Mérinos
Le mérinos /meʁinos/ est une race ovine originaire d'Espagne élevée principalement pour sa laine.
Étymologie
Le substantif masculin[1] - [2] - [3] - [4] - [5] « mérinos » est un emprunt[1] - [2] - [5] à l'espagnol merinos, masculin[5] pluriel[2] de l'adjectif merino. On accepte communément deux origines pour le mot espagnol[6] :
- Merino viendrait du terme espagnol merindad désignant une parcelle de terre en Espagne médiévale. Le merino, l'inspecteur chargé de contrôler le terrain, était également chargé de recenser les moutons, et pourrait leur avoir légué son appellation.
Locution populaire
« Laisse pisser le mérinos » est une locution populaire française qui signifie qu'on laisse aller une situation vers la détérioration sans réagir, « laisse faire »[7].
Production lainière
La race des mérinos est championne du monde de la production lainière. La laine de mérinos est surtout recherchée pour sa finesse (exprimée en microns) et sa blancheur, laquelle provient d'un fastidieux processus de croisements de moutons à travers les siècles, faisant des moutons mérinos une race dite « pure ». En effet, contrairement à la croyance populaire, la laine n'est pas toujours blanche, mais se matérialise plutôt en une déclinaison de couleurs variant entre le crème, le gris, le beige, le brun et le noir[8] - [9]. De nos jours, 90 % de la laine mérinos utilisée par l'industrie de la mode vient d'Australie[10]. Des années 1990 à l'aube de l'an 2000, le prix de la laine est au plus bas, à cause de surstocks importants ; depuis, il ne cesse de remonter alors que le pays maitrise sa production. Les trois quarts de cette production sont traités en Chine et les meilleurs lots en termes de qualité partent en Italie[10].
Trois-quarts des fermiers australiens pratiquent, de façon routinière, le mulesing[11].
Histoire
Le mérinos trouve son origine en Asie Mineure. Introduit en Afrique du nord par les Phéniciens, il est implanté en Espagne, dans l'Al-Andalus, à la fin du XIIe siècle, par les Maures[12]. Le royaume espagnol conserve un véritable monopole des laines fines jusqu'au XVIIIe siècle, période qui voit la race introduite dans plusieurs pays dont la France à l'initiative de Daubenton dans la région de Montbard, à la veille de la Révolution, où les croisements de béliers mérinos avec des brebis locales donnent une race métisse Mérinos[13]. Les colonies australiennes reçoivent des mérinos d'Espagne à la fin du XVIIIe siècle, et par l'acclimatation de cette race et la sélection, créent la race mérinos moderne[14].
Le Mérinos, de la race Don Pedro, est importé d'Espagne en Amérique par Éleuthère Irénée du Pont de Nemours en [15] à Wilmington, Delaware, où il fonde la société qui deviendra la multinationale DuPont et qui élève alors des moutons[16], en privilégiant la race mérinos[15]. Le bélier espagnol a servi alors à féconder des brebis[17] et la laine cultivée à Wilmington s'est améliorée[17]. Les moutons sont ensuite transférés à Horn Point, sur les côtes sud du comté de Dorchester dans le Maryland[18].
Son père, Pierre Samuel du Pont de Nemours est le président de la commission nommée par le gouvernement français pour sélectionner les meilleurs mérinos d'Espagne et les ramener en France. Quatre d'entre eux sont envoyés aux États-Unis, dont un est destiné au président Thomas Jefferson, qui s'intéresse au développement du marché de la laine depuis 1794, car il souhaite que le pays puisse résister à l'emprise du coton britannique, qui s'impose partout grâce au succès des premiers entrepreneurs du coton britannique. Trois des quatre moutons périssent en route, mais le dernier rend les services espérés. En 1802, c'est un ami de Thomas Jefferson et de Pierre Samuel du Pont de Nemours, l'ambassadeur des États-Unis en France Robert Livingston qui importe deux moutons de l'école vétérinaire de Chalons vers sa propriété de l'Hudson, le capitaine du navire estimant avoir accompli un acte patriotique, car le mouton permettait de lutter contre l'Angleterre[19].
La mise en place de programmes de sélection génétique poussés en Australie donne, après plusieurs décennies de croisements, une race dotée d'une peau très plissée avec une surabondance de laine qui ne se perd pas, d'où une tonte obligatoire pour éviter de sérieux problèmes de santé (voir las cas emblématiques des moutons Chris (en) et Shrek)[20] - [21].
Dès 1801, Napoléon Bonaparte, Premier Consul lança un vaste projet d’élevage, visant à la production en quantité, à la fois bouchère et lainière, pour s'affranchir du quasi-monopole anglais du coton. Entre 1804 et 1807, Napoléon empereur crée six « bergeries impériales », quatre en France (Provence, pays Nantais, Landes et Puy de Dôme), une à Trèves et une à Aix-la-Chapelle pour en encourager l'élevage. Les laines seront utilisées en partie pour l'habillement des troupes. Joséphine, elle-même, crée sa bergerie à la Malmaison et Fouché, ainsi que Talleyrand, élèvent des Mérinos et spéculent sur la laine, améliorée et devenue plus rentable grâce aux croisements avec des brebis françaises. En 1803, déjà, un mouton acheté 100 frs en Espagne, en rapportait le triple en France.
Reproduction
Comme chez le chien ou le porc, qui sont des espèces ayant subi de récentes et fortes pressions de sélection impliquant parfois la consanguinité de reproducteurs, le bélier mérinos est touché par des malformations congénitales susceptible d'affecter sa santé et sa fertilité (4 % des jeunes béliers mérinos sont touchés par des problèmes de non-descente de testicules (« cryptorchidie »)[22].
Caractéristiques
La qualité de la laine est appréciée via la finesse (diamètre de la fibre mesurée en micron µm, critère majoritaire) et la longueur mesurée en millimètre (de 65 à 100 mm). La laine est catégorisée en : épaisse (23–24.5 µm), médium (19.6–22.9 µm), fine (18.6–19.5 µm), superfine (15–18.5 µm) et ultrafine (11.5–15 µm). Cette finesse (les autres laines de mouton ont un diamètre de fibre moyen de 37 µm) fait que les tenues en laine mérinos sont ultra légères, sèchent très vite, isolent mieux, ne grattent pas et sont infroissables[23].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Merino (sheep) » (voir la liste des auteurs).
- Une exposition s'est tenue de décembre 2021 à avril 2022 aux Archives nationales, à Paris : "La Guerre des moutons : le mérinos à la conquête du monde : 1786-2021"[24].
- « Mérinos », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 1er septembre 2017].
- Informations lexicographiques et étymologiques de « mérinos » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 1er septembre 2017].
- Entrée « mérinos » des Dictionnaires de français [en ligne], sur le site des éditions Larousse [consulté le 1er septembre 2017].
- Entrée « mérinos », dans Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, t. 3 : I – P, Paris, L. Hachette, , 1 vol., II-1396, gr. in-4o (32 cm) (OCLC 457498685, BNF 30824717, SUDOC 005830079, lire en ligne [fac-similé]), p. 524, col. 1 et 2 (lire en ligne [fac-similé]) [consulté le 1er septembre 2017].
- Entrée « mérinos », dans Alain Rey (dir.), Marianne Tomi, Tristan Hordé et Chantal Tanet, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, (réimpr. janvier 2011), 4e éd. (1re éd. février 1993), 1 vol., XIX-2614, 29 cm (ISBN 978-2-84902-646-5 et 978-2-84902-997-8, OCLC 757427895, BNF 42302246, SUDOC 147764122, lire en ligne) [consulté le 1er septembre 2017].
- « Merino » dans (es) Joan Corominas et José A. Pascual, Diccionario Crítico Etimológico Castellano e Hispánico, Gredos, Madrid, vol. IV, 1989 (ISBN 8-4249-0066-9)
- expressio.fr
- Fabre, Patrick. et Lebaudy, Guillaume., Le mérinos d'Arles : passion de bergers, Images en manœuvres, , 495 p. (ISBN 978-2-84995-169-9, OCLC 650208631, lire en ligne)
- Dormeuil, Dominic., In search of the world's finest wools, , 176 p. (ISBN 978-1-77085-847-3, OCLC 945359067, lire en ligne)
- Elvire Emptaz, « La plus belle laine du monde », L'Obs, no 2797, , p. 108 à 110 (ISSN 0029-4713, lire en ligne, consulté le )
- Nicole Vulser, « Uniqlo se rallie à la cause des moutons australiens », sur lemonde.fr, .
- (en) Carl Zimmer, She has her mother's laugh : The Powers, Perversions, and Potential of Heredity, Grande-Bretagne, Picador, , 672 p. (ISBN 978-1-5098-1855-6, présentation en ligne), p. 32
- Pierre Desbons, « La « mérinisation » du cheptel ovin en Touraine sous le Consulat et le Premier Empire. »,
- (en) Oswald Ziegler, The Australian Merino, Pty Ltd, , p. 17.
- (en) John Beverley Riggs, A Guide to the Manuscripts in the Eleutherian Mills Historical Library, 1970 : extrait - Hagley Museum and Library [PDF]
- THE GARESCHE, DE BAUDUY, ANO DES CHAPELLES FAMILIES: HISTORY ANO GENEALOGY DE LAUNAY (Not authenticated) by DOROTHY GARESCHÉ HOLLAND, page 30
- (en) John Leander Bishop, Edwin Troxell Freedley, et Edward Young, A history of American manufactures from 1608 to 1860, E. Young, 1868 - Page 87
- (en) Lower Choptank River Historic Site (voir archive)
- Annual report / Ohio. State Board of Agriculture, page 486
- Roland Gauron, « Australie : un mouton tondu en urgence après des années d'errance », sur lefigaro.fr, .
- Jérôme Henriques, « La face cachée de la laine », sur blogs.mediapart.fr, .
- INRA, « Comprendre les bases moléculaires de la cryptorchidie pour la prévenir., INRA, Jouy-en-Josas »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
- (en) Australian Wool Classing, Australian Wool Corporation, , p. 26.
- « La Guerre des moutons » (consulté le )
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :