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Histoires

L'Enquête ou les Histoires (en grec ancien : Ἱστορίαι / Historíai) est la seule œuvre connue de l'historien grec Hérodote. Le titre signifie littéralement « recherches, enquêtes » (du grec ἵστωρ / histôr, « celui qui sait, qui connaît »). C'est le plus ancien texte complet en prose que nous ayons conservé de l'Antiquité[1]. Hérodote y expose le développement de l'empire perse, puis y relate les guerres médiques qui opposèrent les Perses aux Grecs.

L'Enquête

Histoires
Titre original
(grc) Ἱστορίαι
Comprend
Clio
Euterpe (d)
Thalie (d)
Melpomène (d)
Terpsichore (d)
Érato (d)
Polymnie (d)
Uranie
Calliope
Langue
Auteur
Genres
Récit de voyage
Historiographie (d)
Date de création
Historiae

Genèse de l'œuvre

Les Histoires ont probablement été rédigées vers 445 av. J.-C., où la tradition de la philosophie antique mentionne qu'Hérodote fit une lecture publique de son travail à Athènes, pour lequel il reçut une récompense officielle qui se serait élevée à dix talents, une somme considérable[2]. Cependant, la composition de ce texte s'étala sur plusieurs années, du fait des longs voyages nécessaires à l'époque pour concrétiser un tel témoignage et de la complexité du propos.

Structure de l'œuvre

Carte du monde connu décrit par Hérodote dans les Histoires.

Les Histoires se composent de neuf livres, chacun portant le nom d'une muse. Ce découpage n'est pas le fait de l'auteur : la première mention en est due à Diodore de Sicile au Ier siècle, et ce sont probablement des grammairiens alexandrins qui, au IIe siècle, organisèrent ainsi l'ouvrage. La taille de l'ouvrage devait s'adapter au livre d'alors — un rouleau de papyrus qui, pour ne pas s'enrouler ou se dérouler trop difficilement, ne devait pas être d'une taille excessive. Attestée pour la première fois de manière formelle chez Lucien de Samosate (IIe siècle), elle est probablement le fait des Alexandrins[3] - [4].

Résumé

Résumé du Livre I (Clio)

Dans le premier livre, Hérodote établit le cadre du conflit entre Grèce et Asie. Dans sa préface, il commence par retracer les origines légendaires de ce conflit (enlèvements de Io, Europe, Médée et Hélène). Le premier livre est dédié aux origines historiques: la domination de Crésus, roi de Lydie, sur les peuples grecs d'Asie mineure. Puis l'agrandissement du pouvoir de la Perse, avec la victoire de Cyrus II (Cyrus le Grand) sur Crésus.

Histoire des rois de Lydie

Hérodote débute son livre avec une brève histoire des rois lydiens de la dynastie des Memnades, dont la défaite après la cinquième génération a été prédite par la Pythie (l'oracle d'Apollon à Delphes). Le règne des Memnades comporte :

  • Gygès, qui s'empare du trône, voit son pouvoir confirmé par l'oracle de Delphes, et prend la ville de Colophon. Il règne pendant 38 ans.
  • Ardys, qui règne pendant 49 ans.
  • Sadyatte, qui règne pendant 12 ans.
  • Alyatte, qui mène pendant onze ans une guerre contre la cité ionienne de Milet (sans succès), et meurt après 57 ans de règne.
  • Crésus, cinquième roi de sa lignée, qui accède au pouvoir à l'âge de 35 ans, en 561 av. J.-C.

Histoire de Crésus

Hérodote décrit les enchaînements qui conduisent le roi lydien Crésus à mener une campagne militaire contre la Perse, d'une part en raison de sa croyance aux prophéties de l'oracle de Delphes (qu'il interprète de façon erronée, croyant qu'ils prédisent sa victoire), d'autre part dans le but de venir au secours d'Astyage, fait prisonnier par le roi perse Cyrus. Crésus établit des alliances militaires avec différents peuples grecs, notamment avec Sparte. Toutefois, elles ne lui sont en définitive d'aucune utilité, à cause de la rapidité de la riposte militaire de Cyrus. Après 14 jours de siège, la ville de Sardes est prise, et Crésus est fait prisonnier. Une intervention miraculeuse d'Apollon lui évite la mort sur le bûcher.

Hérodote glisse dans son récit de nombreuses histoires, comme le dialogue entre Crésus et le sage Solon, à propos de la notion de bonheur, ou l'histoire du fils de Crésus, Atys, qui meurt dans des circonstances tragiques.

Histoire de Cyrus

Arbre généalogique de Cyrus.
Arbre généalogique de Cyrus.

Hérodote retrace la généalogie de Cyrus, remontant la lignée des rois des Mèdes, qui sont ses ancêtres du côté maternel (Déiocès, Phraorte, Cyaxare et Astyage). Hérodote fait un récit légendaire de l'enfance de Cyrus. Après l'arrivée au pouvoir de Cyrus, et sa victoire contre Astyage et Crésus, il envoie Harpage en tant que général mener ses armées en Ionie et en Asie Mineure. Hérodote raconte les destinées des différents peuples, notamment les Phocéens, les Cariens, Cauniens et Lyciens.

Cyrus contre l'Assyrie

Cyrus lui-même dirige la conquête de l'Assyrie, et parvient à prendre Babylone, en l'an 539. Hérodote décrit la cité de Babylone, raconte le règne de la reine Nitocris, et décrit la prise de Babylone.

Cyrus contre les Massagètes

Cyrus veut ensuite soumettre le peuple des Massagètes, un peuple nomade vivant dans la région de la Caspienne, dirigé par la reine Tomyris. Au terme d'une bataille acharnée, l'armée perse est vaincue, et Cyrus perd la vie, après vingt-neuf ans de règne. Le livre I s'achève sur une description du mode de vie des Massagètes.

Personnages du livre I

  • Crésus, roi de Lydie, le dernier souverain de la dynastie des Mermnades. Il est soumis par Cyrus, qui le garde auprès de lui comme conseiller.
  • Pisistrate, tyran d'Athènes.
  • Astyage, roi des Mèdes, quatrième de sa lignée. Il se distingue par sa cruauté.
  • Harpage, un Mède qui aide Cyrus à s'emparer du pouvoir, afin de se venger d'Astyage. Cyrus lui confie le commandement de l'armée perse durant les expéditions visant à soumettre l'Ionie et l'Asie Mineure.

Résumé du Livre II (Euterpe)

Dans le deuxième livre, Hérodote dresse le portrait de l'Egypte, avant sa conquête par Cambyse, le fils de Cyrus. Il décrit la géographie, le fleuve Nil. Les coutumes des Égyptiens, leur religion (II, 37). Les animaux sacrés (II, 65): chat, crocodile, hippopotame, phénix, serpents, ibis. Les mœurs des Égyptiens, leurs rites funéraires, leur nourriture, leurs bateaux. Hérodote précise que jusqu'ici, il a rapporté ce que "ses yeux, ses réflexions et ses enquêtes" lui ont appris.

Histoire de l'Égypte

Les pyramides de Gizeh (à l'arrière celles de Mycérinos, Chéphren et Chéops).

Dans cette partie, Hérodote retrace la lignée des rois (pharaons) égyptiens:

  • Min, premier roi d'Égypte, fondateur de Memphis. Les prêtres citent à Hérodote les noms de 300 rois qui lui ont succédé.
  • Nitocris (II, 100), reine semi-légendaire de la VIe dynastie. Hérodote rapporte qu'elle fait périr par une ruse les assassins de son mari.
  • Moéris, à qui sont attribués plusieurs ouvrages: le portique d'entrée du temple d'Héphaistos (Ptah) à Memphis, un lac artificiel, et des pyramides élevées dans ce lac.
  • Sésotris (II, 102), à qui sont attribués des conquêtes militaires en Érythrée, en Asie et Europe. Selon Hérodote, les Colchidiens sont des descendants des troupes de Sésostris.
  • Phéros, fils de Sésotris. Puni par le fleuve Nil, il devient aveugle pendant dix ans, avant d'être guéri grâce aux conseils venus de l'oracle de Bouto.
  • Protée, successeur de Phéros. Hérodote relate un récit des prêtres égyptiens, selon lequel Protée aurait accueilli Hélène en Égypte, à l'époque de la guerre de Troie. Ménélas, le roi de Sparte et mari d'Hélène, serait venu après la prise de Troie la retrouver à Memphis.
  • Rhampsinite (II, 121-123), que les historiens identifient à Ramsès III ou Ramsès II[5]. Au sujet de ce roi qui possédait une immense fortune, Hérodote rapporte un conte traditionnel, "Le conte des voleurs". Dans ce récit, deux frères tentent par une ruse de dérober le trésor du roi.
  • Chéops (II, 124-126), qui réduit son peuple à la misère, ferme tous les temples et interdit aux Égyptiens de faire des sacrifices aux dieux. La construction de la grande pyramide (vers 2560 av. J.-C.) mobilise tout le peuple pendant des dizaines d'années.
  • Chéphren, frère de Chéops, se conduit comme son prédécesseur. Il fait également édifier une pyramide, de plus petite taille, utilisant pour sa base une pierre veinée d'Éthiopie (granit rose d'Assouan). Hérodote précise avoir lui-même mesuré les dimensions des pyramides.
  • Mycérinos, fils de Chéops, n'approuve pas la politique de ses prédécesseurs. Il permet à son peuple de reprendre ses activités et les sacrifices aux dieux. Il est toutefois affligé par plusieurs malheurs, dont la mort de sa fille unique, pour laquelle il construit une sépulture exceptionnelle: une vache de bois creuse couverte d'or. Mycérinos fait également édifier une pyramide, la plus petite des trois. Hérodote réfute une rumeur selon laquelle la pyramide de Mycérinos aurait été édifiée par Rhodopis, une courtisane d'origine thrace.
  • Asychis (II, 136), qui aurait laissé pour immortaliser son nom une pyramide construite en briques, et non en pierre.
  • Anysis, un roi aveugle, qui perd le trône suite à la conquête de l'Égypte par les Éthiopiens, et se réfugie dans les marais.
  • Sabacôs l'Éthiopien, identifié par les historiens à Chabaka (vers 716-701 av. J.-C.)[6]. Sous son règne, des travaux de terrassement relèvent le sol des villes, en particulier à Bubastis. Alerté par une vision dans son sommeil, et par des oracles, il se retire volontairement d'Égypte après cinquante ans de règne. Le pouvoir est aussitôt repris par Anysis, qui avait passé ces cinquante ans dans une île secrète.
  • Séthon, un prêtre d'Héphaistos, lui succède. Sous son règne, la classe des guerriers est défavorisée. Abandonné par son armée lors d'une attaque du roi d'Arabie et d'Assyrie, Séthon demande de l'aide à son dieu. Il est miraculeusement secouru par des rats des champs, qui rongent pendant la nuit l'équipement des ennemis.

Suit une description du lac Moéris. L'histoire des rois continue avec Psammétique (II, 151), Nécôs, Psammis, Apriès, et Amasis.

Analyse

L'œuvre mêle des éléments ethnographiques à d'autres proprement historiques. Felix Jacoby reconnaît dans ce mélange l'influence d'Hécatée et insiste sur le caractère dispersé des développements[7]. D'autres commentateurs (Henry R. Immerwahr) ont au contraire insisté sur l'unité profonde de l'œuvre.

On peut être surpris par les digressions d’Hérodote : un développement peut être mis temporairement de côté parce que l'auteur veut préciser tels ou tels propos ; ainsi pour expliquer la prise de Babylone par Cyrus, Hérodote décrit d'abord la ville, ses habitants, leurs mœurs, et il cite les grands rois et les grandes reines qui lui ont permis de devenir ce qu'elle était à cette époque ; tout cela effectué, il rend finalement compte de la prise de la ville. Cela s'explique par le fait que le livre, à l'époque, était écrit non pour être lu, mais pour être entendu par un public. Il n'a ainsi pas été fait pour être consulté d'une manière linéaire, comme le lecteur a l'habitude de le faire aujourd'hui, mais pour que certains fragments puissent être expliqués et compris par des auditeurs lors d'une lecture publique[4].

La représentation du monde dans les Histoires

Hérodote, au cours de sa vie, a toujours eu la volonté de structurer le monde avec un centre et des limites. En outre, sa vision du monde est bien différente de celle des géographes d'aujourd'hui. En effet, la Terre est pour lui constituée de seulement trois continents : l'Europe, l'Asie et la Libye. L'Ionie est un pays civilisé et aucune autre nation ne peut être comparée à elle. Hérodote place cette région au centre du monde connu tel qu'il se l'imagine. Mais, grand voyageur, ayant vu vivre les Grecs aux côtés des Scythes sur les rives de la Mer Noire, il n'est pas choqué par les coutumes scythes et se garde bien d’opposer les Scythes aux Grecs civilisés : le mot « barbare » n'avait du reste pour lui que la signification d’« étranger », pour désigner le non-Grec que l’on ne comprend pas quand il parle[8].

Centre climatique

Tout d’abord, l’Ionie serait un centre climatique puisqu'Hérodote est persuadé que toutes les villes construites hors de ce pays s'exposent, soit au froid et aux averses, soit à des chaleurs insoutenables et à des sécheresses, alors qu’en Ionie le climat serait toujours agréable.

Centre moral, politique et militaire

Ensuite, l’historien voit cette région comme un centre moral, politique et militaire. Effectivement, il estime que les Spartiates agissent comme des guerriers idéalistes, ne combattant que pour l’arété (ἀρετή), dans le sens de « gloire ou honneur », et en aucune façon pour les biens matériels. D’ailleurs, une de leurs devises pourrait être « Vaincre ou mourir ». D'après lui, ils obéissent aveuglément à la loi. Elle représenterait leur maître absolu puisqu'elle ne peut être tuée ou détrônée, contrairement à un roi. Ils vivraient dans le respect tandis que les étrangers, comme les Perses, ne rechercheraient que le profit notamment dans la guerre ou dans les jeux. Pour toutes ces raisons, Hérodote considère l'Ionie comme un pays respectable.

Les confins

Enfin, Hérodote s’intéresse à ce qu’il pense être les extrémités du globe terrestre et étudie des pays comme la Libye, l’Inde ou encore la Scythie. Selon lui, ces contrées regorgeraient d’arbres ou d’animaux sauvages inconnus et merveilleux à la fois. Leurs habitants posséderaient des cultures différentes et intéressantes. Cela n’empêche pas Hérodote de trouver ces étrangers également sauvages, pratiquant des coutumes grossières[9].

Éditions

La première édition du texte grec des Histoires paraît sur les Presses aldines en 1502[10]. Une sélection de textes choisis et présentés par l'helléniste André Bonnard est disponible aux Éditions de L'Aire sous le titre de Découverte du Monde (L'Aire, Vevey, 1981).

Notes et références

  1. Airton Pollini, « Hérodote le père de l'Histoire », Histoire antique et médiévale no 49, juin 2010, p. 15.
  2. Préface d'Andrée Barguet à l'édition Folio de L'Enquête, Gallimard, 1964, p. 9.
  3. Philippe-Ernest Legrand, Hérodote, Histoires : Introduction, vol. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « des Universités de France », (1re éd. 1932) (ISBN 2-251-00140-9), p. 224-227.
  4. Andrée Barguet, Préface de L'Enquête, Livres I à IV, Gallimard,
  5. Note d'Andrée Barguet dans l'édition Folio de L'Enquête, Gallimard, 1964, note 152 du Livre II.
  6. Note d'Andrée Barguet dans l'édition Folio de L'Enquête, Gallimard, 1964, note 178 du Livre II.
  7. Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier Cycle », (ISBN 2130482333 et 978-2130482338), p. 187.
  8. Pierre Quoniam, Or des Scythes, trésor des musées soviétiques, Catalogue d’exposition du Grand Palais, octobre-décembre 1975, p. 39.
  9. B. François, Cours d'initiation à la culture antique, 5e-6e secondaire général, Athénée Royal Vauban, Charleroi, 2018, p. 3-5 et p. 8-10.
  10. Pascal Payen-Appenzeller, « Hérodote et ses traducteurs français (XVIe-XXe siècle) : histoire politique ou histoire des mœurs ? », Euphrosyne, vol. XXIX, , p. 9-28.

Voir aussi

Articles connexes

Éditions et Ouvrages généraux

  • Consulter la liste des éditions de cette œuvre
  • Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier Cycle », (ISBN 2130482333 et 978-2130482338).

Études

  • Pascal Payen, « Comment résister à la conquête ? Temps, espace et récit chez Hérodote », Revue des Études Grecques, t. 108, , p. 308-338 (lire en ligne)
  • Pascal Payen, « Historia et intrigue. Les ressources « mimétiques» de l’Enquête d’Hérodote », Dialogues d'histoire ancienne, t. Supplément n°4-1 : Jeux et enjeux de la mise en forme de l'histoire. Recherches sur le genre historique en Grèce et à Rome, , p. 239-260 (lire en ligne)
  • Violaine Sebillotte Cuchet, « Hérodote et Artémisia d’Halicarnasse », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], vol. 27, (lire en ligne)
  • Andrée Barguet, Préface, dans Hérodote, L'Enquête Livres I à IV, Gallimard, 1964.

Liens externes

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