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Le Petit Journal (quotidien)

Le Petit Journal est un quotidien parisien républicain et conservateur, fondé par Moïse Polydore Millaud[1], qui a paru de 1863[2] à 1944. C'est, à la cheville entre les XIXe et XXe siècles et jusqu'à la Première Guerre mondiale, l'un des quatre plus grands quotidiens français, avec Le Petit Parisien, Le Matin et Le Journal. Il tire à un million d'exemplaires en 1890, en pleine crise boulangiste.

Le Petit Journal
Image illustrative de l’article Le Petit Journal (quotidien)
Konstantin Stoitzner, Le Petit Journal, localisation inconnue.

Pays Drapeau de la France France
Langue Français
Périodicité Quotidien
Prix au numéro 5-15 centimes
Fondateur MoĂŻse Polydore Millaud
Date de fondation 1er février 1863
Date du dernier numéro 26-27 août 1944
Ville d’édition Paris

ISSN 1256-0464

Collaborèrent au Petit Journal, à ses débuts : Lamartine, Alexandre Dumas, Alfred Assolant, Eugène Chavette, Charles Monselet..., puis par la suite Albert Londres, René Hachette, Raymond Patenôtre, Saint-Paulien, Paul-Émile Victor, Daniel-Rops, Roger Vercel, Stephen Pichon, Maxence Van der Meersch...

Origines

Timothée Trimm, l'un des rédacteurs du Petit Journal à ses débuts.

Le fondateur du titre est Moïse Millaud. Issu d'une famille juive de Bordeaux, il a débuté dans les affaires et les affaires de presse dès la monarchie de Juillet avec des publications financières ou judiciaires. En 1856, il rachète la Presse[1] de Girardin, mais son échec lui fait comprendre que cette formule, nouvelle vingt ans plus tôt, est maintenant dépassée.

Il en confie la direction gérance à son neveu Alphonse (né le à Mouriès), fils de son frère Joseph.

Particularités

En 1899, Le Petit Journal annonce 5 millions de lecteurs.

Le Petit Journal attire de nombreux lecteurs car le passage de l'impression « Ă  la feuille Â» Ă  l'impression en rotative lui permet d'ĂŞtre bon marchĂ© : il ne coĂ»te que 5 centimes au lieu de 15 centimes pour les journaux ordinaires. Il a un format commode (43 Ă— 30 cm), plus petit que ses concurrents d'oĂą son nom[3], est accessible Ă  tous (pas d'abonnement), et propose, Ă  cĂ´tĂ© de l'information nationale et internationale, un contenu distrayant comprenant fait divers, feuilletons, horoscopes et chroniques. Journal se dĂ©clarant apolitique – mĂŞme si ce n'est pas tout Ă  fait le cas –, il est dispensĂ© du timbre. Il s'agit en outre d'un journal du soir, vendu par des crieurs Ă  la sortie des usines et des ateliers[4]. Il est l'emblème d'une nouvelle forme de journalisme qui se dĂ©veloppe, celle de la petite presse.

Le Petit Journal voit en fait ses ventes considĂ©rablement augmenter lorsqu'il se met Ă  publier le compte rendu de faits divers extraordinaires, comme l'Affaire Troppmann, en . Tout Paris se presse Ă  Pantin, oĂą l'on vient de dĂ©couvrir sept cadavres appartenant Ă  une mĂŞme famille. Autour de la fosse, on a montĂ© une fĂŞte foraine. Devant l'Ă©motion suscitĂ©e par cette tuerie, Alphonse Millaud, patron du Petit Journal, dĂ©cide de couvrir abondamment l'histoire. ImmĂ©diatement, le pays tout entier se passionne pour cette famille odieusement massacrĂ©e. La police arrĂŞte un certain Jean-Baptiste Troppmann, alors qu'il tentait d'embarquer pour les AmĂ©riques. Il a sur lui les papiers et les bijoux de l'infortunĂ©e famille. Pour Millaud, l'affaire Troppmann se rĂ©vèle ĂŞtre une mine d'or : le tirage du journal passe ainsi de 200 000 exemplaires par jour Ă  300 000, puis Ă  500 000 ! Cette exploitation des faits divers devient alors la stratĂ©gie Ă©ditoriale du journal, sur laquelle beaucoup d'historiens porteront un jugement sĂ©vère[5].

Ascension

Le bombardament de La Guaira, 1902
Le général Lyautey s'est rendu à Marrakech en auto-mitrailleuse - Le Petit Journal, no 1147 du .
Reconstitution de l’assassinat de Paul Doumer (Le Petit Journal illustré, ).

Le premier numĂ©ro sort le et, dès octobre, dĂ©passe, avec 83 000 exemplaires[4], le plus fort tirage des journaux « sĂ©rieux Â» comme Le Siècle, qui tire Ă  50 000 exemplaires. Deux ans plus tard, Ă  lui seul, le tirage du Petit Journal, avec 259 000 exemplaires, est supĂ©rieur Ă  celui de l'ensemble de la presse parisienne. En 1870, il atteint 340 000 exemplaires, soit le double du tirage de la presse parisienne. Ses progrès avaient aussi Ă©tĂ© rendus possibles grâce aux presses rotatives qu'Hippolyte Marinoni (1823-1904) met au point pour lui dès 1867.

En , la famille Millaud lance Le Journal illustré, publication dominicale, vendue 10 centimes, qui, en 1890, se trouve concurrencé par le supplément illustré du Petit Journal. Les Millaud se retrouvent ensuite face à des difficultés financières et revendent leur groupe en 1873 à Émile de Girardin, lequel est associé à Marinoni, Gibiat et Jenty.

En 1882, Marinoni prend le contrĂ´le du journal, succĂ©dant Ă  Girardin. Dès 1884, le , paraĂ®t le SupplĂ©ment illustrĂ© hebdomadaire – d'abord sous-titrĂ© SupplĂ©ment du dimanche puis SupplĂ©ment littĂ©raire – du journal, pour lequel une innovation est apportĂ©e : l'illustration couleur. Ce supplĂ©ment est finalement nommĂ© Le Petit Journal supplĂ©ment illustrĂ©. Pressentant l'importance de la couleur, Marinoni fabrique en 1889 une presse rotative Ă  impression polychrome, dĂ©bitant 20 000 exemplaires Ă  l'heure, ce qui permet, Ă  partir du numĂ©ro du et les portraits du couple prĂ©sidentiel Sadi-Carnot, d'imprimer en six couleurs la une et la dernière page du SupplĂ©ment illustrĂ©[6]. Le tirage du SupplĂ©ment atteint un million d'exemplaires en 1895.

MalgrĂ© quelques crises, l'audience du journal ne cesse d'augmenter, et aucun de ses concurrents ne peut mettre sa suprĂ©matie en cause ; son tirage atteint 500 000 exemplaires en 1878, 1 million en 1890[4] et certainement autour de deux millions en 1895, date Ă  laquelle il devient le journal avec le plus haut tirage au monde.

Le Petit Journal est alors l'un des trois principaux journaux français. Ce journal de presse populaire expédie 80 % de son tirage en province.

DĂ©clin

Après 1900, les tirages commencent Ă  stagner puis Ă  dĂ©croĂ®tre : Le Petit Parisien, mieux gĂ©rĂ© et qui Ă©vite de prendre parti dans l'affaire Dreyfus, devient le plus grand journal français. Ernest Judet (1851-1943) place Le Petit Journal dans le parti antidreyfusard et le rallie Ă  la cause nationaliste. En 1914, Le Petit Journal ne tire plus qu'Ă  850 000 exemplaires, et son tirage baisse jusqu'Ă  400 000 en 1919. Après la guerre, une bonne partie de ses lecteurs, dĂ©concertĂ©s ou choquĂ©s par l'engagement du journal dans le parti antidreyfusard sont alors passĂ©s Ă  la lecture d'un concurrent, Le Petit Parisien, qui franchit la barre des deux millions d'exemplaires.

Le Petit Journal, supplément illustré, 23 décembre 1893

MalgrĂ© les commandites successives de Loucheur, puis de PatenĂ´tre, le dĂ©clin s'accentue dans l'entre-deux-guerres. En 1937, il ne tire plus qu'Ă  150 000 exemplaires, quand il devient le l'organe du Parti social français (P.S.F.) du colonel de La Rocque[7], mais son audience ne s'en trouve pas amĂ©liorĂ©e. La devise du PSF, « Travail, Famille, Patrie », empruntĂ©e aux Croix-de-Feu et reprise par la suite, en 1940, par le RĂ©gime de Vichy, figure dès lors sur le bandeau du quotidien, Ă  gauche du titre. La Rocque est directeur du journal et prĂ©sident de son conseil d'administration en [8], jusqu'Ă  son arrestation en .

Replié à Clermont-Ferrand en , le Petit Journal y vécut, médiocrement, jusqu'en où il disparaît complètement ; durant cette période, il reçut chaque mois une subvention du gouvernement de Vichy ; son conseil d'administration était alors présidé par le colonel de La Rocque[9]. Des académiciens y collaborent jusqu'au dernier numéro : Louis Madelin, Jérôme Tharaud et son frère, Gabriel Hanotaux, Henry Bordeaux, Auguste de La Force. Ainsi que des écrivains comme Henri Pourrat, Roger Vercel, Daniel-Rops.

Le journal et le vice-président de son conseil d'administration, André Portier[10] (le président, La Rocque, étant décédé en 1946), sont jugés en 1948 par la Cour de justice de la Seine, pour avoir continué à paraître sous l'Occupation et sous l'accusation d'intelligence avec l'ennemi. Les avocats plaidèrent que La Rocque fournissait des renseignements à l'intelligence Service, ce qui lui valut d'être déporté. La cour a rendu un arrêt d'acquittement[11].

Compétitions sportives

En 1891, Pierre Giffard, rédacteur en chef du Petit Journal crée la course cycliste Paris-Brest-Paris.

Le , Le Petit Journal a organisé la première compétition automobile de l'histoire, le Paris-Rouen. Le premier prix est partagé entre « Panhard & Levassor » et « les Fils de Peugeot Frères ».

Carnaval de Paris

Le Petit Journal chez un bouquiniste parisien.

Durant des décennies, Le Petit Journal a accordé une très large place aux festivités du Carnaval de Paris et a reçu fastueusement les reines de la Mi-Carême. Un certain nombre de couvertures en couleurs de son supplément hebdomadaire ont pour sujet le Carnaval de Paris.

En 1912, pour fêter son cinquantième anniversaire, Le Petit Journal fait défiler à Paris, à l'occasion de la Mi-Carême, un imposant cortège formé de groupes et chars du Carnaval de Nice[12].

Comme aucun atelier parisien n'a de portes assez larges pour laisser sortir les chars une fois remontés, un atelier de fortune est installé sous les arcades du métro aérien, station Corvisart. Celles-ci sont fermées avec de grandes bâches[13].

Article connexe

Notes et références

  1. Ivan Chupin, Nicolas Hubé et Nicolas Kaciaf, Histoire politique et économique des médias en France, Paris, La Découverte, , 126 p. (ISBN 978-2-7071-5465-1), p. 42.
  2. Parti social français Auteur du texte, « Le Petit journal », sur Gallica, (consulté le ).
  3. "J'en ai vu des choses..." de Louis Merlin, Tome I, Ă©ditions Julliard, 1962, page 306.
  4. Ivan Chupin, Nicolas Hubé et Nicolas Kaciaf, Histoire politique et économique des médias en France, Paris, La Découverte, , 126 p. (ISBN 978-2-7071-5465-1), p. 43.
  5. François Caron, La France des patriotes, Paris, Fayard, coll. « Histoire de France (Jean Favier, dir.) » 1985, p. 171.
  6. Le Petit Journal et son supplément illustré.
  7. Le Petit journal, 14 juillet 1937,Fred Kupferman, Philippe Machefer, Presse et politique dans les années trente : le cas du Petit Journal, dans la Revue d'histoire moderne et contemporaine, janvier 1975.
  8. Le Petit Journal, 10 avril 1938.
  9. Sur le sort de la presse à la Libération, voir : Yves Guillauma, « Les quotidiens de transition à la Libération », Le Temps des médias, n°8, 2007/1
  10. Le Petit Journal, 22 décembre 1937, Ibid., 10 avril 1938.
  11. Le Monde, 13 juillet 1948.
  12. La Mi-Carême, La composition et les itinéraires des différents cortèges, Le Petit Parisien, p. 2, 3e colonne ; voir aussi l'article « Les groupes du Carnaval de Nice en route de Nice à Paris », Le Petit Journal, 13 mars 1912.
  13. Autre article dans le même numéro : Le Petit Journal, 13 mars 1912.

Voir aussi

Bibliographie

  • Christophe Charle, Le Siècle de la presse (1830-1939), Paris, Seuil, coll. « L'Univers historique », 2004, p. 102-104.
  • Fred Kupferman et Philippe Machefer, « Presse et politique dans les annĂ©es Trente : Le cas du Petit Journal », Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, Armand Colin, t. XXII,‎ , p. 7-51 (lire en ligne).
  • François Marotin, « Le Petit Journal et la femme en 1865 », in La Femme au XIXe siècle : LittĂ©rature et idĂ©ologie, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1978, p. 97-112.
  • (en)W. Schneider, An Empire for the Masses : The French Popular Image of Africa, 1870-1900, Westport, Greenwood Press, 1982.
  • Bruno Fuligni, Les Frasques de la Belle-Époque : Les plus belles unes du "Petit journal", Paris, Albin Michel, 2012.

Liens externes

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