Bataille de Mortagne (1794)
La bataille de Mortagne[2], qui a eu lieu du 23 au 25 mars 1794, est une bataille de la guerre de Vendée. Le 24 mars, après l'anéantissement la veille d'un détachement de la garnison, la ville est attaquée par les Vendéens. Les Républicains résistent le premier jour mais ils évacuent les lieux le lendemain avec la population et sont harcelés par des groupes de combattants jusqu'à Nantes.
Date | 23 - |
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Lieu | Mortagne-sur-Sèvre |
Issue | Victoire vendéenne |
Républicains | Vendéens |
• Fouquerole | • Jean-Nicolas Stofflet • Charles Sapinaud de La Rairie • Gaspard de Marigny |
Coordonnées | 46° 59′ 33″ nord, 0° 57′ 09″ ouest |
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La bataille
Le 23 mars 1794, la garnison républicaine de Mortagne, forte de 412 hommes, dont 150 habitants armés, est attaquée par les Vendéens estimés au nombre de 5 000 hommes par les patriotes[1].
Le 23 mars, un détachement, commandé par le capitaine Kepher[3], fort de 147 hommes, tombe dans une embuscade à une lieue de la ville, sur la route de La Verrie, seuls 8 hommes, tous blessés, parviennent à regagner la ville[1].
Celle-ci est attaquée le lendemain par les forces réunies des généraux Stofflet, Sapinaud et Marigny[3]. La ville disposant de remparts, les Républicains opposent une bonne résistance et repoussent leurs adversaires, ils ont 1 mort et 12 blessés et estiment les pertes des Vendéens à 200 morts ou blessés[1].
Cependant, se trouvant dans une situation délicate, les Républicains évacuent la ville avec la population le 25 mars, à deux heures du matin pour regagner Nantes. Ils doivent encore combattre dans les ruines de Clisson et du Pallet où ils ont un blessé[1].
Toutefois, le gros des forces vendéennes ne se lance pas à la poursuite des républicains en fuite. Une fois maîtres de la place, les Vendéens fêtent leur victoire et s'enivrent, volontairement ou par accident, ils mettent le feu à la ville, puis se retirent[3].
Les réfugiés républicains arrivent Nantes après 26 heures de marche, ils accusent les généraux de les avoir abandonnés. Cette affaire porte un certain discrédit au plan de Turreau. Le général Cordellier est également accusé car sa colonne se trouvant à proximité, il avait dû entendre la fusillade, mais n'était pas intervenu[1].
« L'expédition mise à exécution par Turreau en date du 20 janvier, et qui devait être finie le 27, a été très-mal exécutée ; de là la prolongation de la guerre.
Turreau a toujours trompé la Convention nationale dans ses rapports. Le jour qu'il arriva de Saumur à Chollet, le feu fut mis au bourg de Trémentines. Cinq cents milliers de paille, autant de foin, et quatre mille boisseaux d'avoine, furent la proie des flammes. Le jour qu'il partit de Chollet pour Tif— fauge, on mit le feu au bourg de la Seguinière : paille, foin, avoine, tout fut brûlé.
Le jour de l'évacuation de Chollet, qui fut faite en deux heures, Turreau fit rebrousser chemin à l'escorte qui accompagnait l'évacuation, ainsi que la caisse de la municipalité qui fut enlevée entre Montaigu et les Soriuières.
La garnison de Morlague, composée de quatre cent douze hommes, a soutenu pendant sept heures une attaque des brigands. Après cette journée, la garnison a été obligée de se replier sur Nantes, parce qu'elle manquait de munitions de guerre. Elle a eu trois combats à soutenir, l'un en entrant à Clisson, l'autre en sortant, le troisième sur la hauteur du Palet.
Depuis le 6 mars, le citoyen Fouquerole, commandant la place de Mortagne, a demandé différentes fois au général en chef des munitions de guerre et du renfort sans recevoir aucune réponse. Le 23, il a envoyé à TifFauge une ordonnance avec dix cavaliers au général Cordellier, pour lui demander des munitions de guerre et du renfort. Ne voyant revenir ni ordonnance, ni renfort, ni munitions, on a été obligé d'évacuer le poste.
Nos généraux sans-culotles ne connaissent nullement le métier de la guerre, mais bien celui de boire du matin au soir.
Turreau a fait évacuer la place de Chollet sans prendre de mesures pour faire escorter les habitans qu'il a exposés à la fureur de l'ennemi, sans faire enlever les subsistances. On u laissé dans la Vendée plus de subsistances qu'on n'en a consommé[1]. »
— Dénonciation de Baron, garde-magasin des fourrages de Mortagne, à la société républicaine de Nantes, contre les généraux dans la Vendée.
« Après les affaires d'Angers et du Mans, sur une proclamation du commandant de Chollet, une grande partie des révoltés étaient rentrés dans leurs foyers, et avaient même rendu leurs armes. Il est de notoriété publique que si tout ce qui restait d'hommes dans les campagnes a repris les armes et se bat avec le courage du désespoir, c'est parce que l'armée du Nord et la division aux ordres du général Huche ont mis à mort hommes, femmes, enfans et vieillards.
Les brigands n'ont point actuellement de canons, ou do moins nous n'en avons pas entendu le bruit.
Le citoyen Lefort et le citoyen Fouquerole qui lui a succédé ont fait réparer les brèches des anciens remparts de Mortagne. Environ cent cinquante citoyens, tristes restes de ses malheureux habitans morts en défendant la liberté, étaient réunis à la garnison. Pendant plusieurs semaines, il a été impossible à la commune et au commandant d'apprendre aucune nouvelle des colonnes républicaines, ni des postes de Montaigu et de Tiffauge ; et ce qu'il y avait de plus triste, c'est qu'il ne revenait aucune des ordonnances envoyées hors de Mortagne.
Le 23 mars, un détachement envoyé pour les fourrages fut cerné par environ deux mille hommes. Le lendemain, à onze heures, la place fut attaquée ; la garnison se défendit avec courage et opiniâtreté. Les brigands furent forcés à la retraite, en annonçant qu'ils reviendraient le lendemain. Il fut décidé, dans un conseil de guerre, que l'on évacuerait à minuit. 11 restait à peine assez de munitions de guerre pour la retraite en cas d'attaque.
Ceux des habitans qui furent avertis et qui avaient assez de force pour faire la route, n'ont pas hésité d'évacuer; il ne reste que quelques femmes, des vieillards et des enfans en bas âge ; il n'y avait aucune voiture de transport. Le départ a eu lieu sur les deux heures, dans la nuit du 24 au 25. Le pont de TifTauge étant coupé, on a pris la route de Glisson. Les brigands ont disputé le passage au bois de Gétigné ; ils ont été repoussés jusqu'à Clisson oii l'on s'est battu de nouveau. On s'est encore battu au Palet, et l'on est parvenu à surmonter tous les obstacles. On a été obligé de passer la rivière à gué, ainsi que les femmes et les enfans; enfin, après vingtsix heures de marche, nous sommes arrivés à Nantes[1]. »
— Rapport de la commune de Mortagne, le 28 mars à Nantes aux représentants en mission.
« La garnison se flatte que les membres de la représentation nationale lui rendront la même justice que les réfugiés qui ont été témoins de son courage ; elle en a pour garant l'approbation que Prieur de la Marne a donnée publiquement au récit de sa conduite.
On nous a accusés d'avoir abandonné notre poste ; des individus, sans doute intéressés à prolonger la guerre de la Vendée, ont eu l'audace de dire qu'il n'y existe plus de brigands. C'est dans votre sein que la vérité se fait entendre et que nous voulons faire éclater notre innocence par le simple exposé de notre conduite. On cherche à vous endormir dans une fausse sécurité ; vous préférerez sans douté le témoignage désintéressé de soldats aux déclamations de certains généraux qu'on ne voit jamais à la tète de nos armées.
Partis de Chollet le 22 février, au nombre de huit cent trente-un hommes pour garder Mortagne par ordre de Huche qui nous fit délivrer à chacun trente à quarante cartouches, nous nous rendîmes dans ce poste. On lui demanda des munitions, il promit d'y pourvoir ; on réitéra les demandes, elles restèrent sans réponse. La garnison s'occupa, avec les patriotes réfugiés, à réparer les fortifications.
Le 6 mars, Chollet fut évacué et bientôt réduit en cendres. Les habitans de cette ville commerçante ne furent point prévenus assez tôt, et ils perdirent tout ce qu'ils possédaient. Des magasins immenses de vivres, d'habillemens pour les troupes, y furent abandonnés, et la majeure partie fut consumée par les flammes. Des volontaires blessés et malades furent trouvés morts dans leurs lits, sans doute que l'on n'avait enlevé des hôpitaux que les moins infirmes.
On cherche à entretenir des communications avec Saumur, on envoie des ordonnances à Turreau : point de réponse.
Un cavalier porteur d'une «dépêche qui, contenait la demande de ninnitions, passe à l'ennemi et l'informe de l'état de la place.
On s'adresse au commandant de Montaigu, qui répond qu'il est tout prêt à envoyer des munitions, mais qu'il n'a pas assez de monde pour fournir un détachement. Il était également dangereux de dégarnir la place de Mortagne pour fournir une escorte pendant sept lieues. On s'adresse au commandant de Tiffauge, point de réponse. Un patriote réfugié, chargé de la même mission, est obligé de revenir sans avoir pu la remplir.
Il ne restait plus d'espoir à la garnison que dans l'approche de quelque colonne, aucune ne se présente.
Cependant le nombre des cartouches était considérablement diminué par les détachemens et les bivouacs. On n'avait plus les mots d'ordre et de ralliement de l'armée. Les soldats fatigués de service tombaient malades; plus de soixante étaient à l'hôpital, manquant de inédicamens; l'ennemi cernait la place de toutes parts.
Le 23, on fit sortir un détachement de cent quarante-sept hommes pour aller à la Verrie chercher des fourrages : il fut enveloppé par une colonne embusquée, et taillé en pièces ; il n'en revint que huit hommes, la plupart couverts de blessures et laissés pour morts.
Le 24, à 11 heures du matin, la place est attaquée par plus de cinq mille hommes ; on ménage les munitions, le feu continue jusqu'à sept heures du soir ; les effbrlspour monter à l'escalade se renouvellent, la résistance augmente en raison de l'audace ; enfin, l'ennemi se retire, après avoir perdu beaucoup de monde.
La garnison, restée sans munitions, ne voit plus de ressources que dans la retraite. Le commandant de la place ne veut pas l'ordonner ; elle est décidée dans un conseil de guerre.
On se met en marche à deux heures après minuit, emmenant les malades, les blessés et les patriotes réfugiés de Mortagne. Tiffauge était évacué depuis plusieurs jours et le pont coupé, ce qui force à prendre la route de Clisson. Enfin, après trois combats et vingt-six heures de marche, la garnison arrive, excédée de fatigues, aux portes de Nantes, où, sans considération pour les malades, les blessés, les femmes et les enfans des réfugiés, on les laisse bivouaquer par un brouillard très-froid et très-épais, quoiqu'ils n'eussent pas mangé depuis un jour et qu'ils eussent passé trois nuits sans dormir.
Sur les sept heures et demie du matin ils entrent sans billets de logement; on les laisse sans pain jusqu'à sept heures du soir qu'on les envoie au camp de Ragon où l'officier, envoyé le 23 avec dix cavaliers, leur apprend qu'il avait rencontré dans le jour la colonne de Cordellier à qui il avait remis les dépêches ; que ce général n'en tint compte en disant que cette démarche était dictée par la peur ; et qu'il fit conduire en prison à Nantes un cavalier qui exposait avec force la détresse de la garnison.
Nous ne craignons pas, citoyens, de dire la vérité, malgré les menaces d'être fusillés; malgré la perfidie de ceux qui ont intérêt d'étendre le théâtre du pillage et de la dévastation pour se partager les dépouilles de leurs concitoyens ruinés ; malgré l'ivrognerie et l'ignorance crasse de ceux des chefs que la voix publique a frappés de réprobation ; malgré l'atroce iniquité de ceux qui, par les horreurs qu'ils ont commises au nom d'une république essentiellement juste et fondée sur les vertus, sont parvenus à augmenter le nombre de ses ennemis, et à changer des citoyens paisibles en rebelles désespérés[1]. »
— « Exposé de la conduite de la garnison de Mortagne, depuis son entrée dans cette place jusqu'à son évacuation, adressé à la société populaire de Nantes », le 28 mars au camp de Ragon.
« Mortagne a été évacué le 25 mars à deux heures du matin. Les brigands, qui en ont été prévenus, y sont entrés le matin au nombre de six mille hommes. L'arbre de la liberté a été coupé, le château incendié, ainsi que les portes de la ville, les fortifications ont été démolies : environ cinquante charretées de grains et farines ont été enlevées et conduites sur la route des Herbiers. Pareille opération a eu lieu le lendemain.
Le 26, douze ou quinze maisons de patriotes ont été brûlées. Marigny, chef de brigands, déguisé en chaudronnier, a tué deux femmes, et en a maltraité une troisième.
La colonne de Grignon est entrée à Mortagne le 28 mars entre onze heures et midi ; celle de Cordellier y est arrivée le même jour à deux heures après-midi. Les deux colonnes sont parties le lendemain avec les soussignées à huit heures du matin, et les ont conduites à Montaigu d'où elles ont été escortées par un détachement jusqu'à Nantes[1]. »
— Déclaration de dix-neuf citoyennes réfugiées de Mortagne, arrivées à Nantes le 2 avril à dix heures du soir.
Bibliographie
- Émile Gabory, Les Guerres de Vendée, Robert Laffont, 1912-1931 (réimpr. 2009), p. 390.
- Charles-Louis Chassin, Les Pacifications de l'Ouest, 1794-1801-1815, t. II, Ă©dition Paul Dupont, 1896-1899, p. 365-374.
- Jean Julien Michel Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans contre la République, t. III, p. 319-324. texte en ligne sur google livres
- Bertrand Poirier de Beauvais, Mémoires inédits de Bertrand Poirier de Beauvais, Plon, , 420 p. (lire en ligne). 275
Notes, sources et références
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