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Gabriel de Mortillet

Gabriel de Mortillet, né le à Meylan et mort le à Saint-Germain-en-Laye, est un préhistorien français. Il a joué un rôle majeur dans l'élaboration de la première chronologie de la Préhistoire.

Gabriel de Mortillet
Biographie
Naissance

Meylan
Décès

Saint-Germain-en-Laye
Nom de naissance
Louis Laurent Gabriel de Mortillet
Nationalité
Formation
Activités
Fratrie
Paul de Mortillet (d)
Enfant
Autres informations
A travaillé pour
Distinction

Il fut maire de Saint-Germain-en-Laye de 1882 à 1888 et député de Seine-et-Oise de 1885 à 1889.

Biographie

Jeunesse

Louis Laurent Gabriel de Mortillet est le fils de Claude Romain Gallix de Mortillet, officier de cavalerie, amateur d'histoire naturelle et d'archéologie, qui fut anobli par Charles X en 1825, et d'Adélaïde de Bernon de Montélégier. La famille abandonnera le patronyme Gallix, et ne s'appellera plus que de Mortillet.

Il suit sa scolarité chez les Jésuites, expérience qui l'affecte au point de susciter en lui une pensée très anti-cléricale[1]. Il étudie à Chambéry puis à Paris[1]. Il mène très tôt des actions militantes en écrivant des articles dans le journal d'opposition au régime de la IIe République, la Revue indépendante, hebdomadaire dont il est le directeur de la rédaction, ainsi que de plusieurs articles dans d'autres hebdomadaires à tendance socialiste[2] - [1]. L'action partisane de Gabriel de Mortillet dans la Révolution de 1848 en faveur du camp socialiste lui vaut d'être condamné à l'exil en 1849, sous la IIe République présidée par Louis-Napoléon Bonaparte[1]. Il se réfugie en Suisse.

Archéologue en Italie

En 1856, ses compétences en tant qu'ingénieur et géologue étant requises en Italie, Mortillet entreprend, aux côtés d'une équipe de maitres d'œuvre, la réalisation de la voie de chemin de fer raccordant la région de Lombardie à celle de Vénétie[1]. Demeurant alors à Peschiera del Garda, il participe à l'exploration des lacs lombards et met au jour le premier site néolithique italien à Isolino, près du lac Majeur, dans la province italienne de Varèse, en 1863[1].

En 1864, il crée une nouvelle revue, les Matériaux pour l'histoire positive et philosophique de l'homme, qui deviendra Matériaux pour l'histoire naturelle et primitive de l'homme ; et publie de nombreux articles pionniers consacrés à la Préhistoire[3].

L'un de ses principaux sujets d'intérêt dans le domaine de l'archéologie est la découverte faite en 1822 par l'abbé Giani de la culture de Golasecca, une culture archéologique attribuée à des populations celto-italiennes du 1er et du 2e âge du fer et couvrant la Lombardie et une partie de la région nord-italiote du Piémont et du Sud du Tessin suisse[4] - [5]. Bien que moins présent sur place que son homologue Alexandre Bertrand, il effectue quelques voyages sur les sites archéologiques nord-italiens. Il en ramène une substantielle partie de la collection de l'abbé Giani pour le musée des antiquités nationales et contribue à l'élaboration d'une chronologie plus approfondie de la culture de Golasecca. Il publie en 1865 une monographie répertoriant l'ensemble des rapports archéologiques réalisés sur ce sujet depuis 1824, suivis de ses propres analyses[6] - [7].

Conservateur Ă  Saint-Germain-en-Laye

En 1865-66, il participe à la création des Congrès internationaux d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques. En 1867, il organise la section préhistorique de l’exposition L’histoire du travail dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris[3] - [8]. Il devient successivement attaché aux musées d'Annecy[3] et de Genève[9], puis en 1868, sur la recommandation d'Édouard Lartet, il devient attaché à la conservation du nouveau Musée d'Archéologie nationale situé à Saint-Germain-en-Laye, dont il sera ultérieurement promu vice-conservateur général[8] - [10]. Il est chargé d'y classer et d'établir des typologies culturelles ainsi que des sériations chronologiques des outils de l'âge de la pierre, à partir de matériaux muséographiques considérablement enrichis en 1865 par le don des collections de Jacques Boucher de Perthes. Un conflit durable l'opposera au conservateur, l'helléniste Alexandre Bertrand.

Apport à l'étude de la préhistoire

L'un de ses principaux ouvrages est Le Préhistorique, antiquité de l'homme, publié en 1883 et illustré par son fils Adrien de Mortillet.

Sa principale contribution à la science est la classification et la nomenclature des grandes périodes du Paléolithique. Il propose en 1872 une première chronologie divisant la Préhistoire en 14 périodes, fondées sur le type d'outils produits par l'homme :

Si plusieurs de ces dénominations sont encore utilisées aujourd'hui, l'erreur principale de Mortillet est de leur accorder une valeur universelle, chacune étant considérée comme une étape par laquelle l'ensemble de l'humanité a du passer. Toutes les sociétés humaines auraient évolué partout dans le monde de la même manière.

Par ailleurs, Mortillet commet une erreur chronologique sur l'Aurignacien. Considérant que les outils en os sont rares au Solutréen, présents à l'Aurignacien et très élaborés au Magdalénien, il décrit l'Aurignacien comme une phase de transition entre le Solutréen et le Magdalénien. Au début du XXe siècle, les travaux de l'abbé Breuil rendirent à l'Aurignacien sa position chronostratigraphique exacte, antérieure au Solutréen et au Magdalénien.

Monument érigé en 1905 dans les arènes de Lutèce

Scepticisme sur l'art et la spiritualité

Gabriel de Mortillet se montra résolument sceptique sur l'ancienneté de l'art pariétal et des premières sépultures. Jusqu'au bout, il se refusa à admettre que l'homme du Paléolithique supérieur pût enterrer ses morts et pratiquer un art pariétal (alors même qu'il admettait l'authenticité de l'art mobilier, considéré comme naïf, gauche ou maladroit). Des pratiques aussi complexes ne pouvaient pas être contemporaines d'industries de la pierre taillée primitives, et l'évolution de l'art, de la spiritualité et de la technique étaient nécessairement liées. Matérialiste convaincu, il considérait que l'art préhistorique est un « art pour l'art », sans lien avec la spiritualité, entrant en conflit avec les spiritualistes[11].

Il mourut en 1898, avant de voir s'effondrer complètement cette vision, en particulier avant que son ami Émile Cartailhac fît son mea culpa et reconnût l'authenticité des peintures de la grotte d'Altamira[12], en août 1902, au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences. Après sa mort, ses idées furent encore défendues par certains, dont ses fils ou J. Leroy[13], avec un succès très limité, compte tenu de l'accumulation des preuves contraires.

Son frère ainé, Paul de Mortillet (1820-1893)[14], botaniste, a introduit le kaki japonais en France[15].

Publications partielles

  • [1868] « L'Homme dans les temps gĂ©ologiques », Bulletin de la SociĂ©tĂ© gĂ©ologique de France, t. 25, 2e sĂ©rie,‎ sĂ©ance du 2 dĂ©cembre 1867, p. 180-184 (lire en ligne [sur biodiversitylibrary.org]).
  • [1869] « Essai d'une classification des cavernes et des stations sous abri, fondĂ©e sur les produits de l'industrie humaine », Comptes-rendus de l'AcadĂ©mie des sciences de Paris, t. 68, no 9,‎ 1er semestre 1869, p. 553-555 (lire en ligne sur Gallica).
  • [1869] « Classification chronologique des cavernes de l'Ă©poque de la pierre simplement Ă©clatĂ©e, et observations sur le diluvium Ă  cailloux brisĂ©s », Bulletin de la SociĂ©tĂ© gĂ©ologique de France, t. 26, 2e sĂ©rie,‎ sĂ©ance du 1er mars 1869, p. 583-587 (lire en ligne [sur biodiversitylibrary.org]).
  • [1870] « Note sur les silex striĂ©s du Pecq », Bulletin de la SociĂ©tĂ© gĂ©ologique de France, t. 27, 2e sĂ©rie,‎ , p. 697-699 (lire en ligne [sur biodiversitylibrary.org]).
  • [1872] « Classification de l'Ă‚ge de la pierre », MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 7, huitième annĂ©e, 2e sĂ©rie, t. 3,‎ , p. 464-465.
  • [1874] « Sur la non-existence d'un peuple des dolmens » (reproduction d'une communication prĂ©sentĂ©e au Congrès de Stockholm), MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 9, 2e sĂ©rie, t. 5,‎ , p. 349-353 (lire en ligne sur Gallica).
  • [1874] « L'âge du bronze », MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 9, 2e sĂ©rie, t. 5,‎ , p. 353-356 (lire en ligne sur Gallica).
  • [1875] « Sur les dĂ©couvertes de sĂ©pultures dans Seine-et-Marne et l'Aisne. RĂ´le des silex taillĂ©s Ă  l'Ă©poque mĂ©rovingienne », MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 10, 2e sĂ©rie, t. 6,‎ , p. 105-111 (lire en ligne sur Gallica).
  • [1875] « L'AcheulĂ©en et le MoustĂ©rien. Ă  propos du Mont Dol et du Bois du Rocher », MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 10, 2e sĂ©rie, t. 6,‎ , p. 174-176 (lire en ligne sur Gallica).
  • [1875] « Origine du bronze », MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 10, 2e sĂ©rie, t. 6,‎ , p. 459-463 (lire en ligne sur Gallica).
  • [1876] « Tableau du système de classification des pĂ©riodes prĂ©historiques selon Mortillet », MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 11, 2e sĂ©rie, t. 7,‎ , p. 545 (lire en ligne sur Gallica).
  • [1878] « DĂ©termination exacte de la position du SolutrĂ©en », MatĂ©riaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'Homme, vol. 13, 2e sĂ©rie, t. 9,‎ , p. 15-17 (lire en ligne sur Gallica).
  • [Mortillet & Mortillet 1881] MusĂ©e prĂ©historique, Paris, Ă©d. Reinwald, .
  • [1883] La PrĂ©histoire : origine et antiquitĂ© de l'homme [« Le prĂ©historique : origine et antiquitĂ© de l'homme »], Paris, libr. Schleicher Frères, coll. « Bibliothèque des sciences contemporaines », (rĂ©impr. 1900, 1910), 642 p. (lire en ligne [PDF] sur archive.org).
  • [1897] Formation de la nation française : textes, linguistique, palĂ©ontologie, anthropologie, Paris, Ă©d. FĂ©lix Alcan, coll. « Bibliothèque scientifique internationale », (lire en ligne sur Gallica).

Hommages

Notes et références

  1. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre I : « Historique d'un Ă©change scientifique europĂ©en Â», p. 18.
  2. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre I : « Historique d'un échange scientifique européen », p. 17.
  3. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre I : « Historique d'un échange scientifique européen », p. 19
  4. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre II : « Études et analyses », p. 40
  5. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre II : « Études et analyses », p. 41
  6. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre I : « Historique d'un échange scientifique européen », p. 22
  7. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre I : « Historique d'un échange scientifique européen », p. 23
  8. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre I : « Historique d'un échange scientifique européen », p. 35
  9. Union de quartier de l'ĂŽle-Verte, MĂ©moire de l'ĂŽle, 2006, page 55.
  10. Christine Lorre et Veronica Cicolani 2010, chapitre I : « Historique d'un échange scientifique européen », p. 34
  11. Les différentes théories d'explication de l'art préhistorique
  12. « Une influence qui a Ă©tĂ© souvent plus heureuse m'induisit bien vite au scepticisme : « Prenez garde ! On veut jouer un tour aux prĂ©historiens français ! Â» m'Ă©crivait-on. « MĂ©fiez-vous des clĂ©ricaux espagnols Â». Et je me mĂ©fiai ! » Émile Cartailhac, « La grotte d’Altamira, Espagne. Mea culpa d'un sceptique », L'Anthropologie, tome 13, 1902, p. 348-354
  13. « L'homme de ces époques reculées, sans cesse en butte, aux attaques des carnassiers, qui, mieux doués que lui dans la lutte pour la vie, lui disputaient les cavernes et les proies diverses dont il faisait sa subsistance, sans cesse en butte aux inclémences et aux intempéries des saisons, ne concevait pas autre chose, dans sa cervelle obtuse, que les besoins immédiats de son existence aventureuse. » J. Leroy, « Sur la non-existence d’inhumations à l’époque paléolithique », Bulletin de la Société préhistorique française, 1914, t. 11, p. 97-106.
  14. « H Paul de Mortillet », sur geneanet.org (consulté le ).
  15. « Mortillet, Paul (1817-1893) », sur persee.fr (consulté le ).
  16. Discours d'inauguration dans le Bulletin de la société française d'archéologie sur le site Persée.fr
  17. Paris revolutionnaire.

Bibliographie

  • Marc Groenen, Pour une histoire de la prĂ©histoire, Éd. J. Millon, 1994 (ISBN 978-2-90561-493-3).
  • Henri Hubert, Gabriel de Mortillet, Paris, E. Leroux, 1898, 11 pages.
  • Christine Lorre (dir. et ComitĂ© collectif scientifique) et Veronica Cicolani, Golasecca (VIIIe – Ve siècle av. J.-C. : Du commerce et des hommes Ă  l'Ă‚ge du fer, Vicenza (Italie), Rmnn (RĂ©union des musĂ©es nationaux de France), coll. « Rmn ALBUMS HORS-SÉRIE », , 192 p. (ISBN 978-2-7118-5675-6)
  • Nathalie Richard, L'invention de la PrĂ©histoire, Presses Pocket, 1992 (ISBN 2-266-04243-2)
  • Nathalie Richard, « Le temps transformiste de Gabriel de Mortillet », 1989, in: Le temps de la PrĂ©histoire, SociĂ©tĂ© prĂ©historique française, Édition Archeologia, p. 10-11.
  • Nathalie Richard, « La revue L'Homme de Gabriel de Mortillet : Anthropologie et politique au dĂ©but de la Troisième rĂ©publique », Bulletins et MĂ©moires de la SociĂ©tĂ© d'anthropologie de Paris, Nouvelle SĂ©rie, vol. 1, nos 3 et 4,‎ , p. 231 Ă  255 (DOI 10.3406/bmsap.1989.2582, lire en ligne, consultĂ© le )
  • Pascal Beyls, Gabriel de Mortillet gĂ©ologue, prĂ©historien, Grenoble, 1999, coll. « Portraits de Meylan Â», 402 p. (ISBN 2-9513494-2-4)

Article connexe

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