Révolution haïtienne
La révolution haïtienne constitue la première révolte d’esclaves réussie du monde moderne. Les historiens situent traditionnellement son départ lors de la cérémonie vaudoue du Bois-Caïman[2], en . Après treize années de conflit armé qui entrainent des dizaines de milliers de morts et l'émigration massive de quasiment toute la population blanche de la colonie, elle permet l'abolition de l'esclavage dans la colonie française de Saint-Domingue et l'établissement en 1804 d'Haïti comme première république noire indépendante après l'échec de l'expédition française visant à rétablir l'esclavage et le contrôle de la France, les Haïtiens devenant ainsi le premier peuple noir libre du Nouveau Monde.
Date | - |
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Lieu | Haïti |
Issue |
Victoire des rebelles haïtiens Abolition de l'esclavage en Haïti Indépendance d'Haïti Massacre de la population blanche |
Royaume de France, puis République française | Esclaves noirs insurgés royalistes (1791-1793) Grande-Bretagne (1799-1804) Royaume d'Espagne (1793-1795) Royalistes français Rebelles haïtiens (1802-1803) |
1791-1802 • Léger-Félicité Sonthonax • Étienne Polverel • Étienne de Lavaux • Toussaint Louverture (1794-1802) • André Rigaud • Jean-Jacques Dessalines (1794-1802) • Gabriel d'Hédouville 1802-1804 • Charles Leclerc † • Donatien de Rochambeau • Jean-François Debelle † • Edme Desfourneaux • Jean Humbert • Charles Dugua † • Alexandre Pétion (1801-1802) • Jean Hardy • François Joseph Pamphile de Lacroix • Jean Boudet • Jean-Baptiste Brunet • François-Marie Perichou de Kerversau • Jean-Louis Ferrand | 1791-1802 • Dutty Boukman • Jean-François • Georges Biassou • Toussaint Louverture (1791-1794) • Jean-Jacques Dessalines (1791-1794) 1802-1804 • Toussaint Louverture † • Jean-Jacques Dessalines • Henri Christophe • Alexandre Pétion • François Capois • Jacques Maurepas † • Charles Belair † • John Duckworth • John Loring |
60 000 soldats 86 navires de guerre | 55 000 soldats réguliers 100 000 volontaires 31 000 hommes[1] |
militaires : 57 000 morts (37 000 tués au combat 20 000 tués par les fièvres) civiles : 25 000 civils tués | militaires : inconnues civiles : 100 000 civils tués 23 000 morts[1]. |
Guerres de la Révolution française
Batailles
- Bois-Caïman (08-1791)
- Croix-des-Bouquets (03-1972)
- Morne Pelé (01-1793)
- 1re La Tannerie (01-1793)
- Port-au-Prince (04-1793)
- Le Cap-français (06-1793)
- Marmelade (07-1793)
- Fort-Dauphin (01-1794)
- 1re Tiburon (02-1794)
- Acul (02-1794)
- La Bombarde (03-1794)
- 2e Tiburon (04-1794)
- Les Gonaïves (05-1794)
- Port-Républicain (05-1794)
- 1re Dondon (07-1794)
- 2e La Tannerie (07-1794)
- Saint-Marc
- Léogane (10-1794)
- Saint-Raphaël (10-1794)
- Trutier (12-1794)
- 3e Tiburon (12-1794)
- 1re Verrettes
- Grande-Rivière
- Mirebalais (06-1795)
- Las Cahobas (08-1795)
- 2e Verrettes (08-1795)
- Petite-Rivière (08-1795)
- 2e Dondon (10-1795)
- 1re Les Irois (08-1796)
- Jean-Rabel (04-1797)
- 2e Les Irois (04-1797)
- Jacmel
Contexte et préludes
À la veille de la Révolution française, la colonie de Saint-Domingue était d'une prospérité et d'une richesse sans égale dans les Antilles. En 1789, elle était le premier producteur mondial de sucre et de café — la colonie représentait en effet la moitié de l'offre mondiale de café. Son commerce extérieur représentait plus du tiers de celui de la France métropolitaine et un Français sur huit en vivait directement ou indirectement[3]
Le système mercantiliste de l'« exclusif colonial », inventé par Jean-Baptiste Colbert, visait à enrichir la métropole. Il reposait sur le monopole commercial et l’interdiction de l’industrie locale. La métropole fixait les prix.
La société des colons était très inégalitaire : aux riches planteurs, ou « grands Blancs »[4] issus de la noblesse ou de la bourgeoisie du grand négoce, répondait la foule des petits fonctionnaires, employés et ouvriers, appelés « petits Blancs »[4].
Surtout, l'esclavage était particulièrement cruel. Le Code noir de 1685, pourtant édicté pour l'« humaniser », punissait ainsi de mort l'esclave qui aurait frappé son maître (art. 33), voire aurait commis un vol (art. 35). L’esclave avait le statut juridique d’un bien meuble (art. 44). Les abolitionnistes, tels Benjamin-Sigismond Frossard, affirment que le Code noir n'était même pas respecté[5] : l'obligation d'évangélisation était négligée[6]. À la peine capitale prévue, les décisions de justice ajoutaient souvent des supplices pour leur caractère exemplaire, particulièrement en cas de marronnage (esclavage)[7].
L'évangélisation, probablement en progrès au 17e siècle mais en recul au 18e siècle, n'était faite que dans la mesure où elle servait les intérêts des propriétaires. Au 19e siècle elle reste superficielle, malgré le travail des protestants. En général les esclaves reçoivent le baptême, mais ce sacrement a surtout valeur d'entrée dans la société coloniale et il est prétexte à une hiérarchie artificielle au sein des esclaves eux-mêmes. Toutefois, par le système du parrainage, le baptême, au départ un moyen pour le propriétaire d'accroître son emprise sur l'esclave, devient un moyen pour l'esclave de gagner un peu d'émancipation sur le maître[6] - [8].
Enfin, alors que le Code noir ne connaissait que deux catégories d'individus — les libres et les esclaves — les gens de couleur libres (les mulâtres libres et les Nègres affranchis) se voyaient progressivement refuser l'égalité avec les Blancs[9] ; à partir de 1720, des restrictions apparurent : ils ne pouvaient hériter de titres de noblesse, certains emplois leur étaient interdits, ils devaient déférence aux Blancs, etc[9].
Dans ses études sur le Consulat (histoire de France) et sur Napoléon Ier, contemporain de la révolution haïtienne, l'historien Thierry Lentz dresse le portrait des colonies françaises à cette époque. Les Antilles françaises en étaient le fleuron. En 1788 elles comprenaient 600 000 esclaves déportés d'Afrique, 30 000 libres de couleur, et 55 000 Blancs. La France en encourageait la colonisation. Par le système de l'exclusif colonial, elle pouvait espérer continuer à faire prospérer cette rente aux dépens de tout ce qui ne venait pas de la France métropolitaine. Mais ces intérêts ne rencontraient pas toujours ceux des colons. Ayant très mal pris de ne pas avoir été conviés aux États généraux (France), ces derniers réclamèrent une plus grande autonomie, tandis que, inspirés des idées de libération, les Noirs prenaient espoir. L'opinion générale était déterminée par la conviction de la supériorité des Blancs mais ces deniers s'inquiétaient de l'activité de la Société des amis des Noirs et, l'Ancien Régime ayant accepté la création d'assemblées locales de Blancs en Guadeloupe et en Martinique, les colons de Saint-Domingue voulurent en créer une aussi[10].
Si on ajoute à ce tableau les rivalités régionales entre le Nord, plus opulent, le Sud, et l'Ouest séparés par des chaînes montagneuses, l'opposition entre les fonctionnaires et les Blancs créoles (c'est-à-dire nés sur place) ainsi qu'entre les planteurs et les commerçants, le rôle déstabilisateur de l'Espagne, possédant la partie est de l'île, ou de l'Angleterre, on comprend la complexité du déroulement de la révolution de Saint-Domingue.
De leur côté, les révolutionnaires français étaient écartelés entre le principe d'égalité et le réalisme économique[9]. Jules Michelet célèbrera néanmoins Haïti devenue libre dans ses écrits.
Revendications des Blancs et des mulâtres
Les colons de Saint-Domingue considèrent la convocation aux états généraux de 1789 comme une opportunité pour se défaire du système de l'Exclusif. Malgré le refus préalable du roi Louis XVI, ils réussissent à faire accepter six députés à l'Assemblée constituante. Sur place, ils poussent, en le menaçant, l'intendant Barbé de Marbois à regagner la métropole. Puis, fin 1789, ils élisent des municipalités.
Mais la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 leur paraît dangereuse, d'autant que la Société des amis des Noirs, fondée à Paris le — qui compte entre autres membres Brissot, Mirabeau, Condorcet, Étienne Clavière, La Fayette, Benjamin-Sigismond Frossard, Joseph Servan, François Lanthenas, Jérôme Pétion et l'abbé Grégoire —, propose la suppression sans délai de la traite, l'abolition progressive de l'esclavage et l'égalité immédiate des libres de couleur.
Le est créé à Paris le Club de l'hôtel de Massiac, constitué principalement de planteurs de Saint-Domingue. Leur meilleur avocat est le député Barnave. Le , celui-ci réussit à faire voter un décret qui écarte les colonies du droit métropolitain et crée des assemblées coloniales ouvertes aux propriétaires. Sans l'exprimer, la Constituante confirme ainsi l'esclavage. Condorcet, après le vote du décret du , écrit dans ses notes : « Ajoutons un mot à l'article premier de la Déclaration des droits : "Tous les hommes « blancs » naissent libres et égaux en droits" ! Donner une méthode pour déterminer le degré de blancheur »[11].
Les Blancs de Saint-Domingue vont cependant encore plus loin : ils élisent, sans les libres de couleur, une assemblée qui se déclare supérieure au gouverneur général, entend remplacer les régiments royaux par une garde nationale locale et vote même, le , une constitution. En juillet, elle décrète la liberté du commerce. Devant cette sédition, les autorités réagissent en s'alliant les libres. L'assemblée de planteurs est vite renversée. Mais la réaction des Blancs est sanglante : quelques mois plus tard, le colonel de Mauduit, qui a dispersé l'assemblée, est lynché par la foule.
Les libres commencent alors à réclamer l'égalité avec véhémence. Plusieurs sont massacrés par la population blanche. Notamment, le mulâtre Vincent Ogé, pourtant notable aisé, est condamné au supplice de la roue en pour avoir organisé une rébellion armée avec trois cents partisans et pillé quelques habitations. Un autre mulâtre, Julien Raimond, mène le combat à Paris et se lie en 1789 et 1790 à la Société des Amis des Noirs puis en 1791 au club des Jacobins[12].
L'Assemblée de Paris reste indécise quant au statut des libres de couleur. Après avoir confirmé l'esclavage en lui donnant statut constitutionnel le sur demande de Bertrand Barère, elle accorde, le , sur celle de Jean-François Rewbell l'égalité aux libres de couleur nés de père et mère libres, soit moins de 5 % des intéressés. Mais cette évaluation historiographique très répandue est désormais contestée de par le fait que dans les débats parlementaires, ou écrits approbateurs du décret, seuls les Noirs affranchis très minoritaires sont discriminés par l'amendement Rewbell[13]. Seul au côté gauche de l'assemblée constitutante, Maximilien Robespierre, condamna le décret du et l'amendement Rewbell du . Hors l'Assemblée A la société des Amis des Noirs chez Brissot et Clavière on entend également de telles protestations. Mais les choses traînent. Le décret ne part pas pour les iles. Cela suscite de fortes inquiétudes au club des jacobins. Le , Brissot y prononça un discours contre les risques de révocation ; à son tour l'abbé Grégoire en présenta un le 16. Le décret du fut finalement révoqué le sur demande d'Antoine Barnave, d'Alexandre de Lameth, de Charles de Lameth, son frère, de Goupil de Prefeln, d'Adrien Duport (ce dernier pourtant favorable en à la cause des hommes libres de couleur)[14]. Tous les cinq furent, en réaction radiés le lendemain 25, du club des Jacobins sur requête d'Étienne Polverel. L'antiesclavagisme y fait aussi son chemin. Ainsi peu avant au sein du club le même Étienne Polverel participa à un jury, au côté d'Étienne Clavière, de Condorcet, de François Lanthenas, de l'abbé Henri Grégoire (tous quatre membres de la Société des Amis des Noirs), de Jean Dusaulx chargé de sélectionner le meilleur texte, défenseur de la constitution. Les six jurés choisirent, parmi 42 écrits proposés, l'Almanach du Père Gérard par Jean-Marie Collot d'Herbois, œuvre dans laquelle figure une condamnation générale sans équivoque des discriminations raciales et de l'esclavage colonial[15]. Également en Olympe de Gouges donne un avis dans le postambule de sa déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
« Les Colons prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils sont les pères et les frères ; et méconnoissant les droits de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang ». Le dans l'Ami du Peuple Jean-Paul Marat écrit : « Les hommes de couleur ne sont point des lâches comme les Parisiens. Ils ne se laisseront pas faire (...) »[16]. De fait les libres se soulèvent dans plusieurs endroits de l'Ouest et du Sud et remportent des victoires dès l'été 1791. Dirigés par Jacques Beauvais et André Rigaud, les mulâtres prennent même la capitale Port-au-Prince, qui est en grande partie incendiée, en .
Révolte des Noirs et abolition de l'esclavage
Le marronnage, favorisé par le relief montagneux de Saint-Domingue qui offre refuge aux esclaves en fuite, s'instaure dès le début de la traite. Les Noirs réussirent à vivre en groupes dans les forêts. Ils y développent une religion syncrétique des croyances africaines, le vaudou. Le phénomène perdure malgré la traque et la répression féroce. Ces marrons inquiètent les Blancs qu'ils empoisonnent parfois et dont ils brûlent les champs.
Le , à Bois-Caïman, dans la plaine du Nord, de nombreux esclaves décident la révolte, sous l'autorité de Boukman, assisté de Jean-François et Biassou. Ce premier acte de la révolution des esclaves aurait pris la forme d'une cérémonie vaudoue, où en présence de la mambo Cécile Fatiman, un pacte de sang est signé dans le sacrifice d'un cochon noir créole. En quelques jours, toutes les plantations du Nord sont en flammes, et un millier de Blancs massacrés. Malgré la répression où Boukman est tué, des bandes d'esclaves armés persistent dans les campagnes et les montagnes. Dans d'autres parties du pays, des révoltes plus spontanées s'ensuivent. Dès le début de la révolution, les participants au grand soulèvement des esclaves, qui commence en 1791 à Saint-Domingue, proclament leur loyauté au roi et à la religion[17]. La nuit du 22 au 23 août, les esclaves prennent les armes. Les insurgés gagnent du terrain, mais la révolution se prolonge. Les insurgés comptent de valeureux guerriers mais qui n'ont aucune expérience de l'exercice du pouvoir.
La nouvelle arrive seulement à Paris le . Le soulèvement des esclaves entraîne de vifs débats à la nouvelle Assemblée législative de Paris. Celle-ci se rallie progressivement et avec difficulté aux arguments insistants des Girondins ou de leurs proches comme Brissot, Condorcet, Pierre Vergniaud, Élie Guadet, Armand Gensonné, Jean-Francois Ducos et de Jean-Philippe Garran de Coulon. Ceux-ci appellent à l'égalité de tous les hommes libres, quelle que soit leur couleur de peau pour vaincre dans l'immédiat les esclaves insurgés. Le est enfin promulgué ce décret égalitaire[18]. Il est sanctionné par le roi, Louis XVI, le grâce au nouveau ministre jacobin de l'intérieur, Étienne Clavière. L'accord royal est imposé par la constitution de 1791. Le dans La Chronique de Paris, Condorcet demande timidement à ce qu'« au nom de l'Humanité les intérêts des Noirs (esclaves) ne seront pas entièrement oubliés »[19]. Mais on doit aussi signaler qu'à la différence du décret du « la classe intermédiaire » des esclaves affranchis (dont fait partie le futur député noir Jean-Baptiste Belley) bénéficie également des droits à l'égalité civile et civique avec les Blancs. Brissot entend le rappeler, peu avant le vote, dans un discours du . Un petit nombre de députés ont soutenu résolument à son annonce l'insurrection d'esclaves, assimilée par eux à la prise de la Bastille par les Parisiens. Ainsi en est-il le , de Merlin de Thionville, de Jacques Brival au club des jacobins le , à l'assemblée législative le 6, puis quelques jours plus tard, par la présentation d'un vaste plan d'abolition, de Mathieu Blanc-Gilli ; enfin entre août et de Joseph Lequinio dans Les Préjugés Détruits[20]. Hors de l'assemblée la révolte d'esclaves est soutenue avec ferveur par Chaumette dans Les Révolutions de Paris, dans une moindre mesure par Jean-Paul Marat dans l'Ami du Peuple, par Aubin Louis Millin de Grandmaison et François Noël (ce dernier, ancien membre de la Société des Amis des Noirs), dans La Chronique de Paris[21]; ou encore par l'ancien constituant, Dubois-Crancé, dans un portrait élogieux de son ancien collègue antiesclavagiste, Pétion (Véritable Portrait de nos Législateurs)[22]. Le rôle personnel de Maximilien Robespierre sur ces questions est encore sujet à débat[23]. En mai 1792, dans Le Défenseur de la Constitution, il salue le combat des Girondins en faveur de la liberté dans les colonies, précisant qu'il s'agit à ses yeux de l'unique aspect positif de leur bilan législatif et qu'à ce titre il regrette de ne pas les avoir vus manifester « le même zèle » pour « le peuple français » que pour « le peuple de Saint-Domingue ». Ce peuple il le limite aux 26 000 colons métis et Noirs affranchis de la colonie insurgée, mais en admet implicitement « au nom de l'humanité » le bien-fondé de leur insurrection armée[24]. Il entend sans doute aussi prendre ses distances avec ce qu'il appelle « l'injustice » et « l'ingratitude » de Camille Desmoulins (sans le nommer autrement que par un « ceux qui leur ont cherché des torts ») qui reprochait trois mois plus tôt à Brissot, avec des arguments proches de ceux du club Massiac, divisé le mouvement patriote et encouragé le peuple de Saint-Domingue à l'insurrection. En 1794 il paraissait en parfaite osmose avec les trois députés de Saint-Domingue, Dufay, Mills et Belley. En janvier son agent à Lorient Jullien de Paris fil du député montagnard Jullien de la Drôme, lui écrit personnellement pour lui annoncer leur arrivée sous protection. Le 23 avril ces trois députés nouveaux représentants du peuple, inquiets des réticences qu'ils sentent à la Convention et dans ses comités dans la mise en application du décret d'abolition de l'esclavage, lui écrivent personnellement en le qualifiant d'"ami du peuple de Saint-Domingue", "du seul peuple de Saint-Domingue à savoir les jaunes et les Noirs"[25].
Seule parmi les défenseurs des droits des Noirs Olympe de Gouges, et qui réussit enfin à faire éditer en une de ses pièces de théâtre antiesclavagistes, Zamor et Mirza, grâce à l'élection en à la mairie de Paris de Jérôme Pétion, condamne les insurrections des deux peuples de Saint-Domingue au nom de la non-violence.
« C’est à vous, actuellement, esclaves, hommes de couleur, à qui je vais parler ; j’ai peut-être des droits incontestables pour blâmer votre férocité : cruels, en imitant les tyrans, vous les justifiez (...) Quelle cruauté, quelle inhumanité ! La plupart de vos maîtres étaient humains et bienfaisants et dans votre aveugle rage vous ne distinguez pas les victimes innocentes de vos persécuteurs. Les hommes n’étaient pas nés pour les fers et vous prouvez qu’ils sont nécessaires. Je ne me rétracte point j’abhorre vos tyrans, vos cruautés me font horreur »[26]. De tels propos lui valent le persiflage par lettre en d'un Brissotin, le Procureur Syndic de la Commune adjoint du maire Pétion, Pierre Louis Manuel :
« ... Mme de Gouges a voulu aussi concourir à la rédemption des Noirs ; elle pourra trouver des esclaves qui ne veulent pas de leur liberté »[27].
Une autre femme, Rosalie Jullien - Ducrollay femme de Jullien de la Drôme mère donc de Jullien de Paris et aussu amieet admiratrice de Robespierre jusqu'en Thermidor an II se félicita au contraire le 16 avril 1793 de la décapitation à Paris la veille après jugement par le Tribunal Révolutionnaire, de l'ancien gouverneur de Saint-Domingue, Philippe Blanchelande. Il avait été expulsé quelques mois plus tôt par Sonthonax et Polverel de la colonie de apr son ostilité aux droits des Noirs. Rosalie écrit dans une de ses lettres, "il a fait couler à flots le sang des Noirs et des patriotes"[28]. Accompagnée par un jeune Noir Manlius Rosalie a à deux reprises au moins en juin 1793 invité à déjeuner Robespierre et Barère, son ami d'enfance "au nom d'une douce fraternité qui unit les vrais républicains"[29].
Pour faire appliquer la loi du , de nouveaux commissaires civils, Léger-Félicité Sonthonax et Étienne Polverel, sont envoyés à Saint-Domingue, appuyés de quatre mille volontaires de la garde nationale. Après l'arrivée de la nouvelle du , Biassou se nomme « vice-roi » en attendant la libération du roi de France[17]. Les nouveaux commissaires civils débarquent au Cap le , quelques jours avant la proclamation de la République française. Sonthonax annonce le lendemain 19 qu'il entend préserver l'esclavage. Mais c'est lui qui avait écrit un an plus tôt : « Les terres de Saint-Domingue doivent appartenir aux Noirs. Ils les ont acquises à la sueur de leur front » et il ne reçoit que défiance de la part des colons. Brissot l'avait choisi au printemps 1792 « en raison de ses articles énergiques au journal de Prudhomme » (Les Révolutions de Paris) sur « les hommes de couleur »[30], c'est-à-dire ceux relatifs aux mulâtres. Pour autant, informé de l'affiche du , dans le Patriote français du Brissot regrette ce qu'il considère comme « une erreur ». Selon lui, même graduellement, l'esclavage doit un jour être aboli[31]. Les commissaires s'allient aux mulâtres pour s'imposer. Ils rencontrent du succès, notamment à Port-au-Prince. Le au Cap-Français, le nouveau gouverneur Galbaud s'allie aux colons pour renverser les commissaires. Acculés, ceux-ci promettent la liberté à tout esclave qui se battrait pour la République. Des hordes envahissent la ville, la pillent et l'incendient. Dix mille colons s’expatrient. De leur côté, l'Angleterre et l'Espagne, qui avaient déclaré la guerre à la France, attaquent Cap-Français par la mer et par les terres depuis la partie orientale de l'île, possession espagnole. Les Espagnols ont avec eux des colons royalistes ainsi que des bandes d’esclaves révoltés, comme celle de Jean-François et de Biassou, à qui ils ont promis la liberté. À l'été 1793, de nombreux ports et la plus grande partie du pays sont occupés.
À la recherche d'alliés, Sonthonax proclame de son propre chef l'abolition de l'esclavage le dans le Nord de l'île. Un mois plus tard, Polverel fait de même dans le reste du pays. Afin de faire avaliser cette décision, les commissaires civils choisissent trois députés, l'un Blanc, l'autre mulâtre, le troisième Noir — Jean-Baptiste Belley — qu'ils envoient à Paris. Devant le rapport de ces députés, la Convention vote, dans l'enthousiasme, le , la fin de l'esclavage sur l'ensemble de l'île de Saint-Domingue et l'étend aux autres colonies sur demande de René Levasseur, de Jean-François Delacroix, de l'abbé Henri Grégoire, de Joseph Cambon et de Georges Danton. Deux journaux, le Républicain de Charles Duval et le Créole Patriote de Claude Milscent, relatent de manière détaillée la soirée du 16 Pluviôse an II au club des Jacobins[32]. Les trois députés de Saint-Domingue sont accueillis à la Société, présidée par Jacques Reverchon qui leur donne l'accolade, et où Nicolas Maure, Philibert Simond, Antoine-François Momoro, Charles Duval débattent des conditions d'inscription. Le lendemain 17 Pluviôse à la Convention Delacroix, Levasseur, Dufay, Grégoire, Rewbell, Thuriot et Charlier discutent de la rédaction du décret tandis que Coupé de l'Oise propose un plan de redistribution des terres dans la colonie et que Roger Ducos fait préciser que les Français propriétaires d'esclaves dans les colonies non-françaises doivent également mettre à exécution le décret[33]. Le 23 germinal an II- le comité de salut public nomme une commission dans un décret signé par Barère, Collot d'Herbois, Carnot, Billaud-Varenne. La Convention montagnarde ne s'en tient pas là. Elle engage également une répression contre les lobbies esclavagistes. Ainsi, le 17 ventôse an II- sur demande de Dufay, Belley et Mills et par un décret signé Collot d'Herbois et Saint-Just, le Comité de Salut Public fait arrêter deux colons blancs de Saint-Domingue, Page et Brulley qui intriguaient contre eux[34]. Le 19 ventôse an II- tous les autres colons de Saint-Domingue sont appréhendés par la Convention après intervention en ce sens de Jean-François Delacroix, Jean-François Rewbell, Moyse Bayle, Didier Thirion[35]. Mais Page et Brulley gardent à la Convention un autre allié en la personne du député métis de la Martinique, Janvier Littée qui faisait distribuer un pamphlet contre la députation de Saint-Domingue. À Brest, deux membres du CSP en mission, Prieur de la Marne et Jeanbon Saint-André mettent au printemps 1794 en arrestation de nombreux colons esclavagistes de Saint-Domingue expulsés de la colonie par Sonthonax et Polverel. Influencés par la lettre envoyée le 4 Floréal an II-23 avril 1794 que les trois députés de Saint-Domingue avaient écrite à Robespierre ce dernier ainsi que Couthon, Saint-Just, Barère et Jeanbon Saint-André mettent sous surveillance, en messidor an II-juin et , janvier Littée par l'intermédiaire de l'agent Claude Guérin.
Toussaint Louverture et la révolution noire
La Convention Montagnarde n'avait pas accédé à la demande de Bourdon de l'Oise d'abroger son décret de mise en accusation de Sonthonax et de Polverel voté le ce jour-là après intervention de Billaud-Varenne. Ce fut Jean-Jacques Bréard qui les fit réhabiliter le par la Convention Thermidorienne[36]. Le décret du 16 pluviôse an II fut sans doute la seule mesure votée par la Convention montagnarde, qu'après les Thermidoriens, puis le Directoire ne mirent pas en cause. Parmi les tombeurs montagnards de Robespierre[37] nombre d'entre eux étaient des antiesclavagistes déclarés par leurs positions publiques ou leurs signatures d'arrêtés : Dubois-Crancé, Merlin de Thionville, Collot d'Herbois, Brival, Bourdon de l'Oise, Cambon, Maribon de Montaut, Thuriot, Charlier, Charles Duval, Rewbell, Carnot, Barère, Billaud-Varenne, Bayle, Thirion, Prieur de la Côte d'Or ; et même parmi les plus dangereux ennemis de Robespierre, les représentants en mission Tallien et Fouché qu'il avait fait rappeler de Bordeaux et de Lyon pour leurs crimes et rapines[38]. Par ailleurs Grégoire qui ne participa pas au coup d'État, se félicita auprès de ses administrés, le 13 thermidor an II/ de la mort de Maximilien Robespierre (comme de ses quatre proches)[39], le renia après coup dans ses multiples rapports sur le vandalisme mais ne modifia pas d'un iota ses positions sur l'esclavage. Le décret fut même inscrit en 1795 dans la constitution de l'an III : les colonies devenaient des départements. Dans un rapport sur les colonies Boissy d'Anglas salua l'unique mesure positive à ses yeux prise par « la tyrannie ». Et en 1799 Garran-Coulon rendit un hommage similaire au rôle de Danton, que pourtant les thermidoriens s'étaient refusés en 1795 à réhabiliter comme victime de Robespierre. Dans cette optique en 1796 fut créée par des survivants de la société des Amis des Noirs tels que Lanthenas, Grégoire, Benjamin-Sigismond Frossard, Joseph Servan, ainsi que par d'autres antiesclavagistes d'horizons politiques divers comme Garran-Coulon, Jean-Baptiste Say, Charles Duval, Jacques Duplantier, Étienne Laveaux une deuxième société, la Société des Amis des Noirs et des Colonies. Elle avait pour but la consolidation du décret philanthropique et de la départementalisation de Saint-Domingue[40]. Mais dans un souci de concorde à l'instar de Julien Raimond et de Leborgne les colons esclavagistes de Saint-Domingue furent libérés après Thermidor.
Avant comme après Thermidor on pensa à l'intégration linguistique de la colonie. Le 16 Prairial an II- Grégoire avait inséré dans son célèbre rapport sur l'anéantissement des patois l'émancipation linguistique coloniale qu'imposait le langage infinitif des Noirs :
« Les nègres de nos colonies dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d'idiome pauvre comme celui des Hottentots, comme la langue franque qui dans tous les verbes ne connaît guère que l'infinitif ».
La seule vraie rupture qu'impose thermidor est la fin de la lecture à la Convention des lettres de félicitations pour le vote du décret et annonces de fêtes qui affluèrent entre le eet le [41]. Et à ce jour, dans le milieu thermidorien on ne trouve que Jean-Pierre-André Amar et Robert Lindet qui avaient manifesté une hostilité assez active au décret du 16 pluviôse an II, en étroite relation avec Page et Brulley qu'ils ont continué à fréquenter jusqu'à leur arrestation en . Encore ne doit-on pas oublier dans l'enthousiasme abolitionniste le rôle des Dantonistes invoqué au XIXe siècle par l'historien Jules Michelet, dont il perçoit le mouvement comme étant à la gauche des Robespierristes auxquels ils paraissaient « surtout vouloir ôter le monopole de la bienfaisance ». On pouvait alors comprendre que « dans une voie d'attendrissement qui étonnait, alarmait » (...). « L’affranchissement des Noirs, et les scènes d’ivresse et d’enthousiasme qui en résultèrent, attendrissaient encore les cœurs. »[42].
C'est abusivement d'après de nouvelles controverses qu'on a réduit aux XXe et XXIe siècles le discours de Danton prononcé le 16 pluviôse an II à un opportunisme anti-anglais. Ce 16 Pluviôse an II, c'est en premier lieu sous le signe des droits de l'homme dans les colonies que Danton s'exprime ; et assez longuement. C'est une apostrophe apocryphe qu'il n'a peut-être jamais envoyée : « l'Anglais voit s'anéantir son commerce » a fait penser radicalement le contraire. Car elle est absente de la version célèbre du Moniteur Universel comme de la presque totalité des comptes rendus des journaux : seul à l'époque le journal des débats et des décrets l'a rapportée ; et c'est la lutte contre les colons esclavagistes français, alliés de l'Angleterre, qui l'amène à crier « l'Anglais est mort »[43].
L'affranchi Toussaint Bréda — du nom de la plantation au Haut-du-Cap où il est né en 1743 — exerce, malgré sa petite taille, un ascendant, tant par ses origines africaines qu'on dit royales d'Allada que par ses qualités de lettré, de cavalier et de médecin par les plantes (docteur feuilles).
Il devient aide de camp de Georges Biassou, l'un des successeurs de Boukman, qui se rallie aux Espagnols de l'Est de l'île en 1793, afin de combattre les colons et les Anglais. Parmi ses victoires, celle qui ouvre un passage dans la colonie et lui vaut le surnom de « L'Ouverture ».
L'abolition de l'esclavage par les commissaires civils le fait réfléchir. Après un échange de courriers avec le général républicain Étienne Lavaux, en , il refoule les Espagnols à la frontière orientale de l'île puis obtient leur reddition et le traité de San Idelfonso, qui donne à la France toute la partie orientale de l'île. En 1795, il libère l'intérieur des terres.
La Convention l'élève au grade de général en juillet. En mars 1796, le gouverneur Laveaux, qu'il a délivré d'une révolte au Cap, le nomme lieutenant-général de Saint-Domingue.
Toussaint Louverture préfère ensuite éloigner les représentants de l'autorité métropolitaine, y compris Lavaux en et Sonthonax en , pourtant revenu comme commissaire civil, préférant les faire élire députés de Saint-Domingue à Paris, où il a besoin d'appuis et où a été fondé en une deuxième Société des Amis des Noirs, la Société des Amis des Noirs et des Colonies, par Garran-Coulon, Lanthenas et surtout l'abbé Grégoire.
Grâce aux renforts arrivés de métropole en , il intensifie la lutte contre les Anglais qui tiennent de nombreux ports. Lassés d'un combat sans espoir, ceux-ci finissent par négocier directement avec lui lors de l'armistice du 30 mars 1798 et abandonnent Saint-Domingue le .
Guerre contre l'envahisseur anglais 1793-1798
Les 1500 anciens légionnaires noirs de Saint-Domingue ayant participé à la guerre d'Indépendance américaine se mobilisent contre l'envahisseur anglais qui débarque en septembre 1793 après la déclaration de guerre du 1er février 1793, précédée par le lobbying des planteurs français réfugiés à la Jamaïque.
Mais la position anglaise va évoluer après la seconde guerre des nègres marrons de Jamaïque, en 1795-1796, dont la répression à l'aide de chiens est massivement critiquée en Angleterre[44], obligeant à en déporter 568 l'année suivante en Nouvelle-Écosse, au Canada[45] et à prendre en compte la difficulté à maintenir l'esclavage. Le gouverneur de la Jamaïque Edward Trelawny avait déjà trouvé une solution en 1739-40 en reconnaissant en plein Pays Cockpit une « république noire » en échange qu'elle n'aide plus à fuir d'autres esclaves, et les Anglais infléchissent leur politique vers 1796-1797 en envisageant de négocier avec les Noirs libres à Saint-Domingue.
Après le Traité de Whitehall d'avril 1793 signé par les grands propriétaires de Saint-Domingue avec les Britanniques, ils débarquent en deux points de Saint-Domingue le 19 septembre 1793. Le gros de leurs troupes vise avant tout le Nord de la colonie, plus riche, mais il y a aussi 500 hommes de la garnison de la Jamaïque, qui débarquent à Jérémie dans la Péninsule de Tiburon[46], qui s’étend au sud-ouest, avec les villes de Jacmel, Les Cayes et Léogâne[46].
C'est la région d'André Rigaud, qui les repousse temporairement le 4 octobre à Tiburon, où il est ensuite défait en février 1794 puis à nouveau battu en avril 1794 et doit les laisser prendre Port-au-Prince le 1er juin 1794[46]. Rigaud permet alors aux commissaires de la République Sonthonax et Polverel à Les Cayes, son fief de l'extrémité sud-ouest de cette Péninsule de Tiburon. Dans un rapport militaire, Toussaint-Louverture le félicitera d'avoir ainsi « préservé le département du Sud de l'invasion totale qui le menaçait »[47], tout en estimant que Tiburon lui fut abandonnée par le lieutenant-colonel Bradford[47] qui commandait cette place avec 500 soldats, dont une partie fuit vers Les Irois. Occupée par les Anglais depuis février 1794, Tiburon fut ainsi reprise le 29 décembre 1794, par Rigaud via de vrais combats selon une autre version[48], tandis que Léogane, sa plus belle conquête, lui a aussi été livrée[47].
Le 13 juillet 1795, un rapport du Comité de salut public salue les chefs militaires qui, « privés des secours de la métropole, et même des nouvelles de ce qui s'y passait, sont restés fidèles à leur patrie et ont combattu pour elle. »[47]. Un décret de la Convention du même mois nomme Laveaux général de division et gouverneur provisoire[47]. Les colonels Villate, Rigaud et Beauvais, ainsi que Toussaint-Louverturesont nommés généraux de brigade[47]. Rigaud reprit à nouveau Tiburon le 9 décembre 1795[47], à l'issue de la saison de la fièvre jaune, enlevant aux Anglais tout espoir pénétrer dans Les Cayes[47]. Il a participé plus tard à la conquête de Port-au-Prince[46] mais sans remonter vers le nord à la capitale de l'époque, le Cap-Français.
Les anglais ayant eu recours à un grand nombre de soldats des « légions africaines au service de la Grande-Bretagne »[47], en particulier celle connue sous le nom de « chasseurs de Dessources », qui s'était emparée fin 1795 du village des Verrettes[47], au nord de Port-au-Prince, Sonthonax va ensuite scinder l'armée, pour créer des « compagnies franches, composées de nègres et de mulâtres libres »[47], la Légion de l'Égalité, la Légion de l'Ouest, et la Légion du Sud[47].
Le printemps et l'été 1796 voient poindre les premières racines de la « guerre des couteaux ». Le 20 mars 1796, Rigaud, qui accuse Laveaux de favoriser les noirs est arrêté dans la capitale, le Cap-Français, par Jean-Louis Villatte, un noir nommé général de brigade depuis le . Louverture se joint à lui pour libérer le général Laveaux puis équipe 16 000 hommes avec les armes arrivées de France en mai, tandis que 21 juillet 1796 les commissaires civils menés par Sonthonax font arrêter le général Rochambeau qui refuse d’occuper Santo Domingo. Le 6 août 1796, Sonthonax publie au Cap une constitution réclamant convocation d'une assemblée électorale unique[47]et le 24 septembre 1796, six députés pour toute la colonie sont élus parmi lesquels Sonthonax et Laveaux[47]. Au même moment, de « malheureux événements » surviennent en septembre 1796 dans Les Cayes et à Saint-Louis[47], où les victimes ont été évaluées à plus de 200[47] le fief de Rigaud, qui font l'objet d'un rapport défavorable envoyé au directoire par Sonthonax,
Le 15 janvier 1797, Rigaud, inculpé dans cette affaire, déclare qu'il n'abandonnera pas son poste[47]. Il charge alors, sans succès le commandant militaire de Miragoane de proposer à Toussaint Louverture une révolte contre Sonthonax[47]. Toussaint Louverture va cependant pousser Sonthonax à rentrer en France dès l'été 1797. Entre-temps, en février 1797, s'inspirant d'un rapport de Louis-Pierre Dufay, un abolitioniste marié dans une famille sucrière du Nord de Saint-Domingue[49], qui est représentant de la colonie depuis septembre 1793 et acquéreur de plantations dans les années qui suivent, le Conseil des Cinq-Cents subdivise la colonie en 5 départements, tandis qu'en mars le général britannique John Graves Simcoe débarque à Port Républicain, avec pour mission de favoriser les diverses revendication d'autonomie, afin d'enlever Saint-Domingue à la France. Mais en avril Rigaud échoue toujours à reprendre le fort tenu par les Britanniques dans le port de Les Irois et le 3 mai, Louverture, confirmé comme gouverneur de la colonie, est même promu général de division par Sonthonax[47], ce qui irrite Rigaud[47].
Dès juillet dans l'Arrondissement de Vallières, près de l'ex-frontière espagnole, le colonel Henri Christophe, proche de Louverture, neutralise les anciennes troupes pro espagnoles de Jean François « les vendéens de Saint-Domingue », soutenus par les Britanniques. John Graves Simcoe est alors remplacé dès août, par le général John Whyte[50].
« Guerre des couteaux » (juin 1799-mars 1800)
La « guerre des couteaux » ou « guerre du Sud » est parfois présentée comme un conflit entre la « caste » des Noirs, représentés par Toussaint Louverture, et celle « caste » des Mulâtre, censés être représentés par André Rigaud car il a fait partie avant la Révolution française des gens de couleur libres. Cependant, selon l'historien Frédéric Régent, ce conflit n’est pas une question de couleur, mais une lutte pour le contrôle du territoire[51] - [52]. Pour Paul Delmotte, professeur de Politique internationale et d'Histoire contemporaine à l'IHECS, on « peut aussi y voir la main des puissances étrangères »[46].
André Rigaud contrôle un Sud plus accidenté et moins riche[46], plus axé sur le café avec des implantations de gens de couleur libres, séparé par des montagnes[46] des plaines du Nord plus riches[46], où l'esclavage sucrier est plus ancien et plus riche. Conscient comme Louverture de l'opposition du lobby colonial et moins abolitioniste, il préfère se concentrer sur l’égalité entre mulâtres et blancs[46] et constitue son armée avec l’aide de planteurs français[46], qui espèrent que la convention commerciale tripartite de 1799, préparée depuis avril et signée en juin, cinq jours avant le début de la « guerre du Sud », va faire changer la Métropole sur la question de l'esclavage. Prévisible dès 1798[46], elle a pendant 4 ans « cristallisé la division entre Nord noir et un Sud mulâtre »[46].
Le terme de « guerre des couteaux » est cependant aussi utilisé pour les événements survenus dans le Nord de la colonie deux ans plus tard, en octobre-novembre 1801, et qui impliquent aussi Lamour Desrances, « parce que seulement poignards et couteaux avaient été utilisés pour tuer »[53].
La « guerre du Sud » trouve ses racines dans les conflits militaires parfois vieux d'un quart de siècle. Toussaint Louverture a pour lieutenants Henry Christophe et Jean-Jacques Dessalines. En face, André Rigaud est appuyé par Lamour Desrances et Alexandre Pétion.
André Rigaud avait grandi à Bordeaux avant d'être en rôlé, tout comme Henri Christophe et Alexandre Pétion, par un grand planteur de Saint-Domingue, François de Fontanges, chef d'état-major de l'amiral d'Estaing lors de l'expédition du siège de Savannah, point fort de la guerre d'indépendance américaine (1776-1784). Les Anglais avaient concentré leurs forces dans le Sud, en Georgie, grâce à des milliers de loyalistes noirs, les anciens esclaves à qui ils avaient accordé un statut d'affranchis, en échange de leur mobilisation militaire, dans bien des cas contre leurs anciens maitres.
Savannah étant en difficulté, les Français volent au secours des Américains en enrôlant à leur tour une légion de 800 fusiliers noirs de Saint-Domingue, créé par un décrêt de juillet 1779 aux ordres du marquis de Rouvray, qui s'illustre par une attaque héroïque à la baïonnette, qui sauve l'armée franco-américaine en danger[54]. Dès la guerre d'indépendance américaine terminée, François de Fontanges, chef d'état-major de l'amiral d'Estaing lors de l'expédition du siège de Savannah, est nommé le commandant de la partie sud de Saint-Domingue, où s'installent la plupart légionnaire noirs affranchis, où il signe le 23 octobre 1791 à Croix-des-Bouquets un concordat leur accordant les mêmes droits civiques que les colons, qui ont réagi[55] en condamnant à mort , son ancien compagnon d'armes du Siège de Savannah, le métis Jean-Baptiste Chavannes, puis un second pacte de reconnaissance des affranchis en 1792 [56], ce qui déclenche des représailles des colons[57] -[58], l'obligeant à se réfugier dans la zone espagnole de l'Île en 1793.
D'autres partisans d'André Rigaud, comme Pierre Lambert et Louis-Jacques Beauvais[47].
Le 27 , le directoire envoie le général Gabriel de Hédouville, qui dès son arrivée en avril propose sans succès à Louverture de rentrer en France car il désaprouve l'armistice du 30 mars 1798 avec les Anglais. Son administration civile exige des réformes en déplorant un « esprit de vagabondage »[47], surtout favorisé par l'état de guerre permanent[47] depuis 4 ans et demi, , selon la biographie de Toussaint Louverture, écrite en 1877 par le bordelais Thomas-Prosper Gragnon-Lacoste grâce aux manuscrits personnels et archives confiés par Isaac, fils de Toussaint Louverture[59]. Recoupés par les archives et témoignages des pères de l'histoire d'Haïti, Madiou et Ardouin[59], ces « précieux papiers de la collection Gragnon-Lacoste »[59] ont servi pour une autre biographie de Toussaint Louverture, écrite en 1889 par Victor Schœlcher[59]. Ces demandes entrainent des règlements de culture ayant pour objet de rendre le travail obligatoire[47], édictés par Louis-Jacques Beauvais à Jacmel et André Rigaud ailleurs dans le Sud, mais des « moyens vexatoires » ne furent « employés que par Dessalines dans quelques arrondissements »[47]. Au cours de cette période, mi-1798, le secrétaire d'État américain Timothy Pickering confirme que les États-Unis accepteraient la reprise des relations commerciales en cas de victoire de Toussaint Louverture mais le 22 août, André Rigaud récupère la ville de Jérémie.
En août 1798[60] Gabriel de Hédouville est contesté puis chassé en , par une révolte populaire. La veille de son départ, il décharge le général André Rigaud de toute sujétion à l’égard de Toussaint Louverture[47]. Dans la foulée, en janvier 1799 André Rigaud décide ainsi de refuser de reconnaitre l’autorité de Louverture, car ce dernier est accusé de trahison par Hédouville. Port-au-Prince devient le nouveau siège de l'Agence du gouvernement français[47], où le nouveau commissaire de la République Philippe-Rose Roume de Saint-Laurent[61], ex-commissaire-ordonnateur de l'île de Tobago, soutient Louverture contre Hédouville et écrit le 17 janvier 1799 à Rigaud[47], en lui proposant de concerter avec Louverture[47] puis une autre le 22 janvier, où il laisse « percer ses appréhensions »[47], car Rigaud, qui a étendu les frontières de son emprise sur le sud, n'obéit déjà plus[47]. Même s'il renonce à ses prétentions sur le Grand et le Petit-Goâve[47], il ne veut pas abandonner Miragoâne et dès le 25 février 1799 Roume réinstalle l'Agence au Cap-Français[47]. C'est l'époque où le projet de Roume d'invasion de la Jamaïque, s'appuyant sur les armes accumulées pour écraser Rigaud[59], est mis à bas par Toussaint Louverture, qui a ses propres plans, l'amitié de l'Angleterre[59].
En avril 1799, Louverture reproche à Rigaud son insubordination et le soupçonne d'être manipulé par les exilés français. Roume écrit à Rigaud le 27 avril 1799[47], deux jours après la signature d'un premier accord d'approvisionnement avec les États-Unis, une lettre dans laquelle il salue cette décision de Louverture[47], prélude à la signature 13 juin de la convention commerciale tripartite de 1799 avec l'Angleterre et les États-Unis. Quatre jours après, le 17 Jean-Pierre Delva, issu d'une ancienne famille d'affranchis hostiles à Louverture », livre le fort du Petit-Goâve à deux lieutenants de Rigaud, Faubert et Renaud-Desruisseaux. Rigaud y envoie Faubert s’installer pour en faire une partie intégrante du département du Sud. Il livre la place au pillage, massacre tous les blancs puis obtient dans la foulée la chute du Grand-Goâve. C'est le début de la « guerre du Sud ».
Christophe Mornay, accusé de l'inaction de ses troupes au fort du Petit-Goâve, est sanctionné[47]. Dessalines entre avec ses troupes au Port Républicain puis à Léogâne avec 20 000 hommes. Dès octobre, Roume confirme Dessalines commandant en chef de l’armée de l'Ouest et le général de brigade Moyse Louverture est nommé commandant en chef de l’armée du Nord.
Au cours de ce conflit de huit de mois, Lamour Desrances, qui avait constitué un groupe rebelle dans la plaine de l'Arcahaie entre Port-au-Prince et Saint-Marc, après son évasion d'une plantation, est l'un des rares officiers noirs à rejoindre André Rigaud, et il étend la guerre vers le nord-est. Le 30 septembre 1799, il organise « l'escarmouche de Soissons » du nom de la sucrerie de la famille bordelaise des Cellier-Soissons, une embuscade dans la Montagne aux abords de la sucrerie de la famille bordelaise des Cellier-Soissons dans les hauteurs de la Plaine du Cul-de-Sac, à l'est du golfe de la Gonâve dans laquelle tombe une douzaine de blancs d'origine gasconne de la garde nationale de Port-au-Prince, menés par le capitaine Jacques-Joseph Lespinasse[62]. L'officier supérieur Magloire Ambroise sauve lui une centaine de familles, lors du siège de Jacmel, qui est le moment fort de ce conflit militaire, ce qui lui vaudra d'être nommé commandant de Jacmel en 1802 par Jean-Jacques Dessalines. Lors de ce siège de Jacmel, qui dure trois mois, Rigaud reste cantonné dans Aquin[47] mais reçoit le soutien d'Alexandre Pétion, autres métis expérimenté qui avait lui aussi vécu en France, où il avait reçu une formation militaire en 1778[63].
Suites de la « guerre des couteaux »
Toussaint Louverture est sorti vainqueur de la guerre des couteaux[64] mais affaibli. Il a plus d'ennemis que jamais. En , après la prise de Jacmel par Toussaint Louverture, André Rigaud négocie son évacuation et s'embarque pour plusieurs destinations, avec pour objectif la France, en compagnie de deux chefs militaires expérimentés, les métis Alexandre Pétion et Jean-Pierre Boyer[63]. Ils reviendront deux ans plus tard via l'expédition de Saint-Domingue, qui en fait à nouveau des officiers supérieurs.
Le frère d'André Rigaud, François Rigaud, autre chef militaire, et plusieurs de ses compagnons, partent eux pour la Guadeloupe, où ils seront bien accueillis mais plus tard fusillés par les troupes de Napoléon au printemps 1802[62].
Un autre partisan d'André Rigaud, Lamour Desrances et ses compagnons d'armes se dispersent dans les forêts pour échapper à Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines après la défaite.
Le combat contre André Rigaud, démarré cinq mois avant l'arrivée de Napoléon au pouvoir par la force en décembre 1799 s'est continué contre la volonté de ce dernier[65], qui envisage alors d'utiliser les armées haïtiennes pour conquérir la Jamaïque, où la production sucrière s'est envolée.
Toussaint Louverture privilégie dès les mois qui suivent la fin de cette guerre la remise en marche de l'économie en invitant les colons à revenir, y compris ceux qui ont choisi le parti contre-révolutionnaire. Il publie le ,un règlement de culture qui institue le travail forcé puis renforce sa position face à la Métropole, par le déploiement des troupes en janvier 1801 dans la partie espagnole de Saint-Domingue, ce qui ne sera finalement pas apprécié par Napoléon[65].
Malgré cela, le 18 février 1801, Bonaparte nomme Toussaint général de la partie français[65], mais il le fait rayer secrètement le chef noir des cadres de l'armée dès le 29 mars suivant[65]. Trois mois plus tard, le , Toussaint Louverture promulgue la Constitution de Saint-Domingue de 1801 afin d'afficher une stabilité politique, objectif qui vire à la répression sanglante des troubles d'octobre-novembre 1801.
Troubles d'octobre-novembre 1801
Assez peu documentée, une révolte de cultivateurs du Nord a démarré dès « les derniers jours d’octobre 1801 » au cours de laquelle ils sont accusés de massacrer des blancs. Moyse Louverture, neveu et fils adoptif de Toussaint, apparaît « comme le porte-drapeau de la révolte »[66]. Il est alors l'un des deux généraux de division de la colonie[65], avec Jean-Jacques Dessalines, après avoir joué un rôle important dans la conquête de la partie orientale de l'île avant 1795.
Commandant des soldats du Nord, avec sous ses ordres le colonel Henri Christophe, commandant du Cap-Haïtien, il est aussi « inspecteur général de culture » et affirme que les noirs n'ont pas conquis leur liberté pour rester assujettis à des propriétaires blancs via le travail obligatoire[67]. Il demande alors que l'État transfère la propriété de la terre aux officiers, soldats et cultivateurs, alors que la politique agraire de Toussaint Louverture, à la recherche d'alliés internationaux, vise une prospérité plus immédiate, selon l'analyse de Paul Moral[68].
Selon Céligny Ardouin, lors de cette révolte, Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines, ont marché sur les secteurs tenus par les partisans de Lamour Desrances, les obligeant à se disperser dans les forêts[69] - [70]. Dans ses écrits, Toussaint Louverture accusera plus tard Lamour Desrances, en déplorant que Leclerc l'ait fait général de brigade, d'être responsable du fait que les habitants de la Plaine du Cul-de-Sac aient été assassinés car il a poussé les cultivateurs à la révolte et pillé toute cette partie de l'îke[71].
Selon d'autres sources, ces événements porteraient sur « les contradictions d’intérêts spécifiques entre les trois groupes sur la question de la propriété de la terre » les révoltés protestant contre le choix qui venait d'être fait de reconstituer la grande propriété. Le 24 novembre 1801, Moyse Louverture et treize des siens « sont exécutés au Grand-Fort, non loin du Port-de-Paix, après qu'une commission martiale ait rendu un jugement de mort, sur l'ordre » de Toussaint Louverture. Ses aides de camp et secrétaires sont ainsi tous fusillés sans aucune forme de procès, selon le Petit précis historique des annales de la colonie française de Saint-Domingue, conservé aux Archives de la Vienne, recoupé avec le texte publié en 1820 par le général François Joseph Pamphile de Lacroix[72], qui pourrait par ailleurs être l'auteur du précis car sa publication de 1820 « en livre la quintessensce ». François Joseph Pamphile de Lacroix, chef d'état-major de l'expédition de Saint-Domingue avait réussi les négociations et démarches conciliatrices permettant le ralliement d'une large partie de l'armée de Toussaint Louverture au printemps 1802 après celle des milices espagnoles, en reprenant les forts d'Ouanaminthe et de Laxavon, et les abords de la rivière du Massacre.
Toussaint Louverture « a-t-il manœuvré son neveu, qui ne s'est jamais comporté en coupable »[65] ? C'est l'hypothèse développée par plusieurs universitaires et notamment étayée par l'historien Pierre Pluchon dans la revue d'histoire Outre-Mers en 1992[65]. Toussaint Louverture aurait ainsi fait coup double en éliminant un important rival éventuel[65], tout en essayant « d'apaiser le courroux de Bonaparte en lui offrant la tête d'un rebelle à la République »[65].
Pierre Pluchon souligne le contenu de la proclamation du 25 novembre 1801, effectuée au lendemain de cette exécution de Moyse Louverture, dans laquelle Toussaint Louverture se présente en « restaurateur de la paix, de l'ordre social traditionnel, en protecteur de la liberté, de la sûreté des gens et des propriétés, en artisan laborieux du redressement et de la prospérité économiques »[65], une véritable « entreprise de séduction de l'autorité métropolitaine », qui sévèrement « flétrit la mémoire de Moyse Louverture »[65], afin d'assurer la mort à ceux qui seraient tentés de suivre son exemple[65].
Au même moment, autre « geste de bonne volonté à l'égard de Paris », il décide plusieurs mesures de police pour « la sauvegarde des personnes et des biens »[65].
C'est le moment aussi où Toussaint Louverture « rappelle aux commandants militaires » que son arrêté relatif aux cultures du 12 octobre 1800 doit être « exécuté dans sa forme et teneur »[65]. Toutefois, si l'économie de plantation fait l'objet de tant de soins, « rien n'est dit sur la propriété légitime des Habitations, sur la restitution des plantations aux maîtres blancs en règle avec la loi »[65].
Préparatifs de guerre accélérés
Le 20 décembre 1801, dans une seconde proclamation[73], Louverture corrige le tir dans l'autre sens, en flattant les réformes de la Révolution haïtienne[65], notamment la promotion massive des noirs dans l'armée, car il a maintenant acquis « la certitude que Bonaparte, décidé à utiliser le rapprochement franco-anglais »[65], confirmé par les préliminaires signés le 1er octobre 1801, « hâte le départ d'une puissante expédition militaire »[65].
Le 20 décembre 1801, Toussaint Louverture écrit au président de l'Assemblée centrale de la colonie, une première lettre[65], lui demandant de consulter chacun des membres sur le projet de porter les 13 demi-brigades de l'armée de Saint-Domingue, au complet de 1 500 hommes chacune[65]. Le lendemain, une seconde lettre, datée du 21 décembre[65], demande au même président de cette assemblée des mesures de recrutement car l'effectif, en incluant les gardes d'honneur, guides, canonniers et gendarmerie à cheval, se limite à 25 000 hommes[65]. Louverture souligne alors sa volonté d'opposer à la force par la force, au besoin[65], pour préserver la Constitution du 3 juillet 1801[65], pourtant jugée séparatiste par Bonaparte[65].
Confirmant qu'il a envoyé chercher ses enfants, il évoque notamment « les malveillants font courir le bruit que la France viendra avec des milliers d'hommes »[65] et « les nouvelles de la paix entre la France et l'Angleterre, laquelle ne peut être comme certaine, tant que le gouvernement ne me l'annoncera pas officiellement »[65], pour fustiger ceux « qui n'ont pas honte de dire devant des officiers et des soldats, qui depuis le commencement de la révolution, ont répandu leur sang pour le triomphe de la liberté et la prospérité de cette isle, que la France viendra les réduire, replonger les soldats dans l'esclavage et détruire les officiers »[65]
« Pensent-ils que la France veuille, sans motifs, détruire ses enfants de Saint-Domingue, qui, vainqueurs de tous ses ennemis, intérieurs comme extérieurs, lui ont conservé cette colonie, et l'arrachant des mains de l'anarchie, l'ont rendue florissante? »[65].
Louverture se lie alors avec le général Dessalines par de « nouveaux serments »[65], pour « terrifier ce qui restait de Blancs »[65] et « se procurer le plus grand nombre d'armes possible et de hâter les nouvelles levées »[65]. C'est seulement dès lors qu'il oblige tous les habitants à retirer une « carte de sûreté » dans les municipalités[65], fait incorporer les jeunes gens blancs dans l'armée et réunir les autres dans certains ports[65], inspecte les fortifications de l'île[65]. Il fait arrêter Brouet, ex-juge du tribunal civil, propriétaire de magasins à Kingston, en Jamaïque, et au Cap-Français et de la plantation du Grand-Fond[65] qu'il avait « abandonnée à la garde de Dieu et des infidèles », pour désigner la présence des hommes l'Lamour Desrances[65].
Début janvier 1802, en inspection à Santo-Domingo[65], informé de l'arrivée imminente de Leclerc[65], Louverture écrit un nouveau manifeste à l'Assemblée centrale, daté du 22 janvier 1802, soulignant sa volonté de défendre la Constitution de Saint-Domingue[65].
Mais sa stratégie, sur fond d'arrivée surprise de l'expédition de Saint-Domingue, « trois mois plus tôt qu'on lui avait fait espérer »[65], n'est pas de résister par des sièges ou batailles rangées[65] à des Français mieux armés et équipés qui gagnent les deux seuls, La Ravine à couleuvre et la Crête à Pierrot[65], mais de les « harceler »[65] par une « guérilla générale »[65] et imprévisible elle aussi.
Reconquête française et guerre d'indépendance
En représailles, Napoléon Bonaparte, qui signe avec l'Angleterre les préliminaires de la paix d'Amiens le , charge une expédition militaire de reprendre le contrôle de l'île. Composée de plusieurs escadres, réunissant au total trente et un mille hommes à bord de quatre-vingt-six vaisseaux, elle est menée par le général Leclerc, beau-frère de Napoléon.
Toussaint arrête une stratégie de défense de marronnage : lorsque Leclerc arrive au port du Cap en février 1802, il donne un ultimatum de vingt-quatre heures au général Henri Christophe pour lui rendre la ville. Christophe lui répond alors ainsi : « Je ne vous livrerai la ville que lorsqu'elle sera en cendre et sur ces mêmes cendres je combattrai encore ». Les villes sont incendiées et les troupes locales se retirent sur les hauteurs pour pratiquer une guerre d'usure. Les Français investissent le plus souvent des villes en ruines, comme au Cap. Les Noirs résistent, mais reculent devant la puissance de l'armée de Leclerc. À la fin avril, au prix de cinq mille morts et autant de malades ou blessés, les Français tiennent toute la côte.
Les généraux de Toussaint Louverture, dont Henri Christophe (en avril) et Jean-Jacques Dessalines, lors du siège de la Crête à Pierrot, près de Petite-Rivière-de-l'Artibonite, après trois semaines de combat inégal et sanglant en — se rendent aux Français après d'âpres combats, si bien que Toussaint Louverture lui-même accepte sa reddition en . Il est autorisé à se retirer sur l'une de ses plantations, à proximité du bourg d'Ennery, dans l'ouest de l'île, non loin de la côte. Plus tard, en partant pour la France, Toussaint prononcera ces paroles : « En me renversant on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté des noirs qui repoussera par ses racines car elles sont profondes et nombreuses. »
Napoléon promulgue la Loi du 20 mai 1802 qui maintient l'esclavage dans les colonies françaises où il n'avait pu être aboli, ces dernières étant passées sous domination anglaise (Sainte-Lucie, Tobago et Martinique).
Le , Toussaint Louverture est arrêté malgré sa reddition et Jean-Jacques Dessalines, défait par les Français à la Crête-à-Pierrot, participe à cette arrestation[74]. Louverture est déporté en France, il est interné au fort de Joux, dans le Doubs, où il mourra des rigueurs du climat et de malnutrition le , après avoir prophétisé la victoire des Noirs.
Toussaint Louverture neutralisé, Leclerc décide le désarmement de la population et le met en œuvre à grand renfort d'exécutions sommaires ; alors, les chefs de couleur se détachent peu à peu de l'expédition de Saint-Domingue et rejoignent les insurgés, prenant conscience que l'expédition de Saint-Domingue n'avait d'autre but plus important que celui de rétablir l'esclavage à Saint-Domingue.
C'est en apprenant le rétablissement de l'esclavage à la Guadeloupe qu'Alexandre Pétion donne le signal de la révolte, le . À la tête de cinq cent cinquante hommes, il marche contre le principal poste français du Haut-du-Cap, le cerne, le fait désarmer et sauve quatorze canonniers que les siens voulaient égorger : l'armée des « indépendants » est alors formée. Les généraux Geffrard, Clervaux et Christophe viennent se joindre à Pétion, qui accepte de céder au dernier le commandement de l'insurrection.
Dessalines rejoint alors de nouveau les révoltés, dirigés par Pétion, en octobre 1802. Au congrès de l'Arcahaie (15-), Dessalines réalise à son profit l'unité de commandement. C'est lors de ce congrès que naît le premier drapeau haïtien, bicolore bleu et rouge, inspiré du drapeau français dont la partie blanche — considérée comme symbole de la race blanche et non pas de la royauté — a été déchirée. Le , à la tête de l'armée des indigènes, avec à ses côtés Henri Christophe, il impose à Rochambeau — le successeur de Leclerc, mort de la fièvre jaune en novembre 1802 — la capitulation du Cap après la défaite des 2 000 rescapés du corps expéditionnaire français décimé par la fièvre jaune face à plus de 20 000 insurgés à la bataille de Vertières. Rochambeau capitule et négocie l'évacuation de l'île sous 10 jours.
Après le départ des Français, Dessalines redonne à Saint-Domingue son nom indien d'Haïti (Ayiti) et proclame l'indépendance et la république le aux Gonaïves. En février de la même année, il ordonne le massacre de la population blanche restante et des métis[75] à l'exception des prêtres, médecins, techniciens.
La première république noire libre du monde vient alors de naître. L'Empire est proclamé le 22 septembre suivant.
Bilan
Nombre de victimes et d'exilés
Le bilan humain de la guerre patriotique des Noirs contre les Anglais (1794-1798), qui se prolonge par la guerre des couteaux (1799-1800) puis par l'expédition de Saint-Domingue (1801-1804) est particulièrement lourd en vies humaines. À la veille de la révolution, la population de l'île compte environ 550 000 âmes. En 1804, elle est réduite à 300 000.
Selon Claudia E. Sutherland, de l'Université de Washington, 100 000 Noirs sur une population de 500 000 et 24 000 Blancs, sur une population de 40 000, sont morts au terme du conflit[76].
S'y ajoute l'exil massif de la population blanche qui forme les Réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique.
Le 28 février 1806, les États-Unis renversent la politique amicale lancée en 1798 et décrètent un blocus contre Haïti[77]. De riches planteurs américains avaient auparavant contribué à financer l’expédition française pour réprimer ce qu'ils percevaient comme une révolte d'esclaves[78].
En Haïti
L'indépendance d'Haïti installe au pouvoir l'élite de l'armée haïtienne, surtout constituée d'anciens affranchis. Cette élite se divise bientôt en deux factions : les défenseurs d'Alexandre Pétion, principalement mulâtres, et ceux d'Henri Christophe, largement noirs. Ces deux factions, constituant une classe citadine occidentalisée, se disputent le pouvoir tout au long du siècle, la ruralité étant reléguée dans ce que le sociologue Gérard Barthélemy appelle « le pays en dehors ».
Dans la Caraïbe
Dans le monde atlantique, toute rumeur d’esclaves en révolte ou menace d’agitation politique s’accompagnait de la référence à Haïti[79]. Près de 20 000 réfugiés français de Saint-Domingue vinrent s'installer dans la région de Santiago de Cuba, qui restera un bastion de l'opposition à la nouvelle république d'Haïti, qui était géographiquement proche, à environ 200 kilomètres en bateau. Après les émeutes anti-françaises de mars 1809 à Cuba, la plupart durent fuir à La Nouvelle-Orléans, pour grossir les rangs des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique.
En Amérique du Sud
La révolution haïtienne suscite des espoirs, lorsque Alexandre Pétion en fait une base de repli pour les mouvements révolutionnaires d'Amérique latine. Lorsque Simón Bolívar revint en Haïti en , après avoir été battu en juillet à Ocumare et avoir perdu son armée, le gouverneur Escudero installé à Santiago de Cuba fut le premier à informer le général espagnol Pablo Morillo, chef de l'expédition pacificatrice à destination du Venezuela et de la Nouvelle-Grenade du risque couru[80].
Indemnisation de la France et reconnaissance de l'indépendance d'Haïti
Il faut attendre 1825 pour que la France de Charles X « concède » l'indépendance à Haïti, moyennant le paiement d'une indemnité de 150 millions de francs or pour « dédommager les anciens colons ». Renégociée en 1838 à 90 millions (17 milliards d'euros en 2012), cette dette d'indépendance a été entièrement honorée par versements successifs jusqu'en 1883. Cependant, le versement des agios de l'emprunt généré par cette dette s'étalera jusqu'au milieu du XXe siècle. Selon Louis-Philippe Dalembert, cette dette aura contribué à la grande pauvreté qui touche encore le pays[81].
Dimension culturelle
La Révolution haïtienne a pris appui sur une culture enracinée dans le culte des morts, vu comme un relèvement de la mort sociale que subissaient les esclaves, culte à partir duquel ils ont construit un système de reconnaissance mutuelle. Cette capacité à se reconstruire est l'apport original de cette révolution. Le philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel, en étudiant la révolution haïtienne, en retirera la leçon suivante : « Et c’est seulement par la mise en jeu de la vie qu’est ainsi éprouvée et avérée la liberté. L’individu qui n’a pas mis sa vie en jeu peut, certes, être reconnu comme personne ; mais il n’est pas parvenu à la vérité de cette reconnaissance, comme étant celle d’une conscience de soi autonome », écrira-t-il. Ce ne sont plus les philosophes qui enseignent aux peuples, mais ce sont les peuples qui enseignent aux philosophes[82].
Historiographie
La révolution haïtienne a été « trop longtemps occultée », aussi bien par les politiques que par les historiens, selon Jean-Michel Caroit, journaliste au Monde[83], en particulier en France[83], alors qu'elle a « produit une conscience collective, une nouvelle façon de penser la question raciale et de concevoir l'identité nationale », selon l'universitaire Michael Dash[83]. Selon l'histoiren Jean-Pierre Le Glaunec, c'est clairement « la plus spectaculaire du 18e siècle », qui a eu comme rôle « d’une certaine manière, de poursuivre et achever l’œuvre des révolutions française et américaine »[84].
L'Unesco lui a consacré en août 2009 à Port-au-Prince[83] un colloque international l'associant à « l'universal » en estimant que ce fut « un moment-clé de l'histoire de l'humanité »[83].
Le Martiniquais Aimé Césaire[85], le Trinidadien Cyril Lionel Robert James[86], parti militer aux États-Unis, où il a été un spécialiste reconnu de la « question noire », le Cubain Alejo Carpentier[87] et l'Afro-Américain Frederick Douglass furent les premiers auteurs modernes à évoquer l'importance historique majeure de la révolution haïtienne[83], cependant largement analysée dès le XIXe siècle mais oubliée dans les années 1960 et 1970. L'Haïtien Laënnec Hurbon, spécialiste des questions du Vaudou[88] a en particulier déploré que l'esclavage demeure « un impensé de la philosophie politique moderne », y compris chez des auteurs comme Michel Foucault ou Jürgen Habermas[83].
En Europe, mais aussi parfois aux États-Unis, « la presse a construit l'image d'une insurrection sanguinaire et sauvage ne méritant pas le nom de révolution »[83] tandis que des historiens, de Michelet à Renan, « ont nié ou minimisé son impact »[83], certains affirmant un peu rapidement que « le corps expéditionnaire de Napoléon, envoyé pour rétablir l'esclavage (...) n'a pas été défait par les combattants haïtiens, mais par les épidémies » subies par l'expédition de Saint-Domingue[83].
Notes et références
- Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Tome I, p. 313.
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- pièce Zamor et Mirza Editions côté femmes, 1989 préface d'Héleni Varikas ; Jean-Daniel Piquet, L'émancipation... op. cit. p. 139. Voir aussi Olivier Blanc, Olympe de Gouges, Paris, Le Sycomore, 1981 et les débats autour du personnage en 2013 dans les articles de Miryam Perfetti, Florence Gauthier, Olivier Blanc, Sylvia Duverger
- Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs..., p. 139.
- Jean-Daniel Piquet, Jean-Baptiste Belley et Louis Dufay, art.cit. »
- Jean-Daniel Piquet, Jean-Baptiste Belley et Louis Dufay...
- Jean-Pierre Brissot, Mémoires, édition annotée par Claude Perroud, 1909, 3 volumes, tome 2, p. 301 ; Yves Benot, La révolution française et la fin... op cit. p. 126.
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- Yves Benot, « Comment la Convention a-t-elle voté l'abolition de l'esclavage en l'an II ? », Annales Historiques de la Révolution Française,, numéro spécial Révolution aux colonies, 1993 no 3-4 préface de Michel Vovelle
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- Dans ces villes Tallien et Fouché fêtèrent le décret d'abolition de l'esclavage les 18 février et 10 mars 1794
- Pierre Fauchon, l'abbé Grégoire, le prêtre citoyen, Tours, 1989 p. 104 ; Georges Hourdin, L'abbé Grégoire évêque et démocrate, Paris, Desclée de la République, 1989, p. 105 ; Jean-Daniel Piquet, « L'abbé Grégoire, un régicide panthéonisé », Cahiers d'histoire Espace Marx, no 63, 2e trimestre 1996, p. 71.
- Marcel Dorigny, Bernard Gainot, La Société des Amis des Noirs (1788-1799), Contribution à l’histoire de l’abolition de l’esclavage, Ed. Unesco, 1998.
- Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution 1789-1795-1802, Paris, PUF, 1992
- Jules Michelet, Histoire de la révolution française, Paris, Robert Laffont, 2002 (1979), 2 volumes, tome 2, livre XVII, « les Dantonistes essaient de désarmer la dictature », p. 727.
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- « Fin de campagne à Saint-Domingue, novembre 1802-novembre 1803 », par Bernard Gainot et Mayeul Macé, dans la revue Outre-Mers en 2003
- Understanding Slavery Initiative
- La Guerre des couteaux (1799-1800) par Paul Delmotte, professeur de politique internationale et d'histoire contemporaine à l'IHECS
- Biographie de Toussaint Louverture, écrite en 1877 par Thomas-Prosper Gragnon-Lacoste, de la Commission des Monuments historiques, auteur de plusieurs ouvrages sur Saint-Domingue
- Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Tome I, . texte en ligne sur google livres.
- « Louis-Pierre Dufay, député abolitionniste et homme d’affaires avisé », par Jean-Charles Benzaken, dans les Annales de la Révolution française en avril-juin 2012
- Projet Louverture
- Frédéric Régent, op. cit., p. 256
- « L’incessante lutte des masses haïtiennes pour la liberté et leur existence », par Franck Laraque, dans la revue trilingue haïtienne d’études politiques et littéraires, Tambour
- Franck Laraque dans L’incessante lutte des masses haïtiennes pour la liberté et leur existence, dans la revue trilingue haïtienne d’études politiques et littéraires, Tambour
- Cahiers d'Haïti-25 avril 1944: 165° Anniversaire du départ du corps des chasseurs volontaires haïtiens qui s'en allèrent aux États-Unis d'Amérique dans leur lutte pour l'indépendance. « Ici se sont réunis les chasseurs volontaires de ce pays en instance de départ sous les ordres du comte d'Estaing pour la campagne de Géorgie. Plaque offerte par le comité du rapprochement haïtiano-américain »
- Beaudoin Ardouin, Étude sur l'Histoire d'Haïti, ed. Dezobry et E. Magdeleine, 1853, T-1, p. 367. « 4000 mulâtres à la Croix-des-Bouquets, réclament le bénéfice du décret du 15 mai 1791 de la Constituante accordant l'égalité des droits aux libres »
- Michel Placide JUSTIN, Histoire politique et statistique de l'île d'Hayti, Saint-Domingue ed.Brière, Paris, 1832, p. 232- : « Le maréchal de camp de Fontanges, commandant le cordon de l'Ouest, se hâta de reconnaître l'ancien pacte fédératif de Saint-Marc et de La Croix-des-Bouquets, et épargna par cette démarche le petit nombre de colons qui avaient échappé aux premiers massacres. Les chefs militaires de la colonie et toutes les paroisses de l'Ouest, à l'exception de Port-au-Prince, suivirent l'exemple de ce chef »
- Général Pamphile de Lacroix, La Révolution de Haïti, Paris , 1995, réédition annotée par Pierre Pluchon, (index biographique. Page 475)
- JUSTIN, p. 233 ibidem: « L'Assemblée coloniale, après avoir fait emprisonner tous ceux des officiers qui refusaient d'obéir aux ordres, fit marcher sur la Croix-des-Bouquets toute la garnison qui se trouvait dans la place et arriva le 23 mars dans le bourg... »
- Vie de Toussaint-Louverture par Victor Schœlcher, compte-rendu de lecture par Jean Fouchard dans la revue Outre-Mers en 1986
- Frédéric Régent, op. cit., p. 257
- Rapport de Philippe-Rose Roume sur Sa Mission À Saint-Domingue, Qualité de Commissaire-National-Civil réimprimé en 2017.
- La révolution haïtienne au-delà de ses frontières, par Giulia Bonacci en 2006
- Jean-Jacques Dessalines. Paroles D’Outre-Tombe, par Jean Sénat Fleury, Éditeur Xlibris US, en 2018
- Frédéric Régent, op. cit., p. 258
- Toussaint Louverture défie Bonaparte. L'adresse inédite du 20 décembre 1801 par Pierre Pluchon dans la revue d'histoire Outre-Mers en 1992
- « Points de repères historiques pour comprendre l’Haïti d’aujourd’hui », Pouvoirs dans la Caraïbe 1998 https://journals.openedition.org/plc/643?lang=en]
- Thomas Madiou, Histoire d’Haïti Tome II, 1799–1803, éditions Deschamps, 1989, cité par Franck Laraque dans L’incessante lutte des masses haïtiennes pour la liberté et leur existence, dans la revue trilingue haïtienne d’études politiques et littéraires, Tambour
- Paul Moral, Le Paysan Haïtien. Étude sur la vie rurale en Haïti, aux éditions Fardin en 1978, cité par Franck Laraque dans L’incessante lutte des masses haïtiennes pour la liberté et leur existence, dans la revue trilingue haïtienne d’études politiques et littéraires, Tambour
- Céligny Ardouin, COMMENT SE CONCERTA LUTTE POUR L'INDÉPENDANCE (lire en ligne), p. 30 in Solon Ménos, Dantès Bellegarde et Georges Sylvain, Auteurs haïtiens: Morceaux choisis, Impr. de Mme F. Smith,
- Toussaint L'Ouverture, Toussaint L'Ouverture: A Biography and Autobiography, 308–309 p. (lire en ligne)
- Toussaint L'Ouverture (trad. Beard, J. R. (John Relly)), Toussaint L'Ouverture: A Biography and Autobiography, Boston, James Redpath, , 308–309 p. (lire en ligne)
- Mémoire pour servir à l'histoire de la Révolution de Saint-Domingue par François Joseph Pamphile de Lacroix
- retrouvée seulement au début des années 1990 par Monique Pouliquen, conservatrice en chef aux Archives nationales
- Victor Schœlcher, Vie de Toussaint Louverture, P. Ollendorff, 1889, p. 348.
- Jean-Marcel Champion, notice biographique consacrée à « Jean-Jacques Dessalines » dans le Dictionnaire Napoléon, op. cit., p. 599.
- Claudia E. Sutherland, Haitian Revolution (1791-1804), blackpast.org.
- https://haitianaute.wixsite.com/1804/post/talleyrand-demande-aux-am%C3%A9ricains-de-cesser-tout-commerce-avec-haiti-apr%C3%A8s-l-ind%C3%A9pendance
- Pierre Branda et Thierry Lentz, Napoléon, l'esclavage et les colonies, Éditions Fayard, , p. 186
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- La révolution haïtienne, trop longtemps occultée, par Jean-Michel Caroit le 29 août 2009 dans Le Monde
- « La révolution haïtienne, le saut impensable d’anciens esclaves dans la citoyenneté », le 11 mars 2020 sur Radio Canada
- Cahier d'un retour au pays natal, par Aimé Césaire.
- Les Jacobins noirs par Cyril Lionel Robert James
- Le Royaume de ce monde par Alejo Carpentier.
- Laënnec Hurbon, Comprendre Haïti. Essai sur l'État, la nation, la culture, Paris, Karthala, 1987
Voir aussi
Sources
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- Yves Benot, La révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1987-2004
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- Justin Chrysostome Dorsainvil, Manuel d'Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, 1929.
- Laurent Dubois, Les Vengeurs du Nouveau Monde. Histoire de la Révolution haïtienne, Rennes, Les Perséides, 2005 (ISBN 978-2-915596-13-7).
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- Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution 1789-1795-1802, Paris PUF, 1992
- Philippe R. Girard, Ces esclaves qui ont vaincu Napoléon. Toussaint Louverture et la guerre d’indépendance haïtienne (1801-1804), Rennes, Les Perséides, 2013.
- Alejandro E. Gómez, Le Spectre de la révolution noire. L'impact de la révolution haïtienne dans le monde atlantique, 1790-1886, Rennes, PUR, 2013.
- Jean Jaurès, Histoire socialiste de la révolution française, tome 2, Editions sociales, 1968 La Législative.
- Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala, 2002.
- Jacques Thibau, Le temps de Saint-Domingue ; l'esclavage et la révolution française Paris, Jean-Claude Lattès, 1989.
Œuvres de fiction
- Romans :
- Alejo Carpentier, El reino de este mundo, 1949, en français Le Royaume de ce monde.
- Jean-Baptiste Picquenard, Adonis, ou le bon nègre, anecdote coloniale, 1798.
- Victor Hugo, Bug-Jargal, 1819 et 1826. Ce premier roman de l'auteur est inspiré en partie de Adonis, ou le bon nègre.
- Madison Smartt Bell, Le soulèvement des âmes [« All Souls' Rising », 1995], trad. de Pierre Girard, Arles, France, Actes Sud, 1999, 597 p.
- Isabel Allende, L'Ile sous la mer, 2011.
- Film : Gillo Pontecorvo, Queimada, 1969.
- Théâtre : Heiner Müller, La Mission, souvenir d'une révolution, 1979.
Articles connexes
La Légion du Sud
- André Rigaud (1761 - 1811)
- Alexandre Pétion (1770 - 1818)
- Lamour Desrances
La Légion du Nord
- Henri Christophe (1767-1820)
- Toussaint Louverture (1743 -1803)
- Jean-Jacques Dessalines (1758 - 1806)
- Jean-Louis Villatte (1751-1802)
- Nicolas Geffrard (1761-1806)
- Augustin Clerveaux (1763-1804)
Les combattants exilés dans l'Empire Espagnol
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- La société esclavagiste cubaine et la révolution haïtienne, par Ada Ferrer, Université de New York.