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Anthropophagie

L’anthropophagie (du grec áŒ„ÎœÎžÏÏ‰Ï€ÎżÏ‚ / anthrĂŽpos, « ĂȘtre humain », et Ï†Î±ÎłÎŻÎ± / phagĂ­a qui se rapporte Ă  l'action de « consommer ») est une pratique qui consiste Ă  se nourrir d'ĂȘtres humains[1].

ScÚne de cannibalisme au Brésil au XVIe siÚcle.
Gravure tirée du livre de Hans Staden Nus, féroces et anthropophages, 1557.

L'anthropophagie peut recouvrir des réalités profondément différentes selon la civilisation, la période historique et les individus. Elle a dans beaucoup de sociétés une fonction rituelle ou magique. Il peut s'agir d'endocannibalisme (au sein du groupe social) ou d'exocannibalisme (vis-à-vis de groupes extérieurs ou ennemis). Norme sociale dans les sociétés traditionnelles qui la pratiquaient, elle est strictement considérée comme criminelle dans les sociétés modernes.

Anthropophagie et cannibalisme

Si une confusion est souvent faite entre anthropophagie et cannibalisme, les deux notions sont loin de se recouvrir, Ă  plusieurs Ă©gards.

Cannibalisme non humain

D’abord parce que le cannibalisme, dĂ©fini comme le fait de manger des individus de sa propre espĂšce, n’est pas spĂ©cifiquement humain : 1 500 espĂšces pratiquent rĂ©guliĂšrement ou occasionnellement le cannibalisme[2]. L’étymologie d’anthropophagie (« consommation d’ĂȘtres humains ») restreint clairement cette notion Ă  des populations humaines ou des ĂȘtres humains.

Deux significations du mĂȘme acte

Une autre distinction parfois faite entre anthropophagie, terme neutre, et cannibalisme, terme plus chargĂ© de violence, est que celui-ci consiste en l’anthropophagie rituelle. Selon cette distinction, les survivants du « drame de la cordillĂšre des Andes », qui ont ingĂ©rĂ© les passagers dĂ©cĂ©dĂ©s, se sont livrĂ©s Ă  des actes d’anthropophagie circonstancielle, pour survivre ; les pratiques rituelles ancestrales ou pathologiques consistant Ă  consommer des proches, des ennemis, etc. pour capter les propriĂ©tĂ©s du dĂ©funt, maintenir l’équilibre social, etc. relĂšvent quant Ă  elles du cannibalisme essentiel[3].

Anthropophagie physique et symbolique

Par ailleurs, certaines cultures connaissent une anthropophagie symbolique, qui ne porte pas sur la consommation physique de chair humaine, mais sur la dĂ©voration de sa substance symbolique. Ainsi des cultures d’Afrique de l’Ouest, dans lesquelles le sorcier anthropophage, qualitĂ© souvent considĂ©rĂ©e comme hĂ©rĂ©ditaire, inspire une vĂ©ritable terreur dans l’imaginaire collectif. Pour les Wolofs comme pour leurs voisins, nit k- (l’ĂȘtre humain), est constituĂ© de trois composants : yaram w- (corps), de fit w- (force vitale), de bakkan b- (souffle vital) ; ce que dĂ«mm b-, le sorcier anthropophage, s’approprie, c’est le fit, la force vitale, pour augmenter son capital de vie, en dĂ©possĂ©dant la victime du sien. Tandis que celle-ci pĂ©riclite ou meurt, lui se renforce. Il ne l’aura mĂȘme pas touchĂ©e[4] Ainsi, nombre de troubles physiques ou mentaux sont-ils attribuĂ©s par la communautĂ© Ă  la malfaisance d’un sorcier anthropophage ou d’une famille de sorciers anthropophages. Lorsque ses membres dĂ©tectent une agression anthropophagique, ils peuvent dĂ©clencher un rite pour libĂ©rer la victime, mais tout aussi bien lyncher celui, celle ou ceux taxĂ©s d’anthropophagie[5].

Histoire

Paléolithique

Il semble que l'anthropophagie ait Ă©tĂ© pratiquĂ©e dĂšs le PalĂ©olithique[6]. Des traces de dĂ©peçage ont Ă©tĂ© observĂ©es sur des ossements humains prĂ©historiques, mais les indices en question ne sont toutefois pas des preuves d'anthropophagie. Il est en effet souvent difficile de diffĂ©rencier des pratiques funĂ©raires, avec dĂ©charnement post-mortem des corps, des actions anatomiquement identiques Ă  but anthropophagique (grotte nĂ©olithique de FontbrĂ©goua, Ă  Salernes et de l'Adaouste, prĂšs de Jouques en France). Ainsi, dĂšs l'origine, les premiers prĂ©historiens, comme Édouard Piette qui a Ă©tudiĂ© les fossiles de Gourdan-Polignan en 1871[7], puis Gabriel de Mortillet, attribuaient ces marques de dĂ©peçage Ă  des rites funĂ©raires[8].

L'anthropophagie est considérée comme probable dans certains sites du Paléolithique inférieur comme Gran Dolina à Atapuerca en Espagne ou la Caune de l'Arago en France, du Paléolithique moyen comme la Baume Moula-Guercy à Soyons en France[9] - [10], dans des sites mésolithiques (grotte des Perrats à Agris) et dans des populations plus récentes nord-américaines (site de Mancos dans le Colorado)[11].

Si certaines cultures ont eu des pratiques cannibales socialement instituĂ©es, l'anthropophagie occasionnelle en cas de pĂ©nurie grave (famine ou de perte des rĂ©serves de nourriture sur un bateau) a Ă©tĂ© une pratique rĂ©currente dans toutes les sociĂ©tĂ©s[12]. L'anthropophagie comme pratique courante est suggĂ©rĂ©e par l'Ă©quipe du palĂ©oanthropologue JosĂ© MarĂ­a BermĂșdez de Castro qui a rĂ©Ă©tudiĂ© les ossements de la grotte de Gran Dolina. On y trouve des os portant des traces de dĂ©coupe faites par des outils en pierre et brisĂ©s comme pour en extraire la moelle, ou des crĂąnes avec des marques de dĂ©capitation. Tuer des membres jeunes - et donc sans dĂ©fense - de tribus rivales pour limiter la concurrence sur un mĂȘme territoire, et consommer leur chair pour satisfaire les besoins en protĂ©ines, semblerait une stratĂ©gie rĂ©pandue chez Homo antecessor[13].

NĂ©olithique

Des traces de cannibalisme, guerrier ou rituel (la question n'a pas Ă©tĂ© rĂ©solue), ont Ă©tĂ© mises en Ă©vidence Ă  Herxheim (Allemagne) sur un site nĂ©olithique de la culture rubanĂ©e. DatĂ© de 5 000 ans avant notre Ăšre, le site d'environ cinq hectares, dont seule une moitiĂ© a Ă©tĂ© fouillĂ©e, entre 1996 et 2008, a livrĂ© les restes de cinq cents individus dont les corps ont Ă©tĂ© dĂ©membrĂ©s et dont les ossements prĂ©sentent, entre autres, des « traces de cassures, d'incisions, de raclage, de mĂąchement » qui Ă©voquent la consommation[14].

Antiquité

Au Moyen-Orient, les Hittites empalaient, avec toute leur famille, les chefs des villes qui se révoltaient contre leur domination, les découpaient vivants en morceaux qu'ils mettaient à cuire et distribuaient au peuple pour frapper de terreur les opposants par la cruauté du supplice.

Le monothéisme est marqué par une évolution de leur conception d'un dieu sanguinaire en un dieu juste. DÚs lors, le sacrifice d'Isaac ne devient qu'une simple allégorie[15].

Les mythes grecs rapportent de nombreux cas de cannibalisme : Cronos dĂ©vorant ses enfants, le Cyclope PolyphĂšme mis en Ă©chec par Ulysse, le peuple anthropophage des Lestrygons dont parle l’OdyssĂ©e[16], ou mentionnent LaomĂ©don, le roi de Troie, qui y condamne des jeunes filles[17], etc. Certains auteurs racontent que la culture naĂźt lorsque le cannibalisme cesse, d'oĂč le dĂ©veloppement de la notion politique d'allĂ©lophagie (anthropophagie des membres de son groupe) qui est progressivement prohibĂ©e[18].

Dans ses Histoires, Hérodote décrit les traditions funéraires de plusieurs peuples, parmi lesquels les MassagÚtes, les Padéens, les Issédons, les Scythes et les Thraces, dont certains sont nécrophages et d'autres sacrifient les vieillards et les malades avant de les faire cuire et de les consommer[19].

On peut considérer qu'il ne s'agit que de symboles, mais il est vraisemblable, comme le pense Robert Graves dans son ouvrage Les Mythes grecs, que ces mythes se référaient aux pratiques archaïques et aux luttes menées par les premiers Grecs contre des peuples anthropophages. De nombreuses pratiques religieuses anciennes comportaient des sacrifices humains suivis de cannibalisme.

Les Romains trouvaient des remÚdes médicinaux dans les corps humain. D'aprÚs l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien[20] :

« Les Ă©pileptiques boivent le sang des gladiateurs [
] ; regardent comme trĂšs efficace de recueillir sur l'homme mĂȘme, et de la plaie bĂ©ante, le sang chaud, fumant. [
] D'autres recherchent la moelle des fĂ©murs et la cervelle des enfants. »

Au début du Ve siÚcle, le chroniqueur hispano-romain Hydace de Chaves signale des cas d'anthropophagie lors des invasions qui ravagÚrent l'Empire romain d'Occident :

« Les Barbares (Vandales, SuĂšves et Alains) ayant pĂ©nĂ©trĂ© dans les Espagnes, ils la dĂ©vastĂšrent de façon sanguinaire [
] La peste, de son cĂŽtĂ©, fit des ravages. Une famine apparaĂźt, si effroyable que les humains se font cannibales ; les mĂšres tuent mĂȘme leurs enfants et cuisent leurs corps pour se nourrir[21]
 »

Au VIe siÚcle, l'historien byzantin Procope de Césarée mentionne lui aussi des cas d'anthropophagie lors des Guerres gothiques qui dévastÚrent l'Italie ; poussés par la famine, certains furent réduits à manger de l'herbe et de la chair humaine[22].

Du XIe au XIXe siĂšcle

Le christianisme réprouve l'anthropophagie car la chair, à l'image de Dieu, est sacrée[18] mais plusieurs auteurs, dont Strack et Freud, considÚrent que la théophagie de l'hostie au cours de l'Eucharistie (christophagie eucharistique) n'est que la sublimation d'un repas totémique[23].

Les famines médiévales furent à l'origine de cas d'anthropophagie. Le chroniqueur Raoul Glaber décrit dans ses Histoires la famine qui sévit en Bourgogne, en évoquant notamment comment des voyageurs sont égorgés et servent de nourriture à ceux qui les ont accueillis. Il signale avec horreur que l'on vend de la chair humaine grillée sur le marché de Tournus[24].

Des cas d'anthropophagie de survie se déroulÚrent durant les Croisades, selon la Chronique anonyme de la premiÚre croisade[25] :

« Les Francs s'attardĂšrent Ă  Maarrat un mois et quatre jours. [
] Il y eut lĂ  des nĂŽtres qui manquĂšrent du nĂ©cessaire [
] Alors, ils ouvraient les cadavres, parce que, dans leurs ventres, on trouvait des besants cachĂ©s. Ou bien, ils en dĂ©coupaient la chair en morceaux, et ils la faisaient cuire pour la manger. »

Au XVIe siÚcle, on trouvait des cannibales en Amérique du Nord (les AztÚques), en Amérique du Sud (Tupinambas et Tupinikims), et jusqu'au début du XXe siÚcle en Afrique équatoriale ou dans les ßles du Pacifique (Fidji, etc.). Pour tous, manger de la chair humaine était un acte normal.

Dans la société aztÚque, la chair humaine n'était consommée que par les plus puissants, et ce occasionnellement. Ils mangeaient certaines victimes de leurs sacrifices humains[26]. Dans TrÚs brÚve relation de la destruction des Indes, Bartolomé de Las Casas rapporte que certains chefs espagnols, qui s'étaient alliés avec les indigÚnes pour conquérir le pays, toléraient que ces Indiens traßnassent avec eux des prisonniers destinés à nourrir la troupe. Lorsque les campements étaient installés, une boucherie se mettait en place, et des hommes, femmes et enfants étaient abattus, découpés et vendus.

Hans Staden (1525-1576) est un arquebusier allemand qui fut capturĂ© en 14 aprĂšs un naufrage par une tribu Tupi-Guarani pratiquant l'anthropophagie rituelle, les Tupinamba. ÉpargnĂ© grĂące Ă  un heureux concours de circonstances[27] et de retour en Europe, il Ă©crivit Nus, fĂ©roces et anthropophages (1557), rĂ©cit de sa captivitĂ©. Son tĂ©moignage a inspirĂ© deux films : Hans Staden de Luis Alberto Pereira (1999), et, plus librement, Qu’il Ă©tait bon mon petit Français (Como era gostoso o meu frances), de Nelson Pereira dos Santos (1971).

André Thévet, franciscain qui avait accompagné Villegagnon jusqu'à la baie de ce qui deviendra Rio de Janeiro, est ensuite remonté le long des cÎtes d'Amérique dans les possessions françaises. AprÚs avoir trouvé des cannibales au Brésil (les Tupinambas), il en a aussi trouvé en Guyane et en Floride. Jean de Léry, pasteur protestant qui succéda à Thevet auprÚs de Villegagnon, rapporte lui aussi les coutumes cannibales des indiens Tupis dans ses écrits.

Pendant la Révolution française, lors de la prise des Tuileries le 10 août 1792, des actes d'anthropophagie ont été rapportés lors du massacre des gardes suisses et du personnel du palais[28]. Lors des massacres de Septembre, des cas de consommation de foies humains et d'hémophagie (consommation du sang) sont également rapportés[29]. En 1810, le Code Civil ne fait pas mention de l'anthropophagie comme d'un crime, aussi les rescapés de la Méduse ne sont donc pas poursuivis, entre les officiers qui mangent la viande cuite et les soldats qui la mangent crue[30]. Lors de la retraite de Russie, le général Longeron témoignera des cadavres de soldats dont on avait découpé des laniÚres de chair aux cuisses pour s'en nourrir[31].

Henry B. Parkes, dans son livre Histoire du Mexique, prĂ©facĂ© par Jacques Soustelle[32], dĂ©crit ceci : en 1844, lorsqu'il fuyait Mexico, le prĂ©sident Antonio LĂłpez de Santa Anna fut capturĂ© par des indigĂšnes cannibales de la rĂ©gion de Xico dans l'État de Veracruz qui allaient le manger et ne dut son salut qu'Ă  l'intervention opportune de troupes gouvernementales.

L'affaire de Hautefaye est un lynchage qui a eu lieu en Dordogne (France) en 1870, à l'origine de la mort du jeune notable Alain de Monéys. Ce drame a donné lieu à des rumeurs de cannibalisme. Le maire Bernard Mathieu aurait ainsi répondu à la foule qui manifestait l'intention de faire brûler et manger la victime : « Faites ce que vous voudrez, mangez-le si vous voulez ! »[33].

L'anthropophagie fut aussi pratiquée par les Maoris de Nouvelle-Zélande jusqu'à l'arrivée des Européens.

Guerre et cannibalisme sont souvent corrélés. L'endocannibalisme pacifique apparaßt comme une situation de fuite chez des peuples dominés (notamment en Amérique du Sud) entourés de sociétés pratiquant l'exocannibalisme guerrier ou la traite d'esclaves (les Africains pensaient que les esclavagistes pratiquaient la traite non pour leur économie mais par anthropophagie). L'agriculture semi-itinérante (se déplaçant lentement par écobuage ou essartage) est aussi liée au cannibalisme transitoire en situation de crise[18].

Union soviétique

ScÚne de cannibalisme pendant la famine soviétique de 1921-1922.

Divers cas d'anthropophagie touchant des villages ou des régions entiÚres ont été rapportés durant les famines soviétiques, ainsi que durant le siÚge de Léningrad.

Selon un rapport de la SĂ©curitĂ© d'État, en 1922, « la famine atteint des proportions terribles. Les paysans ont mangĂ© tout ce qui pouvait servir de nourriture, chats, chiens, rats. Selon les tĂ©moignages des membres du comitĂ© exĂ©cutif de la volost [canton], le cannibalisme dans l'arrondissement de Lioudbimovka prĂšs de SĂ©bastopol prend des proportions dramatiques[34]. »

Le plus grand nombre de cas, plusieurs milliers, s'est produit durant la grande famine des années 1930 connue en Ukraine sous le nom de « Holodomor » (voir cet article).

En outre, en septembre 1933, un responsable communiste de l'Ăźle de Nazino, Ă  la confluence de la riviĂšre Nasina et du fleuve Ob en SibĂ©rie, rapporte dans une lettre adressĂ©e officiellement Ă  Staline que 4 000 des 6 000 personnes dĂ©portĂ©es sur ordre de ce dernier sur l'Ăźle au mois de mai prĂ©cĂ©dent sont mortes, faute de nourriture, de bĂątiments pour se protĂ©ger du climat peu clĂ©ment et de matĂ©riel de cuisine, et que beaucoup des survivants ont survĂ©cu grĂące au cannibalisme[35] - [36].

Les derniers cas d'anthropophagie par nécessité en Europe sont mentionnés pendant l'hiver de la famine soviétique de 1946-1947, particuliÚrement en Ukraine occidentale et Moldavie[37] - [38].

RĂ©publique populaire de Chine

Selon l'universitaire chinois Yang Jisheng, Mao Zedong engage de 1958 au début 1960, le Grand Bond en avant qui « provoque un gigantesque désastre économique ». Pour approvisionner les villes, mais aussi pour briser la résistance paysanne comme en URSS sous le régime de Staline, « les paysans sont affamés ». Yang Jisheng indique que le nombre de personnes ayant perdu la vie de façon « anormale » pour l'ensemble de la Chine est de 36 millions et que des cas de cannibalisme sont alors constatés dans l'ensemble du territoire chinois[39].

Selon le journaliste anglais Patrick French « au milieu des années 1960, lors de la révolution culturelle, on a pratiqué en République populaire de Chine l'anthropophagie pour prouver une doctrine révolutionnaire » : celle d'un « homme nouveau libéré de tout scrupule bourgeois ». Les organes humains considérés comme supérieurs, comme le foie, était réservés aux hauts responsables du parti communiste chinois[40].

L'Ă©crivain chinois Zheng Yi enquĂȘta sur les actes de cannibalisme commis dans la province du Shanxi pendant la RĂ©volution culturelle[41]. Le rĂ©sultat de cette investigation publiĂ© sous le titre de StĂšles rouges : du totalitarisme au cannibalisme est accablant pour les autoritĂ©s locales, qui autorisĂšrent et institutionnalisĂšrent Ă  grande Ă©chelle cette pratique[42]. Zheng Yi dĂ©crit des scĂšnes de cannibalisme et affirme qu'au moins 10 000 personnes furent tuĂ©es et mangĂ©es en Chine durant cette pĂ©riode[43]. D'autres sources Ă©voquent 100 000 cas dans le Guangxi.

Cambodge

Lors du procĂšs de Khieu Samphan et Nuon Chea, un tĂ©moin Cham Ă©voque un acte de cannibalisme : « Les Khmers rouges ont demandĂ© Ă  une femme de se dĂ©shabiller. Ils l’ont ensuite coupĂ©e en morceaux. Il y avait du sang partout. Ils lui ont ensuite retirĂ© le foie et l’ont cuit pour en faire leur repas »[44].

Allemagne

Armin Meiwes a passé une annonce en 2001 pour trouver un volontaire désirant se faire manger, il a trouvé un tel candidat[45].

Corée du Nord

Un organisme public sud-coréen, l'Institut pour l'unification nationale (KINU), affirme, dans son Livre Blanc, l'existence de plusieurs cas de cannibalisme en Corée du Nord lors de la famine des années 1990[46].

Japon

De nombreux rapports Ă©crits et tĂ©moignages colligĂ©s par la section australienne des crimes de guerre du tribunal de Tokyo et analysĂ©s par l'enquĂȘteur William Webb (le futur juge en chef), dĂ©montrent que les soldats japonais commirent lors de la Seconde Guerre mondiale des actes de cannibalisme Ă  l'encontre des prisonniers alliĂ©s et des populations civiles des territoires occupĂ©s. Dans certains cas, ces actes Ă©taient motivĂ©s par la famine, mais selon l'historien Yuki Tanaka, « le cannibalisme Ă©tait souvent une activitĂ© systĂ©matique menĂ©e par des escouades entiĂšres et sous le commandement d'officiers[47]. »

Selon le témoignage de plusieurs prisonniers, comme le soldat indien Hatam Ali, les victimes étaient parfois dépecées vivantes. Les plus hauts gradés connus ayant pratiqué l'anthropophagie sont le lieutenant-général Yoshio Tachibana qui, avec onze membres de son personnel, a été jugé pour avoir fait décapiter et mangé un aviateur américain en à Chichi Jima et le vice-amiral Mori, pour avoir mangé un prisonnier lors d'une réception tenue en [48].

France

La France a connu des affaires de cannibalisme : exclusivement du cannibalisme criminel. Comme le 2 janvier 2007 Ă  la maison d'arrĂȘt de Rouen, oĂč Nicolas Cocaign tue son codĂ©tenu et mange ses poumons, une partie crue et l'autre cuite avec des oignons sur un rĂ©chaud de fortune[49]. Le 15 novembre 2013, Ă  Nouilhan, un ancien militaire du nom de JĂ©rĂ©my Rimbaud tue un homme de 90 ans et mange son cƓur et sa langue[50] - [51]. La nuit du 22 au 23 mai 2013, CĂ©dric ArĂšne, tue, dĂ©membre, dĂ©capite sa grand-mĂšre de 95 ans et dĂ©vore son foie[52] - [53].

Afrique du Sud

En 2017, la BBC annonce l'arrestation en Afrique du Sud d'un groupe pratiquant l'anthropophagie Ă  des fins rituelles[54].

Accusations d'anthropophagie

Assez frĂ©quemment, des accusations d’anthropophagie ont Ă©tĂ© portĂ©es contre tel ou tel groupe, afin de le discrĂ©diter ou de le rendre inhumain ; les sources relatant des comportements anthropophagiques sont Ă  prendre avec prudence.

Les tĂ©moignages francs et arabes d'anthropophagie des CroisĂ©s citĂ©s par Amin Maalouf dans Les Croisades vues par les Arabes[55] sont soit circonstanciĂ©s, soit Ă©cartĂ©s par les historiens. En effet, si Maalouf cite le chroniqueur franc Raoul de Caen : « À Maarrat, les nĂŽtres faisaient bouillir des paĂŻens adultes dans des marmites, ils fixaient les enfants sur des broches et les dĂ©voraient grillĂ©s », l'historiographie ne considĂšre pas Raoul de Caen comme une source fiable : on le voit notamment quand il dĂ©clare que les CroisĂ©s se sont trouvĂ©s face Ă  une « statue de Mahomet » dans le temple de Salomon[56] - [57].

Le romancier libanais cite aussi la Chronique anonyme de la premiĂšre croisade[25] :

« Les Francs s'attardĂšrent Ă  Maarrat un mois et quatre jours. [
] Il y eut lĂ  des nĂŽtres qui manquĂšrent du nĂ©cessaire [
] Alors, ils ouvraient les cadavres, parce que, dans leurs ventres, on trouvait des besants cachĂ©s. Ou bien, ils en dĂ©coupaient la chair en morceaux, et ils la faisaient cuire pour la manger. »

Mais l'historien René Grousset, dans son Histoire des croisades, fait remarquer que les actes incriminés étaient commis sur des cadavres (« ils ouvraient les cadavres ») par les Tafurs, bandes de ribauds affamés (« Il y eut là des nÎtres qui manquÚrent du nécessaire »).

Selon Grousset et aussi selon Xavier Yvanoff dans son Anthropologie du racisme : essai sur la genÚse des mythes racistes[58], constatant la terreur que cet acte avait engendré chez leurs adversaires, les chefs croisés en firent courir le bruit : Bohémond de Tarente, voulant brûler les espions musulmans introduits dans son camp, donna l'ordre de le faire sur des broches afin de faire croire qu'ils seraient dévorés. Il y eut donc selon les historiens des cas isolés d'anthropophagie de survie[59] suivie de propagande destinée à terroriser l'adversaire.

Pendant la rĂ©volte du papier timbrĂ©, les soldats de Louis XIV, selon madame de SĂ©vignĂ©, auraient mis un enfant Ă  la broche. Il est par ailleurs vraisemblable que les personnages d'ogres mangeant des enfants dans les contes tels que Le Petit Poucet de Charles Perrault Ă©taient inspirĂ©s par les individus ou groupes anthropophages qui sĂ©vissaient dans les forĂȘts europĂ©ennes au moment des famines. Cependant, de telles accusations ont toujours Ă©tĂ© portĂ©es contre ceux que l'on voulait combattre afin de les diaboliser, et ce depuis l'AntiquitĂ©. Ainsi les premiers chrĂ©tiens Ă©taient-ils accusĂ©s de manger des enfants vivants, et diverses sectes combattues par le rĂ©gime ont toujours subi les mĂȘmes accusations.

Aspect juridique

En Europe, le capitulaire de Charlemagne de 789 est l'un des premiers textes juridiques Ă  se prĂ©occuper des actes de cannibalisme : « Si quelqu’un, trompĂ© par le diable, croit qu’une femme est une sorciĂšre qui mange des hommes, et que pour cela il la brĂ»le et donne sa chair Ă  manger ou la mange lui-mĂȘme, il sera puni de la peine capitale »[60].

Aujourd'hui, plusieurs pays, notamment en Afrique, ont inscrit le crime de cannibalisme dans leur lĂ©gislation. Au Gabon, l’article 211 du Code pĂ©nal dispose que « tout acte d'anthropophagie, toute cession de chair humaine Ă  titre onĂ©reux ou gratuit faite dans le mĂȘme but, sera puni de la rĂ©clusion criminelle Ă  temps »[61]. Au Burundi, c'est l'article 165 du Code pĂ©nal qui s'applique : « Quiconque aura provoquĂ© ou prĂ©parĂ© des actes d’anthropophagie, y aura participĂ©, ou aura Ă©tĂ© trouvĂ© en possession de chair humaine destinĂ©e Ă  des actes d’anthropophagie, sera puni de la peine de mort »[62].

Mais dans d'autres pays, notamment en France et en Allemagne, la législation ne prévoit pas de sanction pour les actes d'anthropophagie, car moralement inimaginables en Europe occidentale : « Quant au cannibalisme, il n'est tout simplement pas prévu par la législation allemande »[63]. Les magistrats français peuvent néanmoins s'appuyer sur l'article 222 du Code pénal qui punit les tortures et actes de barbarie de 15 à 30 ans de réclusion criminelle, et considérer l'anthropophagie comme une circonstance aggravante en cas d'homicide.

Motivations

Interprétations psychologiques

Chez certaines tribus anthropophages, boire le sang et manger la chair de leurs ennemis Ă©tait un moyen de s'approprier leur force.

Le délire anthropophagique est une conviction psychotique : boire le sang de l'homme rapprocherait l'anthropophage du divin.

En contact avec les peuples amĂ©rindiens, les explorateurs ont cherchĂ© Ă  expliquer les motivations des tribus cannibales. Dans son Histoire d'un voyage fait en la terre du BrĂ©sil, Jean de LĂ©ry explique que « plus que par vengeance et pour le goĂ»t (
), leur principale intention est, qu'en poursuivant et rongeant ainsi les morts jusqu'aux os, ils donnent par ce moyen crainte et Ă©pouvantement aux vivants ».

L'anthropophagie est généralement considérée comme un acte de folie dans les sociétés occidentales[64]. Il est perçu aussi chez certains peuples comme un acte d'humiliation pour la personne dépecée et sa famille.

L'anthropophagie peut Ă©galement ĂȘtre vue dans certains cas comme une volontĂ© de s'approprier une partie de quelqu'un, Ă  compter que l'anthropophagie ne nĂ©cessite pas forcĂ©ment de meurtre. Ce n'est pas de la dĂ©mence dans tous les cas de figure, l'anthropophagie peut ĂȘtre aussi nĂ©cessaire pour la survie.

Cannibalisme rituel

  • Selon la Chronique de l'abbĂ© RĂ©ginon de PrĂŒm (Reginonis abbatis Prumiensis Chronicon, annĂ©e 889), les Magyars (Hongrois) (encore paĂŻens et semi-nomades), dont la fĂ©rocitĂ© « surpassait celle des bĂȘtes sauvages », mangeaient de la viande crue (comme d'autres peuples des steppes, d'oĂč d'ailleurs l'origine du steak tartare), de la chair humaine, et dĂ©voraient le cƓur de leurs ennemis et buvaient leur sang, pour s'approprier leurs forces. Une affirmation Ă  prendre avec prĂ©caution cependant... Non seulement car, dans sa chronique, RĂ©ginon de PrĂŒm reconnait faire Ă©tat d'une rĂ©putation que l'on prĂȘte aux Magyars et non pas de faits Ă©tablis et prouvĂ©s : "On dit qu'ils mangent de la viande crue, qu'ils boivent du sang, qu'ils dĂ©vorent des morceaux de cƓur des prisonniers qu'ils ont fait Ă  titre de mĂ©decine". De plus, car comme le souligne l'historienne GeneviĂšve BĂŒhrer-Thierry, chez les auteurs chrĂ©tiens, l'anthropophagie Ă©taient une pratique qui Ă©tait reprochĂ© Ă  l'ensemble des peuples paĂŻens ou non chrĂ©tiens. Les juifs Ă©galement furent accusĂ© d'anthropophagie. BĂŒhrer-Thierry souligne ainsi que pour les auteurs chrĂ©tiens, tel que l'abbĂ© RĂ©ginon de PrĂŒm, "l'anthropophagie est une sorte de marqueur de l'exclusion : ceux qui ne sont pas chrĂ©tiens ne sont pas vraiment des ĂȘtres-humains, c'est pourquoi on les soupçonne de manger de la chair humaine, ce qui les retranche de l'humanitĂ©. Pour intĂ©grer la sociĂ©tĂ© des hommes, il faut ĂȘtre baptisĂ©" [65].
  • Selon Helmold de Bosau (Chronica Slavorum), les Slaves paĂŻens avaient Ă©galement la rĂ©putation d'ĂȘtre cannibales[66].
  • Les AmĂ©rindiens Guayaki du Paraguay (lire Pierre Clastres, Chronique des Indiens Guayaki[67], 1972), endocannibales, mangeaient leurs propres morts, leur assurant ainsi une forme de sĂ©pulture humaine. Dans d'autres peuples anthropophages, les vivants pensent s'approprier les mĂ©rites et la vigueur de leurs morts.
  • Au BrĂ©sil, les AmĂ©rindiens Tupi, exocannibales, tuaient et mangeaient leurs prisonniers Ă  l'issue de combats avec les peuples voisins. Le prisonnier — ou la prisonniĂšre — Ă©tait conservĂ© un certain temps dans le village avant d'ĂȘtre tuĂ©. Selon Jean de LĂ©ry, les victimes ne cherchaient pas Ă  s'enfuir, devenant mĂȘme joyeux au moment d'ĂȘtre mangĂ©s. LĂ©ry raconte mĂȘme qu'arrivant un jour dans un village, et voyant plusieurs Indiens prĂ©parĂ©s et sur le point d'ĂȘtre tuĂ©s, il aperçut une jeune femme qu'il avait convertie au christianisme lors d'un passage prĂ©cĂ©dent. Il s'approcha d'elle et lui proposa de prier Dieu, lui disant qu'il allait intervenir pour la sauver. La femme se mit alors Ă  rire, dĂ©clarant que « Dieu n'y Ă©tait pour rien, que c'Ă©tait son tour d'ĂȘtre mangĂ©e, et qu'elle espĂ©rait que sa viande serait bonne. » Jean de LĂ©ry termine : « et, tout en riant, elle s'avança, fit un signe au bourreau et elle mourut ainsi ». Le rituel Ă©tait immuable : le corps entiĂšrement rasĂ©, l'anus bouchĂ© par un bois ou des herbes pour que rien ne se perde, le condamnĂ© Ă©tait maintenu par une corde serrĂ©e autour de sa poitrine. Celui qui devait le tuer tenait en main un fort gourdin emplumĂ©, et lui dĂ©clarait qu'il allait ĂȘtre tuĂ© et mangĂ©. Le prisonnier rĂ©pondait alors qu'il avait tuĂ© et mangĂ© beaucoup de ce village, et que les siens viendraient le venger et les mangeraient tous. AprĂšs quoi, d'un grand coup sur la tĂȘte, le prisonnier Ă©tait tuĂ©. Les femmes s'en emparaient, raclaient la peau et versaient de l'eau chaude sur le cadavre, comme l'on fait en Europe pour un cochon. Puis un homme coupait les membres, dont les femmes s'emparaient pour danser et courir autour du feu. Enfin, le tronc Ă©tait ouvert et dĂ©pecĂ©, les viscĂšres et la tĂȘte mises dans une marmite pour les femmes et les enfants, pendant que les membres et le tronc Ă©taient posĂ©s sur une grille en bois au-dessus du feu. Celui qui avait tuĂ© se retirait pour jeĂ»ner pendant une journĂ©e[68].

Cannibalisme criminel

Faim, folie et crime, huile sur toile d'Antoine Wiertz, Ixelles, musée Wiertz, 1853.
  • Plusieurs cas de cannibalisme font la une de l'actualitĂ©, notamment Luka Rocco Magnotta suspectĂ© d'avoir poignardĂ©, dĂ©membrĂ© et mangĂ© la fesse d'un de ses partenaires Ă  MontrĂ©al. À Miami, la police a abattu un homme qui Ă©tait en train de dĂ©vorer le visage de sa victime. Toujours aux États-Unis, un Ă©tudiant a tuĂ© son colocataire pour manger son cƓur et son cerveau.
  • Le fait le plus connu est l'Ɠuvre d'un Ă©tudiant japonais, Issei Sagawa, qui a dĂ©vorĂ© une partie de son amie nĂ©erlandaise Ă  Paris en 1981. Celui-ci a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© le .
  • Listes de criminels cannibales condamnĂ©s aprĂšs des meurtres et des preuves de consommation (et/ou de revente de chair humaine) :
    • Antoine LĂ©ger, (français, arrĂȘtĂ©, condamnĂ© et exĂ©cutĂ© en 1824)
    • Alfred Packer (amĂ©ricain, arrĂȘtĂ© en 1874 et mort en 1907)
    • Georges Grossman (allemand, arrĂȘtĂ© en 1921),
    • Karl Denke (allemand, arrĂȘtĂ© en 1924),
    • Fritz Haarmann (allemand, 1925),
    • Albert Fish (amĂ©ricain, arrĂȘtĂ© en 1934),
    • Anna Zimmerman (allemande, arrĂȘtĂ©e en 1981),
    • Mba Ntem (gabonais, arrĂȘtĂ© en 1988) a tuĂ© et mangĂ© en partie 6 personnes dont deux de ses enfants entre 1979 et 1988[69].
    • Jeffrey Dahmer (amĂ©ricain, arrĂȘtĂ© en 1991),
    • Daniel Rakowitz (amĂ©ricain, 1989),
    • Andrei Chikatilo (ukrainien, condamnĂ© Ă  mort en 1994),
    • Armin Meiwes (allemand, 2001) : surnommĂ© par les mĂ©dias le « cannibale de Rotenbourg » avait Ă©masculĂ©, dĂ©coupĂ© et mangĂ© en partie Bernd Brandes, qui Ă©tait volontaire. Il a Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  Francfort le Ă  la prison Ă  perpĂ©tuitĂ©[70],
    • Robert Pickton (canadien, condamnĂ© Ă  un emprisonnement Ă  perpĂ©tuitĂ© sans possibilitĂ© de libĂ©ration conditionnelle avant 25 ans en 2007), Ă©leveur porcin, soupçonnĂ© d'avoir donnĂ© Ă  ses porcs, comme nourriture, les cadavres de certaines victimes et d'avoir vendu des restes humains parmi les restants d'animaux Ă  des sociĂ©tĂ©s spĂ©cialisĂ©es dans le recyclage pour les industries cosmĂ©tique et agro-alimentaires[71].
    • Nicolas Cocaign[72] (français, condamnĂ© Ă  30 ans de prison ferme en juin 2010 pour meurtre et actes de torture et de barbarie). Il avait tuĂ© puis mangĂ© un morceau de poumon d'un codĂ©tenu dans sa cellule de la prison de Rouen en 2007[73].
    • Rudy Eugene (amĂ©ricain, surnommĂ© le « Miami Zombie » est abattu par la police le 26 mai 2012 alors qu'il dĂ©vorait nu, et en pleine rue de Miami, le visage d'un homme[74]).

Cannibalisme de survie

Distinguons le cannibalisme de corps de personnes décédées et le meurtre suivi de cannibalisme.

  • À AthĂšnes, en 86 av. J.-C., les habitants se livrent Ă  l'anthropophagie pour survivre, pendant les longs mois que dure le siĂšge menĂ© par Sylla. Les lĂ©gionnaires qui procĂšdent au pillage de la ville dĂ©couvrent que de nombreuses maisons contiennent de la viande humaine prĂ©parĂ©e pour ĂȘtre consommĂ©e[75].
  • Durant les siĂšges de Perpignan en 1473-1475 et en 1640, les habitants de la ville en furent rĂ©duits Ă  manger les cadavres aussi bien des assaillants que des dĂ©fenseurs, aprĂšs avoir Ă©puisĂ© le crottin des chevaux, le cuir bouilli ou mĂȘme l'herbe des remparts[76].
  • En 1816, Ă  la suite du naufrage de la frĂ©gate La MĂ©duse, 150 marins et soldats s'entassĂšrent sur un radeau pendant 13 jours, pratiquant l'anthropophagie pour survivre. Il n'y eut que 15 rescapĂ©s. Voir Ă©galement le tableau Le Radeau de la MĂ©duse de ThĂ©odore GĂ©ricault.
  • À la suite du naufrage du baleinier l'Essex en 1820, plusieurs hommes d'Ă©quipage ont dĂ©rivĂ© dans des chaloupes durant plusieurs mois. Sur les 6 hommes victimes d’anthropophagie, un seul aura Ă©tĂ© tirĂ© au sort ; les cinq autres dĂ©cĂ©dant de mort naturelle. C'est l'un des rares tĂ©moignages de cannibalisme qui nous soit parvenu aprĂšs qu'un navire se soit abĂźmĂ© en mer.
  • Durant l'hiver 1846-1847, dans la Sierra Nevada en Californie, un groupe de colons bloquĂ©s par la neige eut recours Ă  l'anthropophagie.
  • On suppose que les membres de l'expĂ©dition Franklin en 1847 y eurent Ă©galement recours.
  • En 1881, l'expĂ©dition Greely se termine de maniĂšre aussi tragique.
  • En 1884, le navire La Mignonette fit naufrage, quatre hommes purent se rĂ©fugier sur un canot de sauvetage et trois survĂ©curent en mangeant le quatriĂšme. SauvĂ©s par un autre navire, ils furent jugĂ©s et condamnĂ©s[77].
  • En 1972, une Ă©quipe de rugby uruguayenne se retrouva isolĂ©e pendant 72 jours sur un glacier de la cordillĂšre des Andes Ă  la suite de l'accident du vol 571 Fuerza AĂ©rea Uruguaya avant de recevoir du secours. Les 16 rescapĂ©s dĂ©cidĂšrent de pratiquer l'anthropophagie (de leurs camarades dĂ©cĂ©dĂ©s) ; l'histoire retient qu'ils durent leur survie Ă  cette dĂ©cision. Cette tragĂ©die donna lieu au livre et au film Les Survivants, puis en 2006 Miracle dans les Andes.
  • Pendant les guerres mondiales, plusieurs actes de cannibalismes ont Ă©tĂ© commis, non seulement Ă  cause de la famine, mais aussi de façon systĂ©matique par les camps ennemis, dont le Japon durant la Seconde Guerre mondiale. Exemple avec l'histoire de Nauru.
  • La chanson traditionnelle Il Ă©tait un petit navire Ă©voque le meurtre suivi de cannibalisme de survie.
  • L'affaire de Nazino est un cas saisissant : environ 6 000 personnes, considĂ©rĂ©es comme dĂ©classĂ©es, ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©es par Staline sur l'Ăźle de Nazino au printemps 1933. La nourriture Ă©tant rationnĂ©e Ă  l'extrĂȘme, au moins une dizaine d'actes de cannibalisme humain ont Ă©tĂ© recensĂ©s.

Maladie liée à l'anthropophagie

Dans les annĂ©es 1950, de nombreux cas de maladies ont Ă©tĂ© dĂ©couverts en Nouvelle-GuinĂ©e. Des Ă©tudes menĂ©es sur place ont Ă©tabli un lien entre les rites funĂ©raires cannibales (certains cannibales de Nouvelle-GuinĂ©e mangeaient le cerveau de leurs victimes) et les nombreux dĂ©cĂšs constatĂ©s. Les chercheurs ont conclu que les peuples pratiquant le cannibalisme Ă©taient atteints de la maladie de kuru. Le cannibalisme semble s'ĂȘtre arrĂȘtĂ© dans les annĂ©es 1950 sous la pression des autoritĂ©s australiennes.

Notes et références

  1. Aristote, La Politique (lire en ligne), L.V, 1338b
  2. « L’incroyable histoire du crapaud-buffle d’Australie, devenu cannibale en quelques dĂ©cennies », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  3. Isavella Stamatiadou, « L’anthropophagie dans la littĂ©rature nĂ©o-hellĂ©nique. ReprĂ©sentations, pratiques, symbolismes », Cahiers balkaniques, no Hors-sĂ©rie,‎ (ISSN 0290-7402, DOI 10.4000/ceb.6741, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. Henri Gravrand, « Psychopathologie africaine», XI, 2, 1975, p. 179-216
  5. Maria Teixeira, « Sorcellerie et contre-sorcellerie : un rĂ©ajustement permanent au monde », Cahiers d’études africaines, vol. 48, nos 189-190, 7 avril 2008, p. 59–79 (ISSN 0008-0055, DOI 10.4000/etudesafricaines.9762, lire en ligne, consultĂ© le 13 septembre 2021)
  6. StĂ©phane Gabioud et Pascaline Minet, « Nos ancĂȘtres Ă©taient-ils cannibales ? », CQFD, confĂ©rence Ă  l'universitĂ© de GenĂšve « Le cannibalisme prĂ©historique »,‎ (rĂ©sumĂ©) [fichier audio] [tĂ©lĂ©charger le fichier *.mp3]
    « Le cannibalisme aux temps prĂ©historiques a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© par les archĂ©ologues dĂšs le XIXe siĂšcle. Mais ce n'est que rĂ©cemment que cette pratique a Ă©tĂ© avĂ©rĂ©e sur certains sites, dont celui de Herxheim, dans l’ouest de l’Allemagne. Explications de Bruno Boulestin, chercheur Ă  l'universitĂ© de Bordeaux au laboratoire d'anthropologie des populations passĂ©es et prĂ©sentes. »
  7. Édouard Piette, Bulletins de la SociĂ©tĂ© d'anthropologie de Paris, 1875, vol. 10, p. 279-296
  8. Docteur Bordier, Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, vol. 11, no 11, 1888, p. 62-82
  9. François Savatier, « Des Néandertaliens cannibales dans la vallée du RhÎne », sur Pour la science, (consulté le ).
  10. (en) Alban R. Defleur et Emmanuel Desclaux, « Impact of the last interglacial climate change on ecosystems and Neanderthals behavior at Baume Moula-Guercy, ArdĂšche, France », Journal of Archaeological Science, vol. 104,‎ , p. 114-124 (DOI 10.1016/j.jas.2019.01.002).
  11. Voir le chapitre Cannibalisme de l'article Homme de NĂ©andertal
  12. Friedrich Engels, L'Origine de la famille, de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de l'État : (pour faire suite aux travaux de Lewis H. Morgan) [« Ursprung der Familie, des Privateigenthums und des Staats »], Paris, CarrĂ©, (1re Ă©d. 1884) (OCLC 313398699, lire en ligne), p. 10
  13. (en) James Owen, « Human Meat Just Another Meal for Early Europeans? », sur news.nationalgeographic.com National Geographic, (consulté le )
  14. Science & Vie hors série no 263, juin 2013, pages 36 à 47.
  15. Roland Villeneuve, Le Cannibalisme, Éditions GĂ©rard, , p. 110.
  16. HomÚre, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne], X, 80-132.
  17. Lycophron, Alexandra, [lire en ligne] [(grc) lire en ligne] Étude de l'extrait 951-957.
  18. Georges Guille-Escuret, Sociologie comparée du cannibalisme, PUF, .
  19. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], IV-64, I-216, III-99, IV-18 et 106.
  20. Pline l'Ancien (trad. É. LittrĂ©), Histoire Naturelle, t. II, Livre XXVIII.
  21. Hydace de Chaves, Chronique, XVI.
  22. Procope de Césarée, Histoire de la guerre contre les Goths, L. II, chap. XX, part. 2 & 3.
  23. Roland Villeneuve, Le Cannibalisme, Éditions GĂ©rard, , p. 132.
  24. Jean Verdon, Le Moyen Age, ombres et lumiĂšres, Perrin, , p. 137.
  25. Traduction d'un document d'époque en latin (par Aude Matignon) éd. Arléa, mars 1998, pages 136-137.
  26. Bernardino de Sahagun : Histoire générale des choses de la Nouvelle Espagne (traduction française) : pratique du cannibalisme, page 91.
  27. HĂ©lĂšne Clastres, « Les beaux-frĂšres ennemis. À propos du cannibalisme Tupinamba », Nouvelle Revue de Psychanalyse - Destins du cannibalisme, no 6,‎ (lire en ligne)
  28. Voir sur books.google.fr.
  29. Pierre Gaxotte, La Révolution française, Fayard.
  30. in Jacques-Olivier Boudon, Les naufragés de la Méduse, Editions Belin
  31. Alain Pigeard, L'armée de Napoléon : organisation et vie quotidienne, Taillandier, FeniXX, 2000 - 360 pages
  32. Histoire du Mexique par Henry B. Parkes, Payot (ISBN 2-228-12790-6).
  33. Georges Marbeck, Hautefaye : L'AnnĂ©e terrible, Paris, Éditions Robert Laffont, , 408 p. (ISBN 2-221-01056-6)
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  65. GeneviÚve Buhrer-Thierry, « Les Hongrois en Europe : derniers "envahisseurs" venus des steppes ? », université de Paris-Est, Marne la Vallée, EA 3350, Analyse Comparée des Pouvoirs [PDF].
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  70. « Le "cannibale de Rotenbourg" condamné à perpétuité », dans Le Monde web, 9 mai 2006
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  72. Nicolas Deliez et Julien Mignot, Le Cannibale de Rouen, Paris, François Bourin Éditeur, , 235 p. (ISBN 978-2-84941-203-9, BNF 42644374)
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  75. François Hinard, Sylla, Paris, Librairie ArthÚme Fayard, , p. 93.
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  77. Alfred William Brian Simpson, Cannibalism and the Common Law: The Story of the Tragic Last Voyage of the Mignonette and the Strange Legal Proceedings to Which It Gave Rise, University of Chicago Press, 1984

Voir aussi

Essais thématiques et témoignages

  • Michel de Montaigne, Essais, chapitre XXX : « Des Cannibales », 1590.
  • Les Survivants (Alive: The Story of the Andes Survivors), 1974.
  • Pierre-Antoine Bernheim et Guy StravidĂšs, Cannibales !, Plon, 1992.
  • Frank Lestringant, Le Cannibale, grandeur et dĂ©cadence, Perrin, 1994.
  • Cannibale, roman de Didier Daeninckx, 1998.
  • Martin Monestier, Cannibales, histoire et bizarreries de l'anthropophagie, hier et aujourd'hui, Le Cherche midi, 2000.
  • Jean TeulĂ©, Je, François Villon, Pocket, 2006.
  • Selim Lander, « Juste
 cannibale ! », mondesfrancophones.com, 2006.
  • Miracle dans les Andes (2007) de Nando Parrado survivant de l'Ă©quipe uruguayenne et membre de l'expĂ©dition qui alla chercher les secours au Chili.
  • Jean TeulĂ©, Mangez-le si vous voulez, Pocket, 2009.
  • Julien Picquart, Notre dĂ©sir cannibale, La Musardine, 2011.
  • Alban Van der Straten, Les Explorateurs belges, Bruxelles, Mardaga, , 1re Ă©d., 400 p.
  • Angelica Montanari, Cannibales. Histoire de l'anthropophagie en Occident, Arkhe editions, 2018
  • Ian Gonzalez Alaña, Cadavres exquis. Au coeur du cannibalisme, Lyon, Fage Editions, , 96 p. (ISBN 978-2849756232, lire en ligne)

Articles connexes

Antonymie

Liens externes

https://www.atlantico.fr/pepite/2649896/le-cannibalisme-etait-endemique-dans-les-camps-de-concentration-nazis-revelent-de-nouveaux-temoignages-de-survivants

https://www.lorientlejour.com/article/256277/Cas_de_cannibalisme_dans_un_camp_de_concentration_nazi.html

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