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Loi des suspects

La Loi des suspects est votée le pendant la Terreur de la Révolution française. Elle marque un net affaiblissement du respect des libertés individuelles, voire une « paranoïa révolutionnaire » qui s'appuie sur une hantise des conspirations et des complots réels ou imaginaires[1].

Loi des suspects
Description de cette image, également commentée ci-après
Texte du dĂ©cret qui ordonne l'arrestation des « Gens suspects Â».
Présentation
Territoire France
Adoption et entrée en vigueur
RĂ©gime Convention nationale
Entrée en vigueur 17 septembre 1793
Suspension octobre 1795

Histoire

Contexte

Par le dĂ©cret du , les prĂŞtres rĂ©fractaires Ă©taient prĂ©sumĂ©s suspects. Ceux-ci, ainsi que les parents d'Ă©migrĂ©s, furent chassĂ©s, emprisonnĂ©s et parfois massacrĂ©s par les sans-culottes Ă  partir de la journĂ©e du 10 aoĂ»t 1792, qui marque l'effondrement du pouvoir royal alors que le roi est suspendu par l'AssemblĂ©e lĂ©gislative. Après les capitulations des Mayence (23 juillet 1793) et de Valenciennes (28 juillet 1793), la Convention renforce son rĂ©gime d'exception, ainsi tous les Ă©trangers sont dĂ©clarĂ©s d'arrestation. Le Tribunal criminel extraordinaire est dotĂ© de pouvoirs et de compĂ©tences accrus. Toulon se livre aux Anglais le 28 aoĂ»t. Lyon est en insurrection. Merlin de Douai propose un doublement du Tribunal rĂ©volutionnaire. Dès le 5 septembre 1793, après les dĂ©crets de Danton contre les ennemis du peuple, Billaud-Varenne propose Ă  la Convention que l'on « mette en Ă©tat d'arrestation tous les contre-rĂ©volutionnaires et les hommes suspects »[2]. C'est Ă  cette occasion qu'est dĂ©finie juridiquement la catĂ©gorie des suspects qui inclut non seulement les aristocrates et leurs familles, les prĂŞtres rĂ©fractaires mais Ă©galement les « boutiquiers, les gros commerçants, les agioteurs », « les ennemis de la RĂ©volution Â»[3].

LĂ©gislation

An Incident in the French Revolution, huile sur toile de Walter William Ouless, vers 1870.

Cette « loi » est en fait un décret voté par la Convention nationale sur la proposition de Merlin de Douai et de Jean-Jacques-Régis de Cambacérès[4].

Sont désignés suspects ceux « qui, soit par leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme et ennemis de la liberté, ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière prescrite par le décret du 21 mars dernier, de leurs moyens d'exister et de l'acquis de leurs devoirs civiques ; ceux à qui il a été refusé des certificats de civisme, les fonctionnaires publics suspendus ou destitués de leurs fonctions par la Convention nationale ou par ses commissaires et non réintégrés, ceux des ci-devant nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs, et agents d'émigrés, qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution, ceux qui ont émigré dans l'intervalle du à la publication du 30 mars – , quoiqu'ils soient rentrés en France dans le délai prescrit par ce décret ou précédemment ».

Cette loi ordonnait l'arrestation de tous les ennemis avoués ou susceptibles de l'être de la Révolution (nobles, parents d'émigrés, fonctionnaires destitués, officiers suspects de trahison, et accapareurs). L'exécution de cette loi, dont le contenu fut encore durci en 1794, et les arrestations furent confiées aux comités de surveillance et non aux autorités légales. Les textes sur les suspects atteignent les émigrés et les prêtres insermentés[5].

Le , la Commune de Paris, en la personne de Chaumette, décrit les caractères permettant de distinguer les suspects dont la fameuse disposition : « Ceux qui n'ayant rien fait contre la liberté, n'ont aussi rien fait pour elle », souvent attribué à tort à la loi des suspects[6].

Le nombre de suspects sous la Terreur a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© par Donald Greer Ă  500 000 personnes, Ă  partir d'Ă©tudes locales. C'est Ă©galement lui qui Ă©value de 35 Ă  40 000 le nombre de victimes, dont 16 594 exĂ©cutĂ©s suivant les formes lĂ©gales, les autres exĂ©cutions correspondant aux zones de guerre civile[7]. Selon l'estimation d'Albert Mathiez, qui part du nombre de suspects Ă  Paris — plus de 8 000 Ă  la veille de Thermidor, dont 6 000 d'origine parisienne, il s'Ă©lève Ă  300 000 personnes. Pour Louis Jacob, les dĂ©clarations postĂ©rieures au 9-Thermidor, notamment les discussions Ă  la Convention, permettent d'Ă©tablir un total de 70 000 suspects[8]. Selon Jean Tulard, il y eut 500 000 prisonniers et 300 000 personnes assignĂ©es en rĂ©sidence surveillĂ©e[9]. Jean-Louis Matharan, de son cĂ´tĂ©, considère que « tout chiffre global de suspects dĂ©tenus reste en l'Ă©tat des travaux de pure conjecture », d'autant que, d' Ă  thermidor an II, « les libĂ©rations des suspects emprisonnĂ©s ont Ă©tĂ© ininterrompues », mĂŞme si elles ont Ă©tĂ© bien moins nombreuses que les arrestations, et que les rĂ©clamations ont souvent abouti Ă  une libĂ©ration rapide ou Ă  une durĂ©e de dĂ©tention moindre[10].

La loi tombe en désuétude avec l'élargissement — entamé avant Thermidor — de nombreux suspects durant l'été 1794, et avec le remplacement des comités révolutionnaires des sections, chargés de l'exercice pratique de la répression, sous la direction du Comité de sûreté générale, par des comités de surveillance, au nombre d'un par district, le 7 fructidor (24 août)[11]. Elle est supprimée en , lors de l'installation du Directoire.

Extrait

D’après l’article 8 :

« Les frais de garde seront à la charge des détenus, et seront répartis entre eux également : cette garde sera confiée de préférence aux pères de famille et aux parents des citoyens qui sont ou marcheront aux frontières. Le salaire en est fixé, par chaque homme de garde, à la valeur d'une journée et demie de travail. »

Homonymie

Il ne faut pas la confondre avec la loi de sûreté générale ou loi des suspects, adoptée sous Napoléon III en 1858 et qui permit de punir de prison toute tentative d'opposition et autorisa, entre autres, l'arrestation et la transportation (déportation sans jugement) d'un individu condamné pour délit politique depuis 1848.

Référence

  1. Jean Tulard, Jean-François Fayard et Alfred Fierro, Histoire et Dictionnaire de la RĂ©volution française, article « Suspects Â», Robert Lafont, 1987, p. 1105.
  2. Archives Parlementaires, tome 73,25 août 1793 au 11 septembre 1793, p. 416.
  3. Ibidem, p. 417.
  4. Merlin fit adopter la loi au nom du Comité de législation, présidé par Cambacérès. Voir la « chronologie de la vie de Merlin de Douai (1754-1838)», document de l'université Lille III, et les Souvenirs de la Marquise de Créquy, tome VIII, chapitre V.
  5. Encyclopédie Larousse du XXe siècle, article « Terreur ».
  6. Cliotexte, recueil de textes sur la Révolution française dont la décision du 11 octobre 1793.
  7. Donald Greer, The Incidence of the terror, 1935.
  8. Louis Jacob, Les Suspects pendant la RĂ©volution, 1952.
  9. Jean Tulard, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française.
  10. Jean-Louis Matharan, « Suspects », dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, PUF, 1989 (rééd. Quadrige, 2005, p. 1004-1008).
  11. Claude Mazauric, « Terreur », dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, PUF, 1989 (rééd. Quadrige, 2005, p. 1020-1025).

Bibliographie

Articles connexes

Lien externe

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