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Belle Époque

La Belle Époque est un chrononyme rétrospectif désignant la période marquée par les progrès sociaux, économiques, technologiques et politiques, principalement en France et s'étendant de la fin du XIXe siècle au début de la Première Guerre mondiale en 1914. Le terme correspond pour les Britanniques à la fin de l'époque victorienne et à l'époque édouardienne ; pour les Allemands, c'est le wilhelminisme. L'expression française est comprise et utilisée dans la plupart des pays européens.

La Belle Époque
Description de cette image, également commentée ci-après
Date Fin du XIXe siècle - 1914
Lieu France

Pour l'historien Dominique Kalifa, l'expression serait née à la fin des années 1930[1]. Pour les historiens Jean Garrigues, Philippe Lacombrade et Dominique Lejeune, l'expression serait plutôt née en 1919[2] - [3].

La Belle Époque se situe à la charnière de deux siècles : la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Au cours de cette période idéalisée et à la veille de la Première Guerre mondiale, la France vit les plus grands bouleversements culturels et techniques de son histoire. Dans cette appellation rétrospective, il y aurait une part de réalité (expansion, insouciance, foi dans le progrès, gaieté, etc.) et une part de nostalgie d'un temps rêvé.

Contexte

Après la guerre franco-prussienne, l'Europe vit une longue période de paix de quatre décennies, chose rare et favorable aux progrès économiques et techniques[4]. Tous ces progrès touchent plus particulièrement la France, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche-Hongrie.

Dans toute l'Europe, les travailleurs s'organisent en syndicats ou en partis politiques : c'est pendant cette période qu'apparaissent les premiers partis socialistes européens, de plus en plus influents.

Les populations de cette époque sont très optimistes et insouciantes quant à l'avenir, grâce aux extraordinaires progrès techniques. Le positivisme et le scientisme ont fait leur apparition. La Belle Époque se fait ressentir essentiellement sur les boulevards des capitales européennes, dans les cafés et les cabarets, dans les ateliers et les galeries d'art, dans les salles de concert et les salons fréquentés par une grande bourgeoisie qui profite des progrès économiques.

L'inégalité économique atteint cependant des sommets (après avoir crû lentement depuis la Révolution française et avant de décroître de façon importante jusqu'aux années 1980), avec par exemple 85 % de la propriété privée totale détenue par 10 % de la population (et 55 % par 1 %)[5]. Ces inégalités sont très marquées entre le milieu urbain, et surtout parisien, et le reste de la France, composé en majorité d'agriculteurs aux revenus plus modestes.

Belle Époque : la France de 1871 à 1914

Première traversée de la Manche en 1909 par Louis Blériot.
Une soirée élégante (1890) par Victor-Gabriel Gilbert.

La Troisième République, un régime politique renforcé

La laïcité : loi de séparation des Églises et de l'État. Devise de la République française sur le tympan de l'église Aups, Var, conformément au Concordat qui précède la loi de 1905.

Contrairement aux précédents régimes, la Troisième République finit par s'installer durablement malgré les crises qui la traversent. Les dernières années du XIXe siècle voient s'établir un fort « esprit républicain », que Michel Winock définit principalement comme « le rejet de la tutelle catholique et royaliste »[a 1]. L'École gratuite, obligatoire et laïque mise en place par les lois Jules Ferry a sans douté été l'un des meilleurs « instruments de républicanisation »[a 1] de la société, de sorte que les instituteurs, ces « hussards noirs » de la République[6], forment une sorte de « contre-clergé » selon Michel Winock. L'enseignement d'une morale dépouillée de toute influence religieuse constitue un « catéchisme républicain »[a 1]. Par leur volonté d'émanciper l'opinion en lui apportant la science, les lois scolaires réduisent la place de la religion dans la définition des mœurs et des normes du savoir, et dans la société en général, ce que poursuit la loi de séparation des Églises et de l'État en 1905[7].

La franc-maçonnerie, qui met en avant les valeurs de tolérance et la liberté absolue de conscience joue un rôle d'autant plus déterminant qu'une grande partie des fondateurs de la Troisième République en sont membres. En rassemblant des élus de différentes familles politiques, tant parmi les républicains modérés ou radicaux que parmi les socialistes, les loges « agissent comme des appareils d'union républicaine »[a 1].

Par ailleurs, à la suite d'Émile Zola et de sa célèbre lettre ouverte au président de la République, J'accuse… !, des artistes, des écrivains, des universitaires ou des scientifiques s'engagent pour une cause de justice que peu d'hommes politiques soutiennent alors. Nombreux sont les intellectuels qui adhèrent à la Ligue des droits de l'homme fondée par le sénateur Ludovic Trarieux en 1898. La victoire finale des dreyfusards, magnifiée par de grands écrivains, contribue donc à forger une mystique républicaine[a 1].

La France, une grande puissance

À l'initiative de certains hommes politiques, comme les ministres Léon Gambetta[8] et Jules Ferry[9], ou le député oranais Eugène Étienne[10], puis sous l'impulsion du parti colonial, un groupe d'influence qui rassemble des parlementaires issus de diverses tendances politiques[11], la France entame une nouvelle politique d'expansion coloniale à la fin du XIXe siècle[a 2]. L'idée coloniale ne fait pourtant pas l'unanimité et certains hommes politiques, comme Georges Clemenceau, s'y opposent[a 2]. Ainsi, en 1884, le sénateur Albert de Broglie déclare en séance : « Pour une nation momentanément affaiblie, un grand développement colonial, c'est une charge qui la grève, qu’elle ne peut porter longtemps, et qui, avant de lui échapper, peut avoir amené la ruine tout à la fois de la colonie et de la métropole »[12].

En Asie, la France augmente ses possessions et achève de constituer l'Indochine française. En Afrique, l'expédition de Madagascar aboutit à l'annexion de l'île en 1896, tandis qu'en Afrique subsaharienne, après les premières expéditions de Pierre Savorgnan de Brazza, les conquêtes se multiplient pour aboutir à la création de l'Afrique-Occidentale française et de l'Afrique-Équatoriale française, tout en reliant ces nouvelles possessions à celles du Maghreb. Entre 1870 et 1914, la France multiplie par 11 l'étendue de son empire colonial[a 2]. L'exploitation de ces territoires offre à l'économie française de nouveaux débouchés en même temps qu'elle lui fournit d'importantes réserves de matières premières[13] - [a 3].

Indépendamment de ses colonies, la France de la Belle Époque est aussi une puissance financière. L'immense ressource de l'épargne française permet à la Bourse de Paris de rivaliser avec celles de Londres et de Berlin et de constituer alors le grand marché des capitaux d'épargne. La puissance financière du pays sert également sa politique extérieure : l'autorisation des emprunts russes par le gouvernement français conduit notamment au rapprochement diplomatique entre les deux pays et à la création d'une alliance. De même, les placements français sur le marché londonien, affaibli par la guerre des Boers, joue un rôle dans le renouvellement de l'Entente cordiale[a 4].

Retard économique et industriel

La seconde moitié du XIXe siècle est marquée par le déclin de la France sur le plan économique et industriel par rapport aux autres puissances mondiales, une tendance qui se poursuit dans les premières années du XXe siècle. À titre d'exemple, la part de la France dans la production mondiale d'acier ne cesse de diminuer. Bien que les exportations françaises de produits industriels ont doublé entre 1890 et 1910, ces produits industriels représentent seulement 63 % du total des exportations, contre 72 % pour l'Allemagne et 79 % pour la Grande-Bretagne[a 5]. Par ailleurs, la France est un pays essentiellement rural : en 1911, 56 % des Français habitent encore à la campagne, contre 38 % des Allemands, tandis que quatre français sur dix travaillent dans le secteur agricole[a 5]. Face à ses concurrents, la France apparaît encore comme une société préindustrielle. Dans l'agriculture comme dans l'industrie, le modèle français est celui de la petite propriété, ce qui implique une faible concentration de l'appareil de production : ainsi, les salariés ne représentent que 46 % de la population active française en 1911, contre 90 % en Grande-Bretagne[a 5]. Enfin, si les exportations de capitaux s'accroissent fortement, à l'incitation d'un consortium de banques, le commerce extérieur n'en bénéficie pas : la Russie, par son système d'emprunt, représente par exemple un quart des exportations de capitaux au début du siècle, mais achète à la France seulement 1 % de ses produits industriels[a 5].

Le retard économique de la France s'explique par différents facteurs. En premier lieu, les économistes mettent en avant une certaine torpeur du marché intérieur. En raison de la faiblesse démographique du pays, les entreprises manquent de débouchés, cependant que le modèle de l'épargne l'emporte encore sur celui de la consommation. Le recours aux biens de consommation industriels est relativement faible : le monde rural pratique encore largement l'autosuffisance, les familles ouvrières consacrent l'essentiel de leurs revenus aux dépenses alimentaires, et la bourgeoisie, qui conserve un mode de vie aristocratique, se tourne principalement vers des produits de luxe d'origine artisanale[a 5]. Par ailleurs, le modèle de la petite propriété entraîne une productivité moindre et des rendements médiocres, tandis que la France dispose de moins de ressources naturelles que les autres puissances. Ainsi, en 1910, la production de charbon s'élève à 38 millions de tonnes en France, contre 155 en Allemagne, 270 en Grande-Bretagne et 455 aux États-Unis[a 5]. Sur un autre plan, les traditions culturelles françaises ne semblent pas favoriser l'esprit d'entreprise : d'une part, l'idéal rentier est encore très ancré dans la haute société, d'autre part, le système éducatif français privilégie la culture littéraire au détriment des formations liées à l'industrie et au commerce[a 5].

Pour autant, la France se distingue par le dynamisme de certaines industries de pointe, comme l'automobile, l'aviation et le cinéma[a 6]. De même, elle connaît comme les autres pays industrialisés une nouvelle croissance économique dont les premiers signes sont visibles dès la fin des années 1890, avant que celle-ci ne s'accélère à partir de 1906 pour atteindre son maximum à la veille de la Première Guerre mondiale. De fait, la production industrielle française progresse en moyenne de 2,4 % par an entre 1896 et 1913, quand elle ne progressait que de 1,6 % entre 1870 et 1896[a 7]. Sur cette même période, la France enregistre d'importants gains de productivité. Cette reprise économique s'appuie sur des secteurs-clés comme la métallurgie, la sidérurgie ou le textile, et sur des industries naissantes comme l'automobile et l'électricité, de sorte que la France reste, malgré ses difficultés, la quatrième puissance mondiale[a 7]. Comme le souligne l'historien Michel Winock, « même si elle n'a pas été en mesure de combler entièrement le retard pris sur ses rivaux, la croissance de la Belle Époque est contemporaine d'une véritable mutation »[a 8].

Faiblesse démographique

L'accroissement de la population française est relativement faible pendant la Belle Époque et très en deçà de ses voisins européens, au point que le pays traverse une véritable crise démographique, le terme de « dépopulation » étant parfois évoqué. Entre 1891 et 1911, la population française s'accroit en moyenne de 63 000 habitants par an, quand l'Allemagne en gagne environ 500 000 chaque année. Sur cette période, plusieurs années comptent plus de morts que de naissances, et seule l'immigration permet de compenser ce déficit[a 9]. Cette faiblesse démographique s'explique par un déficit de naissances : en 1913, le taux de natalité français est le plus faible d'Europe et s'élève à 18 ‰, quand la moyenne des autres pays atteint 30 ‰[14]. Des variations sensibles peuvent être observées selon les régions : des départements comme la Lozère ou le Finistère se distinguent par une forte natalité, quand la Seine, les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône enregistrent de très faibles taux de natalité[a 10].

Les causes de cette faiblesse démographique sont multiples. Certains démographes de l'époque, comme Arsène Dumont, l'expliquent notamment par le phénomène de « capillarité sociale » et le désir de s'élever[a 11] : « Pour le couple qui veut monter à un degré supérieur de pouvoir, de fortune, de vie cérébrale, les enfants sont un bagage encombrant, un obstacle au succès, un mal sans compensation »[15]. Mais d'autres facteurs peuvent être évoqués, comme le rôle du Code civil qui, en supprimant le droit d'aînesse, instaure le partage entre les enfants, le service militaire qui retarde l'âge du mariage, l'émancipation de l'individu de la sphère religieuse, ou encore la diffusion de thèses néomatlhusianistes et d'une certaine propagande antinataliste dans les premières années du XXe siècle[a 11] - [15] - [16].

Intégration des provinces et enjeux socio-démographiques

Après la Grande Dépression des années 1873 à 1896, la France entre dans une période de croissance soutenue dans le cadre de la deuxième révolution industrielle, sur fond d'expansion internationale galopante de la place financière de Paris.

La France s'est beaucoup agrandie pendant le Second Empire. Elle a acquis le comté de Nice et le duché de Savoie en 1860, par le traité de Turin, mais elle perd l'Alsace-Lorraine (département actuel de la Moselle et l'Alsace en totalité hormis le territoire de Belfort) au traité de Francfort de 1871. Le contexte de l'antagonisme franco-allemand qui suit la défaite française de 1870 engendre l'esprit de revanche qui prévaut alors dans l'opinion publique. Cette période est caractérisée par les discours belliqueux du général Georges Boulanger avec la montée de son mouvement politique, le boulangisme, et en parallèle survient l'affaire Schnæbelé. Une partie de la presse et de l'opinion publique se font l'écho de cet esprit de vengeance et de la montée du nationalisme, face à l'ennemi allemand. Ainsi se développe un contexte de soupçon, d'espionnage et de trahison, qui conduit à l'essor de l'antisémitisme. En 1894, l'arrestation du capitaine Alfred Dreyfus illustre bien ce climat délétère et l'affaire du même nom a bouleversé la société française pendant douze ans.

L'espace national s'unifie en intégrant les nouvelles provinces et les campagnes. Ainsi le tacot, dont le réseau ferroviaire se densifie, contribue-t-il à désenclaver les campagnes (plan Freycinet). En effet, la population, qui s'urbanise progressivement, reste en majeure partie rurale (56 % en 1911). La démographie française reste en revanche peu dynamique.

La population française, toujours très hiérarchisée, prend conscience d'appartenir à une seule et même nation et acquiert la fierté d'être une grande puissance. Léon Gambetta encourage les agriculteurs à voter aux élections, expliquant que leur voix compte autant que celles d'un intellectuel ou d'un Parisien. Les classes moyennes exercent un poids important dans les conditions de la vie politique nationale, marquée par la constitution de nouveaux partis libéraux (modérés et radicaux), avec un large consensus républicain et patriotique.

Paris est une ville en pleine urbanisation et modernisation, à l'image de la France. Elle incarne à elle seule le prestige de la France à la Belle Époque (années 1890-1914). Fortement rénovée par Haussmann, la capitale se peuple de plus en plus. Les différentes classes sociales cohabitent sans tension notable.

République souveraine et libérale

La culture politique dominante était la République[17], sous la forme française de la démocratie libérale[18] - [19] appuyée par un large consensus patriotique.

La culture républicaine s'est imposée progressivement en s'enracinant dans des fêtes, rites et symboles nationaux, comme La Marseillaise[20] (hymne national en 1879), la devise Liberté, Égalité, Fraternité et la fête nationale du (fête nationale en 1880). La culture républicaine se voulait héritière du libéralisme des Lumières et s'inscrivait autour du positivisme. La culture dominante a essayé de répondre aux attentes de la classe moyenne et bourgeoise en protégeant notamment les droits des individus et en favorisant la liberté d'entreprise. Elle a eu un rôle décisif sur la laïcité, l'instruction publique et la formation du citoyen.

Les émeutes ouvrières de et la Commune de 1871 ont longtemps cultivé une légende noire et un souvenir horrifiant pour les principaux acteurs de la Troisième République. Dans ce contexte, le ministre Pierre Waldeck-Rousseau abolit la loi Le Chapelier (1791) le et autorise les syndicats ouvriers.

Les démocrates sont incarnés entre autres par Édouard Herriot et Anatole France. D'autres cultures politiques nourrissent la vie politique : l'anarchisme, le socialisme, le radicalisme, le pacifisme, le patriotisme et le nationalisme (Maurice Barrès, Jacques Bainville, Action française) ; des faits politiques majeurs, telles l'affaire Dreyfus ou l'affaire Boulanger, alimentent un mouvement antiparlementaire de gauche et d'extrême-gauche né du scandale de Panama.

L'affaire Dreyfus a bouleversé la société française pendant douze ans, de 1894 à 1906.

L’affaire Dreyfus a durablement marqué les esprits, tant par son hostilité que son intensité, et malgré la grâce présidentielle accordée au militaire le et sa libération le , cette affaire a eu pour conséquence de constituer en France deux blocs antagonistes[21], sur un fond religieux.

Après l'affaire Boulanger, la droite devient dominante notamment en récupérant le flambeau nationaliste[22], et parce que les penseurs républicains sortent grandis de l'affaire Dreyfus. De nombreux intellectuels basculent vers la droite (Charles Péguy, Daniel Halévy).

La France connaît une certaine fracture religieuse[23] au début des années 1900, parfois appelée la « guerre des deux France ». L’année 1902 voit la victoire aux élections du Bloc des Gauches et la nomination au poste de président du Conseil d’Émile Combes, figure du radicalisme et anticlérical convaincu. La place de l’Église catholique dans les affaires politiques provoque de violentes querelles (« le cléricalisme, voilà l’ennemi[24] ! ») entre des partis cléricaux et des groupes politiques anticléricaux souvent à gauche[25] et représentés à la Chambre des députés. L’anticléricalisme est donc la réaction contre cette tendance à subordonner le politique au religieux. Edgar Quinet voulait par exemple détruire toutes les églises et instaurer un athéisme et un laïcisme appliqués à l'ensemble de la société. Ces attaques frontales aboutissent à la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, dont la loi de 1882 sur l’enseignement public, laïque, gratuit et obligatoire de Jules Ferry constitue cependant l'origine réelle de la sécularisation concrète. La laïcité, telle qu’elle s’est construite en France à partir de cette loi, a assuré la liberté de conscience et d’expression de chacun.

La France de la Belle Époque est aussi l'un des grands empires coloniaux de l'époque. Cet empire est exposé lors des Expositions universelles. La colonisation était à l'époque souvent perçue comme positive parmi une certaine élite républicaine, souvent de gauche, et les critiques ont mis du temps à se mettre en place, mais elles ont existé. Georges Clemenceau (parti radical) s'y est opposé avec véhémence lors de joutes oratoires contre Jules Ferry, la droite monarchiste (Maurras, Barrès) et une certaine frange marginale de la gauche marxiste ou encore la masse des paysans et ouvriers ont toujours été contre la colonisation lors de la Belle Époque.

La société française de la Belle Époque

Une lente mutation

« La IIIe République n'est pas un régime de classe, mais le fruit d'un compromis tacite entre les différentes catégories sociales, chacune d'elles espérant y trouver son compte. Certes plus bourgeoise et paysanne qu'ouvrière, la République peut aussi compter sur les ouvriers. […] Tout se passe comme si les conflits du travail restaient localisés dans le domaine social, sans remettre en cause les bases institutionnelles du régime établi. Jusqu'à la veille de la Grande Guerre, les grandes crises politiques qui mettent l'État républicain en danger ne ressortissent pas à la lutte des classes mais aux affrontements idéologiques. »

Michel Winock, La Belle Époque[a 12]

Par la masse des électeurs qu'il représente, le monde rural représente un enjeu considérable pour les responsables politiques qui s'attachent à gagner l'adhésion des paysans au régime. Malgré la montée du socialisme et les difficultés rencontrées par le monde ouvrier, la conscience de classe est encore faible parmi la population française. Les ouvriers, en grande partie venus des campagnes, n'ont pas rompu avec l'idéal paysan du petit producteur largement soutenu par les républicains radicaux[a 13]. En réalité, les différentes catégories sociales sont assez peu poreuses : l'endogamie sociale est généralisée[a 14], et si la bourgeoisie n'est pas une caste fermée, il est difficile d'y accéder, notamment en raison d'un système d'enseignement secondaire encore cadenassé et inaccessible aux petites fortunes[a 15].

La place des femmes dans la société est régulièrement questionnée, à une époque où les hommes détiennent toujours le pouvoir politique, économique et social. Si la condition féminine évolue favorablement dans les premières années du XXe siècle, cependant qu'un mouvement féministe se structure peu à peu, c'est encore une condition soumise par le droit, les mœurs et le poids des traditions[a 16].

Population rurale nombreuse et peu homogène

Dernier bal (1905), peinture d'Aurélio de Figueiredo.

La société française de la Belle Époque est encore majoritairement rurale : en 1911, 22 millions de Français vivent à la campagne, contre 17,5 millions en ville[26]. L'agriculture française se distingue par la prédominance des petites exploitations : en 1905, 85 % d'entre elles ont moins de dix hectares[a 17], et comme le souligne l'historien Éric Alary, « les nouvelles contraintes économiques liées au développement du capitalisme sont difficiles à accepter pour nombre de paysans qui vivent repliés dans leur ferme, au cœur d’un univers agricole traditionaliste »[26]. Dans son ensemble, le monde rural se distingue par une grande pauvreté. Les faibles revenus des petits exploitants, de par une productivité moindre et un prix de revient élevé, sont plus vulnérables à la conjoncture économique[a 17]. Si le nombre d'ouvriers agricoles a fortement diminué vers la fin du XIXe siècle en raison de l'exode rural, ils sont encore 1,7 million en 1910 et composent, avec les domestiques et les journaliers, une forme de « prolétariat rural »[a 17]. Pour autant, on assiste à la naissance d'une agriculture de type capitaliste, notamment dans les grandes plaines de la Beauce et du Soissonnais, où de grands propriétaires diversifient leurs productions et investissent dans des machines qui améliorent leur productivité[a 17].

Le monde rural présente une grande diversité politique. Sur le plan électoral, l'empreinte des cultures provinciales et des traditions religieuses marque une forte opposition entre les territoires où le christianisme est encore très ancré de ceux où l'anticléricalisme se répand plus largement[a 17]. Par ailleurs, les années 1900 sont marquées par plusieurs crises agricoles, comme la révolte des vignerons du Languedoc en 1907, mené par Marcelin Albert, mais les mouvements de grève sont le plus souvent éphémères et peu organisés. En 1914, seuls 2 % des ouvriers agricoles sont syndiqués[a 17]. Mais selon Michel Winock, le monde rural trouve une certaine cohérence dans le sentiment d'appartenance commune, « suscité par la crainte et le mépris des citadins, au moment où le modèle citadin tend à s'imposer en norme »[a 18]. À la fin du XIXe siècle, la volonté d'instruire les Français conduit les différents gouvernements à généraliser les obligations scolaires dans les campagnes avec l'espoir d'homogénéiser les mentalités et d'installer durablement l'esprit républicain, quitte à lutter contre les particularismes locaux, comme la restriction de l'usage des langues régionales qui est parfois vécu par les paysans comme une humiliation et une « dépossession culturelle ». En d'autres termes, un « complexe d'intériorité […] solidarise la paysannerie »[a 19].

Bourgeoisie citadine triomphante

Loge dans la Sofiensaal, Josef Engelhart (1903).

Selon l'historien Michel Winock, l'unité de la bourgeoisie « tient moins à sa place dans l'appareil productif qu'à la conscience de ses membres d'en faire partie ». Le terme bourgeoisie recouvre un ensemble relativement hétérogène, dans la mesure où une hiérarchie peut s'établir selon le capital financier, le capital social et le capital culturel des individus, mais la société bourgeoise conserve une certaine cohérence et se définit par le partage d'un système de valeurs et d'un style de vie, par opposition aux classes populaires[a 20], ce que le sociologue Edmond Goblot décrit dès 1925 comme « la barrière et le niveau », c'est-à-dire l'ensemble des stratégies de distinction et le sentiment d'appartenance qui permet à la classe bourgeoise de se démarquer des autres[27].

La grande bourgeoisie mêle l'ancienne aristocratie nobiliaire, bien implantée par ses propriétés rurales dans les provinces, l'aristocratie financière en charge des grands établissements bancaires, des capitaines d'industrie (comme les Schneider au Creusot ou les Wendel en Lorraine), des diplomates, des hauts fonctionnaires ou des hommes politiques[a 21]. Tous constituent des élites qui partagent fortune, puissance et influence, au moment où Paris devient le lieu de toutes les spéculations internationales permettant un enrichissement rapide[a 21].

La bonne bourgeoisie, telle que la définit l'historienne Adeline Daumard, rassemble des notables locaux qui possèdent une certaine richesse mais n'ont pas la surface nationale des grands bourgeois. Il s'agit avant tout de chefs d'entreprises, de rentiers, de notaires, de médecins, d'avocats, d'officiers, de magistrats ou d'universitaires. La moyenne et la petite bourgeoisie regroupent la majorité de la population bourgeoise, dans laquelle on retrouve des commerçants, des boutiquiers, des artisans et de nombreux salariés de la fonction publique[a 22].

Affiche colorée présentant différentes images de la ville et de sa région, une femme en tenue distinguée contemplant un paysage entouré de montagnes à l'arrière-plan.
Une affiche vantant le thermalisme à Cauterets, en 1898.

Les traditions familiales varient pour chacun de ces groupes mais ils partagent le même genre de vie et fréquentent les mêmes lieux. À Paris, les grands bourgeois vivent dans des hôtels particuliers servis par de nombreux domestiques et animent la « saison », c’est-à-dire la période des réceptions et des spectacles qui ont façonné le mythe de la Belle Époque. En été, ils s'installent dans leurs châteaux à la campagne ou dans les villas des stations balnéaires de la côte normande (Cabourg, Deauville, Dieppe), bretonne (Dinard)[a 23] et atlantique (Arcachon). La Belle Époque constitue l'âge d'or des stations thermales[28] - [29], dont les plus fréquentées se situent principalement au centre de l'Auvergne (Vichy, Châtel-Guyon), dans le nord-est de la France (Vittel, Plombières-les-Bains), les Pyrénées (Cauterets, Luchon) et la Savoie (Aix-les-Bains, Évian-les-Bains)[30].

Au tournant du siècle, la bourgeoisie incarne la « classe de loisir » par excellence[a 23]. La pratique des loisirs, l'hédonisme et l'oisiveté sont avant tout des moyens de rendre visible, de manière ostentatoire, l'étendue de sa richesse. De fait, les bourgeois disposent d'un capital temps et de moyens dont ne disposent pas les classes populaires. Les vacances sont alors réservées à l'élite[31]. La villégiature, une pratique à l'origine aristocratique, est favorisée par développement de l'automobile et des chemins de fer. Le premier Guide Michelin est édité en 1900[a 23] et les premiers Guides Joanne le sont en 1907[32]. La pratique du sport se répand aussi largement dans la société bourgeoise, notamment l'usage de la bicyclette, qui est avant tout un loisir bourgeois dans les années 1890 avant de se populariser au début du XXe siècle après la création des premières grandes épreuves cyclistes comme le premier Tour de France en 1903, mais également le tennis, l'alpinisme, l'escrime ou le golf[a 23].

Même si de grands bourgeois ont encore des revenus patrimoniaux qui leur permettent une certaine oisiveté, qui donne son éclat à la vie mondaine de l'époque, le travail est une valeur importante de la société bourgeoise, au contraire du modèle aristocratique qui prédomine jusqu'au milieu du XIXe siècle[a 24].

Condition féminine

« Les hommes dominent la société, non seulement par leur pouvoir politique exclusif, par leur pouvoir économique, mais aussi par leur influence culturelle, idéologique et intellectuelle. Les normes sociales sont dictées par les hommes, lesquels dirigent à la fois l'État, l'Église, le monde industriel et économique. »

Michel Winock, La Belle Époque[a 25]

Inégalités hommes-femmes encore très marquées

Carte postale ancienne en noir et blanc montrant des femmes au travail dans un atelier.
Femmes employées au tri du charbon à Montceau-les-Mines dans les années 1910.

Le travail des femmes est encore peu répandu à une époque où la majorité des idéologues, tant laïques que catholiques, maintiennent le culte de la femme au foyer. En 1896, 38 % des femmes mariées travaillent à plein temps, et l'idéal de la ménagère reste fort y compris dans le monde ouvrier[a 26]. L'inégalité hommes-femmes est encore inscrite dans la loi, la femme étant dépendante de son mari et considérée comme une personne mineure, et ce cadre législatif évolue trop lentement pour favoriser l'acquisition de leur autonomie. Jusqu'en 1907, la loi n'autorise pas une femme à toucher son salaire ni à en disposer sans le consentement de son mari[a 26]. Les premiers mouvements féministes réclament des lois sociales égalitaires et, de ce point de vue, la loi de 1906 sur le repos dominical peut être vue comme « le premier texte non discriminatoire du droit du travail »[33]. En 1909, un congé de maternité sans rupture de contrat, mais sans traitement, est instauré. L'année suivante, les institutrices sont les premières à bénéficier d'un congé de maternité payé[a 27].

Photographie en noir et blanc montrant plusieurs femmes triant des sardines sur des tables installées sur les quais du port.
Femmes préparant des sardines pour le séchage en Bretagne, en 1913.

Les syndicats ouvriers défendent l'idée que le travail des femmes détruirait leur santé et les détournerait de la fonction essentielle qu'est la maternité[a 26], et le considèrent comme une concurrence qui risque de provoquer la baisse des salaires voire le chômage[a 28] - [34]. Les lois votées en faveur des femmes ont parfois des effets pervers : la loi de 1892 qui limite à onze heures la durée de leur travail effectif quotidien incite les patrons à leur préférer les hommes[a 26]. Les salaires féminins sont encore largement inférieurs à ceux des hommes et les femmes sont moins organisées pour se défendre : en 1914, elles représentent 37 % du salariat ouvrier mais seulement 10 % des syndiqués[35]. Le cas des domestiques n'est guère plus enviable : souvent recrutées à la campagne et donc éloignées de leur famille, elles sont maintenues jour et nuit « dans la sujétion du maître ». Le plus souvent mal logées et mal nourries, les domestiques ne bénéficient d'aucune protection légale et peuvent être renvoyées sans recours[a 29].

étude au pastel montrant des femmes en petite tenue installées dans un salon.
Au Salon de la rue des Moulins, par Henri de Toulouse-Lautrec.

La prostitution est un fait social largement répandu au tournant du XXe siècle[36], considéré par les hygiénistes et les moralistes comme « un mal nécessaire » : « Méprisées, les prostituées sont néanmoins peu ou prou admises par une société qui les juge comme une pièce du système social, une soupape nécessaire qui protège les femmes vertueuses et plus encore les jeunes filles, lesquelles doivent garder leur virginité jusqu'au mariage[a 30] ». Elle revêt un caractère protéiforme, de la misère des relations tarifées de rue à celle, fastueuse, des « demi-mondaines » comme Caroline Otero ou Liane de Pougy[a 30] - [37]. La prostitution est à l'époque une activité réglementée et encadrée, notamment dans les « maisons de tolérance » : les prostituées sont tenues de s'inscrire auprès de la Préfecture de police de Paris et ont l'obligation de se soumettre à des visites médicales régulières[37].

Premiers signes d'émancipation

Portrait photographique en buste de la scientifique.
Marie Curie en 1900.

L'éducation est le premier facteur d'émancipation des femmes de la Belle Époque, qui reçoivent toutes un enseignement primaire après le vote des lois scolaires de Jules Ferry. La loi portée par Camille Sée en 1880 crée les lycées de jeunes filles dont l'objectif républicain est de détourner les femmes de l'influence jugée néfaste de l'Église, mais non pas de former des femmes savantes, de sorte que des matières comme la philosophie, le latin et le grec n'y sont pas enseignées[a 27]. Le nombre de ces établissements passe de 23 en 1883 à 138 en 1913 mais ils sont rarement accessibles aux familles modestes et les filles issues de familles bourgeoises fréquentent le plus souvent des institutions privées[a 27], de sorte que ce sont principalement les filles de familles libérales ou progressistes qui les intègrent[38]. L'impératif matrimonial demeurant la norme, ces établissements secondaires cherchent avant tout à préparer les femmes dans le rôle qu'elles tiendront dans leur futur foyer[a 27]. De même, si les effectifs féminins restent marginaux sur les bancs des universités françaises, leur nombre passe de moins de 500 en 1900 à plus de 2000 à la veille de la Première Guerre mondiale et des femmes comme Marie Curie, première femme titulaire d'une chaire à la Sorbonne en 1906 et première lauréate d'un prix Nobel trois ans plus tôt, ou des avocates comme Marguerite Dilhan[39] et Maria Vérone[40], font figure de pionnières[a 27].

De nouveaux emplois apparaissent pour les femmes de la moyenne et petite bourgeoisie comme ceux du travail de bureau, en particulier dans la fonction publique (les PTT comptent notamment 95 000 femmes employées en 1906[41]), ou d'institutrice à mesure que se développe l'enseignement des jeunes filles[38].

Une de journal.
Une de La Fronde du , premier journal féministe.

La Belle Époque voit également l'essor du mouvement féministe. Un Conseil national des femmes françaises affilié au Conseil international des femmes est créé en 1901 dans le but de regrouper et de coordonner toutes les œuvres et sociétés féministes. D'inspiration philanthropique, l'association compte 28 000 membres peu après sa création[a 16]. En parallèle, la presse féminine se développe peu à peu : en 1897, Marguerite Durand crée le quotidien La Fronde, dans lequel interviennent de grandes figures comme Séverine ou Lucie Delarue-Mardrus, puis en 1907, Madeleine Pelletier, la première femme médecin diplômée en psychiatrie, fonde la revue mensuelle La Suffragiste, avant de consacrer plusieurs ouvrages à la cause féministe comme L'Émancipation sexuelle de la femme en 1911 et Le Droit à l'avortement en 1913[a 16]. Les revendications des femmes françaises s'inscrivent dans un mouvement international plus large : au Royaume-Uni, des femmes s'engagent en politique, comme les suffragettes qui militent pour l'obtention du droit de vote féminin, ou de manière plus radicale chez les socialistes comme Rosa Luxemburg en Allemagne[42].

Conditions très diverses

Les ouvriers, dont l'historien Pierre Sorlin estime le nombre à près de 4,5 millions en 1914, forment environ le tiers de la population active française[a 31]. Le monde ouvrier présente une forte hétérogénéité. Dans leur majorité, les ouvriers travaillent encore dans des petites structures ou dans l'artisanat : en 1906, la moitié d'entre eux sont employés dans des entreprises qui ne comptent que de 1 à 5 salariés, tandis qu'en moyenne, on compte seulement 4,3 ouvriers par employeur[a 31]. De fortes concentrations ouvrières existent cependant, principalement dans la métallurgie, et c'est avec elles que se forme une classe ouvrière industrielle moderne[a 31]. La modèle de la petite entreprise reste majoritaire mais une forme de prolétariat d'usine se développe peu à peu, qui intègre principalement les populations issues de l'exode rural ou de l'immigration, de sorte que « la classe ouvrière est encore un puzzle géographique et social »[a 31].

Si, de façon générale, les conditions de vie des ouvriers s'améliorent pendant la Belle Époque, on constate une baisse du salaire réel entre 1905 et 1913 car le coût de la vie augmente alors plus rapidement que le salaire nominal, ce qui entraîne de vastes mouvements de grève et de nouvelles revendications[a 32]. Les salaires varient également selon le sexe, le corps de métier ou les régions, les femmes percevant un salaire bien moindre que les hommes et les salaires étant plus élevés à Paris qu'en province. De même, les ouvriers qualifiés de la grande industrie voient leur niveau de vie augmenter quand les ouvriers non qualifiés restent proches de la misère[a 32]. Dans son ensemble, le monde ouvrier demeure dans une condition de pauvreté et de précarité qui le distingue des autres groupes de la société, bourgeois et paysans[a 32]. Le plus souvent, les ouvriers restent mal nourris et vivent dans des logements insalubres[a 32].

La dureté du travail des ouvriers est avant tout physique, et malgré l'instauration légale d'un jour de repos hebdomadaire en 1906, les conditions restent éprouvantes et les ouvriers meurent plus précocement que les membres des autres classes sociales[a 33]. De même, le monde ouvrier se caractérise par une certaine violence des mœurs : l'alcoolisme et la délinquance y sont largement répandus au début du XXe siècle. Les femmes perçoivent un salaire inférieur de 30 à 50 % à celui des hommes[a 33].

Revendications ouvrières

La relative faiblesse du mouvement ouvrier français s'explique notamment par la séparation entre socialisme et syndicalisme. Les syndicats ouvriers sont pourtant assez combatifs au sein de la CGT, fondée en 1895, mais la charte d'Amiens, rédigée en 1906, rappelle que le syndicalisme est indépendant des partis politiques, que les ouvriers entendent penser et agir par eux-mêmes dans le domaine social mais aussi sur le plan politique en s'affirmant plus « révolutionnaires » que la SFIO[a 34].

Les années de 1906 et à 1910 sont marquées de grands mouvements de grève. En , la catastrophe de Courrières, qui coûte la vie de plus d'un millier de mineurs, entraîne un mouvement social sans précédent qui débouche sur la signature d'un compromis et des augmentations de salaires[a 34]. Dans les années qui suivent, les grèves touchent quasiment tous les corps de métier, y compris les fonctionnaires[a 34]. Malgré la faible proportion d'ouvriers syndiqués, qui ne sont encore que 9 % en 1913[a 34], certaines attentes sont en partie satisfaites[43] : le repos hebdomadaire est acquis à partir de 1906 et les journées de travail sont réduites dans certaines entreprises. La législation sociale française reste néanmoins en retard par rapport à celle de ses voisins[a 35].

La création du ministère du Travail en 1906, confié au socialiste indépendant René Viviani, marque une nouvelle étape dans l'intégration de la classe ouvrière au reste de la société républicaine[a 35].

Catholicisme en déclin

Au tournant du siècle, la majorité des Français sont baptisés mais la pratique religieuse est en baisse. L'Église demeure une composante majeure de la société mais son influence se réduit dans un cadre républicain marqué par un fort anticléricalisme, une urbanisation et une industrialisation croissante. Le développement des sciences et de la philosophie contribuent à la remise en cause de l'enseignement traditionnel catholique[a 36]. Dans certaines régions, la pratique religieuse demeure fortement ancrée, principalement dans l'Ouest de la France, de la Bretagne à la Vendée, le Pays basque, la bordure orientale du Massif central, la Savoie et les terres agricoles du Nord, mais elle disparaît progressivement de certains territoires[a 36]. La déchristianisation de certaines couches sociales est avancée, en particulier celle des ouvriers qui, en quittant la campagne, abandonnent la pratique religieuse, comme le souligne l'historien Pierre Pierrard : « La misère endémique, à laquelle l'Église n'oppose, le plus souvent, que la résignation, ne prédispose pas à la réflexion spirituelle »[44]. De façon générale, la population urbaine s'éloigne peu à peu de la religion, en premier lieu les professions libérales, les fonctionnaires, puis les commerçants, les artisans et les employés. Au début du siècle, le nombre d'enterrements civils est très important dans certains quartiers parisiens[a 36].

La Troisième République entraîne une sécularisation accélérée de la société, qui culmine dans le vote de la loi de séparation des Églises et de l'État en 1905[a 37]. Une partie des catholiques vit cette loi comme une persécution d'État et se considère en situation « d'exil intérieur »[45], et le rejet de cette loi devient un argument pour ceux qui dénoncent le « complot judéo-maçonnique » dont la France serait victime, l'antisémitisme étant alors largement répandu dans certains milieux catholiques[46], des revendications qui seront ensuite portées par l'Action française[a 38].

L'Église catholique apparaît néanmoins déchirée sur ces questions, comme en témoigne la crise moderniste. Des théologiens comme Alfred Loisy cherchent à concilier la pensée rationnelle et la foi catholique mais sont fermement condamnés par le pape Pie X qui rejette en bloc leurs théories : des publications sont mises à l'index et les prêtres sont tenus de prêter le serment antimoderniste à partir de 1910[a 39]. La même année, Le Sillon, un mouvement fondé par Marc Sangnier qui cherche à promouvoir un catholicisme social, est dissous[a 39]. Sur le plan politique, l'Action libérale populaire veut rassembler les catholiques ralliés à la République, mais son succès est limité : les catholiques intransigeants hostiles au régime la rejettent en bloc, quand les plus modérés, comme l'abbé Lemire, premier prêtre élu député en 1893, l'accusent de cléricalisme[a 39].

Si la place de l'Église catholique dans la société tend à diminuer, certains éléments démontrent qu'elle conserve un certain dynamisme, comme la réussite des patronages paroissiaux qui s'attachent à l'éducation populaire des jeunes gens des classes défavorisées, le succès des pèlerinages comme celui de Lourdes, ou le renouveau catholique dans la littérature française après la conversion de nombreux intellectuels[a 40].

Riche période culturelle, de divertissement et d'inventions

Gravure en couleurs de Georges Garen, intitulée Embrasement de la tour Eiffel pendant l’Exposition universelle de 1889.

Dans l’imaginaire français, la Belle Époque reste le temps de l'avènement de l'idéal des Lumières (libéralisme et révolution de 1789) et d'un foisonnement de réalisations artistiques et d'inventions[47].

La croyance en un progrès de l’humanité anime une bonne partie des élites françaises, notamment dans les sciences (positivisme). Construite pour l'Exposition universelle de 1889, la tour Eiffel, symbole de Paris, fait de la capitale française la vitrine du monde et du progrès. Certains penseurs, avant ou après le carnage de la Grande Guerre, avaient cependant fait preuve de réserves ou d'ironie à l’encontre de l'idée d'un progrès inéluctable (Bernanos).

Importantes découvertes scientifiques

Les savants français ont toujours une place de choix dans la recherche scientifique européenne mais, contrairement aux périodes précédentes, ils ne travaillent plus dans l’isolement ; la publication systématique de leurs travaux les met en relation rapide avec leurs confrères étrangers, ce qui fait progresser plus rapidement les programmes entamés par chacun.

Les congrès scientifiques leur permettent d’échanger leurs idées et les expositions universelles les font connaître du grand public et des industriels. Désormais, leur prestige est très grand et leur statut social se modifie ; ils deviennent les nouvelles figures qui bénéficient de la reconnaissance et du respect des autorités. Ils sont honorés par leurs compatriotes et respectés sur le plan international.

Les ingénieurs qui les relaient dans les entreprises acquièrent une stature nouvelle ; ils ne sont plus de simples « fonctionnaires » mais des innovateurs qui introduisent des techniques révolutionnaires pour la rentabilité ou la sécurité.

Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire.

Les découvertes les plus importantes ont été d’abord appliquées à la vie quotidienne. C’est le cas de la maîtrise de l’électricité quand Marcel Deprez et Aristide Bergès mettent au point un système pour transporter le courant. L’éclairage domestique en bénéficie et cette nouvelle forme d’énergie révolutionne les techniques industrielles. L’électrométallurgie se développe et l’électrolyse transforme le travail de l’aluminium en abaissant le prix de revient de ce métal.

Dans la foulée, des ingénieurs inventent la radio ; la TSF (télégraphie sans fil) d’après les travaux d'Édouard Branly et le cinéma dont la base de fonctionnement est la maîtrise du courant (techniques des frères Lumière en 1895).

Pour l’automobile, les ingénieurs déploient une énergie et une inventivité efficaces qui en font les inventeurs du pneu démontable (Michelin en 1895) ou les acteurs d’améliorations notables pour le moteur à explosion comme Panhard et Levassor. Les frères Renault sont en France les pionniers de la fabrication industrielle de l’automobile. Ils contribuent à faire du pays l’un des mieux équipés, à savoir 100 000 voitures en 1914.

Certaines découvertes ont été déterminantes pour les années futures : les expériences de Clément Ader en 1903-1906 permettent aux aviateurs Louis Blériot en 1909 de réussir la première traversée de la Manche et à Roland Garros la traversée de la Méditerranée en 1913.

Pour la médecine, les travaux des physiciens et des chimistes ont été des étapes primordiales : Pierre et Marie Curie isolent le radium en 1898 en travaillant à partir des travaux de Becquerel qui a mis en évidence la radioactivité de l’uranium en 1896. Ils partagent d'ailleurs avec ce dernier le prix Nobel de physique 1903, pour la découverte de la radioactivité. Marie Curie obtiendra quant à elle un second prix Nobel en 1911 et reste comme la plus grande savante française de son époque avec Louis Pasteur.

Ils font ainsi progresser les possibilités d’utilisation des rayons X découverts en 1895 par l’Allemand Wilhelm Röntgen appliquées à la radiographie dont l’usage se généralise pour le dépistage de la tuberculose.

Henri Fantin-Latour, Un atelier aux Batignolles, qui réunissait des artistes ou écrivains tels qu’Émile Zola, Auguste Renoir, Claude Monet…

Prestige du monde intellectuel

Le terme « intellectuel » peu utilisé avant 1898 apparaît dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Il devient alors un substantif qui désigne aussi bien les hommes de science que les écrivains et certains artistes, des « hommes de pur labeur intellectuel ». Les romans suivent des tendances variées, le naturalisme de Zola voisine avec l’exotisme de Pierre Loti et des romans plus personnels comme ceux d’André Gide ou de Marcel Proust.

La culture française se distingue en tout cas par son caractère novateur et son rayonnement singulier à l'échelle mondiale. Plusieurs mouvements d'avant-garde se développent. Dans les arts, on peut citer l'impressionnisme[48], ouvrant voie au fauvisme, cubisme, expressionnisme et à l'Art nouveau (Alfons Mucha, Hector Guimard, Eugène Grasset, Louis Majorelle). De grands marchands et galeristes tel Ambroise Vollard ou des collectionneurs tels que Gustave Fayet sont alors les fervents révélateurs de ces avant-gardes. Fayet rassemble près de soixante-dix œuvres de Gauguin et les prêtera pour les premières rétrospectives à Weimar d'abord, puis à Paris au Salon d'automne en 1906.

La France connaît également une période riche de divertissement et de loisirs. Les Français s'amusent ou se réjouissent dans des activités principalement ludiques, hors des contraintes de la vie sociale et du travail, avec la De Dion-Bouton, la « fée électricité », le premier Tour de France… Les frères Lumière, considérés comme inventeurs du cinématographe, ce qui en ferait une invention française, présentent leurs films sur des écrans géants. Les cabarets du quartier Pigalle comme Le Chat noir (fréquenté entre autres par Verlaine et Satie), Le Divan japonais ou la Nouvelle Athènes « encanaillent » leurs publics. Au Moulin-Rouge, ouvert depuis 1889, Mistinguett lance la « valse chaloupée » en 1907. Dans la plupart de ces lieux, il n'y a pas de scène jusqu'en 1918[49].

Les Jeux olympiques, IIe de l'ère moderne après ceux d'Athènes, se déroulent dans le bois de Vincennes. Paris apparaît comme la capitale mondiale du divertissement, de la mode et du luxe. En 1900, avec l'Exposition universelle, la Ville Lumière est au faîte de son rayonnement.

Essor de la presse

La Belle Époque constitue le véritable âge d'or de la presse écrite[50], dans un contexte d'alphabétisation croissante de la population qui entraîne alors une forte demande. D'une part, l'essor de la presse écrite est encouragé par la loi du 29 juillet 1881 qui instaure la liberté de la presse. D'autre part, une série d'innovations techniques permettent d'importants gains de production, comme l'utilisation de la linotype, une machine de composition au plomb qui se développe en Europe dans les années 1890, le perfectionnement de la presse rotative ou le remplacement progressif des machines à vapeur par l'électricité[a 41]. En même temps que les journaux s'étoffent, ils deviennent plus attrayants grâce aux nouveaux procédés d'illustration comme la photographie ou l'héliogravure, qui permet l'impression en couleurs[a 41]. Dans le même temps, l'extension du réseau ferré rompt l'isolement de certaines régions et permet la diffusion des principaux titres de la presse écrite sur l'ensemble du territoire[51].

Le Petit Parisien, dont les ventes passent de 770 000 exemplaires en 1899 à près de 1,5 million en 1913, devient le premier quotidien national pendant cette période. Dirigé par Jean Dupuy, il possède sa propre imprimerie, comme la plupart des grands journaux, mais aussi sa propre papeterie, ce qui lui permet de maîtriser l'ensemble du processus de fabrication[a 42]. Leader à la fin du XIXe siècle, Le Petit Journal voit ses ventes décliner, en raison notamment de ses prises de position antidreyfusardes. Malgré son affaiblissement, il tire encore à 900 000 exemplaires avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, et se place avec Le Petit Parisien, Le Journal et Le Matin, comme l'un des quatre grands quotidiens nationaux de cette période[a 42]. Aux côtés de ces titres populaires figure une certaine presse d'élite. L'Écho de Paris, dont le tirage atteint 135 000 exemplaires en 1912, est un titre apprécié du lectorat catholique et conservateur, tandis que Le Temps, un journal républicain modéré d'influence protestante, est largement répandu dans l'élite de centre gauche[a 43].

La Belle Époque marque également l'essor de la presse militante et engagée, parfois confiée à un polémiste comme L'Intransigeant d'Henri Rochefort ou La Libre Parole d'Édouard Drumont dont le ton est résolument antisémite[a 44]. Dans le camp royaliste, Le Gaulois, dont le tirage oscille entre 20 000 et 30 000 exemplaires est considéré comme le journal de la noblesse et de la haute-bourgeoisie, tandis que L'Action française, fondée en 1908, affiche ouvertement son opposition acharnée à la Troisième République et à la démocratie[a 44]. Si le ralliement d'une partie des catholiques à la République entraîne une recomposition de la presse catholique française, La Croix en reste le premier quotidien, avec un tirage quotidien qui atteint 170 000 exemplaires vers 1900[a 44]. Dans le sillage de La Justice de Georges Clemenceau, dont le tirage reste relativement modeste, la presse de gauche voit la naissance de plusieurs titres-phares comme L'Aurore, créé par Ernest Vaughan et célèbre pour avoir publié l'article J'accuse… ! d'Émile Zola en , ou L'Humanité, fondé en 1904 par Jean Jaurès[a 44]. En 1897, le premier quotidien féministe, La Fronde, nait sous l'impulsion de Marguerite Durand[a 44].

Pour autant, le contenu politique n'est pas la seule caractéristique des journaux de l'époque, et comme le rappelle Pierre Albert, « ce sont des matières non politiques qui ont servi de moteur au journalisme du XXe siècle[52] ». Les journaux affichent également leurs préoccupations littéraires et artistiques, si bien qu'il existe un lien manifeste entre la presse et la production littéraire[53]. Arthur Meyer, fondateur du Gaulois, affirme que « le principal souci d'un lanceur de journal était de publier un roman sensationnel »[54].

Activité littéraire intense

La scolarisation de masse et l'essor de la presse écrite, tout comme l'urbanisation croissante du pays, dans la mesure où les incitations à la lecture sont plus nombreuses en ville et que l'accès au livre et au journal y est plus aisé qu'en milieu rural, ont favorisé une certaine « démocratisation de la lecture » dont a largement profité la production littéraire de la Belle Époque[55], ce que l'historien Michel Winock qualifie d'« apogée de la culture écrite »[a 45].

L'édition scolaire représente un marché considérable pour l'industrie du livre, dont tirent parti les principales maisons de ce secteur comme Hachette, Larousse, Belin, Armand Colin, Delagrave, Hatier ou Nathan[a 46]. Le monde de l'édition dans son ensemble connaît cependant un léger déclin[55], qui peut s'expliquer par la concurrence des journaux qui « tiennent le lecteur en haleine avec leurs feuilletons »[a 46], au point que certains éditeurs choisissent de publier des journaux de lecture, comme Flammarion avec Le Bon Journal ou Hachette avec Lectures pour tous[a 46]. Malgré ce « tassement » de l'activité éditoriale, certains genres comme les ouvrages de vulgarisation, les livres pratiques ou les romans populaires, connaissent un certain succès[a 46]. C'est la naissance des collections à bas prix mais à grands tirages, dans lesquelles paraissent des romans policiers à succès comme la série des Arsène Lupin ou des Fantômas, ou des romans historiques comme Les Pardaillan de Michel Zévaco[a 47].

La Belle Époque est aussi celle de la création des premiers prix littéraires : le prix Goncourt est décerné pour la première fois en 1903, le prix Femina l'année suivante[a 47]. La démocratisation de la lecture touche aussi les revues : la Revue des Deux Mondes, fondée en 1829, compte environ 40 000 abonnés pendant cette période, un chiffre jamais atteint par aucune autre revue intellectuelle. Des revues littéraires apparaissent qui rassemblent certains des plus grands écrivains de l'époque, comme le Mercure de France, La Revue blanche, et surtout La Nouvelle Revue française, qui deviendra une référence dans l'entre-deux-guerres sous l'impulsion de Gaston Gallimard[a 48].

On retrouve une activité littéraire intense et excentrique[56] : Baudelaire, chantre de la modernité parisienne, Léon Bloy, Pierre Louÿs, Octave Mirbeau, qui en ont fait une époque d'excès et de fantaisie. Victor Hugo et Émile Zola, à la fois intellectuels et écrivains, qui croyaient au progrès social et militaient pour une société plus harmonieuse, et qui n’auront de cesse de dénoncer les conditions de vie déplorables de la classe ouvrière, marquent le siècle, de même que Voltaire a marqué le XVIIIe siècle.

Le théâtre et la poésie explorent aussi des voies nouvelles, à caractère dénonciateur ; c’est ce que veut atteindre Alfred Jarry avec Ubu roi où il tourne en dérision les dictatures.

Le genre théâtral du Vaudeville, d'apparence légère, connaît un grand succès avec des auteurs tels que Feydeau, Labiche ou Courteline.

Création artistique foisonnante

Les Joueurs de cartes de Paul Cézanne. À cette époque, les jeux de cartes deviennent très populaires dans les bars.
La symbolique du théâtre par Auguste Gorguet en 1908. Le théâtre à cette époque connaît une période faste.

Les impressionnistes avaient ouvert la voie en 1874 en étudiant la variation des couleurs en fonction de la lumière. Auguste Renoir et Claude Monet continuent à travailler de cette façon à la Belle Époque.

Mais d’autres peintres ouvrent de nouvelles voies de recherche. C’est le cas de Gauguin qui juxtapose des aplats de couleurs vives et simplifie à l’extrême le tracé pour faire ressortir l’authenticité des scènes. Cézanne et Van Gogh accentuent ces tendances en recourant à des couleurs très heurtées et à un dessin qui fait de Cézanne le précurseur des cubistes.

Les formes sont traitées par les cubistes de façon révolutionnaire ; la vision du réel est éclatée, décomposée, pour être restructurée selon des conceptions intellectuelles où les formes qui s’imposent sont le cube, la sphère et le cylindre. Pablo Picasso et Georges Braque ou Juan Gris sont les maîtres de la tendance.

Les Demoiselles d'Avignon achevées par Picasso en 1907 sont considérées comme le premier manifeste cubiste. La construction du tableau est rigoureuse, les tracés géométriques articulent la composition, les emprunts du peintre aux civilisations africaines donnent à l'œuvre un caractère étrange qui a été très contesté au moment de l’exposition.

Ce sont les Russes qui ont exploré toutes les possibilités de rejet de la réalité. Malévitch utilise la couleur comme unique support de sa pensée et fonde le suprématisme. Kandinsky en 1910 fait disparaître toute représentation figurative, donnant à la forme et à la couleur le sens « d’une représentation graphique d’un état d’âme » ; il fonde ainsi l’art abstrait.

Succès des arts décoratifs

Parce que l’Art nouveau utilise des matériaux de l’industrie, comme le fer ou le verre, qui sont faciles à travailler et offrent beaucoup de possibilités, il est très significatif de la Belle Époque. Les arts décoratifs adoptent les motifs végétaux pour créer des objets utilitaires (mobilier, vaisselle) traités comme des œuvres d’art. Les bouches de métro imaginées par Hector Guimard utilisent une forme de végétalisme abstrait et les vases d'Émile Gallé (École de Nancy) évoquent des silhouettes de fleurs. Les immeubles de l'architecte Jules Lavirotte, en collaboration avec le céramiste Alexandre Bigot, prônent un style antiacadémique au symbolisme érotique parfois exubérant. Quant aux bijoux de René Lalique, ils mêlent métaux précieux et corolles florales.

Musique qui rompt avec le passé

La comédienne Arlette Dorgère en tête d'affiche dans la fantaisie-opérette, La Princesse des Flirts (1906).

La vie musicale française est d'une très grande richesse mais reste concentrée sur Paris, reflétant autant le rayonnement international de la Ville Lumière que la centralisation politique, administrative et culturelle de la France. Ainsi, lors des 200 jours de l'Exposition universelle de 1900, seront donnés (outre la trentaine de concerts officiels) 360 séances symphoniques et 1 200 représentations lyriques[57].

Si les compositeurs français les plus marquants sont Gabriel Fauré, Camille Saint-Saëns, Claude Debussy et Maurice Ravel il ne faut pas oublier Igor Stravinsky qui s'est installé à Paris en 1908 et les Espagnols Isaac Albéniz, Enrique Granados et Manuel de Falla. Le pianiste espagnol Ricardo Viñes est d'ailleurs aussi bien le créateur d'œuvres pianistiques majeures de Debussy et Ravel que d'Albeniz et Falla, qu'il fait connaître dans toute l'Europe et l'Amérique latine[58].

Les grands salons parisiens donnent le ton de cette intense vie artistique ; ceux de la comtesse Greffuhle[59], des princesses de Polignac et de Cystria, de Misia ou encore de madame de Saint-Marceaux[60].

Si Debussy doit affronter les critiques les plus acerbes pour Pelléas et Mélisande (1902), son Martyre de saint Sébastien (1911) n’est pas mieux accueilli. Mais c'est Igor Stravinsky qui déroute le plus avec L'Oiseau de feu, Petrouchka et surtout Le Sacre du printemps (1913), rompt avec la tradition, comme en témoigne Paul Le Flem[61] :

« J'avais trouvé un strapontin au premier balcon du Théâtre des Champs-Élysées. Le prélude se passe, le public ne bouge pas, puis petit à petit, il s'énerve. Un murmure s'élève, s'accentue. Quand arrivent les passages terribles, avec des dissonances, les auditeurs se déchaînent. On voit Monteux battre la mesure, mais on n'entend plus la musique. Puis la première partie s'achève et la lumière se rallume dans un silence absolu. À la reprise de la deuxième partie, le chahut va crescendo. Vers la fin, Karsavina se tenait seule sur la gauche de la scène, puis la traversait en diagonale. Les gens deviennent fous. J'avais à côté de moi un brave homme qui jusque-là n'avait pas bronché. À cet instant, il se lève et crie : “Un médecin, deux médecins, trois médecins !” et s'en va. C'était extraordinaire. Florent Schmitt était là, lui aussi, au balcon. Je le revois, se dressant et hurlant en direction du parterre (tous les diamants de Paris s'y étaient donnés rendez-vous) : “Taisez-vous les grues du XVIe”. Et il perd son lorgnon. »

Les premiers festivals de musique se développent dans le sud de la France, au théâtre antique d'Orange pour les Chorégies et aux arènes modernes de Béziers, où Fernand Castelbon de Beauxhostes monte de grandioses spectacles, tels la Déjanire de Saint-Saëns (1897), Parysatis (1902) ou l'Héliogabale de Déodat de Séverac (1910)[62].

À partir de 1909, à l'avant-garde de la création, les Ballets russes de Serge de Diaghilev éblouissent la scène parisienne autant qu'ils y provoquent aussi parfois des réactions horrifiées comme lors de la première de L’Après-midi d’un faune, sur la musique de Debussy, où l’art du chorégraphe est dynamisé par le talent de Nijinsky.

Il y avait aussi une grande palette musicale populaire : chansons d'amour, comiques troupiers, rengaines graveleuses, chahut comique, les refrains répétitifs des vers d'oreille et le ragtime[63].

Innovations sculpturales

Le sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) symbolise à lui seul le prestige des arts français de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ses premières œuvres sont assez classiques dans leur facture, mais, des Bourgeois de Calais au Penseur, elles deviennent de plus en plus expressives. Les sentiments y sont de plus en plus visibles pour devenir ce que Rodin souhaitait obtenir avec son Balzac. « La ressemblance… est celle de l’âme », écrit-il peu après avoir terminé cette œuvre qui est refusée par les commanditaires de la Société des gens de lettres.

Une « communauté féconde d'artistes, tous arts confondus, qui résident à Paris ou alentour, en synergie et aussi en compétition, a érigé l'innovation permanente en principe moteur seul capable d'apporter une distinction et une valeur ajoutée au travail artistique. La concentration des artistes et des créateurs, des industriels de la culture (cinéma, disque, presse, livre), des marchands et galeristes comme des entrepreneurs, des mécènes, collectionneurs et faiseurs de mode […] les met tous dans une fructueuse proximité et facilite le rapport entre l'offre et la demande[64] ». C'est donc une centralisation de la vie artistique, littéraire et culturelle qui caractérise cet extraordinaire foisonnement de la Belle Époque en France.

La Ford T.

Technologies nouvelles

Une succession d'inventions va modifier profondément le mode de vie. La photographie va engendrer le cinéma, le vélocipède se mue en bicyclette, la réalisation de moteurs plus petits et légers permet la mise au point des motocyclettes, des automobiles, des avions. Des progrès immenses sont aussi accomplis dans la chimie (Pierre et Marie Curie), l'électronique et la sidérurgie. Le développement de la médecine et de l'hygiène permet de faire baisser la mortalité des nourrissons et d'augmenter l'espérance de vie. La France s'équipe de plus en plus de l'électricité.

Les premiers films produits par Thomas Edison à partir de 1890 ou la projection de La Sortie de l'usine Lumière à Lyon de Louis Lumière en 1895, marquent le succès qui attend la cinématographie.

Les hommes de l'époque voient un espoir sur le développement dans la technologie ; pour eux, elle est capable de tout, même de ce qui était jugé impossible un siècle auparavant.

Phénomène des expositions universelles

« Le XIXe siècle a été le grand siècle du progrès. Pour fêter les prodiges des arts, des sciences, de l'industrie et de l'agriculture, la France invita toutes les nations à participer à l'Exposition universelle qu'elle organisait à Paris. Toutes répondirent à cette invitation ; elles tenaient à comparer les progrès de leur industrie avec ceux des autres nations. L'Exposition de 1900 fut une merveille. Le Champ-de-Mars avait son château d'eau et ses fontaines lumineuses qui, le soir, transformaient cette partie de l'Exposition en une véritable féerie, les quais de la rive gauche de la Seine étaient occupés par les palais des nations, chacun dans son architecture nationale. »

Jeanne Bouvier (1865-1964)[65]

Les expositions universelles de 1889 (présentation de la tour Eiffel) et de 1900 (électricité) sont les symboles de la Belle Époque.

Architecture

La Belle Époque se caractérise par le traitement spécifique réalisé sur les façades et les toitures. Les décors font alors appel à des placages de reliefs, des colonnades, etc.

  • Villas Belle Epoque, à Porrentruy, dans le canton du Jura, Suisse, 1906.
    Villas Belle Epoque, à Porrentruy, dans le canton du Jura, Suisse, 1906.
  • Un bâtiment avenue Maréchal-Joffre, Nice, France, 1904.
    Un bâtiment avenue Maréchal-Joffre, Nice, France, 1904.

Œuvres

Films sur la Belle Époque

Documentaires

Notes et références

  • Michel Winock, La Belle Époque, La France de 1900 à 1914, 2022 :
  1. Winock 2022, p. 17-21.
  2. Winock 2022, p. 84-91.
  3. Winock 2022, p. 91-93.
  4. Winock 2022, p. 93-95.
  5. Winock 2022, p. 57-64.
  6. Winock 2022, p. 61.
  7. Winock 2022, p. 65-69.
  8. Winock 2022, p. 81.
  9. Winock 2022, p. 39-43.
  10. Winock 2022, p. 45.
  11. Winock 2022, p. 46-50.
  12. Winock 2022, p. 23-24.
  13. Winock 2022, p. 124.
  14. Winock 2022, p. 140.
  15. Winock 2022, p. 156.
  16. Winock 2022, p. 201-204.
  17. Winock 2022, p. 105-114.
  18. Winock 2022, p. 114.
  19. Winock 2022, p. 114-116.
  20. Winock 2022, p. 126.
  21. Winock 2022, p. 127-130.
  22. Winock 2022, p. 131-132.
  23. Winock 2022, p. 153-155.
  24. Winock 2022, p. 136.
  25. Winock 2022, p. 179.
  26. Winock 2022, p. 179-183.
  27. Winock 2022, p. 194-204.
  28. Winock 2022, p. 165.
  29. Winock 2022, p. 186-187.
  30. Winock 2022, p. 192-194.
  31. Winock 2022, p. 158-160.
  32. Winock 2022, p. 161-164.
  33. Winock 2022, p. 166-169.
  34. Winock 2022, p. 170-175.
  35. Winock 2022, p. 175-177.
  36. Winock 2022, p. 249-252.
  37. Winock 2022, p. 253-256.
  38. Winock 2022, p. 256-258.
  39. Winock 2022, p. 258-263.
  40. Winock 2022, p. 264-269.
  41. Winock 2022, p. 377-378.
  42. Winock 2022, p. 379-381.
  43. Winock 2022, p. 381-382.
  44. Winock 2022, p. 382-386.
  45. Winock 2022, p. 361.
  46. Winock 2022, p. 369-371.
  47. Winock 2022, p. 372-375.
  48. Winock 2022, p. 375-376.
  • Autres références :
  1. Selon Dominique Kalifa, le premier usage sans équivoque vient d'une émission de radio intitulée « Ah la Belle Époque ! Croquis musical de l'époque 1900 » présentée par André Allehaut sur Radio-Paris en ) pour évoquer la quinzaine d'années qui précèdent la Grande Guerre (Dominique Kalifa, La Véritable Histoire de la Belle Époque, Paris, Fayard, .
  2. Jean Garrigues et Philippe Lacombrade, La France au XIXe siècle, Armand Colin, coll. « U », , 3e éd., p. 165.
  3. Dominique Lejeune, La France de la Belle Époque, , 4e éd., p. 4.
  4. HiSoUR, « Belle Époque », sur HiSoUR (consulté le )
  5. Voir, par exemple, Thomas Piketty, "Capital et Idéologie", graphiques et .
  6. Charles Péguy, L'Argent, Cahiers de la Quinzaine, (lire en ligne).
  7. Yves Verneuil, « L'école et la laïcité, de l'Ancien Régime à nos jours : enjeux du passé, enjeux dépassés ? », Tréma, no 37 « Laïcité, éducations, diversité », , p. 130-143 (lire en ligne).
  8. Charles-Robert Ageron, « Gambetta et la reprise de l'expansion coloniale », Outre-mers, no 215, , p. 165-204 (lire en ligne).
  9. François Manchuelle, « Origines républicaines de la politique d'expansion coloniale de Jules Ferry (1838-1865) », Outre-mers, no 279, , p. 185-206 (lire en ligne).
  10. Philippe Sadot, « L'Expansion coloniale de la France de 1870 à 1914 », Histoires de France, , p. 35-39.
  11. Charles-Robert Ageron, « Le « parti » colonial », dans De « l'Algérie française » à l'Algérie algérienne, vol. 1, Saint-Denis, Éditions Bouchène, coll. « Histoire du Maghreb », , p. 149-160.
  12. Aimé Dupuy, « Le courant anticolonialiste a toujours existé en France », Le Monde diplomatique, , p. 6 (lire en ligne).
  13. Catherine Coquery-Vidrovitch, « Le pillage de l'Afrique noire », Les collections de L'Histoire, no 11 « Le temps des colonies », .
  14. Jacques Dupâquier (dir.), Histoire de la population française, t. III : de 1789 à 1914, PUF, .
  15. Arsène Dumont, Natalité et démocratie, Paris, Schleicher, .
  16. Francis Ronsin, « La classe ouvrière et le néo-malthusianisme : l'exemple français avant 1914 », Le Mouvement social, no 106, , p. 85-177.
  17. René Remond, La Vie politique en France, 1848-1879, Pocket, coll. « Agora », nouv. éd. 2005, 412 p. (ISBN 978-2266136518).
  18. Serge Berstein, « La culture politique », dans Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (s.d. de), Pour une histoire culturelle, Seuil, coll. « L'univers historique », 1997, 456 p. p. (ISBN 978-2020254700), p. 371-386.
  19. Serge Berstein (dir.), « La synthèse démocrate-libérale de 1871-1970 » in La Démocratie libérale, Paris, PUF, 1998, 950 p. (ISBN 978-2130493884).
  20. Michel Vovelle, Les Lieux de mémoire, Pierre Nora (dir.), Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires – illustrée », 1984, 720 p. (ISBN 978-2070701926).
  21. Jean-François Sirinelli et Pascal Ory, Les Intellectuels en France de l’affaire Dreyfus à nos jours, 3e édition mise à jour, Éditions Perrin, coll. « Tempus » (ISSN 1633-8294) no 73, Paris, 2004 (1re éd. 1986), 435 p. (ISBN 2-262-02235-6)
  22. René Rémond, La République souveraine. La vie politique en France, 1879-1939, Pocket, coll. « Pocket Agora », 2005, 435 p. (ISBN 978-2266136532).
  23. Jacqueline Lalouette, La République anticléricale, XIXe – XXe siècles, Paris, Seuil, coll. « L’Univers historique », 2005, 472 p. (ISBN 978-2020526371).
  24. Jacqueline Lalouette, « L'anticléricalisme », in L'Histoire religieuse en France et en Espagne, Benoît Pellistrandi (éd.), « Collection de la Casa de Velázquez », no 87, 2004, p. 334.
  25. René Rémond, L'Anticléricalisme en France de 1815 à nos jours, Paris, Fayard (1976), nouv. éd. revue et augmentée, 1999, 420 p. (ISBN 978-2213602608).
  26. Éric Alary, « La Belle Époque. Crises et désenclavement », dans L'Histoire des paysans français, Paris, Perrin, coll. « Pour l'histoire », , 15-58 p..
  27. Edmond Goblot, La barrière et le niveau, Paris, Félix Alcan, , 160 p. (lire en ligne).
  28. Marie-Ève Férérol, « Luxure, calme et volupté dans les villes d’eaux françaises à l’âge d’or du thermalisme (Belle Époque et Années Folles) », Via, nos 11-12 « L'érotisation des lieux touristiques », (lire en ligne).
  29. Jean-Paul Azam et Jean-Paul Riffard, Les stations thermales des Pyrénées à la belle époque, Morlaàs, Cairn, , 120 p. (ISBN 9782350684437).
  30. André Authier et Pierre Duvernois, Patrimoine et traditions du thermalisme, Toulouse, Privat, , 152 p. (ISBN 2-7089-9098-5).
  31. André Rauch, Vacances en France de 1830 à nos jours, Paris, Hachette, coll. « La vie quotidienne », , 279 p..
  32. Hélène Morlier, « Les Guides Joanne : invention d’une collection », In Situ, no 15 « Le patrimoine des guides : lectures de l'espace urbain européen », (lire en ligne).
  33. Nicole Arnaud-Duc, « Les contradictions du droit », dans Georges Duby, Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes, t. 4 : Le XIXe siècle, Plon, , p. 96.
  34. Hobsbawm, p. 256-259.
  35. Michelle Perrot, « Guerre des sexes et lutte des classes », L'Histoire, no 245 « Les femmes : 5000 ans pour l'égalité », .
  36. Hobsbawm 2012, p. 255.
  37. Lola González Quijano, « Performer un mauvais genre : la demi-mondaine au XIXe siècle », Criminocorpus, no 7, (lire en ligne).
  38. Hobsbawm 2012, p. 261.
  39. Jean-Louis Debré, Ces femmes qui ont réveillé la France, Fayard, , 382 p. (ISBN 9782213675664).
  40. Anne-Laure Catinat, « Les premières avocates du barreau de Paris », Mil neuf cent : Revue d'histoire intellectuelle, no 16 « Figures d'intellectuelles », , p. 43-56 (lire en ligne).
  41. Jean Ruhlmann, Histoire de l'Europe au XXe siècle, t. I : 1900-1918, Complexe, , p. 194-197.
  42. Hobsbawm 2012, p. 250-251.
  43. Georges Lefranc, Histoire du travail et des travailleurs, Paris, Flammarion, , p. 349.
  44. Pierre Pierrard, « La mine et le Bon Dieu », L'Histoire, no 19, .
  45. Michel Lagrée, « Exilés dans leur patrie », dans François Lebrun, Histoire des catholiques en France, Hachette, coll. « Pluriel », , 407-453 p..
  46. Michel Winock, « Autopsie d'un mythe : le complot judéo-maçonnique », L'Histoire, no 256 « Les Francs-Maçons », .
  47. Mario d'Angelo (dir.), La Musique à la Belle Époque. Autour du foyer artistique de Gustave Fayet (Béziers, Paris, Fontfroide), Narbonne, MAGFF, 2010.
  48. Pascal Bonafoux, Correspondances impressionnistes, Diane de Selliers, coll. « DSS Luxe », 2008, 464 pages (ISBN 978-2903656454).
  49. Mario d'Angelo, Socio-économie de la musique en France. Diagnostic d'un système vulnérable, Paris, La Documentation Française, coll. « Les études de la documentation française », 1997, 190 p. (ISBN 978-2110037046).
  50. Leroy et Bertrand-Sabiani 1998, p. 11.
  51. Jean-Yves Mollier, « La « littérature du trottoir » à la Belle Époque entre contestation et dérision », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, nos 90-91 « Écrire pour convaincre », , p. 85-96 (lire en ligne).
  52. Pierre Albert, Histoire de la presse française, t. III, PUF, (ISBN 978-2130321491), p. 143.
  53. Leroy et Bertrand-Sabiani 1998, p. 13.
  54. Arthur Meyer, Ce que mes yeux ont vu, Plon-Nourrit, , p. 211.
  55. Leroy et Bertrand-Sabiani 1998, p. 7-27.
  56. Présentés par Marie-Claire Bancquart, Écrivains fin-de-siècle, Gallimard, coll. « Folio classique », no 5032, 382 p. (ISBN 9782070348404).
  57. Mario d'Angelo, La Musique à la Belle Époque. Autour du foyer artistique de Gustave Fayet, Paris, Éditions Le Manuscrit, 2013, 178 p. (ISBN 978-2304041521).
  58. Il tient très régulièrement un journal, entre 1898 et 1914, exceptionnel témoignage de la vie artistique de la Belle Époque. Voir Mildred Clary et Nina Gubisch-Viñes, Ricardo Viñes. Un pèlerin de l'Absolu, Actes Sud, coll. « Réminiscences », 2010, 304 p. (ISBN 978-2742793372).
  59. Très liée à Gabriel Fauré, elle sera aussi le principal modèle de la duchesse de Guermantes dans À la recherche du temps perdu. Voir à son sujet l'ouvrage de Laure Hillerin, op. cit.
  60. Voir Marguerite de Saint-Marceaux, Journal, Myriam Chimènes (éd.), Paris, Fayard, 2007. Voir également Myriam Chimènes, Mécènes et musiciens. Du salon au concert à Paris sous la IIIe République, Paris, Fayard, 2004, 600 p. (ISBN 978-2213616964).
  61. Mario d'Angelo, op. cit., p. 124.
  62. Le festival de Béziers sera d'ailleurs appelé le « Bayreuth français ». Sa dernière édition a lieu en 1927. Voir Mario d'Angelo, op. cit.
  63. Chansons de la Belle Époque.
  64. Ibid., p. 116.
  65. Jeanne Bouvier, Mes mémoires, éditions Marcineau, Poitiers, 1936 ; Éditions La Découverte, coll. « Actes et mémoires du peuple », 1988, 280 p. (ISBN 978-2707113849).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie générale

  • Pierre du Bois de Dunilac, Les Mythologies de la Belle Époque. La Chaux-de-Fonds, André Evard et l'Art Nouveau, Lausanne, 1975, W. Suter, 1975, 34 p.
  • Jean-Baptiste Duroselle, La France de la Belle Époque, 2e éd., Paris, Presses de la FNSP, 1992 (ASIN B0000E7JHG).
  • Dominique Lejeune, La France de la Belle Époque (1896-1914), Paris, Armand Colin, Coll. Cursus, 1991 240 p. (ISBN 978-2200248925).
  • Éric J. Hobsbawm, L'Ère des empires : 1875-1914, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », (1re éd. 1989), 496 p. (ISBN 978-2818501627).
  • Antoine Prost, Les Français de la Belle Époque, Paris, Gallimard, 2019, 384 p. (ISBN 978-2072818936).
  • Michel Winock, La Belle Époque : La France de 1900 à 1914, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (1re éd. 2002), 512 p. (ISBN 978-2-262-10128-2).

Vie politique

  • Raoul Girardet, Le Nationalisme français (1871-1914), Paris, Armand Colin, coll. « U / Idées politiques », 1966.
  • Michel Leymarie, De la Belle Époque à la Grande Guerre (1893-1918). Le triomphe de la République, Livre de Poche, 1999.
  • Anne Steiner, Le Goût de l'émeute. Manifestations et violences de rue dans Paris et sa banlieue à la “Belle Époque”, L'Échappée, 2012, critique Libération.
  • Bruno Fuligni, Les Frasques de la Belle-Époque. Les plus belles unes du Petit journal, Albin Michel, coll. « Beaux livres », 2012, 240 p. (ISBN 978-2226208187).
  • Anne Steiner, « Les Militantes anarchistes individualistes : des femmes libres à la Belle Époque », Amnis, no 8, 2008, texte intégral.
  • Leroy Géraldi, Batailles d'écrivains. Littérature et politique, 1870-1914, Paris, Armand Colin, 2003.
  • Anne Steiner, Le Temps des révoltes. Une histoire en cartes postales des luttes sociales à la Belle Époque, L'Échappée, (ISBN 978-29158309-0-3), présentation éditeur.

Vie artistique et culturelle

  • L'Art social à la Belle Époque. Aristide Delannoy, Jules Grandjouan, Maximilien Luce : trois artistes engagés, plaquette de l'exposition, -, Adiamos 89, musée-abbaye Saint-Germain d'Auxerre, 2005, 32 p. (ISBN 2-909418-26-X) Institut international d'histoire sociale, notice.
  • Mario d'Angelo (dir.), La Musique à la Belle Époque. Autour du foyer artistique de Gustave Fayet (Béziers, Paris, Fontfroide), Narbonne, MAGFF, 2010.
  • Roseline Bacou, Odilon Redon, Genève, Pierre Cailler, 1956 (ASIN B000RQSH0W).
  • Vincent Bouvet, Paris. De la Belle Époque aux Années folles, éd. Place des Victoires, coll. « Livres d'art », 2012, 576 p. (ISBN 978-2809907025).
  • Myriam Chimènes, Mécènes et musiciens. Du salon au concert à Paris sous la IIIe République, Paris, Fayard, 2004.
  • Benoît Duteurtre, Dictionnaire amoureux de la Belle Époque et des Années folles, Plon, 2022.
  • Olivier Goetz, Le Geste Belle Époque, ÉLiPhi, Strasbourg, 2018 (ISBN 978-2-37276-023-2).
  • Laure Hillerin, La comtesse Greffulhe, L'ombre des Guermantes, Flammarion, coll. « Biographies », 2014, 400 p. (ISBN 978-2081290549).
  • Vladimir Jankélévitch, La Présence lointaine. Albeniz, Séverac, Mompou, Paris, Seuil, coll. « Art et Littérature », 1983, 158 p. (ISBN 978-2020064514).
  • Géraldi Leroy et Julie Bertrand-Sabiani, La Vie littéraire à la Belle Époque, Paris, PUF, coll. « Perspectives littéraires », , 383 p. (ISBN 978-2130495079).
  • Suzy Levy, Le Journal inédit de Ricardo Viñes, Klincksieck, coll. « Klincksieck Ho », 2000, 233 p. (ISBN 978-2905053251).
  • Arthur Mabelly, La Belle Époque. Souvenirs et récits, Aix-en-Provence, Mabell-Brunel, 200 p.
  • Maryline Martin, La Goulue. Reine du Moulin Rouge (biographie), éd. du Rocher, , 216 p. Prix Région Normandie 2019 (ISBN 2268101207).
  • Wendy Prin-Conti, Femmes poètes de la Belle Époque : heurs et malheurs d'un héritage, Paris, Honoré Champion, 2019, 230 p.
  • Jean-Yves Tadié, Marcel Proust, Paris, Gallimard, coll. « NRF Biographies », 1996, 960 p. (ISBN 978-2070732401).
  • Stefan Zweig, Le Monde d'hier, Paris, LGF, coll. « Le Livre de Poche », 1987, 506 p. (ISBN 978-2253140405).

Témoignages

  • Joseph Reinach, Histoire de l’Affaire Dreyfus, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2 volumes, 2006, 2 316 p. (ISBN 978-2221913895).
  • Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté, cycle romanesque en 28 volumes (1932-1946), Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2003, 5 330 p. (ISBN 978-2221913444).

Émissions de radio

Liens externes

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