Campagne de Russie
La campagne de Russie, Ă©galement connue en Russie comme la guerre patriotique de 1812, est une campagne militaire menĂ©e par lâempereur NapolĂ©on Ier dĂ©signant l'invasion française de la Russie impĂ©riale en 1812. Elle a pour principale cause la levĂ©e par Alexandre Ier de Russie du blocus continental imposĂ© par NapolĂ©on Ă toute l'Europe depuis 1806, contre le Royaume-Uni.
Date |
- (5 mois et 20 jours) |
---|---|
Lieu | Empire russe (entre le Niémen et Moscou) |
Casus belli | Levée du blocus continental par la Russie |
Issue |
Victoire russe décisive Retraite de Russie SixiÚme Coalition |
Total : 600 000 ( selon diverses sources 400-660 mille. |
Total : 488 000 |
200 000 morts[1] 150 000 à 190 000 prisonniers[1] 130 000 déserteurs[1] | 210 000 morts (170 000 soldats et 40 000 miliciens)[2] |
Batailles
- Hoogstraten (de)
- Anvers
- Berg-op-Zoom
- Courtrai
JusquâĂ la prise de Moscou, face Ă une armĂ©e impĂ©riale russe infĂ©rieure en nombre au dĂ©but de lâinvasion, lâavantage est aux forces napolĂ©oniennes. Mais le prince russe MikhaĂŻl Koutouzov, gĂ©nĂ©ral en chef, relĂšve le moral de son armĂ©e et lâencourage Ă mener une contre-offensive, en organisant le harcĂšlement de la Grande ArmĂ©e lors de la retraite française. C'est ainsi que les maladies, lâhiver, mais aussi les soldats et la population russes, sont responsables de la dĂ©faite de NapolĂ©on en Russie.
Les guerres napolĂ©oniennes ont profondĂ©ment marquĂ© la culture russe. La campagne de Russie a Ă©tĂ© relatĂ©e par LĂ©on TolstoĂŻ dans son cĂ©lĂšbre roman historique Guerre et Paix, ainsi quâĂ©voquĂ©e par Piotr Ilitch TchaĂŻkovski dans son Ouverture 1812. Durant la Seconde Guerre mondiale, lâinvasion allemande de lâUnion soviĂ©tique a Ă©tĂ© mise en parallĂšle avec la campagne de Russie.
Causes de la campagne de Russie
Au moment de la campagne, NapolĂ©on Ă©tait au sommet de son rĂšgne avec toutes les nations dâEurope continentale sous son contrĂŽle (Ă l'exception notable de la pĂ©ninsule IbĂ©rique), ou sous le contrĂŽle de nations vaincues par son empire et Ă©voluant sous des traitĂ©s favorables Ă la France. En 1807, le traitĂ© de Tilsit rĂšgle la paix entre lâEmpire et la Russie. Alexandre espĂ©rait Ă travers le gĂ©nĂ©ral Caulaincourt un traitĂ© interdisant le rĂ©tablissement de la Pologne. NapolĂ©on dĂ©savoua Caulaincourt, et marqua alors la rupture de confiance avec Alexandre. Ainsi, le traitĂ© de paix avec lâAutriche de 1809 contint une clause annexant la Galicie au profit du grand-duchĂ© de Varsovie. La Russie considĂ©rait cette clause comme allant Ă lâencontre de ses intĂ©rĂȘts et la Pologne comme le point de dĂ©part dâune Ă©ventuelle invasion de son territoire.
La Russie, alors dotĂ©e dâune industrie manufacturiĂšre faible, mais riche en matiĂšres premiĂšres, souffrait du blocus continental qui la privait dâune partie de son commerce, de ses ressources et de revenus pour acheter des biens manufacturĂ©s. La levĂ©e du blocus par la Russie mit NapolĂ©on en rage et lâencouragea dans la voie de la guerre. Son mariage avec Marie-Louise d'Autriche, auquel Alexandre refusa de participer, renforça aussi la dĂ©fiance Ă lâĂ©gard de la Russie, alors quâun peu plus tĂŽt, un mariage, qui aurait concrĂ©tisĂ© lâalliance franco-russe, avec la sĆur dâAlexandre, la princesse Catherine, avait Ă©tĂ© envisagĂ©[3]. En rĂ©alitĂ©, des militaires dans lâentourage du tsar Ă©laboraient des projets de guerre contre la France dĂšs le dĂ©but de lâannĂ©e 1810[4] - [5]. Il Ă©tait clair pour eux quâil sâagirait dâune guerre d'agression destinĂ©e Ă renverser lâordre Ă©tabli en Europe par NapolĂ©on. Au dĂ©but de lâannĂ©e 1811, le tsar contacta son ancien ministre et ami le prince Adam Jerzy Czartoryski pour le persuader dâinciter les Polonais du duchĂ© de Varsovie Ă soutenir une invasion russe. Il fit aussi des propositions dâalliance offensive Ă lâempire d'Autriche et au royaume de Prusse. ParallĂšlement, Alexandre concentra des troupes aux frontiĂšres du duchĂ© de Varsovie, faisant venir des divisions de Finlande et du front ottoman[6]. AlertĂ© par les Polonais et ses ambassadeurs en SuĂšde et Ă Constantinople, NapolĂ©on, surpris de ces prĂ©paratifs de guerre, se mit Ă renforcer ses troupes en Allemagne et en Pologne, quâil Ă©tait encore en train dâĂ©vacuer depuis leur dĂ©ploiement pendant la guerre de 1809[7]. Contrairement Ă une idĂ©e reçue, NapolĂ©on se serait montrĂ© ouvert Ă un traitĂ© commercial franco-russe prenant en compte les besoins de lâĂ©conomie russe. Ce nâest quâaprĂšs le dĂ©cret russe sur les tarifs douaniers, que NapolĂ©on, suspend lâimportation de bois de marine de Russie, dont il avait besoin pour la reconstruction de sa marine[8].
DĂ©nomination
La campagne de Russie de 1812 est connue en Russie sous le nom de « guerre patriotique », en russe ĐŃĐ”ŃĐ”ŃŃĐČĐ”ĐœĐœĐ°Ń ĐČĐŸĐčĐœĐ°, OtetchestvennaĂŻa VoĂŻna[9] ou « guerre de 1812 ».
Forces en présence
La Grande Armée
La Grande Armée est forte de 680 000 hommes[10], dont 440 000 franchissent le Niémen[10], ce qui en fait la plus grande armée européenne jamais rassemblée. Au nord-est de l'actuelle Pologne, l'armée commence à franchir le fleuve Niémen le [11] et se dirige vers Moscou.
à la fin juin, la Grande Armée se répartit comme suit, du nord au sud :
- Le marĂ©chal d'Empire MacDonald avec son Xe corps dâarmĂ©e (~29 100 hommes), incluant le contingent prussien, Ă Tilsit. La mission de cette force Ă©tait de prendre RÄ«ga et de se diriger vers Saint-PĂ©tersbourg.
- Lâempereur NapolĂ©on Ier, avec la Garde impĂ©riale (~30 500 hommes), sous Mortier, Lefebvre et BessiĂšres, le Ier corps dâarmĂ©e (~66 000 h.) de Davout[12], le IIe corps dâarmĂ©e (~37 000 h.) dâOudinot, le IIIe corps dâarmĂ©e (~37 800 h.) de Ney et la rĂ©serve de cavalerie (~20 800 h.) sous Murat avec les Ier et IIe corps de rĂ©serve de cavalerie de Nansouty et Montbrun ; le tout concentrĂ© devant Kovno. Cette force centrale avait pour but dâengager et dĂ©truire la principale armĂ©e russe (la 1re armĂ©e de lâOuest) sous Barclay de Tolly.
- EugĂšne avec son IVe corps dâarmĂ©e (~45 000 h. dont environ un tiers dâItaliens), le VIe corps dâarmĂ©e (bavarois) (~23 600 h.) de Gouvion-Saint-Cyr et le IIIe corps de rĂ©serve de cavalerie (~6 800 h.) de Grouchy ; le tout concentrĂ© Ă lâarriĂšre et Ă droite de la force de NapolĂ©on. Les ordres dâEugĂšne Ă©taient de maintenir le contact avec les unitĂ©s plus au sud et de protĂ©ger la force principale contre une attaque de la 2e armĂ©e de lâOuest russe de Bagration.
- JĂ©rĂŽme avec le Ve corps dâarmĂ©e (polonais) (~34 600 h.) de Poniatowski, le VIIIe corps dâarmĂ©e (westphalien) (~16 700 h.) de Vandamme et le IVe corps de rĂ©serve de cavalerie (Ă moitiĂ© polonais, un quart saxon et un quart westphalien) (~7 300 h.) de Latour-Maubourg ; le long du NiĂ©men au sud-ouest de Grodno. Cette force Ă©tait supposĂ©e engager la 2e armĂ©e de lâOuest russe de Bagration. Reynier avec son VIIe corps dâarmĂ©e (saxon) (~20 000 h., ~17 000 combattants[10]) prĂšs de Bialystok doit maintenir la jonction entre JĂ©rĂŽme et Schwarzenberg.
- Schwarzenberg avec son XIIe corps dâarmĂ©e (autrichien) (~32 900 h.) prĂšs de Lublin. Ce corps Ă©tait supposĂ© couvrir le Sud de la Pologne contre une invasion russe Ă partir de lâUkraine (la 3e armĂ©e de lâOuest (ou dâObservation) russe de Tormassov sây trouvait).
- En Prusse le IXe corps dâarmĂ©e (un tiers polonais et un tiers allemand) (~25 000 h. au 31 aoĂ»t) de Victor et le XIe corps dâarmĂ©e de Pierre Augereau (largement composĂ© dâunitĂ©s de dĂ©pĂŽt et de rĂ©serve) (~28 000 h. au 15 aoĂ»t). Ces deux corps sâoccuperaient de la garnison de la Prusse et de la Pologne et augmenteraient la Grande ArmĂ©e en Russie si nĂ©cessaire.
- 1 200 piĂšces dâartillerie[13].
- plus de 180 000 chevaux (de cavalerie, dâartillerie, de trait).
Ă cela sâajoutent 80 000 Gardes nationaux, engagĂ©s par conscription pour dĂ©fendre la frontiĂšre impĂ©riale du duchĂ© de Varsovie. En comptant ceux-ci, lâeffectif total des forces impĂ©riales françaises sur la frontiĂšre russe et en Russie atteint environ 771 500 hommes. Cet Ă©norme dĂ©ploiement de troupes pĂ©nalise grandement lâEmpire, en particulier si lâon considĂšre les 300 000 Français supplĂ©mentaires se battant dans la pĂ©ninsule ibĂ©rique et les plus de 200 000 hommes en Allemagne et en Italie.
Le gros de lâarmĂ©e se compose de 450 000 Français, les alliĂ©s de la France formant le reste. En plus du corps dâarmĂ©e autrichien dĂ©tachĂ© sous les ordres de Schwarzenberg, on compte environ 95 000 Polonais, 90 000 Allemands (24 000 Bavarois, 20 000 Saxons, 20 000 Prussiens, 17 000 Westphaliens et quelques milliers dâhommes venus de plus petits Ătats rhĂ©nans), 25 000 Italiens, 12 000 Suisses, 4 800 Espagnols, 3 500 Croates et 2 000 Portugais. Ă cela sâajoutent des contingents nĂ©erlandais et belges. Chaque nationalitĂ© du vaste empire napolĂ©onien est reprĂ©sentĂ©e.
L'armée impériale russe
Si lâon en croit les estimations les plus rĂ©centes, lâarmĂ©e impĂ©riale russe qui lui fait face est moins nombreuse, du moins au dĂ©but de la campagne. Environ 280 000 Russes sont dĂ©ployĂ©s sur la frontiĂšre polonaise (en prĂ©paration de lâinvasion prĂ©vue du satellite français quâĂ©tait le grand-duchĂ© de Varsovie). Au total, lâarmĂ©e russe compte plusieurs centaines de milliers d'hommes au dĂ©but de la guerre (les estimations vont de 350 000 jusquâĂ 710 000). Ceux-ci se rĂ©partissent en trois armĂ©es :
- la premiĂšre armĂ©e de lâouest (commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Mikhail Barclay de Tolly : six corps dâarmĂ©e dâinfanterie, trois de cavalerie de rĂ©serve, dix-huit rĂ©giments de cosaques : quelque 159 800 hommes et 558 piĂšces dâartillerie[13],
- la deuxiĂšme armĂ©e de lâouest (commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Bagration) : deux corps dâarmĂ©e dâinfanterie, un de cavalerie de rĂ©serve, neuf rĂ©giments de cosaques du Don : 62 000 hommes et 216 piĂšces dâartillerie[13],
- la troisiĂšme armĂ©e de lâouest (ou dâobservation), (commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Tormassov) : trois corps dâarmĂ©e dâinfanterie, un de cavalerie de rĂ©serve, neuf rĂ©giments de cosaques : 58 200 hommes et 168 piĂšces dâartillerie[13].
Deux corps de rĂ©serve, un de 65 000 hommes et un autre de 47 000 hommes, soutiennent ces trois armĂ©es. DâaprĂšs ces chiffres, lâarmĂ©e russe qui fait immĂ©diatement face Ă NapolĂ©on compte quelque 392 000 hommes. De plus, la paix est assurĂ©e avec la SuĂšde et lâEmpire ottoman pour Saint-PĂ©tersbourg, ce qui libĂšre plus de 100 000 hommes (du Corps de Finlande de Steinheil et de lâarmĂ©e du Danube de Tchitchagov). Des efforts sont faits pour grossir les armĂ©es russes et, en septembre, lâeffectif est portĂ© Ă environ 900 000, sans compter les unitĂ©s cosaques irrĂ©guliĂšres, qui apportent probablement 70 000 ou 80 000 hommes au total.
La marche sur Moscou
Le , l'essentiel de l'armée est regroupée prÚs du fleuve Niémen ; depuis son quartier général de Wilkowiski, Napoléon fait annoncer à ses soldats :
« Soldats, la seconde guerre de la Pologne est commencĂ©e ; la premiĂšre sâest terminĂ©e Ă Tilsitt. Ă Tilsitt, la Russie a jurĂ© Ă©ternelle alliance Ă la France et guerre Ă lâAngleterre. Elle viole aujourdâhui ses serments. La Russie est entraĂźnĂ©e par sa fatalitĂ© ; ses destins doivent sâaccomplir. Nous croit-elle donc dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s ? Marchons donc en avant ; passons le NiĂ©men, portons la guerre sur son territoire. La seconde guerre de la Pologne sera glorieuse aux armĂ©es françaises comme la premiĂšre. »
NapolĂ©on avait envoyĂ© une derniĂšre offre de paix Ă Saint-PĂ©tersbourg peu avant dâentamer les opĂ©rations. Ne recevant pas de rĂ©ponse, il ordonne dâavancer en Pologne russe.
Le quartier gĂ©nĂ©ral de lâarmĂ©e française passe le NiĂ©men prĂšs de Kowno, Pilona et Grodno[14] - [15] - [16]. LâarmĂ©e se compose de dix corps commandĂ©s, le premier par le marĂ©chal Davout, le deuxiĂšme par le marĂ©chal Oudinot, le troisiĂšme par Ney, le quatriĂšme, sous le nom dâarmĂ©e dâItalie, par le prince EugĂšne de Beauharnais, le cinquiĂšme par Poniatowski, le sixiĂšme par Gouvion-Saint-Cyr, le septiĂšme par le gĂ©nĂ©ral Reynier, le huitiĂšme par le gĂ©nĂ©ral Vandamme, le neuviĂšme, dont les cadres seuls sont formĂ©s, par le marĂ©chal Victor, le dixiĂšme par le marĂ©chal Macdonald. La vieille garde est commandĂ©e par le marĂ©chal Lefebvre, la jeune par le marĂ©chal Mortier, la rĂ©serve de cavalerie par Murat. La cavalerie de la garde de BessiĂšres agit Ă part.
Un corps auxiliaire de 30 000 Autrichiens marche sĂ©parĂ©ment. Dans cette nombreuse armĂ©e, les Français figurent pour 270 000 combattants. LâarmĂ©e russe est forte, tant infanterie que cavalerie, de 360 000 hommes, sans compter deux corps qui se forment, lâun en Lituanie et lâautre Ă RÄ«ga.
Le temps se gĂąte dĂšs le : huit jours dâorage, suivis de la canicule. L'Ă©tĂ© russe dĂ©cime la Grande ArmĂ©e. Couverts de poux, les hommes ont faim. Les chevaux meurent, les pouilleux meurent du typhus et des dysenteries provoquĂ©es par les eaux polluĂ©es. La discipline se relĂąche. Les chevaux rongent la paille des chaumiĂšres et l'Ă©corce des arbres. Une grande partie de la cavalerie est mise Ă pied.
Les troupes françaises font leur entrĂ©e Ă Wilna (Vilnius), ancienne capitale de la Lituanie. Les Russes, en se retirant, dĂ©truisent tout ; ils livrent aux flammes dâimmenses magasins, 150 000 quintaux de farine, des fourrages, des habits ; ils jettent dans la Vilnia une grande quantitĂ© dâarmes.
Au dĂ©but de la campagne, Alexandre Ier, conseillĂ© par le gĂ©nĂ©ral prussien Phull, Ă©tablit un grand camp retranchĂ© Ă Drissa. Cependant, l'Ă©tat-major convainc le tsar que la position, mal conçue, est indĂ©fendable. Alexandre quitte l'armĂ©e en laissant le commandement au gĂ©nĂ©ral Barclay de Tolly qu'il autorise Ă battre en retraite vers Vitebsk[17]. Les Russes offrent seulement une rĂ©sistance sporadique et Barclay, malgrĂ© les instances de Bagration, refuse de prendre le risque dâune bataille rangĂ©e. Ă plusieurs reprises, il tente dâĂ©tablir une position dĂ©fensive forte mais, Ă chaque fois, lâavance française est trop rapide pour lui permettre de finir les prĂ©paratifs et le force Ă battre en retraite. Ceci est souvent considĂ©rĂ© comme un exemple de politique de la terre brĂ»lĂ©e : en rĂ©alitĂ©, la retraite russe ne faisait pas partie dâun plan Ă©tabli pour attirer les Français dans les terres russes oĂč lâhiver et le manque de provisions suffisantes contribueraient Ă les anĂ©antir, mais plutĂŽt de lâimpossibilitĂ© pour les commandants russes de trouver une occasion de combat dans des conditions favorables, en raison de la vitesse et de la puissance de lâavance française.
Le , lâempereur Alexandre se montre Ă Moscou pour exciter le zĂšle et le courage de ses habitants[18].
Le , les Français entrent Ă Vitebsk. Les Russes continuent Ă se replier. La Grande ArmĂ©e les suit sans trouver lâoccasion de combattre. Enfin, ils arrivent sous les murs de Smolensk, ville russe entourĂ©e de murailles de trois mĂštres dâĂ©paisseur, flanquĂ©e de tours. Ă ces fortifications fort massives, on venait dâajouter dâautres ouvrages exĂ©cutĂ©s avec soin et bien entretenus. Barclay avait jetĂ© dans la place 30 000 hommes, et il se tenait en bataille sur les deux rives du Dniepr, communiquant avec la ville par des ponts.
Les pressions politiques sur Barclay pour entamer le combat et la constante rĂ©ticence du gĂ©nĂ©ral (vue par la population comme un signe dâintransigeance) lui valent de perdre sa position de commandant en chef pour ĂȘtre remplacĂ© par le populaire et haut en couleur Koutouzov. MalgrĂ© sa rhĂ©torique opposĂ©e, il suit la voie de Barclay, voyant tout de suite quâaffronter les Français en bataille rangĂ©e reviendrait Ă sacrifier son armĂ©e inutilement. Ce vieux gĂ©nĂ©ral, vainqueur des Turcs, avait solennellement promis de couvrir Moscou, la ville sainte, et dâanĂ©antir lâarmĂ©e française[19]. Il finit par rĂ©ussir Ă Ă©tablir une position dĂ©fensive Ă Borodino (Ă la suite d'un affrontement indĂ©cis Ă Smolensk du au ).
Ăchec stratĂ©gique vers Saint-PĂ©tersbourg
Pendant que lâarmĂ©e principale sâenfonce, au centre, dans lâimmense plaine russe en direction de Moscou, au nord MacDonald Ă©choue avec le Xe corps dâarmĂ©e franco-prussien Ă sâemparer de Riga, assiĂ©gĂ©e en vain. Puis le IIe corps dâarmĂ©e dâOudinot est repoussĂ© par Wittgenstein Ă deux reprises en direction de la capitale russe sur la NĂ©va oĂč sâest rĂ©fugiĂ© Alexandre Ier : le Ă Kliastitsy sur la route entre Minsk et Pskov, puis le 18 aoĂ»t Ă Polotsk, tout ceci Ă moins de 300 km au sud de Saint-PĂ©tersbourg. DĂ©sormais le IIe corps perd tout caractĂšre offensif et reçoit lâordre de se retrancher le long de la Dvina.
Ces Ă©checs, sâils passent assez inaperçus et semblent peu dĂ©cisifs, ont eu de trĂšs graves consĂ©quences pour NapolĂ©on :
- ils isolent la progression de lâarmĂ©e principale en route vers Moscou, dĂ©sormais seule Ă avancer, ceci dâautant plus imprudemment que Schwarzenberg, censĂ© protĂ©ger son flanc sud avec le XIIIe corps autrichien, lui, sâest bien gardĂ© de sâenfoncer profondĂ©ment vers lâest ;
- ils obligent NapolĂ©on Ă surveiller particuliĂšrement son flanc nord pour maintenir ses lignes arriĂšre, mission quâil confie Ă Gouvion-Saint-Cyr et consistant dĂ©sormais Ă tenir dĂ©fensivement la ligne sur le fleuve Dvina ;
- ils redressent le moral et renforcent la tĂ©nacitĂ© des Russes, incapables encore de sâopposer directement Ă lâEmpereur, mais qui savent ses gĂ©nĂ©raux plus vulnĂ©rables, et qui peuvent lĂ©gitimement penser quâils auront leur heure, tĂŽt ou tard ;
- ils donnent un caractĂšre non dĂ©cisif, voire simplement tactique, aux batailles de Smolensk et de La Moskova/Borodino, lâennemi russe, repoussĂ© Ă chaque fois, nâĂ©tant pas globalement dĂ©stabilisĂ©, ni Ă prĂ©sent dĂ©stabilisable ;
- ils contribuent sans doute enfin à rendre infructueuses les offres de paix de Napoléon, une fois Moscou conquise, Alexandre Ier ne se sentant nullement menacé en son palais de Saint-Pétersbourg.
Par ailleurs au moment oĂč NapolĂ©on va quitter Moscou, Wittgenstein qui sâest renforcĂ©, enfonce Saint-Cyr encore Ă Polotsk, et franchissant la Dvina menace la route principale de Moscou Ă Vilnius, rendant plus incertaine encore la retraite de la Grande ArmĂ©e.
Bataille de Smolensk
Le , Ă une heure de lâaprĂšs-midi, NapolĂ©on donne le signal de lâattaque. Les faubourgs, retranchĂ©s et dĂ©fendus par la grosse artillerie, sont enlevĂ©s ; les remparts, ainsi que les masses postĂ©es sur la riviĂšre, sont foudroyĂ©s. Les Russes, aprĂšs des efforts dĂ©sespĂ©rĂ©s de rĂ©sistance, mettent le feu Ă la ville et lâabandonnent, laissant dâimmenses magasins, 12 000 hommes tuĂ©s, blessĂ©s ou prisonniers, et 200 piĂšces de canon.
Ă la suite de cette victoire, lâEmpereur se met Ă la poursuite des Russes, quâil pousse vivement jusquâĂ Valutino, plateau sur lequel leur arriĂšre-garde prit position le . Murat et Ney lâattaquent et la mettent en fuite aprĂšs lui avoir fait Ă©prouver de grandes pertes. Valutino donna son nom Ă une nouvelle victoire française.
En mĂȘme temps, et sur divers points, il y a plusieurs combats oĂč les armĂ©es de lâEmpire connurent diverses fortunes : le 6e corps, commandĂ© par Gouvion-Saint-Cyr, bat Wittgenstein lors de la premiĂšre bataille de Polotsk, lui tue 2 000 hommes, lui en blesse 4 000, fait un grand nombre de prisonniers, parmi lesquels trois gĂ©nĂ©raux, et sâempare de 20 piĂšces de canon, mais Wittgenstein organise une contre-attaque, qui oblige Gouvion-Saint-Cyr Ă se retirer.
AprĂšs lâaffaire de Valutino, poursuivant lâennemi, la Grande ArmĂ©e arrive Ă Gjat, oĂč il lui est permis de prendre quelques jours de repos et de se prĂ©parer Ă la grande bataille que lâEmpereur juge imminente.
Bataille de la Moskova
Câest le quâest livrĂ©e la bataille appelĂ©e, par les Français, de la Moskova, et par les Russes de Borodino, parce que lâaction a lieu sur le plateau qui domine ce village.
Napoléon harangue ainsi ses troupes :
« Soldats ! VoilĂ la bataille que vous avez tant dĂ©sirĂ©e. DĂ©sormais la victoire dĂ©pend de vous ; elle nous est nĂ©cessaire, elle vous donnera lâabondance, de bons quartiers dâhiver et un prompt retour dans la patrie. Conduisez-vous comme Ă Austerlitz, Ă Friedland, et que la postĂ©ritĂ© la plus reculĂ©e cite avec orgueil votre conduite dans cette journĂ©e ; que lâon dise de vous : « Il Ă©tait Ă cette grande bataille livrĂ©e sous les murs de Moscou ». »
La veille et pendant la nuit il a plu. Ă cinq heures, le soleil se lĂšve sans nuage : « Soldats ! â sâĂ©crie NapolĂ©on â voilĂ le soleil dâAusterlitz ! » Cette exclamation passe de rang en rang et remplit les troupes dâardeur et dâespĂ©rance.
Les deux armĂ©es comptent chacune de 120 Ă 130 000 hommes. Un coup de canon tirĂ© par les Français donne le signal, et lâaction sâengage sur toute la ligne. AprĂšs quatre heures de combats opiniĂątres, pendant lesquels 1 200 bouches Ă feu tirent, trois redoutes sont enlevĂ©es par le prince EugĂšne, les marĂ©chaux Davout et Ney. Toutes les batteries russes sont successivement assaillies et enlevĂ©es. La plus formidable de leurs redoutes est emportĂ©e par les cuirassiers français.
AprĂšs avoir dĂ©truit par la mitraille la plus grande partie des masses qui rĂ©sistent Ă son entrĂ©e, NapolĂ©on fait manĆuvrer le 8e corps et toute la droite pour tourner la derniĂšre position des Russes. Il ordonne Ă la garde et Ă toute la cavalerie de soutenir ce mouvement. EugĂšne se porte en avant de la Kalouga, et dĂšs ce moment lâissue de la bataille est certaine. Ă la tombĂ©e de la nuit, lâarmĂ©e russe opĂšre sa retraite en bon ordre vers MojaĂŻsk, laissant sur le champ de bataille 45 000 hommes hors de combat, dont 25 gĂ©nĂ©raux et 15 piĂšces de canon. Les pertes des Français sont Ă©valuĂ©es Ă 28 000 hommes tuĂ©s ou blessĂ©s, dont 49 gĂ©nĂ©raux.
On estime que 120 000 coups de canon ont Ă©tĂ© tirĂ©s durant lâaction. NapolĂ©on reste sur le champ de bataille, donnant des ordres pour faire transporter les blessĂ©s, tant russes que français, dans les hĂŽpitaux Ă©tablis sur ses lignes de retraite.
Câest aussi une des journĂ©es les plus sanglantes des guerres napolĂ©oniennes. LâarmĂ©e russe fait retraite le avec la moitiĂ© de ses forces, laissant ouverte la route de Moscou, que Koutouzov ordonne dâĂ©vacuer.
LâarmĂ©e française victorieuse se met Ă la poursuite des Russes. NapolĂ©on transporte son quartier gĂ©nĂ©ral Ă MojaĂŻsk, ville situĂ©e Ă vingt-six lieues Ă lâouest de Moscou, que les Russes ont incendiĂ©e puis abandonnĂ©e.
Ă partir de lĂ , les Russes rassemblent leur armĂ©e, qui atteint son effectif maximal, soit 904 000 hommes avec peut-ĂȘtre 100 000 hommes au voisinage immĂ©diat de Moscou (les survivants de lâarmĂ©e dĂ©truite Ă Borodino, en partie renforcĂ©e). La capacitĂ© des Russes Ă renouveler rapidement leurs effectifs est un avantage dĂ©cisif Ă la fin de la campagne.
La prise de Moscou
Le 13 septembre, Koutouzov, conscient que le repli systématique s'est révélé plus efficace que l'affrontement classique, réunit son état-major lors de la conférence de Fili. L'assemblée convient qu'il faut abandonner Moscou[20].
Le 14 septembre (2 heures aprĂšs midi), lâEmpereur fait son entrĂ©e dans lâancienne capitale de la Moscovie, avec sa garde et le premier corps. NapolĂ©on entre dans une ville dĂ©serte, vidĂ©e de toute provision par le gouverneur, FĂ©dor Rostoptchine, pĂšre de la cĂ©lĂšbre comtesse de SĂ©gur.
Le lendemain il sâĂ©tablit au Kremlin, palais des tsars, situĂ© au milieu de la ville. Le marĂ©chal Mortier est nommĂ© gouverneur de cette capitale, avec ordre dâemployer tous les moyens pour empĂȘcher le pillage. Des secours sont donnĂ©s aux blessĂ©s russes qui encombrent les hĂŽpitaux, ainsi quâaux Moscovites qui nâont pas voulu suivre lâarmĂ©e de Koutouzov.
En se basant sur les rĂšgles classiques de la guerre lors de la prise dâune capitale (mĂȘme si Saint-PĂ©tersbourg est la capitale Ă cette Ă©poque), il pense que le tsar Alexandre Ier lui offrirait sa capitulation sur le mont PoklonnaĂŻa, mais le commandement russe ne se rend pas.
Un armistice a Ă©tĂ© accordĂ© aux Russes, et NapolĂ©on, au milieu de ses triomphes, fait proposer la paix Ă Alexandre : il reçoit des rĂ©ponses Ă©vasives, qui, nĂ©anmoins, font espĂ©rer quâon pourrait tomber dâaccord. Mais NapolĂ©on et Alexandre ne veulent que gagner du temps, NapolĂ©on pour complĂ©ter son armĂ©e, Alexandre parce quâil est persuadĂ© que les grands froids qui approchent vont obliger les Français Ă Ă©vacuer lâempire. Les Ă©vĂ©nements justifient leurs prĂ©visions.
Des feux dĂ©marrent Ă Moscou, et ravagent la ville du au du calendrier grĂ©gorien (2 au 6 septembre du calendrier julien). Moscou, construite essentiellement en bois, brĂ»le presque complĂštement, privant les Français dâabris dans la ville. Les incendies ont pour origine des sabotages russes. Ă un signal donnĂ©, le feu Ă©clate dans mille endroits Ă la fois. Câest en vain que les Français font tous leurs efforts pour Ă©teindre lâincendie : le ravage des flammes ne sâarrĂȘte que dans la soirĂ©e du , lorsque les neuf dixiĂšmes de la ville sont en cendres : prĂšs de 4 000 maisons en pierre et 7 000 en bois, 20 000 malades ou blessĂ©s sont victimes de ce dĂ©sastre.
NapolĂ©on dit par la suite que sâil avait pu quitter Moscou deux semaines plus tĂŽt, il aurait pu dĂ©truire lâarmĂ©e de Koutouzov qui campait Ă proximitĂ©, Ă Tarutino. MĂȘme si cela nâaurait pas suffi Ă laisser la Russie sans dĂ©fense, cela lâaurait privĂ©e de sa seule armĂ©e concentrĂ©e capable dâaffronter les Français.
Retraite
Le , la retraite commence. L'armée impériale russe commandée par Koutouzov remporte la bataille de Winkowo sur un corps franco-polonais commandé par le roi de Naples, Joachim Murat.
SiĂ©geant dans une ville en ruines sans avoir reçu la capitulation russe, et face Ă une manĆuvre russe le poussant Ă quitter Moscou, NapolĂ©on entame sa longue retraite. Il sort de Moscou le , et donne lâordre Ă Mortier dâabandonner le Kremlin le , aprĂšs lâavoir fait sauter, lui recommandant surtout de ne laisser en arriĂšre ni blessĂ©s, ni malades. Dans sa marche rĂ©trograde, lâarmĂ©e est vivement harcelĂ©e par lâennemi ; des escarmouches Ă©clatent rĂ©guliĂšrement.
Ă la bataille de Maloyaroslavets, Koutouzov peut enfoncer lâarmĂ©e française sur la mĂȘme route dĂ©vastĂ©e quâils avaient empruntĂ©e Ă lâaller. En continuant Ă bloquer le flanc sud pour empĂȘcher les Français de prendre une autre route, Koutouzov dĂ©ploie Ă nouveau la mĂȘme tactique de partisans pour constamment attaquer le trajet français lĂ oĂč il est le plus vulnĂ©rable. La cavalerie lĂ©gĂšre russe, dont les Cosaques montĂ©s, attaque et dĂ©truit les unitĂ©s françaises isolĂ©es.
Approvisionner lâarmĂ©e devient impossible : le manque total de fourrage affaiblit les chevaux, presque tous meurent ou sont tuĂ©s pour nourrir les soldats affamĂ©s. Sans chevaux, la cavalerie française cesse dâexister, et les cavaliers doivent marcher. De plus, le manque de chevaux fait que les canons et les chariots doivent ĂȘtre abandonnĂ©s, privant lâarmĂ©e dâartillerie et de soutien logistique. MĂȘme si lâarmĂ©e a pu rapidement remplacer son artillerie en 1813, le manque de chariots crĂ©e un immense problĂšme logistique jusquâĂ la fin de la guerre, alors que des milliers des meilleurs chariots militaires sont laissĂ©s en Russie. Comme la famine, les maladies et le froid extrĂȘme sâimposent, les dĂ©sertions prennent alors de lâampleur. La plupart des dĂ©serteurs sont faits prisonniers par les paysans russes : « La guerre des paysans armĂ©s (...) nous fait plus de mal que leur armĂ©e (...) », Ă©crit Bourbon-Gravierre, ordonnateur de l'hospice civil.
L'hiver russe
Ă partir de novembre 1812, lâhiver russe cause de nouveaux tourments Ă lâarmĂ©e française. Au contraire des Russes, les soldats et chevaux de la Grande ArmĂ©e manquent d'Ă©quipements adaptĂ©s au froid et commencent Ă mourir de faim, de froid et de fatigue durant la marche.
Presque tout le monde marchait Ă pied ; l'Empereur qui suivait dans sa voiture en descendait deux ou trois fois chaque jour et marchait aussi pendant quelque temps[21].
Le , alors quâils atteignent Smolensk, commencent les grands froids de lâhiver russe ; le thermomĂštre descend jusquâĂ â22 °C et le sol se couvre de neige. Les chevaux non munis de fers Ă glace pĂ©rissent par milliers au bivouac et bientĂŽt, les hommes subissent le mĂȘme sort. Des scĂšnes d'anthropophagie sont dĂ©crites par des soldats et des officiers comme le gĂ©nĂ©ral SoĆtyk[22]. Cependant, grĂące aux dispositions prises par NapolĂ©on, lâarmĂ©e avance toujours. Le courage des soldats semble augmenter avec lâĂ©tendue des privations et des dangers[23].
ArrivĂ© Ă Orcha, NapolĂ©on, sans prendre un moment de repos, sâoccupa de rĂ©tablir lâordre que les combats et lâintempĂ©rie de la saison avaient dĂ©rangĂ©. Il fit faire des distributions de vivres, dâarmes et de munitions, et lire, dans les corps dâarmĂ©e, un ordre du jour qui les rappelait Ă leurs devoirs, engageant les soldats Ă marcher en corps, et menaçant de punir ceux qui sâobstineraient Ă rester isolĂ©s. Les dĂ©sirs de NapolĂ©on furent accomplis, officiers et soldats rentrĂšrent dans leurs rangs, et avec eux, lâordre et la discipline. Finalement, lâarmĂ©e, avançant Ă marches forcĂ©es, arriva le 25 novembre sur la BĂ©rĂ©zina, sur laquelle NapolĂ©on fit jeter des ponts dont il prĂ©sidait les travaux.
Bataille de la Bérézina
La traversĂ©e de la riviĂšre BĂ©rĂ©zina amĂšne une victoire tactique pour NapolĂ©on quand Koutouzov, dĂ©cidant que le temps est venu pour une bataille rangĂ©e, attaque la partie de lâarmĂ©e française restĂ©e du mauvais cĂŽtĂ© de la riviĂšre. Les Russes ayant Ă©tĂ© repoussĂ©s, tous les Français en arme peuvent franchir les ponts. Seuls restent de lâautre cĂŽtĂ© les malades, les blessĂ©s et les dĂ©serteurs ; ceux-lĂ mĂȘmes qui, par abattement et dĂ©sespoir, ont refusĂ© de passer les ponts durant la nuit prĂ©cĂ©dant la bataille et qui ensuite se sont bousculĂ©s dans une cohue indescriptible au dernier moment (dâoĂč lâexpression proverbiale : « câest la BĂ©rĂ©zina »). Certains se noient dans la riviĂšre, en tentant de la traverser Ă pied, car lâĂ©paisseur de la glace nâest pas suffisante pour supporter leur poids.
DĂ©but dĂ©cembre 1812, NapolĂ©on apprend que le gĂ©nĂ©ral Malet a tentĂ© un coup d'Ătat.
Avant d'atteindre Vilnius, à Smorgonie, le , Napoléon tient un grand conseil de guerre, donne ses instructions et le commandement des troupes à Murat, et part pour Paris, abandonnant son armée et rentrant en traßneau. Murat déserte plus tard pour sauver son royaume de Naples, laissant le vice-roi d'Italie et premier beau-fils de Napoléon, EugÚne de Beauharnais, aux commandes.
Vilnius Ă©vacuĂ©, dans l'escarpement de Ponary sur la route vers Kaunas, la pente glacĂ©e fut fatale : dans sa dĂ©pĂȘche Ă l'Empereur, Berthier Ă©crit « ce fut lĂ le moment de la perte dĂ©finitive de toute l'artillerie, des fourgons et de tous les bagages ». Au cours des semaines suivantes, les restes de la Grande ArmĂ©e se rĂ©duisent encore, et le ils sont expulsĂ©s du territoire russe.
Les pertes humaines
Les derniĂšres recherches sĂ©rieuses sur les pertes de la campagne de Russie sont donnĂ©es par Thierry Lentz[1]. Du cĂŽtĂ© français, le bilan est dâenviron 200 000 morts (la moitiĂ© au combat et le reste de froid, de faim ou de maladie) et de 150 000 Ă 190 000 prisonniers tombĂ©s entre les mains de Koutouzov. Il y eut aussi 50 000 disparus, surtout pendant la dĂ©bĂącle . Pour le reste, 130 000 soldats quittĂšrent la Grande ArmĂ©e au cours de la marche sur Moscou et prĂšs de 60 000[24] se rĂ©fugiĂšrent chez des paysans, nobles et bourgeois russes. Enfin, moins de 30 000 soldats repassĂšrent le NiĂ©men avec Murat. CĂŽtĂ© russe, les rĂ©centes publications dâOleg Sokolov tendent Ă Ă©tablir les pertes Ă 300 000 morts dont 175 000 au combat, ce qui est trĂšs important, mais, selon Thierry Lentz, invĂ©rifiable en lâĂ©tat des Ă©tudes disponibles. Enfin, malgrĂ© des actes de gĂ©nĂ©rositĂ© des deux cĂŽtĂ©s, les prisonniers qui tombĂšrent entre les mains des Français ou des Russes furent globalement maltraitĂ©s. Dans le cas de lâarmĂ©e italique au service de lâEmpereur, un nombre trĂšs limitĂ© de soldats, partis dâItalie, revinrent de Russie, probablement un sur vingt-quatre ou un sur vingt-cinq et la grande majoritĂ© des soldats italiens de NapolĂ©on morts au combat sont laissĂ©s sur le champ de bataille sans sĂ©pulture[25].
AprĂšs la chute de NapolĂ©on, le rapatriement demandĂ© par Louis XVIII des Français restĂ©s en Russie fut globalement un Ă©chec, car les candidats au retour furent peu nombreux. Plusieurs milliers de Français firent souche dans le pays des Tsars. En 1837, 3 200 vivaient Ă Moscou par exemple. Parmi ceux qui restĂšrent en Russie, le soldat de la Grande ArmĂ©e Jean-Baptiste Savin, devenu par la suite Mikhail AndrĂ©ĂŻevitch Savine, serait mort Ă Saratov en 1894 Ă lâĂąge de 102 ans[26] - [27].
Ăvaluation historique
Cette campagne rĂ©vĂšle que NapolĂ©on a grandement sous-estimĂ© lâampleur des difficultĂ©s qui lâattendaient, lui et son armĂ©e :
- sous-estimation de la logistique ;
- sous-estimation des aléas climatiques ;
- tactique de la terre brûlée des Russes, etc.
L'Ă©chec de la campagne de Russie en 1812 marque un coup dâarrĂȘt sĂ©vĂšre aux ambitions de domination europĂ©enne de NapolĂ©on. Comme la dĂ©faite de la puissance navale française Ă la bataille de Trafalgar en 1805, la campagne russe est un tournant dĂ©cisif des guerres napolĂ©oniennes qui mĂšne, en fin de compte, Ă la dĂ©faite de NapolĂ©on et son exil sur lâĂźle d'Elbe.
Pour la Russie, le terme guerre patriotique est un symbole renforçant lâidentitĂ© nationale, qui a un grand impact sur le patriotisme russe du XIXe siĂšcle. Le rĂ©sultat indirect du mouvement patriotique des Russes est un fort dĂ©sir de modernisation du pays qui se traduit par une sĂ©rie de rĂ©volutions, commençant avec la rĂ©volte des DĂ©cembristes et finit avec la rĂ©volution de fĂ©vrier 1917.
LâannĂ©e suivante, NapolĂ©on lĂšve une armĂ©e dâenviron 400 000 soldats français soutenue par 250 000 soldats des pays alliĂ©s aux Français, pour disputer le contrĂŽle de lâAllemagne lors dâune campagne encore plus grande. Ce nâest que lors de la bataille de Leipzig (la bataille des Nations, 16 au ) quâil est de nouveau dĂ©fait, la campagne de France en 1814 est indĂ©cise.
Poussés par les nationalistes prussiens et les commandants russes, des nationalistes allemands se soulÚvent à travers la Confédération du Rhin et la Prusse.
Liste des commandants de lâarmĂ©e russe
- Mikhail I. Koutouzov, commandant en chef
- Michel Barclay de Tolly, ministre de la Guerre
- Peter Wittgenstein, commandant de lâaile droite
- Piotr Bagration, commandant de lâaile gauche
- NikolaĂŻ N. RaĂŻevski, commandant russe majeur
- Dmitri S. Dokhtourov, commandant russe majeur
- MikhaĂŻl A. Miloradovitch, commandant russe majeur
- Alexandre I. Ostermann-TolstoĂŻ, commandant russe majeur
- Alexeï P. Iermolov, général russe
- Alexandre Michaud de Beauretour, général sarde rallié aux Russes
- Mikhaïl S. Vorontsov, général russe
- MatveĂŻ I. Platov, ataman des Cosaques du Don
- Pavel V. Tchitchagov, ministre de la Marine en 1802 et commandant de lâarmĂ©e de Moldavie
Dans la culture
RĂ©cits autobiographiques
- EugĂšne Labaume (capitaine), Relation complĂšte de la campagne de Russie , Paris, 1820; Hachette/BNF, 2018; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6364609m/f14.item.texteImage
- Général Armand de Caulaincourt
- En traĂźneau avec l'Empereur .
- MĂ©moires (L'ambassade de Saint-PĂ©tersbourg et la campagne de Russie )
- 1853 : Sergent Adrien Bourgogne, MĂ©moires.
- Guillaume Peyrusse, En suivant Napoléon, Dijon, Clea, 2009, 474 p. (ISBN 978-2-913835-88-7), (BNF 42314718)
- 2015 : Sylvain Tesson, Berezina, récit de voyage autobiographique.
Romans et autres Ćuvres de fiction
- LĂ©on TolstoĂŻ, Guerre et Paix, roman historique russe, 1865.
- Balzac, Adieu, drame historique, et Autre étude de femme (récit du général de Montriveau).
- Victor Hugo, premiĂšre partie de L'Expiation, issu du recueil Les ChĂątiments.
- Patrick Rambaud, Il neigeait, roman historique.
- Armand Cabasson, Les Proies de l'officier, roman historique.
- Valéry Giscard d'Estaing, La Victoire de la Grande Armée, récit historique (histoire fiction), Perrin, 2001.
- Jasper Kent, Douze, Bragelonne, 2009, roman fantasy.
Cinéma
- 1907 : LâEstafette de Louis Feuillade.
- 1910 :
- Un Ă©pisode de 1812 de Ferdinand Zecca et Camille de Morlhon.
- En temps de guerre (In tempo di guerra) de SocietĂ Italiana Cines.
- Napoléon en Russie (Napoleon v Rossij) de Vassili Gontcharov et Inna Makarova.
- 1911 : Roland le Grenadier. Retraite de Russie 1812 de Luigi Maggi.
- 1912 : 1812 de Vassili Gontcharov, Kai Hansen et Alexandre Ouralsky (film russe).
- 1915 : Guerre et Paix (ĐĐŸĐčĐœĐ° Đž ĐŒĐžŃ) de Yakov Protazanov et Vladimir Gardin, film russe muet.
- 1921 :Guerre et Paix de Joseph Kotolstov, film russe muet.
- 1944 : Koutouzov de Vladimir Petrov.
- 1956 : Guerre et Paix (War and Peace) de King Vidor avec Henry Fonda et Audrey Hepburn, film italo-américain condensant l'histoire.
- 1965-1967 : Guerre et Paix (ĐĐŸĐčĐœĐ° Đž ĐŒĐžŃ) de et avec Serge Bondartchouk et Ludmila Savelieva, adaptation russe en quatre Ă©poques. FilmĂ© en 70 mm. Oscar du meilleur film Ă©tranger en 1968.
- 1975 : Guerre et Amour (Love and Death), film de Woody Allen avec Diane Keaton. Adaptation burlesque du roman.
Télévision
- 1972 : Guerre et Paix, réalisé par John Davies avec Anthony Hopkins, adaptation par la BBC du roman de Tolstoï. Anthony Hopkins obtient la récompense du Meilleur Acteur BAFTA en 1972 pour son interprétation du rÎle de Pierre Bézoukhov.
- 2000 : La Guerre et la Paix, captation de l'opéra de Prokofiev réalisée par François Roussillon avec Robert Brubaker (ca)[28].
- 2007 : Guerre et Paix, adaptation télévisée en quatre épisodes, coproduite par sept pays européens, réalisée par Robert Dornhelm.
- 2016 : Guerre et Paix, adaptation en six Ă©pisodes par la BBC du roman de TolstoĂŻ.
Musique
- Ouverture solennelle 1812 composée par Piotr Ilitch Tchaïkovski en 1880 pour commémorer la victoire russe sur les armées napoléoniennes.
Opéra
Théùtre
- 2001 : le metteur en scÚne russe Piotr Fomenko fait une adaptation théùtrale des sept premiers chapitres de Guerre et Paix[29].
- 2014 : Guerre et Paix, adaptation pour théùtre de marionnettes, texte de Louis-Dominique Lavigne d'aprÚs Tolstoï, mise en scÚne Antoine Laprise, coproduction Le Théùtre du Sous-marin jaune et Le Théùtre de Quartier, au Théùtre de la Bordée à Québec[30].
Comédie musicale
- 2012 : Natasha, Pierre & The Great Comet of 1812 (en), adaptation d'une partie d'environ 70 pages du roman de Tolstoï, produite à Broadway en 2016 avec Josh Groban dans le rÎle de Pierre et Denée Benton (en) dans le rÎle de Natasha. Une controverse fit clÎturer le spectacle à Broadway le .
Notes et références
- Thierry Lentz, Nouvelle histoire du Premier Empire, tome 2, 2004.
- Bogdanovich, History of Patriotic War 1812, Spt., 1859â1860, Appendix, pp. 492â503.
- Tradition magazine, hors série no 3, « La campagne de Russie (1812) », (p. 16).
- (en) Dominic Lieven, Russia against Napoleon. The battle for Europe 1807 to 1814,, Londres, Penguin Books, , 618 p. (ISBN 978-0-14-194744-0).
- Oleg Sokolov, Le combat de deux empires : La Russie d'Alexandre Ier contre la France de Napoléon, Paris, Fayard, , p. 528 (ISBN 978-2-213-67076-8).
- Albert Vandal, Napoléon et Alexandre Ier. L'alliance russe sous le Premier Empire (1807-1812), Paris, Plon, , tome 2, p. 238.
- Nicola Todorov, La Grande ArmĂ©e Ă la conquĂȘte de l'Angleterre. Le plan secret de NapolĂ©on, Paris, VendĂ©miaire, , 295 p. (ISBN 978-2-36358-247-8), p. 205-2012.
- Nicola Todorov, La Grande ArmĂ©e Ă la conquĂȘte de l'Angleterre. Le plan secret de NapolĂ©on, Paris, VendĂ©miaire, , 295 p. (ISBN 978-2-36358-247-8), p. 97.
- . Le terme russe « guerre patriotique de 1812 » la distingue de la « grande guerre patriotique », qui désigne la résistance soviétique à l'invasion allemande durant la Seconde Guerre mondiale.
- Napoléon Bonaparte et Thierry Lentz (Fondation Napoléon) (dir.) (préf. Marie-Pierre Rey), Correspondance générale, vol. 12 : La campagne de Russie, 1812, Fayard, coll. « Divers Histoire » (lire en ligne), introduction.
- Marie-Pierre Rey (dir.) et Thierry Lentz (dir.), 1812 : la campagne de Russie, edi8, coll. « SynthÚses historiques », , 380 p. (ISBN 978-2-262-04166-3, lire en ligne).
- Jean-Claude Damamme, Les soldats de la grande armée, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 9), , 428 p. (ISBN 978-2-262-01862-7), p. 301.
- Jean-Claude Damamme, Les soldats de la grande armée, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 9), , 428 p. (ISBN 978-2-262-01862-7), p. 401.
- Correspondance de Napoléon Ier: 12 novembre 1811-30 juin 1812, p. 622
- Philippe Paul comte de Segur (1842) HISTOIRE DE NAPOLEON ET DE LA GRANDE ARMEE PENDANT L'ANNEE 1812, p. 126
- Clausewitz (1843), p. 48
- Jean Tulard (dir.), L'Europe de Napoléon, Horvath, 1989, p. 457.
- Ă cette occasion, le mĂ©tropolite Platon, ĂągĂ© de cent dix ans, lui fait don de lâimage de saint Serge et lui dit : « La ville de Moscou, la premiĂšre, capitale de lâempire, la nouvelle JĂ©rusalem, reçoit son Christ comme une mĂšre dans les bras de ses fils zĂ©lĂ©s, et Ă travers le brouillard qui sâĂ©lĂšve, prĂ©voyant la gloire brillante de sa puissance, elle chante dans son transport : Hosanna ! BĂ©ni soit celui qui aime ! que lâarrogant, lâeffrontĂ© Goliath apporte des limites de la France lâeffroi mortel aux confins de la Russie ! la pacifique religion, cette fronde du David russe, abattra soudain la tĂȘte de son sanguinaire orgueil ! Cette image de saint Serge, antique dĂ©fenseur du bonheur de notre patrie, est offerte Ă votre majestĂ© impĂ©riale⊠»
- Dans sa proclamation aux soldats, il prophĂ©tise la victoire : « Dieu va combattre son ennemi avec lâĂ©pĂ©e de Michel, et avant que le soleil de demain ait disparu, vous aurez Ă©crit votre foi et votre fidĂ©litĂ© dans les champs de votre patrie avec le sang de lâagresseur et de ses lĂ©gions. » LâarmĂ©e russe, protĂ©gĂ©e par des retranchements que son gĂ©nĂ©ral annonçait comme inexpugnables, Ă©tait encore animĂ©e par les prĂ©dications des prĂȘtres et par lâimage miraculeuse de la Vierge, quâon promenait dans ses rangs.
- « La campagne de Russie/Napopédia », sur www.napopedia.fr, (consulté le ).
- Caulaincourt , Armand-Louis-Augustin de, Mémoires du général de Caulaincourt , duc de Vicence , grand écuyer de l'Empereur (lire en ligne)
- Jacques-Olivier Boudon, Napoléon et la campagne de Russie : 1812, Armand Colin, , 334 p. (lire en ligne).
- Koutouzov Ă©crivait Ă Alexandre : « Les Français, loin de se laisser abattre par la cruelle extrĂ©mitĂ© oĂč ils se voyaient rĂ©duits, nâen Ă©taient que plus enragĂ©s Ă courir sur les piĂšces qui les Ă©crasaient. On dit encore vulgairement en Russie : « Ce nâest point le gĂ©nĂ©ral Koutouzov qui a tuĂ© ou dispersĂ© les Français, câest le gĂ©nĂ©ral Morossov (la gelĂ©e). »
- DâaprĂšs lâhistorien russe Sirotkine.
- Piero del Negro, « Les italiens dans la grande armée »
- VladĂšne Sirotkine, Revue de lâInstitut NapolĂ©on, p. 64.
- Mais lire lâarticle Supercentenaire pour une analyse gĂ©nĂ©rale de ces longĂ©vitĂ©s allĂ©guĂ©es avant le XIXe siĂšcle.
- (en) La Guerre et la Paix sur lâInternet Movie Database
- Présentation de la piÚce de Fomenko à GenÚve (2014).
- Philippe Couture, « Antoine Laprise / Guerre et paix : Pas peur de Tolstoï », sur Voir, (consulté le ).
Source
Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, .
Voir aussi
Bibliographie
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- Jean Gazo, MĂ©moires sur lâExpĂ©dition de Russie, contenus dans MĂ©moires secrets et inĂ©dits pour servir Ă lâhistoire contemporaine, publiĂ©s par Alphonse de Beauchamp, tome 2, Paris, Vernarel et Tenon, 1825, p. 91-126.
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- Curtis Cate (trad. de l'anglais par Claude Yelnik et Jean d'Hendecourt), 1812, le duel des deux empereurs [« The war of the two emperors »] (Biographie), Paris, Laffont, , 483 p. (ISBN 978-2-221-05336-2).
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- Jacques-Olivier Boudon, Napoléon et la campagne de Russie 1812, Paris, A. Colin, , 333 p. (ISBN 978-2-200-25765-1).
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- Albert Vandal, Napoléon et Alexandre 1er l'alliance russe sous le 1er Empire, t. 3 : La rupture, Paris, Plon, (réimpr. 1976) (OCLC 1068169659).
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