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Bataille du Mans (1793)

La bataille du Mans (12 et ) est une bataille de la guerre de Vendée, constituant l'un des épisodes de la Révolution française. Elle se solde par la déroute des forces vendéennes face aux troupes républicaines, lors de la Virée de Galerne.

Bataille du Mans
Description de cette image, également commentée ci-après
La bataille du Mans, peinture de Jean Sorieul, 1852.
Informations générales
Date 12 et
Lieu Le Mans
Issue Victoire décisive républicaine
Forces en présence
20 000 hommes15 000 Ă  18 000 hommes
20 000 non-combattants (blessés, femmes et enfants...)
30 canons
Pertes
30 Ă  100 morts,
150 Ă  400 blessĂ©s
10 000 Ă  15 000 morts (combattants et civils)
~ 5 000 Ă  10 000 prisonniers

Guerre de Vendée

Batailles

CoordonnĂ©es 48° 00′ 15″ nord, 0° 11′ 49″ est
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Bataille du Mans

Prélude

Victorieuse Ă  La Flèche après avoir Ă©chouĂ© Ă  franchir la Loire Ă  Angers, l'armĂ©e vendĂ©enne, dĂ©semparĂ©e et toujours harcelĂ©e par la cavalerie rĂ©publicaine, poursuit sa marche en direction du Mans. Ses effectifs sont alors considĂ©rablement rĂ©duits : l'armĂ©e catholique et royale, constituĂ©e de moins de 20 000 hommes, traĂ®ne toujours avec elle des milliers de blessĂ©s, de femmes et d'enfants. De 80 000 personnes au dĂ©part de la VirĂ©e de Galerne, les VendĂ©ens ne sont plus que 40 000. Souffrant de la famine et du froid, ravagĂ©s par une Ă©pidĂ©mie de dysenterie Ă  caractère gangrĂ©neux, atteints par le typhus ou la fièvre putride, ils cherchent essentiellement Ă  se procurer des vivres.

Après avoir dispersĂ© 4 000 rĂ©publicains en une demi-heure Ă  Pontlieue, les VendĂ©ens, dĂ©moralisĂ©s et ayant perdu une bonne partie de leur armement, parviennent cependant Ă  s'emparer du Mans le 10 dĂ©cembre, Ă  4 heures de l'après-midi. Ils se rĂ©pandent dans la ville, oĂą ils trouvent tout le ravitaillement nĂ©cessaire, en vivres et en vĂŞtements. Cependant, le moral reste bas, la maladie continue de faire des ravages et les soldats, trop affaiblis et s'occupant des familles, ne peuvent plus mettre la ville en Ă©tat de dĂ©fense, alors que l'armĂ©e rĂ©publicaine, rĂ©organisĂ©e depuis la dĂ©route de Dol, se prĂ©pare Ă  l'assaut.

La bataille

Défaite des Vendéens au Mans, illustration de Yan' Dargent, 1866.

Le , au petit matin, l'avant-garde rĂ©publicaine, commandĂ©e par Westermann et Muller, fait son apparition devant la ville. Henri de La Rochejaquelein, secondĂ© par Talmont, rassemble alors 3 000 hommes, essentiellement des chouans, et se porte Ă  la rencontre des rĂ©publicains. Il rĂ©ussit Ă  leur tendre une embuscade dans un bois situĂ© près de la ville. Les cavaliers de Westermann, surpris, doivent battre en retraite, tandis que la division Muller prend peur dès les premiers coups de fusil. Les rĂ©publicains sont sur le point d'ĂŞtre Ă©crasĂ©s, lorsque la division du gĂ©nĂ©ral Jacques Delaistre de Tilly, de l'ArmĂ©e des cĂ´tes de Cherbourg, arrive en renfort sur le champ de bataille. CĂ©dant Ă  leur tour Ă  la panique, les VendĂ©ens prennent la fuite et se rĂ©fugient dans la ville. La Rochejaquelein tente alors de rassembler ses forces dispersĂ©es ; la plupart des VendĂ©ens ne se sont mĂŞme pas rendus compte que les rĂ©publicains sont si proches.

Peu de temps après, François Séverin Marceau, général en chef républicain, arrive à son tour sur les lieux de la bataille et fait rassembler toutes ses troupes à Cérans-Foulletourte. Il est suivi de Kléber et des troupes de l'armée de Mayence, dont l'intervention est prévue dans les heures suivantes. Marceau veut attendre l'arrivée de ces troupes avant de passer à l'attaque décisive, mais Westermann, impatient, lance ses troupes à l'assaut, obligeant Marceau à le soutenir.

L'armée républicaine entre dans la ville à la tombée de la nuit, emportant d'assaut toutes les barricades qu'elle rencontre. Les Vendéens sont totalement désorganisés. Le chaos règne dans la ville où, pendant toute la nuit, les combats de rue sont acharnés.

Toussaint du Breil de Pontbriand écrit, plus tard, dans ses mémoires, d'après des témoignages recueillis :

« Rien ne peut égaler la confusion et le désordre qui régnaient dans la ville, les rues étaient remplies de canons, caissons, voitures, équipages de tout espèce, qui encombraient l'armée. Une multitude de femmes et d'enfants cherchaient leurs parents et interrogeaient des gens qui ne leur répondaient qu'en les interrogeant eux-mêmes. On ne pouvait même réussir à se faire indiquer la route de Laval. Les hommes, les chevaux morts, remplissaient les rues, et on ne marchait que sur des cadavres, les cris des blessés, placés sur des voitures ou dans les maisons, comblaient la mesure de cette scène d'horreur[1]. »

La Rochejaquelein, constatant la défaite, ne songe désormais plus qu'à protéger la retraite des survivants en direction de la route de Laval, la seule libre, en passant par la porte Dorée et le pont sur la Sarthe. Les Vendéens déploient quatorze canons à la sortie de la ville. Ils parviennent ainsi à couvrir la retraite des fuyards et à tenir en respect les Républicains.

Cependant, des milliers de Vendéens, non-combattants pour la plupart, retranchés dans des maisons, sont encore bloqués à l'intérieur de la ville. Des groupes de soldats vendéens y forment toujours des îlots éparpillés de résistance, qui parviennent à tenir toute la nuit, avant d'être anéantis par l'artillerie républicaine du général François Carpentier : les canons ouvrent le feu sur les bâtiments d'où partent des tirs, écrasant les civils sous les décombres.

La bataille tourne ensuite au massacre : les blessés, les femmes et les enfants réfugiés dans les maisons en sont délogés et mis en pièces par les soldats républicains. Marceau sauve des milliers de prisonniers, mais il ne peut empêcher le massacre. À ce moment, Kléber arrive en renfort avec ses troupes, mais la bataille est finie. Lui aussi tente en vain de s'opposer au massacre. Dans ses mémoires, il rapporte :

« On ne saurait se figurer l'horrible carnage qui se fit ce jour-là, sans parler du grand nombre de prisonniers de tout sexe, de tout âge et de tout état qui tombèrent en notre pouvoir[2]. »

Certains Vendéens parvenus à sortir de la cité sont reconduits dans celle-ci et livrés à la vindicte, tandis que d'autres sont sauvés par l'intervention de protecteurs, telle la propre mère du général François Roch Ledru des Essarts. De son côté, Westermann rassemble ses hussards et, suivi des régiments d'Armagnac et d'Aunis, se lance à la poursuite des Vendéens. Tous les traînards sont massacrés, la plupart par des paysans sarthois. Cependant, le gros de l'armée vendéenne, réduite de moitié, réussit à gagner Laval le 14 décembre. Les cavaliers républicains restent à distance des faubourgs puis font alors demi-tour.

Quelques heures après la bataille, Benaben la décrit dans un long récit dans une lettre adressée à Jean-Antoine Vial, procureur syndic de Maine-et-Loire[3]. Les corps des victimes sont ensevelis dans des charniers[4].

Rapport du représentant Benaben

Bilan humain

Estimations des contemporains

Les diffĂ©rents rĂ©cits des tĂ©moins de la bataille s'accordent pour dĂ©crire l'ampleur du carnage ; cependant, les estimations du nombre de tuĂ©s divergent. D'après les divers tĂ©moignages, entre 10 000 et 20 000 VendĂ©ens sont tuĂ©s, tant durant les combats qu'au cours des massacres, dont 2 000 Ă  5 000 Ă  l'intĂ©rieur de la ville, les autres dans les campagnes.

Le 13 dĂ©cembre, quelques heures après la fin de la bataille, les citoyens Piau et Dupuis, dans leur rapport Ă  Rochelle, correspondant du comitĂ© de Saint-Calais, Ă©crivent qu'ils n'ont aperçu que des cadavres, aussi bien des hommes que des femmes, depuis Pontlieue jusqu'Ă  la Place des Halles, et que le nombre des morts vendĂ©ens est de 6 000. Ils ajoutent cependant qu'au moment oĂą ils Ă©crivent leur rapport, des voitures ramènent encore au Mans des blessĂ©s et des malades qui vont ĂŞtre fusillĂ©s[5]. Les citoyens BarrĂ© et Boulfard Ă©voquent Ă©galement une perte de 6 000 hommes dans les rangs des VendĂ©ens[6]. Dans un rapport Ă  leur commune, deux citoyens de Mamers Ă©crivent que les VendĂ©ens ont perdu 4 000 hommes, depuis Pontlieue jusqu'Ă  la Croix-d'Or[7].

Le 14 dĂ©cembre, lendemain du combat, le sans-culotte Blavette, autre correspondant de Saint-Calais, Ă©crit avoir comptĂ© 600 cadavres dans les rues du Mans qu'il a parcourues. Il estime le nombre total des morts vendĂ©ens Ă  4 000 hommes « tuĂ©s en combattant ou fusillĂ©s après le combats[8] ». Le mĂŞme jour, Legrand, commissaire du comitĂ© de Saint-Calais, parcourt le Mans et ses environs ; il estime quant Ă  lui le nombre des morts vendĂ©ens de 12 000 Ă  15 000 hommes, tant dans la ville que dans les campagnes[9].

Le 14 Ă©galement, le correspondant de Saint-Maixent Ă©crit que les rebelles ont laissĂ© de 9 000 Ă  10 000 morts depuis Le Mans jusqu'Ă  Coulans. Le lendemain, il ajoute que 500 prisonniers vont ĂŞtre fusillĂ©s et que, sur la route de Laval, Ă  trois lieues au-delĂ  du Mans, « il y avait une plus grande quantitĂ© de cadavres que dans Le Mans mĂŞme[10]. » Deux jours plus tard, un courrier envoyĂ© depuis Vibraye aux administrateurs de Mondoubleau Ă©voque Ă©galement une perte de 9 000 Ă  10 000 hommes chez les « brigands » – c'est ainsi que les VendĂ©ens sont dĂ©signĂ©s par leurs adversaires –, tant au Mans que dans les campagnes[11].

Le 16 dĂ©cembre, Lebreton, correspondant de Mondoubleau, Ă©crit que, de Pontlieue jusqu'au bois de Pannetières, les rebelles ont laissĂ© 6 000 morts, de « l'un et l'autre sexe[12] ». Le 19 dĂ©cembre, le reprĂ©sentant Garnier de Saintes va jusqu'Ă  Ă©voquer une perte de 18 000 hommes chez les VendĂ©ens – cependant, depuis la bataille de Pontlieue, Garnier se trouve Ă  Alençon et n'a donc pas pu assister Ă  la bataille[13].

Du cĂ´tĂ© des royalistes, Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein, Ă  l'Ă©poque Ă©pouse du gĂ©nĂ©ral de Lescure, Ă©crit dans ses mĂ©moires en 1811 que 15 000 personnes ont pĂ©ri dans la dĂ©route du Mans : « Ce ne fut pas au combat qu'il en mourut le plus ; beaucoup furent Ă©crasĂ©s dans les rues du Mans ; d'autres, blessĂ©s et malades, restèrent dans les maisons, et furent massacrĂ©s ; il en mourut dans les fossĂ©s et dans les champs voisins de la route[14]. » Pour Toussaint du Breil de Pontbriand, les combats et les massacres font plus de 20 000 victimes. Celui-ci Ă©crit dans ses mĂ©moires d'après les tĂ©moignages du chef chouan AimĂ© Picquet du Boisguy, lequel combat dans les rues du Mans jusqu'Ă  9 heures du soir : « Les RĂ©publicains massacrèrent de sang-froid les femmes, les enfants, les blessĂ©s et les prisonniers, dont le nombre excĂ©dait vingt mille, et la ville, après ces exĂ©cutions, fut plongĂ©e dans un horrible silence[1]. »

D'après le commissaire Maignan, 2 300 VendĂ©ens sont tuĂ©s Ă  l'intĂ©rieur de la ville, tandis que les pertes rĂ©publicaines s'Ă©lèvent Ă  environ 100 tuĂ©s et au moins 400 blessĂ©s. Dans son rapport, le gĂ©nĂ©ral François SĂ©verin Marceau dĂ©clare que les pertes de ses troupes sont de 30 morts et 150 blessĂ©s. De leur cĂ´tĂ©, les administrateurs rĂ©publicains de la Sarthe Ă©valuent le nombre de morts vendĂ©ens Ă  5 000 Ă  l'intĂ©rieur de la ville du Mans, et Ă  10 000 sur la route du Mans Ă  Laval. Le reprĂ©sentant en mission Benaben Ă©crit mĂŞme que les paysans sarthois y ont tuĂ© un plus grand nombre d'hommes que les soldats rĂ©publicains.

Estimations des historiens

Pour Jean-ClĂ©ment Martin, au moins 10 000 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es dans les combats et la rĂ©pression[15]. Pour AndrĂ© LĂ©vy, 2 500 personnes au moins sont enterrĂ©es sur la place des Jacobins, près de l'hĂ´tel-Dieu, et Ă  Pontlieue[16].

En 2009-2010, neuf charniers contenant les corps d'environ 200 victimes ont Ă©tĂ© dĂ©couverts place des Jacobins, au Mans[17]. L'Inrap, Ă  la suite de cette dĂ©couverte, situe le nombre de victimes entre 2 000 et 5 000[4].

Annexes

Bibliographie

  • AndrĂ© LĂ©vy, Les batailles du Mans : le drame vendĂ©en, Saint-Jean-d'AngĂ©ly, Editions Bordessoules, , 87 p. (ISBN 978-2-903504-62-5 et 978-2-263-01995-1).
  • Henri Chardon, Les VendĂ©ens dans la Sarthe, Imprimerie Edmond Monnoyer, , 323 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Émile Gabory, Les Guerres de VendĂ©e, Robert Laffont, (ISBN 978-2-221-11309-7), p. 312-315.
  • Charles-Louis Chassin, La VendĂ©e Patriote (1793-1800), t. III, Ă©dition Paul Dupont, 1893-1895, p. 412-424.
  • Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein, MĂ©moires de Madame la marquise de la Rochejaquelein, sixième, (lire en ligne), p. 377-383.
  • Jean Tabeur, Paris contre la Province, les guerres de l'Ouest, Ă©ditions Economica, , p. 172-173.
  • Yves Gras, La Guerre de VendĂ©e, Ă©ditions Economica, , p. 112-114.
  • Thierry Trimoreau (dir.) et al. (prĂ©f. Alain Moro), Massacres au Mans en 1793, Le Mans, Ă©ditions SiloĂ«, , 107 p. (ISBN 978-2-84231-473-6).
  • Yves Viollier, DĂ©livre-moi, Paris, Laffont, , 262 p. (ISBN 978-2-221-11701-9).

Liens externes

Notes

  1. Toussaint du Breil de Pontbriand, MĂ©moires du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, t. I, Yves Salmon, (1re Ă©d. 1897), p. 53-54
  2. Jean-Baptiste Kléber, Mémoires politiques et militaires, p. 330.
  3. Jean-Claude-Gauthier-Louis de Benaben, Correspondance et papiers de Benaben, t. 1, Paris, édités par Arsène Launay, A. Sauton, , 166 p. (lire en ligne), p. 71-74.
  4. Le Mans : archéologie de la virée de Galerne
  5. Henri Chardon 1871, p. 104-105.
  6. Henri Chardon 1871, p. 105.
  7. Henri Chardon 1871, p. 108.
  8. Henri Chardon 1871, p. 98-101.
  9. Henri Chardon 1871, p. 109-114.
  10. Henri Chardon 1871, p. 121.
  11. Henri Chardon 1871, p. 122-123.
  12. Henri Chardon 1871, p. 120-121.
  13. RĂ©impression de l'ancien Moniteur, t. XIX (lire en ligne), p. 23.
  14. Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein 1848, p. 346-347
  15. Jean-ClĂ©ment Martin, Blancs et Bleus dans la VendĂ©e dĂ©chirĂ©e, DĂ©couvertes/Gallimard, , 160 p. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article, p. 97.
  16. André Lévy 1993, p. 78-79.
  17. Premières fouilles de charniers de Vendéens Six des neuf fosses découvertes ont été presque entièrement fouillées. Elles ne représentent qu'une partie des victimes, puisqu'elles rassemblent en tout près de deux cents squelettes. Les autres ont été ensevelies en dehors du site du chantier. Nombre d'individus portent des traces de très sévères blessures portées par des armes blanches au crâne ou sur les os des bras ou des membres inférieurs.
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