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Expédition de Saint-Domingue

L'expédition de Saint-Domingue débutant en décembre 1801 et s'achevant en novembre 1803, est décidée par le Premier Consul Bonaparte sous l'influence du lobby colonial, mené par le Deuxième Consul Jean-Jacques-Régis de Cambacérès, ex-avocat des propriétaires d'esclaves, et deux conseillers influents pour les affaires coloniales, François Barbé-Marbois et le planteur Malouet. Pendant deux ans, ils ont hésité, imaginant d'abord utiliser Toussaint Louverture, esclave noir affranchi devenu général de la République française, qui a conquis la partie espagnole de l'île en 1795 puis obtenu l'armistice du 30 mars 1798 avec les Anglais, à qui les propriétaires d'esclaves avaient offert la partie française de colonie dès 1794.

Expédition de Saint-Domingue
Description de cette image, également commentée ci-après
La Bataille de Saint-Domingue, huile sur toile de Janvier Suchodolski, 1845, Musée de l'Armée polonaise, Varsovie.
Informations générales
Date -
Lieu Saint-Domingue
Casus belli Constitution du 8 juillet 1801 proclamée par Toussaint Louverture
Issue Défaite du corps expéditionnaire français
Indépendance de Saint-Domingue en 1804 sous le nom d'Haïti
Épuration ethnique de Haïti
Changements territoriaux Perte de la colonie de Saint-Domingue pour la France
Belligérants
Drapeau de la France République française Révolutionnaires Haïtiens
Commandants
• Charles Leclerc †
• Donatien de Rochambeau
• Charles Dugua †
• Jean-François Debelle †
• Louis Villaret de Joyeuse
• Louis de Latouche-Tréville
• Edme Desfourneaux
• Jean Humbert
• Alexandre Pétion (1801-1802)
• Jean Hardy
• François Watrin †
• François Joseph Pamphile de Lacroix
• Jean Boudet
• Jean-Baptiste Brunet
• François-Marie Perichou de Kerversau
• Jean-Louis Ferrand
• Pierre Bénézech † (préfet colonial)
• Toussaint Louverture †
• Jean-Jacques Dessalines
• Jacques Maurepas †
• Charles Belair †
• Henri Christophe
• Vernet
• Alexandre Pétion (1802-1803)
Forces en présence
31 000 hommes16 000 hommes (1802)
22 000 hommes (1803)
Pertes
22 000 morts

RĂ©volution haĂŻtienne

Batailles

Son armée, « la plus puissante des Antilles »[1], aguerrie par ces combats et immunisée contre les maladies tropicales, pouvait servir à attaquer la Jamaïque anglaise[1], devenue depuis quelques années la première productrice mondiale de sucre, voire le Mexique espagnol[1] et ses riches mines d'argent. Mais ces projets sont balayés par les négociations de paix avec l'Angleterre relancées dès le printemps 1801.

L'expédition est commandée par le général Leclerc, beau-frère de Napoléon, qui lui fixe finalement pour objectif de renverser Toussaint Louverture, sans parvenir à convaincre que sera préservée l'abolition de l'esclavage, proclamée unilatéralement à Saint-Domingue le dans le cadre de la révolution haïtienne, puis votée pour l'ensemble des colonies par la Convention nationale, à l'initiative de l'abbé Grégoire, le .

À la Guadeloupe voisine, l'esclavage est rétabli de force en mai 1802 par l'expédition du général Richepanse, qui suit de peu celle de Saint-Domingue et se heurte à la résistance du colonel noir Delgrès. Une loi de rétablit l'esclavage officiellement à la Guadeloupe, contribuant à la prolongation des combats à Saint-Domingue, où l'expédition semblait victorieuse dès le mois de mai, mais où la déportation de Toussaint Louverture en juin n'a pas découragé son bras droit, le général noir Dessalines, de poursuivre le combat, les cultivateurs refusant l'ordre de désarmement imposé par Paris en juin, qui est pour eux synonyme de rétablissement de l'esclavage.

Le corps expéditionnaire de Saint-Domingue est décimé par la fièvre jaune. Le commandant de l'expédition, le général Leclerc, et celui de l'expédition de la Guadeloupe, le général Richepanse, succombent à la maladie. Leclerc est remplacé fin 1802 par son second, le général Rochambeau, qui est défait par le Jean-Jacques Dessalines à la bataille de Vertières, .

Contexte

La Révolution française entraîne de grands bouleversements sociaux, dont le plus important est la révolte des esclaves qui aboutit à l’abolition de l'esclavage en 1793 par les commissaires civils Sonthonax et Polverel. Cette décision fut avalisée et généralisée à l’ensemble des colonies françaises par une loi votée en par la Convention nationale, six mois plus tard.

Toussaint Louverture, nommé Gouverneur par la nouvelle République Française, rétablit ensuite la paix avec les Anglais, qui avait envahi Saint-Domingue à la demande des grands propriétaires d'esclaves. Il obtient l'armistice du 30 mars 1798 puis un accord commercial anglo-américain en 1799. Une partie des esclavagistes français fuient, formant la diaspora de Saint-Domingue: Louisiane, Jamaïque et les 7000 exilés à Cuba, qui lancent la quasi-guerre et la piraterie esclavagiste de la Caraïbe.

Le coup d'État du 9 novembre 1799 change la donne car il place le général Napoléon Bonaparte au pouvoir. Ce dernier envisage une expédition dès puis en tente une en mais abandonne le projet car les Anglais risquent de s'y opposer. Par la suite Napoléon considère que Toussaint Louverture est allé trop loin en révoquant le Don Joaquino Garcia, gouverneur de la partie orientale de l’île, cédée par l'Espagne à la République française six ans plus tôt lors du traité de paix de Bâle. Toussaint Louverture souhaitait à cette occasion déployer des soldats dans cette partie orientale, pour y décourager un débarquement de Napoléon. La constitution du , par ailleurs jugée autonomiste par Napoléon, constituera un autre prétexte pour lancer l'expédition.

Sous l’influence insistante des créoles et des négociants en matières premières et en esclaves, le Premier Consul décide d'envoyer son beau-frère le général Leclerc, avec pour instructions de ménager Toussaint Louverture. Afin de lui prouver la bienveillance du gouvernement, on lui renvoie ses deux fils élevés en France par le gouvernement. Depuis 4 ans, l'article 2 de l'arrêté du 30 thermidor an IV, décidé sous le Directoire, confirmait en effet la nomination de Toussaint-Louverture au grade de général de division et ordonnait de prendre en charge l'éducation en France de ses deux fils accompagnés de leur précepteur Jean-Baptiste Coisnon.

Bonaparte avait prĂ©vu dès son arrivĂ©e au pouvoir en 1799 la rĂ©sistance de la part de Toussaint, et toutes les mesures sont prises fin 1801 pour la vaincre : Louverture ne dispose tout au plus que de 16 000 hommes[2], Leclerc recevra donc le commandement de 30 000 hommes, provenant d’à peu près toutes les armĂ©es françaises, ainsi que de corps disciplinaires[3].

Deux ans d'hésitations et de préparation

L'expédition de Saint-Domingue est envisagée par Napoléon dès le lendemain de son Coup d'État du 9 novembre 1799. Mais après plusieurs tentatives prudentes et limitées, il n'investira les deux-tiers de la Marine française qu'en décembre 1801. Reconquérir la colonie par la force, allait de pair avec un rétablissement de l'esclavage, selon l'historien Philippe Girard, mais Napoléon, pragmatique, a d'abord tenu compte du fait que ce serait difficile dans la ville.

Pendant deux ans, c'est l'hésitation persistante de Napoléon à ce sujet qui va prévaloir. Au cours de cette période, propriétaires d'esclaves, officiers, et bureaucrates transmettent au ministère de la marine d'un « déluge de mémoires et de pétitions », conservés dans les archives, pour tenter de peser sur Napoléon[1], conscient que la domination navale britannique empêchait ses navires de participer[1] à une expédition en trop grand nombre. Toutes sortes de scénarios sont étudiés avec pragmatisme : selon l'historien Thierry Lentz, Napoléon a même un moment imaginé maintenir l'abolition dans la partie ouest de l'île et l'esclavage dans l'autre[4].

L'esclavage avait la préférence de Napoléon « puisqu’il le rétablit où le maintint partout où il le put »[1], mais il a tenu compte du fait que ce serait difficile à Saint-Domingue, la population noire y étant cinq fois plus nombreuse qu'en Martinique et bien armée[1]. Napoléon n'a ensuite pas cessé pendant ces deux ans d'hésiter entre deux choix difficilement compatibles[1]: s’allier à Toussaint Louverture, « dont l’armée était la plus puissante des Antilles »[1], et immunisée contre les épidémies tropicales, afin de conquérir la Jamaïque voire le Mexique, ou au contraire « rétablir l’autorité blanche par le biais d’une expédition militaire » assez massive pour se passer d'un accord avec Toussaint Louverture[1]. Parmi les différents projets d'invasion transmis par ses conseillers[1], c'est celui de s'emparer de la Jamaïque, qui avait doublé sa production de sucre en profitant du vide créé par la Révolution haïtienne, qui prévalait[1].

En , dès son arrivée au pouvoir, Napoléon envisage d'envoyer une expédition maritime à Saint-Domingue[1], mais quelques jours plus tard décide à la place d’envoyer plutôt trois émissaires pour renouer les liens avec Toussaint Louverture[1]. En janvier 1800, il prépare une autre flotte, qui fut dispersée par une tempête, puis envoyée en Egypte[1]. En février 1801, une troisième flotte est destinée, cette fois officiellement, dans la capitale, mais elle sert finalement de ruse pour détourner l'attention de la Marine anglaise et ainsi faciliter le départ de renforts pour l’Egypte[1]. C'est finalement au cours du même février 1801 que Napoléon décide « enfin quelle politique il allait embrasser: celle de s’allier avec Louverture »[1], dont les enfants étudiaient en France[1]. Il lui adresse une lettre signée de sa main, égard peu commun pour un simple gouverneur, annonçant que l’abolition serait maintenue dans la ville[1]. Mais cette lettre ne fut jamais envoyée[1]: Napoléon décida à la place de radier Louverture de la liste des officiers[1].

Vient alors de se produire un événement grave: l'assassinat début mars 1801 par une conspiration de Paul Ier, empereur de Russie[1]. Et son fils Alexandre Ier de Russie ne partage pas ses options de politique étrangère aventureuse, notamment le projet de s'emparer d'une partie de l'Inde britannique. L’idée d'en profiter, pour la France, en menant une attaque simultanée contre la Jamaïque, également britannique, tombe soudain à l'eau[1].

Le contexte était déjà à la paix depuis le traité de Lunéville signé le par les Autrichiens, suivis du Royaume de Naples. Peu après la mort du Tsar, l'Angleterre ajuste sa diplomatie et transmet à la France ses premières propositions de paix vraiment sérieuses[1], qui vont ensuite évoluer. Pour Bonaparte, elles ont d'abord l'inconvénient de devoir renoncer à l'Egypte, l'un de ses premiers champs de bataille[1]. Mais les Anglais accepte finalement de rendre à la France la Martinique, qui abandonne aussi en échange Naples, Rome et des droits de pêche, et dès octobre 1801, des préliminaires de paix sont signés entre les deux pays[1]. Le même mois Alexandre Ier avait signé une convention de paix secrète avec Napoléon le .

Entre-temps, ce dernier a lui aussi changĂ© ses plans. Puisqu'il doit renoncer Ă  tout projet d'envahir la JamaĂŻque, et que la paix avec l'Angleterre se dessine, il n'a plus besoin de l'armĂ©e de Toussaint Louverture. Le , un mois et demi après l'assassinat du Tsar, NapolĂ©on ordonne de rĂ©unir 3 600 soldats Ă  Brest[1], pour former le noyau dur de l'expĂ©dition de Saint-Domingue[1], qui prend la Mer six mois plus tard après avoir vu entre-temps son effectif multipliĂ© par cinq.

Alerté, Toussaint Louverture, venait d'installer des troupes dans la partie orientale de son île, cédée en 1795 à la France par l'Espagne, afin d'empêcher Napoléon d'y débarquer[1]. Au cours de cette même année 1801, Toussaint Louverture tente renforcer ses liens avec l'Angleterre, en proposant aux planteurs de Jamaïque de vendre leurs esclaves[1], pour en faire des "cultivateurs libres" mais astreints au travail obligatoire[1]. Pour les rassurer, il diminue le salaire de ces derniers[1] et rédige même à l'été 1801 une constitution autoritaire[1]. Les délais de plus de deux mois pour échanger des lettres de l'Europe à la Caraïbe compliquent sa tâche mais aussi celle de Napoléon: à partir de décembre 1801, Paris est contraint de déléguer les décisions, une fois démarrée l'expédition[1], à son chef, Charles Victoire Emmanuel Leclerc, beau-frère de Napoléon, nommé d'avance capitaine général de la capitale. Peu avant son départ, le , Napoléon signe une nouvelle lettre promettant de maintenir l’abolition de l’esclavage[5].

L'expédition

L'île d'Hispaniola

C'est le , alors que la paix n'est pas encore dĂ©finitivement signĂ©e avec l'Angleterre[6], qu'une flotte commandĂ©e par Villaret de Joyeuse part pour Saint-Domingue. Elle est composĂ©e de 21 frĂ©gates et de 35 navires de ligne, dont l'un est armĂ© de 120 canons[7], quitte Brest, Lorient, Rochefort emportant 7 Ă  8 000 hommes.

Cette flotte est suivie de l'escadre du contre-amiral Ganteaume, qui quitte Toulon le 14 fĂ©vrier, avec 4 200 hommes, puis par l'escadre du contre-amiral Linois, qui quitte Cadix le 17 fĂ©vrier, avec 2 400 hommes. Dans les mois qui suivirent, plusieurs navires quitteront la France, emportant des troupes fraĂ®ches, dont une division hollandaise et une lĂ©gion polonaise menĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Wladyslaw Jablonowski. Il convient d'y ajouter encore les 4 000 hommes de l'artillerie de marine.

Au total, 31 131 hommes dĂ©barqueront Ă  Saint-Domingue lors de la première des deux expĂ©ditions.

Parmi eux se trouvent des hommes de couleur, comme AndrĂ© Rigaud[8] qui en 1779 s'Ă©tait engagĂ© dans la cĂ©lèbre brigade des 1 500 Chasseurs volontaires de Saint-Domingue pour participer Ă  la Guerre d'indĂ©pendance des États-Unis, tout comme Alexandre PĂ©tion, qui a avec lui participĂ© Ă  rĂ©volte de gens de couleur libres, Ă  Jacmel en 1799.

Les navires ont rendez-vous dans la baie de Samaná. L'amiral Villaret de Joyeuse y parvient le 29 janvier suivi de peu par Latouche-Tréville. Sans attendre Ganteaume et Linois, les navires présents se répartissent dans différents ports, afin de surprendre Toussaint. Le général Kerversau doit se rendre à Santo Domingo dans la partie espagnole de l'île. Le général Boudet, conduit par Latouche-Tréville, doit s'emparer de Port-au-Prince. Le chef de l'expédition, conduit par Villaret de Joyeuse fait voile vers le Cap.

Lorsque Toussaint découvre les navires dans la baie de Samaná, il donne l'ordre à Christophe, chef du département du nord, à Dessalines du département de l'ouest et à Laplume du sud, de répondre aux sommations de l'escadre, qu'ils n'ont pas ordre de la recevoir, puis si elle insiste et en cas de débarquement de menacer de détruire les villes avant de se retirer dans les montagnes.

Composition du corps expéditionnaire européen

L'armée française est placée sous les ordres du capitaine général Charles Leclerc[9].

Le corps expéditionnaire n'est pas seulement français mais aussi composé d'Européens, notamment une division hollandaise, des légions polonaises ainsi qu'un bataillon allemand, ainsi que quelques dizaines de Noirs.

L'envoi des troupes s'effectue en 3 fois.

1er envoi

Le composĂ© de 33 vaisseaux de ligne et 21 frĂ©gates français et espagnols[10]
Le
Le

2e envoi

Du 23 au
Le
En mai
Le
Le 12 août
Le 11 septembre
Le 20 septembre

Les problèmes d'approvisionnement

Leclerc est mécontent de l'attitude de Villaret de Joyeuse lors du premier voyage : « il a rendu notre arrivée à Saint-Domingue trop tardive par les points où il nous a fait arrêter comme rendez-vous ». En raison de la durée du voyage, les réserves de vivres ont été entamées et les approvisionnements, chargés sur deux navires de l'escadre de Cadix, le Desaix et le Saint-Génard, ont été perdus lorsqu'ils ont touché des roches en manœuvrant dans la rade du Cap Français.

Les relations que Leclerc entretient avec l'amiral espagnol Gravina lui permettent d'obtenir 20 jours de vivres et 60 000 livres de poudre, une aide prĂ©cieuse mais insuffisante. Il envoie Ă  La Havane le prĂ©fet colonial de la partie espagnole demander au gouvernement un mois de vivres pour 1 000 hommes et Ă  Philadelphie le commissaire de marine Vatrin acheter des farines et du biscuit. Ă€ la veille de son entrĂ©e en campagne, il veut faire partager Ă  Bonaparte ses inquiĂ©tudes : il n'a pas de vivres pour deux mois[11].

Le 17 fĂ©vrier, les soldats se mettent en marche, avec 60 cartouches chacun et six jours de biscuits pour tout approvisionnement, mais les commandants d'unitĂ©s ont Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă  prĂ©lever sur les habitants, patates, bananes, volailles et bestiaux.

Au moment où les troupes vont affronter un pays hostile à tous égards, le général Dugua, chef d'état-major général, leur fait passer, à la demande du service de santé, des directives d'hygiène élémentaire en zone tropicale.

« Il faut, écrit le 4 mars Leclerc au ministre de la guerre, pour conserver Saint-Domingue, des vivres, quinze cent mille francs par mois comme je les lui ai demandés, des effets d'habillement et d'hôpitaux. Si tout cela ne m'arrive pas le plus promptement possible, quels que soient les efforts surnaturels que je fasse, je ne pourrai conserver Saint-Domingue à la République[11]. »

Il rĂ©clame de nouveau Ă  Paris 6 000 hommes et un renfort de 2 000 par mois pendant trois mois, 30 000 paires de souliers, des draps lĂ©gers pour confectionner 20 000 capotes nĂ©cessaires aux soldats pour lutter la nuit contre le froid et l'humiditĂ©, de la toile de coton pour remplacer les tenues inadaptĂ©es au climat, 30 000 chemises, 20 000 guĂŞtres de toile, 20 000 chapeaux ronds Ă  haute forme « pour prĂ©server les hommes des coups de soleil qui les mènent Ă  l'hĂ´pital », 10 000 fusils neufs, des effets d'hĂ´pitaux, du linge Ă  pansements, des caisses d'instruments et des mĂ©dicaments pour 6 000 malades et 3 000 blessĂ©s pendant un an. Et, bien entendu, du vin, des farines, des salaisons, de l'eau-de-vie[11].

L'ambassadeur de France et chargé d'affaires à Washington (1801-1804) Louis-André Pichon se démène aussi pour assurer un bon approvisionnement à l'armée de Leclerc, mais déplore la sècheresse de celui-ci envers les marchands américains, au point que les deux hommes cesseront de s'écrire[12].

Louis Alexandre AmĂ©lie Bauduy est par ailleurs capitaine dans l'armĂ©e de Leclerc, après avoir combattu en 1797 aux cĂ´tĂ©s des Anglais contre Toussaint Louverture[13]. Il est citĂ© dans une lettre de Victor Dupont de Nemours Ă  Éleuthère IrĂ©nĂ©e du Pont de Nemours, compilĂ©e dans la biographie de ce dernier[14] comme pouvant informer l'entreprise familiale sur l'obtention d'un contrat d'approvisionnement de 100 000 dollars de laine[13] pour l'entreprise opĂ©rĂ©e par son frère Pierre de Bauduy de Bellevue et Éleuthère IrĂ©nĂ©e du Pont de Nemours Ă  Wilmington, Delaware, qui deviendra la multinationale DuPont et qui Ă©levait alors des moutons[15] depuis avril 1801[16], en privilĂ©giant la race merinos[17]. Louis-AndrĂ© Pichon est alors dĂ©marchĂ© par le père et le fils Du Pont, tandis que l'un des frères Victor Du Pont, envisage d'importantes commissions[18]. Pour clarifier les choses, tous les actifs sont transfĂ©rĂ©s Ă  Paris[19] et le contrat signĂ© aux États-Unis, mais NapolĂ©on ne paiera pas l'entreprise[20], en raison de l'Ă©chec de l'expĂ©dition[21].

Les combats

Prise du Cap Français par l'armée française sous le commandement du général Leclerc en 1802, estampe, début XIXe siècle, Musée du Quai Branly.
La partie française de l'île
En 1803, Rochambeau a importé des Dogues de Cuba pour qu'ils dévorent les insurgés.

Villaret arrive le 3 février 1802 devant le Cap. L'attaque se fait par terre et par mer, le 5 février. Christophe exécute les ordres, la ville est en flammes.

Le 6 février, Rochambeau débarque dans la baie de Mancenille et s'empare de Fort-Dauphin. Après avoir éteint les incendies et procédé à quelques travaux, Leclerc établit son quartier général au Cap, et envoie quelques navires faire du ravitaillement vers le continent américain.

Pendant ce temps Latouche-TrĂ©ville et Boudet s'emparent de Port-au-Prince et de LĂ©ogâne et obtiennent la reddition du gĂ©nĂ©ral Laplume. DĂ©barquĂ© Ă  Santo Domingo avec 2 000 hommes, le gĂ©nĂ©ral Kerversau prend possession d'une bonne moitiĂ© de la partie espagnole, dirigĂ©e par Paul Louverture, frère de Toussaint.

Dans les dix premiers jours, le corps expéditionnaire occupe les ports, les villes et une grande partie des terres cultivées. Réfugié dans le massif de l'Artibonite, Toussaint Louverture n'a plus que quelques brigades sous les ordres des généraux Maurepas, Christophe, Dessalines. Mais il détient aussi une grande quantité de blancs qui ont été emmenés en otages. Pour le déloger il faut franchir des gorges rendues impénétrables par la végétation tropicale, où les Noirs tendent embuscades sur embuscades.

Mais les soldats reçoivent les renforts de Ganteaume et Linois qui viennent de débarquer. Leclerc a gardé son joker : les deux enfants de Toussaint qu'il a amenés de France. Tous deux sont porteurs d'une lettre du Premier Consul promettant la seconde autorité de l'île au vieux gouverneur qui ne cède pourtant pas.

Le 17 février Leclerc lance l'attaque simultanée des divisions qu'il a constituées. Rochambeau à sa gauche part de Fort-Dauphin pour se rendre à Saint-Michel, Hardy marche sur Marmelade et Desfourneaux marche sur Plaisance, pendant que Humbert doit débarquer à Port-de-Paix et remonter la gorge de Trois Rivières et que Boudet doit remonter du sud au nord. Le but est de surprendre l'ennemi, de le forcer à se replier sur Les Gonaïves et de l'encercler.

MalgrĂ© les difficultĂ©s du terrain et la rĂ©sistance de Maurepas qui finit par se rendre au gĂ©nĂ©ral Humbert, le plan a dans l'ensemble bien fonctionnĂ©. Le 23 fĂ©vrier, la division Desfourneaux entre aux GonaĂŻves qui est en flammes. Le gĂ©nĂ©ral Boudet occupe Saint-Marc Ă©galement incendiĂ©, et inondĂ© du sang des habitants Ă©gorgĂ©s par Dessalines qui parvient Ă  s'Ă©chapper du piège. Maurepas rĂ©siste encore, mais finit par se rendre avec 2 000 guerriers.

En 1804, le premier acte de l'Haïti indépendant a été de se débarrasser des Métis et de massacrer les Blancs.

Un siège en règle est nécessaire pour prendre le fort de la Crête-à-Pierrot. Les assiégeants sont attaqués à revers par des attaques successives de Dessalines et de Toussaint qui tentent de porter secours aux assiégés. Mais le fort doit finalement se rendre. À l'intérieur on trouve des quantités d'armes et de munitions mais aussi beaucoup de blancs assassinés.

Aux Verrettes, l'armĂ©e dĂ©couvre un horrible spectacle. Ă€ bout de force, ne parvenant plus Ă  suivre la marche effrĂ©nĂ©e des rĂ©voltĂ©s, 800 hommes, femmes, enfants et vieillards ont Ă©tĂ© Ă©gorgĂ©s[22]. Les assassins sont poursuivis Ă  outrance, aucun quartier n'est fait Ă  ceux qui sont rattrapĂ©s.

À bout de ressources, leur espace de liberté de plus en plus restreint, les rebelles sont de plus en plus découragés. Christophe songe à déposer les armes en échange du même traitement que celui qui a été réservé à Laplume et Maurepas. La reddition de Christophe entraîne celle de Dessalines et finalement celle de Toussaint. Il obtient de Leclerc le droit de se retirer sur ses terres avec son grade.

Fin avril, début mai, l'ordre se rétablit peu à peu dans l'île. Le commerce reprend dans les ports. Les insurgés ont conservé leurs biens et leur grade et semblent s'accommoder de leur condition.

La défaite

Henri Ier, roi d'HaĂŻti

Dans sa retraite d'Ennery, oĂą il est assignĂ© Ă  rĂ©sidence, Toussaint songe Ă  sa revanche, et guette les progrès de sa meilleure alliĂ©e, la fièvre jaune, qui fait des ravages dans les rangs des Français et frappe particulièrement les derniers arrivĂ©s sur l'Ă®le. Environ 15 000 hommes pĂ©rissent ainsi en deux mois. Toussaint ne cesse de correspondre avec ses affidĂ©s, les incitant Ă  se tenir prĂŞts. Certains, cependant, n'ayant aucune envie de recommencer la guerre, avertissent le gĂ©nĂ©ral en chef. En juin, sentant le danger, Leclerc convoque le rebelle Ă  une entrevue et le fait arrĂŞter. EmmenĂ© Ă  bord d'un bateau, il est envoyĂ© en Europe et gardĂ© prisonnier au Fort de Joux oĂą il meurt rapidement.

La Martinique retourne à la France avec le traité d’Amiens et la loi du 20 mai 1802 qui y consacre le maintien de l'esclavage. La nouvelle du rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe, parvient à Saint-Domingue. La révolte gronde. La maladie fait de nombreuses victimes dans le corps expéditionnaire. Leclerc qui avait commencé à désarmer les Noirs, tente d'accélérer le mouvement mais cela excite encore plus leur colère. Il écrit le 7 octobre à Napoléon : « Voici mon opinion sur ce pays. Il faut détruire tous les Nègres des montagnes, hommes et femmes, ne garder que les enfants au-dessous de douze ans, détruire moitié de ceux de la plaine et ne laisser dans la colonie un seul homme de couleur qui ait porté l’épaulette, sans cela jamais la colonie ne sera tranquille »[23].

L'armĂ©e française, qui ne compte plus que 8 Ă  10 000 hommes, Ă  peine en Ă©tat de servir, est dĂ©bordĂ©e. RĂ©fugiĂ© sur l'Ă®le de la Tortue, pour tenter d'Ă©chapper Ă  la maladie, Leclerc succombe Ă  son tour, le [24].

Étant l'officier le plus ancien, Rochambeau prend le commandement. Il déteste les mulâtres plus encore que les Noirs et il étend le désarmement des officiers à ces hommes de couleur qui s'étaient opposés à Toussaint et qui étaient revenus dans les bagages de l'expédition. Rigaud, ancien ennemi et rival de Toussaint Louverture, est prié d'embarquer pour les États-Unis. Dans le sud où ils sont plus nombreux, les mulâtres, comprenant qu'ils n'ont plus rien à attendre de la France s'unissent aux Noirs. Le vent de révolte, qui soufflait particulièrement dans le nord, se répand maintenant dans le sud.

Rochambeau tente de réprimer l'insurrection mais il ne peut faire face.

Le Cap-Français est le dernier bastion des Français. Quand il y parvient, Christophe a déjà enlevé l'un des forts. Rochambeau le reprend.

Le , près du Cap-Français, les Français sont vaincus à la bataille de Vertières par le général insurgé Dessalines. L'acte de reddition est signé le lendemain au nom de Rochambeau. Les vaincus ont dix jours pour quitter l'île et livrer la ville du Cap. À peine ont-ils quitté la rade qu'ils sont capturés par une escadre britannique qui les attendait. Rochambeau est envoyé au Royaume-Uni où il est interné pendant presque neuf années.

Le , les derniers soldats français stationnés au Môle Saint-Nicolas quittent le tiers occidental de l’île, berceau historique de la colonie.

Une faible présence française, sous les ordres des généraux Jean-Louis Ferrand et de Kerversau, subsistera encore pendant quatre ans dans la partie de l'Est, aujourd'hui République dominicaine, et dut faire face à une révolte espagnole en 1808, fomentée par le gouverneur de Porto Rico.

L'impact de la fièvre jaune

L'épidémiologiste Renaud Piarroux insiste sur le rôle qu'a joué la fièvre jaune dans la reprise de contrôle de leur territoire par les haïtiens face à Napoléon. Après la reddition de Toussaint Louverture, la France avait l'avantage, mais lorsque la saison des pluies arrive en mai 1802, les troupes françaises sont décimées par les moustiques porteurs de la fièvre jaune[25].

Les chercheurs Bernard Gainot et Mayeul Macé relativisent cet impact. La fièvre jaune, qui est notée dès au sein du Corps expéditionnaire, ne se déclare qu'à partir du début juin dans la grande ville du Cap Français[26], où le milieu urbain a favorisé sa propagation. Elle a joué un rôle, parmi d'autres facteurs, dans la défaite finale, mais son importance a été surévaluée[26]. Dans les récits, elle a servi à « dévaloriser l'action des insurgés »[26] sur le plan militaire, accusés de n'avoir « jamais osé nous combattre en bataille rangée »[26] et « minimiser les pertes causées »[26] par leurs embuscades ou les combats rangés. Les historiens rappellent ainsi qu'un grand nombre de victimes de l'expédition sont en réalité mortes au combat[26], notamment les 5000 morts des affrontements très durs du Siège de la Crête à Pierrot[26], marqué par deux assauts successifs en mars 1802, qui a fait l'objet d'un timbre poste haïtien représentant Louis Daure Lamartinière et sa femme, Marie-Jeanne Lamartinière défendant le fort, pour fêter le 150ème anniversaire de la Révolution haïtienne. Il s'agit alors d'occulter les défaites face à ce qui est appelé « les brigands », en réalité « un adversaire que l'on refuse de reconnaître »[26], même si des « témoins survivants de l'expédition ont lourdement chargé la mémoire de Rochambeau »[26] sur le plan tactique et politique. Pour les historiens Bernard Gainot et Mayeul Macé, malgré les nombreux récits de « marches pénibles et forcées »[26] menées par le corps expéditionnaire pour approcher « un ennemi fuyant sans cesse »[26], ce sont « bien les insurgés qui ont vaincu les Français et non pas la maladie »[26] car ils ont réussi à partir de l'automne 1802 à « retourner contre leurs initiateurs le principe de la Nation armée qui avait fait la force de la France »[26] lors des levées en masse de la Révolution. L'épidémie a connu deux périodes: juin à novembre 1802, puis juin à novembre 1803[26], la seconde se combinant à une famine, qui affaiblit les défenses immunitaires et l'entassement des hommes dans des réduits côtiers[26]. La maladie a surtout frappé dans les secteurs du Cap et de Fort Dauphin, où ont dû se replier au cours de l'année 1803 la majorité des soldats français, faute de pouvoir tenir l'intérieur des terres. Ils se concentrent alors dans des zones côtières chaudes et humides, propices au développement de l'épidémie du fait des moustiques qui y pullulent[26].

Les tortures, exactions et exécutions sommaires

Les historiens Bernard Gainot et Mayeul Macé, ont analysé et recoupé les correspondances et archives de l'expédition avec les récits d'époque notamment ceux de Thomas Madiou, Saint-Rémy des Cayes, du baron Vastey, et de Bouvet de Cresset pour en faire une synthèse dans la revue Outre-Mers en 2003, indiquant que « les exécutions sommaires collectives, la détention arbitraire et la torture sont des moyens couramment employés » durant l'expédition[26]. La famille et les biens des insurgés sont fréquemment visés. De nombreux récits montrent « l'inefficacité » de cette stratégie de la terreur, contestée jusque dans les rangs des officiers, selon de nombreux écrits[26], mais seulement rédigés après la fin de l'expédition[26] dont la plupart des membres ne reviendront pas. On lui reproche d'avoir ainsi « fait perdre tout soutien local aux troupes françaises »[26] et jeté « les indécis dans les bras de l'insurrection »[26] notamment après l'été 1802.

Afin de « justifier les actes particulièrement cruels »[26], les officiers « banalisent leurs gestes »[26] et le plus souvent « les présentent comme une réponse à la sauvagerie des ex-esclaves »[26].

La majorité de ces officiers se montrent, dans les écrits archivés « racistes et convaincus de la supériorité des Blancs sur les Noirs, supériorité dont découle la mission civilisatrice de la France » selon eux[26]. Ils tentent alors de montrer que cette mission « justifie le recours à la force » la plus aveugle et brutale[26].

Les récits des officiers revenant de Saint-Domingue apparaissent souvent pleins de « descriptions horrifiées du corps des torturés »[26], en particulier les femmes et les enfants victimes de sauvagerie, ce qui selon eux permet de « justifier en retour » les sévices infligés aux adversaires[26], « systématiquement présentés comme cruels, friands des tortures les plus élaborées »[26].

Les auteurs haïtiens racontant ces épisodes ont eux aussi une « vision manichéenne »[26] et voient les Français « comme des tortionnaires à de rares exceptions près »[26].

Pour rĂ©primer la rĂ©volte, les Français acheminent environ 300 chiens chasseurs d'esclaves, parfois appelĂ©s dogues de Cuba, conduits par le vicomte de Noailles[27], censĂ©s ĂŞtre dressĂ©s Ă  retrouver les esclaves en fuite, qui furent surtout brièvement utilisĂ©s par les Anglais lors de la rĂ©volte des esclaves de la JamaĂŻque (1795-1796), suscitant en Angleterre une Ă©norme vague de rĂ©probation[26]. Les 3 ou 400 chiens amenĂ©s Ă  Saint-Domingue attaquèrent en fait indiffĂ©remment tous les blessĂ©s, Français aussi bien que rebelles et il fallut s'en dĂ©barrasser[28] - [29].

Le général Clauzel tente d'évincer le chef de l'expédition

Le général en chef de l'expédition Donatien de Rochambeau est le « principal organisateur de la répression »[26], qu'il décrit et assume dans son rapport sur les opérations de Saint-Domingue. Après la mort de Leclerc de la fièvre jaune, il « met en place une politique de terreur, qui est aussi une politique du massacre organisé »[30]. Du coup, les abus de cette politique de torture, exactions et exécutions sommaires sont à l'origine de la tentative d'éviction de Donatien de Rochambeau par le général Bertrand Clauzel qui souhaitait ainsi mettre fin à une politique ayant pour inconvénient d'aliéner aux Français la population de la colonie. Dans un premier le général Bertrand Clauzel avait « soutenu la stratégie répressive »[26], tout à fait conscient que s'opposer aux exactions signifierait pour lui rapidement « la fin d'une carrière »[26], avec le risque d'être prestement accusé d'une chose ou d'une autre et renvoyé en France moyen utilisé alors afin de « dissuader toute velléité d'opposition »[26]. Finalement, Bertrand Clauzel est renvoyé en France en même temps que le général Thouvenot et restera sans emploi pendant près de deux ans. Bertrand Clauzel avait lui-même, dans un premier temps, participé aux premières exactions[26].

Les exactions n'ont pas débuté avec l'arrivée de Rochambeau mais ses échanges de lettre contiennent quatre rapports d'exécutions sommaires[26]. La correspondance générale du corps expéditionnaire comporte des courriers évoquent aussi largement des représailles sur des civils[26].

La correspondance générale de l'expédition conservée aux archives contient aussi une lettre de Clauzel à Rochambeau du [26], qui préconise l'arrestation et la déportation des officiers de couleur mais recommande explicitement l'utilisation de dogues espagnols pour terroriser l'adversaire[26].

Conséquences

L'amiral Louis-René Levassor de Latouche-Tréville
L'amiral Louis Villaret-Joyeuse

La Marine française décimée

Des quelque 31 000 soldats envoyĂ©s Ă  Saint-Domingue, il n'en reste guère plus de 7 Ă  8 000. Plus de vingt gĂ©nĂ©raux ont Ă©galement pĂ©ri. Une grande partie des victimes Ă©taient des marins, parfois rĂ©quisitionnĂ©s sur les navires pour remplacer l'infanterie qui avait disparu du fait de la fièvre jaune. Les deux tiers de la Marine française ayant Ă©tĂ© mobilisĂ©e, après deux ans de rĂ©flexion et de prĂ©paration, elle est ainsi dĂ©cimĂ©e.

Haïti scindé en deux pays, Dessalines gouverneur à vie

Le Dessalines proclame l'indépendance d'Haïti. La colonie devient le deuxième état indépendant d'Amérique.

Dessalines se fait d'abord nommer gouverneur général à vie, puis le , il se fait couronner empereur sous le nom de Jacques Ier. Il fait massacrer les derniers colons français présents en Haïti — la majorité des blancs avait fui la colonie en plusieurs vagues depuis 1793 — et poursuit une politique de caporalisme agraire, sans esclavage proprement dit, destinée à maintenir les profits de l'industrie sucrière par la force. Il périt assassiné le .

Le pays se partage alors entre un royaume au nord, dirigé par Henri Christophe et une république au sud, dirigée par Alexandre Pétion.

Relations avec l'Angleterre

Vers la fin de l'expédition, dès le mois de mai 1803, la paix entre la France et le Royaume-Uni est rompue.

Près de trois ans plus tard, une escadre britannique attaque même Saint-Domingue en février 1806.

Dix mois plus tard, Bonaparte, décrète un blocus continental le . Pour contraindre le Portugal, allié traditionnel du Royaume-Uni, à appliquer ce blocus, Napoléon envoie une armée traverser l'Espagne au mépris de toutes les lois de souveraineté. S'ensuit un conflit avec l'Espagne, qui s'allie au Royaume-Uni pour mener le siège de la dernière garnison française retranchée à Saint-Domingue, du 7 novembre 1808 au ; totalement isolé, le général Dubarquier doit finalement capituler.

La diaspora des planteurs blancs

La communautĂ© des planteurs blancs de Saint-Domingue, exilĂ©s par milliers aux États-Unis, principalement en Louisiane, en Alabama et dans la capitale Philadelphie, conserve des liens Ă©troits avec des journaux comme L'Abeille AmĂ©ricaine de Jean-Simon Chaudron, et fait jouer ses rĂ©seaux pour obtenir une indemnitĂ©. En , quelques-uns d'entre eux crĂ©ent la Vine and Olive Colony, vaste compagnie coloniale cultivant en fait du coton et s'Ă©tendant sur 370 kilomètres carrĂ©s de terres vierges aux confins des États-Unis, dans ce qui n'Ă©tait pas encore l'État d'Alabama mais le vaste territoire de Louisiane, rachetĂ© Ă  la France napolĂ©onienne en 1803, et qui devient un haut-lieu de l'histoire de la culture du coton jusqu'en 1930.

L'indemnisation de la France par la république d'Haïti

En 1825, Charles X accepte une indemnité de 150 millions de francs-or proposée par le président Boyer de la jeune république pour que la France reconnaisse l'indépendance d'Haïti et accepte de légaliser les flux, dans les ports français, du café haïtien, alors devenu la principale production du nouveau pays.

AllĂ©gĂ©e en 1838 Ă  90 millions de francs-or, après une longue nĂ©gociation, cette somme sera intĂ©gralement rĂ©glĂ©e Ă  la France par le biais d'emprunts Ă  des banques françaises et redistribuĂ©e aux ayants droit des anciens colons. Il faudra plus de 80 ans Ă  l'État haĂŻtien pour s'affranchir de cette charge.

Les polonais, 4 000 morts, 150 dĂ©serteurs et 400 implantĂ©s

La plupart des polonais de l'Expédition de Saint-Domingue sont arrivés aux moments les plus difficiles, pendant ou juste après le rétablissement de l'esclavage par Napoléon au même moment en Guadeloupe, le désarmement des cultivateurs haïtiens et le renvoi en France de militaires métis qui y sont internés comme André Rigaud, ce qui rend l'expédition très difficile.

Selon la lĂ©gende locale, les Polonais sympathisent rapidement avec les HaĂŻtiens, qui croient que ceux-ci soutiennent Jean-Jacques Dessalines au point que des unitĂ©s changent de bord. Au moins environ 150 Polonais ont dĂ©sertĂ© pour changer de camp[31].

Malgré le départ de nombreux planteurs blancs en 1804, de nombreux déserteurs survivants polonais ont fait souche dans l'île[32], par exemple à Casale[33], l'article 13 de la Constitution, promulguée le 20 mai 1805 par Dessalines, devenu l'Empereur Jacques Ier, leur ayant octroyé la nationalité haïtienne.

Quand l’armĂ©e française se retire en 1803, 4 000 Polonais sont morts, 400 restent sur l’île, quelques dizaines se sont dispersĂ©s dans les Ă®les alentour (Guadeloupe) ou sont partis s’établir aux États-Unis, et environ 700 retournent en France.

Conséquences pour les espoirs d'indépendance en Pologne. Les très lourdes pertes subies par les Légions polonaises (armée française), dont les quatre-cinquièmes sont anéanties à Saint-Domingue portent un coup sérieux aux espoirs des Polonais de retrouver leur indépendance. Cette expérience haïtienne subie par des troupes arrivées pendant ou juste après le rétablissement de l'esclavage par Napoléon au même moment en Guadeloupe, alors que Napoléon avait promis de ne pas le rétablir à Saint-Domingue, affaiblit la confiance envers les bonnes intentions de la France, gouvernée par Napoléon, envers la Pologne[31].

Postérité

Le rétablissement de l'esclavage par Bonaparte est très critiqué en 2005 au moment de l'Affaire Olivier Grenouilleau, accusée d'avoir fait de l'ombre au bicentenaire de la Bataille d'Austerlitz.

Annexes

Chronologie

  • : TraitĂ© de Bâle, l'Espagne cède Ă  la France l'est de Saint-Domingue;
  • : Armistice franco-anglais Ă  Saint-Domingue ;
  • : convention commerciale tripartite de 1799 entre AmĂ©ricains, Anglais et Toussaint Louverture ;
  • : NapolĂ©on prend le pouvoir;
  • : 1er projet d'expĂ©dition de Saint-Domingue, remplacĂ© par l'envoi de trois Ă©missaires Toussaint Louverture[1];
  • : 2ème projet d'expĂ©dition de Saint-Domingue, la flotte, dispersĂ©e par une tempĂŞte, est finalement envoyĂ©e en Egypte[1];
  • : rĂ©vocation du gouverneur de la partie orientale de l’île, cĂ©dĂ©e par l'Espagne en 1795;
  • : 3ème projet d'expĂ©dition de Saint-Domingue qui sert en fait Ă  masquer une expĂ©dition en Égypte[1];
  • :projet de lettre accommodante Ă  Toussaint Louverture, non envoyĂ©e[1], NapolĂ©on dĂ©cide au contraire un peu plus tard de le rayer des officiers[1];
  • : assassinat par une conspiration de Paul Ier, empereur de Russie[1];
  • : NapolĂ©on ordonne de rĂ©unir 3 600 soldats Ă  Brest[1], pour le noyau dur de la future expĂ©dition de Saint-Domingue[1];
  • : constitution de Saint-Domingue, jugĂ©e autonomiste par NapolĂ©on;
  • : prĂ©liminaires de paix signĂ©s entre France et Angleterre[1];
  • : courriers de NapolĂ©on Ă  Saint-Domingue promettant de maintenir l’abolition[5];
  • : les prĂ©paratifs de l'expĂ©dition s'accĂ©lèrent
  • : Charles Victoire Emmanuel Leclerc nommĂ© chef de l'expĂ©dition[34]
  • mi-: dĂ©part de la flotte, qui prend du retard en Bretagne
  • : dĂ©barquement difficile face Ă  un port en flammes
  • : les divisions Hardy, Desfourneaux et Rochambeau se mettent en marche.
  • : Charles Victoire Emmanuel Leclerc se plaint de manquer de matĂ©riels[11], la fièvre jaune se diffuse
  • : prise de la CrĂŞte-Ă -Pierrot, 2 000 Français y laissant la vie[35]
  • fin : au prix de plus de 5 000 morts et autant de malades ou blessĂ©s, les Français tiennent toute la cĂ´te.
  • : Toussaint Louverture dĂ©pose les armes, retourne Ă  la campagne
  • : l'Ă©pidĂ©mie de fièvre jaune s'aggrave[36]
  • : dĂ©cret de rĂ©tablissement de l'esclavage
  • : Toussaint Louverture arrĂŞtĂ© par ruse et envoyĂ© en France
  • : la rĂ©volte devient gĂ©nĂ©rale
  • : Dessalines rejoint de nouveau les rĂ©voltĂ©s, dirigĂ©s par PĂ©tion
  • : mort de Charles Victoire Emmanuel Leclerc
  • : Bataille de Vertières
  • : Capitulation de Rochambeau
  • : Fin de l'ultimatum d'Ă©vacuation du corps expĂ©ditionnaire français

Notes et références

  1. "Napoléon voulait-il rétablir l’esclavage en Haïti?" par Philippe Girard, professeur associé d’histoire caribéenne à l’université McNeese de Louisiane, dans le Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe de mai–août 2011
  2. 5 000 dans le nord, 4 000 dans l'ouest, le mĂŞme nombre dans le sud, et 3 000 dans la province espagnole - Histoire de l'expĂ©dition des Français Ă  Saint-Domingue sous le consulat de NapolĂ©on Bonaparte, page 33.
  3. Histoire du Consulat et du Premier Empire
  4. 2000 ans d'Histoire: Napoléon et l'esclavage, Thierry Lentz et Marcel Dorigny, France Inter, 14.09.2006
  5. Jacques Morel, « 18 novembre 1801: Bonaparte entreprend d'anéantir à Saint-Domingue le gouvernement des Noirs (Haïti) », sur jacques.morel67.pagesperso-orange.fr.
  6. Les Anglais signent la Paix d'Amiens le
  7. Histoire de l'expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte, p. 30.
  8. Après l'échec de cette expédition, il fut emprisonné par Napoléon au fort de Joux, à quelques cellules de distance de Toussaint Louverture.
  9. Expédition de Saint-Domingue en 1802
  10. Abel Hugo France militaire: histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792... [lire en ligne]
  11. « L'expédition de Saint-Domingue. Les opérations terrestres (février-juin 1802) », sur napoleon.org (consulté le ).
  12. (en) Junius P. Rodriguez, The Louisiana Purchase : a historical and geographical encyclopedia, ABC-CLIO, 2002, 513 pages.
  13. http://www.latinamericanstudies.org/book/Garesche-Bauduy.pdf
  14. Life of E.I. Du Pont, Volume VI, p. 83-85
  15. THE GARESCHE, DE BAUDUY, ANO DES CHAPELLES FAMILIES : HISTORY ANO GENEALOGY DE LAUNAY (Not authenticated) by DOROTHY GARESCHÉ HOLLAND, p. 30
  16. Extracted from: John Beverley Riggs, A Guide to the Manuscripts in the Eleutherian Mills Historical Library, 1970, p. 3
  17. http://www.hagley.lib.de.us/library/collections/historicalref/articles/chronologyeidupont.pdf
  18. (en) John K. Winkler, The DuPont Dynasty, Kessinger Publishing, 30 mai 2005, 356 p.
  19. The Dupont Dynasty Par John K. Winkler, p. 57
  20. (en) James J. McLain, The economic writings of Du Pont de Nemours, University of Delaware Press, 1977, 244 p.
  21. The economic writings of Du Pont de Nemours Par James J. McLain, p. 47
  22. Histoire du consulat et de l'empire, faisant suite à l'Histoire de la révolution française p. 206
  23. Vincent Manilève, « Que faire des statues des négriers français ? », Slate,‎ (lire en ligne)
  24. Pauline Bonaparte, qui accompagnait son mari est désespérée. Elle se coupe les cheveux qu'elle place dans le cercueil de son mari, fait mettre le cœur dans une urne et rapatrie la dépouille en France.
  25. « Comment le paludisme a façonné notre histoire », sur France Culture, (consulté le )
  26. Bernard Gainot et Mayeul Macé, « Fin de campagne à Saint-Domingue, novembre 1802-novembre 1803 », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 90, no 340,‎ , p. 15–40 (DOI 10.3406/outre.2003.4041, lire en ligne, consulté le )
  27. « Philippe Girard, L'utilisation de chiens de combat pendant la guerre d'indépendance haïtienne, Napoleonica-La revue »
  28. Nicole Darne-Crouzille, L'expédition Leclerc-Rochambeau, 1801-1803. Analyse de l’échec, thèse de doctorat d’histoire, Université du Maine, Le Mans, octobre 1986, volume 2, p. 288.
  29. Exemple d'un ordre donné par Rochambeau au sujet de cette tactique :
    « Je ne dois pas vous laisser ignorer qu’il ne vous sera passé en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à manger. Je vous salue affectueusement, »

    — Donatien Rochambeau.

    . Lettre au général Jean-Pierre Ramel, commandant de l’île de la Tortue. (cité in Victor Schœlcher, Vie de Toussaint-Louverture, éditions Kartala, Paris, 1982, p. 373.)
  30. Bernard Gainot, « Sur fond de cruelle inhumanité » ; les politiques du massacre dans la Révolution de Haïti, in La Révolution française, Cahiers de l’Institut d’histoire de la révolution française, no 3, 2011.
  31. (en) Bob Corbett, « A Review of Jan Pachonski and Reuel K. Wilson, Poland's Caribbean Tragedy: A Study of Polish Legions in the Haitian War of Independence 1802-1803 », sur hartford-hwp.com, (consulté le ).
  32. L'héritage polonais d'Haïti, Dr Joseph Bernard Jr, le 9 août 2011
  33. "Casale", Roland Paret, Productions Fanal et Institut Femmes Entrepreneurs, 2004
  34. « LECLERC Victor-Emmanuel (1772-1802), général - napoleon.org », sur napoleon.org (consulté le ).
  35. Émile Jacquot, Les spiritains en Haïti : 1843-2003 : d'Eugène Tisserant, 1814-1845, à Antoine Adrien, 1922-2003, Karthala Éditions, 2010, 342 pages.
  36. Études sur l'histoire d'Haïti, volume 5 Par Beaubrun Ardouin, page 236

Articles connexes

Bibliographie

  • Antoine MĂ©tral, Histoire de l'expĂ©dition des Français Ă  Saint-Domingue sous le consulat de NapolĂ©on Bonaparte (1802-1803) suivie des MĂ©moires er Notes d'Isaac Louverture, Paris, 1825, (rĂ©Ă©dition : Paris, Éditions Karthala, 1985).
  • MĂ©moires du gĂ©nĂ©ral Toussaint L'Ouverture, Ă©crits par lui-mĂŞme... prĂ©cĂ©dĂ©s d'une Ă©tude…, Toussaint Louverture, Joseph Saint-RĂ©my, 1853
  • Histoire du consulat et de l'empire, faisant suite Ă  l'Histoire de la rĂ©volution française, Adolphe Thiers, 1845

Sources

  • Antoine MĂ©tral, Histoire de l'expĂ©dition des Français Ă  Saint-Domingue, sous le consulat de NapolĂ©on Bonaparte : Suivie des mĂ©moires et notes d'Isaac Louverture sur la mĂŞme expĂ©dition, et sur la vie de son père : ornĂ©e du portrait de Toussaint et d'une belle carte de Saint-Domingue, Paris, Fanjat AinĂ©, , 348 p. (lire en ligne), p. 325-339
  • A. Laujon, PrĂ©cis historique de la dernière expĂ©dition de Saint-Domingue : depuis le dĂ©part de l'armĂ©e des cĂ´tes de France, jusqu'Ă  l'Ă©vacuation de la colonie : suivi des moyens de rĂ©tablissement de cette colonie, Paris, Delafolie, , 257 p. (lire en ligne)
  • Michel-Etienne Descourtilz, Voyages d'un naturaliste et ses observations faites sur les trois règnes de la nature : dans plusieurs ports de mer français, en Espagne, au continent de l'AmĂ©rique septentrionale, Ă  Saint-Yago de Cuba et Ă  St-Domingue, oĂą l'auteur devenu le prisonnier de 40000 Noirs rĂ©voltĂ©s, et par suite mis en libertĂ© par une colonne de l'armĂ©e française, donne des dĂ©tails circonstanciĂ©s sur l'expĂ©dition du gĂ©nĂ©ral Leclerc, t. 1, Paris, Dufart père, , 365 p. (lire en ligne)
  • Michel-Etienne Descourtilz, Voyages d'un naturaliste et ses observations faites sur les trois règnes de la nature : dans plusieurs ports de mer français, en Espagne, au continent de l'AmĂ©rique septentrionale, Ă  Saint-Yago de Cuba et Ă  St-Domingue, oĂą l'auteur devenu le prisonnier de 40000 Noirs rĂ©voltĂ©s, et par suite mis en libertĂ© par une colonne de l'armĂ©e française, donne des dĂ©tails circonstanciĂ©s sur l'expĂ©dition du gĂ©nĂ©ral Leclerc, t. 2, Paris, Dufart père, , 470 p. (lire en ligne)
  • Michel-Etienne Descourtilz, Voyages d'un naturaliste et ses observations faites sur les trois règnes de la nature : dans plusieurs ports de mer français, en Espagne, au continent de l'AmĂ©rique septentrionale, Ă  Saint-Yago de Cuba et Ă  St-Domingue, oĂą l'auteur devenu le prisonnier de 40000 Noirs rĂ©voltĂ©s, et par suite mis en libertĂ© par une colonne de l'armĂ©e française, donne des dĂ©tails circonstanciĂ©s sur l'expĂ©dition du gĂ©nĂ©ral Leclerc, t. 3, Paris, Dufart père, , 476 p. (lire en ligne)

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