Bataille du Mans (1793)
La bataille du Mans (12 et ) est une bataille de la guerre de Vendée, constituant l'un des épisodes de la Révolution française. Elle se solde par la déroute des forces vendéennes face aux troupes républicaines, lors de la Virée de Galerne.
Républicains | Vendéens Chouans |
20 000 hommes | 15 000 à 18 000 hommes 20 000 non-combattants (blessés, femmes et enfants...) 30 canons |
30 à 100 morts, 150 à 400 blessés | 10 000 à 15 000 morts (combattants et civils) ~ 5 000 à 10 000 prisonniers |
Batailles
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- Montorgueil
- La Bruffière
- La Créancière
- 3e Chemillé
- La Bégaudière
- Froidfond
- La Chabotterie
Coordonnées | 48° 00′ 15″ nord, 0° 11′ 49″ est |
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Prélude
Victorieuse à La Flèche après avoir échoué à franchir la Loire à Angers, l'armée vendéenne, désemparée et toujours harcelée par la cavalerie républicaine, poursuit sa marche en direction du Mans. Ses effectifs sont alors considérablement réduits : l'armée catholique et royale, constituée de moins de 20 000 hommes, traîne toujours avec elle des milliers de blessés, de femmes et d'enfants. De 80 000 personnes au départ de la Virée de Galerne, les Vendéens ne sont plus que 40 000. Souffrant de la famine et du froid, ravagés par une épidémie de dysenterie à caractère gangréneux, atteints par le typhus ou la fièvre putride, ils cherchent essentiellement à se procurer des vivres.
Après avoir dispersé 4 000 républicains en une demi-heure à Pontlieue, les Vendéens, démoralisés et ayant perdu une bonne partie de leur armement, parviennent cependant à s'emparer du Mans le 10 décembre, à 4 heures de l'après-midi. Ils se répandent dans la ville, où ils trouvent tout le ravitaillement nécessaire, en vivres et en vêtements. Cependant, le moral reste bas, la maladie continue de faire des ravages et les soldats, trop affaiblis et s'occupant des familles, ne peuvent plus mettre la ville en état de défense, alors que l'armée républicaine, réorganisée depuis la déroute de Dol, se prépare à l'assaut.
La bataille
Le , au petit matin, l'avant-garde républicaine, commandée par Westermann et Muller, fait son apparition devant la ville. Henri de La Rochejaquelein, secondé par Talmont, rassemble alors 3 000 hommes, essentiellement des chouans, et se porte à la rencontre des républicains. Il réussit à leur tendre une embuscade dans un bois situé près de la ville. Les cavaliers de Westermann, surpris, doivent battre en retraite, tandis que la division Muller prend peur dès les premiers coups de fusil. Les républicains sont sur le point d'être écrasés, lorsque la division du général Jacques Delaistre de Tilly, de l'Armée des côtes de Cherbourg, arrive en renfort sur le champ de bataille. Cédant à leur tour à la panique, les Vendéens prennent la fuite et se réfugient dans la ville. La Rochejaquelein tente alors de rassembler ses forces dispersées ; la plupart des Vendéens ne se sont même pas rendus compte que les républicains sont si proches.
Peu de temps après, François Séverin Marceau, général en chef républicain, arrive à son tour sur les lieux de la bataille et fait rassembler toutes ses troupes à Cérans-Foulletourte. Il est suivi de Kléber et des troupes de l'armée de Mayence, dont l'intervention est prévue dans les heures suivantes. Marceau veut attendre l'arrivée de ces troupes avant de passer à l'attaque décisive, mais Westermann, impatient, lance ses troupes à l'assaut, obligeant Marceau à le soutenir.
L'armée républicaine entre dans la ville à la tombée de la nuit, emportant d'assaut toutes les barricades qu'elle rencontre. Les Vendéens sont totalement désorganisés. Le chaos règne dans la ville où, pendant toute la nuit, les combats de rue sont acharnés.
Toussaint du Breil de Pontbriand écrit, plus tard, dans ses mémoires, d'après des témoignages recueillis :
« Rien ne peut égaler la confusion et le désordre qui régnaient dans la ville, les rues étaient remplies de canons, caissons, voitures, équipages de tout espèce, qui encombraient l'armée. Une multitude de femmes et d'enfants cherchaient leurs parents et interrogeaient des gens qui ne leur répondaient qu'en les interrogeant eux-mêmes. On ne pouvait même réussir à se faire indiquer la route de Laval. Les hommes, les chevaux morts, remplissaient les rues, et on ne marchait que sur des cadavres, les cris des blessés, placés sur des voitures ou dans les maisons, comblaient la mesure de cette scène d'horreur[1]. »
La Rochejaquelein, constatant la défaite, ne songe désormais plus qu'à protéger la retraite des survivants en direction de la route de Laval, la seule libre, en passant par la porte Dorée et le pont sur la Sarthe. Les Vendéens déploient quatorze canons à la sortie de la ville. Ils parviennent ainsi à couvrir la retraite des fuyards et à tenir en respect les Républicains.
Cependant, des milliers de Vendéens, non-combattants pour la plupart, retranchés dans des maisons, sont encore bloqués à l'intérieur de la ville. Des groupes de soldats vendéens y forment toujours des îlots éparpillés de résistance, qui parviennent à tenir toute la nuit, avant d'être anéantis par l'artillerie républicaine du général François Carpentier : les canons ouvrent le feu sur les bâtiments d'où partent des tirs, écrasant les civils sous les décombres.
La bataille tourne ensuite au massacre : les blessés, les femmes et les enfants réfugiés dans les maisons en sont délogés et mis en pièces par les soldats républicains. Marceau sauve des milliers de prisonniers, mais il ne peut empêcher le massacre. À ce moment, Kléber arrive en renfort avec ses troupes, mais la bataille est finie. Lui aussi tente en vain de s'opposer au massacre. Dans ses mémoires, il rapporte :
« On ne saurait se figurer l'horrible carnage qui se fit ce jour-là , sans parler du grand nombre de prisonniers de tout sexe, de tout âge et de tout état qui tombèrent en notre pouvoir[2]. »
Certains Vendéens parvenus à sortir de la cité sont reconduits dans celle-ci et livrés à la vindicte, tandis que d'autres sont sauvés par l'intervention de protecteurs, telle la propre mère du général François Roch Ledru des Essarts. De son côté, Westermann rassemble ses hussards et, suivi des régiments d'Armagnac et d'Aunis, se lance à la poursuite des Vendéens. Tous les traînards sont massacrés, la plupart par des paysans sarthois. Cependant, le gros de l'armée vendéenne, réduite de moitié, réussit à gagner Laval le 14 décembre. Les cavaliers républicains restent à distance des faubourgs puis font alors demi-tour.
Quelques heures après la bataille, Benaben la décrit dans un long récit dans une lettre adressée à Jean-Antoine Vial, procureur syndic de Maine-et-Loire[3]. Les corps des victimes sont ensevelis dans des charniers[4].
Rapport du représentant Benaben |
J'ai à vous annoncer, mon cher ami, la plus grande victoire que nous ayions encore remportée depuis le commencement de la guerre ; l'armée brigande n'existe plus, elle vient d'être défaite au Mans; ce qui en reste doit être à l'heure où je vous écris exterminé par les paysans. La lettre que j'ai déjà envoyée à nos administrateurs vous aura appris quelques détails de cette bataille ; en voici d'autres que mon peu de temps d'écrire n'avait pas permis de leur annoncer. La division de Cherbourg, aidée de celle de Westermann, attaqua vigoureusement les brigands, qui ne tardèrent pas à se débander ; nos braves soldats les poursuivirent la baïonnette dans les reins sans leur donner le temps de souffler. Les brigands essayèrent de se mettre à l'abri derrière quatre retranchements en avant du pont de Pontlieue ; une lutte à mort s'engagea, mais nos braves délogèrent les brigands et ne cessèrent pas de les poursuivre ; ils y mirent tant de vigueur qu'ils faillirent entrer avec eux dans la ville. Mais le retard qu'avait occasionné la prise des redoutes manqua de nous devenir funeste, car les brigands de la ville s'apprêtèrent à nous recevoir et nous tirèrent un grand nombre de coups de canon. Ces coups de canon effrayèrent le général Muller qui, moins brave pour s'emparer d'une ville que d'une berline, prit la fuite, suivi de ses pillards, et ne s'arrêta qu'à Foulletourte où je me trouvais, ignorant qu'on se battit. Les brigands avaient garni le pont de chevaux de frise, ils avaient établi des batteries dans les rues et mis des tirailleurs dans les maisons ; rien n'a pu arrêter nos braves soldats. L'un d'eux, nommé Roland, capitaine des régiments d'Armagnac, qui, le premier, était monté sur le pont, et en avait écarté les chevaux de frise, se dispose à entrer dans la ville à la tête de sa compagnie, lorsque son frère, commandant du même régiment, lui demanda s'il avait reçu des ordres pour cela et s'il savait ce que c'était qu'une bataille de rues ? Point de représentation, lui répartit le capitaine, puisque nous tenons ces bougres-là , il ne faut pas les lâcher. Ah ! tu le prends ainsi, lui répondit le commandant ; eh bien ! fais ce qu'il te plaira, je ne suis pas homme à rester en arrière. Ces braves grenadiers d'Armagnac ont puissamment contribué à la prise de la ville, commandés par l'adjudant-général Vacherau, qui est encore plus brave qu'eux. Malgré tout leur courage, ils ne parvenaient pas à faire reculer les brigands d'un pouce ; ceux-ci tiraient sans cesse sur nous un feu meurtrier qui, à un moment, faillit amener la déroute parmi les nôtres qui commençaient à fuir ; Westermann écumait de rage et faisait pleuvoir, suivant son habitude, une grêle de coups de plat de sabre sur ceux qui avaient peur. Enfin nos braves soldats entrèrent dans la ville, où une lutte terrible s'engagea ; on se battit corps à corps, on se tirait des coups de pistolets à bout portant, on s'assommait à coups de crosse de fusil; les brigands, cachés dans les maisons, derrière les cheminées des toits, derrière les palis des jardins et jusque dans les caves, fusillaient nos malheureux combattants. Ceux-ci, à mesure qu'ils avançaient, pénétraient dans les maisons, y tuaient tout ce qu'ils rencontraient et jetaient les cadavres par les fenêtres ; il y en avait des tas plus haut qu'un homme, ce qui empêchait les troupes d'avancer ; ils brisaient tout ce qu'ils trouvaient, défonçaient les meubles et burent tout ce qu'ils trouvèrent, ce qui fut cause que l'attaque se ralentit. Le général Carpentier, ennuyé de tout le tintamarre que faisaient les brigands qui nous mitraillaient de la grande place et de toutes les maisons des rues qui y conduisaient, fit avancer quelques pièces de canon qu'il fit charger tout à la fois de boulets et de mitraille et qu'il dirigea tour à tour sur la place et sur les maisons. Les brigands furent bientôt obligés d'abandonner la ville, poursuivis par nos braves soldats qui en firent un formidable massacre. On ne voit partout que des cadavres, des fusils, des caissons renversés ou démontés, parmi les cadavres ; beaucoup de femmes nues que les soldats ont dépouillées et qu'ils ont tuées après les avoir violées. Un soldat du régiment d'Armagnac était en train de violer une fille sur le coin d'une charette ; un de ses camarades voulut prendre sa place sur la fille qui se débattait et la tua d'un coup de pistolet, mais il venait à peine de prendre cette place que le brave Marceau, venant à passer avec tout son état-major, lui fit lâcher prise à coups de plat de sabre. Quand les soldats faisaient main basse sur une femme, ils prenaient leur plaisir sur elle, puis ils la tuaient ; quelquefois ils se servirent de femmes mortes. Quand les braves généraux Marceau et Westermann apercevaient ces actes, ils faisaient justice des misérables. Marceau parcourut avec l'intrépide Delage toutes les rues au grand galop et arracha des mains des soldats les femmes et les enfants qu'ils allaient massacrer, et fit conduire par ses soldats à lui ces brigands dans un vieux couvent ; quelquefois il entrait dans les maisons pour aider ses soldats à arracher des mains d'autres soldats ivres des femmes à qui ils faisaient subir les plus honteux outrages. Marceau et ses officiers en ont ainsi sauvé des milliers qu'ils ont fait enfermer dans le ci-devant couvent avec des sentinelles devant pour empêcher les soldats d'entrer. Il y avait parmi ces femmes plusieurs nonnes qui ont dû être contentes en voyant qu'un général républicain les faisait rentrer au couvent. On m'a assuré que beaucoup de ces brigands avaient réussi à s'échapper et à rejoindre les débris de leur armée, récompensant ainsi la générosité du brave Marceau. Lorsque j'arrivai au Mans, j'y fus témoin de toutes les horreurs que peut présenter une ville prise d'assaut. Les soldats qui s'étaient répandus dans les maisons en tiraient les cadavres des femmes et des filles des brigands qu'ils avaient violées ; ils les portaient toutes nues dans les places ou dans les rues ; celles qui s'enfuyaient étaient aussi amenées dans ces mêmes endroits où elles étaient entassées et égorgées sur-le-champ à coups de fusil, à coups de baïonnettes ou à coups de sabre ; on les déshabillaient ensuite toutes nues ainsi que celles qu'on apportait mortes et qui étaient vêtues, et on les étendait sur le dos, les jambes écartées, les pieds rapprochés du corps de manière que les jambes fussent pliées, et les genoux en l'air ; on appelait cela mettre en batterie. Quoique, dès mon entrée au Mans, j'eusse vu dans le faubourg de Pontlieue, entre les mains des volontaires, une trentaine de femmes que l'on conduisait sans doute à la mort, je n'en vis néanmoins tuer aucune qu'après l'arrivée des représentants Turreau et Bourbotte. Le principal massacre se faisait à la porte même de la maison qu'avaient choisi ces représentants ; c'était une véritable boucherie ; les femmes y étaient entassées les unes sur les autres par tas, sur lesquels on faisait des feux de peloton continuels parce que ces femmes se jetant les unes sous les autres pour éviter la mort, il n'y avait que celles qui étaient dessus à recevoir les coups de feu. J'étais passé plusieurs fois devant cette maison, sans pouvoir deviner la cause d'une semblable préférence ; c'est un brave officier de l'armée, qui me témoigna son indignation de ce qu'on déshonorait ainsi la représentation nationale, qui m'apprit que cette maison était celle des représentants du peuple. Ayant été obligé d'aller chez le général en chef qui eut l'obligeance de mettre son cabinet à ma disposition, je lui dis ce qui se passait et le danger qu'il y avait que dans un pareil moment, fait avec si peu de discernement, on n'immolât beaucoup de patriotes. Le général ne trouva pas d'autre moyen pour arrêter le carnage que de faire battre la générale. Toute la route du Mans jusqu'à cinq ou six lieues de Laval est, comme je l'ai écrit aux citoyens administrateurs, couverte de brigands ; les paysans ont fait une battue générale dans les bois et dans les fermes, et en ont plus massacré que nous n'en avons tué nous-mêmes. J'en ai vu sur le bord d'un chemin qui passe près d'un prieuré où nous avons passé la nuit et qui se trouve à cinq ou six lieues du Mans, une centaine qui étaient tous nus et entassés les uns sur les autres, a peu près comme des cochons qu'on aurait voulu saler. À peine y étais-je arrivé en compagnie de Carpentier et de son état-major qu'on nous y amena une douzaine d'enfants des deux sexes, dont le plus âgé n'avait pas dix ans, c'étaient de petits brigands qui, ayant perdu leurs parents à l'affaire du Mans, ne savaient que devenir. Ils étaient gelés, fatigués et à moitié morts de faim. Carpentier les renvoya à la municipalité du lieu, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné. J'ai pensé, mon cher ami, que ces détails vous feraient d'autant plus plaisir que vous m'avez, dans votre dernière lettre, manifesté le désir de ne rien perdre de tout ce qui a trait au succès de nos armes. Je vous embrasse de tout cœur. Benaben |
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Bilan humain
Estimations des contemporains
Les différents récits des témoins de la bataille s'accordent pour décrire l'ampleur du carnage ; cependant, les estimations du nombre de tués divergent. D'après les divers témoignages, entre 10 000 et 20 000 Vendéens sont tués, tant durant les combats qu'au cours des massacres, dont 2 000 à 5 000 à l'intérieur de la ville, les autres dans les campagnes.
Le 13 décembre, quelques heures après la fin de la bataille, les citoyens Piau et Dupuis, dans leur rapport à Rochelle, correspondant du comité de Saint-Calais, écrivent qu'ils n'ont aperçu que des cadavres, aussi bien des hommes que des femmes, depuis Pontlieue jusqu'à la Place des Halles, et que le nombre des morts vendéens est de 6 000. Ils ajoutent cependant qu'au moment où ils écrivent leur rapport, des voitures ramènent encore au Mans des blessés et des malades qui vont être fusillés[5]. Les citoyens Barré et Boulfard évoquent également une perte de 6 000 hommes dans les rangs des Vendéens[6]. Dans un rapport à leur commune, deux citoyens de Mamers écrivent que les Vendéens ont perdu 4 000 hommes, depuis Pontlieue jusqu'à la Croix-d'Or[7].
Le 14 décembre, lendemain du combat, le sans-culotte Blavette, autre correspondant de Saint-Calais, écrit avoir compté 600 cadavres dans les rues du Mans qu'il a parcourues. Il estime le nombre total des morts vendéens à 4 000 hommes « tués en combattant ou fusillés après le combats[8] ». Le même jour, Legrand, commissaire du comité de Saint-Calais, parcourt le Mans et ses environs ; il estime quant à lui le nombre des morts vendéens de 12 000 à 15 000 hommes, tant dans la ville que dans les campagnes[9].
Le 14 également, le correspondant de Saint-Maixent écrit que les rebelles ont laissé de 9 000 à 10 000 morts depuis Le Mans jusqu'à Coulans. Le lendemain, il ajoute que 500 prisonniers vont être fusillés et que, sur la route de Laval, à trois lieues au-delà du Mans, « il y avait une plus grande quantité de cadavres que dans Le Mans même[10]. » Deux jours plus tard, un courrier envoyé depuis Vibraye aux administrateurs de Mondoubleau évoque également une perte de 9 000 à 10 000 hommes chez les « brigands » – c'est ainsi que les Vendéens sont désignés par leurs adversaires –, tant au Mans que dans les campagnes[11].
Le 16 décembre, Lebreton, correspondant de Mondoubleau, écrit que, de Pontlieue jusqu'au bois de Pannetières, les rebelles ont laissé 6 000 morts, de « l'un et l'autre sexe[12] ». Le 19 décembre, le représentant Garnier de Saintes va jusqu'à évoquer une perte de 18 000 hommes chez les Vendéens – cependant, depuis la bataille de Pontlieue, Garnier se trouve à Alençon et n'a donc pas pu assister à la bataille[13].
Du côté des royalistes, Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein, à l'époque épouse du général de Lescure, écrit dans ses mémoires en 1811 que 15 000 personnes ont péri dans la déroute du Mans : « Ce ne fut pas au combat qu'il en mourut le plus ; beaucoup furent écrasés dans les rues du Mans ; d'autres, blessés et malades, restèrent dans les maisons, et furent massacrés ; il en mourut dans les fossés et dans les champs voisins de la route[14]. » Pour Toussaint du Breil de Pontbriand, les combats et les massacres font plus de 20 000 victimes. Celui-ci écrit dans ses mémoires d'après les témoignages du chef chouan Aimé Picquet du Boisguy, lequel combat dans les rues du Mans jusqu'à 9 heures du soir : « Les Républicains massacrèrent de sang-froid les femmes, les enfants, les blessés et les prisonniers, dont le nombre excédait vingt mille, et la ville, après ces exécutions, fut plongée dans un horrible silence[1]. »
D'après le commissaire Maignan, 2 300 Vendéens sont tués à l'intérieur de la ville, tandis que les pertes républicaines s'élèvent à environ 100 tués et au moins 400 blessés. Dans son rapport, le général François Séverin Marceau déclare que les pertes de ses troupes sont de 30 morts et 150 blessés. De leur côté, les administrateurs républicains de la Sarthe évaluent le nombre de morts vendéens à 5 000 à l'intérieur de la ville du Mans, et à 10 000 sur la route du Mans à Laval. Le représentant en mission Benaben écrit même que les paysans sarthois y ont tué un plus grand nombre d'hommes que les soldats républicains.
Estimations des historiens
Pour Jean-Clément Martin, au moins 10 000 personnes ont été tuées dans les combats et la répression[15]. Pour André Lévy, 2 500 personnes au moins sont enterrées sur la place des Jacobins, près de l'hôtel-Dieu, et à Pontlieue[16].
En 2009-2010, neuf charniers contenant les corps d'environ 200 victimes ont été découverts place des Jacobins, au Mans[17]. L'Inrap, à la suite de cette découverte, situe le nombre de victimes entre 2 000 et 5 000[4].
Annexes
Bibliographie
- André Lévy, Les batailles du Mans : le drame vendéen, Saint-Jean-d'Angély, Editions Bordessoules, , 87 p. (ISBN 978-2-903504-62-5 et 978-2-263-01995-1).
- Henri Chardon, Les Vendéens dans la Sarthe, Imprimerie Edmond Monnoyer, , 323 p. (lire en ligne).
- Émile Gabory, Les Guerres de Vendée, Robert Laffont, (ISBN 978-2-221-11309-7), p. 312-315.
- Charles-Louis Chassin, La Vendée Patriote (1793-1800), t. III, édition Paul Dupont, 1893-1895, p. 412-424.
- Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein, Mémoires de Madame la marquise de la Rochejaquelein, sixième, (lire en ligne), p. 377-383.
- Jean Tabeur, Paris contre la Province, les guerres de l'Ouest, Ă©ditions Economica, , p. 172-173.
- Yves Gras, La Guerre de Vendée, éditions Economica, , p. 112-114.
- Thierry Trimoreau (dir.) et al. (préf. Alain Moro), Massacres au Mans en 1793, Le Mans, éditions Siloë, , 107 p. (ISBN 978-2-84231-473-6).
- Yves Viollier, DĂ©livre-moi, Paris, Laffont, , 262 p. (ISBN 978-2-221-11701-9).
Liens externes
- Les traces de conflits armés sur les restes osseux humains: la bataille du Mans, par Elodie Cabot, Inrap
- Élodie Cabot, Les victimes de la bataille du Mans (12-13 décembre 1793). Apports archéo-anthropologiques, Archéopages, octobre 2013-janvier 2014.
Notes
- Toussaint du Breil de Pontbriand, MĂ©moires du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, t. I, Yves Salmon, (1re Ă©d. 1897), p. 53-54
- Jean-Baptiste Kléber, Mémoires politiques et militaires, p. 330.
- Jean-Claude-Gauthier-Louis de Benaben, Correspondance et papiers de Benaben, t. 1, Paris, édités par Arsène Launay, A. Sauton, , 166 p. (lire en ligne), p. 71-74.
- Le Mans : archéologie de la virée de Galerne
- Henri Chardon 1871, p. 104-105.
- Henri Chardon 1871, p. 105.
- Henri Chardon 1871, p. 108.
- Henri Chardon 1871, p. 98-101.
- Henri Chardon 1871, p. 109-114.
- Henri Chardon 1871, p. 121.
- Henri Chardon 1871, p. 122-123.
- Henri Chardon 1871, p. 120-121.
- RĂ©impression de l'ancien Moniteur, t. XIX (lire en ligne), p. 23.
- Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein 1848, p. 346-347
- Jean-Clément Martin, Blancs et Bleus dans la Vendée déchirée, Découvertes/Gallimard, , 160 p. , p. 97.
- André Lévy 1993, p. 78-79.
- Premières fouilles de charniers de Vendéens Six des neuf fosses découvertes ont été presque entièrement fouillées. Elles ne représentent qu'une partie des victimes, puisqu'elles rassemblent en tout près de deux cents squelettes. Les autres ont été ensevelies en dehors du site du chantier. Nombre d'individus portent des traces de très sévères blessures portées par des armes blanches au crâne ou sur les os des bras ou des membres inférieurs.