Georges SphrantzĂšs
Georges SphrantzĂšs (autres orthographes : PhrantzĂšs ou Phrantza ; en grec : ÎΔÏÏÎłÎčÎżÏ ÎŁÏÏαΜÏÎ¶ÎźÏ ou ΊÏαΜÏÎ¶ÎźÏ ; nĂ© vers 1401, mort vers 1478) fut un diplomate et Ă©crivain byzantin. Il fut secrĂ©taire de Manuel II PalĂ©ologue avant de devenir protovestiaire[N 1] sous Jean VIII PalĂ©ologue en 1432 et un confident de Constantin XI. Il assista Ă la chute de Constantinople en 1453, fut fait prisonnier par les Turcs mais rançonnĂ© peu aprĂšs. Il fut nommĂ© gouverneur de Mistra en 1446 et resta prĂšs des membres de la famille PalĂ©ologue jusquâĂ ce quâil se retire dans un couvent oĂč il prononça ses vĆux en 1472. Câest pendant cette pĂ©riode quâil Ă©crivit son Histoire qui se termine sur la tentative du sultan Mehmed II de prendre Naupacte (Naupaktos). On croit quâil serait mort peu aprĂšs.
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Biographie
SphrantzĂšs naquit Ă Constantinople durant le siĂšge de la ville par les Turcs en 1401. Sa grand-mĂšre Ă©tait une religieuse du nom de Thomais[1]. En 1418, il fut nommĂ© secrĂ©taire de lâempereur Manuel II[2]. Pendant cette pĂ©riode, il devait rendre de nombreux services au futur empereur Constantin XI avec qui il demeurera trĂšs liĂ© : « Mon oncle fut son prĂ©cepteur, mes cousins et moi-mĂȘme ses camarades, amis et serviteurs[3] ». AprĂšs la mort de Manuel, il devint secrĂ©taire de Constantin quâil accompagna lorsque ce dernier fut nommĂ© despote de MorĂ©e, le .
Ă leur arrivĂ©e en MorĂ©e, Constantin le nomma gouverneur de Glarentza. Il participa aux efforts de Constantin pour conquĂ©rir le reste de la MorĂ©e, mais fut capturĂ© le dans une Ă©chauffourĂ©e prĂšs de Patras et retenu prisonnier jusquâĂ ce que ses liens avec Constantin eussent Ă©tĂ© attestĂ©s ; il fut alors libĂ©rĂ© et renvoyĂ© du cĂŽtĂ© byzantin pour participer aux nĂ©gociations pour la reddition de la citadelle[4]. Alors quâil voyageait en Ăpire pour nĂ©gocier un accord entre Carlo II Tocco et les fils illĂ©gitimes de son oncle sur la succession Ă la tĂȘte du despotat, il fut enlevĂ© par des pirates catalans qui le ramenĂšrent Ă Glarentza et lâĂ©changĂšrent contre une rançon[5]. Ă son retour Ă Constantinople, il reçut le grade de protovestiaire en 1430[6].
Par la suite, il fut lâun des principaux ambassadeurs de Constantin. Il tenta de lui obtenir AthĂšnes en 1435[7]. Il nĂ©gocia le deuxiĂšme mariage de Constantin avec Caterina Gattilusio en 1440[8] et fut nommĂ© gouverneur de Mistra en 1446[9]. Ă la mort de Jean VIII PalĂ©ologue, il fut envoyĂ© par lâimpĂ©ratrice HĂ©lĂšne Ă la cour du sultan pour obtenir lâaval de celui-ci Ă la nomination de Constantin comme empereur[10]. La deuxiĂšme Ă©pouse de Constantin Ă©tant morte en couches en 1442, SphrantzĂšs fut envoyĂ© en Serbie (1451) pour obtenir une troisiĂšme Ă©pouse, mais les pourparlers nâayant pas abouti, il fut dĂ©pĂȘchĂ© en Georgie oĂč il eut plus de succĂšs, quoique le mariage anticipĂ© ne se rĂ©alisa jamais[11] - [12]. Pendant ce temps, il devait lui-mĂȘme Ă©pouser la fille du secrĂ©taire impĂ©rial Alexios Palaiologos Tzamplakon ; lâempereur Constantin lui servit de tĂ©moin[13]. Il se prĂ©parait Ă partir avec son fils Jean et une partie de ses richesses vers la MorĂ©e, puis vers Chypre lorsque le sultan Mehmed II commença le siĂšge de Constantinople[14].
Ă la veille de la chute de Constantinople, SphrantzĂšs fut chargĂ© par le basileus de dresser lâĂ©tat des troupes quâil estima Ă environ 5 000 hommes auxquels il fallait ajouter de 2 000 Ă 3 000 Ă©trangers. Toutefois, le rĂ©cit que fait SphrantzĂšs de la prise de Constantinople est trĂšs sommaire. Au sujet de la mort de Constantin XI dont il fut si proche, il Ă©crit seulement : « Au cours de cette capture, mon dernier maitre et empereur, le Seigneur Constantin, fut tuĂ©. Je nâĂ©tais pas Ă ses cĂŽtĂ©s Ă cette heure, ayant Ă©tĂ© chargĂ© par lui dâinspecter un autre quartier de la ville[15] ». SphrantzĂšs fut fait prisonnier et rĂ©duit Ă lâĂ©tat dâesclave. Il fut toutefois rançonnĂ© le et put se rendre Ă Mistra[16]. Il y fut accueilli par Thomas PalĂ©ologue, alors despote de MorĂ©e. Il rĂ©ussit Ă se rendre Ă Andrinople lâannĂ©e suivante pour y payer la rançon de sa femme et Ă revenir sans se faire capturer par le sultan[17]. Thomas PalĂ©ologue lâenvoya Ă Venise comme ambassadeur en 1455[18]. AprĂšs la chute du despotat en 1460, il se retira au monastĂšre de Tarchaneiotes Ă Kerkyra (Corfou) oĂč il prononça ses vĆux en 1472 et adopta le nom monastique de GrĂ©goire. On croit quâil serait mort peu aprĂšs.
Famille
Il eut cinq enfants de sa femme HĂ©lĂšne, dont deux moururent en bas Ăąge. Un troisiĂšme mourut Ă lâĂąge de cinq ans mais un fils, Jean, et une fille, Thamar, atteignirent lâĂąge adulte ; lâempereur Constantin fut le parrain des deux[19]. AprĂšs la capture de Constantinople, les deux enfants ainsi que sa femme devinrent les esclaves de Turcs ĂągĂ©s qui les traitĂšrent avec compassion ; les enfants devaient par la suite ĂȘtre vendus au maitre des Ă©curies du sultan. « Leur pauvre mĂšre demeura donc seule en compagnie dâune seule femme de chambre[20] ». SphrantzĂšs Ă©crit ailleurs quâil apprit par la suite la mort de son fils ĂągĂ© de 14 ans en [21]. Sa fille devait mourir dans le harem impĂ©rial alors quâelle avait un peu plus de quatorze ans[22].
Ćuvre
Georges SphrantzĂšs fait partie dâun groupe de quatre historiens qui dĂ©crivirent les derniĂšres annĂ©es de lâempire : Laonicos Chalcondyle, Critobule dâImbros, Doukas et lui-mĂȘme. Ces quatre Ă©crivains avaient reçu une Ă©ducation classique avant la chute de Constantinople ; mais alors que Chalcondyle et Critobule Ă©crivirent dans lâempire du sultan en utilisant un style archaĂŻque affectĂ©, Doukas et SphrantzĂšs, rĂ©fugiĂ©s Ă lâĂ©tranger, utilisaient un langage familier incluant dans le cas de SphrantzĂšs nombre de mots turcs et italiens[23]. Ă la diffĂ©rence de Doukas, partisan de lâUnion des Ăglises, SphrantzĂšs demeura rĂ©solument opposĂ© aux Latins[24].
Câest alors quâil sâĂ©tait retirĂ© au monastĂšre de TarchaneiotĂšs que SphrantzĂšs rĂ©digea sa Chronique (ΧÏÎżÎœÎčÎșÏÎœ), laquelle comme presque toutes les chroniques de lâĂ©poque commence avec la crĂ©ation du monde, mais se concentre sur lâhistoire de la maison des PalĂ©ologues et fait autoritĂ© pour les Ă©vĂšnements qui lui sont contemporains. Les traits distinctifs de lâĆuvre sont la loyautĂ© envers les PalĂ©ologues dont SphrantzĂšs exagĂšre souvent les mĂ©rites et voile les dĂ©fauts, de mĂȘme que sa haine des Turcs et sa dĂ©votion envers lâOrthodoxie[25]. Steven Runciman a Ă©crit de son Ćuvre quâelle Ă©tait « honnĂȘte, vivante et convaincante », et que SphrantzĂšs « Ă©crivait dans un style grec Ă©lĂ©gant avec un style aisĂ© et sans prĂ©tention[26] ».
Il existe deux versions de ce rĂ©cit historique : la version « courte » dite Chronicon Minus qui couvre la pĂ©riode 1413-1477, et la version « Ă©largie » ou Chronicon Maius qui commence avec les dĂ©buts de la dynastie des PalĂ©ologues en 1258 et a Ă©tĂ© Ă lâorigine dâune controverse pendant de trĂšs nombreuses annĂ©es, car elle est trĂšs laconique sur la chute de Constantinople alors mĂȘme que Georges SphrantzĂšs y a participĂ© et constitue lâĂ©vĂšnement majeur de cette Ă©poque. Toutefois, les travaux menĂ©s Ă partir de 1934 par des historiens comme J. B. Falier-Papadopoulos, F. Dölger et J. R. Loenertz ont montrĂ© quâil sâagissait dâun faux rĂ©digĂ© plusieurs dĂ©cennies plus tard par Macaire MelissĂšne, mĂ©tropolite de Monemvasia. Toutefois, selon M. Caroll, une grande partie de la section traitant du siĂšge de Constantinople aurait Ă©tĂ© lâĆuvre de SphrantzĂšs[27].
Ăditions
Il existe une Ă©dition datant de 1838 par Immanuel Bekker dans le Corpus scriptorum hist. byz., par Jacques Paul Migne dans Patrologia Graeca, civi. Ont suivi une Ă©dition par V. Grecu (Bucarest 1966) avec traduction en roumain, une Ă©dition en allemand en 1954 et en anglais (celle suivie ici) par Marios Philippides (Amherst, 1980). Il existe Ă©galement une Ă©dition avec traduction en italien par R. Maisano (Rome, 1990).
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « George Sphrantzes » (voir la liste des auteurs).
Notes
- Pour les titres et fonctions, voir lâarticle « Glossaire des titres et fonctions dans l'Empire byzantin ».
Références
- SphrantzÚs 1980, préface, p. 21.
- SphrantzĂšs 1980, 6, 1, p. 24 et sq.
- SphrantzĂšs 1980, 15, 5, p. 31.
- SphrantzĂšs 1980, 17, 8-10, et 19, 1-3, p. 36-40.
- SphrantzĂšs 1980, 21, 1, p. 45.
- SphrantzĂšs 1980, 21, 10, p. 46.
- SphrantzĂšs 1980, 22, 1-4, p. 47.
- SphrantzĂšs 1980, 24, 7, p. 52.
- SphrantzĂšs 1980, 27, 1, p. 55.
- Treadgold 1997, p. 410.
- SphrantzĂšs 1980, 28-30, p. 56-60.
- Treadgold 1997, p. 412-413.
- SphrantzĂšs 1980, 24, 1-2, p. 52.
- SphrantzĂšs 1980, 34, 7, et 35, 2, p. 67-69.
- SphrantzĂšs 1980, 35, 9, p. 70.
- SphrantzĂšs 1980, 35, 11, p. 70.
- SphrantzĂšs 1980, 37, 4-6, p. 74 et sq.
- SphrantzĂšs 1980, 37, 10, p. 75.
- SphrantzĂšs 1980, 24, p. 24 et sq.
- SphrantzĂšs 1980, 35, 11-12, p. 70 et sq.
- SphrantzĂšs 1980, 37, 3, p. 74.
- SphrantzĂšs 1980, 37, 9, p. 75.
- Treadgold 1997, p. 836-837.
- Ostrogorsky 1983, p. 492.
- Vasiliev 1952, p. 692.
- Runciman 1990, p. 193.
- Théorie expliquée par Philippides dans SphrantzÚs 1980, p. 6 ; voir aussi Kazhdan 1991, « Sphrantzes, George », vol. 3, p. 1937.
Bibliographie
Sources premiĂšres
- (en) Georges SphrantzĂšs (trad. Marios Philippides), The Fall of the Byzantine Empire : A Chronicle by George SphrantzĂšs, 1401-1477, Amherst, The University of Massachusetts Press, (ISBN 978-0-87023-290-9).
- (la) Georges SphrantzÚs, Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae, Bonn, I. Bekker, (réimpr. Leipzig, éd. Papadopoulos, 1935).
Sources secondaires
- (en) Margaret Carroll, A contemporary Greek Source for the Siege of Constantinople 1453. The Sphrantzes Chronicle, introduction, translation, commentary and index, Amsterdam, Hakkert, (ISBN 90-256-0904-X).
- Thierry Ganchou, « Le mĂ©sazon DĂ©mĂ©trius PalĂ©ologue CantacuzĂšne a-t-il figurĂ© parmi les dĂ©fenseurs du siĂšge de Constantinople (29 mai 1453) ? », Revue des Ă©tudes byzantines, nos 52, 1,â , p. 1893.
- Rodolphe Guilland, « Le protovestiarite Georges PhrantzĂšs », Revue des Ă©tudes byzantines, nos 6, 1,â , p. 966.
- (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
- Georges Ostrogorsky (trad. de l'allemand), Histoire de lâĂtat byzantin, Paris, Payot, , 649 p. (ISBN 2-228-07061-0).
- J. B. Falier-Papadopoulos, « PhrantzĂšs est-il rĂ©ellement lâauteur de la grande chronique qui porte son nom ? », Bulletin de lâInstitut archĂ©ologique bulgare,â , p. 177-189.
- (en) Steven Runciman, The Fall of Constantinople, Londres, Cambridge University Press, .
- (en) Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society, Stanford, Stanford University Press, , 1019 p. (ISBN 0-8047-2630-2, lire en ligne).
- (en) A. A. Vasiliev, History of the Byzantine Empire, Madison, University of Wisconsin Press, (ISBN 0-299-80926-9).