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Colonnes infernales

Les colonnes infernales est le nom donné à des colonnes incendiaires ayant opéré de janvier à mai 1794 sous le commandement du général républicain Louis-Marie Turreau lors de la guerre de Vendée, et qui devaient détruire les derniers foyers insurrectionnels de la Vendée militaire.

Colonnes infernales
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Massacres en Vendée, gravure de Pierre Nicolas Ransonnette, entre 1793 et 1810.
Informations générales
Date -
Lieu Vendée militaire
Issue Indécise
Belligérants
France RépublicainsDrapeau de l'Armée catholique et royale de Vendée Vendéens
Forces en présence
56 000 Ă  103 000 hommes[1]
(effectifs fluctuants)
6 000 Ă  30 000 hommes
(effectifs fluctuants)
Pertes
inconnuesinconnues
20 000 Ă  50 000 civils vendĂ©ens massacrĂ©s par les colonnes rĂ©publicaines[2] - [3]

Guerre de Vendée

Batailles

Campagne de Noirmoutier




AprĂšs l'anĂ©antissement de l'ArmĂ©e catholique et royale Ă  la fin de l'annĂ©e 1793 lors de la VirĂ©e de Galerne, le gĂ©nĂ©ral Turreau met au point un plan visant Ă  quadriller la VendĂ©e militaire par douze colonnes incendiaires qui reçoivent les ordres suivants : exterminer tous les « brigands » ayant participĂ© Ă  la rĂ©volte, femmes et enfants inclus ; faire Ă©vacuer les populations neutres ou patriotes ; saisir les rĂ©coltes et les bestiaux ; incendier les villages et les forĂȘts.

De janvier Ă  mai 1794, les colonnes quadrillent les territoires insurgĂ©s en Maine-et-Loire, dans la Loire-InfĂ©rieure, la VendĂ©e et les Deux-SĂšvres. Les ordres de Turreau ne sont pas appliquĂ©s de la mĂȘme maniĂšre par les diffĂ©rents gĂ©nĂ©raux. Si certains tentent de limiter les exactions, d'autres ravagent tout sur leurs passages, commettant incendies, pillages, viols, tortures et massacres des populations, souvent sans distinction d'Ăąge, de sexe ou d'opinion politique. Ces atrocitĂ©s coĂ»tent la vie Ă  des dizaines de milliers de personnes et valent aux colonnes incendiaires d'ĂȘtre surnommĂ©es « colonnes infernales ».

Loin de mettre fin Ă  la guerre, ces exactions provoquent de nouveaux soulĂšvements de paysans menĂ©s par les gĂ©nĂ©raux Charette, Stofflet, Sapinaud et Marigny. Finalement, Turreau ne parvient pas Ă  vaincre les insurgĂ©s et l'extrĂȘme brutalitĂ© de ses colonnes est dĂ©noncĂ©e par les patriotes locaux ainsi que par certains reprĂ©sentants en mission. Il finit par perdre la confiance du ComitĂ© de salut public. Sa destitution en met fin aux colonnes mais pas Ă  la guerre, qui continue jusqu'en 1795.

Planification de l'« anéantissement de la Vendée »

La guerre de VendĂ©e dĂ©bute en mars 1793. Dans un premier temps, les insurgĂ©s vendĂ©ens de l'armĂ©e catholique et royale remportent une sĂ©rie de victoires durant le printemps : les villes de Thouars, Fontenay-le-Comte, Saumur et Angers sont prises. Cependant, les VendĂ©ens Ă©chouent fin juin devant Nantes tandis que les villes conquises sont progressivement abandonnĂ©es. Les RĂ©publicains repassent alors Ă  l'offensive. DĂ©but juillet une petite armĂ©e remporte plusieurs succĂšs et pĂ©nĂštre au cƓur du territoire insurgĂ© mais est rapidement Ă©crasĂ©e Ă  ChĂątillon, lors d'une contre-attaque. Les autres offensives rĂ©publicaines sont contenues et aucun des deux camps ne prend l'avantage durant l'Ă©tĂ©[4].

À Paris, alors que la RĂ©publique subit les offensives des armĂ©es de la PremiĂšre Coalition, les rĂ©volutionnaires sont excĂ©dĂ©s par le « coup de poignard dans le dos » que constitue l'insurrection vendĂ©enne. Le , Ă  la Convention nationale, BarĂšre rĂ©clame la destruction de la VendĂ©e et l'extermination des insurgĂ©s[A 1].

Le 1er août, la Convention nationale décrÚte l'anéantissement de la Vendée :

« Article 6 : Il sera envoyĂ© en VendĂ©e des matiĂšres combustibles de toutes sortes pour incendier les bois, les taillis et les genĂȘts.
Article 7 : Les forĂȘts seront abattues, les repaires des rebelles seront dĂ©truits, les rĂ©coltes seront coupĂ©es par les compagnies d'ouvriers, pour ĂȘtre portĂ©es sur les derriĂšres de l'armĂ©e, et les bestiaux seront saisis.
Article 8 : Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l'intérieur; il sera pourvu à leur subsistance et à leur sécurité avec tous les égards dus à leur humanité[7]. »

Les autres articles concernent les mesures Ă  prendre sur l'organisation des troupes.

Le , la Convention dĂ©cide de l'envoi en VendĂ©e de l'armĂ©e de Mayence, considĂ©rĂ©e comme Ă©tant l'une des meilleures de la RĂ©publique[8]. En septembre, les RĂ©publicains lancent une grande offensive. Les dĂ©crets incendiaires de la Convention sont appliquĂ©s et plusieurs massacres sont commis[9]. Le gĂ©nĂ©ral Jean-Antoine Rossignol, gĂ©nĂ©ral en chef de l'armĂ©e des cĂŽtes de La Rochelle, se vante d'avoir semĂ© la terreur mais fait Ă©pargner les femmes et les enfants[A 2]. À l'Est, les gĂ©nĂ©raux sans-culottes sont rapidement repoussĂ©s par les VendĂ©ens, mais au Nord l'armĂ©e de Mayence et l'armĂ©e des cĂŽtes de Brest remportent plusieurs succĂšs et semblent inarrĂȘtables. AprĂšs avoir essuyĂ© plusieurs revers, les VendĂ©ens regroupent leurs forces et battent les Mayençais Ă  la bataille de Torfou le . Les rĂ©publicains se replient alors sur Nantes. À Paris c'est la stupeur et les conventionnels sont excĂ©dĂ©s[11]. La Convention nationale adopte un second dĂ©cret le 1er octobre et les troupes sont rĂ©organisĂ©es : l'armĂ©e de Mayence, l'armĂ©e des cĂŽtes de La Rochelle et une partie de l'armĂ©e des cĂŽtes de Brest sont dissoutes pour former l'armĂ©e de l'Ouest. Les gĂ©nĂ©raux nobles sont destituĂ©s[12]. Les Conventionnels exigent la victoire avant le 20 octobre[A 3]

Le 1er octobre 1793, Bertrand BarÚre prononce un discours resté célÚbre à la Convention, avec l'anaphore « Détruisez la Vendée », et qui aboutit au vote de la loi du 1er octobre 1793, dite « loi d'extermination ».

Les RĂ©publicains lancent une nouvelle offensive et aprĂšs plusieurs succĂšs, ils remportent une victoire dĂ©cisive le , Ă  la bataille de Cholet. Vaincus, les VendĂ©ens au nombre de 60 000 Ă  100 000[14], femmes et enfants inclus, traversent la Loire afin d'obtenir des secours des Britanniques, des ÉmigrĂ©s et des Chouans. C'est le dĂ©but de la « VirĂ©e de Galerne ». L'armĂ©e de l'Ouest se lance alors Ă  la poursuite des VendĂ©ens, et si quelques troupes continuent de combattre en VendĂ©e, l'essentiel de la guerre se porte au nord de la Loire, dans le Maine et la Haute-Bretagne. De ce fait, l'application du plan d'incendie et d'extermination est suspendue[15]. Seule l'armĂ©e du Marais commandĂ©e par Charette et quelques troupes de moindre importance continuent de combattre en VendĂ©e contre la division du gĂ©nĂ©ral Haxo.

Le , à l'Assemblée nationale, le département de la Vendée est rebaptisé « Vengé » sur proposition de Antoine Merlin de Thionville, qui demande en outre à faire repeupler le département par des réfugiés patriotes de France et d'Allemagne[16]. Fayau, député de la Vendée, renchérit et réclame l'envoi d'une armée incendiaire[A 4].

Jean-Baptiste Carrier (miniature, auteur anonyme, fin XVIIIe siĂšcle).

Le 11 décembre, le représentant Jean-Baptiste Carrier, investi des pleins pouvoirs en Loire-Inférieure, ordonne aux généraux Haxo et Dutruy d'exécuter aussi bien les femmes que les hommes[A 5]. Le 12 décembre, Carrier annonce à Haxo son intention d'affamer les Vendéens[A 6].

De nombreuses propositions sont faites par des Républicains pour détruire les Vendéens : le général Westermann propose d'abandonner aux Vendéens une voiture d'eau-de-vie, empoisonnée par de l'arsenic. L'idée est refusée, probablement par peur que les soldats républicains n'en boivent en cachette. Le 22 août, le général Santerre propose l'utilisation de mines au ministre de la guerre[21] - [A 7].

Une expérience est tentée par le pharmacien Joachim Proust qui conçoit une boule remplie « d'un levain propre à rendre mortel l'air de toute une contrée »[23] - [A 8], sans succÚs.

Finalement, fin dĂ©cembre 1793, au nord de la Loire, les VendĂ©ens et les Chouans sont Ă©crasĂ©s aux batailles du Mans et de Savenay par les troupes rĂ©publicaines des gĂ©nĂ©raux KlĂ©ber et Marceau. Seuls 4 000[25] des 60 000 Ă  100 000 participants de la VirĂ©e de Galerne parviennent Ă  regagner la VendĂ©e. 50 000[26] Ă  70 000[27] ont Ă©tĂ© tuĂ©s et des milliers d'autres sont faits prisonniers.

Seul Charette qui n'a pas pris part à la Virée de Galerne continue de combattre en Vendée mais il n'a plus que quelques centaines d'hommes dans les marais de Retz. Ailleurs, quelques groupes dispersés de soldats vendéens continuent d'errer dans les campagnes et la répression frappe les départements insurgés.

Les colonnes de Turreau

Rejet du plan de Kléber

Le , le gĂ©nĂ©ral Louis-Marie Turreau est nommĂ© Ă  la tĂȘte de l'armĂ©e de l'Ouest, cependant cette promotion lui dĂ©plaĂźt et il tarde Ă  gagner son poste. Ce sont finalement les gĂ©nĂ©raux Marceau, KlĂ©ber et Westermann qui triomphent des VendĂ©ens lors de la VirĂ©e de Galerne.

Le 30 décembre à Nantes, François Séverin Marceau passe son commandement de général en chef de l'armée de l'Ouest, dont il n'assurait que l'intérim, au général Turreau[28]. AprÚs un bref passage dans l'armée des cÎtes de Brest, Marceau quitte l'Ouest pour aller combattre la PremiÚre Coalition aux frontiÚres.

Turreau doit donc finir la guerre de Vendée ; il est proche des Hébertistes[29] et les Mayençais lui sont hostiles[30]. Il a le choix entre deux méthodes : la pacification, éventuellement musclée, et la répression violente. Le 19 décembre, il propose un plan d'amnistie au Comité de salut public sur les conseils du général Jean-François Moulin[31] - [A 9]. N'ayant pas de réponse, il prépare un nouveau plan, en application stricte des décrets de la Convention.

Jean-Baptiste Kléber (peinture d'AdÚle de Kercado, vers 1830, Musée de l'armée, Paris).

Le , KlĂ©ber soumet un plan au gĂ©nĂ©ral Turreau. Selon lui, les forces vendĂ©ennes ne sont plus dangereuses et il estime leur effectif Ă  6 200 hommes en tout, alors que les RĂ©publicains disposent de 28 000 soldats opĂ©rationnels[32]. Il propose de protĂ©ger les cĂŽtes des Anglais, d'encercler et de quadriller le territoire insurgĂ© en utilisant des camps fortifiĂ©s comme points d'appui, de gagner la confiance des habitants et enfin de n'attaquer que les rassemblements des rebelles[33] - [34]. Mais ce plan est rejetĂ© par Turreau, sans doute par opposition personnelle[33]. KlĂ©ber obtient l'approbation des reprĂ©sentants Carrier et Gilet mais ceux-ci refusent d'agir[35]. KlĂ©ber est finalement mutĂ© le 9 janvier Ă  l'armĂ©e des cĂŽtes de Brest.

Plan de Turreau

Le 16 janvier, Turreau demande des ordres clairs sur le sort des femmes et des enfants ; à ce titre, il écrit aux représentants Francastel, Bourbotte et Louis Turreau, son cousin[33] :

« Mon intention est bien de tout incendier, de rĂ©server que les points nĂ©cessaires Ă  Ă©tablir les cantonnements propres Ă  l'anĂ©antissement des rebelles ; mais cette grande mesure doit ĂȘtre prescrite par vous. Je ne suis que l'agent passif des volontĂ©s du corps lĂ©gislatif... Vous devez Ă©galement prononcer d'avance sur le sort des femmes et des enfants que je rencontrerai dans ce pays rĂ©voltĂ©. S'il faut les passer tous au fil de l'Ă©pĂ©e, je ne puis exĂ©cuter une pareille mesure sans un arrĂȘtĂ© qui mette Ă  couvert ma responsabilitĂ©... En huit jours, la VendĂ©e doit ĂȘtre battue, tous les rebelles pressĂ©s entre moi, Haxo et Dutry, et si j'avais adoptĂ© une autre marche, j'aurais manquĂ© mon but[36] - [35]. »

La lettre de Turreau reste sans réponse[33]; cependant. Bourbotte et Louis Turreau se déclarent malades et demandent leurs rappels, néanmoins le général prévoit, à l'aide de douze colonnes avançant parallÚlement, de parcourir le pays rebelle, d'est en ouest, pour traquer les insurgés, et détruire leurs biens, de Brissac au nord, à Saint-Maixent au sud.

Le plan de Turreau entre en application le 21 janvier. Il a à sa disposition six divisions à l'est de la Vendée, chacune étant divisée en deux colonnes. Un des problÚmes des troupes républicaines pendant la guerre de Vendée ayant été la coordination, il donne à tous des lieux de rendez-vous précis, avec date à tenir. Les itinéraires sont indiqués commune par commune. Les chefs de colonnes doivent correspondre entre eux et avec le général en chef deux fois par jour pour garder une bonne coordination. Il faut aussi éviter le combat, sauf en cas de victoire certaine et utiliser tous les moyens pour dénicher les rebelles, brûler tout ce qui peut brûler, réquisitionner tous les vivres. Treize communes stratégiques sont toutefois exemptées : Saint-Florent, Luçon, Montaigu, La Chùtaigneraie, Sainte-Hermine, Machecoul, Challans, Chantonnay, Saint-Vincent-Sterlanges, Cholet, Bressuire, Argenton et Fontenay-le-Comte[37].

Parcours des colonnes infernales entre le 17 et le 31 janvier 1794.

En complément, Turreau charge le général Haxo, qui poursuivait jusqu'alors Charette sur les cÎtes ouest de la Vendée, de former huit colonnes, chacune forte de quelques centaines d'hommes qui parcourent la Vendée d'ouest en est, allant à la rencontre des douze autres[42]. Ces colonnes doivent occuper les principales villes pour le 26 janvier afin de refouler l'armée de Charette vers les colonnes de Turreau[43] :

D'autres troupes tiennent garnison dans les villes qui entourent la VendĂ©e militaire. Le gĂ©nĂ©ral Vimeux occupe Les Sables-d'Olonne, Legros dirige les troupes Ă  Saint-Florent-le-Vieil, Bard occupe Chantonnay et ses environs avec 2 500 hommes, HuchĂ© dirige la place de Luçon, Commaire commande Saumur, Amey, Les Herbiers et Carpantier, DouĂ©-la-Fontaine[44] - [45].

Application

Louis-Marie Turreau (peinture de Louis Hersent, 1800, Musée Carnavalet, Paris).

Dans ses mĂ©moires Turreau dĂ©clare : « Quant Ă  mes instructions, je les puisais dans plusieurs dĂ©crets de la Convention, divers arrĂȘtĂ©s des ComitĂ©s de gouvernement et ceux des ReprĂ©sentants en mission dans l'Ouest[46]. » Le , il envoie Ă  ses gĂ©nĂ©raux les instructions suivantes :

« Instruction relative à l'exécution des ordres donnés par le général en chef de l'armée de l'Ouest, contre les brigands de la Vendée, (30 nivÎse an II) :
Il sera commandé journellement et à tour de rÎle un piquet de cinquante hommes pourvu de ses officiers et sous-officiers, lequel sera destiné à escorter les prisonniers, et leur fera faire leur devoir. L'officier commandant ce piquet prendra tous les jours l'ordre du général avant le départ, et sera responsable envers lui de son exécution ; à cet effet il agira militairement avec ceux des prisonniers qui feindraient de ne point exécuter ce qu'il leur commanderait, et les passera au fil de la baïonnette.
Tous les brigands qui seront trouvĂ©s les armes Ă  la main, ou convaincus de les avoir prises pour se rĂ©volter contre leur patrie, seront passĂ©s au fil de la baĂŻonnette. On en agira de mĂȘme avec les filles, femmes et enfants qui seront dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus Ă©pargnĂ©es, mais aucune exĂ©cution ne pourra se faire sans que le gĂ©nĂ©ral l'ait prĂ©alablement ordonnĂ©e.
Tous les villages, mĂ©tairies, bois, genĂȘts et gĂ©nĂ©ralement, tout ce qui peut ĂȘtre brĂ»lĂ© sera livrĂ© aux flammes, aprĂšs cependant que l'on aura distrait des lieux qui en seront susceptibles, toutes les denrĂ©es qui y existeront ; mais, on le rĂ©pĂšte, ces exĂ©cutions ne pourront avoir leur effet que quand le gĂ©nĂ©ral l'aura ordonnĂ©. Le gĂ©nĂ©ral dĂ©signera ceux des objets qui doivent ĂȘtre prĂ©servĂ©s de l'incendie.
Il ne sera fait aucun mal aux hommes, femmes et enfants en qui le gĂ©nĂ©ral reconnaĂźtra des sentiments civiques, et qui n'auront pas participĂ© aux rĂ©voltes des brigands de la VendĂ©e ; il leur sera libre d'aller sur les derriĂšres de l'armĂ©e, pour y chercher un asile, ou de rĂ©sider dans les lieux prĂ©servĂ©s de l'incendie. Toute espĂšce d'arme leur sera cependant ĂŽtĂ©e, pour ĂȘtre dĂ©posĂ©e dans l'endroit qui sera indiquĂ© par le gĂ©nĂ©ral[47] - [48]. »

Le territoire de la VendĂ©e militaire comporte 735 communes, peuplĂ©es au dĂ©but de la guerre de 755 000 habitants[49].

Dans un premier temps, son plan doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© pour dĂ©but fĂ©vrier mais des petits groupes de VendĂ©ens s'infiltrent dans le bocage, entre les colonnes. Des groupes plus importants, suffisamment pour ne pas ĂȘtre inquiĂ©tĂ©s par les effectifs des Bleus, se constituent. Il demande donc au ComitĂ© de salut public de prĂ©parer les indemnisations pour ceux qui seront Ă©vacuĂ©s, afin de vider le pays de sa population et de combattre plus facilement les insurgĂ©s[50]. DĂšs le 23 janvier, le reprĂ©sentant Laignelot dĂ©nonce Ă  la Convention les massacres commis dans les environs de Challans par les troupes du gĂ©nĂ©ral Haxo, mais sa lettre ne provoque aucune rĂ©action[51]

De janvier Ă  mai 1794, le plan est mis Ă  exĂ©cution. Les colonnes appliquent une politique de la terre brĂ»lĂ©e. La plupart du temps, elles massacrent, violent, pillent et dĂ©truisent tout ce qu'elles rencontrent sur leur passage. Elles sont bientĂŽt surnommĂ©es « colonnes infernales » ; dans ses mĂ©moires, le chef vendĂ©en Bertrand Poirier de Beauvais Ă©crit qu'elles Ă©taient appelĂ©es ainsi par les RĂ©publicains eux-mĂȘmes[52].

Malgré les instructions de Turreau, les généraux interprÚtent librement les ordres reçus et agissent de maniÚre trÚs diverses[53]. Certains officiers n'appliquent pas les ordres de destruction et de tueries systématiques et respectent les ordres d'évacuations des populations jugées républicaines. Moulin fait ainsi évacuer scrupuleusement les habitants jugés patriotes[33]. Haxo, constitue huit colonnes, et leur assigne comme objectif la capture de Charette, sans pour autant obéir aux ordres barbares de Turreau : « Nous sommes des soldats pas des bourreaux ! »[54]. Il épargne par exemple la gentilhommiÚre de Charette à Fonteclose.

En revanche, les troupes commandées par Cordellier, Grignon, Huché et Amey se distinguent par leurs violences et leurs atrocités, au point d'exterminer des populations entiÚres, massacrant indistinctement royalistes et patriotes[55]. Ces troupes se livrent ainsi aux pillages, massacrent la population civile, violant et torturant, tuant femmes et enfants, souvent à l'arme blanche pour ne pas gaspiller la poudre, brûlant des villages entiers, saisissants ou détruisant les récoltes et le bétail. Des femmes enceintes sont écrasées sous des pressoirs, des nouveau-nés sont empalés au bout des baïonnettes[56]. D'aprÚs des témoignages de soldats ou d'agents républicains, des femmes et des enfants sont coupés vifs en morceaux ou jetés vivants dans des fours à pain allumés[57] - [58]. Parfois, les membres de la Commission civile et administrative créée à Nantes pour récupérer vivres et bétail au profit des Bleus, accompagnent les armées, ce qui permet d'épargner des vies et des localités.

Les bourgs traversĂ©s par les troupes de Turreau sont constamment incendiĂ©s, mais la campagne se dĂ©roulant en hiver, des bĂątiments Ă©chappent souvent aux incendies et les soldats ont le plus grand mal Ă  mettre le feu aux forĂȘts et aux genĂȘts[59]. Les colonnes sont surtout actives lors des deux premiers mois. DĂšs fĂ©vrier, les embuscades vendĂ©ennes ralentissent Ă©normĂ©ment les colonnes qui sont parfois rĂ©duites Ă  l'immobilisme.

Intervention de la Convention

À trois reprises, Turreau demande Ă  la Convention nationale l'approbation de son plan[60]. Mais les membres des ComitĂ©s et de la Convention ne sont pas unanimes, et le gĂ©nĂ©ral Turreau ne reçoit aucune rĂ©ponse avant le 8 fĂ©vrier, jour oĂč Lazare Carnot lui Ă©crit que le ComitĂ© est restĂ© longtemps silencieux car il attendait « de grands rĂ©sultats avant de se prononcer dans une matiĂšre sur laquelle on l'a dĂ©jĂ  trompĂ© tant de fois »[61], il lui affirme qu'aux yeux du ComitĂ© ses mesures « paraissent bonnes et ses intentions pures » et que, de fait, sa mission est d'exterminer les brigands jusqu'au dernier et de faire dĂ©sarmer le pays insurgĂ©[A 10]

La défaite des colonnes de Moulin et Caffin, le 8 février, lors de la troisiÚme bataille de Cholet retentit jusqu'à Paris et provoque la stupeur de la Convention. Le 10 février, Couthon réclame l'application du décret de désarmement de la Vendée[63]. Puis le 11 février, de Tours, l'agent spécial du Comité de salut public, Marc Antoine Jullien, ami de Robespierre, révÚle les exactions des troupes de Turreau contre les patriotes vendéens, il accuse les généraux de s'enrichir par le pillage au lieu d'affronter les brigands[A 11].

Le , BarÚre fait un rapport à la Convention nationale dans lequel il désapprouve la conduite des opérations menées par Turreau ; il dénonce une « barbare et exagérée exécution des décrets » et reproche au général d'avoir incendié des villages paisibles et patriotes au lieu de traquer des insurgés[A 12].

Les représentants en mission

Le mĂȘme jour, le ComitĂ© de salut public charge les reprĂ©sentants Francastel, Hentz et Garrau d'enquĂȘter auprĂšs de Turreau et de prendre les mesures nĂ©cessaires pour que la guerre soit terminĂ©e dans les quinze jours Ă  venir. Ceux-ci rencontrent le gĂ©nĂ©ral Ă  Angers le 19 fĂ©vrier ; ce dernier leur fait bonne impression[66] - [67]. Turreau prĂ©tend avoir Ă©tĂ© trompĂ© sur les forces rĂ©elles des VendĂ©ens et son plan reçoit le soutien des reprĂ©sentants[68] qui eux-mĂȘmes sont soutenus par le comitĂ©, qui juge les reprĂ©sentants les mieux placĂ©s pour apprĂ©cier les mesures Ă  prendre sur place[60] - [A 13].

Le 13 fĂ©vrier 1794, Carnot envoie un nouveau courrier Ă  Turreau, dans lequel il le somme de « rĂ©parer ses fautes », de mettre fin Ă  sa tactique de dissĂ©mination des troupes, d'attaquer en masse et d'exterminer les rebelles enfin[71]. « Il faut tuer les brigands et non pas brĂ»ler les fermes » explique-t-il, ajoutant pour finir que la guerre doit ĂȘtre terminĂ©e dans les plus brefs dĂ©lais[72]. En outre le ComitĂ© envoie le gĂ©nĂ©ral Jean DembarrĂšre en VendĂ©e pour seconder Turreau mais son arrivĂ©e est sans consĂ©quence[A 14].

Ne se sentant pas soutenu, Turreau propose à deux reprises sa démission, le 31 janvier et le 18 février, mais elle est refusée malgré les dénonciations des administrateurs départementaux[74]. Il cherche alors à rassurer la Convention en transformant de petits succÚs en grandes victoires et en dénonçant les rapports alarmistes des Républicains locaux[75].

À de nombreuses reprises, les reprĂ©sentants Hentz, Garrau et Francastel Ă©crivent au ComitĂ© de salut public que « la guerre de la VendĂ©e ne sera complĂštement terminĂ©e que quand il n'y aura plus un habitant dans la VendĂ©e »[76]. Le 20 fĂ©vrier, ils donnent l'ordre aux rĂ©fugiĂ©s de quitter les abords du territoire insurgĂ© et s'en Ă©loigner de plus de vingt lieues (80 km) sous peine d'arrestation[67]. Les sommes nĂ©cessaires Ă  leur voyage leur sont fournies. Les malades, les vieillards, les enfants, leur famille proche et leurs domestiques sont exemptĂ©s de l’éloignement, ainsi que des artisans spĂ©cialisĂ©s utiles Ă  l’armĂ©e[77]. Ces mesures provoquent l'hostilitĂ© des patriotes vendĂ©ens et plusieurs d'entre eux refusent d'obĂ©ir[78]. Le 25 fĂ©vrier, Hentz et Francastel expliquent que le but de Turreau « est de ne plus laisser dans le pays rĂ©voltĂ© que les rebelles, que l'on pourra plus aisĂ©ment dĂ©truire, et sans confondre avec eux des innocents et des bons citoyens[79]. »

Mais la guerre s'Ă©ternise et, dĂ©but mars, Turreau reçoit l'ordre de concentrer ses forces sur les cĂŽtes. MalgrĂ© ses protestations, les postes isolĂ©s doivent ĂȘtre abandonnĂ©s[80]. À la demande des reprĂ©sentants, les douze colonnes sont reformĂ©es en quatre colonnes de taille plus importante[81]. Le 10 mars, il modĂšre ses injonctions de destructions et donne l'ordre de cesser les incendies des maisons et mĂ©tairies jusqu'Ă  nouvel ordre[82]. Les reprĂ©sentants s'impatientent, et, le mĂȘme jour, Francastel et Hentz somment Turreau de terminer la guerre avant huit jours[83].

Le 9 mars, les reprĂ©sentants Francastel et Hentz Ă©crivent au ComitĂ© de salut public qu'ils estiment que la VendĂ©e « ne contient plus d'habitants, qu'une quinzaine ou une vingtaine de mille habitants de l'ancienne population, qui devait ĂȘtre de 160 000 habitants. Nous sommes sĂ»rs d'avoir fait Ă©vacuer tout ce qui n'est point criminel dans ce pays. [...] Il rĂ©sulte [...] que quand la guerre de la VendĂ©e sera complĂštement terminĂ©e, il n'y restera point d'habitants, puisqu'on y aura tout dĂ©truit. [...] Il faudra dĂ©clarer tout le pays confisquĂ© Ă  la RĂ©publique, sauf l'indĂ©mnitĂ© aux rĂ©fugiĂ©s, et le nombre de ces rĂ©fugiĂ©s est trĂšs faible, relativement au reste qui est coupable, qui a pĂ©ri et qui pĂ©rira »[84].

Le mĂȘme jour, devant la Convention, Carrier pourtant auparavant proche de Marceau et KlĂ©ber, et ayant approuvĂ© le plan de ce dernier en janvier[85], prend position en faveur de la politique de Turreau[61].

De son cÎté, au nord de la Loire, Jean-Antoine Rossignol, général de l'Armée des cÎtes de Brest, aux prises avec les Chouans, demande que le décret sur la Vendée du 1er août 1793 soit également appliqué aux communes insurgées au nord du fleuve. Cette demande formulée le 19 avril, et à laquelle s'oppose le général Kléber, est cependant sans suites[A 15].

Rappel de Turreau

Le 1er avril 1794, Joseph Lequinio prĂ©sente un nouveau rapport devant le ComitĂ© de salut public. Il juge indispensable de faire exĂ©cuter les prisonniers de guerre vendĂ©ens pris les armes Ă  la main, et souhaite mĂȘme que cette mesure soit Ă©galement appliquĂ©e aux soldats de la PremiĂšre Coalition, cependant il estime que la population de la VendĂ©e est encore trop nombreuse pour ĂȘtre exterminĂ©e, et finalement dĂ©sapprouve les massacres des civils et accuse lui aussi les militaires de profiter de la guerre pour s'enrichir par le pillage au lieu de combattre les rebelles[87] - [A 16].

Peu aprĂšs, pour la premiĂšre fois, une dĂ©lĂ©gation de RĂ©publicains vendĂ©ens est reçue Ă  Paris. MenĂ©e par Chapelain et Tillier, elle rĂ©clame la fin des incendies et la distinction entre le pays fidĂšle et le pays insurgĂ©. ArrivĂ©s dans l'ouest en mars, les reprĂ©sentants en mission — Mathieu Guezno et Jean-Nicolas Topsent — demandent le dĂ©part de Turreau. Le 6 avril, une dĂ©claration solennelle du ComitĂ© de salut public signĂ©e par Carnot, BarĂšre, Billaud-Varenne et Collot d'Herbois exige la victoire imminente[89].

AprÚs quelques hésitations, le 10 avril, dans une lettre au comité, Hentz et Francastel déclarent conserver leur confiance envers Turreau[90]. Le 12 avril, une partie des troupes de l'armée de l'Ouest sont retirées à Turreau pour aller combattre la coalition aux frontiÚres. Pour le Comité de salut public, la guerre de Vendée passe au second plan. Turreau modifie alors ses plans, il met fin aux colonnes et fait construire des camps retranchés[91]. Mais le mois d'avril n'est aucunement décisif et Turreau est finalement suspendu le [92].

Cependant si le ComitĂ© de salut public a dĂ©sapprouvĂ© le massacre des patriotes de VendĂ©e[93], celui-ci a laissĂ© faire les tueries des vieillards, des femmes et des enfants des rebelles. De mĂȘme, jamais les RĂ©publicains vendĂ©ens ne dĂ©noncent les ravages commis Ă  l'encontre des civils royalistes[94]. Le 23 juillet 1794, Lazare Carnot dans une lettre Ă©crite au nom du ComitĂ© de salut public adressĂ©e aux reprĂ©sentants du peuple Ă  Niort, refuse d'intervenir en leur faveur[A 17].

L'armée républicaine

Les soldats

« Il faut que chaque homme, dĂšs que la patrie sera en danger, soit prĂȘt Ă  marcher. Il est Ă©tabli comme axiome qu'en France, tout citoyen doit ĂȘtre soldat, et tout soldat citoyen[96]. »

— Dubois-CrancĂ©

En 1791, 10 000 hommes sont dĂ©tachĂ©s de la garde nationale pour former le noyau de la nouvelle armĂ©e rĂ©volutionnaire. Ces jeunes volontaires de 1791 sont alors animĂ©s par un vĂ©ritable patriotisme et un grand engouement rĂ©volutionnaire[97]. Le , les guerres de la RĂ©volution française dĂ©butent et, le 11 juillet, la patrie est dĂ©clarĂ©e en danger ; les premiĂšres levĂ©es sont opĂ©rĂ©es. Mais nombres des nouveaux conscrits n'ont pas l'exaltation rĂ©volutionnaire de leurs prĂ©dĂ©cesseurs et s'engagent avant tout pour toucher la solde[98]. À la suite de ces levĂ©es, les volontaires dĂ©passent largement en nombre les « habits blancs » de l'ancienne armĂ©e royale. Cependant, l'armĂ©e rĂ©publicaine n'a aucune discipline[99], et au combat les soldats prennent facilement la fuite[100] alors que d'autres, enrĂŽlĂ©s par la rĂ©quisition, dĂ©sertent Ă  la premiĂšre occasion tandis que les autoritĂ©s ne cherchent qu'Ă  compenser la mauvaise qualitĂ© par la quantitĂ©[101]. Quelques bataillons se distinguent toutefois par leur ardeur[102]. Cependant l'esprit a totalement changĂ© depuis 1791 et les soldats manquent de tout, sont mal Ă©quipĂ©s, mal nourris et commettent frĂ©quemment vols et viols[103].

L'amalgame entre les volontaires et les troupes de ligne de l'ancienne armĂ©e royale est alors dĂ©cidĂ©e[104]. Mais au printemps 1793, on observe au sein de l'armĂ©e une radicalisation des esprits[105]. La lutte entre Girondins et Montagnards provoque de vives tensions[106]. Les soldats vivent dans la hantise d'une trahison et parfois refusent d'obĂ©ir aux ordres de leurs officiers. Ceux qui s'avisent de rĂ©primander ou de punir un soldat sont menacĂ©s par leurs hommes d'ĂȘtre dĂ©noncĂ©s comme « aristocrate »[100]. Les HĂ©bertistes exercent une vĂ©ritable propagande et s'emploient Ă  rĂ©pandre l'esprit sans-culotte au sein de l'armĂ©e[104]. Dans l'armĂ©e du Nord, le Journal de la Montagne et Le PĂšre Duchesne sont distribuĂ©s aux soldats et radicalisent l'esprit de la troupe[107]. Le 12 novembre, 10 000 soldats de l'armĂ©e du Nord sont envoyĂ©s en VendĂ©e sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Duquesnoy[108] ; ces soldats qui forment notamment la colonne de Cordellier, se rĂ©vĂšlent ĂȘtre parmi les plus violents[109].

De plus, le blé et le pain manquent à Paris et les paysans vendéens sont bientÎt dénoncés comme accapareurs[107]. L'idée germe alors dans l'esprit des révolutionnaires, y compris Danton et Robespierre, de créer une garde populaire, composée non pas de levées mais de vrais sans-culottes chargés de combattre les ennemis de l'intérieur. En mars 1793, le brasseur Santerre lÚve des bataillons de volontaires pour aller combattre les Vendéens. Ces combattants, surnommés les « Héros à cinq cents livres » en raison de la solde élevée qu'ils touchent, sont envoyés en Vendée. Cependant, s'ils pillent allÚgrement, leur valeur militaire est nulle et ils sont presque systématiquement battus lors des combats[110]. Ces troupes sont raillées par les soldats d'élite de l'armée de Mayence alors que l'attitude des Mayençais dans le territoire insurgé n'est pas moins violente que celle des sans-culottes parisiens[111].

Animés par les écrits de Jacques-René Hébert, les échecs de l'armée décuplent la haine des soldats républicains contre leurs ennemis[112]. Mais les récits de tortures et actes de vengeance sur des soldats isolés provoquent également la peur. Le , Dubois-Crancé écrit que : « Comme cette guerre est cruelle et qu'on ne fait pas de prisonniers de part et d'autre, nos soldats ont peur des brigands comme les enfants craignent les chiens enragés[113]. »

Effectifs

En 1794, l'armée chargée d'affronter les Vendéens est l'armée de l'Ouest, le général de division Turreau est son commandant en chef. Les principaux généraux ou adjudant-généraux ayant servi dans une colonne infernale sont : Amey, Aubertin, Bard, Blammont, Bonnaire, Boucret, Boussard, Carpantier, Colette, Cordellier, Commaire, Cortez, Crouzat, Delaage, Dufour, Dufraisse, Dusquenoy, Dutruy, Duval, Ferrant, Grammont, Grignon, Guillaume, Huché, Liébaut et Rademacher[68]. L'armée est trÚs indisciplinée et chaque général interprÚte librement les ordres reçus[114].

L'Armée de l'Ouest est divisée en quatre divisions, la premiÚre est commandée par Cordellier, la seconde par Haxo, la troisiÚme par Grignon et la derniÚre par Huché. Le chef d'état-major est le général Robert[115].

Les effectifs de l'armée sont trÚs fluctuants selon les travaux du lieutenant-colonel de Malleray, établis en 1914[1] :

  • 20 mars 1794 : 103 000 hommes ;
  • mai 1794 : 51 000 hommes ;
  • juin 1794 : 25 000 hommes au moins, rĂ©partis dans 9 camps retranchĂ©s ;
  • septembre 1794 : 44 000 hommes.

Selon les travaux de Pierre Constant, datant de 1992, les effectifs se répartissent ainsi[1] :

  • novembre 1793 : 70 852 hommes ;
  • fĂ©vrier 1794 : 99 269 hommes thĂ©oriquement, 65 627 en fait ;
  • mars 1794 : 81 742 hommes ;
  • juin 1794 : 56 763 hommes ;
  • octobre 1794 : 60 570 hommes thĂ©oriquement, 44 232 en fait.

Cependant, ces effectifs sont théoriques et seuls 56 à 73 % des soldats sont présents à l'appel. 20 à 25 % sont enregistrés dans les hÎpitaux comme blessés ou malades. Les autres absents correspondent aux soldats démobilisés et enregistrés par erreur, aux déserteurs et aux hommes tués[1].

Le nombre de soldats rĂ©publicains tuĂ©s durant les colonnes infernales n'est pas connu. 25 000 Ă  50 000, et plus probablement autour de 30 000, sont tuĂ©s pendant les trois annĂ©es que dure la guerre de VendĂ©e, de mars 1793 Ă  mars 1796[116].

La Terreur dans l'Ouest

« Fusillades d'Avrillé » (vitrail de l'église d'Avrillé par Jean Clamens, 1894).

ParallĂšlement aux colonnes infernales, la Terreur est appliquĂ©e dans les places fortes rĂ©publicaines oĂč sont dĂ©tenus des milliers de prisonniers, VendĂ©ens, mais aussi Chouans, FĂ©dĂ©ralistes, ModĂ©rĂ©s et autres suspects. Les soldats des colonnes infernales participent parfois Ă  certaines des exĂ©cutions. La Loire-InfĂ©rieure et le Maine-et-Loire sont les deux dĂ©partements français oĂč la Terreur fait le plus de victimes[117].

En Loire-InfĂ©rieure, Ă  Nantes, dirigĂ©e par le reprĂ©sentant Jean-Baptiste Carrier, 8 000 Ă  11 000 prisonniers[118], hommes, femmes et enfants, sur 12 000 Ă  13 000[119] pĂ©rissent par toutes sortes de moyens. Ainsi, les noyades de Nantes, du au , font 1 800 Ă  9 000 morts[120], probablement 4 000[121] Ă  4 860[122] morts. Les fusillades de Nantes font 2 600[123] Ă  3 600[124] victimes. La guillotine, installĂ©e place du Bouffay, fait 144 morts[125], dont 24 artisans et laboureurs exĂ©cutĂ©s le , avec parmi eux : 4 enfants de 13 Ă  14 ans. La guillotine fait ensuite 27 victimes le 19 dĂ©cembre dont 7 femmes parmi lesquelles les sƓurs La MĂ©tayrie, ĂągĂ©es de 17 Ă  28 ans[126]. De plus, une Ă©pidĂ©mie de typhus dans les prisons de Nantes fait 3 000 morts[127] - [128] - [129] - [130]. En outre, Ă  PaimbƓuf, 162 personnes sont emprisonnĂ©es, parmi lesquelles 103 sont fusillĂ©es ou guillotinĂ©es[131].

La rĂ©pression est Ă©galement sanglante en Maine-et-Loire, dirigĂ© par les reprĂ©sentants Nicolas Hentz et Adrien Francastel. À Angers mĂȘme, 290 prisonniers sont fusillĂ©s ou guillotinĂ©s et 1 020 meurent en prison par les Ă©pidĂ©mies[132]. Une tannerie de peau humaine est Ă©tablie, 32 cadavres sont Ă©corchĂ©s pour faire des culottes de cavalerie[133]. Environ 12 fusillades se dĂ©roulent de fin novembre 1793 Ă  la mi-janvier 1794 aux Ponts-de-CĂ©, elles font 1 500 Ă  1 600 morts[131]. D'autres noyades font entre 12 et plusieurs dizaines de victimes[131]. Les fusillades d'AvrillĂ©, au nombre de neuf, du au , font 900 Ă  3 000 morts, les estimations les plus probables vont de 1 200 Ă  1 994[134]. À Saumur, 1 700 Ă  1 800 personnes sont emprisonnĂ©es, 950 sont exĂ©cutĂ©s par les fusillades ou la guillotine, 500 Ă  600 pĂ©rissent en prison ou meurent d'Ă©puisement[135]. À DouĂ©-la-Fontaine, du au , 1 200 personnes sont emprisonnĂ©es, 350 Ă  370 sont exĂ©cutĂ©es et 184 meurent en prison[136].

De plus, 800 femmes sont emprisonnĂ©es Ă  Montreuil-Bellay oĂč 200 d'entre elles meurent de maladie, 300 sont transfĂ©rĂ©es Ă  Blois ou Chartres oĂč elles disparaissent pour la plupart[119]. PrĂšs 600 Ă  700 vendĂ©ens capturĂ©s lors de la VirĂ©e de Galerne sont Ă©vacuĂ©s vers Bourges oĂč seule une centaine d'entre eux survivent[137]. Des milliers d'autres prisonniers sont encore passĂ©s par les armes lors des fusillades du Marillais (2000, hommes, femmes, enfants) et de Sainte-Gemmes-sur-Loire[138].

Au total, en Maine-et-Loire, ce sont 11 000 Ă  15 000 personnes, hommes, femmes et enfants, qui sont emprisonnĂ©es, parmi celles-ci 6 500 Ă  7 000 sont fusillĂ©es ou guillotinĂ©es, 2 000 Ă  2 200 meurent dans les prisons[132].

La VendĂ©e et les Deux-SĂšvres sont moins touchĂ©es mais la rĂ©pression reste sĂ©vĂšre. À Niort, 500 Ă  1 000 personnes sont emprisonnĂ©es, 107 sont jugĂ©es, et 70 Ă  80 sont fusillĂ©es ou guillotinĂ©es, 200 meurent des maladies[139]. À Fontenay-le-Comte, dirigĂ©e par le reprĂ©sentant Joseph Lequinio, 332 prisonniers sont jugĂ©s, 196 sont exĂ©cutĂ©s sur ordre de la commission militaire, une quarantaine d'autres sur celui du tribunal rĂ©volutionnaire[136]. AprĂšs la reprise de l'Île de Noirmoutier par les RĂ©publicains, 1 300 personnes y sont emprisonnĂ©es durant l'annĂ©e 1794. Plusieurs prisonniers meurent en prison ou sont fusillĂ©s, au nombre de 128 officiellement, peut-ĂȘtre 400 victimes en rĂ©alitĂ©[140]. 105 prisonniers pĂ©rissent dans les prisons des Sables-d'Olonne, d'avril 1793 Ă  avril 1794, 127 prisonniers sont exĂ©cutĂ©s contre 132 acquittĂ©s, dont une vingtaine par la guillotine, 30 femmes sont Ă©galement jugĂ©es et une vingtaine guillotinĂ©es le [141]. Enfin, 750 Ă  800 prisonniers vendĂ©ens sont envoyĂ©s Ă  La Rochelle, quelques dizaines sont exĂ©cutĂ©s mais 510 meurent des Ă©pidĂ©mies[142].

Parcours des colonnes infernales

Les diffĂ©rents parcours des colonnes infernales ne sont pas connus avec prĂ©cision ; tous les gĂ©nĂ©raux ne correspondent pas avec la mĂȘme rĂ©gularitĂ© et leurs actions sont parfois inconnues sur de longues pĂ©riodes. Quelques tĂ©moignages de RĂ©publicains ou de survivants vendĂ©ens sont cependant connus, de mĂȘme que des rĂ©cits rapportĂ©s par la tradition orale[143]. La plupart des documents sont rĂ©digĂ©s par des patriotes dĂ©nonçant les violences mais sont rĂ©digĂ©s aprĂšs la chute de Robespierre afin d'accabler les partisans de la Terreur[144].

Parcours de la premiĂšre et de la seconde colonne

Les deux colonnes de la premiĂšre division agissent ensemble. Cette troupe traverse de nombreuses communes rĂ©publicaines et commet peu d'exactions[38]. Malade, le gĂ©nĂ©ral Duval en confie le commandement Ă  l'adjudant-gĂ©nĂ©ral PrĂ©vignaud. Le 19 janvier, la division part de Saint-Maixent et atteint Secondigny. Trois jours plus tard elle est signalĂ©e Ă  MaziĂšres. Le 25 janvier, les colonnes arrivent Ă  La Chapelle-Saint-Etienne qui n'est pas incendiĂ©e. Le lendemain, elles passent par La Chataigneraie et se portent sur Vouvant qui est livrĂ©e aux flammes. Le 27 janvier, les troupes campent Ă  La CaillĂšre. Quinze VendĂ©ens y sont faits prisonniers les armes Ă  la main puis sont fusillĂ©s[38]. Le lendemain, les RĂ©publicains assiĂšgent le chĂąteau de Saint-Sulpice-en-Pareds et 18 prisonniers vendĂ©ens sont fusillĂ©s[38]. Le 30 janvier, les colonnes arrivent Ă  Bazoges-en-Pareds oĂč PrĂ©vignaud reçoit l'ordre de Turreau de gagner Pouzauges pour renforcer le gĂ©nĂ©ral Grignon[145].

Parcours de la troisiĂšme colonne

La troisiÚme colonne est commandée par le général de brigade Louis Grignon. DÚs le 19 janvier, la colonne pille Saint-Clémentin, La Coudre et Sanzay, puis le 21, elle atteint Argenton-Chùteau. Dans son mémoire Joseph Lequinio rapporte le témoignage d'Aug. Chauvin, membre du comité de surveillance de la commune de Bressuire :

« Je dois dire d'abord, que le jour de son dĂ©part d'Argenton-le-Peuple, Grignon ayant rĂ©uni sa colonne, lui fit Ă  peu prĂšs cette harangue : « Mes camarades, nous entrons dans le pays insurgĂ©, je vous donne l'ordre exprĂšs de livrer aux flammes tout ce qui sera susceptible d'ĂȘtre brĂ»lĂ© et de passer au fil de la baĂŻonnette tout ce que vous rencontrerez d'habitants sur votre passage. Je sais qu'il peut y avoir quelques patriotes dans ce pays ; c'est Ă©gal, nous devons tout sacrifier »[146]. »

Le 22 janvier, aprĂšs une incursion Ă  Étusson, qui est incendiĂ©e et dont les habitants sont massacrĂ©s, Grignon ravage Voultegon et dĂ©truit Saint-Aubin-du-Plain. Dans cette derniĂšre paroisse, 79 personnes sont massacrĂ©es ; selon la tradition, elles sont conduites au champ de Mille-HĂ©rons oĂč elles doivent creuser leurs propres tombes[147]. Toujours selon Lequinio, Grignon a fait tuer la municipalitĂ© et les patriotes car un devant d'autel noir et blanc, dĂ©couvert dans le clocher de l'Ă©glise, est pris pour un drapeau de l'armĂ©e vendĂ©enne[146]. Le 24 janvier, la colonne est Ă  Bressuire. Chauvin rapporte encore :

« Le jour de son dĂ©part, il rĂ©pĂ©ta, Ă  la tĂȘte de sa colonne, la harangue qu'il avait faite Ă  Argenton-le-Peuple ; ce fut vraiment une armĂ©e d'exterminateurs qui sortit de Bressuire ; les paroisses comprises entre Bressuire et La FlocelliĂšre, sur une longueur de plus de deux lieues et demie, furent entiĂšrement sacrifiĂ©es. Le massacre fut gĂ©nĂ©ral, et on ne distingua personne ; et c'est surtout dans cette marche que Grignon brĂ»la une immense quantitĂ© de subsistances[148]. »

Grignon Ă©crit alors Ă  Turreau : « nous en tuons plus de cent par jour. » Il se sĂ©pare de son second, l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Lachenay et se dirige sur Cerizay. Le 26 janvier il Ă©pargne le bourg de Cerizay, qui dispose d'une garde nationale mais les fermes et les villages de la commune sont mis Ă  feu et Ă  sang. Grignon se vante d'y avoir fait exĂ©cuter 300 rebelles. La Pommeraie-sur-SĂšvre est Ă©galement dĂ©vastĂ©e et sa garde nationale dĂ©sarmĂ©e[149] - [150]. Le lendemain, la colonne arrive Ă  ChĂąteaumur, oĂč Grignon fait exĂ©cuter 10 personnes[149].

Le 28 janvier, un massacre important d'hommes, de femmes et d'enfants, a lieu Ă  La FlocelliĂšre[149]. Le lendemain, la colonne se rend au BoupĂšre, Grignon hĂ©site Ă  ordonner le massacre des habitants, mais il se contente de faire dĂ©sarmer les 150 gardes nationaux de la commune et fait exĂ©cuter 19 prisonniers[151]. Le 30 janvier, dans la petite ville de Pouzauges, 30 prisonniĂšres sont violĂ©es par les officiers de la colonne avant d'ĂȘtre fusillĂ©es prĂšs du donjon du chĂąteau[149]. La ville est incendiĂ©e et plus de 50 personnes sont encore fusillĂ©es dans le chĂąteau de Pouzauges[151].

Enfin, le 31 janvier, Grignon rejoint le gĂ©nĂ©ral Amey aux Herbiers. Au chĂąteau de Boistissandeau, une femme de 84 ans et ses deux filles sont sabrĂ©es par cinq hussards[149]. Lequinio signale que tous les villages entre La FlocelliĂšre et Les Herbiers ont Ă©tĂ© incendiĂ©s, y compris les fourrages et les grains qui devaient ĂȘtre saisis. Mariteau, maire de Fontenay-le-Comte Ă©crit dans son procĂšs-verbal :

« Le gĂ©nĂ©ral Grignon arrive avec sa colonne dans Les Herbiers. Nous allĂąmes le trouver pour confĂ©rer avec lui ; nous lui fĂźmes observer que la loi dĂ©fendait expressĂ©ment de brĂ»ler les grains et les fourrages. Nous l'engageĂąmes Ă  les mĂ©nager pour les opĂ©rations ultĂ©rieures. Il nous dit que les ordres Ă©taient tels, mais qu'ils n'Ă©taient pas exĂ©cutĂ©s. Il ajouta, quant aux Herbiers, que nous Ă©tions heureux que son collĂšgue Amey y fut, que sans cela tous les habitants sans distinction de patriotes ou autrement auraient Ă©tĂ© fusillĂ©s parce que les ordres du gĂ©nĂ©ral en chef portaient de massacrer, fusiller et incendier tout ce qui se trouvait sur son passage, qu'il avait fait fusiller des municipalitĂ©s entiĂšres, revĂȘtues de leurs Ă©charpes. Nous devons observer que la commune des Herbiers avait Ă©tĂ© entiĂšrement purgĂ©e de tous les aristocrates et aux horreurs que nous avons dĂ©crites nous devons ajouter que les portefeuilles de tous les individus ont Ă©tĂ© pris, tous les volontaires allaient dans les mĂ©tairies prendre des chevaux, moutons, volailles de toutes espĂšces[152]... »

Le 9 avril, Grignon disperse des petites bandes de rebelles et incendie Saint-Lambert-du-Lattay et Gonnord, puis il se replie sur Doué-la-Fontaine, il écrit à Turreau qu'il a « fait tuer quantité d'hommes et de femmes » [153]. Le 12 avril, l'adjudant-général Dusirat se plaint de Grignon à Turreau, écrivant que « Grignon a eu l'impudence de proclamer, à son arrivée, la défaite de six cents brigands qui, selon lui, m'avaient battu la veille, tandis qu'il était à plus de deux lieues de moi et qu'il est prouvé qu'il n'a tué que quelques femmes dans quelques villages, et qu'il n'a pas livré de combat[154]. »

Parcours de la quatriĂšme colonne

Ruines du chĂąteau du Parc-Soubise devant lequel 200 personnes sont fusillĂ©es le 31 janvier 1794[155].

Dans les premiers jours de la campagne, l'adjudant-général Lachenay, le second de Grignon, marche avec l'ensemble de la division. Le 25 janvier, la division se divise en deux colonnes ; celle de Lachenay marche sur Montigny. Le 26 janvier, Lachenay détruit Saint-André-sur-SÚvre et massacre ses habitants y compris les membres de la garde nationale. Puis il campe à Saint-Mesmin ; les événements dans cette commune sont connus grùce au témoignage du médecin patriote Barrion[156]. La garde nationale, malgré quelques velléités de résistance, est désarmée. Des pillages sont commis, un homme est assassiné et sa femme violée, puis deux gardes nationaux sont égorgés. Malgré tout, la situation reste globalement calme jusqu'à six heures du soir, heure à laquelle les soldats et les officiers de la colonne se livrent à une vague de viols[157]. Pendant la nuit, les patriotes de Saint-Mesmin apprennent que Lachenay a l'intention de faire massacrer tous les habitants de la commune à cinq heures du matin. Cependant, grùce à la complicité de certains soldats de la colonne, la plupart des habitants parviennent à s'enfuir, et seul un couple de personnes ùgées et leur domestique sont sabrés. Le 27 janvier, une vieille demoiselle de Vasselot qui occupait le chùteau est tuée, la colonne met le feu au chùteau, puis l'éteint sur un contre-ordre et quitte alors la commune pour gagner Pouzauges.

La colonne incendie Pouzauges le 28 janvier. Deux jours plus tard, un dĂ©tachement de la colonne, commandĂ© par l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Grammont, est signalĂ© Ă  La Meilleraie-Tillay. Les habitants, parmi lesquels se trouve bon nombre de patriotes, sont rassemblĂ©s dans l'Ă©glise oĂč ils sont fouillĂ©s et dĂ©pouillĂ©s de leurs richesses, puis les hommes sont conduits, un Ă  un, dans le cimetiĂšre oĂč ils sont fusillĂ©s ; 24 ou 25 sont tuĂ©s, dont le prĂȘtre constitutionnel[158] - [159].

Le 31 janvier, la colonne gagne Le BoupĂšre, dont la garde nationale a Ă©tĂ© dĂ©sarmĂ©e par Grignon. Les administrateurs de la commune parviennent Ă  convaincre Lachenay d'Ă©pargner la population[160]. La colonne se rend ensuite Ă  Mouchamps oĂč plusieurs habitants sont fusillĂ©s au chĂąteau du Parc-Soubise. Le comte de Chabot[161] cite le tĂ©moignage d'un survivant, Jean-Baptiste MĂ©rit [162], alors ĂągĂ© de huit ans[163].

Parcours de la cinquiĂšme colonne

Massacre du Moulin-de-la-Reine, le , 22 femmes et enfants sont fusillĂ©s (vitrail de l'Ă©glise de Montilliers, par Jean Clamens, 1901).

Le 21 janvier, la colonne, commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de brigade Jean-Pierre Boucret part de Cholet et arrive Ă  La Tessoualle. Le lendemain elle commet des massacres contre la population de La Tessoualle et de Moulins, puis, le 23 janvier, aprĂšs ĂȘtre passĂ©e par Le Temple, elle arrive Ă  ChĂątillon-sur-SĂšvre (aujourd'hui MaulĂ©on) qui est incendiĂ©e. De Chatillon-sur-SĂšvre, Boucret envoie Ă  Turreau 32 piĂšces d'orfĂšvrerie pillĂ©es dans la ville. La colonne passe ensuite par La Petite-BoissiĂšre et arrive Ă  Saint-Amand-sur-SĂšvre le 25 janvier. Le lendemain, elle est aux Épesses. Deux jours plus tard, la colonne fouille les abords de la forĂȘt de Vezins et dĂ©busque des VendĂ©ens dans les landes de Genty ; plusieurs sont tuĂ©s et un prĂȘtre rĂ©fractaire est fusillĂ© prĂšs de Saint-Mars-la-RĂ©orthe[164]. Le 31 janvier, la colonne est Ă  Chambretaud.

Le lendemain, la colonne perpĂštre un massacre sur la route de Saint-Malo-du-Bois, puis gagne La Verrie, oĂč elle reste deux jours avant de gagner La GaubretiĂšre, le 3 fĂ©vrier, et d'oĂč Boucret Ă©crit Ă  Turreau :

« Je te prĂ©viens que j'irai demain avec ma colonne brĂ»ler ce bourg, tuer tout ce que je rencontrerai sans considĂ©ration, comme le repaire de tous les brigands. Je n'avais pas encore occupĂ© un pays oĂč je pusse rencontrer autant de mauvais gens, tant hommes que femmes ; aussi tout y passera par le fer et le feu[165]. »

Le 4 fĂ©vrier, la colonne gagne La GaubretiĂšre ; environ 60 hommes et 20 femmes se retranchent dans l'Ă©glise pour permettre la fuite des vieillards, des femmes et des enfants. Ceux-ci Ă©chappent aux RĂ©publicains mais l'Ă©glise est prise d'assaut. 32 dĂ©fenseurs sont tuĂ©s au combat et 53 sont pris et fusillĂ©s[166].

La colonne gagne ensuite Chantonnay le 9 fĂ©vrier oĂč le gĂ©nĂ©ral Bard en prend le commandement. Il part Ă  DouĂ©-la-Fontaine afin de prendre la direction des troupes de l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Carpentier. Le 18 fĂ©vrier, la colonne est sur place, Boucret tombe malade et Carpentier le remplace.

Le 5 avril, la colonne se signale de nouveau par des ravages Ă  Vihiers, Gonnord, JouĂ©-Étiau, Montilliers, Cernusson, TignĂ©, Faveraye-MĂąchelles et AubignĂ©-sur-Layon. Quinze femmes et enfants sont tuĂ©s dans les bois de la FrappiniĂšre. Vingt-deux femmes et enfants sont capturĂ©s dans le bois des Marchais par un dĂ©tachement du camp dit « du Moulin », prĂšs de Montilliers ; vingt d'entre eux sont fusillĂ©s au Moulin de la Reine et seuls deux enfants sont Ă©pargnĂ©s[167].

Parcours de la sixiĂšme colonne

Assassinat d'une femme vendéenne et de sa fille par des soldats de la colonne Bonnaire (vitrail de l'église de La Salle-de-Vihiers, par R. Desjardins, 1931).

Le 21 janvier, la colonne commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de brigade Jean Alexandre Caffin part de Cholet et gagne MaulĂ©vrier. Le 23, les RĂ©publicains pillent les villages autour de Maulevrier et Yzernay, et 14 femmes et filles sont fusillĂ©es[168]. Le lendemain, la colonne est bloquĂ©e Ă  Maulevrier, n'ayant pas de charrettes pour vĂ©hiculer les subsistances[168]. Le 25 janvier, la colonne gagne Saint-Pierre-des-Echaubrognes ; 6 cadavres de volontaires rĂ©publicains sont dĂ©couverts, le bourg est entiĂšrement dĂ©truit et Caffin fait fusiller 14 femmes[164] - [168]. Le lendemain, un dĂ©tachement de 150 hommes dĂ©truit les mĂ©tairies entre La Tessoualle et Saint-Laurent-sur-SĂšvre[169] - [168].

Le 28 janvier, la colonne revient Ă  MaulĂ©vrier, patrouille dans les landes de Genty et la forĂȘt de Vezins et incendie le bourg de Toutlemonde ; le 30, elle incendie Yzernay, abandonnĂ©e par ses habitants[169] - [168]. Le lendemain, la colonne incendie entiĂšrement MaulĂ©vrier oĂč il ne subsiste que l'Ă©glise[169]. Le 1er fĂ©vrier, les Bleus fouillent et incendient Saint-Laurent-sur-SĂšvre, et 32 femmes sont capturĂ©es dans le couvent et conduites Ă  Cholet alors qu'une vingtaine d'hommes sont fusillĂ©s. La colonne se dirige ensuite vers La Verrie[169], fouille la commune puis, sur ordre de Turreau, se replie sur Cholet le 4 fĂ©vrier.

Le 8 février, la colonne prend part à la bataille de Cholet. Les Républicains y sont mis en déroute, et le général Caffin est griÚvement blessé[170].

Parcours de la septiĂšme colonne

La septiĂšme colonne devient la garde personnelle du gĂ©nĂ©ral en chef Louis-Marie Turreau et l'accompagne dans ses dĂ©placements[145]. N'ayant de compte Ă  rendre qu'Ă  lui-mĂȘme en ce qui concerne les opĂ©rations militaires, les actions de Turreau sont peu connues. Ses lettres envoyĂ©es Ă  la convention, permettent cependant de connaĂźtre les villes qu'il occupe Ă  certaines dates. Le 21 janvier, la colonne part de DouĂ©-la-Fontaine, le 24 Turreau occupe Cholet, il y reste jusqu'au 31 janvier. Le 1er fĂ©vrier, la colonne est Ă  Montaigu. Le 9 fĂ©vrier, Turreau gagne Nantes, le 13, il Ă©crit depuis Saumur avant de regagner Nantes.

Le 26 février, Turreau, rejoint par les colonnes de Cordellier et Duquesnoy, lance une offensive contre Charette. Mais l'encerclement est un échec : les Vendéens, atteints à Geneston, parviennent à s'enfuir. Le 6 mars, Turreau est à Cholet ; il achÚve la destruction de la ville et fait évacuer la population[171].

Le 18 mars, Turreau est signalé à Nantes, puis aux Sables d'Olonne quatre jours plus tard. Le 29 mars, il est de nouveau à Nantes, aprÚs avoir tenté pendant plusieurs jours d'atteindre Charette, en vain. En avril, Turreau occupe Montaigu. Par la suite, il est encore signalé en mai à Doué-la-Fontaine, Saumur et Nantes.

Parcours de la huitiĂšme colonne

Massacre d'une trentaine de villageois au Carrefour-des-chats par les soldats de la colonne Bonnaire (vitrail de l'Ă©glise de La Salle-de-Vihiers, par R. Desjardins, 1931).

La colonne, commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de brigade Louis Bonnaire, part de DouĂ©-la-Fontaine le 21 janvier et arrive Ă  Concourson-sur-Layon, qui est incendiĂ©. Elle est ensuite divisĂ©e en deux demi-colonnes. La premiĂšre passe par Bitaud et VaillĂ© en Aigonnay pour arriver aux Cerqueux-sous-Passavant qui est incendiĂ© et dont les habitants sont massacrĂ©s. La seconde passe par Cernusson, oĂč le maire et environ 40 habitants sont fusillĂ©s, pour arriver Ă  Montilliers oĂč environ 30 femmes et enfants sont passĂ©s par les armes Ă©galement[172]. Le lendemain, la premiĂšre demi-colonne passe par Saint-Hilaire-du-Bois, Coron, Le Coudray-Macouard, Vezins et Les Poteries en Aigonnay oĂč elle essaie de mettre le feu Ă  la forĂȘt de Vezins. La seconde passe par Le Voide, La Salle-de-Vihiers, CossĂ©-d'Anjou, La Tourlandry et NuaillĂ©. Les deux colonnes se rĂ©unissent Ă  Cholet[145].

Le 5 fĂ©vrier, le gĂ©nĂ©ral de division Florent Joseph Duquesnoy reprend le commandement de sa division aprĂšs une pĂ©riode de convalescence. Il part des Essarts et gagne La Roche-sur-Yon, oĂč il reste trois jours[173]. Le 6 ou 7 fĂ©vrier, des massacres sont commis lors de la traversĂ©e de Venansault ; ces tueries sont connues grĂące aux tĂ©moignages de soldats rĂ©publicains consignĂ©s dans un dossier d'accusation. Selon le gendarme Charrier, cent femmes et enfants sont tuĂ©s et coupĂ©s en morceaux[A 18]

Le 8 fĂ©vrier, la colonne quitte La Roche, traverse Aizenay et gagne Palluau[175]. Le lendemain, elle campe prĂšs de LegĂ©. La ville, prise deux jours plus tĂŽt par Charette sur les 800 hommes de Dusirat, a Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©e par les VendĂ©ens Ă  l'approche des RĂ©publicains. Le 10 fĂ©vrier, Duquesnoy, avec 4 000 hommes, se heurte Ă  3 000 VendĂ©ens commandĂ©s Charette et Sapinaud marchant sur Machecoul, il livre la bataille de Saint-Colombin et Ă©crase les forces insurgĂ©es. Puis, le 11 fĂ©vrier la colonne se rend Ă  Clisson[176]. Pour une raison qui n'est pas connue, Turreau et Dusquenoy se dĂ©testent. Ce dernier Ă©crit une lettre Ă  son supĂ©rieur dans laquelle il conteste son plan[A 19].

Turreau convoque alors Duquesnoy Ă  DouĂ©-la-Fontaine ; la colonne gagne la place le 15 fĂ©vrier[5]. Mais cette rencontre s'avĂšre ĂȘtre sans grande importance et Duquesnoy repart alors pour la VendĂ©e, et, le 20 fĂ©vrier, il est Ă  Cholet[5], puis, le 22, il gagne Saint-Fulgent[177]. Trois jours plus tard, la colonne se rend Ă  Saint-Philbert-de-Bouaine oĂč elle fait sa jonction avec les troupes du gĂ©nĂ©ral Cordellier.

Parcours de la neuviĂšme colonne

Le chĂąteau du Plessis, oĂč les habitants de GestĂ© sont conduits et massacrĂ©s le 5 fĂ©vrier.
Croix commémorative du massacre du Puiset-Doré.

La colonne, commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de brigade Étienne Cordellier part de Brissac-QuincĂ© le 22 janvier. La place a Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e par le gĂ©nĂ©ral[40]. Le lendemain Cordellier Ă©pargne Ă©galement Beaulieu, commune plutĂŽt patriote, ce qui n'empĂȘche pas ses soldats de commettre de nombreux pillages[40].

Le 25 janvier, les habitants de La JumelliĂšre, dont 37 femmes et enfants, ainsi que les conseillers municipaux et le prĂȘtre constitutionnel sont massacrĂ©s Ă  la baĂŻonnette dans un prĂ©[178] - [179]. Peu aprĂšs, le bourg est rĂ©occupĂ© par les troupes de La Rochejaquelein. Un officier vendĂ©en, Louis Monnier, Ă©voque le massacre dans ses mĂ©moires[A 20].

Le mĂȘme jour, un autre dĂ©tachement de la colonne gagne Melay. Les RĂ©publicains mettent en place un tribunal rĂ©volutionnaire improvisĂ©. 29 femmes et 23 enfants sont fusillĂ©s, ceux qui respirent encore sont achevĂ©s Ă  la baĂŻonnette. Seuls un homme et quatre femmes survivent Ă  la fusillade[180].

Le 26 janvier, la colonne atteint Jallais et incendie les villages situĂ©s autour de la petite ville de mĂȘme que Saint-LĂ©zin[109]. AprĂšs ĂȘtre passĂ© la veille Ă  Montrevault, qui est Ă©pargnĂ©e[181], Cordellier est attaquĂ© le 1er fĂ©vrier par Jean-Nicolas Stofflet Ă  la bataille de GestĂ© ; vaincue, la colonne se replie sur Montrevault. Mais, le 5 fĂ©vrier, la colonne retourne Ă  GestĂ© et massacre 138 habitants dont plusieurs sont fusillĂ©s dans le chĂąteau[182]. Elle campe ensuite Ă  Montfaucon oĂč 41 personnes sont assassinĂ©es[183]. Le 6 fĂ©vrier, la colonne gagne Tiffauges, Cordellier Ă©crit que « indĂ©pendamment que tout brĂ»le encore, j'ai fait passer derriĂšre la haie 600 particuliers des deux sexes[184]. »

Le lendemain, un dĂ©tachement de la colonne atteint Les Landes GĂ©nusson, toute la population prĂ©sente, soit 98 personnes, hommes, femmes et enfants, est massacrĂ©e. La colonne gagne Cholet en marche forcĂ©e, elle prend part Ă  la troisiĂšme bataille de Cholet ; la ville est reprise aux VendĂ©ens commandĂ©s par Stofflet. Le 13 fĂ©vrier, la colonne incendie ChemillĂ©, dĂ©sertĂ©e par sa population. Le lendemain, Cordellier doit encore affronter les forces de Stofflet lors de la bataille de BeauprĂ©au oĂč les RĂ©publicains repoussent l'attaque. Le 15 fĂ©vrier, les forces de Cordellier et de Crouzat font leur jonction Ă  Montaigu.

Le 22 fĂ©vrier, la colonne exĂ©cute 15 personnes Ă  Vieillevigne et en massacre 100 autres aux Brouzils[5], puis elle commet un nouveau massacre le lendemain Ă  Chavagnes-en-Paillers. On identifie 201 victimes[185]. Trois jours plus tard, Cordellier rejoint Turreau en vue d'une offensive contre Charette. Les RĂ©publicains sont victorieux mais les VendĂ©ens parviennent Ă  s'enfuir sans subir trop de pertes. Cordellier se sĂ©pare de Turreau aprĂšs la bataille, il gagne Vieillevigne et Montbert oĂč 35 personnes sont exĂ©cutĂ©es le 26 fĂ©vrier[177], puis le lendemain Vieillevigne, Saint-AndrĂ©-Treize-Voies, Saint-Sulpice-le-Verdon, RocheserviĂšre et Mormaison sont incendiĂ©es, en tout 80 personnes sont massacrĂ©es.

Le 28 fĂ©vrier, la colonne affronte les troupes de Charette, pendant le combat, le chef de bataillon Matincourt, un officier de Cordellier, se rend aux Lucs-sur-Boulogne et fait massacrer 500 Ă  590 personnes Ă  la chapelle du Petit-Luc. Ce massacre est le plus cĂ©lĂšbre et le plus important perpĂ©trĂ© par les colonnes infernales[186]. 564 victimes sont recensĂ©es par l'abbĂ© Charles Vincent Barbedette, dont 109 enfants de moins de 7 ans.

Vitrail de l'Ă©glise des Lucs-sur-Boulogne par Fournier.

La colonne se regroupe et, le 1er mars, elle assassine 66 personnes Ă  Saint-Étienne-du-Bois[187] ; trois jours plus tard, Les Brouzils sont incendiĂ©s pour la seconde fois et 270 habitants au total ont Ă©tĂ© tuĂ©s[188]. Le 5 mars, les RĂ©publicains traversent Montaigu, Clisson, Mouzillon et Le Pallet Ă  marche forcĂ©e[189] et, le lendemain, gagnent Le Loroux-Bottereau, oĂč ils Ă©crasent un rassemblement d'insurgĂ©s ; les soldats restent trois jours dans la ville qu'ils ravagent, de mĂȘme que Saint-Julien-de-Concelles et Le Landreau[189]. Selon les reprĂ©sentants Garrau et Prieur de la Marne, 300 Ă  400 rebelles sont tuĂ©s sans perte d'un seul homme pour la RĂ©publique[190].

Puis le 10 mars, la colonne passe Ă  La Chapelle-Basse-Mer, et assassine 26 personnes, dont 11 femmes, 9 enfants de moins de 11 ans, et trois nouveau-nĂ©s dans le village de BeauchĂȘne[191]. Le mĂȘme jour, un vieil homme est tuĂ© Ă  La BoissiĂšre-du-DorĂ© et deux femmes ĂągĂ©es de 25 et 60 ans sont enlevĂ©es et retrouvĂ©es mortes l'une au DorĂ© et l'autre Ă  GestĂ©. Le 12 mars, 56 personnes sont tuĂ©es en forĂȘt de Leppo au Puiset-DorĂ©[192]. Le 13 mars, 178 personnes dont 53 enfants de moins de 10 ans sont massacrĂ©es au Fief-Sauvin ; 42 femmes et enfants sont tuĂ©s Ă  la Chaussaire. Le lendemain, la colonne traverse Montrevault oĂč 72 personnes sont massacrĂ©es[193], puis elle gagne Saint-Florent-le-Vieil oĂč elle rejoint Turreau[189].

Mais la colonne ne reste pas longtemps dans la place, les 16 et 17 mars, les RĂ©publicains incendient et ravagent La RemaudiĂšre, La BoissiĂšre-du-DorĂ©, Saint-Laurent-des-Autels, Drain, LirĂ© et Champtoceaux, assassinent leurs habitants, hommes, femmes et enfants. La colonne campe dans les landes de Sainte-Catherine sur la commune de La RemaudiĂšre, de lĂ  ils tuent 5 personnes le 11 mars et massacrent 96 personnes le 17 mars, parmi lesquelles de nombreuses familles des villages de Sainte-Catherine, La MĂ©nardiĂšre, La Savaterie [194]. Ces 96 victimes, pour moitiĂ© de chaque sexe, se rĂ©partissent ainsi : 8 bĂ©bĂ©s, 20 enfants entre 2 et 11 ans, 10 adolescents de 12 Ă  18 ans, 22 femmes et 17 hommes adultes, 19 personnes ĂągĂ©es de plus de 60 ans. Le mĂȘme jour, dans la commune voisine Ă  La BoissiĂšre-du-DorĂ©, 48 personnes sont tuĂ©es : 5 hommes et 8 femmes de plus de 60 ans, 5 bĂ©bĂ©s de moins de 2 ans, 6 fillettes et 4 garçons de moins de 11 ans, 4 adolescents, 7 femmes et 9 hommes adultes [195]. Les massacres font 230 morts Ă  Saint-Laurent-des-Autels, dont 93 hommes, 66 femmes et 71 enfants[196], 82 morts Ă  Champtoceaux[197], 102 habitants de LirĂ© sont tuĂ©s, de mĂȘme que 106 ou 108 personnes Ă  Drain[198] - [199]. Puis la colonne gagne La Chapelle-Basse-Mer, oĂč la population est massacrĂ©e, au moins 118 personnes sont tuĂ©es[193]. D'aprĂšs les tĂ©moignages, d'un nommĂ© PeignĂ© et de l'abbĂ© Robin, des jeunes filles sont violĂ©es et suspendues nues Ă  des arbres, des femmes enceintes sont Ă©crasĂ©es sous des pressoirs, des enfants sont empalĂ©s au bout des baĂŻonnettes[A 21].

Enfin, pendant la nuit, la colonne surprend la commune de Saint-Julien-de-Concelles et massacre ses habitants[200]. Le 25 mars, Cordellier tombe malade ; il part se faire soigner Ă  Saumur et confie le commandement de la colonne Ă  Crouzat[145].

Parcours de la dixiĂšme colonne

Le 21 janvier, la colonne, commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de brigade Joseph Crouzat, le second de Cordellier, part de Brissac-QuincĂ©. AprĂšs ĂȘtre passĂ©e par ThouarcĂ©, elle gagne Gonnord le 23 janvier oĂč 200 personnes sont massacrĂ©es, 2 femmes et 30 enfants auraient Ă©tĂ© enterrĂ©s vivants. Puis, le 24 janvier la colonne atteint ChemillĂ© qui est Ă©pargnĂ©e en Ă©change de butin. Le lendemain, elle traverse Chanzeaux et incendie quelques maisons. Au moins 14 femmes sont capturĂ©es et fusillĂ©es, ainsi qu'un vieillard ; elles meurent en chantant le Salve Regina, auquel les soldats rĂ©pondent par La Marseillaise[201].

Le 26 janvier, Crouzat rejoint briÚvement Cordellier à Jallais, puis les jours suivants il gagne May-sur-Èvre, La Romagne et Saint-Macaire-en-Mauges, mais il est battu le 1er à la bataille de Gesté. Le lendemain, il rejoint Cordellier, lui aussi mis en déroute.

Durant les mois de fĂ©vrier et mars, les deux colonnes de la division sont rassemblĂ©es, mais Cordellier tombe malade le 25 mars. Crouzat prend alors le commandement de la division, le 27 mars, il fouille la forĂȘt de Vezins avec la colonne du gĂ©nĂ©ral Grignon, alors forte de 2 500 hommes, et fait tuer les personnes qui s'y Ă©taient rĂ©fugiĂ©es, selon la tradition le massacre aurait fait 1 200 morts[202], en rĂ©alitĂ© le nombre des victimes semble ĂȘtre bien plus faible, dans son rapport Ă  Turreau, Crouzat Ă©crit : « Nous avons fouillĂ© la forĂȘt de Vezin et celle du Breil-Lambert oĂč nous n'avons trouvĂ© aucun rassemblement, mais seulement quelques femmes de brigands, cachĂ©es çà et lĂ , qui ont Ă©tĂ© exterminĂ©es[203]. ».

MalgrĂ© leur dĂ©faite, les RĂ©publicains continuent leur marche et, le 2 avril, ils fusillent des habitants de Tiffauges, dans le PrĂ©-GuĂ©rin, prĂšs du chĂąteau de Tiffauges[204]. Puis, le 5 avril, ils commettent incendies et massacres Ă  Torfou, Clisson et Montfaucon-MontignĂ©. 141 habitants de Torfou, au total, sont massacrĂ©s par les colonnes infernales[205]. À Clisson, une trentaine de personnes cachĂ©es dans les ruines du chĂąteau sont massacrĂ©es[206]. Dans cette mĂȘme ville, prĂšs de l'Ă©tang le Grenouiller, 150 femmes auraient Ă©tĂ© brĂ»lĂ©es, d'aprĂšs le rĂ©cit fait, en 1829, par un ancien soldat rĂ©publicain Ă  la comtesse de La BouĂ«re. Celle-ci rapporte ses propos dans ses mĂ©moires[207] - [208] - [209] :

« Nous faisions des trous de terre, pour placer des chaudiÚres afin de recevoir ce qui tombait ; nous avions mis des barres de fer dessus et placé les femmes dessus, (...) puis au-dessus encore était le feu (...). Deux de mes camarades étaient avec moi pour cette affaire. J'en envoyai 10 barils à Nantes. C'était comme de la graisse de momie : elle servait pour les hÎpitaux. »

Le soldat se vanta également d'avoir, à Nantes, « écorché des brigands pour en faire tanner la peau » et d'avoir vendu 12 pantalons de peau humaine à La FlÚche. Madame de La Bouëre ajoute cependant qu'il « est à croire que ce fanfaron de crimes les exagÚre. »

Par la suite, les actions de la division demeurent inconnues sur une longue période. Le 10 mai, sur ordre de Turreau, la colonne de Crouzat se retranche dans le camp des SoriniÚres dont elle forme la garnison[210], elle continue cependant de commettre de nombreux meurtres et raids dans les environs.

Parcours de la onziĂšme colonne

AprĂšs quelques difficultĂ©s pour rassembler ses troupes, le gĂ©nĂ©ral de brigade Jean-Baptiste Moulin quitte Les Ponts-de-CĂ© le 24 janvier 1794. Le mĂȘme jour, il fait incendier MozĂ©-sur-Louet mais Ă©pargne Rochefort-sur-Loire. Deux jours plus tard, la colonne incendie Saint-Laurent-de-la-Plaine et Sainte-Christine, deux femmes, dont une comtesse, sont fusillĂ©es[181]. Le 28 janvier, Ă  La PoiteviniĂšre, des femmes et des enfants sont dĂ©couverts, cachĂ©s derriĂšre des taillis et massacrĂ©s, un petit enfant est promenĂ© au bout d'une pique par un soldat[181].

Le 29 janvier, la colonne atteint Cholet ; Turreau donne l'ordre Ă  Moulin de s'y maintenir. Mais le 8 fĂ©vrier, la colonne, bien que renforcĂ©e par les troupes de Caffin, est attaquĂ©e et mise en dĂ©route par les VendĂ©ens commandĂ©s par Jean-Nicolas Stofflet. Au cours de la bataille, Moulin, blessĂ© se suicide pour ne pas ĂȘtre capturĂ© par les VendĂ©ens.

Parcours de la division Huché

Dans un premier temps, le gĂ©nĂ©ral de brigade Jean-Baptiste HuchĂ© occupe Luçon avec sa division, forte de 1 400 fantassins et 60 cavaliers. Mais, en fĂ©vrier, il reçoit l'ordre de Turreau d'aller renforcer la garnison de Cholet, tenue par les gĂ©nĂ©raux Moulin et Caffin, qui craignent une attaque des insurgĂ©s vendĂ©ens. La division arrive trop tard et la garnison et mise en dĂ©route par Stofflet alors que Moulin est tuĂ© et Caffin griĂšvement blessĂ©. Cependant, Cordellier reprend la place deux heures plus tard. Ce dernier, accompagnĂ© de HuchĂ©, enterrent le corps de Moulin au pied de l'arbre de la libertĂ© et, le 15 fĂ©vrier; HuchĂ© prend le commandement de la place de Cholet.

Le 26 fĂ©vrier, la division HuchĂ© sort de la ville et incendie Mortagne. Le 27, les RĂ©publicains massacrent les habitants de La GaubretiĂšre. Selon HuchĂ©, 500 personnes sont tuĂ©es Ă  La GaubretiĂšre, tant hommes que femmes, mais ce nombre est exagĂ©rĂ©. En effet, selon CĂ©line Gilbert il y a en rĂ©alitĂ© 107 victimes alors que pour Louis-Marie ClĂ©net, on compte 128 tuĂ©s, dont 51 hommes, 67 femmes et 10 enfants[211] - [212]. Les communes de Saint-MalĂŽ-du-Bois et de Saint-Laurent-sur-SĂšvre sont Ă©galement dĂ©vastĂ©es.

La colonne gagne ensuite La Verrie, ou Huché écrit avoir fait « passer au fil de la baïonnette tout ce que j'y ai trouvé, à la réserve des enfants »[213].

Le 28 fĂ©vrier, la division regagne Cholet. Le 4 mars, elle fait une sortie pour affronter les forces de Stofflet mais l'engagement est indĂ©cis. Deux jours plus tard, HuchĂ© marche sur Vezins ; il Ă©crit dans une lettre Ă  sa sƓur datĂ©e du 9 avril : « Nous passĂąmes par Vezins oĂč nous tuĂąmes tout ce que nous y trouvĂąmes. J'ai incendiĂ© les villages et tuĂ© Ă  peu prĂšs 300 de ces scĂ©lĂ©rats par-ci par-lĂ [214]. »

Le 25 mars, sur ordre de Turreau, HuchĂ© prend le commandement de la garnison de Luçon oĂč il succĂšde au gĂ©nĂ©ral Bard. Cependant, il est en conflit permanent avec les patriotes de Fontenay-le-Comte et de Luçon, qu'il accuse de modĂ©rantisme tandis que ceux-ci rĂ©pliquent en l'accusant d'hĂ©bertisme[215].

Les 30 et 31 mars, son second, l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Goy-MartiniĂšre ravage les villages des Tourneries et de Bellenoue Ă  ChĂąteau-Guibert, dans le premier village une femme et trois enfants sont massacrĂ©s, dans le second sept ou huit femmes, dont une enceinte, et cinq enfants, ĂągĂ©s de deux mois Ă  dix ans sont fusillĂ©s ; au total, 80 personnes sont assassinĂ©es. D'autres meurtres sont commis Ă  Mareuil[216] - [217]. Goy-MartiniĂšre est arrĂȘtĂ© le 11 avril et est jugĂ© par un tribunal prĂ©sidĂ© par l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Cortez, condamnĂ© Ă  mort et guillotinĂ© pour ses dĂ©vastations contre des communes patriotes et pour le viol d'une jeune servante[218].

Autres massacres

Les actions des huit colonnes de Haxo, plus petites que celles de Turreau, sont moins connues, les noms de certains des commandants sont mĂȘme ignorĂ©s. Les principaux sont Dufour, Dutruy, Jordy et Dusirat. Cependant si Haxo ne semble pas avoir ordonnĂ© de massacres, il n'en est pas de mĂȘme pour certains de ses subordonnĂ©s. Ainsi, le 9 avril, les RĂ©publicains commandĂ©s par Dusirat massacrent plus de 170 habitants de Chanzeaux, aux trois quarts des femmes et des enfants, quelques autres meurtres sont signalĂ©s le 24 avril[219].

La forĂȘt de PrincĂ©, prĂšs de Rouans, est rĂ©guliĂšrement fouillĂ©e par les hommes de Haxo. Le 12 fĂ©vrier, les RĂ©publicains commandĂ©s par Jordy et GuillemĂ© y tuent 300 paysans[66] - [54]. Le 14 juillet, l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Lefebvre massacre environ 60 rĂ©fugiĂ©s. Cette forĂȘt sert de refuge pendant la guerre et subit de multiples attaques, au total environ 2 000 personnes y auraient Ă©tĂ© massacrĂ©es de janvier Ă  juillet[220].

Le 3 avril, Ă  Maisdon-sur-SĂšvre, le gĂ©nĂ©ral Cambray, le successeur d'Haxo, Ă©crase un rassemblement de VendĂ©ens, le massacre aurait fait 300 Ă  400 morts, dont des femmes et des enfants[221].

Les garnisons de villes effectuent également des raids sur les communes environnantes. Selon un procÚs-verbal de Mariteau, maire de Fontenay-le-Comte, le 31 janvier les troupes du général Amey, parties de La Rochelle, arrivent aux Herbiers afin d'y tenir garnison, sur leur chemin les soldats massacrent hommes, femmes et enfants, patriotes et rebelles[A 22].

En janvier, Ă  LegĂ©, une commission militaire fait fusiller 64 personnes lors du massacre de LegĂ©[223]. En avril la garnison du chĂąteau d'Aux, situĂ© sur la commune de La Montagne et commandĂ©e par l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Muscar, lance un raid sur Bouguenais, 248 personnes sont fusillĂ©es[224].

L'historiographie de la commune de Champtoceaux conserve le souvenir des nombreux passages des RĂ©publicains, outre le massacre des 16 et 17 mars, quatre personnes ĂągĂ©es sont assassinĂ©es le 29 avril par des soldats dĂ©barquĂ©s par des chaloupes canonniĂšres[199]. Le 17 mai, 37 habitants sont tuĂ©s dont 28 sont enfumĂ©s dans la grotte de Vau-Brunet, seuls une femme et un enfant en ressortent vivants[197] - [225]. Les journĂ©es du 26 au 30 juillet voient le quatriĂšme passage des RĂ©publicains dans la commune de Champtoceaux, 13 personnes sont assassinĂ©es[197] - [225].

On relĂšve d'autres tueries dont les auteurs ne sont pas connus, le 15 janvier, Ă  La GaubretiĂšre, environ 10 hommes sont surpris Ă  la ferme de la Petite RenaudiĂšre oĂč se dĂ©roule une messe tenue par un prĂȘtre rĂ©fractaire, sur leur refus de crier « Vive la RĂ©publique ! », ils sont fusillĂ©s[226], le 22 janvier, environ 20 VendĂ©ens sont massacrĂ©s Ă  Frossay[227]. Le 8 fĂ©vrier, des VendĂ©ens sont jetĂ©s dans le puits du chĂąteau de Clisson, certains morts, d'autres encore vivants, 18 squelettes sont exhumĂ©s en 1961[228].

Actions des forces vendéennes

L'Armée du Bas-Poitou et du Pays de Retz

Charette, huile sur toile de Paulin Guérin, 1819 (musée d'art et d'histoire, Cholet).

Charette a prĂ©fĂ©rĂ© attaquer l'Ăźle de Noirmoutier plutĂŽt que de venir en aide Ă  l'armĂ©e du Bocage, lors de la bataille de Cholet ; aussi ne prend-il pas part Ă  la VirĂ©e de Galerne. À cette pĂ©riode, l'autoritĂ© de Charette dans le Bas-Poitou et dans le Pays de Retz n'est pas entiĂšrement reconnue et les territoires qu'il contrĂŽle personnellement sont les environs de Machecoul et LegĂ©. Si certains chefs comme CouĂ«tus ou les frĂšres La Roberie semblent reconnaĂźtre son autoritĂ©, d'autres comme Joly, Savin ou surtout La CatheliniĂšre, gardent un esprit trĂšs indĂ©pendant.

Noirmoutier est prise le Ă  la suite d'une attaque de 3 000 hommes et les 800 soldats de la garnison rĂ©publicaine sont capturĂ©s. Charette quitte l'Ăźle le 15 octobre et y laisse une garnison de 1 800 hommes, puis gagne le marais breton[229]. Un de ses lieutenants, François Pageot, se rend Ă  Bouin avec les prisonniers, mais le 17 octobre, sous prĂ©texte de reprĂ©sailles et de conspiration, il en fait fusiller 180[230], dont de jeunes volontaires de 16 ans[231]. Entretemps, alors que le gros de l'armĂ©e rĂ©publicaine part Ă  la poursuite des VendĂ©ens, le gĂ©nĂ©ral Haxo et son second Jordy, restent en VendĂ©e afin d'Ă©liminer les derniĂšres poches de rĂ©sistances. Ainsi, Jordy disperse les insurgĂ©s du pays du Loroux Ă  Vertou et fait 64 prisonniers qui sont envoyĂ©s Ă  Nantes oĂč ils sont fusillĂ©s[232]. Cependant l'objectif principal des Bleus est de reprendre Noirmoutier afin d'empĂȘcher les VendĂ©ens d'entrer en contact avec les Britanniques.

DĂ©but novembre, les forces rĂ©publicaines se concentrent sur l'armĂ©e du Marais, sur ses trois flancs. L'adjudant-gĂ©nĂ©ral Dutruy part des Sables-d'Olonne au Sud, l'adjudant-gĂ©nĂ©ral GuillemĂ© attaque au Nord, depuis PaimbƓuf, tandis qu'Haxo marche Ă  l'Est[229]. Le 8 novembre, Haxo sort de Nantes avec 8 000 hommes[233], le 9, il prend Machecoul sans combattre, puis le 28, il fait sa jonction Ă  LegĂ© avec Jordy et GuillemĂ©. La veille, un premier accrochage oppose l'avant-garde de 1 100 hommes commandĂ©e par le lieutenant-colonel Aubertin Ă  Charette Ă  La Garnache. Puis dans la nuit du 5 dĂ©cembre, Aubertin tente de surprendre les VendĂ©ens Ă  Beauvoir-sur-Mer, tout prĂšs de Noirmoutier. La tentative Ă©choue et Charette se replie avec ses 1 800 hommes sur Bouin. DĂšs le lendemain, il est rejoint par Jordy avec 3 000 hommes mais il est finalement Ă©crasĂ© Ă  la bataille de l'Ăźle de Bouin, oĂč il perd 200 hommes[234]. Les blessĂ©s sont achevĂ©s et 200 Ă  300 femmes rĂ©fugiĂ©es dans l'Ă©glise sont capturĂ©es, la plupart dĂ©cĂšdent dans les prisons de Nantes ou de Noirmoutier[235]. Les pertes ne sont que de 19 tuĂ©s pour les Bleus, tandis 900 prisonniers rĂ©publicains sont dĂ©livrĂ©s[236]. Les VendĂ©ens parviennent nĂ©anmoins Ă  s'Ă©chapper et se replient ensuite sur Bois-de-CĂ©nĂ©. Cependant, lors de la retraite, Charette a la chance de surprendre un convoi d'armes dĂ©fendu par seulement 300 hommes entre ChĂąteauneuf et Bois-de-CĂ©nĂ©, ce qui lui permet de rĂ©Ă©quiper ses hommes. Haxo arrive trop tard et Charette s'Ă©chappe une fois de plus[229] - [237].

La mort de Bara, huile sur toile de Jean-Joseph Weerts, 1880 (musée d'Orsay, Paris).

Ce succĂšs offre un rĂ©pit au chef vendĂ©en, car Haxo reçoit l'ordre d'envoyer une partie de ses troupes sur Angers, qui est assiĂ©gĂ©e par La Rochejaquelein. Charette envoie alors Joseph de La Roberie en Angleterre en passant par Noirmoutier afin de demander de l'aide aux Britanniques, puis il dĂ©cide de marcher sur l'Anjou oĂč subsiste encore une petite troupe de 400 hommes commandĂ©e par Pierre Cathelineau, secondĂ© par le comte de La BouĂ«re, qui livre encore quelques escarmouches[238]. C'est notamment au cours de l'une d'elles que Joseph Bara est tuĂ© Ă  Jallais le 7 dĂ©cembre. Le 11, les VendĂ©ens sont repoussĂ©s devant LegĂ©, mais ils parviennent Ă  prendre d'assaut le camp de l'Oie Ă  Sainte-Florence. Le lendemain, ils sont aux Herbiers oĂč Charette est Ă©lu Ă  la tĂȘte de l'armĂ©e du Marais et de l'armĂ©e du Centre, malgrĂ© l'hostilitĂ© de Joly.

Le 15 dĂ©cembre, Ă  Pouzauges Charette bat l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Joba, sorti de Fontenay-le-Comte, puis dans la nuit du 18 au 19 dĂ©cembre, il Ă©crase un poste rĂ©publicain Ă  Cerizay, marche sur ChĂątillon-sur-SĂšvre et de lĂ  gagne MaulĂ©vrier le 20. Cependant, l'expĂ©dition n'a pas remportĂ© un grand succĂšs : peu d'hommes se sont joints aux Paydrets et aux Bas-Poitevins et, le lendemain de l'entrĂ©e de Charette Ă  MaulĂ©vrier, arrivent Henri de La Rochejaquelein et Jean-Nicolas Stofflet avec une vingtaine d'hommes rescapĂ©s de la VirĂ©e de Galerne. Charette se montre semble-t-il peu courtois avec celui qu'il voit comme un rival et celui-ci s'en irrite. À Charette, qui lui propose de lui donner un cheval et de le suivre Ă  Mortagne-sur-SĂšvre, La Rochejaquelein aurait rĂ©pondu : « Je suis habituĂ©, non Ă  suivre, mais Ă  ĂȘtre suivi » puis il se retire. Les 800 Angevins et Haut-Poitevins rejoignent La Rochejaquelein, et Charette comprend qu'il ne peut commander le pays, aussi donne-t-il l'ordre de rebrousser chemin avec les 3 000 hommes qui lui reste. Il repasse par les territoires occupĂ©s par l'armĂ©e du Centre, puis contourne La Roche-sur-Yon, qu'il n'ose attaquer, et regagne enfin ses terres[239] - [240].

Mort du gĂ©nĂ©ral D'ElbĂ©e, huile sur toile de Julien Le Blant, XIXe siĂšcle (musĂ©e du ChĂąteau, Noirmoutier-en-l'Île).

Mais dans le Haut-Poitou, Haxo a profitĂ© de l'absence de Charette pour planifier l'attaque de l'Ăźle de Noirmoutier. Charette, Ă  peine de retour, rĂ©agit et prend d'assaut Machecoul le 31 dĂ©cembre, mais la majeure partie de ses hommes dĂ©serte peu de temps aprĂšs pour regagner leurs foyers. Haxo envoie le gĂ©nĂ©ral Carpentier qui reprend la ville le 2 janvier ; Charette tente de la reprendre dĂšs le lendemain mais il est repoussĂ©. Il se replie, est poursuivi et harcelĂ© Ă  Saint-Florent-des-Bois, Aizenay et jusqu'aux Brouzils oĂč il est lĂ©gĂšrement blessĂ©, et ne peut empĂȘcher l'attaque sur Noirmoutier. Celle-ci a lieu le et elle est menĂ©e par Haxo et Jordy, Ă  la tĂȘte de 6 000 hommes[241]. AprĂšs un long combat qui coĂ»te la vie Ă  130 RĂ©publicains et 400 VendĂ©ens[242], les assiĂ©gĂ©s capitulent contre la promesse d'avoir la vie sauve. Haxo accepte mais les reprĂ©sentants en mission Prieur de la Marne, Louis Turreau et Bourbotte passent outre et ordonnent l'exĂ©cution des prisonniers. Ceux-ci, au nombre de 1 500, sont fusillĂ©s du 4 au 6 janvier. Parmi les condamnĂ©s, se trouve Maurice d'ElbĂ©e, ancien gĂ©nĂ©ral en chef de la grande ArmĂ©e catholique et royale, qui, griĂšvement blessĂ© Ă  la bataille de Cholet, Ă©tait venu se rĂ©fugier sur l'Ăźle[243].

Les vivants défendent leurs morts, huile sur toile de Georges Clairin, XIXe siÚcle (musée d'art et d'histoire, Cholet.

Fuyant les colonnes d'Haxo, Charette est de nouveau attaquĂ© par Joba avec 1 500 hommes et est battu Ă  deux reprises Ă  Saint-Fulgent le 9 janvier et aux Brouzils trois jours plus tard. LĂ©gĂšrement blessĂ© par une balle Ă  l'Ă©paule et n'ayant plus que 400 Ă  1 000 hommes, il se cache fin janvier au couvent du Val de MoriĂšre, Ă  Touvois. Le 14 fĂ©vrier, les VendĂ©ens prennent Aizenay, dĂ©fendu par 400 hommes et en tuent 116[244]. Peu de temps aprĂšs, Charette reçoit des nouvelles de Charles Sapinaud de La Rairie ; ce dernier, qui a Ă©galement survĂ©cu Ă  la VirĂ©e de Galerne, vient de regagner la VendĂ©e oĂč il a pris la tĂȘte de l'armĂ©e catholique et royale du Centre et a rassemblĂ© 1 800 hommes. Charette rĂ©unit 800 hommes et le rejoint Ă  ChauchĂ© oĂč, grĂące Ă  son aide, il repousse une offensive rĂ©publicaine commandĂ©e par les gĂ©nĂ©raux Grignon, Lachenay et PrĂ©vignaud. Peu aprĂšs ce succĂšs, les habitants des environs de LegĂ© envoient des messages Ă  Charette lui demandant de chasser les RĂ©publicains qui commettent des massacres. Le 5 fĂ©vrier, Charette et Sapinaud attaquent LegĂ© et Ă©crasent les 800 soldats qui gardent la ville. Les VendĂ©ens dĂ©cident ensuite de marcher sur Machecoul, mais en chemin ils se heurtent Ă  Saint-Colombin le 10 fĂ©vrier aux 4 000 hommes du gĂ©nĂ©ral Florent Joseph Duquesnoy qui viennent de massacrer une centaine de femmes Ă  la LimouziniĂšre. Ivres de vengeance, les VendĂ©ens attaquent sans rĂ©flĂ©chir et sont Ă©crasĂ©s ; Charette et Sapinaud se replient sur Saligny oĂč les deux chefs se sĂ©parent.

Charette gagne ensuite la forĂȘt de Grasla oĂč il est attaquĂ© et battu le 25 fĂ©vrier par Turreau et Cordellier. Il parvient nĂ©anmoins Ă  s'enfuir sans subir trop de pertes[245]. Combattant indĂ©pendamment, Louis-François Ripault de La CatheliniĂšre, commandant des Bretons du pays de Retz, dĂ©cide de se cacher avec son armĂ©e dans la forĂȘt de PrincĂ© et d'attendre le printemps pour reprendre le combat, mais, accusĂ© de lĂąchetĂ© par certains de ses hommes, il doit se rĂ©soudre Ă  reprendre prĂ©maturĂ©ment la lutte. AttaquĂ© par les RĂ©publicains de la garnison du chĂąteau d'Aux sous les ordres de l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Muscar, La CatheliniĂšre est capturĂ© le 28 fĂ©vrier et est guillotinĂ© le 2 mars Ă  Nantes. Louis GuĂ©rin lui succĂšde Ă  la tĂȘte des Paydrets et reconnaĂźt Charette pour chef[246]. Le 28 fĂ©vrier, celui-ci bat pĂ©niblement les colonnes des gĂ©nĂ©raux Cordellier et Crouzat aux Lucs-sur-Boulogne, mais, en reprĂ©sailles, les RĂ©publicains massacrent les habitants de la paroisse. Charette n'a plus qu'un millier d'hommes et, le 5 mars, il repousse Haxo Ă  la ViventiĂšre en Beaufou. Il tente ensuite de prendre La Roche-sur-Yon qu'il croit sans dĂ©fense mais est repoussĂ©.

Haxo n'a de cesse de dĂ©truire la petite armĂ©e de Charette et, le 21 mars, Ă  la tĂȘte d'une avant-garde de seulement 300 hommes, il l'atteint aux Clouzeaux. Mais Charette, renforcĂ© par les forces de Joly, a 1 500 hommes, l'attaque est repoussĂ©e et Haxo est tuĂ© lors du combat ainsi qu'une vingtaine de ses hommes. La mort du gĂ©nĂ©ral rĂ©publicain porte un coup au moral des Bleus, Charette en profite, il attaque Challans le 7 avril, mais est nĂ©anmoins repoussĂ©[247] - [248]. Charette attaque alors Moutiers-les-Mauxfaits le 19 avril, qui est livrĂ©e au pillage. Environ 80 soldats rĂ©publicains sont tuĂ©s et 92 patriotes sont massacrĂ©s[249] - [250].

L'Armée d'Anjou et du Haut-Poitou

La Mort de Henri de La Rochejaquelein, huile sur toile de Alexandre Bloch, XIXe siÚcle (musée Dobrée, Nantes).

Le , mis en dĂ©route Ă  la bataille du Mans, les VendĂ©ens sont Ă  Ancenis dans le but de traverser la Loire, afin de regagner la VendĂ©e. Le gĂ©nĂ©ralissime La Rochejaquelein et le major-gĂ©nĂ©ral Stofflet traversent le fleuve les premiers avec seulement 18 hommes, mais, sitĂŽt dĂ©barquĂ©s, ils sont surpris par une patrouille rĂ©publicaine et prennent la fuite[251]. Puis, malgrĂ© l'arrivĂ©e de chaloupes canonniĂšres rĂ©publicaines, d'autres soldats vendĂ©ens construisent deux grands radeaux et tentent la traversĂ©e ; 400 rĂ©ussissent mais 400 autres pĂ©rissent noyĂ©s[252]. Le reste de l'armĂ©e, attaquĂ© par Westermann, doit se replier sur les terres et l'ArmĂ©e catholique et royale est finalement Ă©crasĂ©e Ă  la bataille de Savenay, le 23 dĂ©cembre 1793. Apprenant que Charette est Ă  MaulĂ©vrier, La Rochejaquelein l'y rejoint le 21 dĂ©cembre. Mais l'entrevue est un Ă©chec, et les deux chefs se sĂ©parent. NĂ©anmoins, les 600[253] Ă  900[254] Angevins et Haut-Poitevins qui avaient ralliĂ© Charette l'abandonnent aussitĂŽt pour se joindre Ă  La Rochejaquelein. Cependant la petite troupe est battue et dispersĂ©e dĂšs le 3 janvier aux Cerqueux, par les troupes du gĂ©nĂ©ral Grignon[113].

Pendant quelques jours, La Rochejaquelein se cache seul Ă  Combrand puis dans les ruines du chĂąteau de la DurbeliĂšre, avant de se rĂ©soudre Ă  reprendre le combat. Le 15 janvier, il rejoint Stofflet Ă  Saint-Paul-du-Bois oĂč plusieurs centaines de soldats sont rassemblĂ©s et parmi lesquels se trouve RenĂ©e Bordereau. Le 22 janvier, il s'empare de Vihiers, et, deux jours plus tard, sa troupe est renforcĂ©e prĂšs de Jallais par celles de Pierre Cathelineau et du comte de La BouĂ«re qui portent donc sa petite armĂ©e Ă  1 200 hommes. Le mĂȘme jour, il repousse une attaque de Cordellier Ă  Neuvy-en-Mauges. Puis le 26 janvier, il s'empare de ChemillĂ© et de Vezins dĂ©fendues respectivement par seulement 200 et 120 hommes. AprĂšs s'ĂȘtre cachĂ©s deux jours dans la forĂȘt de Vezins Ă  cause du mauvais temps, les cavaliers vendĂ©ens attaquent un faible groupe de RĂ©publicains qui se livraient au pillage Ă  NuaillĂ©. Ces derniers prennent aussitĂŽt la fuite, mais au cours de la poursuite La Rochejaquelein est tuĂ© par un soldat qui s'Ă©tait cachĂ© derriĂšre une haie[255] - [256].

La mort du général Moulin au combat de Cholet, 1794, huile sur toile de Jules Benoit-Lévy, 1900, musée d'Art et d'Histoire de Cholet.

Stofflet succĂšde Ă  La Rochejaquelein le 1er fĂ©vrier 1794. À la tĂȘte de 1 000 hommes, il attaque Crouzat Ă  GestĂ©. GrĂące au renfort de 800 hommes commandĂ©s par le comte du Bruc, les RĂ©publicains prennent la fuite sans combattre et certaines troupes se sauvent jusqu'Ă  Nantes, oĂč Carrier refuse de les laisser entrer. GalvanisĂ©s par ce succĂšs, les VendĂ©ens s'emparent ensuite de BeauprĂ©au puis marchent sur ChemillĂ©. Sur le chemin, des paysans toujours plus nombreux se joignent Ă  eux[257]. Le 6 fĂ©vrier, ChemillĂ©, faiblement dĂ©fendue, est prise. Puis, le 8 fĂ©vrier, au nombre de 4 000 Ă  7 000, les insurgĂ©s attaquent Cholet, dĂ©fendue par 3 000 hommes sous les ordres des gĂ©nĂ©raux Moulin et Caffin. La place est prise d'assaut, Caffin est griĂšvement blessĂ© et Moulin se suicide pendant le combat. Peu de temps aprĂšs, le gĂ©nĂ©ral Cordellier contre-attaque avec 3 000 hommes et reprend la ville. Cholet n'est restĂ© que deux heures aux mains des VendĂ©ens, nĂ©anmoins l'Ă©vĂšnement a un retentissement jusqu'Ă  Paris oĂč il provoque la colĂšre du ComitĂ© de salut public qui menace Turreau. Stofflet ne renonce pas et, le 14 fĂ©vrier, il rĂ©-attaque Cordellier Ă  BeauprĂ©au, que les VendĂ©ens avaient abandonnĂ©. Mais cette fois-ci, ces derniers sont repoussĂ©s au terme d'un long combat[258].

Le 24 fĂ©vrier, Stofflet se joint Ă  un chef du Haut-Poitou : le gĂ©nĂ©ral Richard, qui a levĂ© 2 000 hommes puis il attaque Bressuire. Grignon, qui l'occupe, ne cherche mĂȘme pas Ă  dĂ©fendre la place et ordonne la retraite qui se transforme en dĂ©route. Les VendĂ©ens s'emparent de la ville, achĂšvent les blessĂ©s, massacrent les prisonniers et les malades rĂ©publicains. Puis c'est Argenton qui est prise deux jours plus tard et dont le chĂąteau est brĂ»lĂ©. L'armĂ©e catholique et royale d'Anjou et du Haut-Poitou est reconstituĂ©e avec un Conseil supĂ©rieur fort de 7 membres : Stofflet, du Bruc, La BouĂ«re, Beaurepaire, BaugĂ©, BĂ©rard et Poirier de Beauvais. Cholet, incendiĂ©e et abandonnĂ©e par les RĂ©publicains, est reprise sans combat par les forces de Stofflet qui pillent ce que les Bleus ont Ă©pargnĂ©. Mais HuchĂ©, en poste Ă  Mortagne-sur-SĂšvre, attaque et met les VendĂ©ens en fuite[259].

Cependant, l'unitĂ© de l'armĂ©e d'Anjou ne dure pas. Gaspard de Bernard de Marigny et Charles Sapinaud de La Rairie regagnent la VendĂ©e militaire Ă  cette pĂ©riode et Marigny Ă©tablit son quartier gĂ©nĂ©ral Ă  Cerizay. Il est reconnu chef du Haut-Poitou tandis que Sapinaud reconstitue l'armĂ©e catholique et royale du Centre. Cependant, les deux chefs s'entendent avec Stofflet pour marcher sur Mortagne-sur-SĂšvre le 25 mars. AttaquĂ©s, les RĂ©publicains et la population Ă©vacuent la ville et gagnent Nantes pendant la nuit. La ville est prise, mais les VendĂ©ens s'enivrent et l'incendient. Le mĂȘme jour, Joseph Crouzat s'emparent de la forĂȘt de Vezins, refuge de Stofflet, et y massacre les femmes et les enfants qui s'y trouvent. Les VendĂ©ens crient vengeance et battent les forces de Crouzat trois jours plus tard Ă  la bataille des Ouleries[260].

Tentative d'union des armées vendéennes

Jean-Nicolas Stofflet (vitrail de l'église Notre-Dame de Beaupréau, par Heinrich Ely, 1890).

Le , les gĂ©nĂ©raux vendĂ©ens se rĂ©unissent au chĂąteau de La Boulaye, Ă  ChĂątillon-sur-SĂšvre. Charette propose d'Ă©lire un gĂ©nĂ©ralissime. Stofflet semble d'abord approuver, puis il change d'avis sur les conseils de l'abbĂ© Bernier. Finalement, les quatre principaux gĂ©nĂ©raux s'entendent pour agir de concert. Charette, Stofflet, Sapinaud et Marigny prĂȘtent serment, le sabre haut, de s'assister mutuellement, sous peine de mort. Les VendĂ©ens dĂ©cident ensuite de marcher sur Saint-Florent-le-Vieil. En chemin, le 24 avril, ils chassent les troupes rĂ©publicaines de Dusirat de Chaudron-en-Mauges. Mais Marigny n'arrive qu'une fois la bataille finie et les gĂ©nĂ©raux se disputent. Ils gagnent ensuite Jallais oĂč ils destituent Marigny, le relĂ©guant au commandement de l'artillerie de l'armĂ©e du Centre qui n'a pas le moindre canon. Furieux, ce dernier quitte l'armĂ©e. Prudent de La Robrie, qui le rattrape pour l'arrĂȘter, est menacĂ© par les soldats haut-poitevins. Marigny regagne le Haut-Poitou, oĂč il tente, mais sans succĂšs, de prendre Chantonnay. Le 29 avril, les gĂ©nĂ©raux tiennent un conseil de guerre : 22 officiers, dont Charette et Stofflet votent la mort de Marigny par contumace, contre 11 autres officiers, dont Sapinaud. Malade, Marigny est capturĂ© par des soldats de Stofflet Ă  Combrand le 10 juillet. Il est ensuite fusillĂ© ; sa mort n'est pas un avantage pour la cause vendĂ©enne puisqu'elle met fin Ă  la guerre dans le Haut-Poitou. En effet, mis Ă  part quelques hommes qui rejoignent Sapinaud, la plupart de ses soldats regagnent leurs foyers et ne reprennent pas les combats[261].

Le 6 mai, Dusirat s'empare de la forĂȘt de Vezins, refuge de Stofflet, que les VendĂ©ens ont juste le temps d'Ă©vacuer. À la fin du mois de mai, les forces vendĂ©ennes de Charette, Stofflet, Sapinaud se rĂ©unissent Ă  LegĂ©. La troupe compte alors 8 000 hommes, et elle est rĂ©unie sur la demande du premier. Le 30 mai, ils Ă©crasent un bataillon puis marchent sur Challans qui est attaquĂ©e le 6 juin. Mais l'attaque est repoussĂ©e par les troupes de Dutry et Boussard pourtant bien moins nombreuses et les gĂ©nĂ©raux vendĂ©ens se sĂ©parent dĂ©finitivement. Le 17 juillet, Charette est chassĂ© de LegĂ© par les troupes de HuchĂ©[262]. Cependant, Turreau a Ă©tĂ© suspendu le 17 mai. D'autre part, la Terreur prend fin et les opĂ©rations militaires diminuent. Les RĂ©publicains abandonnent les campagnes et se retranchent dans des camps tandis que les soldats-paysans vendĂ©ens posent leurs armes pour s'occuper des moissons. À la guerre, succĂšde une sorte de trĂȘve.

Les réfugiés

Bien avant les colonnes infernales, dĂšs le dĂ©but de la guerre de VendĂ©e, des milliers de patriotes dĂ©sertent les zones de guerre pour se rĂ©fugier dans les villes, en particulier Ă  Nantes, Angers et Niort. C'est surtout aprĂšs la loi du 1er aoĂ»t que les exodes se font de plus en plus nombreux. Les rĂ©fugiĂ©s sont pour la plupart des femmes et des enfants. Ils suscitent nĂ©anmoins la mĂ©fiance des autoritĂ©s qui craignent les espions, et ils doivent se prĂ©senter aux appels sous peine d'ĂȘtre emprisonnĂ©s. Beaucoup vivent dans la pauvretĂ©, sont victimes des maladies et sont parfois expulsĂ©s. Pour subvenir Ă  leurs besoins et afin de pouvoir rentrer chez eux, quelques hommes s'engagent dans l'armĂ©e rĂ©publicaine, d'autres sont tout simplement mobilisĂ©s de force. Pour les autres, les conditions de vie sont trĂšs dures. À Nantes, qui compte 10 000 rĂ©fugiĂ©s pour 80 000 habitants, le pain manque et des Ă©pidĂ©mies de typhus se dĂ©clarent. À Fontenay-le-Comte, oĂč la population augmente de moitiĂ©, les rĂ©fugiĂ©s sont victimes de la famine. De nombreuses femmes sont contraintes de se prostituer[263].

DĂšs le , le comitĂ© militaire administratif vote un secours de 20 sols par jour pour chaque rĂ©fugiĂ© mais l'argent manque et tarde Ă  ĂȘtre versĂ©, aussi les dĂ©partements demandent de l'aide Ă  Paris. La Convention nationale vote un secours de 300 000 livres, Ă  partir de septembre 1793. La situation des rĂ©fugiĂ©s s'amĂ©liore, bien que restant trĂšs prĂ©caire. De plus, ces derniers doivent travailler pour toucher leurs allocations[264].

Le , les représentants Francastel, Hentz et Garrau arrivent à Angers mais Hentz n'a aucune considération pour les réfugiés[A 23].

DĂšs le lendemain de leur arrivĂ©e, les trois reprĂ©sentants font paraĂźtre un arrĂȘtĂ© qui ordonnent aux rĂ©fugiĂ©s de s'Ă©loigner de vingt lieues (environ 90 kilomĂštres) des dĂ©partements insurgĂ©s ; ils doivent aussi dĂ©clarer leur identitĂ© dans les trois jours et choisir un dĂ©partement oĂč s'Ă©tablir. L'arrĂȘtĂ© provoque les protestations vaines des patriotes locaux. Le 1er mars, un arrĂȘtĂ© rectificatif exempte de l'Ă©vacuation forcĂ©e les vieillards, les malades, les enfants de moins de 10 ans, les fonctionnaires, les ouvriers et les soldats[266]. Finalement, Ă  la suite du 9 thermidor, et du dĂ©part des reprĂ©sentants, le , les rĂ©fugiĂ©s obtiennent le droit de se rapprocher de deux lieues de Paris et de dix lieues des frontiĂšres et des villes maritimes. Petit Ă  petit, entre 1795 et 1797, ils peuvent regagner leurs foyers[267].

Fin des colonnes infernales

Le général Alexandre Dumas, peinture d'Olivier Pichat, XIXe siÚcle.
MusĂ©e Alexandre Dumas, Villers-CotterĂȘts

La situation politique à Paris change et les opposants au Comité de salut public ainsi qu'au Comité de sûreté générale sont éliminés. Le , Hébert et les Hébertistes sont exécutés, suivis le 5 avril par les dantonistes.

Avant mĂȘme la fin des colonnes infernales, certains officiers ont Ă  rĂ©pondre de leur conduite. Ainsi, le gĂ©nĂ©ral HuchĂ©, que des tĂ©moignages dĂ©peignent comme un gĂ©nĂ©ral brutal, en permanence ivre[268] et n'hĂ©sitant pas Ă  tuer ou blesser de simples paysans ou ses propres soldats pour la moindre contradiction[269], est arrĂȘtĂ© le 9 avril par le ComitĂ© de surveillance de Luçon qui dĂ©nonce ses exactions. Le 11 avril, la commission militaire de Fontenay-le-Comte, prĂ©sidĂ©e par l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Cortez condamne Ă  mort et fait fusiller l'adjudant-gĂ©nĂ©ral Goy-MartiniĂšre, l'adjoint de HuchĂ©, coupable de massacres, viols et pillages sur des territoires rĂ©publicains[91]. Cependant, Hentz dĂ©plore l'arrestation de HuchĂ© et la mort de Goy-MartiniĂšre, qu'il qualifie de « bons sans-culottes ». Il dissout le ComitĂ© de surveillance de Luçon le 13 avril ; Cortez est destituĂ©, tandis que HuchĂ©, jugĂ© Ă  Rochefort, est acquittĂ© et promu au garde de gĂ©nĂ©ral de division[270].

Le 13 mai, la Convention nationale suspend Turreau qui quitte son poste le 17. Les gĂ©nĂ©raux Robert, Cordellier, Duval, Bard, Joba et Carpantier sont Ă©galement suspendus[92]. AprĂšs Turreau, des gĂ©nĂ©raux plus modĂ©rĂ©s se succĂšdent. Vimeux prend la tĂȘte de l'armĂ©e de l'Ouest, puis le 16 aoĂ»t il est remplacĂ© par Thomas Alexandre Dumas qui dĂ©nonce et tente d'empĂȘcher les massacres[A 24].

Le 27 juillet, c'est la chute de Robespierre et, dans les semaines qui suivent, le gouvernement révolutionnaire est démantelé. Cet évÚnement ne provoque pas de changements immédiats en Vendée, ainsi le chef vendéen Pierre-Suzanne Lucas de La ChampionniÚre écrit dans ses mémoires : « Qu'on ne croie pas que la chute de Robespierre fût pour nous un évÚnement important. Son existence nous était à peu prÚs inconnue. Les différents partis qui avaient régné tour à tour dans la République étaient également nos ennemis[273]. »

Par la suite les rĂ©cits des exactions dans l'Ouest finissent par parvenir Ă  Paris, et de nombreux conventionnels se mettent Ă  dĂ©noncer des mesures qu'ils avaient eux-mĂȘmes approuvĂ©es[274]. Un premier dĂ©bat est organisĂ© Ă  la Convention. Le dĂ©putĂ© vendĂ©en Maignen s'Ă©tonne que les gĂ©nĂ©raux accusĂ©s d'avoir le plus massacrĂ© soient encore en libertĂ©. Carrier lui-mĂȘme est tĂ©moin Ă  charge contre Turreau et les gĂ©nĂ©raux. Carnot les condamne tandis que Billaud-Varenne justifie la rĂ©pression[275].

Les 29 et 30 septembre 1794, Turreau, Carpentier, HuchĂ© et Grignon sont dĂ©crĂ©tĂ©s d'accusation et emprisonnĂ©s[276]. Le , abandonnĂ© par les autres reprĂ©sentants en mission, Jean-Baptiste Carrier et une trentaine de terroristes nantais passent en jugement devant le tribunal rĂ©volutionnaire, oĂč ils ont Ă  rĂ©pondre des noyades et des fusillades de Nantes. Carrier nie les avoir ordonnĂ©es et, selon lui, il a agi conformĂ©ment aux ordres de la Convention. Il est cependant condamnĂ© Ă  mort Ă  l'issue du jugement alors que les autres accusĂ©s, sauf deux, sont acquittĂ©s Ă  la surprise indignĂ©e des assistants. Carrier, Pinard et Grandmaison sont guillotinĂ©s le [277].

Le , les représentants Hentz et Francastel sont emprisonnés[278]. Ils sont suivis le 9 août 1794 de neuf autres représentants en mission dont Lequinio et Laignelot qui sont à leur tour inculpés[279]. Accusés de cruauté par certains journalistes et députés, les généraux Grignon et Cordellier ne nient pas les exactions mais affirment n'avoir fait qu'obéir aux ordres de Turreau[280].

Les gĂ©nĂ©raux ne font l'objet d'aucune poursuite, seuls Grignon, HuchĂ© et Carpentier, puis Duquesnoy, Cordellier et Crouzat sont briĂšvement emprisonnĂ©s[281], cependant le service en VendĂ©e pendant les colonnes infernales n'est pas des plus valorisants et peu de gĂ©nĂ©raux feront carriĂšre. Mis Ă  part Haxo et Duquesnoy, les gĂ©nĂ©raux qui servent dans les colonnes incendiaires sont de mĂ©diocres officiers. Bonnaire et Rademacher sont exclus de l'armĂ©e en 1794 et 1795 pour ivrognerie, de mĂȘme que HuchĂ© en 1797. Bard est rĂ©formĂ© en 1795, pour blessure alors que Grignon, Caffin et Legros le sont en 1796, Boucret en 1797 et Cordellier, qualifiĂ© « pĂšre de famille, mal notĂ©, immoral, besogneux, emprisonnĂ© pour dettes », en 1800. En revanche, Amey et Dufour se distinguent pendant les guerres napolĂ©oniennes, reçoivent la LĂ©gion d'honneur et leurs noms sont mĂȘme inscrits sur l'Arc de triomphe[282].

De son cĂŽtĂ©, le gĂ©nĂ©ral Turreau passe une annĂ©e en prison Ă  Paris. En aoĂ»t 1795, il publie ses MĂ©moires pour servir Ă  l'histoire de la guerre de VendĂ©e dans lesquelles il tente de se justifier et se prĂ©sente comme un simple exĂ©cutant des ordres de la Convention nationale[279]. Cependant, en octobre 1795, la progression de la droite, au cours des Ă©lections, provoque un revirement Ă  gauche de la Convention qui amnistie et rĂ©intĂšgre les jacobins pour combattre les offensives royalistes, Ă  la suite de l'insurrection royaliste du 13 vendĂ©miaire an IV et du dĂ©barquement des Ă©migrĂ©s Ă  Quiberon[283]. Le , la Convention vote donc une amnistie gĂ©nĂ©rale pour les « faits proprement relatifs Ă  la RĂ©volution », Ă  l'exception de ceux perpĂ©trĂ©s par les contre-rĂ©volutionnaires, et, le 4 novembre, les rĂ©volutionnaires emprisonnĂ©s pour exactions en VendĂ©e sont libĂ©rĂ©s. Ce nouveau climat profite Ă  Hentz, Francastel, Lequinio et aux gĂ©nĂ©raux des colonnes emprisonnĂ©s. Turreau en revanche refuse cette amnistie et rĂ©clame un jugement[284]. Il comparaĂźt devant une commission militaire prĂ©sidĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Berruyer et dĂ©clare n'avoir fait qu'obĂ©ir aux ordres de la Convention nationale, imputant les exactions Ă  ses subordonnĂ©s. Turreau est acquittĂ© le . En 1797, il est rĂ©intĂ©grĂ© dans l'armĂ©e grĂące au soutien de NapolĂ©on Bonaparte qui reporte sur lui la reconnaissance qu'il doit Ă  Louis Turreau, cousin du gĂ©nĂ©ral. Turreau commet de nouvelles dĂ©vastations dans le Valais en 1800. En 1803, il est nommĂ© ambassadeur aux États-Unis, poste qu'il occupe jusqu'en 1811. En 1813, il combat en BaviĂšre et se rallie Ă  la Restauration un an plus tard. Le 30 juin, Ă  la suite d'une promotion automatique, le duc de Berry le dĂ©core de la croix de Saint-Louis, mais sans ordonnance. Cependant, contrairement Ă  une rumeur, Turreau n'a jamais participĂ© Ă  un voyage en VendĂ©e au cĂŽtĂ© du duc d'AngoulĂȘme[285]. Au cours des Cent-Jours, il se montre dans un premier temps partisan des Bourbons avant de se rallier Ă  NapolĂ©on dĂšs Ă  son entrĂ©e dans Paris. Cependant, le marĂ©chal Davout refuse de l'employer Ă  la suite de ses Ă©crits royalistes. Cette disgrĂące l'empĂȘche d'ĂȘtre poursuivi lors de la seconde Restauration. Turreau meurt en 1816 ; son nom est inscrit sur l'Arc de triomphe[286].

Bilan

Butin

Les archives de la Commission administrative permettent de dresser un état de la saisie des subsistances par les républicains[287] :

  • 46 694 animaux de toutes sortes, bĂȘtes Ă  cornes, chevaux, moutons ;
  • 23 507 quintaux de foins ;
  • 7 207 quintaux de paille ;
  • 122 510 quintaux de grains et de subsistances ;
  • 61 618 livres de fer ;
  • 42 949 livres de mĂ©tal de cloche ;
  • 1 746 livres d'Ă©tain ;
  • 3 727 livres de plomb ;
  • 67 livres de cuivre ;
  • 131 livres de fontes ;
  • 802 livres de mĂ©tal de tombes ;
  • 393 marcs d'argent ;
  • 1 882 barriques de vins.

Historiens « bleus » et historiens « blancs »

En 1794, sous la Convention thermidorienne, Gracchus Babeuf, alors adversaire des Jacobins, écrit un pamphlet pour dénoncer Jean-Baptiste Carrier, et dans lequel il crée le terme de « populicide », terme renvoyant à l'ampleur de la dépopulation de la Vendée militaire.

En 1806, le premier historien de la guerre de Vendée, Alphonse de Beauchamp, républicain modéré, écrit dans son Histoire de la guerre de Vendée que les troupes de Turreau font disparaßtre le quart de la population vendéenne. En 1814 et 1815, Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein, veuve du général vendéen Louis de Lescure, publie ses Mémoires, dans lesquelles cependant elle ne fait pas mention de Turreau[288]. Puis, en 1821 et 1826, Charles de Lacretelle publie son Histoire de la Révolution française. Bien qu'historien officiel de la Restauration, il fait à peine mention des colonnes infernales[289].

En 1824 et 1827, l'adjudant-général républicain Jean-Julien Savary publie la Guerre des Vendéens et des Chouans contre la République française ; selon lui la Convention nationale n'est pas responsable des dévastations de la Vendée qu'il attribue aux cruautés de Turreau et à la folie de Carrier[290]. En 1823 et 1827, dans l'Histoire de la Révolution, l'orléaniste Adolphe Thiers, qui penche pour la Révolution, condamne la Terreur et Carrier mais évoque les colonnes infernales en termes neutres[291]. En 1828, Alexandre Fursy Guesdon, dit Morteval, monarchiste constitutionnel et voltairien, n'a aucune sympathie pour les Vendéens ; il déplore la répression républicaine mais tient Turreau pour seul responsable, et pour lui la Convention met fin aux colonnes une fois la réalité connue[292].

Étienne Cabet, socialiste populiste et paternaliste publie en 1839-1840 son Histoire populaire de la RĂ©volution française dans laquelle il condamne les nobles qui ont manipulĂ© les paysans naĂŻfs et estime la rĂ©pression justifiĂ©e face aux massacres commis par les VendĂ©ens. Il dĂ©nonce Carrier mais ignore Turreau[293]. Le lĂ©gitimiste Jean-Joseph-François Poujoulat publie en 1848 son Histoire de la RĂ©volution française dans laquelle il prĂ©sente un nombre de morts causĂ©s par Carrier estimĂ© Ă  32 000 mais ne mentionne pas Turreau et les colonnes[289]. Au cours des annĂ©es 1840 et 1850, plusieurs ouvrages sur la guerre de VendĂ©e sont publiĂ©s par les historiens « blancs » ThĂ©odore Muret, Pitre-Chevalier, EugĂšne Veuillot et Claude Despez, mais c'est l'historien lĂ©gitimiste Jacques CrĂ©tineau-Joly qui domine largement l'historiographie contre-rĂ©volutionnaire. Il publie en 1841-1842, l'Histoire de la VendĂ©e militaire. Les massacres commis par les rĂ©publicains et les exĂ©cutions ordonnĂ©es par Carrier et Francastel y sont longuement dĂ©crites. Il estime que les colonnes infernales ont causĂ© la mort d'un quart de la population vendĂ©enne[294].

L'Ɠuvre de Jacques CrĂ©tineau-Joly est saluĂ©e par les vĂ©tĂ©rans vendĂ©ens, ainsi que par François-RenĂ© de Chateaubriand, la marquise de La Rochejaquelein et les Bourbons en exil. En rĂ©action, en 1847-1853, Jules Michelet, rĂ©publicain admirateur de Danton, publie son Histoire de la RĂ©volution française dans laquelle il dĂ©nonce la Terreur et Carrier mais alors que les massacres de Machecoul sont dĂ©crits sur plusieurs pages, Turreau n'est mentionnĂ© qu'en une seule ligne ; les colonnes infernales ne sont pas Ă©voquĂ©es[295]. En 1847-1862, le socialiste Louis Blanc Ă©crit l'Histoire de la RĂ©volution française. Il y dĂ©fend la Terreur et Robespierre, trouve des circonstances attĂ©nuantes Ă  Carrier et dĂ©clare que finalement les massacres commis par les VendĂ©ens ont fait plus de victimes que ceux commis par les RĂ©publicains[296]. En 1865, le rĂ©publicain Edgar Quinet, ami de Michelet, considĂšre que la guerre oppose deux fanatismes et met dos Ă  dos les massacres vendĂ©ens et rĂ©publicains. Il condamne la Terreur et estime que Turreau et Carrier ont agi conformĂ©ment aux consignes de la Convention. AprĂšs ces Ă©crits, Quinet est dĂ©savouĂ© par son propre camp[297].

Sous la TroisiĂšme RĂ©publique

Sous la IIIe République, l'historiographie républicaine domine largement. La droite se rallie à la République et la répression de la Commune de Paris lors de la Semaine sanglante décuple l'engagement des historiens de gauche. Dans le Grand dictionnaire universel du XIXe siÚcle de Pierre Larousse, Louis Combes, ami de Léon Gambetta, publie les articles sur la Révolution. Il se montre trÚs hostile aux Blancs, traite Carrier de demi-fou mais atténue ses exactions en comparaison de celles des Vendéens. Les colonnes infernales ne sont pas mentionnées et Turreau est décrit comme un « soldat brave et modeste, taillé à l'antique[298]. »

En 1892-1900, Charles-Louis Chassin traite des colonnes dans La VendĂ©e patriote. Pour lui, les patriotes vendĂ©ens font cesser les exactions de Turreau et Carrier en les rĂ©vĂ©lant Ă  la Convention mais il dĂ©nonce surtout les massacres commis par les VendĂ©ens et de ce fait attĂ©nue les ravages des colonnes[299]. En 1896, Ernest Lavisse et Alfred Nicolas Rambaud publient le tome de son Histoire gĂ©nĂ©rale du IVe siĂšcle Ă  nos jours consacrĂ© Ă  la RĂ©volution ; Carrier y est qualifiĂ© de « fou furieux » mais Turreau est ignorĂ©. En 1901, Alphonse Aulard, radical-socialiste et dĂ©fenseur de Danton, publie son Histoire politique de la RĂ©volution française dans laquelle la guerre de VendĂ©e est traitĂ©e en quatre pages sur plus de huit cents. Les colonnes infernales, Turreau, Carrier et Francastel ne sont pas Ă©voquĂ©s[300]. De 1898 Ă  1902, Jean JaurĂšs Ă©crit l'Histoire socialiste de la RĂ©volution française. Pour lui, les VendĂ©ens doivent ĂȘtre jetĂ©s dans « les poubelles de l'Histoire ». Il traite aussi longtemps des massacres de Machecoul mais se cantonne Ă  l'annĂ©e 1793 et les colonnes infernales ne sont pas mentionnĂ©es, pas plus que les noyades et fusillades de Nantes et Angers[301]. En 1909, Pierre Kropotkine, prince russe et anarchiste, publie Ă  Paris La Grande RĂ©volution dans laquelle, s'il dĂ©nonce les VendĂ©ens et les massacres de Machecoul, il condamne aussi les Jacobins assimilĂ©s aux Bolcheviks et considĂšre le ComitĂ© de salut public comme responsable de la politique d'extermination menĂ©e par Turreau[302].

Quant Ă  l'historiographie blanche, elle subsiste sous la plume des quelques prĂȘtres : les abbĂ©s FĂ©lix Deniau, François-Constant Uzureau et Fernand Mourret. Le premier reprend l'estimation d'un quart de la population vendĂ©enne massacrĂ©e par les colonnes et porte Ă  32 000 le nombre de personnes exĂ©cutĂ©es sur ordre de Carrier alors que le second le rĂ©duit Ă  13 000[303]. En 1911, La RĂ©volution, du nationaliste Louis Madelin, fait Ă  peine mention de la guerre de VendĂ©e et la rĂ©pression n'est pas Ă©voquĂ©e[304]. Georges Pariset rompt avec l'historiographie bleue en 1920, en traitant de la Terreur et des colonnes infernales. En 1922-1927, dans La RĂ©volution française, le socialiste Albert Mathiez, dĂ©fenseur de Robespierre, accorde une large part aux massacres de Machecoul. Pour lui, les actions des RĂ©volutionnaires durant la Terreur relĂšvent de la lĂ©gitime dĂ©fense, les noyades ordonnĂ©es par Carrier sont citĂ©es mais Hentz, Francastel, Turreau et les colonnes incendiaires ne font l'objet d'aucune mention[305]. Émile Gabory publie La RĂ©volution et la VendĂ©e en 1925-1926, selon lui Turreau et Carrier ont appliquĂ© les consignes de la Convention et ne sont pas plus coupables que d'autres[306]. En 1928, le maurrassien Pierre Gaxotte publie sa RĂ©volution française, mais alors que l'Action française organise des rassemblements en VendĂ©e, les noyades de Nantes, les colonnes infernales et la guerre de VendĂ©e, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, sont Ă  peine Ă©voquĂ©es[307]. Dans la collection Peuples et civilisations, publiĂ©e en 1930, Georges Lefebvre Ă©voque Ă  peine Turreau et les colonnes. LĂ©on Dubreuil, en 1929 et 1930, condamne l'insurrection vendĂ©enne mais s'il estime la Convention comme Ă©tant en Ă©tat de lĂ©gitime dĂ©fense il la considĂšre nĂ©anmoins responsable de la rĂ©pression[308].

L'association du Souvenir vendĂ©en est crĂ©Ă©e en 1932. Elle tire profit de la condamnation de l'Action française par l'Église et relance l'historiographie blanche au travers d'auteurs comme Edmond Loutil dit Pierre L'Ermite, Auguste Billaud ou Charles Coubard qui qualifie la RĂ©volution française de « satanique ». L'association organise de nombreux rassemblements et fait placer nombre de plaques commĂ©moratives[309]. Admirateur de Robespierre, de Gracchus Babeuf et de Jules Michelet, GĂ©rard Walter, en 1953, consacre un demi-chapitre pour les massacres de Machecoul mais ne cite pas les actions de Carrier, Hentz ou Francastel. Les colonnes infernales sont Ă©galement peu Ă©voquĂ©es et le bilan des massacres est rĂ©duit Ă  2 000 morts ; Turreau est considĂ©rĂ© comme seul coupable[310].

Controverses sur les questions de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide

Dans La Contre-RĂ©volution parue en 1961, Jacques Godechot ne caricature ni n'occulte les Ă©vĂ©nements de la guerre de VendĂ©e[311]. En 1962, l'historien communiste Albert Soboul, hĂ©ritier spirituel de Mathiez, publie le PrĂ©cis d'histoire de la RĂ©volution française dans lequel estime le nombre de victimes de la Terreur entre 35 000 et 40 000. La guerre de VendĂ©e y est peu traitĂ©e (cinq pages seulement) et les colonnes infernales sont occultĂ©es, de mĂȘme que les noyades et les fusillades de Nantes et d'Angers. À sa suite, Claude Mazauric condamne en 1978 le soulĂšvement vendĂ©en qu'il juge « rĂ©actionnaire et cupide ». Il reprend le bilan de Soboul et y inclut les noyades de Nantes, mais il fait silence des victimes de la guerre de VendĂ©e[312].

En rĂ©action, au cours des annĂ©es 1960 et 1970, certains historiens comme Claude PetitfrĂšre, Paul Bois, Marcel Faucheux et Charles Tilly entendent mettre fin au manichĂ©isme des historiographies bleues et blanches[313]. D'autres historiens comme Georges Bordonove, AndrĂ© Montagnon et Armel de Wismes se font les dĂ©fenseurs de la cause vendĂ©enne[314]. En 1969, le mĂ©decin-gĂ©nĂ©ral Adrien CarrĂ© fait une comparaison entre le massacre des Lucs-sur-Boulogne et le massacre d'Oradour-sur-Glane et introduit les termes modernes de « crimes de guerre » et de « crimes contre l'humanitĂ© »[315]. Toutes les colonnes n'ont pas commis les mĂȘmes ravages, Adrien CarrĂ© fait la distinction entre diffĂ©rents gĂ©nĂ©raux. Selon lui, certains ne commettent pas d'exactions (Haxo, Cambray, Vimeux et Dutruy), d'autres ont des scrupules, obĂ©issent Ă  regret, parfois mĂȘme refusent d'appliquer les ordres, et contestent le plan de Turreau (Duquesnoy, Bard et Duval). Plusieurs autres exĂ©cutent les ordres sans discussion (Bonnaire, Caffin, Boucret, Dufour, Rademacher et Legros), enfin certains les outrepassent et pourraient ĂȘtre accusĂ©s, selon les critĂšres modernes, de crimes contre l'humanitĂ© (Grignon, Cordellier, HuchĂ© et Amey)[316].

En 1983-1985, peu avant le bicentenaire de la Révolution française, les historiens conservateurs Pierre Chaunu et Reynald Secher accusent la République de génocide en Vendée[317].

Ces travaux divisent mais la notion de gĂ©nocide est rejetĂ©e par la majoritĂ© des historiens comme Jean-ClĂ©ment Martin, François Lebrun, Claude PetitfrĂšre, Jacques Hussenet, Louis-Marie ClĂ©net. Cependant, les dĂ©vastations de la VendĂ©e ne sont plus occultĂ©es et la guerre de VendĂ©e et les colonnes infernales sont dĂ©sormais traitĂ©es par Albert Soboul dans le Dictionnaire historique de la RĂ©volution française de mĂȘme que par Antoine Casanova et Claude Mazauric dans Vive la RĂ©volution publiĂ©es en 1989[318].

Pour Jean-ClĂ©ment Martin, Turreau, proche des ultra-rĂ©volutionnaires hĂ©bertistes, relance la guerre en privilĂ©giant la rĂ©pression aux dĂ©pens de la pacification ; il considĂšre que Turreau peut ĂȘtre qualifiĂ© de criminel de guerre mais rejette le terme de crime contre l'humanitĂ©[319] - [320]. De son cĂŽtĂ©, Patrice Gueniffey considĂšre que les actions des colonnes infernales relĂšvent du crime contre l'humanitĂ©[321].

En 2017, Jacques Villemain, diplomate et juriste ayant notamment travaillé pour la Cour internationale de justice à La Haye, publie un livre[322] dans lequel il estime que si les massacres de la guerre de Vendée avaient lieu « aujourd'hui », le droit pénal international les qualifierait de « génocide »[323].

Analogies avec d'autres conflits

La spécificité des actions de Turreau est vue de maniÚre différente selon les historiens. Pour Patrice Leclercq, rien ne permet d'affirmer que Turreau souhaitait les massacres des populations ; selon lui, les méthodes employées sont classiques aux XVIIe et XVIIIe siÚcles pour mater les révoltes paysannes et ses ordres visent uniquement les combattants armés. De plus, ils auraient été outrepassés par plusieurs de ses officiers[319].

Pour Yves Gras, le plan de Turreau est bien plus répressif que la tactique du « dégùt », employée sous l'Ancien Régime pour réprimer les révoltes paysannes ; en outre, il cite Jean de Lattre de Tassigny, général d'origine vendéenne, lequel compare les exactions des colonnes infernales en Vendée à celles des Waffen SS en France, durant l'Occupation[184].

Les dévastations des colonnes infernales ont parfois été rapprochées par certains historiens, comme Michel Vovelle ou Louis-Marie Clénet, du sac du Palatinat survenu en 1689 ou du brûlement des Cévennes, en 1703, mené par les armées de Louis XIV[324]. Cependant, selon Adrien Carré, citant André Corvisier, les populations avaient eu une semaine pour évacuer les lieux avant le brûlement du Palatinat, tandis que des chariots avaient été mis à la disposition de ceux qui souhaitaient se réfugier en Alsace[325] - [326]. Selon Jean-Philippe Cénat, les destructions dans le Palatinat ne s'accompagnent pas d'un massacre de la population civile[327]. Pour Adrien Carré, les atrocités de la guerre de Vendée sont sans équivalent en Europe depuis la guerre de Trente Ans, achevée en 1648[328].

Selon Jean-ClĂ©ment Martin, les violences de la guerre de VendĂ©e sont proches de celles commises lors de la conquĂȘte de la Corse en 1769 ou lors des guerres des Antilles, menĂ©es de 1791 Ă  1802, mais sans contexte politique spĂ©cifique et de moindre ampleur, elles ne soulĂšvent pas autant l'indignation de l'opinion française. Il rapproche Ă©galement les dĂ©vastations de la VendĂ©e des exactions commises par les armĂ©es napolĂ©oniennes en Aragon et au Pays basque en 1808 durant la Guerre d'indĂ©pendance espagnole et des massacres et enfumades perpĂ©trĂ©s par les troupes du marĂ©chal Bugeaud en 1845, durant la conquĂȘte de l'AlgĂ©rie[329].

Jean-ClĂ©ment Martin estime Ă©galement que cette « violence de la soldatesque, dĂ©vastations, viols, pillages, voire enlĂšvements des femmes et des filles » n'est pas spĂ©cifique Ă  la RĂ©volution, et est pratiquĂ© Ă  la mĂȘme Ă©poque par les troupes russes en Pologne, lors de l'insurrection de Koƛciuszko, les Turcs dans le sud de l'Europe et partiellement par l'armĂ©e britannique lorsqu'elle rĂ©prime la rĂ©bellion irlandaise de 1798[330]. Cependant pour François Crouzet, contrairement Ă  la VendĂ©e, la rĂ©pression en Irlande ne fut pas planifiĂ©e par le gouvernement : « la rĂ©pression fut impitoyable, y compris parfois Ă  l'encontre de blessĂ©s, de femmes ou d'enfants, il faut cependant reconnaĂźtre que ces atrocitĂ©s ne furent pas le fait du gouvernement, mais de militaires indisciplinĂ©s, et s'expliquent largement par la mentalitĂ© obsidionale des extrĂ©mistes protestants[331]. »

En considĂ©rant l'ensemble des guerres rĂ©volutionnaires et napolĂ©oniennes, Patrice Gueniffey rapproche les violences commises en VendĂ©e Ă  celles des campagnes d'Égypte, de Russie et d'Espagne[332] :

« Le parallĂšle qui revient le plus souvent dans la correspondance des soldats qui ont participĂ© Ă  l'expĂ©dition d’Égypte, c'est l'assimilation entre les Ottomans ou les populations autochtones en gĂ©nĂ©ral et les VendĂ©ens. Tous le disent : « en Égypte on s'est retrouvĂ©s comme en VendĂ©e ». Et il n'y aura uniquement que deux autres cas oĂč l'assimilation sera faite, c'est quand les Français interviendront en Espagne face Ă  des guĂ©rillas et lorsque les Français envahiront la Russie. Paysans russes, guĂ©rilleros espagnols et les Égyptiens en gĂ©nĂ©ral, les Turcs comme on disait, sont perçus comme de nouveaux VendĂ©ens, c'est-Ă -dire comme des gens existant en dehors de la sociĂ©tĂ© et donc n'Ă©tant pas justiciables de la protection des lois[332]. »

Selon Jean-Pierre Poussou, « Ă  la diffĂ©rence des paysans rĂ©voltĂ©s des XVIe et XVIIe siĂšcles, qui obtenaient Ă  chaque fois des succĂšs partiels de leurs revendications », les insurgĂ©s contre-rĂ©volutionnaires des XVIIIe et XIXe siĂšcles « ne rencontrĂšrent qu'un Ă©crasement sans pitiĂ© et aboutirent, malgrĂ© leurs exploits, leur hĂ©roĂŻsme et leurs premiers succĂšs, Ă  un Ă©chec total. » Mais selon lui, ce sont les exactions commises en particulier contre les VendĂ©ens et les Cristeros qui se caractĂ©risent « par les pires atrocitĂ©s[333] », encore que « la VendĂ©e continue Ă  l'emporter, et de loin, quant Ă  l'ampleur de la rĂ©pression et des pertes »[331]. Il affirme Ă©galement que ni dans la conquĂȘte cromwellienne de l'Irlande, ni dans les rĂ©pressions des rĂ©bellions jacobites, « on n'atteignit les horreurs vendĂ©ennes et mexicaines »[331].

Bilan humain

Pour Reynald Secher, en VendĂ©e militaire, 117 257 personnes au moins sur un total de 815 029 habitants ont disparu durant la guerre[334] soit 14,38 % de la population du territoire dĂ©limitĂ©. D'aprĂšs Jean-ClĂ©ment Martin, qui a analysĂ© les recensements de 1790 et de 1801, un manque d'environ 220 000 Ă  250 000 habitants est Ă  noter dans l'accroissement dĂ©mographique normal qu'aurait dĂ» connaĂźtre la VendĂ©e sans la guerre civile[335]. Les bilans varient, entre les morts au combat, les morts indirects du fait des mauvaises conditions de vie, les exils. Selon le dernier dĂ©compte de Jacques Hussenet, 170 000 habitants de la VendĂ©e militaire, sur 755 000, soit plus de 22 %, ont pĂ©ri durant la guerre, dont un quart Ă  un cinquiĂšme Ă©taient rĂ©publicains[336].

Concernant les colonnes infernales, les Mauges et le Pays nantais ont Ă©tĂ© les plus dĂ©vastĂ©s. Le bilan des victimes ne peut ĂȘtre chiffrĂ© avec prĂ©cision. L'estimation la plus faible, donnĂ©e en 1953 par GĂ©rard Walter, fait Ă©tat de 2 000 morts, la plus Ă©levĂ©e, de 180 000 tuĂ©s d'aprĂšs Simone Loidreau en 1994[337]. Cependant, les derniĂšres estimations des historiens ont resserrĂ© le bilan. En 1993, Louis-Marie ClĂ©net estime que 40 000 des 200 000 morts vendĂ©ennes des guerres de VendĂ©e pourraient ĂȘtre imputables aux colonnes infernales[338]. En 2005, pour Roger Dupuy, la fourchette est de 20 000 Ă  40 000 morts[2]. Selon Pierre Marambaud en 1996 et Jacques Hussenet en 2007 les pertes sont, de janvier Ă  juillet 1794, pour les estimations les plus probables, de quelques dizaines de milliers Ă  50 000 morts sans compter les dĂ©cĂšs dus aux combats ou aux maladies[3]. En 2023, Antoine Boulant fait quant Ă  lui Ă©tat de 40 000 morts[339]. Enfin, les nombreux viols commis par les soldats provoquent l'apparition de maladies vĂ©nĂ©riennes qui font encore des victimes dans les annĂ©es qui suivent les massacres[340].

Notes

  1. « L'inexplicable VendĂ©e existe encore. Elle menace de devenir un volcan dangereux [...]. Le ComitĂ© de Salut Public a prĂ©parĂ© des mesures qui tendent Ă  exterminer cette race rebelle, Ă  faire disparaĂźtre leurs repaires, Ă  incendier leurs forĂȘts, Ă  couper leurs rĂ©coltes. C'est dans les plaies gangrĂ©nantes que la mĂ©decine porte le fer et le feu [...]. La VendĂ©e est l'espoir des ennemis du dehors et le ralliement de ceux de l'intĂ©rieur [...]. C'est lĂ  qu'il faut viser pour les frapper du mĂȘme coup. DĂ©truisez la VendĂ©e ! Valenciennes et CondĂ© ne seront plus au pouvoir de l'Autrichien ; l'Anglais ne s'occupera plus de Dunkerque ; le Rhin sera dĂ©livrĂ© des Prussiens; l'Espagne se verra morcelĂ©e, conquise par les MĂ©ridionaux. DĂ©truisez la VendĂ©e ! et Lyon ne rĂ©sistera plus, Toulon s'insurgera contre les Espagnols et les Anglais, et l'esprit de Marseille se relĂšvera Ă  la hauteur de la rĂ©volution rĂ©publicaine [...]. La VendĂ©e et encore la VendĂ©e, voilĂ  le charbon politique qui dĂ©vore le cƓur de la RĂ©publique française ; c'est lĂ  qu'il faut frapper »
    - [5] - [6].
  2. « J'ai fait donner aux femmes, aux enfants et vieillards de Thouarcé tous les secours dus à l'humanité. Je les ai logés et mis en subsistance provisoirement jusqu'à ce que le Comité de salut public ait tracé la conduite que je dois tenir à cet effet. Ces deux journées ont produit un bon effet et jeté la terreur et l'épouvante chez l'ennemi, en le mettant en garde contre ceux des autres communes et en les faisant partager notre haine[10]. »

    — Jean Antoine Rossignol

    .
  3. « Il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin d'octobre, le salut de la patrie l'exige ; l'impatience du peuple français le commande ; son courage doit l'accomplir. La reconnaissance nationale attend à cette époque tous ceux dont la valeur et le patriotisme auront affermi sans retour la liberté et la République[13]. »

    — Proclamation de la Convention nationale aux « soldats de la libertĂ© », .

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  4. « La VendĂ©e est si peu dĂ©truite qu'il faut des armĂ©es pour accompagner les reprĂ©sentants en mission dans ce pays oĂč l'on a point encore assez incendiĂ©. Envoyons-y une armĂ©e incendiaire pour que, pendant un an au moins, nul homme, nul animal, n'y puisse trouver sa subsistance[17]. »

    — Joseph-Pierre-Marie Fayau, à la Convention nationale, le .

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  5. « Je suis aussi intĂ©ressĂ© que vous Ă  la prompte extermination des brigands... Vous pouvez, vous devez mĂȘme compter sur moi. J'entends, oui, j'entends aujourd'hui le mĂ©tier de la guerre; je suis sur les lieux. Restez donc tranquilles et laissez-moi faire. AussitĂŽt que la nouvelle de la prise de Noirmoutier me sera parvenue, j'enverrai sur-le-champ un ordre impĂ©ratif aux gĂ©nĂ©raux Dutruy et Haxo de mettre Ă  mort, dans tous les pays insurgĂ©s, tous les individus de tout sexe qui s'y trouveront, indistinctement, et d'achever de tout incendier. Car il est bon que vous sachiez que ce sont les femmes qui, avec les prĂȘtres, ont fomentĂ© et soutenu la guerre de la VendĂ©e; que ce sont elles qui ont fait fusiller nos malheureux prisonniers, qui en ont Ă©gorgĂ© beaucoup, qui combattent avec les brigands et qui tuent impitoyablement nos volontaires, quand elles en rencontrent quelques-uns dĂ©tachĂ©s dans les villages; c'est une engeance proscrite, ainsi que tous les paysans, car il n'en est pas un seul qui n'ait portĂ© les armes contre la RĂ©publique; il en faut absolument et totalement purger le sol[18] - [19]. »

    — Lettre de Jean-Baptiste Carrier au ComitĂ© de salut public, le 11 dĂ©cembre 1793.

  6. « Il est bien étonnant que la Vendée ose réclamer des subsides, aprÚs avoir déchiré la patrie par la guerre la plus sanglante et la plus cruelle. Il entre dans mes projets, et ce sont les ordres de la Convention nationale, d'enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout en un mot dans ce maudit pays, de livrer aux flammes tous les bùtiments, d'en exterminer les habitants ; car je vais incessamment t'en faire passer l'ordre[20]. »

    — Jean-Baptiste Carrier, lettre au gĂ©nĂ©ral Haxo, .

    .
  7. « Des mines !... Des mines à forces... des fumées soporatives et empoisonnées, puis tomber dessus ... Je vous prie de communiquer cette lettre au comité de Salut public ; cela pourra lui fournir quelques idées [...]. Par des mines, des fumigations ou autres moyens, on pourrait détruire, endormir, asphyxier l'armée ennemie[22]. »

    — Antoine Joseph Santerre, lettre à Jean-Baptiste Bouchotte, ministre de la guerre, .

    .
  8. « Des mines dans la VendĂ©e ! Des fumĂ©es soporatives ! Il n'y avait point pas Ă  cette Ă©poque de rĂȘveries qu'on ne fut tentĂ© d'essayer contre la VendĂ©e. Je me rappelle qu'un adepte, se prĂ©tendant physicien et alchimiste, prĂ©senta aux dĂ©putĂ©s qui se trouvaient Ă  Angers, une boule de cuir remplie, dit-il, d'une composition dont la vapeur dĂ©gagĂ©e par le feu, devait asphyxier tout ĂȘtre vivant fort loin Ă  la ronde. On en fit l'essai dans une prairie oĂč se trouvaient quelques moutons, en prĂ©sence de quelques personnes que la curiositĂ© attira vers le lieu de l'expĂ©rience et personne n'en fut incommodĂ©[24]. »

    — Jean Julien Michel Savary

  9. « La dĂ©sertion considĂ©rable qui commence Ă  se manifester parmi les rebelles en deçà de la Loire prouve assez que le bandeau de l'erreur se dĂ©chire ; que les prĂȘtres qui dirigeaient leurs pas n'ont plus le mĂȘme empire sur leurs opinions. Le moment serait-il donc arrivĂ© de proclamer au milieu de ces fanatiques les vĂ©ritĂ©s qu'on leur a dĂ©naturĂ©es jusqu'alors ? [...] On craint qu'en agissant ainsi avec la mĂȘme rigueur Ă  l'Ă©gard des nombreux dĂ©serteurs, on ne rĂ©duise les autres au dĂ©sespoir. »

    — Louis Marie Turreau

  10. « Tu te plains de n'avoir pas reçu du ComitĂ© l'approbation formelle de tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et tes intentions pures ; mais Ă©loignĂ© du thĂ©Ăątre de tes opĂ©rations, il attend les grands rĂ©sultats pour prononcer dans une matiĂšre sur laquelle on l'a dĂ©jĂ  trompĂ© tant de fois, aussi bien que la Convention nationale. Les intentions du ComitĂ© ont dĂ» t'ĂȘtre transmises par le ministre de la Guerre. Nous nous plaignions nous-mĂȘmes de recevoir trop rarement de tes nouvelles. Extermine les brigands jusqu'au dernier, voilĂ  ton devoir ; nous te prescrivons surtout ne pas laisser une seule arme Ă  feu dans les dĂ©partements qui ont participĂ© Ă  la rĂ©volte et qui pourraient s'en servir encore. Armes-en les soldats de la LibertĂ©. Nous regarderons comme traĂźtres tous les gĂ©nĂ©raux, tous les individus qui songeraient au repos, avant que la destruction des rĂ©voltĂ©s soit entiĂšrement consommĂ©e. Encore une fois, recueille toutes les armes et fais passer ici sans dĂ©lai toutes celles qui ont besoin de rĂ©parations. Nous t'envoyons un arrĂȘtĂ© qui paraĂźt propre Ă  seconder tes vues[62]. »

    — Lazare Carnot, lettre au gĂ©nĂ©ral Turreau, le .

    « Le comitĂ© dĂ©libĂ©rant sur la situation actuelle de la VendĂ©e arrĂȘte :
    Article Ier. Il sera proposé à la Convention nationale de décréter que tous les citoyens qui ont participé à la révolte de la Vendée, seront tenus de déposer, sous vingt-quatre heures, leurs armes à feu de quelque espÚce qu'elles soient, et qui ne font point partie des troupes soldées, entre les mains des agents nationaux, et ceux-ci entre celles de l'autorité militaire, dans l'espace d'une décade ; les citoyens ou agents nationaux, réfractaires à cette loi, seront punis de mort par une commission militaire.
    II. Chaque bataillon conservera une seule piÚce de canon, on fera passer toutes les autres dans les places fortes. Il sera réservé seulement un quart au plus de l'artillerie légÚre et de celle de position ; un autre quart sera renvoyé sur les derriÚres de l'armée, dans les places fortes et tout le reste sera envoyé sans délai à l'Armée des Pyrénées occidentales.
    III. Les ennemis seront poursuivis sans relĂąche jusqu'Ă  leur entiĂšre destruction. Les gĂ©nĂ©raux qui ne mettraient pas dans cette expĂ©dition toute l'activitĂ© possible, seront dĂ©noncĂ©s comme ennemis de la patrie. Les subsistances seront saisies partout et envoyĂ©es aux armĂ©es et dans les places fortes ; il en sera de mĂȘme des bestiaux et des chevaux propres au service des troupes et de tout ce qui peut ĂȘtre utile Ă  leur entretien.
    IV. Il sera proposé à la Convention nationale de faire remplacer Carrier qui demande son rappel, par un autre représentant. Prieur de la Marne sera chargé de le remplacer. Le rapport de la conduite de Westermann sera fait dans le plus court délai.
    Pour copie conforme : le général chef de l'état major général, signé Robert[62]. »
  11. « Le ComitĂ© de salut public a Ă©tĂ© trompĂ©, les traĂźtres pullulent dans nos armĂ©es, il faut de prompts remĂšdes pour arrĂȘter le mal. Il est prouvĂ© que trĂšs souvent nos gĂ©nĂ©raux ont concouru Ă  leurs dĂ©faites mutuelles en refusant par jalousie ou tout autre motif de se seconder. [...] Il est prouvĂ© que les gĂ©nĂ©raux connaissent parfaitement la force de l'ennemi et, pouvant sans peine le dĂ©truire, lui ont toujours opposĂ© des forces infĂ©rieures. Il est prouvĂ© que la guerre de VendĂ©e n'existerait plus si les gĂ©nĂ©raux l'avaient voulu de bonne foi. Vous avez ordonnĂ© qu'on brĂ»lĂąt les repaires des brigands... On a brĂ»lĂ© des communes entiĂšres, dont les habitants s'armaient de fourches, de faux, de fusils et arrĂȘtaient eux-mĂȘmes les brigands pour les livrer Ă  l'armĂ©e rĂ©publicaine. Croiriez-vous que, sous prĂ©texte de suivre vos ordres, on Ă©gorge les enfants, les femmes, les municipaux en Ă©charpe, Ă  la suite d'un banquet civique donnĂ© par eux Ă  une division de l'armĂ©e? J'ai vu des malheureux abandonnĂ©s au dĂ©sespoir, n'ayant d'autres perspectives que la mort de la part de l'armĂ©e rĂ©publicaine et de la part de la horde royale! Tout est livrĂ© au pillage et Ă  l'incendie[64]. »

    — Marc Antoine Jullien, lettre au ComitĂ© de salut public, le

  12. « Le ComitĂ© de Salut Public se reposait sur les mesures Ă  prendre Ă  l'intĂ©rieur de la VendĂ©e sur l'esprit et le texte des dĂ©crets qui ordonnent de dĂ©truire et d'incendier les repaires de brigands, et non pas les fermes ni les demeures des bons citoyens. Il espĂ©rait surtout que l'ArmĂ©e de l'Ouest s'occuperait plutĂŽt de dĂ©truire le noyau des rebelles que de sacrifier les habitations isolĂ©es et les bourgs et villages fidĂšles, et non dangereux. Mais, lorsque le ComitĂ© a voulu vĂ©rifier les faits et connaĂźtre quelle Ă©tait l'exĂ©cution donnĂ©e Ă  ces arrĂȘtĂ©s, quel a Ă©tĂ© son Ă©tonnement de voir les forces morcelĂ©es dans la VendĂ©e, des rassemblements de rebelles se former de nouveau, se grossir de tous les mĂ©contents que la barbare et exagĂ©rĂ©e exĂ©cution des dĂ©crets avait faits de nouveau dans ce pays, qu'il ne fallait que dĂ©sarmer, repeupler d'habitants fidĂšles et administrer avec l'Ă©nergie rĂ©publicaine convenablement dirigĂ©e[65]. »

    — Bertrand Barùre de Vieuzac à la Convention nationale, le .

  13. « Nous avons eu hier au soir une premiÚre entrevue avec le général en chef de l'armée de l'Ouest. Cet homme nous paraßt avoir du mérite et de la franchise. Il est sûr que tous les malveillants le décrient, et ce qu'il y a de singulier, c'est qu'ils ne disent rien que de vague contre lui. Le résultat de notre entretien avec lui sur la guerre de la Vendée est parfaitement conforme aux données qui nous parviennent de tous les militaires, c'est que les rebelles n'ont plus aucune consistance politique, qu'ils sont totalement dissous, mais qu'il reste encore beaucoup d'hommes qui se tiennent épars quand ils voient une force supérieure et qu'ils se rassemblent trÚs facilement pour se jeter sur parties faibles.
    Le général en chef nous a promis de les détruire tous, mais il faut se faire une autre idée des rebelles que celle que l'on a eue jusqu'ici ; c'est que tous les habitants qui sont à présent dans la Vendée sont des rebelles tous acharnés ; c'est que les femmes et les filles, les garçons au-dessus de douze ans sont les plus cruels. Ils exercent une cruauté inouïe sur nos volontaires, les uns sont coupés par morceaux et les autres brûlés, et ce sont des femmes qui commettent des atrocités[67]. »

    — Lettre des reprĂ©sentants Francastel, Hentz et Garrau au ComitĂ© de salut public, le .

    « La race d'hommes qui habitent la Vendée est mauvaise, elle est composée d'hommes fanatiques qui sont le peuple ou de fédéralistes qui sont les Messieurs. [...] Il faut un grand exemple, il faut apprendre aux malveillants que la vengeance nationale est sévÚre, et qu'un pays qui a coûté le sang de tant de milliers de patriotes ne doit plus servir d'asile à ceux qui se sont révoltés contre le gouvernement ou qui s'y sont opposés. [...] Jamais les femmes de ce pays ne deviendront raisonnables, ce sont surtout elles qu'il faut expatrier. L'égoïsme, le fanatisme, la rage contre les patriotes sont au comble dans ce pays ; quand ils tiennent un volontaire, ils le coupent en morceaux ou ils le brûlent à un arbre[69] - [70]. »

    — Lettre des reprĂ©sentants Francastel, Hentz et Garrau au ComitĂ© de salut public, le .

  14. « Se concerter avec Turreau, et combiner un nouveau systÚme de guerre ferme et exécutable. Il faut tuer les brigands et non pas brûler les fermes ; faire punir les fuyards et les lùches, enfin écraser totalement cette horrible Vendée. Le comité te confie le soin de combiner avec Turreau les moyens les plus assurés d'exterminer toute cette race de brigands. Est-il possible, quand nous battons toutes les armées de l'Europe, que nous soyons sans cesse tourmentés par des brigands et des rebelles sans moyens[73] ? »

    — Ordres du ComitĂ© de salut public au gĂ©nĂ©ral Jean DembarrĂšre.

  15. « Le meilleur moyen pour anéantir les chouans est de dépeupler les communes qui leur donne asile ; mais il faudrait sur les lieux un représentant investi de grand pouvoirs. Il faudrait faire revivre le décret du 1er août relatif à la Vendée[86]. »

    — Jean-Antoine Rossignol

  16. « Le pillage a Ă©tĂ© portĂ© Ă  son comble. Les militaires, au lieu de songer Ă  ce qu'ils avaient Ă  faire, n'ont pensĂ© qu'Ă  remplir leurs sacs et Ă  voir se perpĂ©tuer une guerre aussi avantageuse Ă  leur intĂ©rĂȘt [...]. Les dĂ©lits ne se sont pas bornĂ©s au pillage. Le viol et la barbarie la plus outrĂ©e se sont reprĂ©sentĂ©s dans tous les coins. On a vu des militaires rĂ©publicains violer des femmes rebelles sur des pierres amoncelĂ©es le long des grandes routes, et les fusiller ou les poignarder en sortant de leurs bras ; on en a vu d'autres porter des enfants Ă  la mamelle au bout de la baĂŻonnette ou de la pique qui avait percĂ© du mĂȘme coup et la mĂšre et l'enfant. Les rebelles n'ont pas Ă©tĂ© les seules victimes de la brutalitĂ© des soldats et des officiers. Les filles et les femmes des patriotes mĂȘme ont Ă©tĂ© souvent « mises en rĂ©quisition » ; c'est le terme.
    Toutes ces horreurs ont aigri les esprits et grossi le nombre des mĂ©contents, forcĂ©s de reconnaĂźtre souvent moins de vertus Ă  nos troupes qu'aux brigands dont plusieurs, il est vrai, ont commis des massacres, mais dont les chefs ont toujours eu la politique de prĂȘcher les vertus, et d'affecter souvent une sorte d'indulgence et de gĂ©nĂ©rositĂ© envers nos prisonniers.
    La durabilitĂ© de cette guerre, prolongĂ©e par les causes Ă©noncĂ©es ci-dessus, a forcĂ© la Convention Ă  dĂ©terminer des mesures de rigueur. Elles ont Ă©tĂ© employĂ©es sans discernement, et elles ont produit un effet tout contraire Ă  celui qu'on attendait. On s'est dĂ©terminer Ă  fusiller et l'on a fusillĂ© indistinctement tout ce que l'on rencontrait ou tout ce qui se prĂ©sentait. Des communes venant se livrer, leurs officiers municipaux en Ă©charpe Ă  leur tĂȘte, ont Ă©tĂ© reçues avec une apparence fraternelle et fusillĂ©s sur l'heure. Des cavaliers armĂ©s et Ă©quipĂ©s, venus d'eux-mĂȘmes se rendre au milieu de nous et aprĂšs avoir fait plusieurs lieues pour cela, ont Ă©tĂ© fusillĂ©s sans misĂ©ricorde [...].
    Si la population qui reste n'Ă©tait que de 30 000 Ă  40 000 Ăąmes, le plus court sans doute serait de tout Ă©gorger, ainsi que je le croyais d'abord ; mais cette population est immense ; elle s'Ă©lĂšve encore Ă  400 000 hommes, et cela dans un pays ou les ravins et les vallons, les montagnes et les bois diminuent nos moyens d'attaque, en mĂȘme temps qu'ils multiplient les moyens de dĂ©fense des habitants. S'il n'y avait nul espoir de succĂšs par un autre mode, sans doute encore qu'il faudrait tout Ă©gorger, y eĂ»t-il 500 000 hommes ; mais je suis loin de le croire. Le peuple du pays est bon lĂ  comme ailleurs, et quand on prendra les mesures nĂ©cessaires on l’amĂšnera, malgrĂ© son fanatisme actuel et malgrĂ© toutes les fautes que nous avons commises, Ă  entendre la raison et Ă  s'en servir. [...]
    Toute la difficulté qui se présente est de savoir si l'on prendra le parti de l'indulgence, ou s'il est plus avantageux de continuer le plan de destruction totale[88]. »

    — Joseph Lequinio, rapport au ComitĂ© de salut public, .

  17. « HĂątez-vous au contraire chers collĂšgues de livrer au glaive vengeur tous les promoteurs et chefs de cette guerre cruelle et que les scĂ©lĂ©rats qui ont dĂ©chirĂ© si longtemps les entrailles de leurs patries reçoivent enfin le prix de leurs forfaits. Les femmes, les enfants et les vieillards, les individus entraĂźnĂ©s par la violence ne mĂ©ritent pas sans doute le mĂȘme sort que les monstres qui ont ourdi la rĂ©volte, qui l'ont servie de leurs volontĂ©s comme de leurs bras, et l'on pourrait prendre Ă  leur Ă©gard des mesures de sĂ»retĂ© moins rigoureuses, mais ce serait abandonner le pays aux horreurs d'une guerre nouvelle et la vie des patriotes Ă  la merci des brigands que d'user envers ceux-ci d'une indulgence absurde et meurtriĂšre. Vous voudrez donc bien sans perdre un moment, chers collĂšgues, ordonner que la justice rĂ©volutionnaire reprendra son cours et ne pas perdre de vue que nous n'avons qu'un seul but : celui de terminer enfin l'horrible guerre de la VendĂ©e[95]. »

    — Lazare Carnot, le ComitĂ© de Salut Public aux reprĂ©sentants du peuple prĂšs l'armĂ©e de l'ouest Ă  Niort, le .

  18. « Le soussignĂ© dĂ©clare qu'en suivant l'armĂ©e dont je fais partie j'ai vu entre Venansault et Aizenay Ă  l'Ă©poque oĂč l'armĂ©e du Nord est allĂ©e de La Roche Ă  Aizenay, au moins cent personnes, toutes femmes et enfants, massacrĂ©s et coupĂ©s en morceaux, dans le nombre Ă©tait un enfant, qu'il palpitait encore auprĂšs de sa mĂšre, que pendant que j'ai Ă©tĂ© en campagne j'ai vu incendier des grains, des fourrages et nombre de maisons appartenant Ă  des patriotes}[174]. »
    . Un volontaire témoigne également :
    « Le jour qu'on mit le feu Ă  Venansault, il vit tuer sept femmes, seules trouvĂ©es dans ladite commune, que l'une d'elles tenait son nourrisson dans les bras et qu'on eut le raffinement et la barbarie de percer du mĂȘme coup de sabre la mĂšre et l'enfant. Et ce qui rĂ©volta le plus le volontaire, c'est que cette infĂąme action reçut des applaudissements du commandant[174]. »
  19. « Dans la marche des diffĂ©rentes colonnes, tu ordonnes de tout tuer et incendier. Pour ma part, j'estime que j'ai dĂ©truit 3 000 hommes, savoir : 2 000 pris sans armes et 1 000 tuĂ©s dans l'affaire du Pont-James. Les autres ont aussi purgĂ© le pays, de maniĂšre que tout ce qui reste aujourd'hui dans le sein de la VendĂ©e est levĂ© contre la RĂ©publique. Cette population n'ayant d'autres perspectives que la famine et la mort se dĂ©fendra encore longtemps [...]. Mes bataillons sont rĂ©duits Ă  250 hommes, dont un quart est sans armes et les trois quarts sans souliers. Chaque jour, une vingtaine part pour les hĂŽpitaux[174]. »

    — Florent Joseph Duquesnoy, lettre au gĂ©nĂ©ral Turreau.

  20. « Nous allĂąmes Ă  La JumelliĂšre ; on nous dit que les Bleus y Ă©taient et massacraient tout. Nous y arrivĂąmes mais les Bleus Ă©taient retirĂ©s Ă  ChemillĂ©. Nous y marchĂąmes ; je fus en avant avec deux cavaliers qui connaissaient bien la route. À un quart de lieue de La JumelliĂšre, j'aperçois, dans un coin du chemin, un monceau de victimes, amoncelĂ©es comme une corde de bois, entre un chĂȘne et un grand piquet. Il y en avait Ă  la hauteur d'un homme et plus de quinze pas de long, tĂȘte Ă  pied. Ce spectacle m'effraya. Mais c'Ă©tait comme rien. À cinquante pas plus loin, j'aperçois un homme, dans le coin d'un champ de genĂȘts, qui baissait la tĂȘte et la relevait ; je crus que c'Ă©tait l'ennemi qui Ă©tait dans le champ de genĂȘts. Je fais filer mes deux cavaliers derriĂšre moi, au bout du champ, pour bien regarder s'ils ne voyaient rien. Ce malheureux m'aperçut et se sauva. Je lui criait « ArrĂȘte ! ou tu es mort ». Il vint Ă  moi ; je lui dis « Que fais-tu lĂ ? » Il avait une pelle sur son Ă©paule ; il me dit « Ah ! j'ai eu grand'peur ». Il se mit Ă  pleurer. « Voyez, me dit-il, dans le milieu du chemin, ma femme Ă©gorgĂ©e, mes cinq enfants avec, et je suis Ă  faire une fosse pour les mettre. » Je fis dix pas ; j'aperçus une femme Ă©tendue dans la boue, un enfant sur le bras gauche, un sur le bras droit, un autre sur la jambe gauche, un autre sur la droite, et le cinquiĂšme au sein de sa mĂšre ; tous avaient la tĂȘte ouverte, le cerveau ĂŽtĂ© et mis dans la poche de tablier de la mĂšre. Jamais aucun homme ne pourra croire une barbarie pareille. Cependant, le fait est constant, je l'ai vu de mes yeux et j'en ai pris note[180]. »

    — MĂ©moires de Louis Monnier, tĂ©moignage sur le massacre de La JumelliĂšre, le .

  21. « LĂ  c'Ă©tait de pauvres jeunes filles toutes nues suspendues Ă  des branches d'arbres, les mains attachĂ©es derriĂšre le dos aprĂšs avoir Ă©tĂ© violĂ©es. Heureux encore quand, en l'absence des Bleus, quelques passants charitables venaient les dĂ©livrer de ce honteux supplice. Ici, par un raffinement de barbarie, peut-ĂȘtre sans exemple, des femmes enceintes Ă©taient Ă©tendues et Ă©crasĂ©es sous des pressoirs. Une pauvre femme, qui se trouvait dans ce cas, fut ouverte vivante au Bois-Chapelet, prĂšs Le Maillon. Le nommĂ© Jean LainĂ©, de La Croix-de-BeauchĂȘne, fut brĂ»lĂ© vif dans son lit oĂč il Ă©tait retenu pour cause de maladie. La femme Sanson, du PĂ©-Bardou, eut le mĂȘme sort, aprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă  moitiĂ© massacrĂ©e. Des membres sanglants et des enfants Ă  la mamelle Ă©taient portĂ©s en triomphe au bout des baĂŻonnettes[193]. »
    « Une jeune fille de La Chapelle fut prise par des bourreaux, qui aprĂšs l'avoir violĂ©e la suspendirent Ă  un chĂȘne, les pieds en haut. Chaque jambe Ă©tait attachĂ©e sĂ©parĂ©ment Ă  une branche de l'arbre et Ă©cartĂ©e le plus loin possible l'une de l'autre. C'est dans cette position qu'ils lui fendirent le corps avec leur sabre jusqu'Ă  la tĂȘte et la sĂ©parĂšrent en deux[193]. »

    — PeignĂ© et l'abbĂ© Robin, tĂ©moignages sur le massacre de La Chapelle-Basse-Mer, le .

  22. « Le 12 (pluviĂŽse), la scĂšne augmente d'horreurs. Le gĂ©nĂ©ral Amey part avec sa colonne et incendie toutes les mĂ©tairies depuis La Rochelle jusqu'aux Herbiers. Sur une distance de trois lieues, rien n'est Ă©pargnĂ©. Les hommes, les femmes, mĂȘme les enfants Ă  la mamelle, les femmes enceintes, tout pĂ©rit par les mains de sa colonne. En vain de malheureux patriotes, les certificats de civisme Ă  la main, demandĂšrent la vie Ă  ces forcenĂ©s ; ils ne sont pas Ă©coutĂ©s ; on les Ă©gorgea. Pour achever de peindre les forfaits de ce jour, il faut dire que les foins ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©s dans les granges, les grains dans les greniers, les bestiaux dans les Ă©tables et quand de malheureux cultivateurs connus de nous pour leur civisme, ont le malheur d'ĂȘtre trouvĂ©s Ă  dĂ©lier leur bƓufs, il n'en a pas fallu davantage pour les fusiller. On a mĂȘme tirĂ© et frappĂ© Ă  coups de salve les bestiaux qui s'Ă©chappaient[222]. »

    — Mariteau, maire de Fontenay-le-Comte, procùs verbal de la mission des officiers municipaux de la commune des Herbiers, p.103.

  23. « Il n'y a rien de bon dans la VendĂ©e, la race est mauvaise. Il faut y transporter une peuplade de rĂ©publicains qui cultiveront ce pays, le plus fertile de la RĂ©publique [...] Ces rĂ©fugiĂ©s ne valent rien, ce sont des lĂąches en gĂ©nĂ©ral. Il n'y a de rĂ©fugiĂ©s dignes d'intĂ©rĂȘt que ceux qui sont mis dans nos bataillons[265]. »

    — Nicolas Hentz

  24. « Le mal est surtout dans l’esprit d’indiscipline et de pillage qui rĂšgne Ă  l’armĂ©e, esprit produit par l’habitude et nourri par l’impunitĂ©. Cet esprit est portĂ© Ă  un tel point, que j’ose vous dĂ©noncer l’impossibilitĂ© de le rĂ©primer, Ă  moins d’envoyer les corps qui sont ici Ă  d’autres armĂ©es et de les remplacer dans celle-ci par des troupes dressĂ©s Ă  la subordination [
] il vous suffira d’apprendre que des chefs ont Ă©tĂ© menacĂ©s d’ĂȘtre fusillĂ©s par leurs soldats pour avoir voulu, d’aprĂšs sur mon ordre, empĂȘcher le pillage [
]. La VendĂ©e a Ă©tĂ© traitĂ©e comme une ville prise d’assaut. Tout y a Ă©tĂ© saccagĂ©, pillĂ©, brĂ»lĂ©. Les soldats ne comprennent pas pourquoi cette dĂ©fense de continuer aujourd’hui de faire ce qu’ils faisaient hier [
] le moyen de rappeler dans les rangs des soldats, l’amour de la justice et des bonnes mƓurs [
] et cependant jamais les vertus militaires ne sont plus nĂ©cessaires que dans les guerres civiles [
] je me serais mal expliquĂ© si vous pouviez induire de mon rapport que la VendĂ©e est encore dangereuse pour la rĂ©publique et qu’elle menace sa libertĂ© [
] je crois mĂȘme que la guerre peut ĂȘtre promptement terminĂ©e. »
    « les VendĂ©ens n’avaient plus besoin du prĂ©texte de la religion et de la royautĂ© pour prendre les armes ; ils Ă©taient forcĂ©s de dĂ©fendre leurs chaumiĂšres, leurs femmes qu’on violait, les enfants qu’on passait au fil de l’épĂ©e [
] Je voulus discipliner l’armĂ©e, et mettre Ă  l’ordre du jour la justice et l’humanitĂ©. Des scĂ©lĂ©rats, dont la puissance a fini avec l’anarchie, me dĂ©noncĂšrent : on calomnia le dessein que j’eus d’arrĂȘter le sang qui coulait, on m’accusa de manquer d’énergie[271] - [272]. »

    — Thomas Alexandre Dumas, mĂ©moires.

Références

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  162. Et non Pierre Mérit comme l'indique Simone Loidreau (Simone Loidreau, Les colonnes infernales en Vendée, p. 168.): l'ùge de huit ans, la date de décÚs (1876) donnée par Simone Loidreau, le décÚs à Boisgoyer, village de Vendrennes indiqué par le Comte de Chabot ne peuvent que désigner Jean-Baptiste Mérit, né à Saint-Paul-en-Pareds le 11 avril 1786 et mort à Boisgoyer, commune de Vendrennes le 24 juillet 1876, comme relevé sur les registres de ces communes déposés aux Archives Départementales de la Vendée. Il a d'ailleurs un frÚre unique, Charles (1790-1884).
  163. « Les détails qui vont suivre, je les tiens d'un témoin oculaire, ùgé alors de huit ans; il s'appelait Merit, et il est mort [...] au village de Boisgoyer, à un kilomÚtre de chez moi. Je traduis son terrible récit :
    « Nous Ă©tions, mon frĂšre et moi, Ă  pĂȘcher des verdons sur les bords du Lay, quand nous fĂ»mes saisis par des soldats. On nous mena au milieu d'une troupe de pauvres gens de tout Ăąge, marchant deux Ă  deux, comme des moutons. Je reconnus beaucoup de mes parents et de mes amis, entre autres ma cousine [...] ArrivĂ© dans la cour du Parc (chĂąteau du Parc-Soubise), je vis des bleus mettre le feu au chĂąteau. Pendant que le chĂąteau brĂ»lait, les soldats nous placĂšrent sur deux rangs, et tirĂšrent sur tout le monde Ă  bout portant. Ma cousine tomba prĂšs de moi et quand il ne resta plus que deux ou trois enfants qui avaient Ă©tĂ© manquĂ©s, le chef cria : « C'est assez » – Comte de Chabot in Paysans VendĂ©ens » »
  164. Louis-Marie Clénet, Les colonnes infernales, p. 157.
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Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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