Dobroudja
La DobrogĂ©e ou Dobroudja (en bulgare : ĐĐŸĐ±ŃŃЎжа, en roumain : Dobrogea et DobrogĂ©e dans les documents français anciens[1] - [2]) est une rĂ©gion historique dâEurope, appelĂ©e MĂ©sie infĂ©rieure puis Scythie mineure dans lâAntiquitĂ©, aujourdâhui partagĂ©e entre le Sud-Ouest de lâUkraine, lâEst de la Roumanie et le Nord-Est de la Bulgarie.
Dobroudja
(bg) ĐĐŸĐ±ŃŃЎжа
(ro) Dobrogea
1325â1386
Population | Historique: Gagaouzes |
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1325 | fondation en tant qu'Ătat |
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1386 | disparition en tant qu'Ătat |
vers 1325 | Balko (Balica) |
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1347 | Dobrotitch |
1386 | Mircea l'Ancien |
Entités précédentes :
Entités suivantes :
GĂ©ographie
La DobrogĂ©e est une rĂ©gion agricole et touristique, entre le bas-Danube et la mer Noire, dâenviron 23 400 km2 :
- au nord, 338 km2 appartiennent Ă lâUkraine (Ăźles et delta secondaire du bras danubien de Chilia dans le delta du Danube, et Ăźle des Serpents en mer Noire, rattachĂ©s depuis 1948 Ă lâoblast d'Odessa)[3] ;
- au centre, 15 570 km2 appartiennent Ă la Roumanie (judeÈe de Constanza et de Tulcea, avec les quatre cinquiĂšmes du delta du Danube)[4] ;
- au sud, la Dobroudja du Sud appartient Ă la Bulgarie. Sa superficie peut ĂȘtre dĂ©terminĂ©e de deux maniĂšres diffĂ©rentes :
- soit sont prises en compte les superficies des oblasts de Dobritch et de Silistra (considérés comme le « grenier à blé » de la Bulgarie), ce qui donne une superficie de 7 565 km2 ;
- soit sont considérées les limites du territoire annexé par la Roumanie de 1913 à 1916 et de 1918 à 1940[5], selon le premier traité de Bucarest (territoire parfois appelé en Roumanie « Cadrilater »), ce qui donne une superficie de 7 412 km2.
Le point culminant de la DobrogĂ©e est le pic des Grecs (VĂąrful Grecilor), dans le massif du MÄcin : 457 m. Ce massif, hercynien, aux roches intrusives, effusives et mĂ©tamorphiques, est entourĂ© par le plateau dobrogĂ©en Ă soubassements calcaires allant du crĂ©tacĂ© au pliocĂšne (visibles au pied des falaises danubiennes ou maritimes, ainsi que dans les vallĂ©es les plus creusĂ©es et au cap Kaliakra) mais recouvert dâĂ©paisses couches de lĆss plĂ©istocĂšne et holocĂšne, dĂ©pĂŽt Ă©olien propice Ă lâagriculture, mais facilement et rapidement Ă©rodĂ© sur la cĂŽte, au grand dam des propriĂ©taires des villas avec vue sur la mer, qui ont poussĂ© en nombre depuis deux dĂ©cennies malgrĂ© les vains avertissements des gĂ©omorphologues et des gĂ©ologues[6].
Câest en DobrogĂ©e, Ă la frontiĂšre roumano-bulgare, cĂŽtĂ© roumain, que se trouve la grotte de Movile, totalement isolĂ©e du monde extĂ©rieur depuis un demi-million dâannĂ©es et abritant une faune endĂ©mique unique au monde, adaptĂ©e au manque de lumiĂšre et dâoxygĂšne, et dont le rĂ©seau trophique est fondĂ© sur la prolifĂ©ration de bactĂ©ries se nourrissant des matiĂšres en suspension dans lâeau.
Climat
En DobrogĂ©e le climat est continental sec, torride lâĂ©tĂ©, glacial lâhiver, mais attĂ©nuĂ© dâinfluences pontiques. Les prĂ©cipitations tombent sous forme de jours de pluie au printemps et en automne, de violents et soudains orages en Ă©tĂ©, de neige en hiver (le blizzard venu de SibĂ©rie les accumule souvent en congĂšres). La vĂ©gĂ©tation est en partie steppique, formation favorisĂ©e durant la pĂ©riode turque par lâĂ©levage extensif dâovins, mais dans le massif du MÄcin, autour des limans et le long des cours dâeau (notamment le Danube et son delta) subsistent des forĂȘts dâaulnes, de chĂȘnes, de peupliers et de saules, ainsi que de vastes roseliĂšres.
Population
Les principales villes sont les ports de Mangalia (50 000 habitants), ConstanÈa (350 000 habitants) et Tulcea (95 000 habitants) en Roumanie, et les villes de Tutrakan (12 000 habitants) Silistra (40 000 habitants), Dobritch (95 000 habitants) et Baltchik (13 000 habitants) en Bulgarie. Sa population est dâenviron 1,3 million dâhabitants dont 1 million dans la Dobrogea roumaine et 360 000 dans la Dobroudja bulgare.
Groupes ethniques | Dobrogée entiÚre | Dobrogea roumaine[7] | Dobroudja bulgare[8] | |||
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Nombre | % | Nombre | % | Nombre | % | |
Total | 1 180 560 | 100,00 | 897 165 | 100,00 | 283 395 | 100,00 |
Roumains et Aroumains | 752 197 | 63,72 | 751 250 | 83,70 | 947 | 0,33 |
Bulgares et Gagaouzes | 192 756 | 16,33 | 58 | 0,01 | 192 698 | 68,00 |
Turcs | 95 463 | 8,09 | 22 500 | 2,50 | 72 963 | 25,75 |
Roms | 24 140 | 2,04 | 11 977 | 1,30 | 12 163 | 4,29 |
Tatars | 20 528 | 1,74 | 19 720 | 2,20 | 808 | 0,29 |
Russes et LipovĂšnes | 14 608 | 1,24 | 13 910 | 1,60 | 698 | 0,25 |
Grecs | 1 467 | 0,12 | 1 447 | 0,16 | 20 | 0,01 |
Ukrainiens | 1 250 | 0,11 | 1 177 | 0,10 | 73 | 0,03 |
Agriculture
La DobrogĂ©e roumaine (au nord), dont les sols sont lĆssiques, est une terre de pĂąturage ovin (moutons MĂ©rinos), de vergers et de vignes (vins de Murfatlar). La plaine de la DobrogĂ©e bulgare (sud) est plantĂ©e de vastes parcelles de cĂ©rĂ©ales, de plusieurs centaines dâhectares chacune et ayant la particularitĂ© dâĂȘtre sĂ©parĂ©es par des haies de 10 Ă 20 mĂštres de large qui ont Ă©tĂ© plantĂ©es Ă la fin de lâĂ©poque communiste pour ralentir lâĂ©rosion des sols. En dĂ©pit dâune agriculture de plus en plus intensive, dont les nitrates contaminent les eaux superficielles, ces haies ont une fonction importante dâaccueil et de refuge pour la faune utile Ă lâagriculture. En outre, il existe encore des forĂȘts de chĂȘnes verts (Quercus ilex) rĂ©siduelles, tant en Roumanie quâen Bulgarie.
Environnement
La DobrogĂ©e a une faune riche malgrĂ© les catastrophes environnementales de lâĂ©poque communiste (rĂ©gime qui promouvait « la lutte de lâHomme contre la Nature »). La partie roumaine comprend le delta du Danube, qui abrite encore de nombreux oiseaux aquatiques (dont des pĂ©licans et en hivernage environ 90 % de la population mondiale de la bernache Ă cou roux, espĂšce menacĂ©e) et une faune ichtyologique en diminution depuis la privatisation des droits de pĂȘche, tandis quâune urbanisation de loisirs effrĂ©nĂ©e, avec tout ce que cela implique comme nuisances, menace lâensemble des milieux. La rĂ©serve de biosphĂšre du delta du Danube, aux moyens rĂ©duits, fait ce quâelle peut pour limiter les dĂ©gĂąts. La situation gĂ©opolitique aux frontiĂšres orientales de lâUnion europĂ©enne empĂȘche les deux directeurs de la rĂ©serve, lâun roumain et lâautre ukrainien, de collaborer autant quâil le faudrait, car le point de passage frontalier autorisĂ© le plus proche est Ă 250 kilomĂštres vers lâouest, hors de la DobrogĂ©e et du delta du Danube.
Dans la partie bulgare, les forĂȘts de chĂȘnes verts et les haies coupe-vent ont Ă©tĂ© mieux prĂ©servĂ©es que dans la partie roumaine, souvent devenue steppique, parfois mĂȘme semi-dĂ©sertique Ă cause de la dĂ©forestation. On trouve dans ces haies et ces forĂȘts la buse fĂ©roce (Buteo rufinus), la buse pattue (Buteo lagopus) et le faucon Ă©merillon (Falco columbarius) qui contribuent Ă rĂ©guler les rongeurs friands de cĂ©rĂ©ales. La Grande Outarde (Otis tarda) frĂ©quente aussi la DobrogĂ©e. Mais si en Roumanie lâintĂ©gralitĂ© des zones Natura 2000 proposĂ©es par les scientifiques ont Ă©tĂ© validĂ©es par les autoritĂ©s, en Bulgarie par contre seule la moitiĂ© a Ă©tĂ© validĂ©e par le ministĂšre de lâEnvironnement, qui, de plus, a rĂ©duit de moitiĂ© la surface proposĂ©e pour la rĂ©serve naturelle du cap KaliakraâŠ
Histoire
Préhistoire, antiquité
Selon Ion Bitoleanu et Adrian RÄdulescu[9], la DobrogĂ©e est habitĂ©e depuis le PalĂ©olithique, et les cultures nĂ©olithique de Hamangia en Dobrogea roumaine, et chalcolithique de Varna-Durankulak en Dobroudja bulgare IVe millĂ©naire av. J.-C., sont mondialement connues pour leurs sculptures, leurs constructions dĂ©jĂ en pierre et leurs tombes riches en or.
Dans lâAntiquitĂ©, la rĂ©gion est habitĂ©e par les tribus Daces et GĂštes. La population locale, progressivement hellĂ©nisĂ©e, fait du commerce avec les colonies grecques du Pont Euxin (Dionysoupolis, Callatis, Tomis, Histrios, Argamos) jusquâĂ la conquĂȘte romaine. Rome contrĂŽle la MĂ©sie pendant sept siĂšcles et lâintĂšgre Ă la Dacie aurĂ©lienne qui, par la christianisation, entre dans la civilisation byzantine.
Moyen Ăge
Selon Ion Barnea et Ètefan ÈtefÄnescu[10], les migrations des peuples slaves et turcophones (Huns, Avars, Proto-Bulgares, Ouzes, PetchĂ©nĂšgues, Coumans, Mongols, Tatars, Ottomans) mettent fin Ă lâexistence des citĂ©s grĂ©co-romaines telles Capidava et des ports de la cĂŽte, mais dâautres, comme Dorostolon (ou DrÄstÄr) sur le Danube, se maintiennent Ă travers les diffĂ©rentes dominations politiques.
Ă lâissue de la bataille d'Ongal, la DobrogĂ©e est intĂ©grĂ©e au Premier Ătat bulgare de 681 Ă 971, redevient romaine d'Orient (byzantine) de 971 Ă 1186, puis fait partie du royaume bulgaro-valaque[11], tant ces deux peuples, Bulgares et Valaques, ainsi que celui turcophone des Coumans et sans oublier les Pontiques de la cĂŽte, Ă©taient alors mĂ©langĂ©s dans le bassin du Bas-Danube, sur les deux rives du fleuve.
En 1325 la DobrogĂ©e est mentionnĂ©e pour la premiĂšre fois comme despotat semi-indĂ©pendant vassal de lâEmpire byzantin, ayant comme prince BalicÄ ou Balko de Dobritch, avec la capitale Ă Kaliakra prĂšs de Karvouna (aujourdâhui Kavarna). En 1346, ses fils, Dobrotitch et ThĂ©odore, sâimpliquent dans les rivalitĂ©s dynastiques de lâEmpire byzantin comme alliĂ©s de lâimpĂ©ratrice Anne de Savoie. En rĂ©torsion Ă cela, en 1347, lâempereur Jean V PalĂ©ologue envoie lâun de ses vassaux, lâĂ©mir turc Bahoud dâUmur, en expĂ©dition navale contre la DobrogĂ©e. BalicÄ et ThĂ©odore perdent la vie dans le naufrage de leur nef amirale et Dobrotitch restĂ© Ă terre devient le nouveau despote.
PeuplĂ© (selon les chroniques gĂ©noises) de Bulgares, de Valaques (Roumains), de « RomĂ©es » (Grecs), de Juifs yĂ©vaniques (« Romaniotes ») et dâArmĂ©niens (« Hermins »), ce despotat sâĂ©tend sur le bas-Danube depuis les bouches du fleuve au cap HĂŠminos (Emina) au sud de Varna. Les langues les plus parlĂ©es y sont le bulgare, le grec et le « valaque ». Les portulans gĂ©nois le dĂ©crivent tantĂŽt comme un despotat grec (« terra graecorum »), tantĂŽt comme une petite Valachie (« Velacia minor »), tantĂŽt comme une troisiĂšme Bulgarie (« Bulgaria tertia », les deux autres Bulgaries Ă©tant les Tzarats de Vidin et de Tarnovo). Il sâouvre aux marchands gĂ©nois qui en assurent la prospĂ©ritĂ©, lui fournissent nefs et armes, et installent les comptoirs de San Giorgio (Giurgiu, Djurdjevo), Dorostolo (Silistra), Barilla (BrÄila, Ibrahil), Caladda (GalaÈi), Licovrissi (ObluciÈa ou Izmail), Licostomo (Periprava prĂšs de Chilia Veche), Constanza (ConstanÈa), Carvouna (Kavarna), Danissa (Baltchik) et Odessa[12] (aujourdâhui Varna ; le nom moderne dâOdessa, en Ukraine, vient bien de lĂ , mais lâOdessa moderne nâa Ă©tĂ© fondĂ©e quâau XVIIIe siĂšcle).
Entre 1352-1359, la puissance des Tatars de la Horde d'or dĂ©clinant, un second despotat apparaĂźt autour des bouches du Danube, gouvernĂ© par le prince Demetrios, qui se met sous la protection de la Valachie : dĂšs lors celle-ci Ă©tend sa domination sur le Bas-Danube (GalaÈi, actuel Boudjak, Chilia).
En 1357, Dobrotitch perd Messembria (aujourdâhui NesebÄr) et Anhialos (aujourdâhui PomoriĂ©) au profit de lâempereur Jean V PalĂ©ologue, mais en 1359, il prend Ă Demetrios les citĂ©s de Vicina et de Chilia dont il expulse les GĂ©nois qui ne gardent que le port de Licostomo. Hyacinthe, archevĂȘque de Vicina, passe en Valachie dont il devient le premier mĂ©tropolite. En 1366, Jean V PalĂ©ologue se rend Ă Budapest et Ă Rome, chercher des financements pour sa campagne contre la DobrogĂ©e et contre les Turcs ottomans qui ont pris pied en Europe depuis 1354 : il les obtient et assiĂšge Kaliakra, mais est capturĂ© par les assiĂ©gĂ©s. Dobrotitch apparaĂźt alors comme un alliĂ© des Ottomans. AmĂ©dĂ©e VI de Savoie mĂšne aussitĂŽt campagne contre la DobrogĂ©e avec le soutien gĂ©nois. Dobrotitch nĂ©gocie, libĂšre lâempereur byzantin, et en fait son beau-pĂšre en mariant sa fille Ă Michel PalĂ©ologue.
En 1369, Dobrotitch sâallie Ă Vladislav Ier de Valachie pour restaurer le tzar bulgare Ivan Sratsimir sur le trĂŽne de Vidin. En 1379, une guerre commerciale oppose devant Constantinople les GĂ©nois Ă une flotte valaque, bulgare et dobrogĂ©enne : lâaffaire se conclut par un compromis.
Dobrotitch meurt en 1386 et lĂšgue son trĂŽne Ă son fils Ivanko ou Iancou, alors que les Ottomans ont dĂ©jĂ commencĂ© la conquĂȘte des Balkans et lâencerclement de Constantinople. Ivanko fait la paix avec le sultan ottoman Mourad I et signe aussi un traitĂ© avec GĂȘnes. Mais en 1388 le grand vizir ottoman Ăandarli Ali Pacha attaque Ă nouveau et Ivanko est tuĂ© au combat : la Bulgarie tombe sous la domination turque pour prĂšs de cinq siĂšcles, tandis que la DobrogĂ©e passe sous souverainetĂ© valaque pour quelques dĂ©cennies.
Mais la Valachie Ă son tour doit plier devant les sultans ottomans qui occuperont la DobrogĂ©e entre 1421 et 1878 en y colonisant de nombreux tatars et turcs musulmans. AprĂšs avoir formĂ© durant quelques annĂ©es une province militaire, la DobrogĂ©e (en turc Dobruca) est intĂ©grĂ©e dans lâĂzi Eyaleti, province turque gouvernĂ©e par les pachas de Silistra, tandis que ses habitants chrĂ©tiens relĂšvent tantĂŽt de lâexarchat du ProĂŻlavon qui a pour siĂšge BrÄila et inclut les territoires ottomans Ă majoritĂ© chrĂ©tienne entre Varna et lâestuaire du Dniestr, tantĂŽt de celui de TÇrnovo.
Ăpoque moderne
Lors de la guerre russo-turque de 1877-1878, la DobrogĂ©e est revendiquĂ©e tant par la Roumanie que par la Bulgarie, nouvellement indĂ©pendantes de lâEmpire ottoman. Les deux pays, alors alliĂ©s, sont dâaccord sur le principe dâun partage, mais Roumains et Bulgares sont mĂ©langĂ©s (aux Turcs et aux Tatars) dans toute la DobrogĂ©e : oĂč placer la frontiĂšre ? Les Roumains Ă©tant plus nombreux au nord et les Bulgares au sud, une commission austro-allemande attribue Ă la Roumanie les deux tiers nord et Ă la Bulgarie le tiers sud. La frontiĂšre part de la sortie est de la ville bulgare de Silistra et aboutit entre les deux hameaux de pĂȘcheurs grecs et turcs dâOphidaki (Yilanlik en turc, Vama-Veche aujourdâhui) et de Limanaki (Durankulak en turc : nom actuel, et MlaÈtina en roumain) sur la mer Noire[13].
En 1913 la Roumanie profite des difficultĂ©s de la Bulgarie lors de la deuxiĂšme guerre balkanique, pour lui arracher la Dobroudja du Sud au premier traitĂ© de Bucarest : la DobrogĂ©e devient dĂšs lors une pomme de discorde entre les deux pays. La Bulgarie prend sa revanche aux cĂŽtĂ©s des Allemands pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, en occupant elle aussi toute la DobrogĂ©e, et en annexant sa moitiĂ© sud (jusquâĂ une ligne Rasova-Agigea) au second traitĂ© de Bucarest. La paix de novembre 1918 la redonna entiĂšrement Ă la Roumanie, mais lâarbitrage allemand de 1940 remit en vigueur le partage initial de 1878 (accords de Craiova)[14]. La frontiĂšre de 1878 et de 1940 est aujourdâhui pleinement reconnue par la Roumanie et la Bulgarie, membres de lâUnion europĂ©enne depuis 2007, qui nâont plus aucune revendication territoriale lâune sur lâautre. La frontiĂšre est dĂ©sormais ouverte et une commission mixte inter-acadĂ©mique bulgaro-roumaine dâhistoire a mĂȘme Ă©tĂ© mise en place le 5 juillet 2001[15] pour combattre les dĂ©rives nationalistes et protochronistes dans lâhistoriographie (notamment scolaire) des deux pays.
Culture
La DobrogĂ©e a une identitĂ© culturelle propre[16]. Par exemple, dans la tradition balkanique populaire des Martenitsi (bulgare : ĐŒĐ°ŃŃĐ”ĐœĐžŃĐž), MĂ rtis (grec : ÎÎŹÏÏηÏ) ou MÄrÈiÈoare (en roumain), en DobrogĂ©e et seulement lĂ , Ă lâarrivĂ©e des cigognes en mars, les martenitsi/martisoare sont jetĂ©s vers le ciel pour que « la chance de lâannĂ©e soit grande et ailĂ©e ». Du point de vue architectural, mĂȘme si les rĂ©alisations modernes de style fonctionnel et international se substituent aujourdâhui aux traditions locales, les constructions dobrogĂ©ennes avaient un style pontique encore prĂ©sent dans les quartiers anciens de Tulcea, ConstanÈa ou Kavarna. Si les habits traditionnels variaient selon les ethnies prĂ©sentes, en revanche cuisine et musique puisaient Ă des sources communes, incluant des ingrĂ©dients « exotiques » apportĂ©s par les marins, comme les amandes, les figues, les olives, les cĂąpres. Parmi les spĂ©cificitĂ©s locales, les aubergines, les poivrons et le poisson jouent un rĂŽle essentiel (on y prĂ©pare notamment la tchorba dobrogĂ©enne dâalose pontique ou le filet marinĂ© dâesturgeon). Parmi les pĂątisseries, les feuilletĂ©s dobrogĂ©ens (ĐĐŸĐ±ŃŃĐŽĐ¶Đ°ĐœŃĐșĐ° ĐлаŃĐžĐœĐŽĐ° en bulgare, PlÄcintÄ dobrogeanÄ en roumain) et, parmi les vins, le vin blanc de Murfatlar sont Ă©galement des spĂ©cialitĂ©s locales. En DobrogĂ©e, oĂč lâinfluence turque se fait sentir, on prĂ©pare aussi lâagneau cuit au lait ou Ă la broche, le baklava et le halva. Voir aussi : viticulture en Bulgarie, cuisine roumaine et viticulture en Roumanie.
La DobrogĂ©e a, comme dâautres rĂ©gions cĂŽtiĂšres, attirĂ© les artistes, et des peintres comme Ivan AĂŻvazovski, Francisc Èirato ou Nicolae Tonitza y ont frĂ©quemment sĂ©journĂ© et reprĂ©sentĂ© ses paysages[17].
Notes et références
- Guillaume de Rubriquis, 1253 ou François de Fourquevoils, 1585.
- Muzeul naÈional al hÄrÈilor Èi cÄrÈii vechi / « Tartares de DobrogĂ©e » sur des cartes exposĂ©es au MusĂ©e national des cartes et livres anciens, Bucarest ; des noms scientifiques comme Triturus dobrogicus proviennent de l'ancienne forme française.
- Les sources soviétiques, russes et ukrainiennes s'abstiennent de mentionner le fait que l'Ukraine détient une partie du territoire dobrogéen et ne font jamais référence aux protocoles de Paris du et du signés par les protagonistes de la guerre de Crimée, ni au traité de Berlin du (art. 45 et 46, Annexe 1) qui fixent la limite entre le Boudjak au nord et la Dobroudja au sud, sur le talweg du bras de Chilia, et considÚrent le delta secondaire de Chilia et l'ßle des Serpents comme des parties de la Dobroudja ; quant au traité de Paris du , il reconnaßt à l'URSS la majeure partie du delta secondaire de Chilia (le thalweg ayant changé depuis 1878) mais continue à considérer comme roumaines, donc dobrogéennes, les ßles du bras de Chilia situées au sud du thalweg et l'ßle des Serpents aujourd'hui ukrainiennes.
- Wilfried Heller et Josef Sallanz (dir.), (de) « Die Dobrudscha : ein neuer Grenzraum der EuropĂ€ischen Union: Sozioökonomische, ethnische, politisch-geographische und ökologische Probleme », SĂŒdosteuropa-Studien no 76, Ă©d. Otto Sagner, MĂŒnchen-Berlin 2009 (ISBN 978-3-86688-068-9) (OCLC 824847274).
- Mircea Cociu (Ă©d.) L'Espace historique de la Roumanie, Ă©d. Militaire, Bucarest 1993 (ISBN 973-32-0367-X), page 11.
- Tel le Pr Adrian Stanica de l'Institut GeoEcoMar dans la revue Geo-Eco-Marina sur .
- (ro) « Rezultate », sur Institutul naÈional de statisticÄ (consultĂ© le ).
- (bg) « ĐĐ°ŃĐ”Đ»Đ”ĐœĐžĐ” ĐżĐŸ Đ”ŃĐœĐžŃĐ”ŃĐșĐ° ĐłŃŃпа Đž ĐŒĐ°ĐčŃĐžĐœ ДзОĐș », ĐĐ°ŃĐžĐŸĐœĐ°Đ»ĐœĐžŃ ŃŃĐ°ŃĐžŃŃĐžŃĐ”ŃĐșĐž ĐžĐœŃŃĐžŃŃŃ (consultĂ© le ).
- (ro) Adrian RÄdulescu et Ion Bitoleanu, Istoria Dobrogei, ConstanÈa, Ex Ponto, , 2e Ă©d. (ISBN 973-9385-32-X et 978-973-9385-32-9, OCLC 44012958, LCCN 2002499401).
- Ion Barnea et ÈtefÄnescu, Ètefan, Byzantins, roumains et bulgares sur le Bas-Danube, BucureÈti, Editura Academiei RomĂąne, (OCLC 1113905).
- En 1205, le pape Innocent III dans une correspondance avec le roi Kaloyan ou Caloian (1197-1207) le qualifie de rex Bulgarorum et Blachorum (roi des Bulgares et des Valaques).
- Ion Bitoleanu, Adrian RÄdulescu, Histoire de la DobrogĂ©e, ConstanÈa, Ă©d. Ex Ponto, 1998, 2e Ă©d. (ISBN 9789739385329), LCCN 2002499401.
- Constantin Iordachi, « la Californie des Roumains : LâintĂ©gration de la Dobroudja du Nord Ă la Roumanie, 1878-1913 », Balkanologie. Revue d'Ă©tudes pluridisciplinaires,â , p. 167-197 (ISSN 1279-7952, lire en ligne, consultĂ© le ).
- George Ungureanu, Le problÚme du CadrilatÚre, différend territorial et repÚres imagéologiques (1913-1940), Pitesti 2007 (lire en ligne).
- Commission mixte inter-académique bulgaro-roumaine d'histoire (lire en ligne).
- Aurelia LÄpuÈan, Le chemin du pain dans l'histoire de la DobrogĂ©e, Ă©d. Dobrogea, ConstanÈa, 2001 (ISBN 973-8044-17-0).
- Doina PÄuleanu, Pictori romĂąni la Balcic (Peintres roumains en DobrogĂ©e bulgare), Ă©d. Monitorul Oficial, 2012 (ISBN 978-973-567-788-6).
Voir aussi
Bibliographie
- Camille Allard et Rusev, Ivan Dinev (1963-....)., Entre mer Noire et Danube : Dobroudja 1855, Non lieu, (ISBN 978-2-35270-135-4 et 2-35270-135-X, OCLC 869794857).
- Grigore DÄnescu, Dobrogea (La Dobroudja). Ătude de GĂ©ographie physique et ethnographique, Bucarest, Imprimerie de l'IndĂ©pendance,, (OCLC 10596414).
- (de) Josef Sallanz, « Die Dobrudscha. Ethnische Minderheiten, Kulturlandschaft, Transformation; Ergebnisse eines GelĂ€ndekurses des Instituts fĂŒr Geographie der UniversitĂ€t Potsdam im SĂŒdosten RumĂ€niens », Praxis Kultur- und Sozialgeographie, Potsdam, vol. 35, no 2,â (ISBN 3-937786-76-7).
- (de) Josef Sallanz, Bedeutungswandel von EthnizitÀt unter dem Einfluss von Globalisierung. Die rumÀnische Dobrudscha als Beispiel, vol. 26, Potsdam, UniversitÀtsverlag Potsdam, (ISBN 3-939469-81-5).
- (de) Josef Sallanz, Dobrudscha. Deutsche Siedler zwischen Donau und Schwarzem Meer. Potsdamer Bibliothek östliches Europa, Potsdam, (ISBN 978-3-936168-73-0).