Accueil🇫🇷Chercher

Fusillades de Nantes

Les fusillades de Nantes désigne l'exécution, pendant la Terreur, à Nantes alors dirigée par le représentant en mission Jean-Baptiste Carrier, de plusieurs milliers de prisonniers de tous âges et de toutes conditions, principalement des Vendéens ainsi que des Chouans, Fédéralistes, Modérés et suspects.

Fusillades de Nantes
Image illustrative de l’article Fusillades de Nantes
Les fusillades de Nantes, aquarelle de BĂ©ricourt.

Date -
(essentiellement entre décembre 1793 et janvier 1794)
Lieu Nantes
Victimes Prisonniers de guerre vendéens
Civils vendéens
Chouans
Membres du clergé réfractaire
Suspects nantais
Fédéralistes
Type Exécutions par fusillades
Morts 3 000 Ă  3 600[1] - [2]
Auteurs Drapeau de la France RĂ©publicains
Ordonné par Commission Bignon
Commission PĂ©pin-Lenoir
Participants Soldats de la LĂ©gion germanique
Hussards américains du 13e régiment de chasseurs à cheval
Guerre Guerre de Vendée
CoordonnĂ©es 47° 13′ 03″ nord, 1° 34′ 37″ ouest
GĂ©olocalisation sur la carte : Nantes
(Voir situation sur carte : Nantes)
Fusillades de Nantes
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Fusillades de Nantes
GĂ©olocalisation sur la carte : Bretagne
(Voir situation sur carte : Bretagne)
Fusillades de Nantes
GĂ©olocalisation sur la carte : Loire-Atlantique
(Voir situation sur carte : Loire-Atlantique)
Fusillades de Nantes

DĂ©roulement des fusillades

L'avantage pour la commission Bignon de siéger à la prison de l'Entrepôt des cafés est double, les prisonniers sont saisis dans leur principal lieu de détention, le plus engorgé aussi, et ensuite, après leur « jugement » sommaire, ils sont menés, avec toute la rapidité requise aux carrières suburbaines de Nantes (carrière de Miséry[3] ou de Gigant[4], vers Sainte-Anne et Chantenay[5]) où les attend le peloton d'exécution.

Lorsque les condamnés arrivaient dans la carrière (remplie de cadavres au fil des exécutions), on les rangeait en haie puis on les fusillait[6]. Ceux qui avaient survécu aux coups de feu étaient achevés à coups de crosse. Après ces massacres, les cadavres étaient fouillés, dépouillés de leurs affaires et mis dans une fosse.

Les fusillades sont effectuĂ©es par les « Hussards amĂ©ricains Â» ou par des soldats Ă©trangers[7].

Le tribunal criminel extraordinaire

Dès le début de la guerre de Vendée, des jugements contre des prisonniers sont rendus à Nantes par le tribunal criminel extraordinaire, chargé également de statuer sur les crimes de droit commun. Divisé en deux sections, il prononce quelques condamnations à mort contre les insurgés, notamment quatre à Guérande par la première section. Plus active, la seconde section présidée par Gandon puis Phelippes-Tronjolly, juge plus de 800 personnes de mars à novembre 1793 ; 14 sont condamnées à mort, dont le chef rebelle Gaudin de La Bérillais, 46 à la déportation, 7 aux fers, 8 à la prison et 503 sont acquittées[8].

La commission PĂ©pin-Lenoir

En septembre 1793, la municipalité de la ville, proche des Girondins, est destituée par les représentants en mission Philippeaux, Gillet et Ruelle pour avoir soutenu l'insurrection fédéraliste. Le Comité révolutionnaire de Nantes, contrôlé par les Sans-culottes est établi. Du au , la ville est dirigée par le représentant en mission Jean-Baptiste Carrier[9] - [10].

La répression contre les Vendéens prend davantage d'ampleur. La première commission militaire révolutionnaire de Nantes, la commission Pépin ou Lenoir, est établie le 30 octobre 1793 par Carrier et Francastel pour juger les rebelles détenus dans les prisons de la ville. Outre une expédition à Paimbœuf, du 27 mars au 11 avril, la commission tient ses séances à l'Eperonnière, les Récollets, Le bon Pasteur, le Bouffay et les Saintes-Claires. La commission est active du 5 novembre 1793 au 30 avril 1794, elle juge 800 personnes et en condamne 230 à mort, dont 127 à Nantes et parmi lesquelles le général vendéen La Cathelinière qui est guillotiné le 2 mars. 60 autres accusés sont condamnés aux fers et 46 à la prison, 167 sont renvoyés pour plus amples informations et 321 acquittés. La plupart des condamnés à mort sont fusillés, quelques-uns sont exécutés par la guillotine[11] - [12].

La commission Bignon à l'entrepôt des cafés

Mémorial situé au 7 rue des Martyrs, à Nantes

Après avoir jugĂ© et fait fusiller les prisonniers vendĂ©ens après la bataille du Mans et la bataille de Savenay, la commission militaire Bignon est appelĂ©e Ă  Nantes. Elle s'installe Ă  l'EntrepĂ´t des cafĂ©s oĂą 8 000 Ă  9 000 VendĂ©ens, hommes, femmes et enfants, sont enfermĂ©s en dĂ©cembre 1793 et en janvier 1794. La commission y tient ses sĂ©ances presque chaque jour, de huit heures du matin Ă  dix heures du soir, du 29 dĂ©cembre 1793 au 20 fĂ©vrier 1794[13].

  • Le 29 dĂ©cembre, 100 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 30 dĂ©cembre, 97 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 31 dĂ©cembre, 120 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 1er janvier, 118 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 2 janvier, 289 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 3 janvier, 99 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 4 janvier, 199 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 5 janvier, 250 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 6 janvier, 202 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 7 janvier, 62 femmes et filles condamnĂ©es Ă  mort pour avoir suivi l'armĂ©e vendĂ©enne[13].
  • Le 8 janvier, 45 femmes et filles condamnĂ©es Ă  mort pour avoir suivi l'armĂ©e vendĂ©enne. Quelques femmes enceintes obtiennent cependant un sursis[13].
  • Pas de sĂ©ance du 9 au 12 janvier[13].
  • Le 13 janvier, un chef vendĂ©en, Jandonnet de Langrenière est condamnĂ© Ă  mort[13].
  • Pas de sĂ©ance du 14 au 16 janvier[13].
  • Le 17 janvier, 97 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 18 janvier, 57 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort. Un premier acquittement est prononcĂ© par la commission, Pierre Turpin, 16 ans, est mis en libertĂ©[13].
  • Le 19 janvier, 207 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort. Deux accusĂ©s, Joseph Joly et Jacques Camus, sont acquittĂ©s[13].
  • Le 25 janvier, 26 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 27 janvier, un seul jugement, Jean Barbin, acquittĂ©[13].
  • Le 28 janvier, 6 prisonniers condamnĂ©s Ă  mort[13].
  • Le 10 fĂ©vrier, un chef vendĂ©en, Giroud de Marcilly, est condamnĂ© Ă  mort[13].
  • Le 13 fĂ©vrier, la veuve de Marcilly est condamnĂ©e Ă  mort, elle obtient un sursis en se dĂ©clarant enceinte[13].
  • Le 14 fĂ©vrier, trois accusĂ©s sont acquittĂ©s[13].
  • Le 15 fĂ©vrier, trois accusĂ©s sont condamnĂ©s Ă  la dĂ©portation[13].
  • Le 19 fĂ©vrier, un noble, Dailly, est condamnĂ© Ă  mort[13].
  • Pas de sĂ©ance du 20 fĂ©vrier au 31 mars[13].

Du 29 dĂ©cembre au 26 janvier, la commission Bignon prononce au total 1 978 condamnations Ă  mort contre trois peines de dĂ©portation et sept acquittements. Les condamnĂ©s sont fusillĂ©s dans les carrières de Gigant, principalement par des soldats allemands de la LĂ©gion germanique. La commission quitte ensuite l'entrepĂ´t Ă  cause du typhus[13]. Elle effectue encore quelques sĂ©ances Ă  Nantes, du 27 janvier au 8 mai 1794, elle prononce 53 condamnations Ă  mort, 3 Ă  la dĂ©portation et 27 acquittements[13]. Finalement Ă  Nantes, 2 031 condamnations Ă  mort sont prononcĂ©es par la commission Bignon[13], et 127 autres par la commission PĂ©pin-Lenoir[14].

Exécutions sans jugements

Si les nombres des condamnations à mort ordonnées par les commissions militaires révolutionnaires sont connues, un certain nombre de prisonniers vendéens sont également exécutés sans jugement. Ainsi dans les derniers jours de décembre, après la bataille de Savenay, 80 cavaliers vendéens viennent se rendre à Nantes, ils sont fusillés à la prairie de Mauves sur ordre du général Hector Legros. Parmi les victimes on relève la présence d'enfants âgés de 10 à 12 ans, certains furent cependant épargnés[15].

Participation des Nantais aux inhumations des condamnés

Peu soucieux d'enfouir les cadavres, les soldats laissaient les lieux d'exécution à l'état de charniers béants. La municipalité finit par s'inquiéter. Le 26 nivôse an II (15 janvier 1794), le conseil général de la Commune invita les Nantais « volontaires » à procéder à l'enfouissement des corps « sous l'inspection des commissaires pris dans le sein de l'infatigable société Vincent-la-Montagne ». La mesure était d'une grande maladresse psychologique. En contraignant les Nantais à participer à ces inhumations de masse, les autorités les mettaient en contact avec la réalité précise de la répression que jusque-là ils avaient laissé faire ou approuvée. Le dégoût de se retrouver fossoyeurs, cette tâche insurmontable à laquelle les citadins se voyaient contraints, détériorèrent le climat politique de la ville. L'arrêté du 26 nivôse an II (15 janvier 1794) fit plus contre Jean-Baptiste Carrier et le Comité révolutionnaire de Nantes que l'écho de toutes les atrocités perpétrées par eux.

Bilan humain

Au dĂ©but du mois de juin 1794, le nombre des cadavres dĂ©posĂ©s dans les carrières de Gigant est de 4 603, dont 1 670 fusillĂ©s. Les corps des dĂ©tenus morts de maladie y sont Ă©galement portĂ©s, notamment ceux de l'EntrepĂ´t des cafĂ©s, au nombre d'environ 2 000 et peut-ĂŞtre aussi ceux du Sanitat[14].

Pour Jacques Hussenet, la Terreur nantaise a causĂ© la mort de 3 200 Ă  3 800 personnes exĂ©cutĂ©es par fusillades et dĂ©capitations[1].

Pour Jean-ClĂ©ment Martin, le bilan des fusillades de Nantes est sans doute de 3 600 morts[2].

Finalement, en fĂ©vrier 1794, seules quelques-unes des 8 000 Ă  9 000 personnes emprisonnĂ©es Ă  l'entrepĂ´t Ă©chappent Ă  la mort[16]. Environ 2 000 prisonniers pĂ©rissent pendant leur dĂ©tention (typhus, faim, froid) et plusieurs milliers d'autres (entre 1 800 et 4 800) pĂ©rissent lors des noyades de Nantes[17]. Les fusillĂ©s forment la grande majoritĂ© des condamnĂ©s Ă  mort, cependant on relève Ă©galement 200 exĂ©cutions par la guillotine entre octobre 1793 et janvier 1794[7]. Celles-ci sont ordonnĂ©es principalement par le tribunal rĂ©volutionnaire de Nantes prĂ©sidĂ© par François Louis Phelippes-Tronjolly. Du Ă  fin mai 1794, le tribunal prononce 203 condamnations Ă  mort contre 115 acquittements[14]. 144 de ces exĂ©cutions ont lieu rien qu'en novembre et dĂ©cembre[18]. Au moins 51 prisonniers sont guillotinĂ©s sans jugement sur ordre direct de Carrier Ă  Phelippes-Tronjolly[19].

Bibliographie

  • Charles Berriat-Saint-Prix, La justice rĂ©volutionnaire, aoĂ»t 1792 : Prairial an III, d'après des documents originaux, t. I, Michel LĂ©vy frères, Ă©diteurs, (lire en ligne), p. 12-30. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Roger Dupuy, Nouvelle histoire de la France contemporaine. Tome 2 : La RĂ©publique jacobine, Paris, Seuil, , 366 p. (ISBN 2-02-039818-4)
  • Émile Gabory, Les Guerres de VendĂ©e, Robert Laffont, , 1504 p. (ISBN 978-2-221-11309-7)
  • Jacques Hussenet (dir.), « DĂ©truisez la VendĂ©e ! » Regards croisĂ©s sur les victimes et destructions de la guerre de VendĂ©e, La Roche-sur-Yon, Centre vendĂ©en de recherches historiques, , 634 p. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Alfred LalliĂ©, Les noyades de Nantes, Nantes, Imprimerie Vincent Forest et Émile Grimaud, , 104 p.
  • Alfred LalliĂ©, Les prisons de Nantes pendant la RĂ©volution, Imprimerie Vincent Forest et Émile Grimaud, , p. 52-60.
  • Jean-ClĂ©ment Martin, La guerre de VendĂ©e 1793-1800, Points, coll. « Points Histoire », , 368 p. (ISBN 978-2757836569). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Annales de la SociĂ©tĂ© acadĂ©mique de Nantes et du dĂ©partement de la Loire-InfĂ©rieure, t. XXIII, Imprimerie de Camille Mellinet, . texte en ligne sur google livres

Références

  1. Jacques Hussenet (dir.), « Détruisez la Vendée ! », p. 458
  2. Martin 2014, p. 211.
  3. Albert Mathiez, La révolution française : La chute de la royauté, La Gironde et la Montagne, La Terreur, Ink book, (1re éd. 1922) (ISBN 9791023204414, lire en ligne)
  4. Alain Gérard, La Vendée 1789-1793, Champ Vallon, 336 p. (lire en ligne), « La Vendée crucifiée », p. 258
  5. Gaston Martin, Carrier et sa mission à Nantes, Paris, PUF, , p. 335-336, cité dans Bernard Gainot, Les officiers de couleur dans les armées de la République et de l'Empire (1792-1815), KARTHALA Editions, , 228 p. (ISBN 9782811141813), « L'engagement militaire, une place difficile à trouver », p. 61
  6. D'où l'expression républicaine « passer derrière la haie » qui signifiait fusiller, exécuter.
  7. Martin 2014, p. 218.
  8. Charles Berriat-Saint-Prix, La justice révolutionnaire, p. 5-8
  9. Gabory 2009, p. 369-372
  10. Roger Dupuy, Nouvelle histoire de la France contemporaine, p. 169
  11. Charles Berriat-Saint-Prix, La justice révolutionnaire, p. 9-12
  12. Jacques Hussenet (dir.), « Détruisez la Vendée ! », p. 461-462
  13. Charles Berriat-Saint-Prix, La justice révolutionnaire, p. 12-30
  14. Alfred Lallié, Les noyades de Nantes, p. 78-80
  15. Charles Berriat-Saint-Prix, La justice révolutionnaire, p. 405
  16. Alfred Lallié, Les prisons de Nantes, p. 53.
  17. Alfred Lallié, Les noyades de Nantes, p. 79.
  18. Roger Dupuy, La Bretagne sous la Révolution et l'Empire (1789-1815), Ouest-France Université, , p. 133.
  19. Charles Berriat-Saint-Prix, La justice révolutionnaire, p. 394-403
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.