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Alfred Loisy

Alfred Loisy, né le à Ambrières (Marne) et mort le à Ceffonds (Haute-Marne), est un prêtre, théologien et exégète catholique français.

Alfred Loisy
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signature d'Alfred Loisy
Signature
Vue de la sépulture.

La publication de son ouvrage L'Évangile et l'Église en 1902 est souvent décrite comme le déclencheur de la crise moderniste qui traverse l'Église catholique. Excommunié en 1908, il est nommé l'année suivante au Collège de France où il occupe la chaire d'Histoire des religions.

Son œuvre a contribué à ouvrir la voie à l'application de la méthode historico-critique pour l'exégèse de la Bible.

Biographie

Sa famille d'agriculteurs n'était pas d'une piété fervente mais l'enfant était porté sur les études et trop peu robuste pour labourer la terre. Après ses études primaires, il poursuit ses études au collège public de Vitry-le-François. Puis sa famille l'envoie au collège épiscopal de Saint-Dizier où l'idée lui vient d'entrer au séminaire. Sa décision étant peu mûrie et surprenante, le directeur du collège, prêtre et peu suspect d'anticléricalisme, tenta de l'en détourner, lui disant de passer le baccalauréat avant, ce que Loisy accepta sans problèmes.

En 1874, Loisy entre au grand séminaire de Chalons-sur-Marne sans avoir passé son baccalauréat. Le séminaire le déçoit et il songe à se faire moine, mais cette fois, un de ses professeurs « fut assez habile pour [l]'y faire renoncer de [lui]-même[1]. »

Après avoir été ordonné sous-diacre, il est envoyé à l’École de théologie de l'Institut catholique de Paris. Tombé malade, il revient en Champagne où il est ordonné diacre () puis prêtre (). Il est alors brièvement curé de Broussy-le-Grand puis de Landricourt avant d'être nommé à Paris sur la recommandation de Duchesne[2].

Il a tracé de ses maîtres des portraits caustiques[3]. Il suit les cours d'assyriologie d'Arthur Amiaud à l'École pratique des hautes études. À l'Institut catholique de Paris, où il entra par la suite, il avança si vite dans l'étude de l'hébreu que le recteur, Maurice d'Hulst, lui confia rapidement un cours. Dès 1886 il est chargé de l'enseignement de l’Écriture sainte à l'Institut Catholique de Paris tout récemment ouvert. La publication de sa leçon de clôture de l'année 1891-1892, intitulée La composition et l'interprétation historique des Livres Saints l'expose à l'hostilité de sa hiérarchie. Il y affirme que les Écritures Sacrées posent des problèmes d'histoire et doivent être examinées d'abord selon la méthode historico-critique pour n'être examinées qu'ensuite selon les principes de l'exégèse religieuse et de l'orthodoxie théologique. Il affirme aussi que la composition du Pentateuque ne peut être attribuée à Moïse ou que la création du monde en six jours selon la Genèse ne peut reposer sur la moindre vraisemblance historique. Maurice d'Hulst, qui l'avait soutenu jusque-là, le suspend d'abord d'enseignement, puis le révoque définitivement en 1893. Il est nommé aumônier, chargé de l'éducation des jeunes filles dans un couvent de dominicaines à Neuilly. Il n'en continue pas moins ses recherches, publiant sous des pseudonymes[4], mais se trouve en porte-à-faux de plus en plus prononcé avec les dogmes de l'Église catholique. Tombé gravement malade en 1899, il quitte son aumônerie et croit devoir l'année suivante renoncer par honnêteté à la petite pension que l'archevêché sert aux prêtres infirmes.

C'est alors que des amis le font nommer à l'École pratique des hautes études[5], ce qui prenait de court sa hiérarchie : « censurer un enseignement donné en Sorbonne paraissait un coup trop hardi, et l'on n'y pensa pas, au moins sous Léon XIII[6]. » En 1902, entendant réfuter L'Essence du christianisme (Das Wesen des Christentums) du théologien protestant Adolf von Harnack, Loisy fait paraître L'Évangile et l'Église. Ce livre, qu'on appellera le petit livre rouge, pour son format et la couleur de la couverture, fait un énorme scandale ; il est condamné dans plusieurs diocèses, Rome s'abstenant toujours de s'engager. En 1903, Loisy publie Autour d'un petit livre qui fait l'histoire des remous suscités par son précédent ouvrage.

L'avènement de Pie X précipite les choses : en , cinq de ses livres sont mis à l'Index. Dans la constitution apostolique Lamentabili Sane Exitu (1907), Pie X condamne formellement 65 propositions dites « modernistes », rappelées dans l'encyclique Pascendi promulguée en 1907, qui rejette notamment les thèses d'Alfred Loisy. Ayant refusé de se soumettre à cette dernière, Loisy fait l'objet d'un décret d'excommunication vitandus (devoir pour tout catholique de l'éviter) par la Congrégation du Saint-Office le .

L'année suivante, il est nommé à la chaire d'histoire des religions du Collège de France. Pendant la Grande Guerre, Loisy écrit deux ouvrages en rapport avec le conflit en cours : Guerre et religion (deux éditions, 1915), et Mors et Vita (1916, 1917). Un an après sa retraite, il fait paraître La Naissance du christianisme, en 1933 et réfute en 1934 la thèse mythique de Paul Louis Couchoud qui lui avait pourtant organisé son Jubilé en 1927. Cela brouille les deux hommes.

Alfred Loisy meurt en 1940. Il est inhumé à Ambrières.

Le Royaume et l'Église

Dans son ouvrage en réplique à la « philippique foncièrement anticatholique » du protestant Harnack, Loisy aura ces mots devenus célèbres[7] mais souvent cités à contre-sens[8] : « Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Église qui est venue »[9]. Cette formule à succès, qui entend désavouer la définition platonicienne de la religion défendue par Harnack, attise paradoxalement la crise moderniste couvant déjà au sein de l'Église romaine, alors que remise dans son contexte, il apparaît pourtant que Loisy défend la continuité entre l'Évangile et l'Église[7] :

« Jésus annonçait le Royaume, et c'est l'Église qui est venue. Elle est venue en élargissant la forme de l'Évangile, qui était impossible à garder telle quelle, dès que le ministère de Jésus eut été clos par la Passion. Il n'est aucune institution sur la terre ni dans l'histoire des hommes dont on ne puisse contester la légitimité et la valeur, si l'on pose en principe que rien n'a droit d'être que dans son état originel. Ce principe est contraire à la loi de la vie, laquelle est un mouvement et un effort continuel d'adaptation à des conditions perpétuellement variables et nouvelles. Le christianisme n'a pas échappé à cette loi, et il ne faut pas le blâmer de s'y être soumis. Il ne pouvait pas faire autrement. »[10]

— Alfred Loisy, L'Évangile et l'Église

Ĺ’uvres

  • 1890, Histoire du canon de l'Ancien Testament.
  • 1891, Histoire du canon du Nouveau Testament.
  • 1892-1893, Histoire critique du texte et des versions de l'Ancien Testament.
  • 1898-1899, Loisy rĂ©dige un traitĂ© La Vraie Foi dans le temps prĂ©sent qui reste inĂ©dit.
  • 1901, Les Mythes babyloniens et les premiers chapitres de la Genèse.
  • 1901, 1906, 1933, La Religion d'IsraĂ«l (dans lequel il affirme que le Pentateuque n'est pas un document historique[11])
  • Alfred Loisy, L'Évangile et l'Église, Paris, A. Picard, (lire en ligne)
  • 1903, Études bibliques.
  • 1903, Autour d'un petit livre, RĂ©Ă©dition ThĂ©olib Paris 2014 (ISBN 978-2-36500-092-5)
  • 1903, Le Quatrième Évangile.
  • 1907-1908, Les Évangiles synoptiques.
  • 1908, Simples rĂ©flexions sur le dĂ©cret du Saint-Office "Lamentabile sane exitu" et sur l'encyclique "Pascendi dominici gregis".
  • 1912, Choses passĂ©es, autobiographie, publiĂ©e par l'Union pour la VĂ©ritĂ©.
  • 1917, La Religion, Paris : Ed. Nourry[12].
  • 1919 Les Mystères paĂŻens et le Mystère chrĂ©tien
  • 1920 Essai historique sur le sacrifice, Paris, Nourry Ă©diteur
  • 1923, La Morale humaine, Paris : Ed. Nourry.
  • 1923, L'Apocalypse de Jean, Paris, Émile Nourry, 1923, gd in-16°, 404 p.
  • 1925 Les Actes des ApĂ´tres
  • 1933 La Naissance du christianisme
  • 1936 Les Origines du Nouveau Testament.
  • 2001 L'Evangile et l'Église, Autour d'un petit livre, JĂ©sus et la tradition Ă©vangĂ©lique, trois livres prĂ©sentĂ©s par JĂ©rĂ´me Prieur et GĂ©rard Mordillat, Paris, Ă©ditions NoĂ©sis,
  • 2003 Écrits Ă©vangĂ©lique, textes choisis et prĂ©sentĂ©s par Charles Chauvin, Ă©ditions du Cerf, 2003
  • 2010 La Crise de la foi dans le temps prĂ©sent, texte inĂ©dit Ă©ditĂ© par François Laplanche, p. 37-504, suivi des Ă©tudes de François Laplanche (« Une Église immuable, Une Ă©poque en mouvement », p. 507-551), Rosanna Clappa, (« La RĂ©forme du rĂ©gime intellectuel de l'Église catholique », p. 553-585), et Christoph Theobald (« L'ApologĂ©tique historique d'Alfred Loisy : Enjeux historiques et thĂ©ologiques d'un livre inĂ©dit », p. 587-693), Brepols, Turnhout - Publications de l'École pratique des hautes Ă©tudes.

Notes et références

  1. Choses passées, p. 15.
  2. François Laplanche, La Crise de l'origine, la science catholique des Évangiles et l'histoire au XXe siècle, Albin Michel.
  3. Id. p. 20 et sqq.
  4. Ainsi, sous le pseudonyme de "Firmin" , il publie des articles dans la Revue du clergé français (1898–1900).
  5. Fondée en 1868 par un décret du ministre de l'Instruction publique, Victor Duruy.
  6. Id. p. 227.
  7. Simon Butticaz, Comment l'Église est-elle née ?, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible » (no 75), (ISBN 978-2-8309-5199-8), p. 7-8
  8. Jean-Marie Mayeur, Charles (†) et Luce Pietri, André Vauchez, Marc Venard (dirs.), Histoire du christianisme, vol. 14 : Anamnèsis (origines, perspectives, index), Desclée, (ISBN 9782718907369), chap. 1 (« La foi chrétienne : sources et développement »), p. 46
  9. Loisy 1902, p. 111.
  10. Loisy 1902, p. 111-112.
  11. Cf. leçon inaugurale de Thomas Römer au Collège de France (prononcée le 5 février 2009, visible en vidéo sur le site du Collège de France et publiée chez Fayard sous le titre Les Cornes de Moïse : Faire entrer la Bible dans l'histoire)
  12. Cf. La morale mystique de M Loisy, par Jeanne Jacob, in La revue de métaphysique et de morale, 1924, p. 487

Bibliographie

  • (en) Annelies Lannoy, Alfred Loisy and the Making of History of Religions : A Study of the Development of Comparative Religion in the Early 20th Century, Walter de Gruyter GmbH, (ISBN 978-3-11-058413-4, prĂ©sentation en ligne)
  • (en) Jeffrey L. Morrow, Alfred Loisy and Modern Biblical Studies, Catholic University of America Press,
  • Annelies Lannoy, Corinne Bonnet et Danny Praet (Introduction et dossier Ă©pistolaire), "Mon cher Mithra ..." : la correspondance entre Franz Cumont et Alfred Loisy, Paris, AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, (ISBN 978-2-87754-374-3, prĂ©sentation en ligne)
  • Elisabeth Scheele, Guerre et religion d'humanitĂ© chez Alfred Loisy, Éditions universitaires europĂ©ennes, (ISBN 9783639873276)
  • Claude Langlois, Le continent thĂ©ologique : Explorations historiques, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-5552-5), chap. XXII et XXIII (« Loisy « thĂ©ologien Ă  ses risques et pĂ©rils »/Un autre Loisy : critique sociale et utopie ecclĂ©siale »), p. 295-325
  • (en) C.J.T. Talar, « Alfred Loisy and the Great War », dans C.J.T. Talar et Lawrence F. Barmann, Roman Catholic Modernists Confront the Great War, New-York, Palgrave McMillan, , 165 p. (ISBN 9781137527363), p. 16-52
  • Émile Poulat (postface Alphonse Dupront), Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Albin Michel, (1re Ă©d. 1962) (ISBN 978-2-226-29826-3)
  • (en) Christine E. Thirlway (edited, with an introduction by C.J.T Talar), Prelude to the Modernist Crisis : The Firmin Articles of Alfred Loisy, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-975457-1)
  • Claus Arnold et Giacomo Losito, La censure d’Alfred Loisy (1903) : Les documents des congrĂ©gations de l’Index et du Saint-Office, Rome, Libreria Editrice Vaticana, coll. « Fontes Archivi Sancti Officii Romani » (no 4), (ISBN 9788820983185, prĂ©sentation en ligne)
  • Maurilio Guasco, Le modernisme : Les faits, les idĂ©es, les hommes, DesclĂ©e de Brouwer, (1re Ă©d. 1995) (ISBN 978-2-220-05781-1)
  • François Laplanche (dir.), Alfred Loisy cent ans après : autour d'un petit livre : Actes du colloque international tenu Ă  Paris, les 23-24 mai 2003, Turnhout, Brepols, (ISBN 978-2-503-52342-2, prĂ©sentation en ligne)
  • François Laplanche, La Crise de l'origine : L'Histoire et la science catholique des Evangiles au XXe siècle, Paris, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-38022-7)
  • (en) Harvey Hill, The Politics of Modernism : Alfred Loisy and the Scientific Study of Religion, Catholic University of America Press, (ISBN 978-0-8132-1094-0)
  • Émile Goichot, Alfred Loisy et ses amis, Cerf, (ISBN 978-2-204-06895-6)
  • GĂ©rard Mordillat - JĂ©rĂ´me Prieur, "Le crime de l'abbĂ© Loisy", prĂ©face Ă  la rĂ©Ă©dition de Alfred Loisy, L'Évangile et l'Église, Autour d'un petit livre, JĂ©sus et la tradition Ă©vangĂ©lique, Ă©ditions NoĂ©sis, Paris, 2001, 482 p.   (ISBN 2-911606-98-1)
  • (en) Francesco Turvasi, The Condemnation of Alfred Loisy and the Historical Method, Ed. di Storia e Letteratura, coll. « Uomini e Dottrine » (no 24),
  • Albert Houtin, Émile Poulat et FĂ©lix Sartiaux, Alfred Loisy, sa vie, son Ĺ“uvre, Paris, C.N.R.S.,
  • Edmond Lacoste, Les dernières semaines d'Alfred Loisy, suivi de quelques souvenirs, Lille, Librairie Giard, (ISBN 978-2-307-08563-8)
  • (en) Maude D. Petre, Alfred Loisy, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-69318-0)

Voir aussi

Articles connexes

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