Pyramide de Mykérinos
La pyramide de Mykérinos est la plus petite des trois grandes pyramides du plateau de Gizeh. Elle s'élève à la hauteur de 63 mètres à l'extrémité Sud du plateau, ne représentant qu'un dixième du volume de la plus grande, la pyramide de Khéops. Dominant un complexe composé de deux temples reliés par une chaussée et de trois pyramides satellites, elle est de type à faces lisses et fut élevée sous la IVe dynastie durant l'Ancien Empire pour le pharaon Mykérinos. De nombreux signes d'inachèvement montrent que la mort du souverain intervint au cours de l'édification du monument.
Commanditaire | ||||||||||||
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Autre nom |
Netjeri Menkaourê, Nṯr.j Mn-kʒ.w-Rˀ (« Menkaourê est divin ») | |||||||||||
Nom (hiéroglyphes) | ||||||||||||
Construction |
entre -2532 et -2515 | |||||||||||
Type | ||||||||||||
Hauteur |
65,5 mètres | |||||||||||
Base |
105 mètres | |||||||||||
Inclinaison |
51°20′25″ | |||||||||||
Coordonnées |
29° 58′ 20″ N, 31° 07′ 40″ E |
Le complexe funéraire
Le complexe funéraire de Mykérinos est le troisième et dernier grand chantier royal édifié à Gizeh à la IVe dynastie.
L'ensemble présente un plan régulier alignant les différents éléments constitutifs du complexe pyramidal égyptien avec le temple du culte du roi défunt situé contre la face est de la pyramide, relié à un temple bas ou temple de la vallée, par une longue chaussée de plus de six cents mètres de longueur. Cette chaussée autrefois couverte est ici parfaitement droite au contraire des exemples des chaussées des pyramides de Khéops et de Khéphren qui présentent elles une déviation des axes principaux de leurs complexes monumentaux.
Tout autour du monument royal de Mykérinos se trouvent des nécropoles et d'autres tombes princières ou de reines venant compléter et accompagner la tombe du roi dont le culte fut maintenu tout au long de l'Ancien Empire.
Outre les trois pyramides de reines bâties sur le flanc sud de la pyramide du roi, on trouve au sud-est du temple funéraire une nécropole des prêtres du culte du roi, installée dans la carrière qui servit pour la construction des monuments. Une seconde nécropole est installée au nord de la chaussée dominée par la tombe de la reine Khentkaous Ire, parente de Mykérinos, qui est parfois qualifiée de Quatrième Pyramide de Gizeh. Devant ce tombeau, une chaussée jouxtée par une ville de prêtres est reliée au port débarcadère situé en contrebas du temple de la vallée de Mykérinos.
La pyramide
La superstructure
La base de la pyramide est un carré presque régulier de 104,6 mètres de côté. L'angle d'inclinaison des faces est de 51°20' portant l'élévation du monument initialement à près de 65 mètres de hauteur.
Comme pour la pyramide de Khéphren, le sol du site étant irrégulier, les architectes ont dû réajuster l'ensemble grâce à d'énormes blocs de pierre afin de préparer l'édification de la pyramide. Pour y parvenir les tailleurs de pierre entamèrent le plateau calcaire choisi pour l'édification du complexe sur sa partie occidentale, débitant de manière régulière et systématique de grands monolithes. Ces derniers ont été ramenés à l'endroit nécessaire à l'est et au sud du périmètre du monument, non loin du lieu même de leur extraction. Retaillés et réajustés, ils constituent un rehaussement du sol venant rattraper le niveau des fondations sur lequel la pyramide s'élève. Le même procédé sera utilisé pour édifier le temple haut de la pyramide ainsi que le corridor menant à la chaussée qui reliait l'ensemble à la vallée[1]. Ce travail est considérable et démontre assez bien l'énormité du chantier alors engagé.
La pyramide elle-même est constituée de gros blocs taillés dans un calcaire local extrait des carrières environnantes. Ajustés en assises régulières ils forment des gradins sur lesquels prennent appui les blocs du parement.
À l'origine la pyramide était recouverte d'un parement de granite rouge d'Assouan pour les seize premières assises depuis sa base[2], soit sur plus de vingt mètres de hauteur, puis de calcaire jusqu'au pyramidion qui a disparu et dont on ne sait s’il était initialement en calcaire ou en granite. Il ne reste rien aujourd'hui du revêtement excepté les premières assises couvertes de granite, l'exploitation par les carriers du Moyen Âge des monuments pharaoniques se concentrant sur les matériaux de choix qu'étaient le calcaire fin de Tourah.
C'est de cette époque également que date la grande saignée qui éventre la face nord de la pyramide. Le sultan mamelouk Osman Bey, à la recherche de l'accès de la pyramide, en ordonna la percée au XIIe siècle. Ses miniers se basant sur leur expérience acquise sur les deux grandes pyramides voisines, attaquèrent immédiatement la face nord à une hauteur d'une vingtaine de mètres dans le parement de la pyramide espérant y découvrir l'entrée du monument. N'y trouvant rien ils poursuivirent leur chantier en prolongeant la brèche[3]. Bien que cette destruction soit irrémédiable et défigure la face nord du monument, elle permet toutefois d'en étudier la constitution interne, révélant que la pyramide avait été conçue d'abord comme une pyramide à six ou sept degrés, dont trois sont actuellement visibles, puis achevée en pyramide à face lisse par le comblement des gradins avec des assises successives recouvertes par le parement de la pyramide lui conférant ainsi son aspect de pyramide à faces lisses.
Au XIXe siècle les explorateurs Caviglia et Vyse à la recherche également de l'entrée de la pyramide, poursuivront ce même raisonnement et donc le même chemin que les mamelouks en creusant un puits profond dans le cœur de la maçonnerie espérant mettre au jour les pièces intérieures de la pyramide sans plus de résultats. Caviglia n'hésita pas alors à faire sauter les premières assises du monument et à y creuser un tunnel. C'est à la même époque que le parement de granite a commencé à être démonté sous l'ordre de Méhémet Ali qui l'utilisa pour la construction de l'arsenal d'Alexandrie[4].
L'accès à l'infrastructure de la pyramide ne fut finalement découvert qu'en 1837 par Vyse à quatre mètres du sol presque à l'aplomb de la tranchée du Moyen Âge non loin des travaux quelque peu excessifs de ses prédécesseurs.
- Vue de la pyramide depuis le nord-ouest
- Angle sud-ouest de la pyramide
- Blocs de parement en granite
- Blocs de parement en granite
- Inscription située au-dessus de l'entrée nord de la pyramide
- Face nord de la pyramide de Mykérinos
- Face ouest de la pyramide de Mykérinos
Les appartements funéraires
L'entrée des appartements funéraires est aménagée traditionnellement dans la face nord de la pyramide.
Après avoir traversé le corps du monument un couloir s'enfonce dans le sol rocheux et débouche dans une première antichambre au plan rectangulaire et dont les parois sont décorées de motifs sculptés en façade de palais. C'est la première fois que l'on trouve ce type de décors dans une pyramide, les monuments des prédécesseurs de Mykérinos ne présentant aucune décoration sculptée[5].
Immédiatement après cette pièce se trouve la chambre des herses munie d'un dispositif coulissant de trois porticuli en granite barrant l'accès au reste des appartements funéraires constitué d'un couloir en pente douce menant à une grande pièce rectangulaire orientée est-ouest donnant sur une petite alcôve qui devait initialement servir de chambre funéraire. C'est dans cette chambre qu’Howard Vyse a découvert un sarcophage en bois portant une inscription au nom de Mykérinos qui contenait encore des restes humains enveloppés dans un tissu grossier. Ce sarcophage est depuis conservé au British Museum et si les os découverts à l'intérieur ont révélé lors de leur analyse qu'ils appartenaient bien à un homme, leur datation n'excède pas les deux millénaires démontrant qu'il s'agit d'une inhumation tardive[6]. Le sarcophage quant à lui est daté de l'époque saïte confirmant que le tombeau avait déjà été profané et nécessité l'intervention des prêtres afin de restaurer ce qui pouvait encore l'être.
L'exploration de cette pièce a également révélé un second couloir parallèle au premier et situé au-dessus du premier. Prolongé par une autre descenderie remontant dans le noyau de la pyramide, ce second dispositif est interprété comme un changement de plan réalisé au cours de l'édification de la pyramide. Il aurait été le couloir d'accès du projet initial et donc logiquement aurait débouché à l'extérieur de la pyramide au milieu de son parement de calcaire. Abandonné, ce couloir est un cul-de-sac.
Un troisième dispositif a été découvert sous la chambre rectangulaire. Aménagé dans son sol un couloir descend vers une grande chambre de plus de six mètres de longueur sur deux mètres soixante de large. Orientée cette fois nord-sud elle est toute parée de granite rouge d'Assouan et couverte de grandes poutres en granite disposées en chevrons dont le soffite a été retaillé en cintre, lui donnant ainsi l'aspect d'une voûte[7].
C'est dans cette chambre funéraire qu'a été découvert le sarcophage original du roi. Il était fait en basalte et décoré d'un motif de façade de palais figurant sur ses longs côtés quatre bastions à redans encadrant trois portes factices, les petits côtés répétant le même dispositif réduit à deux bastions et une fausse porte. L'ensemble était encadré par un tore et surmonté d'une corniche à gorge égyptienne.
Ce sarcophage unique et exceptionnel pour cette haute époque de l'histoire de l'art égyptien a été prélevé peu après sa découverte afin d'être exposé dans les collections du British Museum. Pour ce faire, Vyse ordonna de faire démonter les parois de granite qui tapissaient le couloir d'accès à la chambre funéraire du roi, le sarcophage étant trop large pour passer par ce chemin. Pour la même raison il fit enlever les jambages de la porte d'accès à la chambre des herses dont seuls le linteau et la partie basse d'un des jambages subsistent aujourd'hui. Le sarcophage est finalement tiré hors de la pyramide par la descenderie au prix d'efforts considérables, son volume occupant presque tout l'espace du couloir. Il est alors emballé dans une caisse, acheminé jusqu'à Alexandrie et embarqué pour l'Angleterre. Mais le Béatrice, le navire l'emportant avec d'autres antiquités à destination de Londres, essuya une violente tempête au large des côtes de l'Espagne, dans le golfe de Gascogne, et coula en 1838 avec tout son chargement[8]. Il ne reste comme seul témoignage du sarcophage de Mykérinos, qu'un dessin établi par Perring qui assistait alors Howard Vyse dans ses travaux d'exploration des pyramides pour le compte du British Museum et une aquarelle de l'égyptologue français Émile Prisse d'Avesnes.
Peu avant l'accès à la chambre funéraire de granite une porte ménagée dans la paroi nord du couloir d'entrée donne par un escalier à six marches à une série de six magasins disposés en dents de peigne creusés dans la roche et dont la destination est usuellement interprétée comme étant les chambres dans lesquelles étaient conservés les vases canopes et les couronnes de Haute et Basse-Égypte[9].
Il apparaît donc que trois projets se sont succédé pour le tombeau du roi. Un premier de dimension modeste correspondant au couloir inachevé. Un second agrandissant le projet initial avec une antichambre, une chambre des herses, une grande pièce précédant une chambre funéraire qui sera finalement abandonnée. Enfin un troisième projet est inscrit dans le second par le percement d'un couloir souterrain menant directement à une chambre funéraire en granite dotée de magasins afin d'abriter le viatique funéraire du roi. Si le premier projet semble être en effet abandonné, il est possible que le second et le troisième aient été prévus et effectués en même temps ce qui expliquerait les dimensions de la grande chambre rectangulaire qui aurait ainsi servi comme chambre de manœuvre afin de disposer les blocs et poutres de granite qui recouvrent la chambre funéraire du roi.
C'est la première fois que les appartements funéraires d'une pyramide royale sont aussi développés. Les tombes royales contemporaines reprendront et développeront les éléments constitutifs des appartements funéraires de la pyramide de Mykérinos. On citera les exemples des tombes de Khentkaous Ire et de Chepseskaf et les pyramides royales de la Ve dynastie en conserveront les éléments directeurs, dont l'antichambre précédant la chambre des herses, le caveau divisé en une antichambre et une chambre au sarcophage et les chambres-magasins dont le rôle n'est pas encore éclairci aujourd'hui.
La décoration de la première antichambre et du sarcophage de Mykérinos reste en revanche inédite et l’on ne retrouvera pas de décors aussi élaborés dans les pyramides royales avant la VIe dynastie soit plus d'un siècle et demi plus tard. En ce sens la pyramide de Mykérinos fait figure d'exception et représente le prototype des pyramides classiques des époques ultérieures.
- Extrados de la voute en granite de la chambre funéraire
- Détail du passage aux herses
- Passage aux herses
- Chambre aux niches
- Chambre aux niches
- Sarcophage en bois au nom de Mykérinos conservé aujourd'hui au British Museum
Le temple haut
Le temple du culte funéraire de Mykérinos est situé à l'est de la pyramide du roi. Il ne jouxte pas le flanc de la pyramide, mais en est séparé par un péribole dans lequel s'inscrit la chapelle de culte.
Le temple lui-même, vaste et bâti en calcaire, est constitué d'une grande cour à ciel ouvert donnant accès aux salles intérieures et aux magasins qui abritaient les offrandes alimentaires et le matériel cultuel destinés aux rites quotidiens qui y étaient pratiqués. Sur le côté nord, un couloir permettait d'accéder à l'arrière du temple au péribole et à la chapelle qui abritait la stèle funéraire du roi, objet du culte qui était rendu en ces lieux. Cette chapelle était constituée d'une petite cour à ciel ouvert. Accolée à la face orientale de la pyramide, dont le parement a été ravalé, elle contenait la stèle funéraire qui est disparue aujourd'hui. Devant cette cour se trouvait une antichambre couverte donnant accès à une chapelle annexe située au sud de la cour. L'ensemble était simplement accessible depuis le péribole de la pyramide par une porte ménagée dans la paroi nord de l'antichambre. Ultérieurement l'ensemble a été agrandi par l'adjonction d'une nouvelle antichambre précédant la première et donnant accès à une série de cinq petites salles ou chapelles doublant ainsi le dispositif initial et répondant probablement aux exigences du culte royal aux dynasties suivantes[10].
Des statues fragmentaires en albâtre ont été découvertes dans ce temple par George Andrew Reisner qui effectua de 1906 à 1924 des fouilles exhaustives sur le site. Ces fragments sont conservés depuis au Musée des Beaux-Arts de Boston dont certains ont pu être assemblés et reconstituant la statue nous présentent un colosse du roi, figuré jeune coiffé du némès et vêtu d'un pagne de lin fin plissé.
L'étude du monument a révélé deux phases de construction développant le plan initial : une première du temps de Mykérinos puis une seconde à l'époque de son successeur Chepseskaf qui acheva le complexe.
Les murs du temple sont constitués d'énormes blocs monolithiques de calcaire dont certains pèsent plus de deux cents tonnes. L'intérieur du temple était revêtu de granite et les piliers soutenant les plafonds dans les salles internes étaient également en granite rouge d'Assouan.
Dans cette première phase de l'édification du complexe, la cour du temple devait être dotée de portiques de piliers de granite et ses murs revêtus d'un parement du même matériau à l'instar de celui de la pyramide[11]. Ainsi si les architectes de Mykérinos avaient prévu que le temple funéraire et la pyramide soient entièrement couverts de granite, le trépas du roi laissa inachevé le travail. Son successeur qui hérita du trône, et en même temps de la charge de terminer le chantier du complexe pyramidal de son père, en modifia le plan initial et employa alors des matériaux moins coûteux et plus pratiques pour en hâter l'achèvement. Les portiques furent supprimés et remplacés par un revêtement de briques dans lequel avait été aménagé à intervalles réguliers des niches imitant le décor d'une façade de palais. Elles représentent la seule décoration du monument, aucun relief n'ayant été découverts dans ce temple.
Suivant la même chronologie d'édification dans un premier temps, la partie intime du temple avait été conçue sur un plan assez simple, constitué d'une salle à piliers distribuant au nord et au sud par des couloirs de simples chambres faisant office de magasins. À la suite du décès du roi, les architectes de Chepseskaf agrandissent le plan et développant et multipliant couloirs et pièces.
À la suite d'une catastrophe qui endommagea gravement le complexe pyramidal, toute la partie occidentale du temple et la chapelle de culte ont été restaurées à la VIe dynastie. C'est probablement sous le règne de Pépi II que cette restauration a eu lieu car une stèle à son nom a été retrouvée dans le temple funéraire, attestant que plus d'un siècle et demi après la mort de Mykérinos son temple était encore en activité et l'objet d'une certaine attention des pharaons régnants.
Le projet ambitieux de Mykérinos d'édifier une pyramide et un temple funéraire tout en granite ne vit donc jamais le jour, mais son culte traversa les âges jusqu'à la fin de l'Ancien Empire, comme l'utilisation et les soins apportés à son temple funéraire l'attestent.
- Temple mortuaire (ou temple haut)
- Vue des blocs monolithes du temple funéraire
- Vue de la grande cour du temple funéraire
- Couloir latéral nord du temple funéraire donnant accès à la chapelle du culte de Mykérinos
- Salle ou magasins intérieurs du temple funéraire
- Vue sur les salles jouxtant la chapelle du culte de Mykérinos à l'ouest de son temple funéraire
- Emplacement de la chapelle du culte de Mykérinos, accolée à la face ouest de sa pyramide
La chaussée
De la chaussée longue de six cent cinq mètres, il ne reste que l'emplacement qui reliait le temple de la vallée du complexe pyramidal à son temple funéraire accolé au péribole de la pyramide du roi.
L'accès à cette chaussée se faisait par deux portes. L'une placée sur le parvis du temple de la vallée et la seconde au sud des pièces intérieures situées à l'ouest de la cour du même temple.
Elles donnaient accès à un couloir contournant par son flanc sud le temple et rattrapant par son arrière l'axe central du complexe. Les processions pouvaient donc emprunter directement la chaussée pour monter vers la pyramide et son temple funéraire, ou bien, une fois avoir procédé aux rites de purification des offrandes dans la grande cour du temple de la vallée, passer par les pièces occidentales et prenant le couloir perpendiculaire à l'axe du temple rejoindre la chaussée peu avant qu'elle ne bifurque vers l'arrière du temple.
Cette chaussée n'a probablement jamais été terminée en raison du trépas prématuré du roi. En effet, tout semble indiquer depuis l'inachèvement du revêtement de la pyramide, en passant par les deux phases de constructions du temple funéraire et l'état de la chaussée, que Mykérinos n'eut pas le temps d'achever son complexe funéraire. C'est Chepseskaf son successeur qui entreprit de compléter l'ensemble en utilisant essentiellement de la brique crue pour les parois qui surmontaient la chaussée. Elle formait un long couloir dont la couverture était probablement réalisée dans les mêmes matériaux et formait une voûte.
Le long corridor débouchait directement dans la grande cour à ciel ouvert du temple haut, placé dans l'axe du monument en passant par un passage dont l'épaisseur des fondations et des premières assises font supposer que cette partie avait été prévue pour supporter de puissants murs pouvant soutenir de larges dalles de couverture.
Le temple bas
Pour le temple de la vallée de Mykérinos les architectes du roi avaient prévu d'édifier un vaste bâtiment à l'architecture de calcaire et de granite qui dominait le port d'accueil du complexe funéraire. Selon Vito Maragioglio et Celeste Rinaldi qui étudièrent le temple et en relevèrent le plan, dans le projet initial le temple ouvrait par deux portes latérales donnant dans un vestibule à quatre piliers qui précédait une salle au plafond soutenu par des piliers et dont le côté sud ouvrait sur un corridor rejoignant la chaussée de la pyramide. Le plan d'ensemble rappelait alors celui du temple de la vallée de la pyramide de Khéphren.
Cependant, comme pour le reste du complexe pyramidal le temple de la vallée de Mykérinos n'a été qu'à peine ébauché. Les fondations et les bases du monument n'étant pas encore terminées au moment du décès du roi, il a alors été complété par Chepseskaf[12] qui, comme il l'avait fait pour le temple haut, en modifia le plan et utilisa de la brique afin d'en hâter l'achèvement.
Il fait alors déporter l'accès de la chaussée plus au sud et créer une grande cour en lieu et place des salles aux piliers. En façade, il fait édifier un avant-temple comportant une entrée axiale donnant dans une première pièce au plafond soutenu par quatre colonnes, probablement en bois. Cette pièce distribue au nord et au sud par deux couloirs des séries de magasins destinés à conserver les offrandes alimentaires données au temple. Le couloir sud ouvre sur le corridor qui mène à la chaussée en contournant le temple par son côté sud puis ouest.
La nouvelle partie du temple donne accès à la grande cour aux murs décorés de niches aménagées dans la façade en brique des parois à l'instar du temple funéraire du roi. Cette cour précède la dernière partie la plus occidentale du temple dont le sol est surélevé. Constituée d'un ensemble de salles, de chapelles et de magasins destinés à abriter les statues du culte et tout le matériel nécessaire à l'accomplissement des offrandes et des rites quotidiens, cette partie intime du sanctuaire comporte un autre couloir qui rejoint la chaussée par une seconde porte aménagée dans le mur méridional du temple.
Dans ces salles occidentales, George Andrew Reisner découvre au début du XXe siècle les fameuses statues figurant le roi accompagné de divinités communément connues sous le nom de triades de Mykérinos[13]. En tout ce sont cinq groupes statuaires de ce type qui sont découverts dont quatre intacts et un fragmentaire. Le roi est accompagné à chaque fois de la déesse Hathor figurée debout ou assise et d'une troisième divinité personnifiant des nomes du pays dont celui de Thèbes, celui d'Hermopolis Magna, celui d'Abydos et celui de Cynopolis. Le cinquième nome n'a pu être identifié en raison de l'état fragmentaire de la statue. Mykérinos est figuré en position debout, coiffé de la couronne blanche de Haute-Égypte, paré d'un pagne de cérémonie. Athlétique et éternellement jeune il adopte l'attitude de la marche protégé ou encouragé par le geste de la déesse Hathor qui participe à la résurrection du roi.
Un sixième groupe statuaire, cette fois-ci il s'agit d'une dyade, représente Mykérinos dans la même attitude et coiffé cette fois du némès accompagné par son épouse, la reine Khâmerernebty. D'autres statues du roi, de plus petites dimensions, ont été retrouvées non loin dans l'une des annexes nord du temple. Elles le représentent assis sur un trône cubique au dossier bas et la tête coiffée du némès. Bien qu'inachevées, ces exemplaires permettent d'apprécier les méthodes employées par les sculpteurs égyptiens pour tailler la pierre et lui donner la forme voulue.
Enfin des fragments d'une ou plusieurs statues en albâtre ont également été mises au jour dont notamment une tête du roi coiffé d'une perruque courte et ronde avec sur le front un uræus. Cette tête a été d'abord interprétée comme étant un portrait de Chepseskaf puis comme étant celui de Mykérinos à la suite d'études comparatives avec les autres portraits du roi.
Trois des quatre triades intactes sont conservées au Musée du Caire. La quatrième et la dyade, intactes elles aussi, la triade fragmentaire, les différentes statues inachevées ainsi que les fragments de statues en albâtres découverts dans le temple sont exposés au Musée des Beaux-Arts de Boston[14].
Le temple de la vallée présente un dernier état ayant entraîné des modifications importantes liées à une utilisation prolongée des lieux qui probablement devint le lieu de culte central de la ville qui s'était bâtie en contrebas du plateau afin d'abriter les différents corps de métiers réunis pour les chantiers royaux qui pendant près d'un siècle se sont succédé à Gizeh.
Le parvis du temple est transformé en une première cour dont l'accès est placé au nord par un vestibule à quatre piliers ouvrant vers la ville des prêtres qui s'était développée à proximité, en contrebas de la tombe de la reine Khentkaous Ire[15].
À la suite des dommages causés par une catastrophe naturelle au milieu de la VIe dynastie, le temple est reconstruit sur un plan plus simple, l'isolant du reste du complexe funéraire du roi. Puis, peu à peu, il est envahi par des habitations à la Première Période intermédiaire en raison de l'exonération de taxes dont profitaient les enceintes sacrées depuis l'Ancien Empire[16]. Toute une agglomération se développe dans l'enceinte même du temple, avec des maisons serrées les unes contre les autres, des enclos comportant des fours et des silos à grains, des rues étroites sinuant jusqu'au pied du portique occidental du temple qui reste en activité pour un temps.
L'ensemble est finalement abandonné peu avant le Moyen Empire et livré aux carriers qui dès l'Antiquité, prélevèrent les matériaux de choix, dont les éléments de calcaire ou de granite, tandis que les parois de briques et les éléments en bois s'effacèrent avec les siècles.
- Mykérinos accompagné par la déesse Hathor assise à sa gauche et du nome d'Hermopolis Magna
- Triade fragmentaire de Mykérinos accompagné d'une déesse, probablement Hathor, et d'un nome inconnu
- Dyade de Mykérinos et de Khâmerernebty
- Statues inachevées de Mykérinos découvertes dans le temple funéraire de la vallée
- Torse d'une statue en albâtre attribuée à Mykérinos
- Partie inférieure d'une statue en albâtre de Mykérinos
Les pyramides satellites
Au sud de la pyramide du roi se trouvent trois pyramides satellites alignées d'est en ouest et respectivement identifiées sur les plans de la nécropoles G3a, G3b et G3c.
Chacune d'entre elles est dotée d'un petit temple de culte placé contre leur face est.
La première pyramide (G3a) est une pyramide à face lisse dont la pente est de 52°15' et la base de quarante-quatre mètres. Elle s'élevait initialement à un peu plus de vingt-huit mètres de hauteur et ses quatre faces étaient recouvertes d'un parement de calcaire fin de Tourah qui a été depuis longtemps prélevé. Elle comporte sur sa face nord une entrée donnant sur une descenderie qui mène après avoir traversé un palier à une chambre souterraine dans laquelle un sarcophage en granite a été retrouvé. Le temple funéraire accessible depuis l'angle nord-ouest du petit complexe pyramidal, est toutefois orienté d'est en ouest. Il comporte une large cour à ciel ouvert et une partie couverte comprenant une série de pièces destinées au culte à l'instar du temple funéraire du roi dont il semble être une reproduction en petite dimension.
Cet ensemble a été diversement interprété. Il est le plus souvent considéré comme la pyramide du Ka du complexe pyramidal de Mykérinos, cependant la découverte du sarcophage dans la chambre souterraine et la présence d'un temple de culte adossé à la face est de la petite pyramide sont des indications sérieuses pour identifier une sépulture de reine. Selon George Andrew Reisner il s'agit de la sépulture de la reine Khâmerernebty II. Le débat concernant le rôle de cette pyramide reste cependant ouvert car une autre sépulture découverte à Gizeh est attribuée à la reine.
Les deux autres pyramides sont des pyramides à degrés et leurs temples plus étroits en raison du peu d'espace disponible entre chaque monument sont orientés vers le nord, vers la pyramide du roi. Chacune possède également une descenderie accessible depuis les faces nord des pyramides menant à de petites chambres creusées dans la roche. La fouille de la pyramide G3b a permis de retrouver un sarcophage dans lequel des restes d'un corps d'une jeune femme ont été découverts. Aucune inscription permettant d'en identifier la propriétaire n'a été découverte, en revanche une marque de carrier donnant le cartouche de Mykérinos, découverte sur l'une des dalles de couverture de la chambre funéraire, atteste que le chantier de cette petite pyramide avait bien été commencé dès le règne du roi et faisait partie intégrante du plan du complexe. Son aspect inachevé de pyramide à degrés est certainement expliqué par l'interruption des travaux à la mort du roi.
La troisième pyramide par analogie est également considérée comme une pyramide de reine inachevée. Son exploration n'a en revanche livré aucun sarcophage. Elle présente en revanche un aspect beaucoup plus délabré en raison d'une tentative de destruction initiée lors de l'expédition d'Égypte. Cherchant à étudier par le démantèlement l'édification des pyramides, les savants de l'époque entamèrent donc ce chantier en traversant de part en part le monument, dans l'espoir vain d'en découvrir des chambres secrètes. Ces travaux de destruction furent arrêtés avec l'échec de l'expédition de Bonaparte mis en déroute par l'intervention des turcs et des anglais.
Ces deux dernières pyramides sont restées pour le moment anonymes.
- La pyramide de Mykérinos et les trois pyramides de reines vues depuis le sud du plateau de Gizeh
- Pyramide satellite ou pyramide de reine G3a
- Pyramide de reine G3b
- Pyramide de reine G3c
Explorations et fouilles
- XIIe siècle : le sultan Al-Malik al-`Aziz `Imâd ad-Dîn `Uthmân entreprend de démolir les pyramides, en commençant par celle de Mykérinos. Le chantier dure huit mois durant lesquels ils ne sont pas capables de retirer plus d'une ou deux pierres par jour, et ce à grand-peine[17] - [18].
- 1835 : visite et exploration du site par Giovanni Battista Caviglia, John Shae Perring et Richard William Howard Vyse. Découverte par ce dernier en 1837 de l'entrée de la pyramide grâce a de la poudre à canon : exploration des salles internes de la pyramide et découverte des sarcophages du roi.
- 1880 : exploration du site par William Matthew Flinders Petrie.
- 1906 : début des fouilles du complexe par George Andrew Reisner qui se poursuivront jusqu'en 1924. Mise au jour des statues de Mykérinos.
- Étude du site et relevé des plans des temples funéraires et de la vallée du complexe pyramidal par Vito Maragioglio et Celeste Rinaldi.
- 1988 : reprise des fouilles par Mark Lehner et découverte en 2000 de la ville de pyramide au sud-est du temple de la vallée de Mykérinos.
Notes et références
- Cf. J. Fiechter, Ch. II, p. 39-41.
- Cf. J. Capart & M. Werbrouck, Le plateau de Gizeh, p. 69.
- Cf. J. P. Adam & C. Ziegler, p. 150.
- Cf. M. Verner, Menkaure's Pyramid, p. 242.
- La seule pyramide comportant des décors dans ses salles internes est celle de Djéser à Saqqarah.
- Vyse supposa qu'il s'agissait des restes d'un des pilleurs de tombe qui aurait été écrasé par l'effondrement de blocs du plafond de la chambre.
- Ce même dispositif de couverture sera adopté par Chepseskaf le successeur de Mykérinos pour le tombeau qu'il s'était fait aménager à Saqqarah.
- Un robot à la recherche du sarcophage de Mykerinos article sur le site Egyptos.net. Note : Les événements politiques qui ont secoué l’Égypte en 2011 ont empêché le projet de se concrétiser.
- Cf. A. Badawy, The pyramid of Mykerinos, p. 140-141.
- Cf. A. Badawy, The Mykerinos complex, p. 99.
- Cf. ibidem
- On a retrouvé dans le temple même une stèle de Chepseskaf portant un décret du roi en faveur de la fondation de son père, attestant qu'il avait en effet procédé à l'achèvement des travaux.
- Ces statues ne forment pas des triades au sens propre du terme car en réalité elles sont constituées d'une représentation du roi protégé par une déesse étant accompagnés par une personnification d'une des régions du pays, ou Nomes. Il n'y a donc pas de volonté de représenter le roi en tant que progéniture d'un couple divin comme les triades classiques du Nouvel Empire où le roi remplace l'enfant divin des familles divines des grandes cités égyptiennes de l'époque telles que Thèbes ou Memphis.
- Selon les anciennes règles de fouilles en Égypte, qui étaient financées et réalisées essentiellement par des missions étrangères jusque dans les années 1920, le produit de ces explorations était partagé entre le pays qui assurait l'expédition et l'Égypte. Cela explique qu'un certain nombre de pièces de grande qualité comme les statues de Mykérinos se trouvent actuellement dans les collections de grands musées d'Europe ou des États-Unis. Ces règles ont été modifiées par suite des découvertes de trésors d'une valeur inestimable comme celui de Toutânkhamon ou des pharaons de Tanis dans les années 1920 et 1930. À partir de 1952, avec la nationalisation de tout le pays par Gamal Abdel Nasser, le partage des fouilles a été annulé et toute découverte faite sur le sol égyptien reste désormais conservé en Égypte.
- Il est probable que la reine, épouse de Chepseskaf, ait procédé elle aussi à l'achèvement des travaux du temple de Mykérinos en même temps qu'elle édifia son propre tombeau.
- Cf. M. Lehner, Pyramids Towns - Sacred slums, p. 232.
- (en) Stewert, Desmond and editors of the Newsweek Book Division, The Pyramids and Sphinx, , p.101.
- (en) Lehner, Mark, The Complete Pyramids, London: Thames and Hudson, , p.41.
Bibliographie
- Jean Capart, Marcelle Merbrouck, Memphis, à l'ombre des pyramides, Vromant & C°, éditeurs, ;
- Alexandre Badawy, A history of egyptian architecture - Volume I : From the earliest times to the end of Old Kingdom, Le Caire, édité par l'auteur, ;
- Mark Lehner, The Complete Pyramids : Solving the Ancient Mysteries, Londres, Thames & Hudson, ;
- Jean-Pierre Adam & Christiane Ziegler, Les pyramides d'Égypte, Paris, ;
- Miroslav Verner, The Pyramids- The Mystery, Culture and Science of Egypt's Great Monuments, New York, Grove Press, ;
- Jean-Jacques Fiechter, Mykérinos le dieu englouti, Paris, Maisonneuve & Larose, .