtre inhumĂ© dans l'Ă©glise du Myrelaion[1]. Sa fille, HĂ©lĂšne, veuve de Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte et seul lien lĂ©gitime de Romain avec l'Empire, fut Ă©galement inhumĂ©e au Myrelaion, plutĂŽt qu'Ă  l'Ă©glise des Saint-ApĂŽtres, aux cĂŽtĂ©s de son Ă©poux[1]. AprĂšs la mort de Romain LĂ©capĂšne, le Myrelaion n’est mentionnĂ© que sporadiquement dans les sources. En 960, Romain II (r. 959-963) obligera sa sƓur, Agathe, Ă  s’y retirer. En 1059, l’épouse de l’empereur dĂ©chu Isaac ComnĂšne (r. 1057-1059) y sera relĂ©guĂ©e avec sa fille aprĂšs l’abdication d’Isaac [7]. Le monastĂšre Ă©tait manifestement Ă  cette Ă©poque devenu un couvent de femmes tel qu’on peut le constater par les actes de propriĂ©tĂ© d’avant 1073 et par des donations faites en 1085 et 1087[7]. L’église fut dĂ©truite par le feu en 1203, probablement le 18 aout, alors qu’un groupe de soldats flamands aidĂ©s de marins vĂ©nitiens et pisans mirent le feu Ă  la partie sud de Constantinople pour couvrir leur retraite pendant la quatriĂšme croisade[8]. AbandonnĂ©e pendant la domination latine (1204-1261), l'Ă©glise fut restaurĂ©e Ă  la fin du XIIIe siĂšcle lors de la Renaissance palĂ©ologue. La derniĂšre mention que l’on ait du Myrelaion date de 1400 en lien avec une transaction commerciale[9].

Le mur nord et la base du minaret sur la droite

AprĂšs la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, le Myrelaion fut transformĂ© en mosquĂ©e par le grand vizir Mesih PaƟa vers 1500, sous le rĂšgne de Bayezid II (r. 1481-1512). La mosquĂ©e prit alors le nom de ses structures souterraines (bodrum, en turc, signifie voĂ»te en sous-sol, fondation) mais demeura Ă©galement connue sous le nom de son fondateur. L'Ă©difice fut Ă  nouveau endommagĂ© par des incendies en 1784 et 1911 aprĂšs quoi il fut abandonnĂ©[9]. En 1930, David Talbot Rice entreprit des fouilles et dĂ©couvrit la rotonde/rĂ©servoire. En 1964-1965, des travaux de restauration inachevĂ©s entrepris par le MusĂ©e d’ArchĂ©ologie d’Istanbul modifia l’apparence historique de l’édifice en remplaçant la plus grande partie de la maçonnerie extĂ©rieure[10] . En 1965, les historiens de l'art Cecil L. Striker et R. Naumann entreprirent des fouilles parallĂšles pour Ă©tudier les structures souterraines et le palais impĂ©rial[11]. La mosquĂ©e fut finalement restaurĂ©e en 1986 et Ă  nouveau ouverte au culte. La vaste citerne fut Ă©galement restaurĂ©e dans les annĂ©es 1990 et est maintenant utilisĂ©e comme centre d’achat souterrain pour les immeubles rĂ©sidentiels attenants. Aucun autre Ă©difice appartenant Ă  l’ancien monastĂšre n’a survĂ©cu[10].

Architecture

Le mur sud de la mosquée. Au premier plan se trouve la base du minaret

Le bĂątiment est entiĂšrement construit en briques. Ses fondations comportent une succession de rangs de briques et de pierres. Son plan est celui des Ă©glises Ă  croix inscrite et la longueur des branches est de 9 mĂštres[12]. La nef centrale est surmontĂ©e d'une coupole au toit aplati dont les soubassements de maçonnerie verticaux sont entrecoupĂ©s de fenĂȘtres arrondies, ce qui donne Ă  la structure un aspect ondulĂ©. Les quatre nefs latĂ©rales sont surmontĂ©es de voĂ»tes en berceau. L'Ă©difice comporte un narthex Ă  l'ouest et un sanctuaire Ă  l'est. La baie centrale du narthex est recouverte d'une coupole et les deux baies latĂ©rales de voĂ»tes Ă  arrĂȘte. Les diffĂ©rentes parties de la nef sont sĂ©parĂ©es par quatre piliers qui ont remplacĂ© les colonnes pendant la pĂ©riode ottomane. La structure possĂšde de nombreuses ouvertures, fenĂȘtres et Ɠils-de bƓuf ce qui lui confĂšre sa lĂ©gĂšretĂ©[13]. L’église fut jadis dĂ©corĂ©e de mosaĂŻques et de revĂȘtements de marbre, mais les fouilles de 1930 n’ont permis de retrouver aucun vestige de ceux-ci[10]. L'extĂ©rieur de l'Ă©difice se caractĂ©rise par des contreforts semi-cylindriques qui rythment la façade. L'Ă©difice comporte Ă©galement trois absides polygonales. L'abside du milieu accueille le sanctuaire (bĂȘma) tandis que les absides latĂ©rales font partie des deux chapelles latĂ©rales au plan en forme de trĂšfle (pastophoria)[13]. Les Ottomans construisirent un minaret Ă  proximitĂ© du narthex. À l'origine, le bĂątiment Ă©tait dĂ©corĂ© de parements de marbre et des mosaĂŻques qui ont totalement disparu. Dans son ensemble, la mosquĂ©e Bodrum prĂ©sente de fortes similitudes avec la mosquĂ©e Fenari Isa, un peu plus au nord[12]. Comme cette derniĂšre et l’église du Sauveur de la Porte ChalkĂȘ, elle reprĂ©sente l’apparition de la premiĂšre pĂ©riode de l’architecture du Moyen Empire byzantin avec un plan en croix grecque reposant sur quatre piliers[14].

Galerie

  • IntĂ©rieur de la mosquĂ©e Bodrum
    Intérieur de la mosquée Bodrum
  • Plafond de la mosquĂ©e Bodrum
    Plafond de la mosquée Bodrum
  • IntĂ©rieur de la mosquĂ©e Bodrum
    Intérieur de la mosquée Bodrum
  • La mosquĂ©e Bodrum vue du sous-sol
    La mosquée Bodrum vue du sous-sol
  • Crypte de la mosquĂ©e
    Crypte de la mosquée
  • Fresque dans la crypte de la mosquĂ©e
    Fresque dans la crypte de la mosquée

Bibliographie

  • DĂŒnden BugĂŒne Istanbul Ansiklopedisi. Istanbul: TĂŒrkiye Ekonomik ve Toplumsal Tarih Vakfi. 1993. Vol. 2, pp. 263-264.
  • (fr) Ebersolt, Jean and Adolphe Thiers. 1913. Les Ă©glises de Constantinople. Paris, E. Leroux, 1913.
  • (en) Mathews, Thomas F. The Byzantine Churches of Istanbul: A Photographic Survey. University Park, Pennsylvania State University Press, 1976. (ISBN 0-271-01210-2).
  • (en) GĂŒlersoy, Çelik . A guide to Istanbul. Istanbul, Istanbul Kitaplığı, 1976. OCLC 3849706.
  • (en) Mango, Cyril. Byzantine Architecture. Milano, Electra Editrice, 1978 [1928]. (ISBN 0-8478-0615-4).
  • (en) Rice, David Talbot. "Excavations at Bodrum Camii." (in) Byzantion VII, 1933. pp. 151-174.
  • (en) Striker, Cecil L. The Myrelaion (Bodrum Camii) in Istanbul. Princeton NJ, Princeton University Press, 1981.
  • (it) Krautheimer, Richard (1986). Architettura paleocristiana e bizantina. Turin, Einaudi, 1986. (ISBN 88-06-59261-0).

Notes et références

Notes

  1. À l’origine, officier supĂ©rieur de province, commandant un droungos ou subdivision de l’armĂ©e d’un thĂšme. Le droungarios correspondait Ă  un rang Ă©levĂ© situĂ© sous le tourmarque et au-dessus du komes. À titre de droungarios tou ploimou, LecapĂšne commandait la flotte impĂ©riale basĂ©e Ă  Constantinople
  2. Elle Ă©tait ainsi la deuxiĂšme plus imposante rotonde construite dans l’AntiquitĂ© romaine, aprĂšs le PanthĂ©on de Rome.

Références

  1. Striker (1981) p. 6
  2. The Cambridge Medieval History, (1995), p. 563
  3. Mango (1978) p. 113
  4. Striker, (1981), p. 13
  5. Striker (1981), p. 12
  6. Striker (1981) p. 11
  7. Striker (1981) p. 9
  8. Striker (1981) p. 23
  9. Striker (1981) p. 10
  10. ArchNet, « Bodrum Mosque »
  11. Striker (1981) Introduction, pp. 3-5
  12. Krautheimer (1986) p. 403
  13. Striker (1981) pp. 17-18
  14. Mango (1978) pp. 110 et 128

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

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