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Architecture byzantine

L'architecture byzantine est le style architectural qui s’est dĂ©veloppĂ© dans l’Empire byzantin et les pays marquĂ©s de son empreinte comme la Bulgarie, la Serbie, la Russie, l’ArmĂ©nie et la GĂ©orgie aprĂšs que Constantin a transfĂ©rĂ© la capitale de l’empire de Rome vers Constantinople en 330.

Cathédrale Sainte-Sophie de Constantinople
Sainte-Sophie de Constantinople, considĂ©rĂ©e comme le chef-d’Ɠuvre de l'architecture byzantine.

De Constantin et jusqu’à la construction de la basilique de Sainte-Sophie sous Justinien, elle constitue essentiellement la prolongation de l’architecture romaine traditionnelle oĂč de vastes Ă©difices Ă©taient consacrĂ©s au culte ou aux affaires publiques et pouvaient accueillir de grandes foules. Par la suite, surtout au cours de la pĂ©riode oĂč se multiplient les monastĂšres et oĂč les Ă©difices tendent Ă  ĂȘtre utilisĂ©s par une clientĂšle restreinte (fonctionnaires et dignitaires) plutĂŽt que par les foules, les Ă©difices prennent des dimensions plus restreintes en mĂȘme temps que le plan adopte de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale la forme d’une croix grecque et que l’attention se porte sur la ou les coupoles[N 1] et les clĂ©s de voĂ»te[N 2].

Trois pĂ©riodes sont traditionnellement distinguĂ©es : l’époque primitive (de Constantin jusqu’aux MacĂ©doniens), la pĂ©riode intermĂ©diaire (dynastie macĂ©donienne) et la pĂ©riode tardive (dynasties des ComnĂšnes et des PalĂ©ologues).

L’architecture byzantine a contribuĂ© Ă  influencer l’architecture hispano-mauresque[1] - [2] et plus rĂ©cemment l’architecture nĂ©o-byzantine[3].

Époque primitive (527-843)

À l’origine, l’architecture byzantine n’est que le prolongement de l’architecture romaine antique. Durant le Bas-Empire, la propagation du christianisme avait conduit au dĂ©veloppement d'une architecture palĂ©ochrĂ©tienne, avec l’édification d’églises dont le plan, dĂ©rivĂ© au dĂ©part de celui des temples paĂŻens et surtout des basiliques civiles romaines qui avaient Ă©tĂ© converties en lieux de culte, a progressivement adoptĂ© des formes mieux adaptĂ©es au culte chrĂ©tien. Alors que du IVe siĂšcle au VIe siĂšcle, le plan basilical rectangulaire constitue aussi bien en Orient qu’en Occident le prototype des Ă©glises paroissiales, Ă©piscopales ou monastiques, il se dĂ©veloppe parallĂšlement une architecture oĂč le plan centrĂ©, en forme de rotonde ou de croix grecque, va peu Ă  peu tendre Ă  remplacer celui de forme longitudinale[4]. Les briques deviennent plus prĂ©pondĂ©rantes que la pierre de taille comme matĂ©riau de construction, la disposition des colonnes se fait plus librement. Les mosaĂŻques figuratives Ă  fond d'or deviennent l’élĂ©ment essentiel de la dĂ©coration intĂ©rieure, notamment des voĂ»tes et coupoles. Pour laisser place aux mosaĂŻques on cherche Ă  supprimer complĂštement les couvertures de bois, ce qui conduit naturellement Ă  l'abandon du plan basilical, qui se voit remplacĂ© par des plans rĂ©sultant d'assemblages de coupoles et demi-coupoles de plus en plus complexes[5]. AprĂšs la grande crise de l'AntiquitĂ© tardive, qui a vu la chute de l'Empire romain d'Occident, le VIe siĂšcle est une pĂ©riode de renouveau et d’expĂ©rimentation trĂšs fĂ©conde dans le domaine architectural pour l'Empire romain d'Orient, qui connait alors son apogĂ©e. On voit la coexistence d'une grande diversitĂ© de plans, qui se combinent parfois de façon complexe. Les empereurs Justin Ier et Justinien furent de grands bĂątisseurs tant par leurs Ă©difices religieux (Ă©glises) que civils (forts, palais, Ă©difices publics, marchĂ©s, aqueducs)[6]. C'est la grandeur passĂ©e de la civilisation romaine qui renait vĂ©ritablement pour un temps Ă  Constantinople.

Les pendentifs sont quatre portions "triangulaires" d'une large coupole inférieure sectionnée par quatre arcs en plein cintre verticaux et par le cintre circulaire horizontal de la coupole supérieure. Le poids du systÚme repose ainsi sur quatre points aux coins d'un espace de plan carré.

Beaucoup de monuments de cette premiĂšre pĂ©riode architecturale ont aujourd’hui disparu. Les exemples les plus reprĂ©sentatifs qui subsistent sont Ă©difiĂ©s au cours du rĂšgne de l’empereur Justinien et sont situĂ©s Ă  Ravenne et Ă  Constantinople. Cette pĂ©riode voit un progrĂšs dĂ©cisif dans l’histoire de l’architecture lorsque les architectes, AnthĂ©mius de Tralles et Isidore de Milet, dĂ©couvrirent comment suspendre une grande coupole de forme circulaire au-dessus d'un espace de plan carrĂ© par la technique des pendentifs, une mĂ©thode particuliĂšrement Ă©lĂ©gante mathĂ©matiquement et esthĂ©tiquement. Elle permet de faire reposer de larges coupoles sur quatre piliers. Certes des expĂ©riences avaient eu lieu tant en Occident qu’en Orient sur l’utilisation d’un dĂŽme pour servir de toit Ă  des Ă©difices carrĂ©s, rectangulaires ou cruciformes, mais c’est vraiment avec la basilique de Sainte-Sophie de Constantinople qu’elles parvinrent Ă  la perfection et que le dĂŽme devint un symbole de l’architecture byzantine[7]. Ces pendentifs sont remplacĂ©s dans d’autres Ă©glises, lorsque la coupole est plus petite, par des trompes[N 3].

Vue intĂ©rieure de Sainte-Sophie, la coupole culmine Ă  55 mĂštres au-dessus du sol. Les mosaĂŻques Ă  fond d'or ont en grande partie Ă©tĂ© refaites Ă  des pĂ©riodes plus tardives, et elles sont aujourd’hui recouvertes et dissimulĂ©es par des enduits ou disparues

Le plan de la basilique Sainte-Sophie (signifiant Sainte-Sagesse, du grec Hagia Sophia) est une synthĂšse originale de deux sortes de plans : le plan central sous forme d’un carrĂ© couronnĂ© par une coupole et entourĂ© par des absides et des absidioles, et le plan longitudinal (basilical) qui permet l’extension de la nef centrale en longueur, bordĂ©e de bas-cĂŽtĂ©s. En dĂ©pit de sa complexitĂ©, elle aboutit Ă  une solution d'une grande unitĂ© et harmonie, faisant de cette basilique un des chefs-d’Ɠuvre les plus admirĂ©s de l'histoire de l'architecture. Bien que l'Ă©glise soit dominĂ©e par son Ă©norme coupole centrale, son plan conserve celui d’une basilique avec nef centrale et bas-cĂŽtĂ©s[N 4] sĂ©parĂ©s par deux colonnades bordant la nef, mais les rangĂ©es de colonnes traditionnelles sont modifiĂ©es par l’insertion de quatre gros piliers qui servent d’appuis aux pendentifs qui portent la coupole. Le plan carrĂ© de la partie centrale de la nef est rachetĂ© en longueur par deux Ă©normes absides de la mĂȘme largeur que le carrĂ© central de la nef (32 mĂštres). Le plan demi-circulaire de ces absides est lui-mĂȘme Ă©largi par deux absidioles plus petites sur leurs cĂŽtĂ©s. Ces absidioles sont chacune portĂ©es en leur centre par deux colonnes en porphyre rouge (plus voyant) qui les sĂ©parent des bas-cĂŽtĂ©s et poursuivent ainsi les colonnades bordant la nef au-delĂ  des grands piliers. Les grands piliers sont mĂȘme dĂ©corĂ©s de fausses colonnes en porphyre ou en marbre vert selon les cĂŽtĂ©s. Tous ces artifices ont pour effet d'obtenir une sorte de grande nef deux fois plus longue que large et de libĂ©rer dans l'Ă©glise un gigantesque volume intĂ©rieur dĂ©nuĂ© de toute structure, inĂ©galĂ© jusqu'alors, couvert par la grande coupole au centre et flanquĂ©e de plusieurs demi-coupoles. De plus, la technique des pendentifs, reposant sur des piliers, rend les hauts murs latĂ©raux inutiles (non porteurs) ce qui a permis d'y insĂ©rer les colonnades latĂ©rales Ă  deux niveaux (dont un Ă©tage pour les tribunes) et d'ouvrir les murs au-dessus des tribunes pour Ă©clairer majestueusement l'intĂ©rieur par une multitude de fenĂȘtres sur deux niveaux supplĂ©mentaires, auxquelles s'ajoutent la couronne de quarante fenĂȘtres que les architectes ont su crĂ©er dans la coupole elle-mĂȘme. L'Ă©glise est ainsi aussi lumineuse que les basiliques palĂ©ochrĂ©tiennes qui ne supportent que des charpentes en bois, l'effet est saisissant.

L’église des Saints-ApĂŽtres de Constantinople, Ă©galement construite sous Justinien et aujourd’hui disparue, constitue une autre tentative de fusion des plans, en dĂ©ployant une solution bien plus simple mais qui donne moins d'unitĂ© au volume intĂ©rieur : elle Ă©tait en croix grecque constituĂ©e de cinq espaces carrĂ©s juxtaposĂ©s, avec des piliers Ă  leurs coins portant des pendentifs qui supportaient cinq coupoles de diamĂštres identiques. On avait ainsi une longue nef bordĂ©e par les piliers qui portent trois coupoles en enfilade, cette nef Ă©tait croisĂ©e par un transept de mĂȘme taille et conception que la nef[8]. Cette Ă©glise est aujourd’hui dĂ©truite mais la basilique Saint-Marc de Venise, dont il est question plus bas, en constitue une sorte de rĂ©plique construite cinq siĂšcles plus tard.

Les mosaïques de Ravenne, comme celles de la basilique Saint-Vital, sont les derniÚres aussi bien conservées de la période primitive, et donnent une idée du style de l'époque.

À Ravenne, on mentionnera surtout la basilique Ă  plan central de Saint-Vitale (San Vitale), construite au VIe siĂšcle[9], et la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf (Sant’Apollinare Nuovo), construite au dĂ©but du VIe siĂšcle par ThĂ©odoric le Grand, qui est un des exemples les mieux conservĂ©s et harmonieux du plan basilical traditionnel. À Constantinople, outre la basilique de la Sainte-Sagesse (Hagia Sophia), furent Ă©difiĂ©es sous Justinien celle de Sainte-IrĂšne prĂšs de celle des Saints-Serge-et-Bacchus (aussi appelĂ©e « petite Hagia Sophia »), construite entre 527 et 536[10] et que l’on dit avoir servi de modĂšle aux deux premiĂšres, car on y trouve Ă©galement une combinaison de traits distinctifs des Ă©glises longitudinales et de plan central[N 5].

Le Palais submergé
Le palais submergé, faisant office de citerne.

De la mĂȘme pĂ©riode datent parmi les Ă©difices non affectĂ©s au culte le Grand Palais de Constantinople, aujourd’hui en ruines[11] de mĂȘme que le mur de ThĂ©odose (vraisemblablement commencĂ© sous ThĂ©odose II), lequel avec ses vingt kilomĂštres de longueur et ses tours imposantes constitue une des principales attractions touristiques de la ville en plus d’avoir permis Ă  celle-ci de rĂ©sister pendant plus de mille ans Ă  tous ses ennemis. Mentionnons Ă©galement le « Palais submergĂ© » (en turc, Yerebatan SarayÄ«). CommencĂ© sous Justinien dans les annĂ©es 530, cet Ă©difice qui servit Ă  des usages multiples abritait une citerne souterraine de 138 m sur 65 m ornĂ©e de 28 rangĂ©es de 12 colonnes chacune supportant une voĂ»te de briques[12]. Outre l’ « aqueduc de Justinien », on peut encore admirer le pont monumental qui permet de franchir le Sangarius (aujourd’hui Sakarya) datant du VIe siĂšcle de mĂȘme que le pont sur la Karamagara dans l’est de la Turquie. Datant du Ve ou VIe siĂšcle, il s’agit d’un pont voĂ»tĂ© Ă  arc unique de 17 m de longueur et de 10 m de hauteur[13].

Dans les autres pays de l’empire on doit mentionner l'Ă©glise Hagios Demetrios de Thessalonique, le couvent fortifiĂ© Sainte-Catherine du SinaĂŻ et le monastĂšre de Djvari (VIe siĂšcle) dans la GĂ©orgie moderne ainsi que les trois Ă©glises du grand complexe monastique d’Etchmiadzine siĂšge du patriarcat d’ArmĂ©nie[14].

Tous ces Ă©difices possĂšdent quelques traits en commun. En premier lieu, on voit Ă©voluer au VIe siĂšcle un certain nombre de traditions antiques comme le chapiteau corinthien aux volutes compliquĂ©es qui devient le chapiteau imposte ou chapiteau byzantin[N 6]. Ces chapiteaux sont assez variĂ©s dans leurs formes et dĂ©cors, mais le plus caractĂ©ristique est le type pyramidal avec dĂ©licats feuillages ou motifs gĂ©omĂ©triques sculptĂ©s, comme une couche de dentelle qui donne l'illusion d'abriter un rĂ©seau aussi aĂ©rĂ© Ă  l'intĂ©rieur ou du vide. Les colonnes lisses et sans cannelure paraissent plus lĂ©gĂšres. Les lourds entablements de l'architecture classique ont dĂ©finitivement disparu ou se sont rĂ©duits Ă  des frises, de mĂȘme que les grandes architraves, qui donnaient un caractĂšre monumental Ă  l'architecture classique antique, ont Ă©tĂ© remplacĂ©es par des arcades en plein cintre, Ă  la fois plus lĂ©gĂšres et efficaces. Lorsque la couverture est maçonnĂ©e elle est presque partout assurĂ©e par des voĂ»tes ou des coupoles arrondies et lisses plutĂŽt que des plafonds Ă  caissons. Les planchers de mosaĂŻques tendent Ă  ĂȘtre remplacĂ©s par un dallage de marbre aux motifs arrondis et gĂ©omĂ©triques dĂ©rivĂ© de l'opus sectile antique. Dans les grandes salles des Ă©glises, les colonnes soutiennent frĂ©quemment un Ă©tage de tribunes[N 7] et non plus seulement le toit. D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’architecture cherche Ă  s'Ă©lever et Ă  se dĂ©matĂ©rialiser, elle cherche l'abstraction, Ă  s'extraire d'un contexte concret et terrestre, les mosaĂŻques Ă  fond d'or participent beaucoup Ă  renforcer cet effet. Sur le plan historique, on peut dire que l’architecture byzantine du VIe siĂšcle reprĂ©sente l'apogĂ©e et l’achĂšvement d’un long processus de dĂ©veloppement de l'architecture palĂ©ochrĂ©tienne oĂč les architectes explorĂšrent de nouvelles voies et repoussĂšrent au maximum les possibilitĂ©s techniques dont ils disposaient[15], mais elle est aussi le premier grand jalon de l'architecture chrĂ©tienne mĂ©diĂ©vale, en posant des principes, des idĂ©aux et des recherches qui se dĂ©velopperont dans d'autres formes d'architecture et trouveront d'autres solutions tout au long du Moyen Âge.

  • Un chapiteau de la basilique Sainte-Sophie, en marbre blanc dĂ©licatement sculptĂ©.
    Un chapiteau de la basilique Sainte-Sophie, en marbre blanc délicatement sculpté.
  • Chapiteaux de la basilique Saint-Vital de Ravenne
    Chapiteaux de la basilique Saint-Vital de Ravenne
  • Chapiteau de la basilique Saint-Vital de Ravenne.
    Chapiteau de la basilique Saint-Vital de Ravenne.
  • Chapiteau de la basilique Saint-Vital de Ravenne, marbre blanc avec ajout de polychromie partielle.
    Chapiteau de la basilique Saint-Vital de Ravenne, marbre blanc avec ajout de polychromie partielle.
  • Un chapiteau de la basilique euphrasienne de Poreč, Croatie.
    Un chapiteau de la basilique euphrasienne de Poreč, Croatie.
  • Un chapiteau d'une basilique en ruine Ă  Philippes en GrĂšce.
    Un chapiteau d'une basilique en ruine Ă  Philippes en GrĂšce.
  • Un autre type de chapiteau byzantin : feuillages surmontĂ©s de protomĂ©s animaux saillants. Phillipes, GrĂšce.
    Un autre type de chapiteau byzantin : feuillages surmontés de protomés animaux saillants. Phillipes, GrÚce.

Période intermédiaire (843-1204)

Évolution historique

Intérieur de Sainte-IrÚne de Constantinople
IntĂ©rieur de Sainte IrĂšne de Constantinople. À la suite de l'iconoclasme, presque toutes les dĂ©corations intĂ©rieures ont disparu et une grande croix a remplacĂ© la figure du Christ.

À la pĂ©riode fĂ©conde et novatrice de Justinien succĂ©da deux siĂšcles de torpeur marquĂ©s par les invasions slaves dans les Balkans, les guerres avec la Perse et le siĂšge de Constantinople en 626, la montĂ©e des Arabes et de l’Islam, la perte dĂ©finitive de la Palestine, de la Syrie et de l’Égypte dans les annĂ©es 630-640, la conquĂȘte de l’Afrique du Nord par les Arabes qui assiĂ©gĂšrent Constantinople en 674-678 et en 717-718. Pendant ces deux siĂšcles, l’architecture religieuse stagna, rĂ©sultat de la crise iconoclaste pendant laquelle on supprima les images des temples dĂ©jĂ  existants sans pour autant en construire de nouveaux. L’architecture civile dĂ©clina Ă©galement, en raison des Ă©pidĂ©mies de peste, des guerres civiles et du dĂ©clin des villes. Pendant cette pĂ©riode, on s’attacha essentiellement Ă  rĂ©parer ou Ă  maintenir les Ă©difices existants[16]. Ces deux siĂšcles forment une sorte de charniĂšre que l’on pourrait classer dans cette pĂ©riode ou dans la prĂ©cĂ©dente.

Plan d'une Ă©glise Ă  croix inscrite
Plan d'une Ă©glise dite "Ă  croix inscrite".

Nous les inclurons dans la pĂ©riode intermĂ©diaire, car c’est probablement au VIIIe siĂšcle que furent construites les premiĂšres Ă©glises Ă  croix inscrite, plan toujours utilisĂ© dans l’Église orthodoxe. Ce type d’église, gĂ©nĂ©ralement assez petite, est centrĂ© autour d’un naos (le Saint des Saints) divisĂ© en neuf baies par quatre colonnes qui supportent une voĂ»te. À l’ouest se trouve le narthex (hall d’entrĂ©e) et Ă  l’est le bĂȘma (sanctuaire gĂ©nĂ©ralement surĂ©levĂ© oĂč se trouve l’autel protĂ©gĂ© par un dais, reposant sur des piliers, appelĂ© ciborium), sĂ©parĂ© anciennement par un Ă©cran du naos, remplacĂ© de nos jours par une iconostase (mur sur lequel sont disposĂ©es les icĂŽnes). Directement sous le dĂŽme principal se trouve l’ambon (chaire surĂ©levĂ©e d’oĂč Ă©taient lues les Écritures), et au pied de l’ambon l’espace rĂ©servĂ© au chƓur de chantres. Autour de l’abside[N 8], le clergĂ© prenait place sur des marches en escalier entourant le trĂŽne du patriarche (le synthronon). De chaque cĂŽtĂ© du bĂȘma se trouvaient deux petites sacristies, le diaconicon (autel pour le trĂ©sor, les vĂȘtements liturgiques et les textes sacrĂ©s) et la prothesis (autel pour la prĂ©paration de la communion)[17].

DĂŽme de la chapelle palatine de Palerme
DĂŽme de la chapelle palatine de Palerme.

De forme presque carrĂ©e, contrairement aux Ă©glises de type longitudinal ou axial ces Ă©glises voulaient reprĂ©senter dans leur architecture la hiĂ©rarchie du cosmos. Partant de la partie la plus Ă©levĂ©e, le dĂŽme, le regard descendait vers les voĂ»tes qui surplombaient le bĂȘma et les absides, avant de rejoindre les murs. Cette hiĂ©rarchie Ă©tait rendue tangible par des corniches de marbre qui sĂ©paraient chacune des trois composantes. Au sommet de cette hiĂ©rarchie, dans le dĂŽme, figurait une mosaĂŻque reprĂ©sentant le Christ et plus bas, une autre reprĂ©sentant la Vierge dans le demi-dĂŽme de l’abside. Suivaient au troisiĂšme et dernier niveau les anges, les prophĂštes, apĂŽtres, pĂšres de l’Église et autres saints, alors que les murs illustraient diverses fĂȘtes du calendrier liturgique[18].

L’Empire byzantin Ă©mergea au dĂ©but du IXe siĂšcle du chaos dans lequel il s’était dĂ©battu au cours des siĂšcles prĂ©cĂ©dents. On qualifie cette pĂ©riode de « Renaissance macĂ©donienne ». Mais cet empire ne couvre plus l’ensemble de la MĂ©diterranĂ©e. L’Asie Mineure est le thĂ©Ăątre des invasions arabes; les Slaves s’installent dans les Balkans; le sud de l’Italie et la Sicile sont le thĂ©Ăątre d’une lutte entre le pape et les Normands. Si bien que la deuxiĂšme pĂ©riode de l’architecture byzantine se concentrera presque uniquement sur Constantinople et ses environs[19].

Les rĂšgnes de ThĂ©ophile (829-842) et de Basile Ier (867-886) furent marquĂ©s par une volontĂ© de rĂ©novation comme en tĂ©moignent les textes de l’époque oĂč abondent des termes neos, kainos, kainourgios signifiant, ici, moins une « nouveautĂ© » qu’un « rajeunissement » ou un « retour aux sources », en fait une consolidation de l’art traditionnel[20].

Les monuments Ă©rigĂ©s durant cette pĂ©riode rĂ©novent ou imitent les monuments les plus glorieux de Justinien, sous une forme plus modeste toutefois, car ils ne sont plus destinĂ©s aux foules d’autrefois, mais au public plus restreint qui gravite autour de l’empereur: dignitaires et courtisans[21].

De mĂȘme, les Ă©glises nouvellement construites sont moins destinĂ©es Ă  ĂȘtre le siĂšge d’un Ă©vĂȘchĂ© ou d’une paroisse qu’à desservir un monastĂšre dont le clergĂ© devient de plus en plus autonome et cherche Ă  se soustraire aussi bien Ă  la juridiction Ă©piscopale qu’impĂ©riale. À l’origine situĂ©s Ă  la campagne oĂč ils vivaient des fruits de leurs terres, les monastĂšres tendent Ă  s’installer Ă  Constantinople ou, Ă  tout le moins, Ă  y Ă©tablir une desserte (metochia) [22].

À cette pĂ©riode d’effervescence architecturale, succĂšde sous Basile II (976-1025) une pĂ©riode de vide presque complet. C’est que, si Basile II rĂ©ussit Ă  repousser les frontiĂšres de l’empire qui inclut maintenant l’ensemble des Balkans et s’étend en Asie de l’ArmĂ©nie aux cĂŽtes de Syrie, l’empereur est un soldat Ă©conome qui s’occupe peu d’architecture et veut avant tout reconstituer le trĂ©sor public.

IntĂ©rieur de la cathĂ©drale de CĂ©falĂč en Sicile
IntĂ©rieur de la cathĂ©drale de CĂ©falĂč en Sicile, mĂ©lange de styles normand et byzantin.

Dans les pays qui ont dĂ©jĂ  fait partie de l’empire, l’influence byzantine subsiste, mais les traditions locales deviennent prĂ©Ă©minentes. Ainsi, en Sicile, autrefois partie de l’empire, mais conquise par les musulmans en 902 avant d’ĂȘtre prise par les Normands en 1072, se dĂ©veloppe un genre que l’on pourrait qualifier d’ « orientalisant ». Presque tous les rois normands iront chercher leurs artisans dans le monde byzantin. Et si les Ă©glises qu’ils feront construire adopteront gĂ©nĂ©ralement le plan Ă  trois nefs occidental sans coupole, leur finition intĂ©rieure s’inspirera de celle de Byzance, sans toutefois en conserver le symbolisme. La cathĂ©drale de CĂ©falĂč, commencĂ©e en 1131 sous le rĂšgne de Roger Ier prĂ©sente dans la voĂ»te d’abside un buste du Christ pantocrator[N 9] qui, dans une Ă©glise typiquement byzantine, aurait dĂ» occuper le dĂŽme. Cette entorse Ă  la « hiĂ©rarchie » se poursuit sur les murs verticaux des absides oĂč on retrouve la Vierge, non plus comme la Theotokos (c’est-Ă -dire comme mĂšre de l’enfant-Dieu), mais en position de priĂšre entre les archanges au-dessus et les apĂŽtres au-dessous[23].

Église Saint-Jean de Mastara, ArmĂ©nie, Ve-VIIe siĂšcle
Église Saint-Jean de Mastara, ArmĂ©nie, Ve-VIIe siĂšcle.

Alors que l’Empire byzantin entrait dans cette pĂ©riode sombre, se dĂ©veloppa entre le VIIe siĂšcle et la conquĂȘte arabe en ArmĂ©nie un genre propre. TrĂšs tĂŽt on abandonna le plan longitudinal en faveur du plan en croix inscrite dans un carrĂ© et les architectes Ă©laboreront diverses formes de dĂŽmes qui se modifieront par diverses variations en y ajoutant des niches abritant des chapelles sur certains cĂŽtĂ©s du carrĂ© (Ă©glise de Mastara) ou en dĂ©tachant le dĂŽme des quatre murs pour le faire reposer sur des piliers ou colonnes (cathĂ©drales de Bagaran et d’Etchmiadzin) ce qui permettra la construction de tambours[N 10] de plus en plus Ă©troits Ă  mesure que l’on approche du sommet. Elles se caractĂ©risent par l’utilisation de plans circulaires ou octogonaux, inscrits ou non dans un carrĂ©[24].

Exemples de réalisations architecturales

Église du monastùre Saint-Luc
Églises du monastĂšre Saint-Luc, XIe siĂšcle, exemple de l'art byzantin pendant la dynastie macĂ©donienne.

L’empereur ThĂ©ophile se consacra surtout Ă  la remise en Ă©tat du mur de protection le long de la mer et Ă  la construction de palais Ă  Constantinople. L'architecture de ces palais fut fortement influencĂ© par ce que les envoyĂ©s de ThĂ©ophile avaient vu en Syrie et rappellent ceux des dynasties omeyyades et abbassides[20]. Basile Ier pour sa part, construira ou rĂ©novera quelque trente-et-une Ă©glises, dont vingt-cinq dans la capitale et six dans les faubourgs.

La plus cĂ©lĂšbre d’entre elles, aujourd’hui disparue et que nous ne connaissons que par des descriptions du Moyen Âge, est la Nea Ekklesia ou Nouvelle Église (880). Vraisemblablement construite sur le plan dit de la « croix inscrite », elle Ă©tait couronnĂ©e de cinq dĂŽmes, couverts de mosaĂŻques Ă  l’intĂ©rieur et de tuiles de cuivre Ă  l’extĂ©rieur[20]. À l’intĂ©rieur, celle-ci Ă©tait dotĂ©e d’au moins quatre chapelles consacrĂ©es au Christ, Ă  la Vierge, aux archanges Michel et Gabriel, Élie et saint Nicolas. Avec l’église votive de la Theotokos Panakrantos (Ă©glise votive de la mĂšre de Dieu, Constantinople) (aujourd’hui sous les ruines de la MosquĂ©e Fenari Isa), elle servira de modĂšle pour nombre d’autres Ă©glises Ă  travers l’empire, y compris la Cattolica di Stilo en Italie du sud (IXe siĂšcle), l’église du monastĂšre de Hosios Lukas (saint Luc) en GrĂšce (946-955), la Nea Moni (nouveau monastĂšre) sur l’üle de Chios (1045), et le monastĂšre de Daphni prĂšs d’AthĂšnes (1050). Elle se rĂ©pandra Ă©galement dans les pays slaves en voie de conversion. Ainsi la cathĂ©drale Sainte-Sophie d’Ohrid (aujourd’hui en RĂ©publique de MacĂ©doine) ou l’église du mĂȘme nom de Kiev (Ukraine) sont des exemples types de l’utilisation de la coupole sur un tambour[N 11], laquelle gagnera avec le temps en hauteur et en sveltesse.

Les monastĂšres byzantins de cette Ă©poque prĂ©sentent des complexes architecturaux possĂ©dant des caractĂ©ristiques communes. Ils sont gĂ©nĂ©ralement entourĂ©s d’un mur et dotĂ©s d’un portail Ă©laborĂ©, souvent garni de bancs oĂč pauvres et mendiants venaient demander l’aumĂŽne. Le portail s’ouvrait sur une large cour intĂ©rieure au milieu de laquelle s’élevait l’église qui Ă©tait, contrairement Ă  la pratique de l’époque primitive, sĂ©parĂ©e des autres bĂątiments ce qui obligea Ă  donner plus d’importance Ă  son aspect extĂ©rieur. Les quartiers d’habitation s’alignaient Ă  l’intĂ©rieur des murs avec leurs cellules rectangulaires, gĂ©nĂ©ralement voĂ»tĂ©es. Le deuxiĂšme Ă©difice en importance Ă©tait le rĂ©fectoire et la cuisine attenante. Les autres bĂątiments comprenaient habituellement une fontaine, un four, une maison pour les visiteurs, quelquefois une infirmerie et des bains[25].

C’est aussi Ă  cette Ă©poque que commencera la construction des monastĂšres du Mont Athos lesquels, avec la Grande Lavra de Saint Anthanase en 961 devinrent progressivement le centre du monachisme orthodoxe. Sauf pour le Protaton, Ă©glise la plus ancienne situĂ©e dans la capitale administrative de KaryĂšs, toutes les autres Ă©glises Ă©pousent la forme d’un trĂšfle sur le modĂšle du katholikon (Ă©glise principale d’un monastĂšre) qui aurait Ă©tĂ© bĂąti par saint Athanase lui-mĂȘme[26].

PĂ©riode tardive (1204-1453)

DĂšs le XIIe siĂšcle, l’Empire byzantin commença Ă  se morceler: Chypre fit sĂ©cession en 1185 et quatre annĂ©es plus tard ThĂ©odore Mancaphas s’érigeait en seigneur de Philadelphie. La chute de Constantinople en 1204 ne fit qu’accĂ©lĂ©rer cette tendance alors que se formaient l'empire de NicĂ©e et l'empire de TrĂ©bizonde, le despotat d’Épire (capitale Arta), la principautĂ© de MorĂ©e (capitale Mistra) et diverses principautĂ©s latines. L’architecture de cette pĂ©riode suivit l’évolution des influences politiques exercĂ©es sur ces territoires (GĂ©orgiens et Turcs pour l’empire de TrĂ©bizonde, Francs et Slaves pour le despotat d’Épire, VĂ©nitiens et GĂ©nois pour les grands centres commerciaux), de mĂȘme que religieuses : Église catholique romaine et Islam. Que ce soit dans la construction des chĂąteaux forts ou des Ă©glises, le style gothique commença Ă  pĂ©nĂ©trer dans cette rĂ©gion du monde[27].

Détail de l'architecture "en cloisonné" de l'église de la Sainte-Sagesse de Mistra
Détail de l'architecture de brique "en cloisonné" de l'église de la Sainte-Sagesse de Mistra.

L’occupation latine (1204-1261) marqua aussi la fin de l’influence de Constantinople sur le dĂ©veloppement de l’architecture. De nouveaux centres apparurent comme NicĂ©e, TrĂ©bizonde et Arta. AprĂšs la reconquĂȘte de Constantinople, de nouveaux Ă©difices, principalement Ă©glises, monastĂšres et palais, verront le jour, mais ce nouvel Ă©lan sera rapidement freinĂ© par les guerres civiles des annĂ©es 1320 et 1340. De nombreux artisans quitteront alors la capitale pour aller s’installer ailleurs et donneront une impulsion Ă  l’architecture locale (Mesembria, Skopje, Bursa)[28].

Le despotat d’Épire fut probablement le plus dynamique sur le plan architectural, de nombreux monuments Ă©tant associĂ©s Ă  la famille rĂ©gnante. Deux des principaux Ă©difices de cette pĂ©riode sont le monastĂšre de KĂĄto PanagĂ­a (el) prĂšs d’Arta construit par le despote Michel II entre 1231 et 1271 et l'Ă©glise de la PĂłrta-PanagĂ­a prĂšs de TrĂ­kala Ă©rigĂ©e en 1283 par Jean Doukas, fils de Michel II. Ces deux Ă©difices sont Ă  « voĂ»tes d’arĂȘtes »[N 12]. TrĂšs rĂ©pandu en GrĂšce Ă  partir du XIIIe siĂšcle, ce plan d’église Ă  trois nefs ressemble Ă  celui de la croix inscrite, mais sans dĂŽme. Le chef-d’Ɠuvre de l’école Ă©pirote reste cependant l’église de la Parigoritissa d’Arta Ă©rigĂ©e en 1290 par le despote NicĂ©phore Ier ComnĂšne Doukas. Il s’agit d’un Ă©difice de trois Ă©tages presque carrĂ©. De type octogonal, le dĂŽme central est supportĂ© par huit piliers; quatre dĂŽmes plus petits ornent chacun des coins du toit plat[29].

Ă©glise de la Parigoritissa
Église de la Parigoritissa d'Arta.

À Constantinople mĂȘme et en Asie Mineure, l’architecture de la pĂ©riode comnĂ©nienne est pratiquement inexistante Ă  l’exception de la Elmali Kilise, Ă©glise taillĂ©e dans le roc, construite vers 1050 central en Cappadoce et comprenant quatre piliers irrĂ©guliers formant une croix grecque et supportant un dĂŽme[30] ainsi que les Ă©glises du Pantokrator (aujourd’hui connue sous le nom de Zeyrek Camii) et de la Theotokos Kyriotissa (Vierge du TrĂŽne, aujourd’hui connue sous le nom de Kalenderhane Camii) de Constantinople.

Façade de l'église Saint-Sauveur-en-Chora
Façade de l'église Sainte-Sauveur-en-Chora, Constantinople.

Si on a pu parler de « renaissance » pour caractĂ©riser le sursaut intellectuel qui survint sous la dynastie des PalĂ©ologues, celui-ci ne se manifesta guĂšre dans le domaine architectural. Les quelques palais et monastĂšres qui datent de cette pĂ©riode perpĂ©tuent les traditions de la pĂ©riode intĂ©rimaire sans y ajouter de nouveaux Ă©lĂ©ments. On notera l’église situĂ©e au sud du monastĂšre de Lips (Fenari Isa Camii) Ă©rigĂ©e par l’impĂ©ratrice ThĂ©odora, Ă©pouse de Michel VIII vers 1280 de mĂȘme que les Ă©glises du Saint-Sauveur de Chora (Kariye Camii) et de Marie Pammakaristos datant des environs de 1310. Mais il s’agit le plus souvent d’additions Ă  des Ă©difices dĂ©jĂ  existants ou de rĂ©novations comme celles du monastĂšre de Chora par ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs entre 1316 et 1321[31].

Église d'Achtamar dans le lac de Van
Église d'Achtamar sur une üle du lac de Van.

Hors de Constantinople, l’église des Saints-ApĂŽtres de Thessalonique est souvent considĂ©rĂ©e comme typique de cette derniĂšre pĂ©riode avec ses murs extĂ©rieurs ornĂ©s de motifs faits de briques entrecroisĂ©es ou de cĂ©ramique. Contrairement aux Ă©poques prĂ©cĂ©dentes, l’extĂ©rieur prend le pas sur l’intĂ©rieur et se dote de niches, arcades, corbeaux[N 13] et de denticules[N 14] oĂč tuiles et pierre s’entrecroisent. Cette maçonnerie en relief atteint probablement son point culminant avec l’église d’Achtamar sur l’üle du mĂȘme nom dans le lac de Van, symbole de l’architecture armĂ©nienne[32]. D’autres Ă©glises de cette pĂ©riode prĂ©cĂ©dant la chute de Constantinople subsistent Ă  Mistra (monastĂšre de Brontochion) et au mont Athos[33].

Contrairement Ă  leurs collĂšgues byzantins, les architectes slaves donnĂšrent de l’impulsion aux structures verticales. Il en rĂ©sulte que l’on perd l’impression du dĂŽme comme voĂ»te cĂ©leste s’abaissant graduellement vers le monde des hommes en une courbe majestueuse. Le dĂŽme devient une sorte de puits inversĂ© oĂč l’image du Pantokrator est Ă©loignĂ©e et parait minuscule. L’espace horizontal est privilĂ©giĂ© et, grĂące au renouveau de la peinture pendant cette pĂ©riode, se couvre de scĂšnes qui deviennent des tableaux sans relation avec l’espace architectural[34].

Quelques exemples d’architecture byzantine en Europe

Constantinople: la basilique Sainte-IrĂšne

Dans sa forme actuelle, la basilique de la Sainte-Paix ou de Sainte-IrĂšne (en grec Αγία ΕÎčÏÎźÎœÎ·) remonte au VIIIe siĂšcle. DotĂ©e de deux coupoles, Sainte-IrĂšne fait partie des exemples qui tentent une synthĂšse entre le plan basilical et le plan en croix grecque.

La premiĂšre Ă©glise fut Ă©rigĂ©e sous le rĂšgne de Constantin Ier au IVe siĂšcle sur l’emplacement de la premiĂšre Ă©glise de la ville. Elle fut le thĂ©Ăątre d’affrontements thĂ©ologiques particuliĂšrement houleux entre orthodoxes et partisans de l’arianisme. Ce fut dans cette Ă©glise qu’eut lieu en 381 le DeuxiĂšme Concile ƓcumĂ©nique. Elle servit Ă©galement de siĂšge patriarcal avant que ne soit construite Sainte-Sophie.

L’église primitive fut incendiĂ©e en 532 au cours de la rĂ©volte de Nika sous le rĂšgne de Justinien qui la fit reconstruire. Une partie de la voĂ»te, exĂ©cutĂ©e Ă  la hĂąte, s’affaissa peu aprĂšs, ce Ă  quoi s’ajouta un nouvel incendie en 565[35]. Elle fut encore une fois dĂ©truite par un tremblement de terre en 740, puis reconstruite en grande partie sous le rĂšgne de Constantin V sous sa forme actuelle[36].

Basilique Saine-IrĂšne de Constantinople
Vue extérieure.

L’église de Sainte-IrĂšne constitue un des meilleurs exemples de ces synthĂšses entre le plan basilical et celui de la croix grecque inscrite dans un carrĂ©. C’est la seule Ă©glise byzantine Ă  avoir conservĂ© son atrium d’origine. La basilique couverte par une voĂ»te Ă  deux coupoles se termine du cĂŽtĂ© est en une abside polygonale percĂ©e de trois grandes fenĂȘtres en plein cintre. La partie infĂ©rieure de l’édifice date de l’époque de Justinien alors que la partie supĂ©rieure a Ă©tĂ© reconstruite aprĂšs le tremblement de terre de 740. Une grande croix, vestige de l’époque iconoclaste, domine le narthex lĂ  oĂč la tradition byzantine voudrait voir la Theotokos[37]

AprĂšs la chute de Constantinople, l’église fut utilisĂ©e comme arsenal par les janissaires, puis fut transformĂ©e en 1846 en musĂ©e turc. En 1875, le manque d’espace força Ă  transporter les collections au palais de Topkapi. L’église devint alors un musĂ©e impĂ©rial (MĂŒze-i HĂŒmayun) et, en 1908, en musĂ©e militaire. Depuis 1973, elle fait l’objet d’une intense rĂ©novation et n’est utilisĂ©e que pour des concerts de musique en raison de sa sonoritĂ© exceptionnelle lors du Festival de musique d’Istanbul.

Ravenne : Saint-Apollinaire in Classe

Nef de la Basilique de Saint-Apollinaire en classe
La grande nef de basilique Saint-Apollinaire in Classe de Ravenne avec les 24 colonnes qui la sépare des bas-cÎtés.

Ravenne fut le siĂšge d’un exarchat en Occident. SituĂ©e au nord-est de la pĂ©ninsule, sur les rives de l’Adriatique, prĂšs de Venise, elle servit de base navale pour l’armĂ©e romaine, lui assurant la maĂźtrise de l’Adriatique. Les Ă©glises de Ravenne sont construites selon deux modĂšles. Les premiĂšres, manifestement d’inspiration constantinopolitaine, sont construites selon un plan octogonal avec une nef circulaire entre des piliers et une prolongation semi-circulaire devant l’abside. Les autres d’origine palĂ©ochrĂ©tienne occidentale sont construites sur le plan basilical avec couverture en charpente.

La basilique Saint-Apollinaire in Classe, datant du VIe siĂšcle, est l’un des principaux monuments de l’architecture byzantine de Ravenne. Selon l’UNESCO qui l’a classĂ© dans le patrimoine mondial de l’humanitĂ©, « il s’agit d’un exemple exceptionnel des plus anciennes basiliques chrĂ©tiennes par la puretĂ© et la simplicitĂ© de ses lignes et l’emploi de l’espace, de mĂȘme que par la somptuositĂ© naturelle de sa dĂ©coration »[38]. Elle reprend le mĂȘme plan basilical que la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf Ă©difiĂ©e un peu plus tĂŽt par ThĂ©odoric le grand dans la mĂȘme ville avant la conquĂȘte byzantine.

CommencĂ©e par l'Ă©vĂȘque Ursicinus, son imposante structure de briques fut consacrĂ©e le par l'Ă©vĂȘque Maximien grĂące au financement du banquier Juliano Argentinus qui finança Ă©galement la basilique de Saint Vidal. Elle est situĂ©e Ă  cĂŽtĂ© d’un cimetiĂšre chrĂ©tien, probablement sur l’emplacement d’un temple paĂŻen comme en tĂ©moignent certaines pierres rĂ©utilisĂ©es dans sa construction, prĂšs de l’ancien port de Ravenne[39].

L’extĂ©rieur comporte une large baie vitrĂ©e Ă  trois arcs. Le narthex qui se trouve Ă  droite de l’entrĂ©e est une addition postĂ©rieure de mĂȘme que le clocher qui date du IXe siĂšcle.

DĂ©tails de la  mosaĂŻque de l'abside, Saint-Apollinaire-en-Classe
DĂ©tails de la mosaĂŻque de l'abside, Saint-Apollinaire-en-Classe, Ravenne.

L’intĂ©rieur comporte trois nefs dĂ©limitĂ©es par deux rangĂ©es de 12 colonnes cannelĂ©es de marbre grec, surmontĂ©es de chapiteaux byzantins. La mosaĂŻque de l'abside, joyau de cette Ă©glise, prĂ©sente une croix inscrite dans un mĂ©daillon sur un fond de ciel Ă©toilĂ©, que contemplent trois agneaux rĂ©partis en deux groupes dans une prairie verdoyante, symbolisant les apĂŽtres de Pierre et les deux frĂšres Jacques le Majeur et Jean. Au-dessus de la croix figure la main de Dieu (en) et les prophĂštes Élie et MoĂŻse, sur fond d'or. Sous la croix, saint Apollinaire, lĂšve les bras dans une priĂšre vers le ciel, au milieu d'un prĂ© fleuri et entourĂ© d'agneaux venus le voir. L'Ă©vĂȘque, vĂȘtu de l'habit sacerdotal et du pallium Ă©piscopal, est entourĂ© de douze agneaux, figurant les fidĂšles qui suivent leur berger[39]. Les murs latĂ©raux aujourd’hui sans ornement ont dĂ» dans le passĂ© ĂȘtre Ă©galement couverts de mosaĂŻques, comme Ă  probablement dĂ©truites par les VĂ©nitiens en 1449. Les mosaĂŻques sur le sol ont disparu. La dĂ©coration de l'immense arc triomphal[N 15] a Ă©tĂ© modifiĂ©e Ă  une date inconnue, entre le VIIe et le IXe siĂšcle. Elle reprĂ©sente le Christ sauveur, les bĂȘtes reprĂ©sentant les quatre Ă©vangĂ©listes et les douze apĂŽtres sous forme d’agneaux [40].

Il semble que tant les colonnes que les briques utilisées dans la construction aient été importées de Constantinople[39].

Venise: Saint-Marc

  • Façade de Saint-Marc aprĂšs la reconstruction de 976-1094
    Façade de Saint-Marc aprÚs la reconstruction de 976-1094, sans les ajouts gothiques subséquents.
  • Les dĂŽmes de la cathĂ©drale Saint-Marc de Venise
    Vue sur la structure en cinq dÎmes organisés en croix grecque de la Basilique Saint-Marc de Venise.
  • IntĂ©rieur de la Basilique Saint-Marc
    Intérieur de la Basilique Saint-Marc vue de la galerie supérieure, les mosaïques sont d'époques diverses.

La basilique actuelle a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e sur le site de la premiĂšre Ă©glise dĂ©diĂ©e Ă  Saint-Marc en 828 pour recevoir les reliques de l’évangĂ©liste. Cette premiĂšre Ă©glise fut incendiĂ©e lors d’une rĂ©volution qui dĂ©truisit en 976 le palais ducal et les Ă©difices adjacents. DĂ©butĂ©e en 1063, la basilique est construite en forme de croix grecque inscrite dans un rectangle de 76,5 m de long et de 62,6 m de large. La coupole centrale couvre la croisĂ©e des quatre branches, chacune surmontĂ©e de sa propre coupole. Les coupoles principales atteignent une hauteur de 45 m. Ce plan reproduit celui de l’église des Saints-ApĂŽtres de Constantinople, aujourd’hui disparue[41]. Il est intĂ©ressant de noter que les architectes, par souci « d’authenticitĂ© », cherchĂšrent Ă  imiter non pas une Ă©glise byzantine contemporaine, mais plutĂŽt une Ă©glise vieille d’un demi-millĂ©naire, qui avait Ă©galement abritĂ© les reliques des apĂŽtres AndrĂ©, Luc et peut-ĂȘtre Matthieu[42].

ReprĂ©sentation de l’église des Saints-ApĂŽtres de Constantinople, aujourd’hui disparue, elle Ă©tait le modĂšle pour Saint-Marc de Venise et d'autres Ă©glises au plan similaire. HomĂ©lies de Jacques de Kokkinobaphos, vers 1150.

C’est en 1093 que fut terminĂ©e la structure extĂ©rieure et que put commencer la dĂ©coration intĂ©rieure dont de nombreux Ă©lĂ©ments proviennent de diverses Ă©glises prĂ©existantes[43]. Non seulement, celle-ci fut-elle en grande partie l’Ɠuvre d’artistes byzantins, mais une bonne partie du matĂ©riel, en particulier les chapiteaux, proviennent de Constantinople[44].

ConsidĂ©rĂ©e comme « l’un des chefs-d’Ɠuvre architecturaux de l’art byzantin[45], elle comprend trois absides dans le chevet[N 16], celle du centre Ă©tant de plus grande taille que celles des cĂŽtĂ©s. La coupole centrale est l’élĂ©ment architectural le plus imposant du toit, consistant en fait en une rĂ©union de quatorze coupoles diffĂ©rentes dont la taille varie en fonction de leur emplacement[45] contribuant ainsi Ă  estomper l’impression de lourdeur que pourrait donner la coupole centrale.

Cette coupole est supportĂ©e par un ensemble de piliers massifs qui se joignent Ă  une impressionnante sĂ©rie de colonnes soutenant la galerie supĂ©rieure de la basilique[45]. La façade comprend cinq portes, dont la finition est de facture romane, situĂ©es entre des colonnes supportant des arches dĂ©limitant le premier Ă©tage. Les tympans[N 17] situĂ©s au-dessus des portes sont ornĂ©s de reprĂ©sentations d’époques et d'influences variĂ©es, sauf pour quelques-unes qui, recouvertes d’or, dĂ©notent une origine byzantine[43].

Ce premier Ă©tage supporte une balustrade sur lequel on trouve cinq arcs aveugles qui suivent le mĂȘme plan que l’étage infĂ©rieur, avec un arc central plus imposant que les arcs latĂ©raux et des ouvertures pour laisser passer la lumiĂšre comme on en trouve dans les constructions romanes ou gothiques [43].

Les finis intĂ©rieurs de la basilique sont l’Ɠuvre de mosaĂŻstes byzantins. Malheureusement, les mosaĂŻques primitives ont Ă©tĂ© perdues dans l’incendie qui ravagea l’édifice en 1106[35]. Sauf pour quelques fragments rĂ©cupĂ©rĂ©s aprĂšs l’incendie, les mosaĂŻques actuelles datent du XIIe siĂšcle. Certaines ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es - en particulier sur la façade - entre le XVIe et le XVIIIe siĂšcle, conçues selon les plans des Ă©coles du Titien et du Tintoret, mais le programme ancien des mosaĂŻques a gĂ©nĂ©ralement Ă©tĂ© prĂ©servĂ©. Les mosaĂŻstes ont couvert une superficie totale de 4 240 m2, rĂ©alisant ainsi l'un des plus grands ensembles de mosaĂŻques du monde.

GrĂšce : monastĂšre de Saint-Luc

Intérieur de l'église du monastÚre Saint-Luc
Intérieur de l'église du monastÚre Saint-Luc.

PrĂšs de la ville de Distomo, se dresse l’un des plus importants monuments de la pĂ©riode intermĂ©diaire : le monastĂšre Saint-Luc (en grec ancien : ᜍσÎčÎżÏ‚ Î›ÎżÏ…ÎșÎŹÏ‚ ou Hosios Loukas), classĂ© parmi les sites du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Il fut fondĂ© au dĂ©but du Xe siĂšcle par un ermite, le bienheureux (hosios) Luc (Loukas) dont les reliques sont toujours conservĂ©es au monastĂšre. Ces reliques, qui Ă©taient supposĂ©es exsuder une sorte d’huile parfumĂ©e (myron) susceptible de guĂ©rir de nombreuses maladies, sont Ă  l’origine de la richesse du monastĂšre et des mosaĂŻques qui racontent la vie de l’ermite et de l’higoumĂšne Philotheos.

Mosaïque représentant Saint-Luc
MosaĂŻque reprĂ©sentant Saint-Luc dans l'Ă©glise du mĂȘme nom.

Le plus ancien Ă©difice de ce complexe est l’église de la ThĂ©otokos, exemple exceptionnel de plan de croix inscrite importĂ© en GrĂšce dans la deuxiĂšme moitiĂ© du Xe siĂšcle. Construite probablement entre 946 et 944, celle-ci est surtout impressionnante par le traitement de l’extĂ©rieur dont les murs sont construits avec la technique du « cloisonnĂ© », c’est-Ă -dire oĂč les blocs de pierre enlignĂ©s horizontalement sur une rangĂ©e sont encadrĂ©s de briques Ă  la fois Ă  l’horizontale et Ă  la verticale. Au-dessus des corniches, des rangĂ©es de denticules s’étendent Ă  l’horizontale et entourent les fenĂȘtres. Les murs sont ornĂ©s de motifs, variations de l’alphabet kufi, la plus ancienne forme calligraphique de l'arabe provenant d'une modification du syriaque ancien[46].

Le katholikon, ou Ă©glise principale du monastĂšre, Ă©difiĂ©e en 1011-1012, consiste au rez-de-chaussĂ©e, en une nef carrĂ©e sans ailes. Au-dessus de la corniche toutefois, le carrĂ© s’étend grĂące Ă  des niches semi-circulaires aux quatre coins auxquelles s’ajoutent quatre autres niches plus larges, mais moins profondes sur les cĂŽtĂ©s. Les niches de coins supportent des trompes qui produisent une base octogonale sur laquelle repose une couronne circulaire servant de base au dĂŽme mesurant neuf mĂštres de diamĂštre. La richesse des revĂȘtements de marbre sur les murs, les somptueuses mosaĂŻques (l’ensemble le mieux conservĂ© de la « renaissance macĂ©donienne ») et les dessins sur les planchers tĂ©moignent de la richesse initiale du monastĂšre[47].

Russie kiévienne : cathédrale de la Sainte-Sagesse de Kiev

C’est avec la conversion du prince Vladimir en 989 que les premiers Ă©difices en maçonnerie firent leur apparition dans la Russie kiĂ©vienne. La cathĂ©drale Sainte-Sophie ou de la Sainte-Sagesse, fut commencĂ©e en 1037 et complĂ©tĂ© dans les annĂ©es 1040. DĂ©truite et restaurĂ©e Ă  de nombreuses reprises, elle diffĂšre sensiblement de nos jours de ce qu’elle fut Ă  l’origine. Adoptant le plan de la croix inscrite, elle comportait non pas trois, mais cinq nefs ainsi que cinq absides du cĂŽtĂ© est. Les nefs les plus Ă©loignĂ©es du centre, de mĂȘme que le cĂŽtĂ© le plus Ă  l’ouest Ă©taient surmontĂ©es d’une tribune. Les supports intĂ©rieurs consistaient en douze piliers cruciformes alors que la tribune prenait appui sur trois paires de piliers octogonaux, sauf du cĂŽtĂ© est. Treize dĂŽmes arrangĂ©s de façon Ă  former une pyramide surmontaient l’ensemble qui Ă©tait entourĂ© d’un ambulatoire. L’ensemble reprĂ©sentait une superficie de 30 m sur 39 m. La dĂ©coration intĂ©rieure frappe par la richesse des mosaĂŻques et des fresques[48].

Il est difficile de sĂ©parer les aspects purement byzantins de cette architecture des apports extĂ©rieurs. Sainte-Sophie fut le premier Ă©difice de cette taille construite dans la Russie kiĂ©vienne. Ceci exigea que les architectes et maitres-d’Ɠuvre viennent de Constantinople, alors que les briques et autres matĂ©riaux furent produits localement. Le marbre, denrĂ©e rare et chĂšre, dut ĂȘtre importĂ©. D’oĂč l’absence de colonnes de marbre qui furent remplacĂ©es par des piliers de maçonnerie. Si l’on considĂšre l’ensemble des Ă©difices construits dans le royaume kiĂ©vien au XIe siĂšcle comme la cathĂ©drale du Saint-Sauveur de Tchernigov (env. 1036) ou Sainte-Sophie de Novgorod (1045-1050), on peut conclure que Byzance transmit Ă  la Rus’ un plan gĂ©nĂ©ral, celui de la croix inscrite, lequel dans sa formule la plus simple comprenait trois nefs, quatre piliers et un dĂŽme. Cette idĂ©e architecturale introduite entre 990 et 1070 se dĂ©veloppa par la suite en joignant la nef et le narthex donnant un plan allongĂ© Ă  six piliers. Toutefois, l’architecture locale n’adopta pas le plan trĂ©flĂ© (trois absides et trois demi-dĂŽmes sur trois des cĂŽtĂ©s d’un carrĂ©) byzantin apparu au Xe siĂšcle, pas plus que le plan octogonal sur trompe introduit au dĂ©but du XIe. AprĂšs le XIe siĂšcle, les Russes cessĂšrent d'imiter Constantinople en faveur d'un style national tandis que les centres de pouvoir se dĂ©plaçaient vers Vladimir-Souzdal, puis Moscou et Saint-PĂ©tersbourg[49].

L’hĂ©ritage byzantin

Plan du DĂŽme du Rocher
Plan du DĂŽme du Rocher de JĂ©rusalem
Mosquée des Omeyyades, Damas
Mosquée des Omeyyades, Damas.

L’architecture byzantine eut une profonde influence sur l’architecture islamique primitive. Pendant la pĂ©riode du califat omeyyade (661-750), l’hĂ©ritage artistique byzantin, qui Ă©tait important au Proche-Orient, est Ă  la source de l’art islamique, surtout en Syrie et en Palestine. Le DĂŽme du Rocher (691) de JĂ©rusalem tire son plan gĂ©nĂ©ral et sa dĂ©coration intĂ©rieure de l’art byzantin (tandis que la dĂ©coration extĂ©rieure, plus tardive, mĂȘle l'art byzantin avec l'art persan). Le plan de la mosquĂ©e des Omeyyades (709-715) de Damas est de type basilical, elle est en fait installĂ©e sur le site d'un ancien forum romain qui Ă©tait dotĂ© d'une basilique civile et d'un immense temple de Jupiter, la basilique avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© transformĂ©e en basilique chrĂ©tienne aux pĂ©riodes romaine tardive et byzantine (la cathĂ©drale Saint-Jean-le-Baptiste, abritant le tombeau de Saint-Jean, qui demeure encore dans la mosquĂ©e actuelle), puis remaniĂ©e Ă  l'Ă©poque islamique, elle offre ainsi une grande similaritĂ© avec le plan des basiliques chrĂ©tiennes des VIe et VIIe siĂšcles tout en Ă©tant allongĂ©e sur l’axe transversal plutĂŽt que l’axe longitudinal, conformĂ©ment Ă  l'orientation des anciennes basiliques civiles romaines, Ă  laquelle s'est mieux accommodĂ©e la liturgie islamique. Les restes de mosaĂŻque qui dĂ©corent l'extĂ©rieur, et dont la mosquĂ©e Ă©taient autrefois entiĂšrement couverte (y compris Ă  l'intĂ©rieur), faisant sa renommĂ©e, sont nettement de style byzantin et ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es par des artisans byzantins[50] - [51].

Les figures gĂ©omĂ©triques, arches multiples, dĂŽmes et compositions polychromes de briques et de pierres qui caractĂ©risent l’architecture islamique et maure trahissent l’influence byzantine (Ă  laquelle s'est ajoutĂ©e plus tard une influence persane Sassanide). En rĂ©alitĂ© les Byzantins et les chrĂ©tiens d'Orient ont continuĂ© d'exercer une trĂšs forte influence artistique sur l'art islamique durant le Moyen Âge, comme pour le dĂŽme ou les mosaĂŻques du mirhab de la mosquĂ©e de Cordoue en Espagne, rĂ©alisĂ©s au Xe siĂšcle Ă©galement par des artisans byzantins.

La Chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle construite par Charlemagne entre 792 et 804.

L'architecture byzantine a aussi beaucoup influencĂ© l'Europe occidentale durant le Haut Moyen Âge. On perçoit le plus nettement cette influence dans l'architecture carolingienne sous l'impulsion de Charlemagne aux VIIIe et IXe siĂšcles, qui s'inspire des prĂ©cĂ©dentes architectures palĂ©ochrĂ©tienne et mĂ©rovingienne d'Occident, mais avec d'importants apports byzantins. Charlemagne avait en effet Ă©difiĂ© l'Empire carolingien qui se voulait ĂȘtre une renaissance de l'Empire romain d'Occident, et les monuments de cette Ă©poque devaient donc reflĂ©ter cette idĂ©e. Le meilleur exemple est la Chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle qui reprend un plan octogonal Ă  coupole centrale frĂ©quent dans l'architecture byzantine, comme Ă  la Basilique Saint-Vital de Ravenne, et une dĂ©coration de marbre et de mosaĂŻques d'inspiration palĂ©ochrĂ©tienne et byzantine (fortement restaurĂ©e au XIXe siĂšcle). Plus tardivement, de nombreuses Ă©glises romanes du sud-ouest de la France adoptent un plan typiquement byzantin en croix grecque avec coupoles, le meilleur exemple est la CathĂ©drale Saint-Front de PĂ©rigueux.

L’influence byzantine restera trĂšs prĂ©gnante en Russie, Ukraine, Bulgarie, Roumanie, Serbie, GĂ©orgie et les autres pays orthodoxes d'Europe de l'Est, mais aussi chez les chrĂ©tiens d'Orient comme les Coptes en Égypte, mĂȘme longtemps aprĂšs leur sortie du giron de Constantinople, pour donner finalement naissance Ă  des Ă©coles d’architecture propres Ă  ces pays.

Notes et références

Notes

  1. VoĂ»te hĂ©misphĂ©rique dont l’extĂ©rieur porte le nom de dĂŽme. Elle peut ĂȘtre Ă©levĂ©e sur un plan circulaire ou sur un plan carrĂ©, hexagonal, octogonal ou elliptique. Dans ces derniers cas, elle conserve la forme hĂ©misphĂ©rique en rachetant la forme brisĂ©e du plan sur lequel elle repose au moyen de pendentifs ou de trompes
  2. Construction formĂ©e Ă  l’aide de voussoirs et qui est destinĂ©e Ă  couvrir un espace vide compris entre deux murs parallĂšles qui servent de pieds-droits Ă  la voĂ»te.
  3. Arc diagonal tendu en biais dans chacun des quatre angles d’une tour carrĂ©e. Les quatre arcs portent de petits murs qui transforment le carrĂ© en octogone.
  4. Nef latĂ©rale d’une Ă©glise, de hauteur gĂ©nĂ©ralement moindre que la nef principale. Les bas-cĂŽtĂ©s sont appelĂ©s collatĂ©raux lorsque leur hauteur est Ă©gale Ă  celle de la nef principale.
  5. Construite dans le palais d’Hormidas et prolongeant la basilique des saints Pierre-et-Paul avec laquelle elle partageait un atrium, cette Ă©glise avait une nef octogonale inscrite dans un rectangle irrĂ©gulier et Ă©tait couverte d’un dĂŽme de 17 m. Kazhdan (1991), vol. 3 « Sergios and Bakchos, Church of Saints, p. 1879.
  6. Chapiteau en forme de pyramide tronquée et renversée sur la pointe, décoré de feuillages ou motifs géométriques.
  7. Dans les églises, galerie haute courant au-dessus des bas-cÎtés. Glossaire, p. 426.
  8. Extrémité de la nef centrale de la basilique en forme de demi-cercle, voûtée en forme de coquille.
  9. Litt. « Christ, maitre du monde » figuré généralement au sommet intérieur des coupoles des églises byzantines par une effigie de proportions gigantesques. Glossaire, p. 340.
  10. Un mur cylindrique (ou polygonal) supportant, Ă  sa base, un dĂŽme ou une coupole.
  11. Avec ses cinq nefs, cinq absides et treize coupoles, cette derniùre est un exemple assez inhabituel de l’architecture byzantine.
  12. Dans la voĂ»te d’arĂȘtes, l’ouverture des deux berceaux se poursuit sans qu’ils s’interrompent mutuellement et les pans de voĂ»tes qui subsistent aprĂšs la pĂ©nĂ©tration se coupent selon des arĂȘtes vives qui forment une croix de Saint-AndrĂ©, la mĂȘme qui correspondait aux angles rentrants de la voĂ»te prĂ©cĂ©dente.
  13. Forte saillie de pierre, de bois ou de fer sur l’aplomb d’un parement, destinĂ©e Ă  supporter divers objets : poutres, corniches, arcatures, etc.)
  14. Motif ornemental. Juxtaposition de petites dĂ©coupures rectangulaires entaillĂ©es dans une corniche et sĂ©parĂ©es par des vides d’une largeur Ă©gale Ă  la moitiĂ© de la largeur d’un denticule et dĂ©signĂ©es du nom de mĂ©tatomes.
  15. On nomme ainsi l’arcade qui se trouve dans une Ă©glise Ă  l’entrĂ©e du chƓur. Ses bases Ă©taient rĂ©unies par une forte poutre appelĂ©e tref, laquelle Ă©tait surmontĂ©e d’un grand Christ.
  16. Partie extrĂȘme de la nef, au-delĂ  du sanctuaire, assimilĂ©e en plan Ă  la partie supĂ©rieure de la croix oĂč reposait la tĂȘte du Christ.
  17. Espace compris entre le linteau et l’archivolte d’un portail.

Références

  1. Bernard Germain É. de La Ville, Histoire gĂ©nĂ©rale, physique et civile de l'Europe, Volume 3, p. 45
  2. Jean-Claude Cheynet (dir.), Le Monde Byzantin, Presses Universitaires de France, « Nouvelle Clio » 2006, (ISBN 9782130520078), dont Jean-Marie Martin, Chapitre XVIII, L'Italie byzantine (641-1071) dans le tome II (2006), p. 473 à 494.
  3. Youri Saveliev, (ru) Le style byzantin dans l'architecture russe, Saint-PĂ©tersbourg 2005.
  4. Cyril Mango, 1976, p. 38
  5. Cyril Mango, 1976, pp. 9-12.
  6. Alexander Kazhdan, 1991, vol. 1. Architecture p. 158.
  7. Mango (1976), p. 61-64; voir également Procopius, De aedificii. I, i, 23 ff, cité dans Cyril Mango, 1972, p. 72
  8. Voir Talbot Rice (1999), p. 55-60.
  9. Voir Agnellus, XXIV, De Ecclesio, cc. 57, 59, cité dans Mango (1972), p. 104.
  10. Mango (1976), p. 58.
  11. Voir ce que dit Procope sur les édifices séculiers de Constantinople, cité dans Mango (1972) p. 108-113.
  12. Mango (1976), p. 68.
  13. Mango (1976), p. 70.
  14. Talbot-Rice (1963), p. 142.
  15. Mango (1976), p. 86.
  16. Kazdhan (1991), vol. 1 « Architecture», p. 158; Mango (1976), p. 89.
  17. Voir Ă  ce sujet, Ousterhout (1999), p. 13.
  18. Mango (1976), p. 138.
  19. Mango (1976), p. 108 Ă  140.
  20. Mango (1976), p. 108
  21. Mango (1976), p. 109.
  22. Voir pour cette période, Ousterhout (1999) chap. 1.
  23. Talbot Rice (1963), p. 159-161.
  24. Mango (1976) p. 98-108; Talbot Rice (1963), p. 138-144.
  25. Mango (1976), p. 110.
  26. Mango (1976), p. 118 et 120.
  27. Mango (1976), p. 141-146.
  28. Kazhdan (1991), p. 159.
  29. Kazhdan (1991), p. 191; Mango (1976), p. 146.
  30. Pour ces églises taillées dans le roc, voir Talbot Rice (1999), p. 134-135.
  31. Mango (1976), p. 148-153.
  32. Talbot Rice (1999), p. 140-141.
  33. Mango (1967), p. 167.
  34. Mango (1976), p. 166-167.
  35. Schug-Wille (1978), p. 114.
  36. Schug-Wille (1978), p. 115.
  37. Kazhdan (1991), vol. 2. « Irene, Church of Saint », p. 1009.
  38. UNESCO « Monuments paléochrétiens de Ravenne », [en ligne] http://whc.unesco.org/fr/list/788.
  39. Schug-Wille (1978), p. 102
  40. Schug-Wille (1978), p. 104.
  41. Schug-Wille (1978), p. 118.
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  43. Armesto et alii (1998), p. 92
  44. Schug-Wille (1978), p. 188.
  45. Armesto et alii (1998), p. 91
  46. Mango (1976), p. 118.
  47. Mango (1976), p. 124.
  48. Mango (1976), p. 181.
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  50. Barbara H. Rosenwein, A short history of the Middle Ages. University of Toronto Press, 2014. p. 56
  51. Kleiner, Fred. Gardner's Art through the Ages, Vol. I Cengage Learning, 2013.

Voir aussi

Bibliographie

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  • (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
  • (en) Cyril Mango, The Art of the Byzantine Empire, 312-1453 : Sources and Documents, Toronto, University of Toronto Press, Scholarly Publishing Division (rĂ©impr. 1986) (1re Ă©d. 1972), 272 p. (ISBN 978-0-8020-6627-5, BNF 34897503)
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  • (en) Robert Ousterhout, Master Builders of Byzantium, Princeton University Press, , 320 p. (ISBN 978-0-691-00535-5, lire en ligne)
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  • (en) David Talbot Rice, Art of the Byzantine Era, Londres, Thames & Hudson, (ISBN 978-0-500-20004-9)
  • Melchior de VogĂŒĂ© et Jean Neufville, Glossaire de termes techniques Ă  l’usage des lecteurs de « La nuit des temps », La-Pierre-Qui-Vire (Yonne), Les Presses Monastiques, (ISBN 978-2-7369-0100-4)

Articles connexes

Liens externes

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