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Afro-Brésiliens

Le terme Afro-BrĂ©siliens (en portugais Afro-Brasileiros ; prononciation API /afÉŸu bɟɐziˈle(j)ÉŸuz/) dĂ©signe les habitants noirs du BrĂ©sil, lesquels sont gĂ©nĂ©ralement des descendants d’esclaves ou de marrons originaires d’Afrique subsaharienne. Ce terme n’est pas d’un usage trĂšs rĂ©pandu au BrĂ©sil mĂȘme, oĂč constructions et classifications sociales reposent sur l’apparence plutĂŽt que sur l’ascendance rĂ©elle ; les personnes prĂ©sentant des traits africains visibles, en particulier une peau sombre, sont gĂ©nĂ©ralement nommĂ©s (y compris par eux-mĂȘmes) negros ou, moins communĂ©ment, pretos (mot portugais signifiant noir). Les membres d’un autre groupe de population, les pardos (gris, brun), sont susceptibles Ă©galement de possĂ©der une ascendance africaine, Ă  des degrĂ©s divers. En fonction des circonstances (situation, lieu, etc.), ceux dont les traits africains sont plus patents seront souvent cataloguĂ©s par les autres comme negros, et par consĂ©quent tendront Ă  s’identifier eux-mĂȘmes comme tels, au contraire de ceux chez qui ces traits sont plus discrets. Il importe de noter du reste que les termes pardo et preto sont peu usitĂ©s en dehors du domaine des recensements statistiques, et que la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne dispose d’une panoplie de mots pour caractĂ©riser les personnes d’origine raciale mixte[1] - [2]. Preto et pardo font partie des cinq catĂ©gories ethniques retenues par l’Institut brĂ©silien de gĂ©ographie et de statistiques (IBGE), au mĂȘme titre que branco (blanc), amarelo (jaune, dĂ©signant les Est-Asiatiques) et indĂ­gena (amĂ©rindien)[3].

Afro-Brésiliens

Populations importantes par région
Drapeau du BrĂ©sil BrĂ©sil, principalement dans les rĂ©gions Sud-Est et Nord-Est Noirs : 14 739 963, soit 7,61 % de la population brĂ©silienne
Autres
RĂ©gions d’origine Afrique de l’Ouest, Afrique centrale
Langues Portugais
Religions 63,2 % catholicisme
23,5 % protestantisme
0,31 % religions afro-américaines
9,18 % sans religion définie
3,55 % autres religions et croyances

Le concept d’Afro-BrĂ©silien pose cependant d’autres difficultĂ©s encore : au-delĂ  de la confusion sĂ©mantique (une multitude de termes diffĂ©rents sont en usage au BrĂ©sil), et mĂȘme si l’on s’en tient aux seules catĂ©gories statistiques utilisĂ©es par l’IBGE, on constate qu’il n’y a pas de recoupement parfait ni entre l’autoqualification et la perception par autrui, ni entre l’apparence physique visible et l’ascendance objective, telle qu’établie par des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques. En outre, le statut socio-Ă©conomique d’une personne tend Ă  dĂ©teindre sur la perception subjective qu’ont les autres de son appartenance ethnique, et une personne nantie p. ex. sera inconsciemment perçue comme plus blanche (par l’effet du phĂ©nomĂšne historique dit branqueamento, ou blanchiment, observĂ© dans les auto-classifications raciales). Dans l’histoire du BrĂ©sil, les classifications raciales et les constructions sociales y affĂ©rentes se basaient davantage sur l’apparence physique de la personne que sur sa filiation rĂ©elle.

Ainsi, subjectivement, lors du recensement effectuĂ© par l’IBGE en 2010, 7,6 % des BrĂ©siliens ont-ils caractĂ©risĂ© leur couleur de peau ou leur race comme noire, 43,1 % comme brune (pardo) et 47,7 % comme blanche ; ou encore, selon une enquĂȘte de l’IBGE rĂ©alisĂ©e en 2008 dans les États d’Amazonas, de la ParaĂŻba, de SĂŁo Paulo, du Rio Grande do Sul, du Mato Grosso et dans le District fĂ©dĂ©ral, seules 11,8 % des personnes interrogĂ©es reconnaissaient avoir une ascendance africaine, tandis que 43,5 % indiquaient avoir une ancestralitĂ© europĂ©enne, 21,4 % une indigĂšne, et que 31,3% dĂ©claraient ne pas connaĂźtre leur ascendance. InvitĂ©s Ă  qualifier de façon spontanĂ©e leur couleur ou leur race, 49 % des personnes interrogĂ©es se catĂ©gorisaient comme brancas (blanches), 21,7 % comme morenas (brunes, olivĂątres), 13,6 % comme pardas (grises, brunes), 7,8 % comme negros, 1,5 % comme amarelas (jaunes), 1,4 % comme pretas (noires), 0,4 % comme indĂ­gena (indigĂšnes), et 4,6 % enfin ont donnĂ© une rĂ©ponse autre que les prĂ©cĂ©dentes[4]. D’autre part, lorsque l’option « afrodescendant » Ă©tait prĂ©sentĂ©e, 21,5 % des rĂ©pondants s’identifiaient comme tel[5], et quand « negro » Ă©tait un choix possible, 27,8 % se dĂ©terminaient pour celui-ci[4].

Objectivement, des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques et des analyses d’ADN ont permis d’établir que l’ascendance des BrĂ©siliens est globalement Ă  62 % europĂ©enne, Ă  21 % africaine et Ă  17 % indigĂšne. La rĂ©gion sud compte le plus haut taux d’ascendance europĂ©enne (77 %), tandis que la rĂ©gion nord-est figure comme celle oĂč l’apport gĂ©nĂ©tique africain est le plus Ă©levĂ© (27 %) et la rĂ©gion nord comme la rĂ©gion au plus fort apport indigĂšne (32 %). Les indicateurs d’apparence physique, tels que la couleur de peau, des yeux et des cheveux, ont au BrĂ©sil relativement peu de rapport avec l’ascendance, les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques ayant en effet mis au jour que chez seulement 53 % des individus leur ascendance africaine Ă©tait visible dans le phĂ©notype. Le peuple brĂ©silien apparaĂźt donc comme rĂ©ellement le rĂ©sultat d’une fusion entre EuropĂ©ens, Africains et AmĂ©rindiens.

Les afro-brĂ©siliens sont en majoritĂ© des descendants d’esclaves amenĂ©s d’Afrique (Afrique de l’Ouest, mais surtout Afrique centrale) au BrĂ©sil du XVIIe siĂšcle jusqu’à 1850, annĂ©e de l’interdiction de la traite. À leur arrivĂ©e, les esclaves furent rĂ©partis dans les diffĂ©rentes zones du BrĂ©sil, avec une prĂ©dominance de Bantous dans la province de Rio de Janeiro, et d’Ouest-Africains dans la Bahia et le nord-est du BrĂ©sil. Dans la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle, Ă  l’apogĂ©e du trafic d’esclaves en direction du BrĂ©sil, les esclaves d’Afrique de l’ouest (golfe du BĂ©nin) allaient en majoritĂ© Ă  Salvador, pour pourvoir en main-d’Ɠuvre les grands domaines sucriers, pendant que ceux du centre-ouest africain (actuels Congo et Angola) et d’Afrique orientale Ă©taient principalement destinĂ©s Ă  la cafĂ©iculture dans la rĂ©gion de Rio de Janeiro, ou Ă©taient redirigĂ©s vers le Minas Gerais pour y travailler dans les mines d’or.

Les donnĂ©es sociologiques et les indicateurs Ă©conomiques ont battu en brĂšche le mythe de la « dĂ©mocratie raciale » ou de l’« harmonie raciale » brĂ©silienne, de mĂȘme que le postulat qui sous-tend ce mythe, l’absence historique de racisme chez les Portugais, a Ă©tĂ© rĂ©futĂ© par les historiens. En rĂ©alitĂ©, le BrĂ©sil est l'un des pays les plus inĂ©galitaires au monde et les Afro-brĂ©siliens en sont en grande partie les victimes. D'aprĂšs les chiffres de l’IBGS pour 2017, on retrouve 74 % de noirs ou mĂ©tis parmi les 10 % les plus pauvres. Dans les favelas, la population noire ou mĂ©tisse est de 77 %. La population noire, longtemps marginalisĂ©e, bĂ©nĂ©ficie des politiques officielles de redistribution sociale et de revalorisation culturelle menĂ©es en particulier par les prĂ©sidents Lula da Silva et Dilma Rousseff.

Le commerce triangulaire eut pour effet d’introduire les cultures africaines au BrĂ©sil, oĂč elle subirent Ă  leur tour l’influence des cultures europĂ©enne et (dans une moindre mesure) amĂ©rindienne, de sorte qu’en rĂšgle gĂ©nĂ©rale les Ă©lĂ©ments d’origine africaine prĂ©sents dans la culture brĂ©silienne s’y trouvent aujourd’hui mĂ©langĂ©s Ă  d’autres matĂ©riaux culturels. Des traces marquantes de la culture africaine sont perceptibles dans diffĂ©rents secteurs de la culture brĂ©silienne, principalement dans la musique populaire, la religion, la gastronomie, le folklore et les festivitĂ©s populaires. Les États du MaranhĂŁo, du Pernambouc, d’Alagoas, de la Bahia, de Minas Gerais, d’EspĂ­rito Santo, de Rio de Janeiro, de SĂŁo Paulo et du Rio Grande do Sul ont Ă©tĂ© les plus influencĂ©s par la culture d’origine africaine, tant en raison du nombre d’esclaves accueillis Ă  l’époque de la traite que par suite de la migration intĂ©rieure des esclaves consĂ©cutive Ă  la fin du cycle de la canne Ă  sucre dans le Nordeste. Bien que traditionnellement dĂ©valorisĂ©s Ă  l’époque coloniale et au XIXe siĂšcle, les diffĂ©rents ingrĂ©dients d’origine africaine prĂ©sents dans la culture brĂ©silienne ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un processus de revalorisation Ă  partir du XXe siĂšcle, qui s’est poursuivi jusqu’à nos jours.

Le concept d’Afro-BrĂ©silien

L’anthropologue Darcy Ribeiro considĂ©rait la composante noire et mulĂątre comme « la plus brĂ©silienne des composantes de notre peuple », dĂšs l’instant que, dĂ©safricanisĂ©e par l’esclavage et n’étant ni indigĂšne ni blanc d’Empire, il ne lui restait plus qu’à assumer une identitĂ© pleinement brĂ©silienne[6]. Ceci ne signifie pas que Noirs et MulĂątres se soient intĂ©grĂ©s dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne sans stigmatisation aucune ; au contraire, beaucoup de BrĂ©siliens ont honte de leurs origines noires, soit que le fait de descendre d’esclaves renvoie Ă  un passĂ© d’humiliations et de souffrances qu’il serait prĂ©fĂ©rable d’oublier, soit que les stĂ©rĂ©otypes nĂ©gatifs construits autour de la nĂ©gritude aient associĂ© celle-ci Ă  des tares sociales telles que la pauvretĂ© et la dĂ©linquance[6] - [7] - [8].

Si l’actrice Camila Pitanga s’est autodĂ©clarĂ©e noire, 27% seulement des BrĂ©siliens la considĂšrent comme telle, selon l’enquĂȘte de l’institut de sondage Datafolha[9].

En effet, s’assumer comme noir au BrĂ©sil a toujours Ă©tĂ© fort difficile, eu Ă©gard au fonds idĂ©ologique anti-noir qui, historiquement, a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© dans ce pays, oĂč aujourd’hui encore prĂ©vaut une idĂ©ologie du branqueamento (blanchiment) et oĂč des normes blanco-europĂ©ennes rĂšgnent dans le domaine esthĂ©tique, moral et culturel[7]. De lĂ  qu’au BrĂ©sil, seules les personnes Ă  peau noir foncĂ© sont considĂ©rĂ©es comme noires, le mulĂątre passant dĂ©jĂ  pour brun (pardo, mot qui en rĂ©alitĂ© a le sens de gris) et donc pour mi-blanc et, pour peu qu’il prĂ©sente une peau un peu plus claire, est bientĂŽt vu comme blanc Ă  part entiĂšre. Dans le passĂ©, il Ă©tait rare de voir un MulĂątre pencher, partant de sa double nature, vers son versant noir, car, face Ă  la masse des Noirs plongĂ©s dans la misĂšre, il n’avait garde d’ĂȘtre confondus avec eux[6].

Ces derniĂšres annĂ©es cependant de plus en plus de BrĂ©siliens s’assument comme Noirs, par suite de la rĂ©ussite notamment des Noirs amĂ©ricains, perçue par les BrĂ©siliens comme une « victoire de la race », puis, principalement, de l’ascension sociale d’une portion de la population afrodescendante brĂ©silienne qui, ayant eu accĂšs Ă  l’instruction et ayant connu de meilleures chances professionnelles, a cessĂ© d’avoir honte de sa couleur de peau[6].

Le footballeur Ronaldo s’est autodĂ©clarĂ© blanc, cependant que 64 % des BrĂ©siliens le considĂšrent noir ou brun, selon l’enquĂȘte de l’institut de sondage Datafolha[9].

La race est avant tout un concept social, politique et idĂ©ologique, compte tenu qu’il est difficile de lui assigner une base biologique incontestable, et donc malaisĂ© de subdiviser biologiquement les ĂȘtres humains en races bien distinctes[10]. Dans un pays profondĂ©ment mĂ©langĂ© comme le BrĂ©sil, il n’est pas facile de dĂ©finir qui est noir, attendu que nombre de BrĂ©siliens, blancs en apparence, sont nĂ©anmoins partiellement des descendants d’Africains, de mĂȘme que nombre de Noirs ont des ascendances europĂ©ennes. S’y ajoute un grand nombre de bruns (pardos), dont la classification raciale n’est pas univoque[11]. L’actrice Camila Pitanga se dĂ©clare elle-mĂȘme noire, mais selon une enquĂȘte de l’institut de sondage Datafolha, seulement 27 % des personnes interrogĂ©es classent l’actrice comme Ă©tant de couleur noire, 36 % affirmant qu’elle est brune (parda). Pour sa part, le joueur de football Ronaldo FenĂŽmeno dĂ©clara dans un entretien qu’il se considĂ©rait blanc, pourtant, d’aprĂšs l’enquĂȘte susmentionnĂ©e, 64 % des BrĂ©siliens le classent comme noir ou brun, et seuls 23 % comme blanc. L’ancien prĂ©sident Luiz InĂĄcio Lula da Silva a Ă©tĂ© Ă©tiquetĂ© brun par 42 % des personnes interrogĂ©es, tandis que l’ex-prĂ©sident Fernando Henrique Cardoso, qui s’était autoqualifiĂ© de « mulatinho » (diminutif de mulato, mulĂątreau), a Ă©tĂ© catĂ©gorisĂ© blanc par 70 % des rĂ©pondants, comme brun par 17 % et comme noir par 1 %. L’actrice TaĂ­s AraĂșjo, autodĂ©clarĂ©e noire, est cataloguĂ©e comme telle par seulement 54 %[9].

Pour le mouvement noir brĂ©silien est Ă  considĂ©rer comme noire toute personne ayant cette « apparence ». Selon l’anthropologue Kabengele Munanga, de l’USP, la question reste certes problĂ©matique, mais c’est nĂ©anmoins, Ă  ses yeux, l’autoclassification qui devrait ici prĂ©valoir. Ainsi, si une personne, blanche d’apparence, se dĂ©clare noire et pose sa candidature pour un emploi Ă  quotas raciaux, il y a lieu de respecter sa dĂ©cision[12].

En 2007, un cas controversĂ© attira l’attention des mĂ©dias brĂ©siliens : deux frĂšres, jumeaux identiques, participĂšrent Ă  l’examen d’entrĂ©e de l’universitĂ© de Brasilia, Ă©preuve rĂ©gie par le systĂšme des quotas. Dans cette universitĂ© se rĂ©unissait un comitĂ© qui, aprĂšs examen d’une photographie des candidats, dĂ©terminait qui Ă©tait noir ou non. AprĂšs analyse des photos par ledit comitĂ©, l’un des jumeaux fut catĂ©gorisĂ© noir, l’autre non[13].

Le sociologue DemĂ©trio Magnoli estime dangereuse l’instauration de « tribunaux raciaux » au BrĂ©sil, qui risquerait selon lui de rapprocher le pays des nations racialistes et paranoĂŻaques du XXe siĂšcle. En 1933, l’Allemagne nazie dĂ©finissait comme juif toute personne ayant au moins un quart de « sang juif » (ce qui Ă©quivaut Ă  avoir un grand-parent juif). En 1935, Hitler lui-mĂȘme modifia la rĂšgle, et depuis lors Ă©tait qualifiĂ© de juif celui qui possĂšde plus de deux tiers de « sang juif », les « demi-juifs » (soit ceux ayant deux grands-parents juifs) devenant du coup Allemands. Aux États-Unis, sous les lois Jim Crow, Ă©tait cataloguĂ©e noire toute personne ayant ne serait-ce qu’une seule goutte de sang africain (one-drop rule ou rĂšgle de l'unique goutte de sang), mĂȘme s’il n’y paraissait pas[14]. En Afrique du Sud, sous le rĂ©gime de l’Apartheid, lorsqu’il y avait un doute quant Ă  la nĂ©gritude de la personne, l’on avait recours Ă  l’« Ă©preuve du peigne » : si le peigne s’accrochait aux cheveux, la personne Ă©tait noire, dans le cas contraire, si le peigne glissait Ă  terre, elle Ă©tait blanche[11].

Lors du recensement de l’Institut brĂ©silien de gĂ©ographie et de statistiques (IBGE) de 2010, 7,6 % des BrĂ©siliens identifiaient leur couleur de peau ou leur race comme noire, 43,1 % comme brune (pardo) et 47,7 % comme blanche[4]. Ces donnĂ©es toutefois sont Ă  analyser avec prĂ©caution, compte tenu de la tendance historique au branqueamento que l’on observe dans les auto-classifications raciales dans ce pays[6] - [7]. Pour des raisons d’ordre statistique, l’IBGE classe comme population noire les noirs et bruns tout ensemble[15], encore que cette mĂ©thodologie ait Ă©tĂ© contestĂ©e par d’aucuns, au motif que la majoritĂ© des bruns sont des mĂ©tis, qui ne s’identifient ni comme noirs, ni comme blancs, mais comme un groupe Ă  part[14]. De surcroĂźt, beaucoup de bruns ne sont pas descendants d’Africains, mais d’AmĂ©rindiens, principalement dans les États du nord[16].

L’État brĂ©silien, qui dans son histoire a plusieurs fois adoptĂ© des attitudes clairement racistes — notamment Ă  la fin du XIXe siĂšcle, lorsqu’il interdit l’entrĂ©e d’immigrants africains et asiatiques dans le pays, alors que dans le mĂȘme temps il encourageait l’afflux d’immigrants europĂ©ens[17] - [18] —, s’est par la suite amendĂ© et pris un ensemble de mesures politiques visant Ă  amĂ©liorer les conditions de vie de sa population noire, tant du point de vue socio-Ă©conomique qu’au regard des reprĂ©sentations, mesures parmi lesquelles il convient de mentionner la loi no 10.639 de 2003 rendant obligatoire l’enseignement de l’histoire de l’Afrique et de la culture afro-brĂ©silienne dans les Ă©coles[19], la loi no 12.288 de 2010 instaurant le statut de l’égalitĂ© raciale (en portugais Estatuto da Igualdade Racial)[20], la loi no 12.519 de 2011 instituant un Jour de la conscience noire[21], la loi no 12.711 de 2012 prescrivant une rĂ©serve de quotas raciaux dans l’enseignement supĂ©rieur[22], et la loi no 12.990 de 2014 prescrivant Ă©galement une rĂ©serve de quotas pour les noirs dans les concours publics[23].

Histoire

La traite transatlantique

Principales rĂ©gions d’origine des esclaves dans le commerce triangulaire entre les XVe et XIXe siĂšcles.

Aucun continent n’a Ă©tĂ© autant frappĂ© par la traite d’esclaves que l’Afrique. Le dernier en date et le plus vaste systĂšme esclavagiste de l’histoire universelle fut le trafic d’Africains en direction des AmĂ©riques. La quasi-totalitĂ© des nations d’Europe occidentale se sont engagĂ©es dans ce commerce hautement lucratif, quoique le Portugal, les Pays-Bas, l’Angleterre et la France y aient Ă©tĂ© plus particuliĂšrement impliquĂ©s. Avec l’arrivĂ©e des EuropĂ©ens sur le continent africain au XVIe siĂšcle, la traite d’esclaves, intense depuis dĂ©jĂ  plusieurs siĂšcles, s’intensifia davantage encore. En Ă©change de marchandises et d’argent offerts par les commerçants europĂ©ens, plusieurs peuples africains vendirent aux trafiquants des personnes appartenant Ă  des tribus voisines[24] - [25].

Le stimulus Ă©conomique que reprĂ©sentait le commerce des esclaves fit surgir en Afrique plusieurs États centralisĂ©s dont l’économie Ă©tait fortement dĂ©pendante de la traite esclavagiste, tels que le Dahomey et l’Empire ashanti. Dans ce processus, commerçants europĂ©ens et Ă©lites africaines tiraient profit de la mise en esclavage de millions d’Africains. De façon gĂ©nĂ©rale, huit moyens Ă©taient Ă  la disposition des esclavagistes[24] - [25] :

  • Capture lors de guerres ;
  • Rapt ;
  • Paiement de tributs et impĂŽts ;
  • Endettement ;
  • ChĂątiment de crimes ;
  • Abandon ou vente d’enfants ;
  • Auto-esclavage ;
  • Naissance.

La plupart des Africains se retrouvaient dans les AmĂ©riques aprĂšs avoir Ă©tĂ© victime de rapt, c’est-Ă -dire avoir fait l’objet d’incursions et de razzias opĂ©rĂ©es dans le seul but de capturer des esclaves[24] - [25]. La majoritĂ© des enlĂšvements s’accomplissait par le truchement d’intermĂ©diaires africains, qui pĂ©nĂ©traient dans les tribus voisines et vendaient les populations de celles-ci aux EuropĂ©ens, encore que dans bon nombre de cas les rapts Ă©taient Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s par les Portugais eux-mĂȘmes. Le deuxiĂšme mode le plus frĂ©quent de mise en esclavage consistait en captures de guerre ; les prisionniers de guerre Ă©taient rĂ©duits en esclavage par la tribu victorieuse et destinĂ©s aux AmĂ©riques. Rapt et capture de guerre ne doivent pas ĂȘtre confondus, Ă©tant donnĂ© que dans le premier cas la tribu Ă©tait attaquĂ©e avec le seul objectif d’obtenir des esclaves et que dans le second la tribu Ă©tait mise en esclavage dans le sillage d’une dĂ©faite militaire. L’historien Orlando Patterson estime que des 1,6 million d’Africains transportĂ©s vers le Nouveau Monde avant la fin du XVIIe siĂšcle, 60 % ont pu reprĂ©senter des prisonniers de guerre, tandis que moins d’un tiers avaient Ă©tĂ© victimes d’enlĂšvement ; Ă  l’inverse, des 7,4 millions de Noirs expĂ©diĂ©s entre 1701 et 1810, 70 % avaient Ă©tĂ© enlevĂ©s et 20 % provenaient de tribus vaincues militairement[24].

Destination des esclaves africains (1519–1867)[26] - [27]
Destination Pourcentage
Amérique portugaise 38,5%
AmĂ©rique britannique (sans l’AmĂ©rique du Nord) 18,4%
Amérique espagnole 17,5%
Amérique française 13,6%
Amérique du Nord anglaise 6,45%
Amérique anglaise 3,25%
Antilles hollandaises 2,0%
Antilles danoises 0,3%

Explorateurs ibĂ©riques et premiĂšre phase de l’esclavage dans les AmĂ©riques

Les premiers explorateurs espagnols et portugais dans les AmĂ©riques mirent d’abord en esclavage les populations amĂ©rindiennes[28]. Parfois, la force de travail leur Ă©tait rendue disponible Ă  travers les systĂšmes existants d’impĂŽts et de tributs des États amĂ©rindiens tombĂ©s sous la coupe des envahisseurs europĂ©ens, par simple remplacement des administrateurs locaux par leurs homologues europĂ©ens ; dans d’autres cas, les États amĂ©rindiens fournissaient la main-d’Ɠuvre directement[29]. Dans le cas portugais, la faiblesse des systĂšmes politiques des communautĂ©s Tupi-Guarani que les Portugais avaient soumis sur le littoral brĂ©silien, et l’inexpĂ©rience de ces AmĂ©rindiens en matiĂšre de labeur agricole systĂ©matique, les rendait faciles Ă  exploiter Ă  travers des arrangements de travail non-coercitifs[28]. Cependant, plusieurs facteurs empĂȘchaient le systĂšme d’esclavagisme amĂ©rindien de devenir un mode de fonctionnement durable au BrĂ©sil, notamment le fait que les populations indigĂšnes Ă©taient peu nombreuses ou insufissamment accessibles pour satisfaire tous les besoins des colons en forces de travail[30]. Dans bon nombre de cas, l’exposition aux maladies europĂ©ennes provoquait une forte mortalitĂ© parmi la population amĂ©rindienne et par lĂ  une pĂ©nurie de main-d’Ɠuvre indigĂšne[30]. Les historiens estiment Ă  environ 30 000 le nombre d’AmĂ©rindiens morts d’une Ă©pidĂ©mie de variole dans la dĂ©cennie 1560 sous domination portugaise[31]. Les conquĂ©rants ibĂ©riques Ă©tant par ailleurs impuissants Ă  attirer de leur propre pays vers les colonies un nombre suffisant de colons, ils commencĂšrent Ă  partir de 1570 Ă  importer de maniĂšre croissante des esclaves d’Afrique au titre de main-d’Ɠuvre primaire[30] - [32].

Raisons de la prédilection des esclavagistes pour les Africains

En fait, il eĂ»t Ă©tĂ© nettement meilleur marchĂ© pour les EuropĂ©ens d’obtenir des esclaves en Europe mĂȘme, que d’envoyer des navires vers les cĂŽtes africaines dans le but d’y capturer de la main-d’Ɠuvre. Cependant, dans les populations europĂ©ennes, le groupe des individus entrant en ligne de compte pour une mise en esclavage Ă©tait beaucoup plus restreint que chez les Africains. L’expansion outremer avait mis les EuropĂ©ens en contact avec des peuples « qui diffĂ©raient d’eux, culturellement et physiquement, plus fortement que tout autre peuple avec lequel ils avaient interagi pendant le millĂ©naire prĂ©cĂ©dent ». En Europe mĂȘme, l’hypothĂšse de mettre en esclavage d’autres EuropĂ©ens ne fut pas envisagĂ©e, tandis que dans la mĂȘme temps, il y avait en Afrique des groupes d’Africains disposĂ©s Ă  vendre d’autres Africains destinĂ©s Ă  l’esclavage. Ainsi, la principale cause de la traite massive d’Africains fut « une discordance entre les conceptions africaines et europĂ©ennes quant Ă  la prise en compte de tel ou tel pour la mise en esclavage, conceptions Ă  l’origine desquelles se trouvent la culture et les normes sociales, non clairement liĂ©es Ă  l’économie »[33]. Selon l’historien David Eltis, « l’Afrique Ă©tait une masse continentale beaucoup plus vaste, abritant une diversitĂ© de populations humaines plus grande que ce qui pouvait se trouver sur tout autre territoire de taille comparable dans le monde. Il n’est donc pas Ă©tonnant que les Africains n’aient pas Ă©prouvĂ© de sentiment continental d’appartenance — c’est-Ă -dire [ne se soient pas vus] comme peuples ne pouvant pas se rĂ©duire mutuellement en esclavage »[34].

Concomitamment, sur le continent amĂ©ricain, les peuples amĂ©rindiens pĂ©rissaient par milliers et le nombre de colons europĂ©ens disposĂ©s Ă  traverser l’Atlantique Ă©tait fort rĂ©duit. Aussi les colonisateurs allĂšrent-ils chercher en Afrique la main-d’Ɠuvre nĂ©cessaire au dĂ©veloppement des colonies[33].

L’esclavage au BrĂ©sil

Dans le Pernambouc apparurent la premiĂšre fĂȘte populaire et le premier rythme afro-brĂ©siliens : la Congada et le Maracatu. Sur la photo, cortĂšge de Maracatu Nação Ă  Recife[35] - [36].

Le BrĂ©sil accueillit environ 38 % de tous les esclaves africains emmenĂ©s en AmĂ©rique[37]. Les estimations du nombre total d’Africains subsahariens arrivĂ©s au BrĂ©sil sont assez divergentes : certaines font Ă©tat de trois millions de personnes, d’autres de quatre millions[38]. Selon une autre estimation, les noirs africains embarquĂ©s entre 1501 et 1866 Ă  destination du BrĂ©sil Ă©taient au nombre de 5 532 118, dont 4 864 374 arrivĂšrent vivants (c’est-Ă -dire que 667 696 personnes pĂ©rirent dans les vaisseaux nĂ©griers pendant le trajet Afrique-BrĂ©sil). Le BrĂ©sil fut le pays au monde qui, et de fort loin, accueillit le plus d’esclaves. À titre de comparaison, durant la mĂȘme pĂ©riode, 472 381 Africains furent embarquĂ©s Ă  destination de l’AmĂ©rique du Nord, parmi lesquels 388 747 remirent pied Ă  terre vivants (83 634 n’y survĂ©curent pas)[39]. Si l’on en croit l’estimation de l’IBGE, le nombre total d’Africains dĂ©barquĂ©s au BrĂ©sil est de 4 009 400[40].

Les Portugais ont Ă©tĂ© pendant des siĂšcles en premiĂšre ligne pour la traite nĂ©griĂšre. Ils avaient hĂ©ritĂ© de la tradition islamique toute la culture technique nĂ©cessaire, en particulier sur le plan de la navigation, de la production sucriĂšre et de la mise Ă  contribution d’esclaves noirs comme force de travail[6]. DĂšs l’époque de la dĂ©couverte du BrĂ©sil, on avait fait appel Ă  de la main-d’Ɠuvre esclave africaine pour la production de sucre dans les Ăźles atlantiques de MadĂšre et des Açores, dans le cadre d’un nouveau mode d’organisation de la production : la fazenda[6]. Au dĂ©but du XVIe siĂšcle, 10 % environ de la population de Lisbonne se composait d’esclaves africains, nombre Ă©tonnamment Ă©levĂ© dans un contexte europĂ©en[41]. Les Portugais, plus que tout autre peuple d’Europe, Ă©taient culturellement armĂ©s pour affronter les peuples Ă  peau sombre et prĂ©parĂ©s Ă  enrĂŽler des indigĂšnes en vue du travail forcĂ© et Ă  suborner des multitudes d’Africains dans le but d’assurer leurs intĂ©rĂȘts Ă©conomiques. Le BrĂ©sil fut configurĂ© comme une entitĂ© coloniale-esclavagiste Ă  caractĂšre agro-commercial. Dans un premier temps, le Portugais eurent recours au travail forcĂ© de l’indigĂšne ; ensuite, avec la dĂ©perdition de cette population aborigĂšne, le trafic d’humains originaires d’Afrique s’accrut graduellement, jusqu’au point oĂč ces personnes finirent par constituer la grande masse des travailleurs au BrĂ©sil[6].

L’esclavage s’est profondĂ©ment enracinĂ© dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne, mĂȘme si Ă  tous les siĂšcles, les Africains et leurs descendants rĂ©sistĂšrent contre la servitude, sous forme de rĂ©bellions ou de fugues, et en crĂ©ant des quilombos. En outre, possĂ©der des esclaves Ă©tait une pratique tellement rĂ©pandue et acceptĂ©e par la sociĂ©tĂ© que beaucoup d’anciens esclaves, aprĂšs qu’ils eurent conquis la libertĂ©, voulurent Ă  leur tour acquĂ©rir un captif pour eux-mĂȘmes. PossĂ©der des esclaves dĂ©notait un haut statut social et permettait Ă  leur propriĂ©taire de s’extraire du monde du travail pĂ©nible, lequel, dans la mentalitĂ© brĂ©silienne, seuls les esclaves pouvaient exercer. C’est pourquoi, dans le BrĂ©sil esclavagiste, nul ne s’épouvantait de voir un noir ou un mulĂątre s’acheter un esclave, alors que ce fait eĂ»t Ă©tĂ© considĂ©rĂ© choquant aux États-Unis Ă  la mĂȘme Ă©poque, voire difficile Ă  imaginer pour les BrĂ©siliens Ă  l’heure actuelle[42]. La vie Ă©conomique tout entiĂšre dans l’Empire d’outremer portugais, en Afrique comme en AmĂ©rique, reposait sur le travail servile, et l’opinion abolitionniste fut toujours trĂšs faible dans le monde luso-brĂ©silien[43]. Il s’ensuivit en particulier que le BrĂ©sil ne mit un terme Ă  la traite qu’en 1850, sous la pression britannique et aprĂšs avoir violĂ© les accords par lequel le pays s’était engagĂ© Ă  abolir la traite. L’esclavage ne sera aboli sur le territoire brĂ©silien qu’en 1888, et le BrĂ©sil fut alors le dernier pays d’AmĂ©rique Ă  le faire[44]. Cependant, l’esclavage avait Ă©tĂ© l’un des piliers de l’Empire du BrĂ©sil et par l’abolition, l’empereur Pierre II perdit le soutien des fazendeiros (grands propriĂ©taires terriens) esclavagistes, mĂ©contents de n’avoir pas Ă©tĂ© indemnisĂ©s, ce qui fut l’une des causes de la chute de la monarchie brĂ©silienne en 1889[45].

Flux d’immigration

Itinéraires de la traite entre Brésil et Afrique

Esclave brésilien photographié par Augusto Stahl (vers 1865)

Le projet The Trans-Atlantic Slave Trade Database de l’universitĂ© Emory a estimĂ© que du fait de la traite 5 099 816 Africains ont Ă©tĂ© dĂ©barquĂ©s au BrĂ©sil. Par des analyses minutieuses menĂ©es en Afrique et en AmĂ©rique, les chercheurs ont rĂ©ussi Ă  remonter aux origines des Africains amenĂ©s au BrĂ©sil. Aux alentours de 68 % de ces esclaves provenaient du Centre-Ouest de l’Afrique, c’est-Ă -dire de la rĂ©gion oĂč se situent aujourd’hui les États d’Angola, de la RĂ©publique du Congo et de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo[46].

Origine des Africains amenés au Brésil[46]
RĂ©gion d’origineNombre d’individusPourcentageÉtats actuels de la rĂ©gion
Centre-ouest de l’Afrique 3.507.22268,7%Angola, RĂ©publique du Congo et RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo
Golfe du Biafra 908.04417,8%Partie occidentale du Nigeria, Cameroun, Guinée équatoriale et Gabon
Sud-est de l’Afrique et Ăźles de l’ocĂ©an Indien 288.3905,6%Mozambique et Madagascar
Sénégambie 177.6253,4%Sénégal et Gambie
Golfe du Bénin 133.4312,5%Togo, Bénin et ouest du Nigéria
CĂŽte de l'Or 62.1701,2%Ghana et ouest de la CĂŽte d'Ivoire
Sierra Leone 14.9600,2%Sierra Leone
Cîte de Barlavento 7.9740,15%Liberia et Cîte d’Ivoire
Total 5.099.816

À chaque pĂ©riode de l’histoire du BrĂ©sil, tels ou tels ports particuliers d’embarquement d’esclaves Ă©taient utilisĂ©s prĂ©fĂ©rentiellement, et chaque port particulier recevait des esclaves originaires d’une vaste zone s’étendant jusqu’à plusieurs centaines de kilomĂštres Ă  l’intĂ©rieur du continent. Il s’ensuit que l’origine ethnique des esclaves accueillis au BrĂ©sil est trĂšs disparate, en plus d’avoir variĂ© tout au long des siĂšcles que dura la traite.

Esclave en train d’ĂȘtre fouettĂ©, sur un tableau de Jean-Baptiste Debret.

Un facteur essentiel pour comprendre quelles Ă©taient les rĂ©gions d’origine des Africains amenĂ©s Ă  tel ou tel endroit au BrĂ©sil sont les vents et courants marins de l’Atlantique nord et de l’Atlantique sud. Il existe deux systĂšmes de vents et de courants marins dans l’Atlantique : un au nord de l’équateur, tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, et un autre au sud, tournant en sens anti-horaire. La configuration de ces vents et courants eut pour effet que les esclaves emmenĂ©s vers l’AmĂ©rique du Nord et vers les Antilles Ă©taient originaires surtout des zones plus septentrionales d’Afrique subsaharienne, tandis que pour les besoins du BrĂ©sil, on allait chercher des Africains principalement dans des zones plus mĂ©ridionales, majoritairement en Angola, le sud-est du continent et le golfe du BĂ©nin ne jouant ici qu’un rĂŽle secondaire[33].

Quoi qu’il en soit, ces groupes ethniques ont finalement Ă©tĂ© rĂ©partis dans diffĂ©rentes zones du BrĂ©sil, avec une prĂ©dominance de Bantous dans la province de Rio de Janeiro et d’Ouest-Africains dans la Bahia et le nord du BrĂ©sil[47]. L’une des raisons Ă  cela est le fait que tel cycle Ă©conomique se dĂ©ploya principalement dans telle rĂ©gion distincte du BrĂ©sil (activitĂ© sucriĂšre dans le nord-est, or dans le Minas Gerais, cafĂ©iculture dans la rĂ©gion de Rio de Janeiro) et coĂŻncidait, au moment historique oĂč il se dĂ©ployait, Ă  telle offre majoritaire d’esclaves provenant de telle rĂ©gion d’Afrique.

Portraits de noirs et de noires du Pernambouc, par Alberto Henschel (vers 1870).

De façon schĂ©matique, on peut postuler que les esclaves africains amenĂ©s au BrĂ©sil avaient pris la mer dans les lieux d’embarquement suivants :

Quant aux phases d’immigration, on peut dĂ©finir, en accord avec la pĂ©riodisation Ă©tablie par LuĂ­s Viana fils, les phases suivantes[51] :

  • le cycle de GuinĂ©e (XVIe et XVIIe siĂšcles) : ports du SĂ©nĂ©gal et de Gambie (dans une moindre mesure l’üle de GorĂ©e)[48] - [49], expĂ©diant des esclaves « soudanais » (ou ouest-africains, noirs de GuinĂ©e) principalement en direction de Recife et de Salvador ;
  • le cycle d’Angola (XVIIe siĂšcle) : ports de Saint-Georges-de-la-Mine, d’Ouidah, de Calabar ; Cabinda et Luanda ; et Zanzibar, envoyant des esclaves bantous dĂ©barquĂ©s ensuite principalement Ă  Salvador et Ă  Rio de Janeiro, d’oĂč la plupart prenaient la route pour le Minas Gerais[52] ;
  • le cycle de la CĂŽte d’Elmina (XVIIIe siĂšcle-1815) : ports de Saint-Georges-de-la-Mine, d’Ouidah et de Calabar ; Cabinda et Luanda ; Zanzibar et Quiloa ; Ibo, Lourenço Marques et Inhambane, qui envoyaient des esclaves « soudanais » et islamisĂ©s destinĂ©s Ă  mettre pied Ă  terre principalement Ă  Salvador et Ă  Rio de Janeiro[50], d’oĂč la majeure partie repartait pour les plantations de cafĂ© dans la vallĂ©e du ParaĂ­ba do Sul et pour celles de canne Ă  sucre dans le nord de la province de Rio de Janeiro ;
  • la phase de l’illĂ©galitĂ© de la traite (1815-1831).

Dans la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle, au moment de l’apogĂ©e du trafic d’esclaves en direction du BrĂ©sil, les esclaves d’Afrique de l’ouest allaient en majoritĂ© Ă  Salvador, pendant que ceux du centre-ouest africain et d’Afrique orientale Ă©taient principalement dĂ©volus Ă  Rio de Janeiro. La raison en est simplement la distance plus courte entre les ports d’embarquement et de dĂ©barquement, les navires transportant en effet une cargaison qui pĂ©rissait littĂ©ralement sous l’effet des mauvaises conditions de voyage. De la sorte, les diffĂ©rents grands groupes ethniques finissaient par ĂȘtre prĂ©dominants dans certaines zones, notamment les Bantus Ă  Rio de Janeiro et les Ouest-Africains dans la Bahia et le nord du BrĂ©sil[47]. Le Minas Gerais, qui est un cas particulier, accueillit un grand nombre d’esclaves ouest-africains et bantous, les premiers prĂ©dominant jusqu’au milieu du XVIIIe siĂšcle, et les seconds au long du XIXe[52].

Région de débarquement des Africains déposés au Brésil[53]
Régions de débarquementNombre de personnesPourcentage
Sud-est du Brésil 2.259.98746,8%
Bahia 1.545.00632%
Pernambouc 824.31217%
Amazonie 141.7742,9%
Non spécifié 50.0481%
Total 4.821.127

Retour en Afrique

Entre les XVIIIe et XIXe siĂšcles, plusieurs communautĂ©s d’esclaves sont retournĂ©s en Afrique aprĂšs avoir Ă©tĂ© affranchis au BrĂ©sil[54]. Parmi celles-ci, on note en particulier les Taboms, revenus au Ghana en 1835 et 1836[55], et les AgudĂĄs ou AmarĂŽs, retournĂ©s au BĂ©nin, au Togo et au Nigeria. Ces BrĂ©siliens s’établirent nombreux dans la rĂ©gion de l’ancienne cĂŽte des Esclaves, laquelle englobe tout le golfe du BĂ©nin, et s’installĂšrent jusque dans l’actuelle ville de Lagos, au NigĂ©ria, et Ă  Acra, dans le Ghana actuel. Milton Guran, dans son livre AgudĂĄs. Os “brasileiros” do Benim note :

« Les “BrĂ©siliens” du BĂ©nin, du Togo et du NigĂ©ria, connus aussi sous le nom d’AgudĂĄs dans les langues locales, sont des descendants des anciens esclaves du BrĂ©sil qui s’en sont retournĂ©s en Afrique au XIXe siĂšcle et des nĂ©gociants bahiannais Ă©tablis lĂ -bas aux XVIIIe et XIXe siĂšcles. Ils possĂšdent des noms de famille tels que Souza, Silva, Almeida, entre autres, cĂ©lĂšbrent la fĂȘte de Nosso Senhor do Bonfim, dansent la burrinha (forme archaĂŻque du bumba-meu-boi), font des cortĂšges de carnaval, et se rĂ©unissent souvent autour d’une feijoada ou d’un kousidou. Aujourd’hui encore, il est commun que les AgudĂĄs les plus ĂągĂ©s se saluent par un sonore “Bom dia, como passou?” ; “Bem, ‘brigado’” est la rĂ©ponse. »

— Milton Guran[56] - [57].

Immigration africaine récente

À partir des derniĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle, des Africains noirs ont commencĂ© Ă  immigrer au BrĂ©sil[58], plus particuliĂšrement en provenance de pays lusophones comme l’Angola, le Cap-Vert et Sao TomĂ©-et-Principe, Ă  la recherche de possibilitĂ©s d’emploi ou poursuivant un but commercial.

Études gĂ©nĂ©tiques

Profil génétique de la population brésilienne

L’on peut prĂ©sumer que, par cette voie, la population brĂ©silienne s’homogĂ©nĂ©isera toujours plus avant, ce qui aboutira Ă  ce que dans le futur le patrimoine gĂ©nĂ©tique multiracial commun soit davantage encore partagĂ© par tous. Nul au BrĂ©sil ne s’étonne des nuances de couleur des enfants nĂ©s des mĂȘmes parents, qui vont frĂ©quemment du brun mulĂątre, chez l’un d’eux, au blanc le plus clair, chez l’autre ; ou alors ils combinent les cheveux lisses et noirs de l’Indien, ou durs et bouclĂ©s du noir, ou soyeux du blanc, de toutes les maniĂšres possibles ; avec diffĂ©rentes ouvertures d’yeux, formes de bouche, conformations nasales ou proportions des mains et des pieds. En vĂ©ritĂ©, chaque famille brĂ©silienne de vieille extraction exprime dans le phĂ©notype de ses membres des caractĂ©ristiques isolĂ©es d’ancĂȘtres les plus proches ou les plus Ă©loignĂ©s des trois grands troncs formateurs. VĂ©hiculant dans leur patrimoine gĂ©nĂ©tique toutes ces matrices, les BrĂ©siliens deviennent capables d’engendrer des enfants aussi variĂ©s que sont variĂ©s les visages de l’homme.
O Povo Brasileiro, Darcy Ribeiro, p. 16[59].

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique commandĂ©e en 2007 par la BBC Brasil a sondĂ© les ascendances de 120 BrĂ©siliens auto-dĂ©clarĂ©s noirs vivant dans l’État de SĂŁo Paulo[60]. Le chromosome Y, hĂ©ritĂ© du pĂšre, et l’ADN mitochondrial, transmis par la mĂšre, ont Ă©tĂ© examinĂ©s. Tous deux demeurent intacts Ă  travers les gĂ©nĂ©rations, car ils ne se mĂ©langent pas avec d’autres matĂ©riaux gĂ©nĂ©tiques provenant du pĂšre ou de la mĂšre, abstraction faite des rares mutations qui pourraient survenir. L’ADN mitochondrial de chaque personne est hĂ©ritĂ© de la mĂšre, et celle-ci l’a hĂ©ritĂ© de l’ancĂȘtre maternel le plus lointain (la mĂšre de la mĂšre de la mĂšre de la mĂšre etc.). Inversement, le chromosome Y, dont seuls les hommes sont porteurs, est hĂ©ritĂ© du pĂšre, et celui-ci pour sa part l’a hĂ©ritĂ© de l’ancĂȘtre paternel le plus Ă©loignĂ© (le pĂšre du pĂšre du pĂšre du pĂšre etc.).

Métissage racial des Brésiliens
Valeurs arrondies, issues de deux études indépendantes menées respectivement sur des Brésiliens noirs et sur des Brésiliens blancs
CÎtéOrigineNoirs, taux (%)[61]Blancs, taux (%)[62]
Maternel
(ADNmt)
Afrique subsaharienne85%29%
Européenne2,5%38%
Amérindienne12,5%33%
Paternel
(Chromosome Y)
Afrique subsaharienne48%2%
Européenne50%98%
Amérindienne1,6%0%

Cette Ă©tude montre des proportions quasi Ă©gales de personnes avec un chromosome Y provenant d’Europe (50 %) et d’Afrique subsaharienne (48 %) dans le groupe de BrĂ©siliens noirs qui a Ă©tĂ© analysĂ©. On peut Ă  coup sĂ»r affirmer que la moitiĂ© (50 %) de cet Ă©chantillon de noirs brĂ©siliens sont des descendants d’au moins un EuropĂ©en masculin. D’autre part, cette Ă©tude montre que dans le groupe de BrĂ©siliens et BrĂ©siliennes noirs analysĂ©s, environ 85 % des personnes ont de l’ADN mitochondrial originaire d’une aĂŻeule d’Afrique subsaharienne et 12,5 % d’une aĂŻeule AmĂ©rindienne[61].

En supposant que le groupe Ă©tudiĂ© reprĂ©sente un bon Ă©chantillon, reprĂ©sentatif de la population brĂ©silienne, on peut postuler que les BrĂ©siliens noirs descendent par leur versant paternel autant d’EuropĂ©ens que d’Africains subsahariens, cependant qu’ils sont du cĂŽtĂ© maternel en majoritĂ© des descendants d’Africaines subsahariennes (85 %). Il est Ă  noter Ă©galement qu’une part considĂ©rable (12,5 %) de ce groupe de BrĂ©siliens auto-dĂ©clarĂ©s noirs est du cĂŽtĂ© maternel descendant d’au moins un ancĂȘtre amĂ©rindien.

Daiane dos Santos, d’ascendance europĂ©enne Ă  40,8 %, africaine Ă  39,7 %, et AmĂ©rindienne Ă  19,6 %, selon une analyse de son ADN.

La mĂȘme Ă©tude gĂ©nĂ©tique s’est aussi penchĂ©e sur les ascendances de quelques noirs brĂ©siliens cĂ©lĂšbres. Le rĂ©sultat en est surprenant, en ceci qu’il dĂ©montre que des personnes qui s’autoproclament noires et sont considĂ©rĂ©es telles par la sociĂ©tĂ© prĂ©sentent un haut degrĂ© de filiation europĂ©enne. Voici quelques-uns des rĂ©sultats obtenus :

  • Daiane dos Santos, athlĂšte : 40,8 % de gĂšnes europĂ©ens, 39,7 % d’Afrique subsaharienne et 19,6 % d’amĂ©rindiens[63] ;
  • Neguinho da Beija-Flor, sambiste : 67 % de gĂšnes europĂ©ens et 32 % d’Afrique subsaharienne[64] ;
  • Ildi Silva, actrice : 71,3 % de gĂšnes europĂ©ens, 19,5 % de gĂšnes d’Afrique subsaharienne, et 9,3 % d’amĂ©rindiens[65] ;
  • Sandra de SĂĄ, chanteuse : 96,7 % de gĂšnes d’Afrique subsaharienne[66] ;
  • Milton Nascimento, compositeur et chanteur : 99,3 % de gĂšnes d’Afrique subsaharienne[67].

Une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique suggĂšre qu’un nombre considĂ©rable de BrĂ©siliens blancs portent en eux non seulement de l’ADN provenant du fonds gĂ©nĂ©tique europĂ©en, mais aussi de l’ADN provenant d’AmĂ©rindiens et d’Africains, par suite du mĂ©tissage. Comme de juste, l’ancĂȘtre non europĂ©en se trouve plus souvent du cĂŽtĂ© maternel. D’aprĂšs cette Ă©tude, les BrĂ©siliens blancs seraient le rĂ©sultat du mĂ©tissage avec des AmĂ©rindiennes davantage qu’avec des Africaines subsahariennes, encore que la diffĂ©rence soit tĂ©nue[62] (les rĂ©sultats de cette derniĂšre Ă©tude ont Ă©tĂ© portĂ©s dans le mĂȘme tableau que l’étude gĂ©nĂ©tique sur les BrĂ©siliens noirs mentionnĂ©e ci-haut). La mĂȘme Ă©tude a comparĂ© le degrĂ© de mĂ©tissage des BrĂ©siliens blancs avec celui des AmĂ©ricains blancs, et permis de constater, sans surprise, que les premiers sont plus mĂ©langĂ©s, sans que pour autant les seconds ne soient totalement exempts de mĂ©tissage[62].

Il ressort de cette mĂȘme Ă©tude gĂ©nĂ©tique que 45 % de l’ensemble des BrĂ©siliens, blancs et noirs, ont prĂšs de 90 % de gĂšnes africains subsahariens, et que 86 % environ possĂšdent 10 % ou plus de gĂšnes africains subsahariens. Toutefois, les auteurs de l’étude reconnaissent que ses intervalles de confiance sont larges et que ses rĂ©sultats ont Ă©tĂ© obtenus par extrapolation (en l’espĂšce Ă  partir de 173 Ă©chantillons Ă  Queixadinha, dans la municipalitĂ© de CaraĂ­, dans le nord de Minas Gerais, censĂ©s ĂȘtre reprĂ©sentatifs du BrĂ©sil tout entier) : « De toute Ă©vidence, ces estimations ont Ă©tĂ© faites par extrapolation de rĂ©sultats expĂ©rimentaux avec des Ă©chantillons relativement petits et, par consĂ©quent, prĂ©sentent des intervalles de confiance assez larges »[62]. Une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique encore, autosomique, elle aussi rĂ©alisĂ©e par le gĂ©nĂ©ticien brĂ©silien SĂ©rgio Pena, en 2011, et qui s’appuyait sur un millier d’échantillons de toutes les rĂ©gions du pays, comprenant des « noirs », des « bruns » et des « blancs » (en tenant compte de leurs proportions respectives dans la population brĂ©silienne), a conclu que : « Dans toutes les rĂ©gions Ă©tudiĂ©es, l’ascendance europĂ©enne est celle prĂ©dominante, avec des proportions variant de 60,60 % dans le Nordeste, Ă  77,70 % dans le sud du pays ». Une ascendance africaine est prĂ©sente Ă  un degrĂ© Ă©levĂ© dans toutes les rĂ©gions du BrĂ©sil. Quant Ă  celle indigĂšne, elle se manifeste Ă©galement, quoique dans une mesure moindre, dans toutes les rĂ©gions du BrĂ©sil. Les « noirs » prĂ©sentent un taux significatif d’ancestralitĂ© europĂ©enne et, Ă  un degrĂ© moindre, amĂ©rindienne[68]. Il est Ă  signaler que cette Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e en faisant appel aux donneurs de sang, lesquels au BrĂ©sil sont issus pour la plupart des classes infĂ©rieures (en dehors du personnel infirmier et d’autres personnes travaillant dans les institutions de santĂ© publique, qui eux sont mieux reprĂ©sentatifs de la population brĂ©silienne)[69].

Selon une Ă©tude autosomique rĂ©alisĂ©e en 2008 par l’universitĂ© de Brasilia (UnB), la population brĂ©silienne est constituĂ©e des composantes europĂ©enne, africaine et indigĂšne dans les proportions suivantes : 65,90 % d’apport europĂ©en, 24,80 % d’apport africain, et 9,30 % d’apport indigĂšne[70].

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique plus rĂ©cente, datant de 2009, indique Ă©galement que l’ancestralitĂ© europĂ©enne est la plus importante, suivie de celle africaine, puis de celle amĂ©rindienne. « Tous les Ă©chantillons (rĂ©gions) se trouvent plus proches des EuropĂ©ens que des Africains ou des mĂ©tis du Mexique », du point de vue gĂ©nĂ©tique[71].

D’aprĂšs l’étude gĂ©nĂ©tique autosomique menĂ©e en 2010 par une Ă©quipe de l’universitĂ© catholique de Brasilia et publiĂ©e dans la revue scientifique American Journal of Human Biology, l’hĂ©ritage gĂ©nĂ©tique europĂ©en est prĂ©dominant au BrĂ©sil, et c’est dans le sud que son taux est le plus Ă©levĂ©[72]. Cette Ă©tude porte sur la population brĂ©silienne comme un tout : « Un nouveau tableau d’ensemble des contributions de chaque ethnie Ă  l’ADN des BrĂ©siliens, obtenu Ă  l’aide d’échantillons des cinq rĂ©gions du pays, indique qu’en moyenne les ancĂȘtres europĂ©ens sont Ă  l’origine de prĂšs de 80 % de l’hĂ©ritage gĂ©nĂ©tique de la population. La variation d’une rĂ©gion Ă  l’autre est faible, avec la possible exception du sud, oĂč l’apport gĂ©nĂ©tique europĂ©en s’approche des 90 %. Les rĂ©sultats viennent corroborer les rĂ©sultats antĂ©rieurs, lesquels avaient aussi montrĂ© qu’au BrĂ©sil les indicateurs d’apparence physique, tels que la couleur de peau, des yeux et des cheveux ont relativement peu de rapport avec l’ascendance d’une personne »[72].

Une analyse gĂ©nĂ©tique de 2013, se basant sur des populations urbaines de diverses parties du BrĂ©sil, est parvenue Ă  la conclusion suivante : « PrĂ©sentant un gradient nord/sud, l’ascendance europĂ©enne Ă©tait la principale dans toutes les populations urbaines (avec des taux jusqu’à 74 %). Les populations du nord ont des proportions significatives d’ascendance indigĂšne, laquelle est deux fois supĂ©rieure Ă  la contribution africaine. Dans le Nordeste, le centre-ouest et le sud-est, l’ancestralitĂ© africaine Ă©tait la deuxiĂšme en importance. Toutes les populations Ă©tudiĂ©es sont en gĂ©nĂ©ral mĂ©tissĂ©es, et la variation est plus forte entre indivĂ­dus qu’entre populations »[73].

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique de synthĂšse, de 2015, qui s’est attachĂ©e Ă  scruter les donnĂ©es de 25 Ă©tudes portant sur 38 populations brĂ©siliennes diffĂ©rentes, a conclu que le facteur europĂ©en est celui qui a le plus contribuĂ© Ă  l’ancestralitĂ© des BrĂ©siliens, suivi du facteur africain, puis amĂ©rindien. Les taux constatĂ©s sont : 62 % pour l’apport europĂ©en, 21 % pour l’africain et 17 % pour l’indigĂšne. La rĂ©gion sud compte le plus haut taux d’ascendance europĂ©enne (77 %), tandis que la rĂ©gion nord-est a le plus fort pourcentage d’apport africain (27 %) et la rĂ©gion nord le plus fort apport indigĂšne (32 %)[74].

Le peuple brĂ©silien est donc rĂ©ellement le rĂ©sultat de la rencontre entre EuropĂ©ens, Africains et IndigĂšnes : « La corrĂ©lation entre couleur et ascendance gĂ©nomique est imparfaite : Ă  l’échelle individuelle, on ne peut, Ă  partir de la couleur de peau, prĂ©dire avec certitude le niveau d’ancestralitĂ© europĂ©enne, africaine ou amĂ©rindienne, ni l’inverse. IndĂ©pendamment de leur couleur de peau, la plupart des BrĂ©siliens possĂšdent un niveau d’ascendance europĂ©enne trĂšs Ă©levĂ©. De mĂȘme, indĂ©pendamment de leur couleur de peau, la plupart des BrĂ©siliens possĂšdent un degrĂ© significatif d’ascendance africaine. Enfin, la plupart des BrĂ©siliens ont un degrĂ© significatif et trĂšs uniforme d’ascendance indigĂšne. La forte variabilitĂ© observĂ©e chez les blancs et les noirs suggĂšre que chaque BrĂ©silien prĂ©sente une proportion unique et singuliĂšre d’ascendances europĂ©enne, africaine et indigĂšne. Aussi la seule façon d’approcher les BrĂ©siliens ne consiste pas Ă  les considĂ©rer comme des membres de catĂ©gories Ă©tablies selon la couleur de peau, mais selon une optique de personne Ă  personne, comme 190 millions d’ĂȘtres humains avec un gĂ©nome et des histoires de vie singuliers »[75].

Dans le sud-est

Dans le sud-est brĂ©silien, sur la foi d’une Ă©tude autosomique de 2009, les hĂ©rĂ©ditĂ©s europĂ©enne et africaine sont les plus importantes. Selon cette Ă©tude, la composition gĂ©nĂ©tique se prĂ©sente ici de la maniĂšre suivante : Ă  60,7 % europĂ©enne, Ă  32,0 % africaine, et Ă  7,3 % amĂ©rindienne[76]. Une analyse gĂ©nĂ©tique rĂ©alisĂ©e en 2010[77] a abouti au constat suivant : 79,90 % d’apport europĂ©en, 14,10 % d’apport africain et 6,10 % d’apport indigĂšne. Cependant, selon une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique, de 2011, la composition du sud-est s’énonce comme suit[68] : europĂ©enne Ă  74,20 %, africaine Ă  17,20 %, et indigĂšne Ă  7,30 %. Une analyse gĂ©nĂ©tique plus rĂ©cente, effectuĂ©e en 2013, a donnĂ© pour sa part les rĂ©sultats suivants : une part europĂ©enne de 61 %, africaine de 27 %, et indigĂšne de 12 %[73].

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2009 a fait apparaĂźtre que les « blancs », les « bruns » (pardos) et les « noirs » de l’État de Rio de Janeiro relĂšvent en gĂ©nĂ©ral des trois ascendances, la composante africaine se rĂ©vĂ©lant la plus importante chez les « noirs », bien qu’elle soit prĂ©sente aussi chez les « blancs » et, Ă  un degrĂ© significatif, chez les « bruns »[78].

Ascendance gĂ©nomique d’individus non apparentĂ©s dans l’État de Rio de Janeiro"[78]
CouleurNombre d’individusAmĂ©rindienAfricainEuropĂ©en
Blanc1076.7%6.9%86.4%
Brun1198.3%23.6%68.1%
Noir1097.3%50.9%41.8%

D’aprĂšs une Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2011[68], la composition gĂ©nĂ©tique de Rio de Janeiro serait africaine pour une part de 18,9 %, europĂ©enne pour 73,70 %, et indigĂšne pour 7,4 %.

Une analyse gĂ©nĂ©tique plus rĂ©cente, de 2013[73], a constatĂ© la rĂ©partition suivante pour Rio de Janeiro : 31,10 % d’apport africain, 55,20 % d’apport europĂ©en, et 13,70 % d’apport indigĂšne.

Une Ă©tude de filiation autosomique, menĂ©e en 2009 dans une Ă©cole publique Ă  NilĂłpolis, dans la Baixada Fluminense, a mis en Ă©vidence que l’ascendance autodĂ©clarĂ©e et l’ascendance rĂ©elle ne sont pas bien corrĂ©lĂ©es au BrĂ©sil. Les personnes s’auto-identifiant comme « noires » dans cette Ă©tude prĂ©sentaient en moyenne une ascendance europĂ©enne autour de 52 %, africaine autour de 41 %, et Ă  4 % amĂ©rindienne. Les personnes s’auto-identifiant comme « brunes » (pardas) apparaissaient possĂ©der un patrimoine gĂ©nĂ©tique en moyenne Ă  80 % europĂ©en, Ă  12 % africain, et Ă  8 % amĂ©rindien. Les « bruns » se jugeaient eux-mĂȘmes ĂȘtre gĂ©nĂ©tiquement pour un tiers amĂ©rindiens, un tiers africains, et un tiers europĂ©ens, Ă  mettre en regard d’une ascendance europĂ©enne prouvĂ©e dĂ©passant les 80 %. Les blancs ne prĂ©sentaient pas de taux significatif de mĂ©tissage. Chez la plupart des blancs, on enregistrait une ascendance europĂ©enne supĂ©rieure Ă  90 %, et 1/3 des bruns Ă©galement possĂ©daient une ascendance europĂ©enne au-dessus de 90 %. Bruns et noirs se sont rĂ©vĂ©les avoir une ascendance europĂ©enne plus importante que ce qu’ils s’étaient imaginĂ©s[78] - [79].

Francisco Paulo de Almeida (1826-1901), premier et unique baron de Guaraciaba, titre accordé par la princesse Isabelle[80]. Noir, il possédait l'une des plus grandes fortunes de la période impériale, ce qui lui permit de devenir propriétaire d'environ mille esclaves[80] - [81].

Dans l’État de SĂŁo Paulo, les blancs aussi bien que les noirs prĂ©sentent une forte ascendance africaine. Une Ă©tude a Ă©tabli une moyenne de 25 % d’ascendance africaine chez les « blancs » de la ville de SĂŁo Paulo (entre 18 et 31 %), et de 65 % chez les « noirs » de la mĂȘme ville (entre 55 et 76 %)[82].

À Campinas, une analyse gĂ©nĂ©tique a dĂ©montrĂ© chez les personnes porteuses de l’hĂ©moglobine S (la plus frĂ©quente chez les Africains et leurs descendants) une ascendance africaine Ă  hauteur de 45 %, europĂ©enne Ă  hauteur de 41 %, et indigĂšne Ă  hauteur de 14 %. Cette mĂȘme analyse a mis au jour que chez seulement 53 % des individus l’ascendance africaine Ă©tait visible dans le phĂ©notype[83].

Suivant une Ă©tude gĂ©nĂ©tique effectuĂ©e en 2006 sur la population de l’État de SĂŁo Paulo, la contribution gĂ©nĂ©tique africaine serait de 14 %, celle europĂ©enne de 79 %, et celle indigĂšne de 7 %. Cependant, une autre analyse plus rĂ©cente, de 2013, a estimĂ© la part du patrimoine gĂ©nĂ©tique africain Ă  25,5 %, celle du patrimoine europĂ©en Ă  61,9 %, et celle du patrimoine indigĂšne Ă  11,6 %[73].

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique sur les habitants de Belo Horizonte, dans le Minas Gerais, a rĂ©vĂ©lĂ© que leur ascendance est Ă  66 % europĂ©enne, Ă  32 % africaine, et Ă  2 % indigĂšne. D’autre part, dans la localitĂ© de Marinhos (situĂ©e dans l’actuelle municipalitĂ© de Brumadinho, district de SĂŁo JosĂ© do Paraopeba), dont les habitants sont en majeure partie issus d’anciens quilombos, les ascendances apparaissent ĂȘtre Ă  59 % africaines, Ă  37 % europĂ©ennes, et Ă  4 % indigĂšnes (chez ceux dont la famille rĂ©side dans la localitĂ© depuis le dĂ©but du XXe siĂšcle, l’ascendance africaine monte jusqu’à 81 %)[84]. De façon gĂ©nĂ©rale, les Mineiros sont dotĂ©s d’un taux fort faible d’ascendance indigĂšne, alors que l’ascendance europĂ©enne (principalement portugaise) et africaine y prĂ©dominent. Ceci s’explique par le fait que la population amĂ©rindienne a Ă©tĂ© exterminĂ©e, dans le mĂȘme temps oĂč parvenaient dans la rĂ©gion de vastes contingents d’esclaves africains et de colons portugais, diluant plus avant encore l’élĂ©ment indigĂšne dans la population. En ce qui concerne la composante europĂ©enne (en l’espĂšce portugaise), celle-ci, nonobstant qu’elle fĂ»t numĂ©riquement infĂ©rieure Ă  la composante africaine, finit nĂ©anmoins par prĂ©dominer, par l’effet conjuguĂ© du fort taux de mortalitĂ© et du faible indice de reproduction chez les esclaves. Plus tard, l’immigration d’Italiens et d’autres EuropĂ©ens vers le Minas Gerais Ă  la fin du XIXe siĂšcle contribua Ă  accroĂźtre davantage encore le taux d’ascendance europĂ©enne[85].

Plusieurs autres Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques ont Ă©tĂ© menĂ©es prenant pour objet diffĂ©rents groupes raciaux et gĂ©ographiques du Minas Gerais. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, toutes les Ă©tudes concluent que la population du Minas Gerais est intensĂ©ment mĂ©tissĂ©e, avec un haut degrĂ© d’ascendance europĂ©enne, suivie par celle africaine, et, d’importance moindre, celle indigĂšne. Peu de Mineiros ont une ascendance oĂč prĂ©domine nettement le fonds soit europĂ©en soit africain, la majoritĂ© ayant Ă  un degrĂ© significatif un mĂ©lange de ces deux origines. Selon une analyse gĂ©nĂ©tique, 13,8 % des Mineiros atteints d’anĂ©mie falciforme examinĂ©s, remontent Ă  des ancĂȘtres europĂ©ens Ă  plus de 85 %, et 11,05 % des patients souffrant d’anĂ©mie falciforme ont un taux de 85 % d’ascendance africaine. La majoritĂ© de ceux-ci, 73,37 %, montrait des niveaux intermĂ©diaires de mĂ©tissage (entre 15 et 85 %)[86]. Cela vaut aussi pour la quasi-totalitĂ© des rĂ©gions du BrĂ©sil, selon d’autres Ă©tudes[68] - [73] - [87].

Plusieurs études génétiques ont estimé les parts africaine, européenne et amérindienne dans le Minas Gerais.
Origine de l’échantillon Africaine EuropĂ©enne AmĂ©rindienne
Ouro Preto (toutes couleurs/« races »)[88] 33,3 % 50,3 % 16,4 %
Ouro Preto (blancs)[88] 18,0 % 70,4 % 11,6 %
Ouro Preto (bruns clairs)[88] 31,4 % 52,1 % 16,4 %
Ouro Preto (bruns sombres)[88] 47,6 % 33,6 % 18,8 %
Ouro Preto (noirs)[88] 67,1 % 16,6 % 16,4 %
Minas Gerais (porteurs de l’anĂ©mie falciforme)[86] 47,3 % 39,7 % 13,0 %
Minas Gerais (non porteurs de l’anĂ©mie falciforme)[86] 33,8 % 57,7 % 3,5 %
Queixadinha, CaraĂ­ (blancs)[87] 32,0 % ? ?
Queixadinha, CaraĂ­ (bruns)[87] 44,0 % ? ?
Queixadinha, CaraĂ­ (noirs)[87] 51% ? ?
Minas Gerais (blancs)[89] 16,1 % 70,8 % 13,1
Minas Gerais (couleurs/« races » non spécifiées)[73] 28,9 % 59,2 % 11,9 %
Montes Claros (couleurs/« races » non spécifiées)[90] 39,0 % 52,0 % 9,0 %
Manhuaçu (couleurs/« races » non spécifiées)[90] 19,0 % 73,0 % 8,0 %
Belo Horizonte (couleurs/« races » non spécifiées)[85] 32,0 % 66 % 2,0 %
Marinhos, Brumadinho[84] - [85] - [90] - [91] 59,0 % 37,0 % 3,7 %

Dans le Nordeste

Selon une Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique de 2009, l’hĂ©rĂ©ditĂ© europĂ©enne est prĂ©dominante dans le Nordeste, reprĂ©sentant 66,70 % dans la population gĂ©nĂ©rale, le reste se partageant entre hĂ©rĂ©ditĂ© africaine (23,30 %) et amĂ©rindienne (10 %)[71]. D’aprĂšs une analyse gĂ©nĂ©tique de 2011, « dans toutes les rĂ©gions Ă©tudiĂ©es, les ascendances europĂ©ennes sont prĂ©dominantes, avec des proportions variant de 60,60 % dans le Nordeste, Ă  77,70 % dans le sud du pays ».

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique rĂ©alisĂ©e en 1965 par les chercheurs amĂ©ricains D. F. Roberts et R. W. Hiorns a indiquĂ© que les ascendances du Nordestin sont en moyenne Ă  nette prĂ©dominance europĂ©enne (taux autour de 65 %), avec des apports moindres, mais importants, de l’Afrique et des peuples indigĂšnes (25 % et 9 %, respectivement)[92] - [93].

Selon une analyse gĂ©nĂ©tique (ADN autosomique) de 2011, les bruns (pardos) et blancs de Fortaleza remontent Ă  des ancĂȘtres africains, et aussi indigĂšnes, mais l’ascendance tant des bruns que des blancs est Ă  plus de 70 % europĂ©enne[68].

Une étude génétique de 2005, menée à São Luís do Maranhão, a estimé à 19 % la contribution du patrimoine génétique africain à la population, celle du patrimoine européen à 42 %, et celle du patrimoine indigÚne à 39 %[94].

Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique menĂ©e dans le RecĂŽncavo bahianais a confirmĂ© le haut degrĂ© d’ascendance africaine dans cette rĂ©gion. Ont Ă©tĂ© examinĂ©es dans cette Ă©tude des personnes de l’aire urbaine des villes de Cachoeira et de Maragogipe, ainsi que des rĂ©sidents des quilombos de la zone rurale de Cachoeira. L’ascendance africaine constatĂ©e s’élĂšve Ă  80,4 %, l’europĂ©enne Ă  10,8 %, et l’indigĂšne Ă  8,8 %[95]. À Salvador, l’ascendance prĂ©dominante est africaine (49,2 %), suivie de celle europĂ©enne (36,3 %) et indigĂšne (14,5 %). L’étude a mis en lumiĂšre Ă©galement que les Salvadorenses porteurs d’un nom de famille Ă  connotation religieuse tendent Ă  possĂ©der un taux d’ancestralitĂ© africaine plus Ă©levĂ© (54,9 %) et Ă  appartenir Ă  des classes sociales moins favorisĂ©es[96].

Dans les capitales nordestines analysĂ©es (de mĂȘme que dans le Nordeste en gĂ©nĂ©ral), l’ascendance africaine s’affirme dans chacune, encore que l’ascendance europĂ©enne soit la principale dans la plupart d’entre elles, ainsi que dans la rĂ©gion Nordeste dans son ensemble. Sans Ă©gard Ă  la couleur de peau des personnes analysĂ©es, on arrive, pour la population d’Aracaju, Ă  un indice de 62 % de filiation europĂ©enne, de 34 % de filiation africaine, et de 4 % de filiation indigĂšne[97].

Quant Ă  la population de Natal, ici de mĂȘme sans spĂ©cifier la couleur des personnes examinĂ©es, une Ă©tude dĂ©jĂ  ancienne (de 1982) s’appuyant sur les polymorphismes sanguins a conclu Ă  la rĂ©partition suivante : l’ascendance constatĂ©e Ă©tait Ă  58 % europĂ©enne, Ă  25 % africaine, et Ă  17 % indigĂšne[98]. Toutefois, l’ancestralitĂ© des migrants nordestins rĂ©sidant dans l’État de SĂŁo Paulo est europĂ©enne Ă  proportion de 59 %, africaine Ă  proportion de 30%, et indigĂšne Ă  proportion de 11 %[97]. Selon une autre Ă©tude, conduite en 1997, les ascendances sont estimĂ©es, pour l’ensemble de la population nordestine, europĂ©ennes Ă  51 %, africaines Ă  36 %, et indigĂšnes Ă  13 %[99]. D’aprĂšs une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique encore, datant de 2013, la composition gĂ©nĂ©tique de la population du Pernambouc est Ă  56,8 % europĂ©enne, Ă  27,9 % africaine, et Ă  15,3 % amĂ©rindienne[73].

Une analyse gĂ©nĂ©tique de 2013 a permis d’établir la composition gĂ©nĂ©tique de la population d’Alagoas Ă  54,7 % pour l’apport europĂ©en, Ă  26,6 % pour l’apport africain, et Ă  18,7 % pour l’apport amĂ©rindien[73].

Dans le sud

Selon une Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique conduite en 2010 par l’universitĂ© catholique de Brasilia et publiĂ©e dans la revue American Journal of Human Biology, l’hĂ©ritage gĂ©nĂ©tique europĂ©en est prĂ©dominant au BrĂ©sil, reprĂ©sentant environ 80 % du total, avec un pourcentage plus Ă©levĂ© encore dans le sud, oĂč il monte Ă  90 %[72]. Ainsi l’ascendance europĂ©enne est-elle la principale dans le sud, celle africaine restant significative, de mĂȘme que celle amĂ©rindienne.

D’aprĂšs une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique, de 2009, le patrimoine gĂ©nĂ©tique europĂ©en est effectivement dominant dans le sud du pays, correspondant en effet Ă  81,50 % du total, le reste se partageant entre l’amĂ©rindien (9,2 %) et l’africain (9,3 %)[71].

Des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques rĂ©alisĂ©es dans l’État du ParanĂĄ chez des « afrodescendants » (noirs ou mulĂątres de diffĂ©rentes tonalitĂ©s de peau) ont indiquĂ© que le degrĂ© de mixitĂ© gĂ©nĂ©tique est fort variable. Les « mulĂątres clairs » ou « mulĂątres moyens » prĂ©sentent des taux d’ascendance africaine et europĂ©enne similaires (44 % europĂ©enne, 42 % africaine, et 14 % indigĂšne). Quant aux « mulĂątres sombres » ou aux « noirs » du ParanĂĄ, ils apparaissent gĂ©nĂ©tiquement africains principalement, leur ascendance africaine se chiffrant en effet Ă  72 %, pour une part europĂ©enne de 15 % et indigĂšne de 6 %. Y compris mĂȘme chez les « blancs » du ParanĂĄ, les indices d’ancestralitĂ© africaine sont non nĂ©gligeables, quoiqu’assez variables, s’étalant d’un minimum de 3 % dans une Ă©tude, Ă  un maximum de 17 % dans une autre.

Dans le nord

Dans la rĂ©gion Nord, la contribution africaine est importante Ă©galement, Ă  cĂŽtĂ© des ascendances europĂ©enne et indigĂšne. Selon une Ă©tude autosomique de 2009, la composition gĂ©nomique de la rĂ©gion Nord se prĂ©senterait comme suit : Ă  60,6 % europĂ©enne, Ă  21,3 % africaine, et Ă  18,1 % amĂ©rindienne[76]. Une analyse gĂ©nĂ©tique effectuĂ©e en 2010[77] a trouvĂ© la composition suivante : 71,10 % d’apport europĂ©en, 18,20 % d’apport africain, et 10,70 % d’apport indigĂšne. Mais d’aprĂšs une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique portant sur l’ADN autosomique menĂ©e en 2011, le tableau gĂ©nĂ©tique du nord se prĂ©sente ainsi : 68,8 % pour la part europĂ©enne, 10,5 % pour la part africaine, et 18,50 % pour la part indigĂšne[68]. Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique plus rĂ©cente, de 2013, basĂ©e sur l’ADN autosomique, aboutit de son cĂŽtĂ© aux rĂ©sultats suivants : 51 % d’ascendance europĂ©enne, 17 % d’africaine, et 32 % d’indigĂšne[73].

Suivant une analyse génétique de 2011, la composition génétique de la population de Belém est européenne à hauteur de 69,70 %, africaine à hauteur de 10,90 %, et amérindienne à hauteur de 19,40 %[68]. Cependant, selon une étude génétique de 2013, la composition génétique de la population de Belém est à 53,70 % européenne, à 16,80 % africaine, et à 29,50 % indigÚne[73].

Toujours selon cette mĂȘme Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2013, l’ancestralitĂ© des habitants de Manaus est Ă  45,9 % europĂ©enne, Ă  37,8 % indigĂšne et Ă  16,3 % africaine[73]. D’autre part, toujours selon cette mĂȘme analyse, l’ascendance des habitants de Santa Isabel do Rio Negro, communautĂ© isolĂ©e dans le nord de l’État d’Amazonie, est indigĂšne Ă  un taux de 75,80 %, africaine Ă  un taux de 7,4 %, et europĂ©enne Ă  un taux Ă  16,80%[73].

Dans le centre-ouest

D’aprĂšs les Ă©tudes autosomiques effectuĂ©es, l’ascendance africaine s’attribue une part de 21,70 % dans l’hĂ©ritage gĂ©nĂ©tique de la population du centre-ouest, celle europĂ©enne une part de 66,30 %, et celle indigĂšne de 12,00 %[71] - [100].

Communautés quilombolas

Des recherches gĂ©nĂ©tiques menĂ©es dans les quilombos (communautĂ©s constituĂ©es de descendants d’esclaves marrons) ont rĂ©vĂ©lĂ© que l’ancestralitĂ© africaine est prĂ©dominante dans la plupart de ceux-ci, bien que la prĂ©sence d’élĂ©ments d’origine europĂ©enne et indigĂšne dans ces communautĂ©s soit significative. Cela tend Ă  prouver que les quilombos n’ont pas Ă©tĂ© peuplĂ©s uniquement d’Africains, mais que des personnes d’origine europĂ©enne et indigĂšne s’y sont aussi intĂ©grĂ©es. Les Ă©tudes montrent que la grille d’ascendance des quilombas est plutĂŽt hĂ©tĂ©rogĂšne, se prĂ©sentant comme quasi exclusivement africaine pour quelques-uns, tels que le quilombo de Valongo, dans le sud du pays, ou, pour d’autres, avec une ascendance europĂ©enne arrivant Ă  prĂ©dominer, comme dans le cas du quilombo de Mocambo, dans le Nordeste[101].

Ascendance génétique des habitants de quilombos[101]
Nom du quilomboAfricaineEuropéenneIndigÚne
CametĂĄ (Nord) 48%17,9%34,1%
Cajueiro (Nordeste) 67,4%32,6%0%
CuriaĂș (Nord) 73,6%26,4%0%
ParedĂŁo (Sud) 79,1%2,8%18,1%
Trombetas (Nord) 62%27%11%
Valongo (Sud) 97,3%2,7%0%
MimbĂł (Nordeste) 61%17%22%
SĂ­tio Velho (Nordeste) 72%12%16%

Groupes ethniques

Femme africaine bantoue avec son enfant Ă  Recife, capitainerie de Pernambouc. Huile sur toile d’Albert Eckhout (XVIIe siĂšcle). La majoritĂ© des Africains amenĂ©s au BrĂ©sil est d’origine bantoue.

Les Portugais classaient les diffĂ©rentes ethnies africaines de maniĂšre gĂ©nĂ©rique, sans Ă©gard aux particularitĂ©s des sous-groupes de chaque catĂ©gorie. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les esclaves Ă©taient identifiĂ©s en fonction de la rĂ©gion oĂč se trouvait le port d’embarcation. Il s’ensuit qu’une catĂ©gorie considĂ©rĂ©e comme homogĂšne par les Portugais pouvait en fait englober plusieurs ethnies distinctes.

Sommairement, on peut classifier les cultures africaines transplantées au Brésil en trois grands groupes[6] - [102] - [103] :

Ces Ouest-Africains, originaires de la dĂ©nommĂ©e cĂŽte d’Elmina, surtout de l’actuel NigĂ©ria et du BĂ©nin, Ă©taient collectivement dĂ©signĂ©s par « Minas » ou « Soudanais », bien que dans ce groupe gĂ©nĂ©rique fussent inclus diffĂ©rentes ethnies distinctes, comme les Yorubas, Ewes, Fantis et Ashantis, Gas et Tchis (« Minas »), MalĂȘs (islamisĂ©s), Haoussas, Kanouris, Nupes, Gourounsis, Peuls et Mandingues. Nombre d’esclaves obtenus sur la cĂŽte d’Elmine Ă©taient des adeptes de la religion islamique, et quelques-uns parmi eux savaient lire et Ă©crire en arabe, fait inhabituel dans le BrĂ©sil colonial, oĂč la majoritĂ© de la population, Ă©lites comprises, Ă©tait analphabĂšte. L’influence de ces esclaves Ă©tait visible, en particulier Ă  Salvador, notamment dans les tenues vestimentaires des Bahianais, avec le caractĂ©ristique turban musulman, les robes longues et amples, les chĂąles et les fichus Ă  rayures bariolĂ©es[104].

Un autre groupe important arrivĂ© en grand nombre au BrĂ©sil Ă©tait les Bantous, pour la plupart originaires d’Angola ; toutefois ce groupe incluait aussi des esclaves de rĂ©gions plus Ă©loignĂ©es, comme le Mozambique.

Bantous

Les Bantous sont les descendants d’un groupe ethnolinguistique qui Ă  une date relativement rĂ©cente s’est rapidement propagĂ© Ă  partir de l’actuelle rĂ©gion du Cameroun en direction du sud, atteignant le littoral tant occidental qu’oriental de l’Afrique. Comme cette expansion est rĂ©cente, les diffĂ©rentes nations bantoues ont en commun un grand nombre de caractĂ©ristiques ethno-culturelles, linguistiques et gĂ©nĂ©tiques, en dĂ©pit de la vaste Ă©tendue sur laquelle ils se sont rĂ©pandus[105]. Les Bantous amenĂ©s au BrĂ©sil venaient des rĂ©gions qui forment actuellement les États d’Angola, de la RĂ©publique du Congo, de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, du Mozambique et, dans une moindre mesure, de la Tanzanie ; ils appartenaient Ă  l’une des subdivisions ethniques utilisĂ©es par les nĂ©griers, Ă  savoir les Cassangas, les Benguelas, les Ibindas, les Dembos, les Rebolos, les Angicos, les Makuas, etc., et constituaient la majeure partie des esclaves conduits vers les provinces de Rio de Janeiro, de Minas Gerais et vers la zone forestiĂšre (mata) du littoral nordestin[47] - [50] - [52].

Ouest-Africains

Les Ouest-Africains provenaient d’une vaste rĂ©gion cĂŽtiĂšre s’étendant du SĂ©nĂ©gal jusqu’au Nigeria, en plus de l’arriĂšre-pays adjacent. On dĂ©signait par Soudan toute la bande de terre qui, limitrophe du Sahel, s’étire dans un sens est-ouest en traversant l’Afrique de part en part, de sorte que les esclaves d’origine ouest-africaine Ă©taient souvent dĂ©nommĂ©s Soudanais ‒ ce qui peut prĂȘter Ă  confusion et porter Ă  les assimiler aux habitants de l’actuel État du Soudan, dont pourtant la population n’a jamais servi de gisement d’esclaves Ă  destination des AmĂ©riques. Au surplus, seule une partie des esclaves d’origine ouest-africaine venaient du Soudan au sens large. Les natifs d’Afrique de l’ouest, appelĂ©s Ă  l’époque « noirs de GuinĂ©e », furent les premiers esclaves Ă  ĂȘtre emportĂ©s vers les AmĂ©riques[50].

L’habillement bahianais trahit l’influence musulmane chez les esclaves ouest-africains[104].

Dans le livre DiĂĄlogos das grandezas do Brasil, de 1610, son auteur probable, AmbrĂłsio Fernandes BrandĂŁo, Ă©voque l’abondance d’« esclaves de la GuinĂ©e » qui existait dans les capitaineries nordestines :

« [...] ce Ă  cause de quoi l’on a crĂ©Ă© dans ce BrĂ©sil une nouvelle GuinĂ©e avec une grande multitude d’esclaves venus de lĂ  oĂč ils se trouvent ; de sorte que, dans quelques-unes des capitaineries, il y en a plus de ceux-lĂ  que de naturels [Indiens] du pays, et tous les hommes qui y vivent ont placĂ© presque toute leur entreprise [fazenda] dans pareille marchandise[106]. »

Les Ouest-Africains Ă©taient originaires principalement des rĂ©gions constituĂ©es des actuels États de CĂŽte d'Ivoire,de la guinĂ©e, du BĂ©nin, du Togo, du Ghana et du Nigeria. La rĂ©gion du golfe du BĂ©nin Ă©tait l’un des principaux lieux d’embarquement d’esclaves, Ă  telle enseigne qu’elle Ă©tait connue sous le nom de cĂŽte des Esclaves. Les Ouest-Africains formaient le plus grand contingent des esclaves transportĂ©s vers la Bahia[47]. Ils appartenaient Ă  diffĂ©rents groupes ethniques que la traite divisait schĂ©matiquement en :

  • NagĂŽs : ceux qui parlaient ou comprenaient la langue des Yoruba, ce qui englobait des ethnies comme les KĂ©tous, les Egbas, les Egbados, les SavĂšs, etc. ;
  • Ewes : cette catĂ©gorie comprenait une sĂ©rie d’ethnies, parmi lesquelles les Fons, les Ashantis, les Ewes, les Fantis, les Minas et d’autres moins importantes, comme les Krous, Agnis, Nzemas, Timinis, etc.

Les « MalĂȘs » Ă©taient des esclaves d’origine ouest-africaine, locuteurs dans la plupart des cas de la langue haoussa, et adeptes de la religion islamique. Beaucoup parmi eux parlaient et Ă©crivaient en arabe, ou usaient de caractĂšres arabes pour transcrire le haoussa[104]. Outre les Haoussas, les autres ethnies islamisĂ©es dont des membres ont Ă©tĂ© emmenĂ©s comme esclaves au BrĂ©sil Ă©taient les Mandingues, les Peuls, les Tapas, Bornos, les Gourounsis, etc. Mais il y eut encore d’autres Ouest-Africains, issus d’autres ethnies que celles dĂ©jĂ  mentionnĂ©es, comme les Mahis, les Savalous, et plusieurs autres groupes mineurs.

DĂ©mographie

États selon le pourcentage de noirs en 2009
EntrĂ©e d’esclaves africains au BrĂ©sil(IBGE)
PĂ©riode1500-17001701-17601761-18291830-1855
Quantidade510.000958.0001.720.000718.000

Pendant la pĂ©riode coloniale et impĂ©riale, des noirs en grand nombre furent transportĂ©s comme esclaves vers le BrĂ©sil et constituaient une portion importante de la population totale ; toutefois l’accroissement de la population noire fut ensuite relativement restreint en comparaison de l’arrivĂ©e de nouveaux esclaves d’Afrique subsaharienne. Les raisons en sont, premiĂšrement, que les hommes formaient la grande majoritĂ© des esclaves amenĂ©s au BrĂ©sil, le nombre d’hommes Ă©tant jusqu’à huit fois plus Ă©levĂ© que celui des femmes[47] ; deuxiĂšmement, que la mortalitĂ© Ă©tait trĂšs supĂ©rieure chez les esclaves Ă  ce qu’elle Ă©tait dans le reste de la population brĂ©silienne. À certains moments de l’histoire du BrĂ©sil, la hausse de la population esclave Ă©tait due uniquement Ă  l’augmentation de la traite. Il y a lieu de souligner cependant que le nombre d’esclaves qui entraient ne peut ĂȘtre chiffrĂ© avec certitude, car au BrĂ©sil aucun recensement de la population n’a Ă©tĂ© effectuĂ© avant 1872[107]. Ce qui apparaĂźt sĂ»r en revanche, c’est que le nombre d’Africains amenĂ©s au BrĂ©sil Ă©tait important, et que la majoritĂ© de ceux-ci Ă©taient de sexe masculin, avec une espĂ©rance de vie en gĂ©nĂ©ral fort basse. Selon les paroles d’Auguste de Saint-Hilaire : « Une infinitĂ© de nĂšgres mourait sans laisser de descendance »[108]. Quand mĂȘme le chiffre de la population entiĂšre du BrĂ©sil, estimĂ© Ă  4 millions autour de 1823, englobant tous les segments de la population (blancs, bruns et mĂ©tis en gĂ©nĂ©ral, Africains libres et esclaves, et Indiens), rend compte du nombre total d’Africains qui, d’aprĂšs certains, seraient venus au BrĂ©sil durant toute la pĂ©riode coloniale, il n’est pas possible pour autant de dire que le nombre d’Africains amenĂ©s corresponde Ă  celui qui contribua effectivement Ă  la croissance dĂ©mographique du pays[109].

La population noire s’accrut vigoureusement avec l’amĂ©lioration du traitement rĂ©servĂ© aux esclaves consĂ©cutive Ă  la loi EusĂ©bio de QueirĂłs de 1850, qui mit fin Ă  la traite. Dans le premier recensement jamais effectuĂ© au BrĂ©sil de la couleur de peau de la population, en 1872, les rĂ©sultats Ă©taient les suivants : 4 188 737 bruns (pardos), 3 787 289 blancs, et 1 954 452 noirs, les noirs formant ainsi le troisiĂšme groupe par taille d’effectifs, comme il l’est du reste encore aujourd’hui. Lors d’un deuxiĂšme recensement, accompli en 1890, on releva une timide augmentation de la population noire, ainsi que le montrent les rĂ©sultats suivants : 6 302 198 blancs, 5 934 291 bruns, et 2 097 426 noirs, rĂ©sultats desquels il ressort que si certes les noirs continuaient d’ĂȘtre le troisiĂšme groupe au sein de la population brĂ©silienne Ă  cette Ă©poque, ils n’avaient toutefois pas connu la mĂȘme hausse d’effectifs que les blancs et les bruns entre 1872 et 1890[110] - [111].

Évolution en nombres absolus de la population de chaque couleur.
Évolution en % par rapport à la population totale.

Les esclaves masculins, jeunes, plus forts et plus sains, Ă©taient les plus prisĂ©s, et les bateaux nĂ©griers embarquaient plus d’hommes que de femmes. Il en rĂ©sulta un grand dĂ©sĂ©quilibre dĂ©mographique entre hommes et femmes dans la population des esclaves, les hommes en effet constituant 73,7 % et les femmes seulement 26,3 % de la population esclave dans la pĂ©riode 1837-1840. De surcroĂźt, les maĂźtres d’esclaves ne se souciaient pas de la reproduction naturelle de leurs effectifs d’esclaves, vu qu’il Ă©tait plus avantageux d’acheter des esclaves fraĂźchement acheminĂ©s par le trafic international que de rĂ©gler les dĂ©penses d’alimentation des enfants[112].

Les facteurs ayant concouru Ă  la brusque diminution du nombre relatif des noirs sont de diverse nature. PremiĂšrement, il y eut une forte immigration europĂ©enne vers le BrĂ©sil dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle et la premiĂšre moitiĂ© du XXe. DeuxiĂšmement, la mortalitĂ© Ă©tait bien plus Ă©levĂ©e chez les noirs, qui de façon gĂ©nĂ©rale n’avaient pas accĂšs Ă  une bonne alimentation, Ă  l’hygiĂšne de base et aux soins de santĂ©.

Se référant à la baisse de la proportion de noirs dans la population brésilienne, João Batista de Lacerda, seul Latino-Américain à présenter un rapport lors du 1er CongrÚs universel des Races à Londres en 1911, observa :

« Au BrĂ©sil, l’on a dĂ©jĂ  vu des enfants de mĂ©tis (mulĂątres, bruns) prĂ©senter, dans la troisiĂšme gĂ©nĂ©ration, tous les caractĂšres physiques de la race blanche [...]. Quelques-uns gardent quelques rares traces de leur ascendance noire sous l’effet de l’atavisme [...], mais l’influence de la sĂ©lection sexuelle [...] tend Ă  neutraliser celle de l’atavisme, et Ă  retirer aux descendants des mĂ©tis toutes les traces de la race noire [...]. Sous l’effet de ce processus de rĂ©duction ethnique, il est logique de s’attendre Ă  ce que dans guĂšre plus d’un siĂšcle, les mĂ©tis aient disparu du BrĂ©sil. Cela coĂŻncidera avec l’extinction parallĂšle de la race noire parmi nous. »

Pour les autoritĂ©s brĂ©siliennes, la politique d’immigration menĂ©e au XXe siĂšcle ne visait pas seulement Ă  faire mettre en valeur des terres inexploitĂ©es, Ă  se procurer de la main-d’Ɠuvre et Ă  dĂ©velopper le BrĂ©sil, mais aussi Ă  « civiliser » et Ă  « blanchir » (embranquecer) le pays avec des populations europĂ©ennes. Le dĂ©cret no 528 de 1890, signĂ© par le prĂ©sident Deodoro da Fonseca et par le ministre de l’Agriculture Francisco GlicĂ©rio, disposait que l’entrĂ©e d’immigrants d’Afrique et d’Asie ne serait permise que moyennant l’autorisation du CongrĂšs national. Le mĂȘme dĂ©cret n’imposait aucune restriction Ă  l’immigration d’EuropĂ©ens, voire l’encourageait. Jusqu’à sa rĂ©vocation en 1907, ledit dĂ©cret prohibait en pratique l’immigration d’Africains et d’Asiatiques vers le BrĂ©sil[113]. Nonobstant qu’on l’on eĂ»t, Ă  divers moments historiques, besoin de beaucoup de main-d’Ɠuvre peu qualifiĂ©e, nul ne songea, aprĂšs que la loi EusĂ©bio de QueirĂłs eut mis un terme Ă  la traite, Ă  faire venir d’Afrique des immigrants libres.

La famille esclave

Pendant de longues annĂ©es, historiens et anthropologues ont soutenu qu’au BrĂ©sil les esclaves ne fondaient pas de famille. Florestan Fernandes p.ex. affirmait que les esclaves ne reconnaissaient aucune rĂšgle — leur prĂ©sumĂ©e « anomie » —, ne ressentaient aucune solidaritĂ© entre eux, et que la famille — non seulement la famille comme lignage, mais aussi la famille conjugale et nuclĂ©aire, avec le pĂšre prĂ©sent dans le quotidien —, n’a chez eux en pratique jamais existĂ©[114]. Pour ces auteurs, l’union entre noirs n’était que passagĂšre, ne donnant lieu qu’à des enfants illĂ©gitimes, et les liens de parentĂ© et la vie de famille Ă©taient dĂ©truits par la vente, par les obstacles posĂ©s par les maĂźtres Ă  la formation de familles chez les esclaves, et par le commerce intĂ©rieur qui dĂ©mantelait ces unions. Les rares familles existantes Ă©taient centrĂ©es sur la mĂšre, et presque toujours les enfants Ă©taient Ă©levĂ©s sans la prĂ©sence du pĂšre[115].

MĂšre et fille noires au XIXe siĂšcle. Les liens familiaux avaient une grande importance dans la vie des esclaves.

Des Ă©tudes plus rĂ©centes ont cependant rĂ©futĂ© ces reprĂ©sentations. Au rebours des premiĂšres, les nouvelles recherches ont dĂ©montrĂ© que dans les rĂ©gions de plantation du sud-est du BrĂ©sil, le nombre des mariages, conclus Ă  l’église, Ă©tait Ă©levĂ© chez les esclaves. Elles ont Ă©galement mis au jour une stabilitĂ© impressionnante de ces familles, et qu’il y avait entre les parents et leurs enfants une cohabitation rapprochĂ©e. Dans les grandes propriĂ©tĂ©s anciennes en particulier, cette stabilitĂ© apparaissait avec Ă©vidence dans les diffĂ©rentes familles Ă©tendues examinĂ©es, lesquelles comprenaient des membres de trois gĂ©nĂ©rations vivant ensemble avec leurs frĂšres et sƓurs adultes et avec leurs enfants respectifs. C’est lĂ  tout du moins le tableau de la situation telle qu’elle prĂ©valait dans l’ouest de l’État de SĂŁo Paulo et dans la VallĂ©e du ParaĂ­ba au XIXe siĂšcle[116].

Il y avait toutefois des disparitĂ©s rĂ©gionales. Dans la Bahia, tant au XVIIIe qu’au XIXe siĂšcles, les taux d’illĂ©gitimitĂ© Ă©taient des plus Ă©levĂ©s, rĂ©vĂ©lant un dĂ©faut de mariages formels entre esclaves, et quelques paroisses n’arrivaient mĂȘme pas Ă  enregistrer ne serait-ce qu’un seul enfant lĂ©gitime. En revanche, dans la freguesia (paroisse civile) de Campos dos Goitacases, dans l’État de Rio de Janeiro au XVIIIe siĂšcle, le taux de lĂ©gitimitĂ© chez les enfants nĂ©s d’esclaves Ă©tait fort haut, s’élevant Ă  la moitiĂ© du total des naissances, et montant mĂȘme Ă  86 % dans quelques freguesias. Si ces diffĂ©rences rĂ©gionales restent inexpliquĂ©es, l’on observe nĂ©anmoins que les niveaux d’assimilation culturelle variaient d’une ethnie africaine Ă  l’autre. Dans le sud-est du BrĂ©sil, la majoritĂ© des esclaves Ă©tait bantoue, ethnie rĂ©putĂ©e plus facilement assimilable Ă  la tradition catholique (encore que ceci ait Ă©tĂ© mis en doute), tandis que dans le Nordeste, et en particulier dans la Bahia, la plupart des esclaves Ă©taient nagĂŽ, et Salvador fut le thĂ©Ăątre de plusieurs rĂ©voltes esclaves jamais observĂ©es ailleurs au BrĂ©sil. Cela pourrait indiquer que le NagĂŽ Ă©tait moins disposĂ© Ă  accepter les rĂšgles de la vie familiale telles que prescrites par le catholicisme[117].

Quoi qu’il en soit, rien ne permet d’affirmer que les esclaves Ă©taient anomiques. MĂȘme dans les rĂ©gions oĂč prĂ©dominait la formation de familles selon les normes catholiques, il y avait d’autres maniĂšres dont les esclaves pouvaient tisser des liens familiaux, comme le remplacement des parents biologiques par d’autres parents, ou encore l’inclusion de non parents afin de combler les vides dans la famille Ă©tendue[118]. Du reste, de façon gĂ©nĂ©rale, les mariages formels Ă©taient peu frĂ©quents dans le BrĂ©sil colonial, y compris entre personnes libres, qu’elles soient blanches ou d’ascendance africaine. En 1805, dans la comarque de SabarĂĄ, dans le Minas Gerais, seuls 29,7 % des blancs, 24,5 % des mulĂątres et 21,4 % des noirs avaient fait consacrer leur union par l’Église[115].

Selon Florestan Fernandes, les maĂźtres dĂ©truisaient les familles esclaves afin de pĂ©renniser l’esclavage, et crĂ©aient Ă  la place des esclaves anomiques, sans unitĂ© et sans pouvoir d’organisation. À l’opposĂ© de cette vision, les historiens Manolo Florentino et JosĂ© R. GĂłes soutiennent que les maĂźtres au contraire incitaient Ă  la constitution de familles chez leurs esclaves, raisonnant que la crĂ©ation de tels liens affectifs prĂ©venaient les rĂ©voltes internes et assuraient ainsi la paix dans les cases-nĂšgres[118].

Hebe Maria Mattos affirme qu’au BrĂ©sil, la fondation de ces familles n’a pas eu pour effet de faire naĂźtre une identitĂ© particuliĂšre, noire et esclave, en opposition Ă  une identitĂ© blanche et libre, comme cela s’est produit aux États-Unis. La famille, bien que noyau fondamental dans la vie des captifs, n’a pas conduit Ă  construire une identitĂ© raciale, mais une identitĂ© qui tendait Ă  rapprocher les esclaves des hommes libres pauvres[119].

MĂ©tissage

Le processus de mĂ©tissage entre Africains, EuropĂ©ens et IndigĂšnes a Ă©tĂ© fondamental dans la formation de la population brĂ©silienne. Le phĂ©nomĂšne n’a pas pour autant dĂ©bouchĂ© sur une dĂ©mocratie raciale, comme l’ont postulĂ© certains auteurs, Ă©tant donnĂ© que la race, la couleur de peau, l’origine et la classe sociale ont toujours continuĂ© Ă  exercer une influence directe sur les chances de mobilitĂ© sociale des habitants du BrĂ©sil. Quelques auteurs, tels que Gilberto Freyre et SĂ©rgio Buarque de Holanda, ont dĂ©fendu la thĂšse selon laquelle il n’y avait pas chez les Portugais de prĂ©jugĂ©s de race, ou extrĂȘmement peu, circonstance qui expliquerait leur propension au mĂ©lange racial[120]. Plus tard, d’autres chercheurs, comme Charles Ralph Boxer, en dĂ©saccord avec cette thĂ©orie, pointeront que les Portugais Ă©taient l’un des peuples les plus racistes de leur Ă©poque, dĂ©veloppant en effet, entre les XVIe et XVIIIe siĂšcles, un systĂšme complexe de « puretĂ© de sang » (limpeza de sangue), qui donnait lieu Ă  des exclusions et stigmatisations de toutes sortes Ă  l’encontre de descendants de Juifs, de Maures, d’AmĂ©rindiens, de noirs et d’autres[41] - [121]. Juger si les Portugais Ă©taient pas du tout, peu ou trĂšs racistes dĂ©pendra des diffĂ©rentes interprĂ©tations historiques, par contre la thĂ©orie selon laquelle ils auraient Ă©tĂ© plus enclins Ă  se mĂ©langer avec d’autres races s’effondre dĂšs que l’on s’attache Ă  analyser la situation dans les autres colonies portugaises ; en effet, en Afrique et en Inde, au contraire du BrĂ©sil, aucun mĂ©tissage expressif n’a eu lieu entre Portugais et indigĂšnes[122]. Ce qui ressort de ces constatations est que le processus de mĂ©tissage au BrĂ©sil s’inscrit dans un projet portugais d’occupation et d’exploitation du territoire brĂ©silien, projet dĂ©jĂ  fixĂ© jusqu’à un certain point. Le Portugal ayant des effectifs de population trĂšs rĂ©duits, le pays ne pouvait pas entreprendre la mise en valeur agraire du vaste territoire colonial brĂ©silien avec des colons uniquement de souche portugaise[122]. La Couronne portugaise avait besoin d’une couche intermĂ©diaire de mĂ©tis et d’anciens esclaves noirs et mulĂątres pour mener Ă  bien ses projets Ă©conomiques[17]. Par suite, en dĂ©pit de ce que les exigences de « puretĂ© de sang » eussent virĂ© en une vĂ©ritable obsession au Portugal[41], dans la colonie, face au manque chronique de personnes blanches, surtout de femmes, la Couronne dut souvent clore un Ɠil sur l’origine mĂ©tisse des individus, en particulier de ceux occupant des postes de dĂ©cision dans la sociĂ©tĂ© coloniale. Pour autant, ceci n’attĂ©nuait pas leur infĂ©riorisation ni ne supprimait les grandes difficultĂ©s d’ascension sociale qu’éprouvaient ces mĂȘmes personnes[115].

Exploitation sexuelle

Noire avec turban, photographiée par Alberto Henschel (vers 1870).
Femme noire de la Bahia, photographiée par Marc Ferrez (vers 1885).
Jeune fille mulùtre, photographiée par Albert Henschel (vers 1869).

« Douze ans est la fleur de l’ñge des Africaines. Il y a dans celles-ci de temps Ă  autre un enchantement si grand, que les gens en oublient la couleur [...]. Les petites nĂ©gresses sont gĂ©nĂ©ralement bien fournies et solides, avec des façons dĂ©notant une agrĂ©able amabilitĂ©, et tous leurs mouvements pleins d’une grĂące naturelle, les pieds et mains plastiquement beaux. Des yeux, un feu tellement particulier irradie et le sein brĂ»le d’un tel dĂ©sir ardent, qu’il est difficile de rĂ©sister Ă  de telles sĂ©ductions. »

— Carl Schlichthorst[123].

Si pendant plusieurs siĂšcles, dans le monde occidental, les femmes vivaient, indĂ©pendamment de leur race ou de leur origine, dans une relation de subordination vis-Ă -vis des hommes, leur situation Ă©tait beaucoup moins enviable encore dans les sociĂ©tĂ©s esclavocrates, oĂč les esclaves des deux sexes Ă©taient souvent victimes d’exploitation sexuelle par leurs maĂźtres, que ce soit dans le sens hĂ©tĂ©rosexuel ou homosexuel[24] - [41]. Pour les femmes esclaves, la situation Ă©tait, dans le cas particulier du BrĂ©sil, plus dĂ©gradante encore, en ceci qu’à l’exploitation sexuelle typique du rapport maĂźtre-esclave s’ajoutait la misogynie raciste qui avait pris forme dans la sociĂ©tĂ© coloniale. Les hommes adressaient des paroles grivoises et Ă  sous-entendus sexuels aux femmes noires et mulĂątres, esclaves ou affranchies, alors que galanteries et paroles amoureuses Ă©taient dĂ©volues aux blanches. La femme d’origine africaine, au mĂȘme titre que la femme indigĂšne dans le premier siĂšcle de la colonisation, Ă©tait frĂ©quemment relĂ©guĂ©e au rang d’objet sexuel aux mains des hommes blancs[124].

La beautĂ© des femmes africaines Ă©tait souvent vantĂ©e par les voyageurs europĂ©ens arrivĂ©s au BrĂ©sil, en particulier des femmes esclaves originaires de la cĂŽte d’Elmina, qui avaient la peau plus claire et qui donc, quoique ne cessant pas pour autant d’ĂȘtre exotiques, s’approchaient des canons de beautĂ© ayant cours en Europe[42]. Pourtant, le fait que les colonisateurs portugais se soient sentis attirĂ©s sexuellement par les femmes indigĂšnes, noires ou mulĂątres ne permet pas de conclure sans Ă©quivoque Ă  une absence de prĂ©jugĂ© racial, vu que la plupart de ces relations s’accomplissaient dans un rapport d’inĂ©galitĂ© et comportaient souvent une part de violence et de sadisme[125].

La vision de la femme d’origine africaine, — plus particuliĂšrement de la mulĂątre, ou de façon gĂ©nĂ©rale de toute femme pauvre —, comme objet sexuel dans les mains d’hommes nantis, est une vision qui rĂ©sonne encore dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne jusqu’à l’époque actuelle ; comme le note Darcy Ribeiro, « ce qui caractĂ©rise le Portugais d’autrefois et le BrĂ©silien de la classe dominante d’aujourd’hui est la duplicitĂ© de ses modĂšles de rapports sexuels : l’un, pour ses rapports au sein de son propre milieu social, et un autre, opposĂ©, pour les gens de couches plus pauvres »[6].

NĂ©anmoins, il serait abusif de postuler que l’émergence au BrĂ©sil d’une ample strate de mĂ©tis et de mulĂątres soit seulement le rĂ©sultat de l’exploitation sexuelle des esclaves par leurs maĂźtres. En effet, il y eut Ă©galement des relations consenties, ordinairement des concubinages, dont quelques-unes assez durables, entre hommes blancs et femmes de couleur[42]. Selon l’historien Manolo Florentino, « le mĂ©tissage brĂ©silien a beaucoup plus Ă  voir avec le Portugais pauvre qui interagit matrimonialement et sexuellement avec les femmes noires, qu’avec les hommes de l’élite entretenant des relations sexuelles avec des femmes noires pauvres ou asservies »[126].

Relations amoureuses et concubinages

Dans la sociĂ©tĂ© hiĂ©rarchisĂ©e et d’exclusion qu’était le BrĂ©sil colonial, les inĂ©galitĂ©s sociale, raciale et d’origine entre les partenaires amoureux contrariaient la conclusion de mariages lĂ©gaux. Dans presque tous les cas, l’État portugais faisait obstacle Ă  l’union entre personnes de conditions inĂ©gales, allant mĂȘme jusqu’à engager des procĂ©dures judiciaires pour vĂ©rifier l’origine des candidats au mariage. En consĂ©quence, noirs et mulĂątres n’étaient autorisĂ©s Ă  Ă©pouser que des partenaires d’égale condition. Toutefois, la pĂ©nurie de femmes blanches dans la colonie conduisait nombre d’hommes blancs Ă  avoir une relation amoureuse avec des femmes de couleur. Étant donnĂ© que ces liaisons n’étaient officialisĂ©es par l’Église qu’avec rĂ©ticence, compte tenu de la rigueur de la lĂ©gislation portugaise en la matiĂšre, elles tendaient Ă  se transformer en concubinages, quelques-uns passagers, d’autres durables[42].

Le concubinage avec des hommes blancs, d’une part, comportait des avantages pour les femmes noires et mulĂątres, car par ce moyen elles parvenaient, une fois acquis leur affranchissement, Ă  attĂ©nuer la stigmatisation de l’esclavage et de la couleur de peau, non seulement pour elles-mĂȘmes, mais aussi et surtout pour leur progĂ©niture, mais d’autre part, le statut de concubine la privait des privilĂšges lĂ©gaux inhĂ©rents Ă  la condition d’épouse. En effet, en cas de mariage officiel, la fortune du mari Ă©choyait Ă  la femme, mais non dans le cas d’un concubinage, Ă  moins que la compagne n’eĂ»t Ă©tĂ© dĂ»ment citĂ©e dans le testament, ce qui du reste arrivait frĂ©quemment. Un aspect qui paraissait positif dans le concubinat Ă©tait la possibilitĂ© pour les enfants d’éviter la perpĂ©tuation, dans les documents officiels, des stigmates de couleur et de l’antĂ©rieure condition d’esclave de la mĂšre. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč le lignage Ă©tait survalorisĂ© et oĂč la « marque » de l’esclavage Ă©tait transmise de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, l’occasion offerte d’occulter une origine esclave et noire dans la famille pouvait passer pour avantageuse. Cela participait du processus de « blanchiment » (branqueamento), processus biologique autant que social, dont les anciennes esclaves lĂ©guaient le rĂ©sultat et les bĂ©nĂ©fices Ă  leurs descendants[42].

L’Église catholique tenta comme elle put de rĂ©primer le concubinat, qualifiĂ© de crime. De temps en temps, bourgs et hameaux Ă©taient visitĂ©s par les Ă©vĂȘques, Ă  l’occasion des dĂ©nommĂ©es Visites ecclĂ©siastiques, dans l’intention d’apurer les crimes moraux et de foi commis par les habitants de la colonie. Les rĂ©sidents Ă©taient obligĂ©s de confesser leurs propres fautes et Ă  dĂ©noncer celles des autres. Certains alors avouaient ce qui Ă©tait dĂ©jĂ  public et notoire, quand d’autres mettaient la situation Ă  profit pour se venger de leurs voisins ou de leurs ennemis. Cependant, l’Église ne parvint pas, malgrĂ© ses efforts, Ă  endiguer pour longtemps la prolifĂ©ration des concubinages au BrĂ©sil[42].

Le mĂ©tissage des Africains au BrĂ©sil s’effectua surtout Ă  travers le concubinat impliquant des femmes noires ou mulĂątres et des hommes blancs d’origine portugaise. Dans un relevĂ© des personnes accusĂ©es de concubinage dans la comarque de Rio das Velhas, dans le Minas Gerais, entre 1727 et 1756, les chiffres recensĂ©s font apparaĂźtre que parmi les concubins, 92 % Ă©taient des hommes blancs, et que chez les concubines, 52,1 % Ă©taient africaines, 35,1 % crĂ©oles (noires brĂ©siliennes) ou mĂ©tisses, et seulement 11,8 % Ă©taient blanches. Il y avait donc une nette prĂ©dominance du concubinat impliquant un homme blanc (92 %) et une femme noire ou mulĂątre (87,2 %)[127]. Pendant longtemps, l’historiographie a voulu associer la pratique rĂ©pandue du concubinage dans le BrĂ©sil colonial avec l’amoralitĂ©, avec la condition d’extrĂȘme pauvretĂ© des personnes concernĂ©es et donc l’insuffisance de ressources pour rĂ©aliser un mariage lĂ©gal, avec la faible disponibilitĂ© de femmes blanches etc. Ces explications omettaient de prendre en considĂ©ration l’influence des cultures africaine et indigĂšne dans ce contexte. Les femmes africaines et leurs descendants crĂ©oles, bruns et mulĂątres ont des conceptions culturelles diffĂ©rentes des EuropĂ©ens. Pour beaucoup de ces femmes, rester cĂ©libataire ne reprĂ©sentait pas une dĂ©chĂ©ance, mais une vertu[127]. Le mariage catholique Ă  l’église, tant valorisĂ© dans la culture portugaise, n’était pas encore une prioritĂ© pour les femmes d’origine africaine dans le BrĂ©sil colonial. Ce n’est que plus tard qu’il y eut une valorisation gĂ©nĂ©rale du mariage au BrĂ©sil, et que les femmes non mariĂ©es allaient ĂȘtre stigmatisĂ©es, par suite de l’importation de la culture portugaise, avec la diffusion d’élĂ©ments culturels tels que notamment la dĂ©votion Ă  saint Antoine, patron du mariage[124]. Au XIIIe siĂšcle, l’Église catholique s’efforça, Ă  coups de rĂ©pression, d’instituer le mariage monogame en Europe, par un processus ardu de mise aux normes des comportements. Au BrĂ©sil, ce processus ne se concrĂ©tisa qu’à partir de la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe siĂšcle, dans le sillage du transfert de la cour portugaise vers le BrĂ©sil en 1807. Auparavant, des modes hĂ©tĂ©rodoxes d’organisation familiale avaient prolifĂ©rĂ© au BrĂ©sil, avec une prĂ©dominance du concubinat et des liaisons temporaires. En outre, le rĂŽle de la femme Ă©tait au BrĂ©sil plus dynamique que ce Ă  quoi les Portugais s’attendaient, Ă  partir des reprĂ©sentations catholiques de la femme effacĂ©e et dĂ©vote, que l’on tenta Ă  prĂ©sent d’imposer aussi dans la colonie[42]. Ce n’est qu’au XIXe siĂšcle, au prix d’une forte rĂ©pression sexuelle, que notamment l’idĂ©e que l’activitĂ© sexuelle ne devait servir qu’à la reproduction s’implanta au BrĂ©sil, pendant que le mariage devenait la norme Ă  suivre[124].

ConsidĂ©rĂ© par beaucoup comme la plus grande figure de la littĂ©rature brĂ©silienne[128] - [129] - [130], Machado de Assis Ă©tait le fils d’un pĂšre mulĂątre et d’une mĂšre portugaise.

Dans l’opinion de beaucoup de femmes d’origine africaine dans le BrĂ©sil colonial, le concubinat ne restreignait pas la libertĂ© des femmes comme le faisait le mariage, et pouvait en outre constituer une ascension sociale, dans la mesure oĂč nombre de femmes esclaves Ă©taient susceptibles d’obtenir la libertĂ© aprĂšs s’ĂȘtre unies Ă  des hommes blancs. Ceux-ci avaient coutume de lĂ©guer des biens aux enfants qu’ils avaient conçus avec la concubine. Les femmes d’origine africaine pouvaient entretenir des relations endogames, polygames ou monogames, en jouant elles-mĂȘmes un rĂŽle central dans ces diffĂ©rentes structures. Les anciennes esclaves, aprĂšs avoir acquis la libertĂ©, Ă©chouaient souvent dans la pauvretĂ©, car ne connaissant aucun mĂ©tier, et subissant en outre le prĂ©jugĂ© contre les femmes de couleur et contre les ci-devant esclaves. Quelques femmes affranchies vivaient dans des situations plus dĂ©gradantes que certaines esclaves, p. ex. en tant que domestiques. D’autres au contraire rĂ©ussissaient Ă  s’intĂ©grer sur le marchĂ© du travail, Ă  s’élever dans la sociĂ©tĂ© et Ă  accumuler des richesses. Celles-lĂ  vivaient seules, se procuraient Ă  leur tour des esclaves, et vaquaient Ă  des activitĂ©s Ă©conomiques. Il existe plusieurs exemples de femmes noires et brunes affranchies qui, pendant la pĂ©riode coloniale, menaient un train de vie Ă©quivalent Ă  celui de l’élite, en particulier dans le Minas Gerais, oĂč l’ascension sociale Ă©tait plus souple. Elles jouissaient de la libertĂ© de dĂ©cider de leur propre avenir, au rebours de la situation de soumission de beaucoup de femmes blanches, qui aprĂšs avoir vĂ©cu sous le joug de leurs parents, devaient par la suite se soumettre Ă  un mari, venant Ă  vivre quasiment cloĂźtrĂ©es dans leur logis. La figure sans doute la plus emblĂ©matique de l’ascension sociale des femmes d’origine africaine dans le BrĂ©sil colonial est Chica da Silva, mais nombre d’autres femmes affranchies anonymes surent rĂ©aliser une ascension sociale similaire[42].

DĂšs la fin du XIXe siĂšcle, le mĂ©tissage entre noirs brĂ©siliens et immigrants italiens n’était pas rare, selon ce que nota, dans un esprit empreint de prĂ©jugĂ©s, un membre du commissariat gĂ©nĂ©ral Ă  l’Émigration (CGE) : « La dĂ©gradation ne s’arrĂȘte pas mĂȘme devant la distinction de race : les mariages d’Italiens avec des noires ne sont pas inhabituels, ou ce qui est pire encore, de femmes italiennes avec des noirs ». Cependant, les mariages restaient l’exception, la majoritĂ© de ces relations relevant en effet du concubinat, ce qui laissait ouverte la possibilitĂ© d’un retour de l’immigrant vers l’Italie et reflĂ©tait sans doute aussi un prĂ©jugĂ© de couleur chez ces Italiens, qui n’assumaient pas formellement leurs liaisons avec des BrĂ©siliennes Ă  la peau plus sombre[131].

Le métissage dans la décennie 2010

Les donnĂ©es de l’IBGE tendent Ă  dĂ©construire le mythe de l’harmonie raciale brĂ©silienne. Selon le recensement de 2010, 70 % des BrĂ©siliens Ă©pousent des partenaires de la mĂȘme race ou de la mĂȘme couleur de peau (si la race n’avait aucune incidence sur le choix des Ă©poux, cet indice s’élĂšverait Ă  50 %). Toujours selon cette Ă©tude, la couleur de peau est un des facteurs que les BrĂ©siliens prennent en considĂ©ration Ă  l’heure d’élire leur partenaire, en plus du revenu et du niveau d’instruction. Le fait que les noirs et les bruns (pardos) appartiennent Ă  des classes de revenu infĂ©rieurs et ont un niveau d’études plus faible contribue Ă  la racialisation des mariages. Les donnĂ©es indiquent que 75,3 % des hommes blancs Ă©pousent des femmes blanches, que 69 % des bruns se marient entre eux, ainsi que 65,4 % des indigĂšnes, 44,2 % des jaunes et 39,9 % des noirs[132] - [133].

Influence culturelle

MusĂ©e de l’Abolition. Centre de rĂ©fĂ©rence de la culture afro-brĂ©silienne, Ă  Recife.
Musée Afro Brasil de São Paulo.

« Les cultures afro-amĂ©ricaines sont loin d'ĂȘtre mortes, elles rayonnent au contraire et s'imposent aux Blancs. Elles pourront demain, dans un monde sans cesse changeant, donner encore de nouvelles floraisons et nourrir, de leur miel ou de leurs piments, de nouvelles promesses de fruits[134]. »

Le terme culture afro-brĂ©silienne recouvre l’ensemble des manifestations culturelles brĂ©siliennes qui Ă  quelque degrĂ© dĂ©notent l’influence de la culture africaine, depuis l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui.

Les Africains au BrĂ©sil n’ont su prĂ©server qu’une menue portion de leur hĂ©ritage africain. NĂ©anmoins, pour petite qu’elle soit, cette portion d’hĂ©ritage africain, ajoutĂ© Ă  celui indigĂšne, a donnĂ© au BrĂ©sil une physionomie singuliĂšre. Les noirs amenĂ©s comme esclaves avaient Ă©tĂ© capturĂ©s au hasard, prĂ©levĂ©s dans des centaines de tribus diffĂ©rents, et parlaient des langues et dialectes ne permettant pas l’intercomprĂ©hension. Le fait que tous Ă©taient noirs n’implique pas qu’il y ait eu une unitĂ© linguistico-culturelle au moment de leur mise en esclavage. La religion elle-mĂȘme, qui Ă  l’heure actuelle sert de trait-d’union entre les Afro-BrĂ©siliens, agissait Ă  l’époque de l’esclavage, en raison de la diversitĂ© des croyances, comme un facteur de dĂ©sunion. La diversitĂ© linguistique et culturelle des esclaves, conjuguĂ©e Ă  l’hostilitĂ© entre les diffĂ©rentes tribus et Ă  la politique dĂ©libĂ©rĂ©e d’éviter que des esclaves de la mĂȘme ethnie pussent se retrouver concentrĂ©s dans une mĂȘme propriĂ©tĂ©, interdisait la formation de noyaux solidaires aptes Ă  sauvegarder le patrimoine culturel africain[6].

Le culture brĂ©silienne a Ă©tĂ© influencĂ©e par la culture africaine, surtout dans les zones oĂč il y avait une forte concentration de noirs, Ă  savoir dans le Nordeste sucrier et dans les rĂ©gions miniĂšres du centre du pays. Cependant, une fois intĂ©grĂ©s dans leur nouvelle sociĂ©tĂ©, les esclaves ne tarderont pas Ă  s’acculturer. En fait, tandis qu’aucun idiome africain n’a survĂ©cu sur le territoire brĂ©silien, les noirs, ironiquement, ont jouĂ© un rĂŽle crucial dans la « lusophonisation » (aportuguesamento) du BrĂ©sil et dans la propagation de la langue portugaise. Ils ont figurĂ© comme agents d’europĂ©anisation, diffusant la langue du colonisateur, enseignant aux esclaves fraĂźchement arrivĂ©s le nouvel idiome et les acculturant Ă  leur nouveau milieu. Ainsi l’esclave basculait du statut de noir « rustre » (negro boçal), rĂ©cemment dĂ©barquĂ© d’Afrique, incapable encore de parler le portugais ou ne le parlant que de façon rudimentaire, sans toutefois que cela l’empĂȘchĂąt d’accomplir les tĂąches les plus lourdes, vers le statut de noir « dĂ©gourdi » (negro ladino), dĂ©sormais adoptĂ© et mieux intĂ©grĂ© dans la nouvelle culture[6].

Bien que n’ayant pas rĂ©ussi Ă  prĂ©server une partie importante de leur hĂ©ritage culturel, les Africains exercĂšrent, pourvu qu’ils y fussent suffisamment concentrĂ©s en nombre, une influence sur tout leur entourage culturel d’adoption, dĂ©teignant en particulier sur le portugais tel que parlĂ© au BrĂ©sil. À titre d’exemple, le catholicisme brĂ©silien adopta des caractĂ©ristiques populaires qui s’écartaient davantage de la norme que n’importe laquelle des hĂ©rĂ©sies pourtant durement persĂ©cutĂ©es au Portugal. L’empreinte africaine a persistĂ© plus particuliĂšrement sur le plan des mentalitĂ©s, dans les croyances religieuses et les pratiques de magie, dans les rĂ©miniscences rythmiques et musicales, et dans les goĂ»ts culinaires des BrĂ©siliens[6].

Une des consĂ©quences de la traite a Ă©tĂ© d’établir des contacts entre des Ă©lĂ©ments auparavant Ă©loignĂ©s gĂ©ographiquement les uns des autres, et de provoquer la cohabitation de personnes de diffĂ©rentes origines ainsi que leur mĂ©tissage, non seulement biologique, mais aussi culturel. AprĂšs leur arrivĂ©e au BrĂ©sil, les Africains devaient, en principe, faire leur un mode de vie calquĂ© sur celui de leurs maĂźtres. Cependant, si les esclaves s’europĂ©anisaient au contact de leur maĂźtre, celui-ci, par un retour de balancier, tendait Ă  s’africaniser au contact de ses esclaves[135].

La capoeira est un art brésilien créé par les noirs. On admet que cette expression culturelle a surgi dans le quilombo dos Palmares, dans ce qui était alors la capitainerie de Pernambouc[136].

La province de Bahia en particulier s’africanisait, le noir Ă©tant en effet partout prĂ©sent, traĂźnant partout avec lui sa culture, ses coutumes, son subconscient. MĂȘme Ă  son insu, et sans en avoir l’intention, ce que le noir vĂ©hiculait et exprimait s’infusait dans la nouvelle sociĂ©tĂ© oĂč il avait Ă©tĂ© placĂ© de force. La sociĂ©tĂ© brĂ©silienne, ordonnĂ©e conformĂ©ment aux normes portugaises, ne s’imaginait pas qu’une telle influence fĂ»t seulement possible. Pourtant, elle se fit sentir, lentement et discrĂštement, d’autant plus efficacement qu’elle n’avait aucun caractĂšre dĂ©libĂ©rĂ©, ce qui Ă  cette Ă©poque eĂ»t provoquĂ© une vive opposition[137].

Évolution historique

De façon gĂ©nĂ©rale, aussi bien Ă  l’époque coloniale que durant le XIXe siĂšcle, la matrice culturelle d’origine europĂ©enne resta la plus valorisĂ©e au BrĂ©sil, Ă  telle enseigne que les manifestations culturelles afro-brĂ©siliennes Ă©taient souvent dĂ©prĂ©ciĂ©es, dĂ©couragĂ©es, et jusqu’à interdites ; ainsi par exemple, les religions afro-brĂ©siliennes et l’art martial de la capoeira ont-ils frĂ©quemment Ă©tĂ© persecutĂ©s par les autoritĂ©s. Inversement, quelques manifestations folkloriques, telles que las congadas et le maracatu, de mĂȘme que des expressions musicales comme le lundu, Ă©taient tolĂ©rĂ©es, voire stimulĂ©es.

Cependant, Ă  partir du milieu du XXe siĂšcle, les expressions culturelles afro-brĂ©siliennes commencĂšrent Ă  ĂȘtre graduellement mieux acceptĂ©es et apprĂ©ciĂ©es par les Ă©lites brĂ©siliennes comme expressions artistiques authentiquement nationales, et seront bientĂŽt admises chacune dans toutes les manifestations culturelles. La samba fut l’une des premiĂšres expressions de la culture afro-brĂ©silienne Ă  ĂȘtre rĂ©habilitĂ©es, au moment oĂč elle occupait dĂ©jĂ  une place de premier plan dans la musique populaire, au dĂ©but du XXe siĂšcle.

Par la suite, le gouvernement dictatorial de l’Estado Novo de GetĂșlio Vargas mit en place des politiques de stimulation culturelle nationale, dans le cadre desquelles la culture afro-brĂ©silienne jouissait de l’aval officiel. Par exemple, les dĂ©filĂ©s d’écoles de samba reçurent Ă  cette Ă©poque la caution gouvernementale Ă  travers l’Union gĂ©nĂ©rale des Ă©coles de Samba du BrĂ©sil (en port. UniĂŁo Geral das Escolas de Samba do Brasil), fondĂ©e en 1934. D’autres expression culturelles afro-brĂ©siliennes suivirent la mĂȘme voie : en 1953, la capoeira, considĂ©rĂ©e jusque-lĂ  comme propre aux bandits et aux marginaux, fut prĂ©sentĂ©e par Mestre Bimba au prĂ©sident Vargas, qui la qualifia alors de « seul sport vĂ©ritablement national ».

À partir des annĂ©es 1950, les persĂ©cutions Ă  l’encontre des religions afro-brĂ©siliennes se relĂąchĂšrent et l’umbanda commença mĂȘme Ă  ĂȘtre professĂ©e par une partie de la classe moyenne carioca[138]. Dans la dĂ©cennie suivante, des membres de l’élite intellectuelle blanche se mettaient Ă  adhĂ©rer aux religions afro-brĂ©siliennes.

En 2003 fut promulguĂ©e la loi no 10.639 modifiant la loi des Directives et Bases de l’enseignement (lei de Diretrizes e Bases da Educação, en abrĂ©gĂ© LDB) et faisant obligation aux Ă©coles brĂ©siliennes d’inclure dans leurs cursus scolaires primaire et moyen l’enseignement de l’histoire et de la culture afro-brĂ©siliennes.

Études afro-brĂ©siliennes

L’intĂ©rĂȘt pour la culture afro-brĂ©silienne s’est traduit par une abondance d’études qui lui ont Ă©tĂ© consacrĂ©es, notamment dans le champ de la sociologie, de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la musicologie et de la linguistique, Ă©tudes axĂ©es sur l’expression et l’évolution historique de la culture afro-brĂ©silienne[139].

Un grand nombre de chercheurs brĂ©siliens, comme l’avocat Edison Carneiro, le mĂ©decin lĂ©giste Nina Rodrigues, l’écrivain Jorge Amado, le poĂšte et Ă©crivain mineiro AntĂŽnio Olinto, l’écrivain et journaliste JoĂŁo Ubaldo, l’anthropologue et musicologue Raul Lody, entre autres, en plus d’étrangers comme le sociologue français Roger Bastide, le photographe Pierre Verger, la chercheuse amĂ©ricaine en ethnologie Ruth Landes, le peintre argentin CarybĂ©, s’attachĂšrent Ă  recueillir des donnĂ©es sur la culture afro-brĂ©silienne, qui jusqu’alors n’avait pas encore Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e en dĂ©tail[140]. Quelques-uns s’infiltrĂšrent dans les religions afro-brĂ©siliennes, comme notamment JoĂŁo do Rio, dans ce dessein ; d’autres furent conviĂ©s Ă  faire partie du candomblĂ© Ă  titre de membres effectifs, se voyant octroyer des fonctions honorifiques comme ObĂĄ de XangĂŽ dans le IlĂȘ AxĂ© OpĂŽ AfonjĂĄ et d’Ogan dans la Casa Branca do Engenho Velho, sur le Terreiro do Gantois Ă  Salvador, et contribuĂšrent financiĂšrement Ă  prĂ©server ces terreiros.

Beaucoup de religieux entreprirent d’écrire l’histoire des religions afro-brĂ©siliennes et, souvent peu versĂ©s en littĂ©rature, se laissĂšrent assister dans cette tĂąche par des universitaires sympathisants ou des membres des candomblĂ©s. D’autres, en possession d’une formation universitaire, se firent auteurs parallĂšlement Ă  leurs fonctions de prĂȘtre, comme notamment les anthropologues JĂșlio Santana Braga et Vivaldo da Costa Lima, les iyalorixĂĄs MĂŁe Stella et GisĂšle Cossard, connue Ă©galement sous le nom d’Omindarewa la Française, le professeur Agenor Miranda, l’avocate ClĂ©o Martins, et le professeur de sociologie Reginaldo Prandi, parmi d’autres.

Religion

L’église Notre-Dame-du-Rosaire-des-Noirs (en port. Igreja de Nossa Senhora do RosĂĄrio dos Pretos) Ă  Olinda est la premiĂšre Ă©glise du BrĂ©sil Ă  avoir appartenu Ă  une confrĂ©rie de noirs[141].

En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les noirs amenĂ©s d’Afrique comme esclaves Ă©taient immĂ©diatement baptisĂ©s et contraints d’adopter le catholicisme. Cette conversion cependant n’était que superficielle et les religions d’origine africaine parvinrent Ă  subsister par la pratique clandestine ou par le biais du syncrĂ©tisme avec la religion catholique.

Quelques religions afro-brĂ©siliennes ont rĂ©ussi Ă  maintenir quasi intĂ©gralement leurs racines africaines, comme c’est le cas des maisons traditionnelles de candomblĂ© et de xangĂŽ du Nordeste ; d’autres en revanche se sont constituĂ©es par la voie du syncrĂ©tisme religieux, comme le batuque, le tambor de Mina, le xambĂĄ et l’umbanda. À divers degrĂ©s, les religions afro-brĂ©siliennes trahissent l’influence du catholicisme ainsi que de l’encantaria et de la pajelança amĂ©rindiennes[142]. Le syncrĂ©tisme se manifeste Ă©galement dans la tradition du mariage et du baptĂȘme des enfants dans l’église catholique, ces sacrements Ă©tant administrĂ©s y compris Ă  des fidĂšles qui suivent ouvertement une religion afro-brĂ©silienne.

DĂšs l’époque du BrĂ©sil colonial, il arrivait souvent que des noirs et des mulĂątres, esclaves ou affranchis, s’associent en confrĂ©ries religieuses catholiques. La confrĂ©rie de la Bonne Mort (Irmandade da Boa Morte) et la confrĂ©rie de Notre-Dame-du-Rosaire-des-Hommes-noirs (Irmandade de Nossa Senhora do RosĂĄrio dos Homens Pretos) en Ă©taient les deux plus importantes, et servaient aussi de trait d’union entre le catholicisme et les religions afro-brĂ©siliennes. La pratique du catholicisme traditionnel subit l’influence africaine notamment Ă  travers : le culte de saints d’origine africaine, comme saint BenoĂźt le More, saint Ella Asbeha, sainte IphigĂ©nie et saint Antoine d’Éthiopie ; le culte prĂ©fĂ©rentiel de saints facilement associĂ©s aux orishas africains, comme les saints CĂŽme et Damien (Ibedji), saint Georges (Ogoun dans l’État de Rio de Janeiro) et sainte Barbe (Iansan) ; la crĂ©ation de saints populaires nouveaux, tels qu’Escrava AnastĂĄcia ; et Ă  travers des litanies, des oraisons (comme le triduum de saint Antoine) et des fĂȘtes religieuses (comme le Lavagem do Bonfim, lors duquel les marches du parvis de l’église de Nosso Senhor do Bonfim Ă  Salvador sont nettoyĂ©es Ă  l’água de cheiro, eau parfumĂ©e aux feuilles, par les soins des filles-de-saint, filhas-de-santo, du candomblĂ©).

Si le catholicisme nie l’existence des orishas et des guias (mĂ©diums), les Ă©glises pentecĂŽtistes en revanche en reconnaissaient l’existence, mais comme dĂ©mons.

Selon l’IBGE, 0,3 % des BrĂ©siliens dĂ©clarent adhĂ©rer Ă  une religion d’origine africaine, encore qu’un nombre de personnes plus Ă©levĂ© suivent ces religions de façon discrĂšte.

MĂ©prisĂ©es initialement, les religions afro-brĂ©siliennes Ă©taient, ou sont encore, ouvertement pratiquĂ©es par plusieurs intellectuels et artistes renommĂ©s, comme Jorge Amado, Dorival Caymmi, VinĂ­cius de Moraes, Caetano Veloso, Gilberto Gil, Maria BethĂąnia (qui frĂ©quentait le terreiro de MĂŁe Menininha), Gal Costa (qui fut initiĂ© Ă  l’orisha Babalu Aye), Mestre Didi (fils de l’iyalorixĂĄ MĂŁe Senhora), Antonio RisĂ©rio, CarybĂ©, Fernando Coelho, Gilberto Freyre et JosĂ© Beniste (que fut initiĂ© dans le candomblĂ© ketu).

Barraquement de candomblé dans le Pernambouc.

Aperçu des religions afro-brĂ©siliennes, avec le lieu oĂč elles sont pratiquĂ©es

DĂ©finition

Il apparaĂźt malaisĂ© de dĂ©finir avec prĂ©cision ce qu’est la littĂ©rature afro-brĂ©silienne. Parmi les diffĂ©rents critĂšres couramment employĂ©s pour la cerner figurent le critĂšre ethnique (qui rattache l’Ɠuvre Ă  l’origine noire ou mĂ©tisse de son auteur) et le critĂšre thĂ©matique (qui postule que la provenance afro-brĂ©silienne du contenu est ce qui caractĂ©rise la littĂ©rature afro-brĂ©silienne). Ces critĂšres cependant peuvent tous deux sembler trop rĂ©ducteurs, attendu que, tout au long de l’histoire de la littĂ©rature brĂ©silienne, on peut observer d’un cĂŽtĂ© des noirs et des mĂ©tis qui ont Ă©crit suivant les normes et formes classiques venues d’Europe, et de l’autre des auteurs non noirs qui ont traitĂ© de sujets intĂ©ressant au premier chef les Afro-BrĂ©siliens, sujets tels que l’esclavage, les rĂ©voltes quilombolas et les prĂ©jugĂ©s raciaux. La mise en avant des critĂšres ethnique et thĂ©matique pour dĂ©finir la littĂ©rature afro-brĂ©silienne implique d’opĂ©rer prĂ©alablement une sĂ©grĂ©gation entre auteurs noirs et non noirs ; cependant, il apparaĂźt pertinent de mettre en jeu ensuite un critĂšre plus pluraliste, en accord avec une orientation dialectique, capable de rendre compte de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne comme l’une des facettes de la littĂ©rature brĂ©silienne. L’origine ethnique et le contenu ne suffisent pas Ă  Ă©tablir la spĂ©cificitĂ© de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne ; les contradictions que l’on perçoit dans les Ɠuvres sont les indices d’une identitĂ© qui a besoin d’ĂȘtre cherchĂ©e Ă©galement dans les aspects de forme, de vision du monde, d’interaction avec une nouvelle sensibilitĂ© esthĂ©tique et sociale[143].

D’autre part, l’apprĂ©hension thĂ©orique de la littĂ©rature « afro-brĂ©silienne » ou « afro-descendante » nĂ©cessite de bousculer la notion d’une identitĂ© nationale une et soudĂ©e[144]. L’identitĂ© de la littĂ©rature brĂ©silienne est liĂ©e Ă  une tradition fracturĂ©e, caractĂ©ristique des territoires qui ont subi le processis de colonisation. Les premiers auteurs Ă  penser et Ă  Ă©crire sur le BrĂ©sil possĂ©daient une formation europĂ©enne ; et mĂȘme ceux qui s’efforcĂšrent d’exprimer une vision du monde Ă  partir d’expĂ©riences locales durent le faire dans la langue hĂ©ritĂ©e du colonisateur. Le trait cardinal de l’identitĂ© littĂ©raire brĂ©silienne pourrait rĂ©sider dans la reconnaissance de cette fracture, qui la place dans un entre-deux entre rapprochement et prise de distance vis-Ă -vis des hĂ©ritages de la colonisation[143].

La littĂ©rature afro-brĂ©silienne s’inscrit dans cette tradition fracturĂ©e de la littĂ©rature brĂ©silienne ; en tant que telle, elle reprĂ©sente un moment d’affirmation de la spĂ©cificitĂ© afro-brĂ©silienne — sur le plan ethnique, psychologique, historique et social —, tout en cherchant Ă  s’insĂ©rer dans l’ensemble de la littĂ©rature brĂ©silienne. La langue utilisĂ©e est un facteur dĂ©cisif dans l’accomplissement de ce parcours[143].

La littĂ©rature afro-brĂ©silienne produite dans le cadre de ce systĂšme — Ă  savoir : le mĂȘme code linguistique, c’est-Ă -dire la langue portugaise maintenue en place, mais transformĂ©e en fonction de la dynamique du contexte historico-social du BrĂ©sil et des groupes linguistiques en contact mutuel sur le territoire — reste en mĂȘme temps de la littĂ©rature brĂ©silienne, mais exprimant une vision du monde spĂ©cifique aux Afro-BrĂ©siliens. La dynamique de tensions et de contradictions prĂ©sentes dans ce cadre littĂ©raire nous aide Ă  comprendre les attittudes des auteurs qui soit rĂ©cusent soit au contraire valorisent leurs origines ethniques ; elle nous Ă©claire Ă©galement sur la nĂ©cessitĂ© chez eux de dĂ©noncer l’oppression sociale et de promouvoir une nouvelle sensibilitĂ© apte Ă  rendre compte esthĂ©tiquement de l’univers de la culture afro-brĂ©silienne[143].

Il y a lieu, lors de l’examen de cet ensemble hĂ©tĂ©rogĂšne d’auteurs, d’apprĂ©hender tant l’afrodescendance affirmĂ©e, assumĂ©e ou seulement reconnue (parfois avec honte), que cette autre, rendue subalterne et rĂ©primĂ©e socialement, refoulĂ©e voire explicitement rĂ©pudiĂ©e. La recherche en la matiĂšre ne pourra se borner Ă  simplement vĂ©rifier la couleur de peau de l’écrivain concernĂ©, mais devra dĂ©terminer, dans ses textes, les marques discursives qui indiquent (ou non) l’appartenance de ces textes au fonds d’histoire et de culture afro-brĂ©silien[144].

RĂ©sistances Ă  l’idĂ©e d’une littĂ©rature afro-brĂ©silienne spĂ©cifique

DĂšs la pĂ©riode coloniale, l’activitĂ© des Afro-BrĂ©siliens s’est manifestĂ©e dans quasiment tous les domaines de la crĂ©ativitĂ© artistique, mais sans toujours recueillir la reconnaissance qui lui Ă©tait due. Dans le champ littĂ©raire, la production souffrait incessamment de diverses entraves Ă  sa diffusion, Ă  commencer par sa matĂ©rialisation mĂȘme, sous la forme du livre. Les Ɠuvres d’auteurs afro-brĂ©siliens ne jouissaient souvent que d’une circulation restreinte, dans de petites Ă©ditions ou sur des supports marginaux. Dans d’autres cas, il y avait oblitĂ©ration dĂ©libĂ©rĂ©e des liens de l’auteur, voire du texte, avec son ethnicitĂ© africaine ou avec les modes et conditions d’existence des Afro-BrĂ©siliens, ceci sous l’effet du processus de mĂ©tissage blanchissant (branqueamento) auquel cette population Ă©tait soumise[144].

En outre, il Ă©tait solennellement proclamĂ© et argumentĂ© que les attaches ethniques ou identitaires ne devaient pas l’emporter sur le critĂšre d’appartenance nationale : « notre littĂ©rature est une seule » et, en fin de compte, « nous sommes tous BrĂ©siliens » ; ou mieux encore, et plus rĂ©cemment : les BrĂ©siliens sont tous « un peu afro-descendants »... En consĂ©quence, cela n’aurait pas de sens, dans une telle perspective, de dĂ©finir des spĂ©cificitĂ©s de race, d’ethnie ou mĂȘme de genre, et de toute façon ne reviendrait presque toujours qu’à suivre des « modes importĂ©es », avec l’objectif de fracturer le corps de la tradition littĂ©raire du BrĂ©sil et de l’hĂ©ritage laissĂ© par les maĂźtres du passĂ© et du prĂ©sent. La consĂ©quence en est une absence quasi-totale d’une histoire ou mĂȘme d’un corpus circonscrit et consolidĂ© de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne, tant du passĂ© que du prĂ©sent. Le rideau de silence est maintenu intact sur la plupart des Ă©crivains concernĂ©s, qui souffrent ainsi de la mĂ©connaissance du public. Le processus d’oblitĂ©ration qui tend Ă  laisser dans les limbes de l’histoire littĂ©raire la prose et la poĂ©sie de nombreux auteurs afro-brĂ©siliens du passĂ© continue de suivre son cours[144].

Dans les domaines des arts et de la littĂ©rature en particulier, il Ă©tait d’usage de brandir l’argument selon lequel les productions n’avaient ni sexe, ni couleur de peau. Un certain conservatisme esthĂ©tique proclamait l’existence d’un art sans adjectifs, porteur d’une essence du beau ayant valeur universelle. Dans cette optique, le prĂ©supposĂ© d’un art pur, Ă©levĂ©, jamais contaminĂ© par les contingences et les pulsions de l’histoire pouvait s’épanouir. Le risque est que l’idĂ©ologie du purisme esthĂ©tique fasse, au contraire, le jeu du prĂ©jugĂ© racial, dans la mesure oĂč il transforme en tabou les reprĂ©sentations liĂ©es aux spĂ©cificitĂ©s ethniques et les exclut sommairement de l’« art vĂ©ritable », car entachĂ©es par les contingences historiques[144].

Acceptation progressive

Cependant, dans le courant de la dĂ©cennie 1980, une attitude rĂ©visionniste se fit jour dans les milieux acadĂ©miques, d’abord par le biais du fĂ©minisme, puis bientĂŽt aussi grĂące aux revendications formulĂ©es par le mouvement noir et Ă  la fondation au BrĂ©sil de groupes comme le collectif Quilombhoje, qui avaient Ă  cƓur notamment de rĂ©habilitĂ©r les Ă©crits d’afrodescendants. Mais la polĂ©mique Ă©clata aussitĂŽt, dĂšs l’instant oĂč se manifestait la volontĂ© d’adjoindre un adjectif qualificatif supplĂ©mentaire Ă  la dĂ©signation lettres brĂ©siliennes — en l’espĂšce, en plus de brĂ©silien, ce sous-groupe de la littĂ©rature commençait Ă  ĂȘtre revendiquĂ©, et Ă  ĂȘtre dĂ©signĂ©, comme noir ou afro-brĂ©silien. Sur l’autre versant de l’éventail critique, au contraire, le regard dĂ©central, qui tendait Ă  se revigorer, s’appuyait non seulement sur la pluralitĂ© et la relativitĂ© des valeurs esthĂ©tiques (suivant en cela ce qu’avaient dĂ©jĂ  fait les avant-gardes historiques du dĂ©but du XXe siĂšcle), mais de plus mettaient en avant le culturel et le politique comme Ă©tant pareillement des Ă©lĂ©ments pertinents et des valeurs dans le domaine de l’art. Dans cette perspective, la caractĂ©risation de telle ou telle littĂ©rature comme faisant partie du segment afro-descendant gagnait dĂ©sormais en pertinence, par ceci qu’était ainsi dĂ©nommĂ© et qualifiĂ© un territoire culturel traditionnellement relĂ©guĂ© en marge de la reconnaissance critique, et qu’était dĂ©noncĂ© le caractĂšre eurocentrique d’une bonne partie des valeurs adoptĂ©es par l’institution universitaire. En postulant l’adjectivation des catĂ©gories issues de la thĂ©orie esthĂ©tique, la critique soucieuse du respect de la diversitĂ© culturelle pointait du doigt explicitement le locus dĂ©limitĂ© et spĂ©cifique sur la base duquel avaient Ă©tĂ© engendrĂ©s, puis imposĂ©s, des concepts prĂ©tendument universels, autrement dit, le lieu de la culture blanche, masculine, occidentale et chrĂ©tienne, d’oĂč proviennent les fondements qui aujourd’hui encore sous-tendent les normes et les conceptions limitatives en matiĂšre de littĂ©rature, d’art et de civilisation[144].

Les barriĂšres dressĂ©es contre la reconnaissance d’une littĂ©rature afro-brĂ©silienne Ă  part et de sa spĂ©cificitĂ© vont de la stigmatisation des Ă©lĂ©ments provenant de la mĂ©moire culturelle africaine et de l’occultation intentionnelle de l’histoire des esclavagisĂ©s et de leurs descendants, jusqu’à la façon non essentialiste de prĂ©senter les identitĂ©s culturelles, Ă  savoir comme des rĂ©alitĂ©s explicitement construites. S’y ajoute parallĂšlement la composition hybride, mĂ©langĂ©e, du peuple brĂ©silien, oĂč les dĂ©limitations de couleur de peau perdent souvent toute effectivitĂ©. Les rapports interraciaux et interethniques en effet constituent un phĂ©nomĂšne qui intĂ©resse la formation elle-mĂȘme du BrĂ©sil en tant que pays. Si le mĂ©tissage devient une marque d’identitĂ© nationale, cette construction porte en soi implicitement une accommodation diluante, propre Ă  orienter dans une large mesure la lecture des rapports interethniques au BrĂ©sil dans le sens d’une oblitĂ©ration des conflits. Au long de l’histoire du BrĂ©sil, le phĂ©nomĂšne de mĂ©lange des races et des cultures a Ă©tĂ© perçu et interprĂ©tĂ© de diffĂ©rentes maniĂšres, allant, d’un cĂŽtĂ©, de l’idĂ©alisation romantique d’une terre sans conflits jusqu’au mythe de la dĂ©mocratie raciale, et de l’autre, de la condamnation racialiste typique du XIXe siĂšcle jusqu’au fondamentalisme de nombreux milieux contemporains (2019), qui rejettent le mĂ©tissage et affirment l’existence d’une essence raciale noire[144].

Tel autre discours, explicitement de nature politique, entend articuler ethnicitĂ©, culture et condition sociale ; sans occulter la question de la couleur de peau, il appelle Ă  une re-construction de la mĂ©moire ancestrale pour que celle-ci alimente la fiertĂ© ethnique et fonde le statut idenditaire afro-brĂ©silien lui-mĂȘme. La posture adoptĂ©e par les adeptes d’une telle construction ne se donne pas de maniĂšre naturelle ou automatique, mais Ă  partir d’un processus d’identification Ă  des marquants culturels dĂ©terminĂ©s, dĂ©signĂ©s comme fondant leur origine, dans la sphĂšre d’une ancestralitĂ© choisie comme option[145]. Une position semblable peut se dĂ©duire des thĂšses de ZilĂĄ Bernd[146]. qui dĂ©finit la littĂ©rature noire comme celle produite par un sujet d’énonciation s’affirmant ou se voulant noir. Dans cette optique, l’affirmation d’une afrodescendance ferait office d’antidote au processus d’aliĂ©nation affectant les individus « de peau noire et de masques blancs », selon le mot de Frantz Fanon. La mise en valeur de liens, y compris affectifs, avec une africanitĂ© en partie rĂ©cupĂ©rĂ©e et en partie construite a posteriori, dans le contexte de la diaspora noire au BrĂ©sil, confĂšre Ă  la production culturelle insĂ©rĂ©e dans ce processus un caractĂšre de rĂ©sistance politique au rabaissement social dont est victime cette population. En mettant en question le mythe de la conciliation des contraires telle que promue par l’idĂ©ologie de la dĂ©nommĂ©e dĂ©mocratie raciale, une telle production se place Ă  l’extrĂȘme opposĂ© du mouvement historique de dilution mĂ©tissante[144].

Le collectif Quilombhoje et les Cadernos Negros

En 1978 fut constituĂ© le Movimento Negro Unificado contra a Discriminação Racial (littĂ©r. Mouvement noir unifiĂ© contre la discrimination raciale, sigle MNUCDR). Cette association regroupait des Ă©crivains qu’unissait le mĂȘme dessein de mener une rĂ©flexion sur la figure du noir au BrĂ©sil et de faire aboutir un certain nombre de revendications (car se sentant en effet eux-mĂȘmes victimes des stĂ©rĂ©otypes sĂ©vissant dans les milieux littĂ©raires et intellectuels). Lors de la premiĂšre Ă©dition du festival communautaire noir Zumbi organisĂ© par le MNUCDR, un groupe d’écrivains de SĂŁo Paulo lança le premier numĂ©ro de la sĂ©rie des Cadernos Negros (littĂ©r. Cahiers noirs), recueils paraissant une fois l’an et consacrĂ©s Ă  la littĂ©rature produite par des auteurs afro-brĂ©siliens. Le deuxiĂšme volume, paru l’annĂ©e suivante, rĂ©unissait des rĂ©cits et nouvelles[147]. Le premier numĂ©ro contenait des textes de seulement huit participants, mais le deuxiĂšme numĂ©ro comptait dĂ©jĂ  douze participants, neuf hommes et trois femmes, soit un accroissement de 50 %. En 1980, Cadernos Negros 3, dont le nombre de participants avait augmentĂ© Ă  21, coĂŻncida avec la crĂ©ation du collectif Quilombhoje Literatura, qui s’était donnĂ© pour objectif de stimuler la lecture et la production littĂ©raire chez la population noire brĂ©silienne, sera ensuite responsable de l’édition et de la distribution des Cadernos, et saura attirer sans cesse de nouveaux membres attachĂ©s Ă  « dire le noir Ă  partir de son propre lieu de parole ». Cadernos Negros 40, paru fin 2017, comptait 375 pages et comportait une sĂ©lection de 42 auteurs, pour moitiĂ© composĂ©e de femmes[148] - [149].

Chacun des ouvrages publiĂ©s dans la sĂ©rie des Cadernos Negros, ouvrages qui recueillaient alternativement des poĂšmes et l’annĂ©e suivante des rĂ©cits et nouvelles, avait pour fil conducteur la revalorisation de l’image des noirs au travers d’une littĂ©rature Ă©laborĂ©e par eux-mĂȘmes ; il ne s’agissait plus dĂ©sormais du noir esclave, aliĂ©nĂ© ou propriĂ©tĂ© d’un maĂźtre, tel qu’il avait Ă©tĂ© mis en scĂšne jusque-lĂ , mais d’un membre participant de la sociĂ©tĂ©, douĂ© de sentiments, capable de plaisirs et de sensations[150]. Le texte de prĂ©sentation du premier numĂ©ro fait figure de manifeste et reflĂšte bien les aspirations de ces Ă©crivains :

« Nous nous trouvons au seuil d’un temps nouveau — temps d’Afrique, vie nouvelle, plus juste et plus libre, et, inspirĂ©s par elle, nous renaissons en arrachant nos masques blancs, en mettant fin Ă  l’imitation. Nous nous sommes avisĂ©s du lavage de cerveau qui nous polluait, et nous assumons Ă  prĂ©sent notre nĂ©gritude belle et forte. Nous sommes en train de nettoyer notre esprit des idĂ©es qui nous affaiblissent et qui ne servent que ceux qui veulent nous dominer et nous exploiter[151]. »

La volontĂ© de « renaĂźtre » Ă©noncĂ©e dans cette prĂ©sentation renvoie les lecteurs Ă  la Renaissance de Harlem et au New Negro Movement de la dĂ©cennie 1920 aux États-Unis, et l’idĂ©e de « lĂ©gitime dĂ©fense des valeurs du peuple noir », exprimĂ©e ailleurs dans le mĂȘme texte, est une allusion sans doute au titre de la revue LĂ©gitime DefĂ©nse, fondĂ©e Ă  Paris par des poĂštes noirs francophones dans les annĂ©es 1930 et devenue l’un des berceaux du mouvement de la NĂ©gritude[148]. Le numĂ©ro 1 renfermait en lui les voies, les thĂšmes et les procĂ©dĂ©s qui, ensemble, composent toute une poĂ©tique qui s’affirmait comme le carrefour et le point de rencontre entre passĂ©, prĂ©sent et futur. Tout en reprenant la tradition de la littĂ©rature noire occidentale et les contributions de prĂ©curseurs tels que Machado de Assis, Maria Firmina dos Reis, Cruz e Sousa, Lima Barreto et Lino Guedes, et tout en mettant en lumiĂšre les Ă©crivains de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, comme Solano Trindade et Carlos de Assumpção, la revue anuelle s’orientera aussi, au long de ses dĂ©cennies d’existence, vers de nouveaux caps et adoptera de nouvelles façons de faire. Si, sans s’aveugler sur les impĂ©ratifs d’innovation et de rupture qu’implique une experimentation continuelle, les Cadernos font montre d’une grande diversitĂ© de postures incitant Ă  voir cette revue comme espace de crĂ©ation en perpĂ©tuel chantier, ouvert Ă  la nouveautĂ©, la revue reprĂ©sente nĂ©anmoins un pĂ©rimĂštre cohĂ©rent axĂ© autour d’un projet central, Ă  savoir : universaliser les problĂ©matiques, mais sans cesser de se plonger dans son Ă©poque et dans son pays, afin d’exprimer la « conscience noire du noir »[148].

Selon ces auteurs des Cadernos Negros, la thĂ©matique est l’un des principaux facteurs qui diffĂ©rencient la littĂ©rature afro-brĂ©silienne des autres littĂ©ratures du BrĂ©sil ; en effet, en accord avec les principes postulĂ©s dans la premiĂšre Ă©dition des Cadernos, lesquels en particulier se proclamaient « libres de toute domination », cette nouvelle littĂ©rature se doit de rĂ©cupĂ©rer l’histoire du peuple noir telle que vĂ©cue dans la diaspora brĂ©silienne, en passant notamment par la dĂ©nonciation de l’esclavage et de ses consĂ©quences, jusqu’à glorifier des hĂ©ros tels que Zumbi dos Palmares et Ganga Zumba. Les Ă©crivains impliquĂ©s dans ce projet ont donc Ă  cƓur de relater, derriĂšre l’exposĂ© de leurs sujets littĂ©raires, les drames vĂ©cus par les afro-descendants, l’exclusion et la misĂšre, comme autant de vestiges d’une fausse abolition, de mĂȘme qu’ils s’engagent Ă  exalter la culture noire, plus particuliĂšrement ses aspects religieux, souvent caricaturĂ©s comme dĂ©moniaques ou diluĂ©s au moyen du syncrĂ©tisme dans une tentative de christianiser la religion afro-brĂ©silienne[150].

Les Cadernos Negros font partie intĂ©grante non seulement de l’histoire culturelle des noirs au BrĂ©sil, mais aussi de l’histoire littĂ©raire brĂ©silienne en gĂ©nĂ©ral ; en effet, la littĂ©rature noire – Ă  la diffĂ©rence du Romantisme, du RĂ©alisme, du Modernisme etc., tous venus d’Europe – prend place dans la littĂ©rature brĂ©silienne comme le premier mouvement littĂ©raire international ayant ses origines dans les AmĂ©riques[148].

Évolution du concept à la lumiùre de la critique moderne

Il semble y avoir, chez les critiques littĂ©raires que nous parcourrons ci-aprĂšs, un consensus quant aux moments fondateurs de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne. Le tableau respectif dressĂ© par chacun de ces critiques dĂ©bute chez les poĂštes du XVIIIe siĂšcle, survole les premiers romantiques et dĂ©bouche sur la poĂ©sie de LuĂ­s Gama (1830-1882), dans lequel tous conviennent de voir le pĂšre fondateur de cette tradition. En plus d’avoir souffert la condition d’esclave, Gama ne cessa jamais d’assumer pleinement ses racines ethniques et culturelles, et manifesta toujours dans sa production littĂ©raire une dimension politique tendant Ă  mettre en cause le statu quo social[144].

Dans son ouvrage A poesia afro-brasileira, de 1943, Roger Bastide reconnaĂźt (quand mĂȘme ce fut enveloppĂ© d’un prĂ©cautionneux « peut-ĂȘtre ») dans la mĂ©moire culturelle africaine, ainsi que dans la mĂ©moire du traumatisme qu’avaient Ă©tĂ© la capture et la mise en esclavage, les facteurs structurants d’une expression qui seulement « en apparence » ne se diffĂ©rencie pas de celle produite par les blancs. Entre sang/race et mĂ©moire/culture des soumis, l’auteur dĂ©signe la mĂ©moire du sang et de la soumission comme ce qui alimente leur diffĂ©rence. Dans sa perception, quelque chose dans les afrodescendants rĂ©siste et survit Ă  l’assimilation, et fait qu’ils Ă©chappent Ă  l’ethnocide. Ce processus de dĂ©passement historique les porta certes Ă  s’approprier la langue des seigneurs, mais sans pour autant oublier les formes, rĂ©cits et croyances de leur passĂ© libre ; l’auteur ajoute : « il devait rester dans leur Ăąme secrĂšte un halo de cette Afrique »[152]. Bastide s’appuie sur SĂ­lvio Romero pour introniser le mulĂątre Domingos Caldas Barbosa comme le « premier poĂšte afro-brĂ©silien »[153]. Il passe ensuite au poĂšte nĂ©o-classique (arcadien) Silva Alvarenga (1730-1814), dont il signale le blanchissement (branqueamento), consĂ©quence de sa formation suivie Ă  CoĂŻmbra. Si Bastide concĂšde que chez lui le mimĂ©tisme des formes europĂ©ennes prĂ©dominait, il affirme en mĂȘme temps dĂ©celer « sous la mĂ©lodie des flĂ»tes ce qui subsiste du rythme africain Ă©touffĂ© »[154]. Examinant ensuite la pĂ©riode romantique, il dĂ©signe Teixeira e Souza (1812-1861), Silva Rabelo (1826-1864), Tobias Barreto (1839-1889) et Gonçalves Dias (1823-1864) comme auteurs mĂ©tis, quoique marquĂ©s, Ă  des niveaux diffĂ©rents, par l’imitation des schĂ©mas europĂ©ens. Bastide dĂ©nonce le branqueamento qui, chez Teixeira e Souza, conduisit Ă  l’exclusion de la figure de l’esclave et Ă  l’impossibilitĂ© d’« un lyrisme purement africain »[155]; chez Silva Rabelo, malgrĂ© sa protestation contre l’esclavage, il dĂ©cĂšle l’« embranquecimento de sa disgrĂące afro-brĂ©silienne »[156] ; chez Tobias Barreto, il note une volontĂ© d’union des races en faveur de la patrie ; chez Gonçalves Dias, il dĂ©couvre une thĂ©matique africaine, mais sur laquelle pĂšse le poids d’une « sensibilitĂ© aryenne »[157] ; et, plus loin, constate Ă©galement chez Gonçalves Crespo, BrĂ©silien rĂ©sidant au Portugal, que l’adoption des valeurs europĂ©ennes conduit Ă  la construction d’une ascendance idĂ©alisĂ©e et jusqu’à la « nostalgie de la couleur blanche »[158]. L’essayiste conclut le chapitre en dĂ©clarant que le romantisme « retarda l’éclosion de la poĂ©sie afro-brĂ©silienne »[159]. L’exception demeure LuĂ­s Gama, fils de la cĂ©lĂšbre LuĂ­sa Mahin et d’un noble bahiannais d’origine portugaise, et vendu comme esclave par son propre pĂšre. Bastide dĂ©prĂ©cie le lyrisme de son Orfeu de Carapinha pour avoir selon lui « Ă©chouĂ© dans la recherche d’une spĂ©cificitĂ© poĂ©tique africaine ». En revanche, il prise la satire de l’auteur, dirigĂ©e contre l’imitation des blancs et tendant Ă  valoriser les vestiges culturels et phĂ©notypiques originaires du continent noir[144].

L’essayiste britannique David Brookshaw se penche autant sur la reprĂ©sentation que sur le statut d’auteur. Dans son Ă©tude de 1995, il distingue trois catĂ©gories d’écrivains : ceux de la tradition Ă©rudite, marquĂ©e essentiellement par le refoulement de leur condition afro-brĂ©silienne ; ceux de la tradition populaire, fondĂ©e sur l’humour et sur leur volontĂ© d’assumer leur africanitĂ© ; et ceux se rattachant Ă  la tradition de protestation et de satire. Dans la premiĂšre catĂ©gorie se rangent des auteurs tels que Machado de Assis (1839-1908), Tobias Barreto (1839-1889) et Cruz e Souza (1861-1898). Quant au deuxiĂšme groupe, Brookshaw, rejoignant en cela Bastide et Romero, y classe Domingos Caldas Barbosa comme l’initiateur d’une tradition qui mĂȘle poĂ©sie et musique populaire. Dans le troisiĂšme, il place bien en Ă©vidence LuĂ­s Gama comme le fondateur de la vĂ©ritable poĂ©sie afro-brĂ©silienne, vouĂ©e non seulement Ă  la mise en valeur de la couleur de peau et des Ă©lĂ©ments culturels d’origine africaine, mais aussi et surtout Ă  une critique fĂ©roce du branqueamento et des valeurs sociales imposĂ©es aux descendants d’esclaves[160].

ZilĂĄ Bernd tout comme DomĂ­cio Proença Filho mettent tous deux en Ă©vidence LuĂ­s Gama comme « le pionnier d’une attitude d’engagement » en faveur des valeurs de la nĂ©gritude, et son Ɠuvre comme « discours fondateur ». Selon Proença Filho, Luiz Gama fut le premier poĂšte « Ă  parler en vers de son amour pour une noire »[161]. ZilĂĄ Bernd, caractĂ©risant cette littĂ©rature de « façon noire de voir et de sentir le monde, transmis par un discours caractĂ©risĂ© — que ce soit au niveau du choix lexical, ou au niveau des symboles utilisĂ©s — par le dĂ©sir de recouvrer une mĂ©moire noire oubliĂ©e »[162], relĂšve en particulier le recueil Primeiras trovas burlescas de Luiz Gama, publiĂ© en 1859, comme Ă©tant « une vĂ©ritable ligne de sĂ©paration des eaux dans la littĂ©rature brĂ©silienne, dans la mesure oĂč il fonde une ligne de recherche sur l’identitĂ©, ligne poursuivie jusqu’à aujourd’hui par la poĂ©sie noire du BrĂ©sil »[163].

Dans son ouvrage O negro escrito, de 1987, Oswaldo de Camargo[164] indique, outre les noms dĂ©jĂ  citĂ©s, d’autre prĂ©curseurs encore. AprĂšs avoir Ă©voquĂ© Domingos Caldas Barbosa comme « le premier poĂšte mulĂątre du BrĂ©sil », il fait mention d’Evaristo da Veiga (1799- 1837) et de JosĂ© da Natividade Saldanha (1795-1830) comme exemples de mĂ©tis n’assumant pas littĂ©rairement leur afrodescendance. Plus loin, il met en exergue Francisco de Paula Brito (1809-1861) comme « l’un des prĂ©curseurs de la nouvelle au BrĂ©sil », en plus d’ĂȘtre l’« initiateur du mouvement Ă©ditorial » et le « prĂ©curseur, Ă©galement, de la presse noire »[165]. Cependant, pour voir se dĂ©ployer la « haute conscience de la race », il faudra selon lui attendre Luiz Gama[144].

Époque coloniale et Empire
Domingos Caldas Barbosa, premier jalon de l’histoire de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne.

On s’accorde gĂ©nĂ©ralement Ă  considĂ©rer le poĂšte et musicien mĂ©tis Domingos Caldas Barbosa (1738-1800) comme le premier jalon de l’histoire de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne. Si Caldas Barbosa adhĂ©rait Ă  l’arcadisme — mouvement littĂ©raire qui cherchait ses modĂšles dans l’antiquitĂ© classique et qui Ă©tait l’équivalent, dans les pays lusophones, du nĂ©o-classicisme —, il intĂ©gra dans la poĂ©sie arcadienne des Ă©lĂ©ments du « parler brĂ©silien », y compris des ingrĂ©dients du vocabulaire mĂ©tis de la colonie. Il est l’auteur de modinhas et de lundus, et ses poĂšmes Ă©taient destinĂ©s Ă  ĂȘtre chantĂ©s. Il s’établit Ă  Lisbonne, oĂč il se fit membre de la sociĂ©tĂ© littĂ©raire ArcĂĄdia Lusitana[143].

Manuel InĂĄcio da Silva Alvarenga (1749-1814), poĂšte mulĂątre, est Ă  rattacher Ă©galement Ă  l’arcadisme. Son Ɠuvre, semblable Ă  celle d’autres ĂĄrcades, comme AntĂŽnio Gonzaga et ClĂĄudio Manuel da Costa, met en scĂšne une nature faite de paysages plaisants et bucoliques, et chante bergers et nymphes, dans un Ă©quilibre des Ă©motions. L’auteur exprima une vision nĂ©gative de l’homme noir, les rares fois qu’il aborda ce thĂšme[143].

AntĂŽnio Gonçalves Dias (1823-1864) Ă©tait le fils d’une esclave cafuza (mĂ©tisse d’AmĂ©rindien et de noir). La partie de son Ɠuvre considĂ©rĂ©e comme ayant le plus d’intĂ©rĂȘt appartient au genre de l’indianisme, avec des poĂšmes d’une notable puissance lyrique et Ă©pique. Son traitement du thĂšme du noir tend Ă  se diluer dans sa poĂ©sie, en particulier quand l’image hĂ©roĂŻsĂ©e de l’Indien est Ă©rigĂ©e en symbole du nationalisme brĂ©silien[143].

Laurindo JosĂ© da Silva Rabelo (1826-1864), poĂšte mĂ©tis, d’origine sociale modeste, accomplit des Ă©tudes de mĂ©decine, mais penchait vers la vie de bohĂšme. Rabelo, qui avait aussi des talents d’improvisateur et de violoniste, laissa une Ɠuvre qui englobe toute la diversitĂ© d’expression de la culture populaire brĂ©silienne et portugaise, mĂȘlĂ©e aux Ă©vocations sentimentales des romantiques[143].

Luís Gama, figure tutélaire de la littérature afro-brésilienne.

LuĂ­s Gonzaga Pinto da Gama (1830-1882), fils d’une noire africaine et d’un Portugais, fut vendu par son propre pĂšre Ă  l’ñge de dix ans. Il rĂ©ussit Ă  s’affranchir, fit des Ă©tudes de droit et devint avocat, orateur et journaliste. Il embrassa la cause abolitionniste et son engagement Ă  dĂ©fendre son ethnie d’origine se reflĂ©tera dans son Ɠuvre poĂ©tique. Il usa de la satire pour critiquer la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne mĂ©tisse qui prĂ©tendait se faire europĂ©enne. En poĂ©sie, LuĂ­s Gama rompit avec les canons esthĂ©tiques de la femme blanche et avec les impĂ©ratifs d’attĂ©nuation de la couleur de peau sous les espĂšces de la femme Ă  peau brune. L’auteur chanta avec lyrisme l’amour pour la femme noire, en faisant ressortir la sensibilitĂ© particuliĂšre de celle-ci[143].

Tobias Barreto de Meneses (1839-1889) Ă©tait un poĂšte, sociologue, juriste et philosophe mulĂątre, dont la production littĂ©raire n’abordait pas directement la thĂ©matique de l’esclavage. Il agita la question de l’identitĂ© raciale du mĂ©tis, thĂšme dont le rĂŽle ira croissant dans la littĂ©rature et la sociologie brĂ©siliennes. Pour Tobias Barreto, le mĂ©tis appartenait Ă  une race en formation, puisqu’il ne s’identifie ni comme aryen pur, ni comme Africain pur, ni comme AmĂ©ricain pur[143].

Le poĂšte AntĂłnio CĂąndido Gonçalves Crespo (1846-1883) Ă©tait le fils d’une mulĂątre brĂ©silienne et d’un Portugais. Il fit plusieurs voyages au Portugal ; l’éloignement de la terre natale lui inspira des poĂšmes nostalgiques, Ă©maillĂ©es de rĂ©miniscences de la vie familiale. Dans son Ɠuvre s’exprime une vision ambiguĂ« de son ethnie : tantĂŽt Gonçalves Crespo prĂ©sentait le noir douĂ© de qualitĂ©s, tantĂŽt il rĂ©cusait son image, sans doute conditionnĂ© par l’idĂ©ologie Ă©tablissant un lien entre noir et vice[143].

JosĂ© do PatrocĂ­nio (1853-1905), fils d’un vicaire de paroisse et d’une jeune esclave, acquit un renom comme journaliste et orateur engagĂ© dans la cause abolitionniste. Il est l’auteur d’Ɠuvres en prose se rattachant au rĂ©alisme et reflĂ©tant son analyse des questions sociales. Dans Motta Coqueiro ou a pena de morte (1877), il procĂšde Ă  une critique de la peine de mort alors encore en vigueur au BrĂ©sil. Dans le roman Os retirantes (1877), il Ă©voque la sĂ©cheresse dans le CearĂĄ, et dans Pedro Espanhol (1884), il examine la structure des rapports interraciaux au BrĂ©sil. La production littĂ©raire de PatrocĂ­nio met au jour chez l’auteur une contradiction entre dĂ©sir de valoriser l’homme noir et adoption concomitante des canons de beautĂ© et d’harmonie issus de la culture europĂ©enne[143].

JoĂŁo da Cruz e Sousa (1861-1898), fils de parents esclaves, fut jusqu’à son adolescence sous la tutelle du marĂ©chal Guilherme Xavier de Souza. Il travailla dans la presse de Santa Catarina, son État natal, Ă©crivit des chroniques abolitionnistes et parcourut le pays dans une troupe de thĂ©Ăątre. Les prĂ©jugĂ©s raciaux lui interdirent d’occuper le poste de procureur au tribunal de la ville de Laguna. Il Ă©pousa une jeune noire, Gavita, de prĂ©caire santĂ© mentale. Le couple eut quatre enfants, dont deux dĂ©cĂ©dĂšrent avant le poĂšte, des suites de la tuberculose ; Cruz e Souza lui-mĂȘme succombera Ă©galement Ă  la tuberculose, dans la municipalitĂ© de SĂ­tio, dans l’État de Minas Gerais. L’Ɠuvre poĂ©tique de Cruz e Souza reprĂ©sente un des points culminants du symbolisme brĂ©silien. Certaines interprĂ©tations critiques dĂ©crivent l’hermĂ©tisme du poĂšte et ses rĂ©fĂ©rences aux « formes albes, blanches et claires » comme des mĂ©canismes de rejet de sa couleur de peau et de son origine sociale modeste ; d’autres au contraire signalent son traitement ambigu de la couleur de peau dans son Ɠuvre et soulignent la valorisation faite par lui de l’homme noir. La tension dans l’Ɠuvre de Cruz e Souza provient de l’antinomie entre l’adhĂ©sion de l’auteur aux directives esthĂ©tiques du symbolisme et son expĂ©rience personnelle d’homme noir dans une sociĂ©tĂ© de tradition esclavocrate. La perception de cette tension a contribuĂ© Ă  former la conscience noire au BrĂ©sil[143].

Aucune femme ne figure dans cette Ă©numĂ©ration, ni n’a Ă©tĂ© mentionnĂ©e dans les essais sur la littĂ©rature afro-brĂ©silienne Ă©voquĂ©s ci-haut ; pourtant deux femmes au moins ont jouĂ© un rĂŽle de premier plan dans l’histoire de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne : Rosa EgipcĂ­aca et Maria Firmina dos Reis.

Rosa EgipcĂ­aca, nĂ©e sur la CĂŽte de l'Or en Afrique, fut dĂ©barquĂ©e Ă  Rio de Janeiro en 1725, Ă  l’ñge de 6 ans. Selon son biographe Luiz Mott, elle fut exploitĂ©e comme prostituĂ©e dans la rĂ©gion du Minas Gerais, et vint mĂȘme Ă  ĂȘtre fouettĂ©e au pilori du bourg de Mariana. Plus tard, considĂ©rĂ©e comme dotĂ©e de pouvoirs paranormaux, ayant changĂ© de vie, elle retourna Ă  Rio de Janeiro et y fonda la maison d’accueil Recolhimento de Nossa Senhora do Parto, oĂč elle se mit Ă  hĂ©berger d’anciennes prostituĂ©es. Elle Ă©tait non seulement la premiĂšre Africaine au BrĂ©sil Ă  savoir lire dont on ait connaissance, mais probablement aussi la premiĂšre Ă©crivaine noire de l’histoire ; elle rĂ©ussit en effet Ă  composer un ouvrage Ă©dificant, consistant en plusieurs centaines de pages manuscrites et intitulĂ© Sagrada Teologia do Amor de Deus, Luz Brilhante das Almas Peregrinas (littĂ©r. ThĂ©ologie sacrĂ©e de l’Amour de Dieu, lumiĂšre brillante des Ăąmes pĂ©rĂ©grines), ouvrage dont Mott assure qu’il fut achevĂ© en 1752, mais qui fut malheureusement brĂ»lĂ© la veille de sa dĂ©tention [par l’Inquisition], et duquel subsistent cependant quelques feuillets originels[166]. Dans sa longue biographie, Luiz Mott Ă©voque l’existence d’autres Ă©crits et d’une quarantaine de lettres, pleines de poĂ©sie baroque, retrouvĂ©es dans la Torre do Tombo de Lisbonne, dans les deux volumes du procĂšs ouvert contre elle par le Saint Office. Son cas reste polĂ©mique en ceci qu’elle n’est pas brĂ©silienne, et que ses Ɠuvres n’ont pas Ă©tĂ© Ă  ce jour (2019) publiĂ©es et diffusĂ©es[144].

La faible diffusion est aussi ce qui empĂȘcha Maria Firmina dos Reis (1825-1917), originaire de l’État du MaranhĂŁo, de trouver place dans les manuels classiques de l’historiographie littĂ©raire brĂ©silienne. L’écrivaine, par un fait inĂ©dit Ă  cette Ă©poque pour une femme humble, mĂ©tisse et illĂ©gitime, obtint en 1847 d’ĂȘtre reçue au concours public pour un poste dans l’enseignement primaire, puis exerça son magistĂšre au long d’une bonne partie de ses 92 annĂ©es de vie. Elle fit paraĂźtre en 1859 Úrsula, qui passe pour ĂȘtre le premier roman abolitionniste au BrĂ©sil et l’un des premiers romans Ă©crits par une femme brĂ©silienne, et collabora Ă  plusieurs journaux, notamment sous la forme d’un rĂ©cit paru en feuilleton, Gupeva, de 1861, et d’un autre rĂ©cit A escrava (littĂ©r. l’Esclave), en 1887[167]. Sa biographe, ZahidĂ© Lupinacci Muzart, note que « pour la premiĂšre fois, l’esclave noir a une voix et porte avec lui, pour la mĂ©moire, Ă  l’intention du lecteur, une Afrique autre, un pays de libertĂ© ». Dans Úrsula, on remarque en particulier la figure de MĂŁe Suzana, dont l’intervention dans le roman donne Ă  celui-ci, en comparaison des autres narrations abolitionnistes, une qualitĂ© d’innovation et d’audace. MĂŁe Suzana relate comment Ă©tait sa vie en Afrique, parmi ses gens, comment elle fut faite captive par les chasseurs d’esclaves et comment elle survĂ©cut au voyage dans les cales du navire. Elle explique au personnage de TĂșlio, esclave affranchi, le sens de la libertĂ© vĂ©ritable, que ne sera jamais la libertĂ© d’un affranchi dans un pays raciste[168].

RĂ©alisme et modernisme

Un autre cas controversĂ© est celui de Machado de Assis (1839-1908), accusĂ© par beaucoup d’avoir Ă©cartĂ© de ses Ɠuvres narratives le monde du travail, plus particuliĂšrement du travail esclave, ainsi que de s’ĂȘtre dĂ©robĂ© Ă  la lutte pour l’émancipation des noirs. D’origine modeste, mĂ©tis, fils d’un peintre en bĂątiment mulĂątre et d’une blanchisseuse des Açores, dont les grands-parents paternels avaient connu la rue case-nĂšgre, il se hissa au rang des Ă©crivains brĂ©siliens les plus consacrĂ©s et apparaĂźt comme l’une des figures les plus complexes de la littĂ©rature brĂ©silienne. De formation autodidacte, il lut des auteurs qui n’avaient en son temps qu’une diffusion restreinte parmi les lettrĂ©s du pays[143]. Selon ses dĂ©tracteurs, l’écrivain serait montĂ© au panthĂ©on de la gloire acadĂ©mique au mĂȘme rythme qu’il se serait Ă©loignĂ© de son ethnie d’origine. La question est polĂ©mique et comporte plusieurs facettes. D’abord, le prosĂ©lytisme explicite abolitionniste (ou de toute autre nature) eĂ»t Ă©tĂ© en contradiction directe avec le projet littĂ©raire machadien, caractĂ©risĂ© par l’ironie et par de subtils glissements de sens. Ensuite, il est inexact que sa condition d’afrodescendant soit absente de ses Ă©crits. Certes, dans sa fiction, Machado met en scĂšne presque exclusivement les Ă©lites, milieu oĂč il recrutait son public[144], et se focalisait sur la psychologie de la haute sociĂ©tĂ© bourgeoise dans le BrĂ©sil du XIXe siĂšcle ; au demeurant, selon les normes esthĂ©tiques de ce temps-lĂ , le noir n’entrait pas en considĂ©ration comme possible sujet littĂ©raire, et Machado de Assis s’était glissĂ© dans ce moule[143]. Toutefois, en plus de ne jamais user de stĂ©rĂ©otypes racistes dans ses reprĂ©sentations des Afro-BrĂ©siliens — pourtant pratique courante chez nombre d’écrivains de son temps, y compris chez les abolitionnistes comme AluĂ­sio Azevedo —, Ă  aucun moment il ne fait l’éloge des propriĂ©taires d’esclaves, au contraire. Dans le roman MĂ©moires posthumes de BrĂĄs Cubas p. ex., la critique et le dĂ©nigrement de la classe dominante fait surface sans cesse ; aucun des personnages de l’élite brĂ©silienne, que ce soit Bento (narrateur et personnage central de Dom Casmurro), Palha, les frĂšres Pedro et Paulo (dans ÉsaĂŒ et Jacob), ou le Conselheiro Ayres (dans le roman de mĂȘme nom), n’échappe aux piques acĂ©rĂ©es de l’écrivain. En outre, il y avait aussi le Machado de Assis journaliste, Ă©crivant, Ă  l’intention d’un public plus large et sous le couvert d’un pseudonyme, une sĂ©rie de chroniques, dont l’examen rĂ©vĂšle un citoyen engagĂ© Ă  dĂ©noncer la cruautĂ© du systĂšme esclavagiste et l’hypocrisie des esclavocrates frais convertis Ă  l’abolitionnisme. À d’autres moments, il en appelait Ă  la philanthropie des blancs pour les entraĂźner Ă  appuyer l’émancipation des esclaves, dĂ©montrant ainsi de façon univoque qu’il prĂ©conisait un affranchissement pacifique et sans traumatisme majeur pour le pays[144].

MĂĄrio de Andrade, mĂ©tis qui s’efforçait d’occulter ses origines.

Sous l’effet du branqueamento (« blanchissement », stigmate de l’esclavage consistant, pour un mĂ©tis, Ă  nier son afrodescendance), des Ă©crivains ont Ă©mergĂ© qui produisaient une littĂ©rature oublieuse de la question raciale et des inĂ©galitĂ©s qui lui sont liĂ©es. Un exemple prĂ©gnant de cette attitude est le poĂšte moderniste MĂĄrio de Andrade (1893-1945), mulĂątre qui, comme tant d’autres, s’efforça d’occulter ses origines, aussi bien socialemente que littĂ©rairement, dans plusieurs de ses Ă©crits. Il existe des passages dans le roman MacunaĂ­ma oĂč le discours de rabaissement du noir rĂ©sonne Ă  travers la voix du narrateur, comme dans la fameuse scĂšne du blanchissement du hĂ©ros, lors de laquelle l’eau magique « lave » la peau en en Ă©liminant sa « noirceur ». Dans ce mĂȘme passage, le frĂšre s’ébat fĂ©brilement dans la mĂȘme eau, mais celle-ci est dĂ©jĂ  « trĂšs souillĂ©e de la nĂ©grure du hĂ©ros », et le personnage « n’arrive Ă  rien de mieux que de se retrouver avec la couleur du bronze neuf ». Le narrateur dĂ©clare que MacunaĂ­ma « avait pitiĂ© » et donc « consola » son frĂšre. Pourtant, nonobstant ses concessions au discours racial dominant, MĂĄrio de Andrade laissa un fonds considĂ©rable d’études et de recherches sur l’oralitĂ© d’origine africaine prĂ©sente dans la culture populaire brĂ©silienne, Ă  cĂŽtĂ© de belles pages sur l’art de la « mulĂątrerie » au XVIIIe siĂšcle, en particulier, sur le sculpteur et architecte Aleijadinho — moments oĂč l’afrodescendance s’affirme par un retour du refoulĂ© et vient Ă  gouverner la sensibilitĂ© et le regard du sujet mĂ©tis[144].

Lima Barreto, métis qui dénonça le branqueamento.

Lima Barreto (1881-1922) Ă©tait d’origine sociale modeste, petit-fils d’esclave, fils d’un typographe et d’une institutrice. Sa couleur de peau et sa qualitĂ© de journaliste pauvre le portĂšrent Ă  dĂ©velopper une perception critique de la sociĂ©tĂ© de son temps alors sous-tendue par le paternalisme, le clientĂ©lisme et le prĂ©jugĂ© racial[143]. Banlieusard pauvre, il vit son ascension sociale contrecarrĂ©e non seulement par sa nuance de couleur de peau, mais aussi par sa position Ă©conomique. Il rejetait le « nouveau » statut des descendants d’esclaves et faisait montre, en articulant ethnicitĂ© et condition socio-Ă©conomique, d’une comprĂ©hension adĂ©quate de l’évolution historique. À titre d’exemple, on peut citer, parmi beaucoup d’autres, la scĂšne du dĂ©filĂ© militaire dans RecordaçÔes do escrivĂŁo IsaĂ­as Caminha (littĂ©r. Souvenirs de l’écrivain IsaĂ­as Caminha), oĂč le narrateur, lui-mĂȘme un mĂ©tis, observe l’arrogance et l’allure fringante des officiers (blancs), en contraste avec les figures estropiĂ©es (noirs et mulĂątres) des composantes dĂ©penaillĂ©es de la troupe : « les officiers me paraissaient d’un pays et les hommes de troupe d’un autre. C’était comme s’il s’agissait d’un bataillon de cipayes ou de tirailleurs sĂ©nĂ©galais »[169]. Lima Barreto dĂ©nonça dans son Ɠuvre de fiction le prĂ©jugĂ© et le processus de hiĂ©rarchisation inhĂ©rents au branqueamento. Le roman social de Lima Barreto met au jour les contradictions de son environnement social : l’auteur brossa un tableau des banlieues de Rio de Janeiro et mit en scĂšne des personnages, dont beaucoup sont animĂ©s du dĂ©sir de susciter des transformations sociales en faveur des dĂ©munis[143].

Carolina Maria de Jesus. Son autobiographie, le DĂ©potoir, eut un retentissement mondial.

Lino Guedes (1906-1951), poĂšte noir, fils d’anciens esclaves, dont l’Ɠuvre Ă©tait contemporaine de la pĂ©riode moderniste de la littĂ©rature brĂ©silienne, dĂ©crivit dans ses poĂšmes les conditions de vie du noir stigmatisĂ© par l’esclavage et marginalisĂ© par la sociĂ©tĂ© de la pĂ©riode post-abolitionniste. Selon Lino Guedes, le perfectionnement Ă©ducatif et l’adoption de la morale puritaine en accord avec les schĂ©mas bourgeois seraient les voies Ă  privilĂ©gier en vue de l’ascension sociale de l’homme de couleur, conception qui dĂ©note la volontĂ© du poĂšte d’intĂ©grer le noir dans le schĂ©ma social dominant et de faire siennes les valeurs de la sociĂ©tĂ© blanche. Parmi ses livres, mĂ©ritent mention en particulier O canto do cisne preto (littĂ©r. le Chant du cygne noir, 1927) et Negro preto, cor da noite (littĂ©r. NĂšgre noir, couleur de la nuit, 1932)[143].

Solano Trindade (1908-1974), poĂšte trĂšs engagĂ© politiquement, a produit une Ɠuvre dans une langue simple, destinĂ©e Ă  un public populaire. Il est considĂ©rĂ© comme un des poĂštes les plus expressifs de la nĂ©gritude brĂ©silienne contemporaine. Son Ɠuvre poĂ©tique porte la revendication sociale du noir en quĂȘte de meilleures conditions d’existence. Aux yeux de Solano Trindade, le poĂšte se doit d’Ɠuvrer pour la dĂ©fense des traditions de son peuple et pour l’édification d’une sociĂ©tĂ© plus juste[143].

Carolina Maria de Jesus (1914-1977) a amalgamĂ© crĂ©ation littĂ©raire et expĂ©rience de vie pour composer une Ɠuvre Ă  caractĂšre documentaire et de contestation sociale. La carriĂšre littĂ©raire de l’écrivaine avait pour toile de fond une vie marquĂ©e par la misĂšre. Les Ă©lĂ©ments autobiographiques prĂ©sents dans ses textes vont au-delĂ  de la simple confession pour Ă©voquer le combat de l’homme s’efforçant de surmonter l’oppression sociale. Son livre Quarto de despejo. DiĂĄrio de una favelada (1960 ; traduction française sous le titre le DĂ©potoir) eut une rĂ©percussion internationale[143] - [170].

Arts plastiques

Tisserand du terreiro de CandomblĂ© IlĂȘ AxĂ© OpĂŽ AfonjĂĄ, Ă  Salvador, Bahia.

Le tissu AlakĂĄ africano, connu sous le nom de pano da costa au BrĂ©sil, est fabriquĂ© par les tisserandes du terreiro de candomblĂ© IlĂȘ AxĂ© OpĂŽ AfonjĂĄ Ă  Salvador, dans la zone dĂ©nommĂ©e Casa do AlakĂĄ[171].

Mestre Didi, alapini (prĂȘtre suprĂȘme) du culte des Egungun et assĂČgbĂĄ (prĂȘtre suprĂȘme) du culte de Babalu Aye et d’orishas de la terre, est en mĂȘme temps sculpteur, dont le travail est entiĂšrement consacrĂ© Ă  la mythologie et Ă  l’art yorubas[172].

Dans le domaine de la peinture, nombreux sur le peintres et dessinateurs (afro-brĂ©siliens ou non) qui ont pris pour sujet le candomblĂ©, l’umbanda et le batuque. Un exemple de ces artistes est le sculpteur et peintre brĂ©silien d’origine argentine CarybĂ©, qui voua une bonne part de sa vie Ă  sculpter et peindre au BrĂ©sil les orishas et les festivitĂ©s dans leurs moindres dĂ©tails. (Ses sculptures peuvent ĂȘtre admirĂ©es au MusĂ©e afro-brĂ©silien de Salvador et plusieurs ouvrages ont Ă©tĂ© publiĂ©s prĂ©sentant son Ɠuvre.)

Dans le domaine de la photographie, le Français Pierre Fatumbi Verger, qui aprĂšs avoir fait connaissance avec la Bahia en 1946 dĂ©cida d’y rester jusqu’à la fin de sa vie, reprĂ©senta dans ses photos en noir et blanc le peuple brĂ©silien et le candomblĂ© dans toutes ses facettes. Du reste, il ne se borna pas Ă  photographier le candomblĂ©, mais y adhĂ©ra aussi, le professant tant au BrĂ©sil qu’en Afrique, oĂč il fut initiĂ© comme babalawo. Il est Ă  l’origine de la Fondation Pierre Verger Ă  Salvador, oĂč est conservĂ©e la totalitĂ© de son fonds photographique.

Gastronomie

La feijoada brasileira, plat de haricots Ă  la brĂ©silienne, considĂ©rĂ© comme un plat national brĂ©silien, passe souvent pour avoir Ă©tĂ© conçu dans les cases-nĂšgres (senzalas) des grands domaines agricoles et pour avoir servi de nourriture pour les esclaves Ă  l’époque coloniale, mais la thĂšse actuellement retenue veut que la feijoada brasileira soit une adaptation tropicale de la feijoada portugaise, laquelle normalement n’était jamais servie aux esclaves. Ce nĂ©anmoins, la cuisine brĂ©silienne rĂ©gionale a Ă©tĂ© fortement influencĂ©e par la cuisine africaine, mĂȘlĂ©e certes d’élĂ©ments culinaires europĂ©ens et amĂ©rindiens.

La gastronomie bahianaise est celle oĂč l’influence africaine est la plus marquĂ©e, en particulier dans ses mets typiques tels que l’acarajĂ©, le caruru, le vatapĂĄ et la moqueca. Ces plats sont prĂ©parĂ©s Ă  l’aide d’huile de palme, extraite d’un palmier africain apportĂ© au BrĂ©sil Ă  l’époque coloniale. Dans la Bahia, il existe deux maniĂšres de se prĂ©parer ces mets afros. L’une, la plus simple, pratiquĂ©e dans les terreiros de candomblĂ© permet de prĂ©parer des plats peu condimentĂ©s propres Ă  ĂȘtre donnĂ©s en offrande aux orishas. L’autre maniĂšre, appliquĂ©e hors des terreiros, produit des plats avec une forte dose d’aromates, qui ont plus de saveur et sont offerts Ă  la vente par les baianas do acarajĂ© (vendeuses de rue) ou dĂ©gustĂ©s dans les restaurants ou Ă  domicile.

Musique

Tambours de batuque et xequerĂȘs.

La musique afro-brĂ©silienne est un mĂ©lange d’influences venues de toute l’Afrique subsaharienne et d’élĂ©ments de la musique portugaise et, dans une moindre mesure, amĂ©rindienne, et a produit une grande variĂ©tĂ© de styles. Toute la musique populaire brĂ©silienne a Ă©tĂ© de façon gĂ©nĂ©rale fortement influencĂ©e par les rythmes Africains. Les expressions de musique afro-brĂ©silienne les plus connues sont la samba, le maracatu, l’ijexĂĄ, le coco, le jongo, le carimbĂł, la lambada, la matchiche et le maculelĂȘ.

Ainsi qu’il est advenu dans toutes les parties du continent amĂ©ricain oĂč il y eut des esclaves africains, la musique produite par les afro-descendants fut d’abord mĂ©prisĂ©e et relĂ©guĂ©e dans la marginalitĂ©, avant de susciter l’intĂ©rĂȘt au dĂ©but du XXe siĂšcle, puis d’acquĂ©rir la popularitĂ© qu’elle a aujourd’hui[173].

La cabasa, l’agogĂŽ, l’alfaia, l’atabaque, le berimbau et le tambour sont quelques-uns des instruments spĂ©cifiquement utilisĂ©s par les Afro-BrĂ©siliens.

Influence sur la langue portugaise parlée au Brésil

À l’heure actuelle (dĂ©cennie 2010), aucune langue africaine n’est plus couramment parlĂ©e au BrĂ©sil. La plupart des chercheurs admettent que des parlers crĂ©oles ont dĂ» existĂ© au BrĂ©sil dans le passĂ©, cependant elles n’eurent toutes qu’une existence Ă©phĂ©mĂšre. Toutefois, au cours des quatre siĂšcles que la langue portugaise resta en contact avec les idiomes africains au BrĂ©sil, on a pu observer certaines influences de ces idiomes sur le portugais brĂ©silien[174] - [175].

Les esclaves ouest-africains, quoique nombreux au BrĂ©sil, n’auront exercĂ© qu’une influence mineure sur le portugais. Parmi les langues ouest-africaines, Ă©galement (et improprement) appelĂ©es « soudanaises », les plus importantes Ă©taient celles de la famille kwa, parlĂ©es dans le golfe du BĂ©nin. Leurs principaux locuteurs au BrĂ©sil Ă©taient les Yorubas et les peuples parlant des langues du groupe ewe-fon, dĂ©signĂ©s par les Portugais sous le nom de minas ou ejes. L’influence de leurs parlers se limite aujourd’hui au lexique des religions afro-brĂ©siliennes (Iemanja, XangĂŽ, Oxum, OxĂłssi etc.)[175]

C’est par les langues bantoues que le portugais du BrĂ©sil a Ă©tĂ© le plus profondĂ©ment influencĂ©, en raison de l’anciennetĂ© de la prĂ©sence de ces Africains dans la colonie et de l’ampleur des effectifs d’esclaves originaires de l’aire bantoue accueillis par le BrĂ©sil, puis Ă©parpillĂ©s dans les diffĂ©rentes rĂ©gions du territoire brĂ©silien. Parmi les langues de ce groupe, les plus vivaces au BrĂ©sil Ă©taient le kikongo, le kimbundu et l’umbundu. Le kikongo est parlĂ© dans les actuelles RĂ©publique du Congo, RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo et dans le nord de l’actuel Angola. Le Kimbundu est la langue de la rĂ©gion centrale de l’Angola, tandis que l’Umbundu est vernaculaire dans le sud de l’Angola[175].

L’influence africaine sur le portugais du BrĂ©sil ne se limite pas Ă  l’apport de mots nouveaux, mais touche aussi Ă  la phonĂ©tique, la morphologie, la syntaxe, la sĂ©mantique, le rythme des phrases et la musique de la langue. Sur le plan phonologique, la tendance des BrĂ©siliens Ă  omettre les consonnes finales des mots et Ă  les transformer en voyelles (falĂĄ au lieu de falar, dizĂ© au lieu de dizer, Brasiw au lieu de Brasil) renvoie Ă  la structure syllabique des langues bantoue et yoruba, oĂč les mots ne se terminent jamais par une consonne. Sous l’influence africaine, les diphtongues ei et ou (prononcĂ© ow en portugais) se rĂ©duisent dans la langue populaire du BrĂ©sil en monophtongues longues (chĂȘro au lieu de cheiro, pĂȘxe au lieu de peixe, et bĂȘjo au lieu de beijo). De mĂȘme, l’on attribue Ă  l’influence noire les brusques aphĂ©rĂšses rencontrĂ©es dans le parler brĂ©silien (tĂĄ au lieu de estĂĄ, ocĂȘ au lieu de vocĂȘ, cabar au lieu d’acabar), entre autres influences[174] - [175].

Sur le plan lexical, Renato Mendonça a recensĂ© quelque 350 vocables d’origine africaine utilisĂ©s dans le portugais du BrĂ©sil, tandis que Yeda Pessoa de Castro a trouvĂ©, lors de ses recherches de terrain dans la Bahia, trois milliers de termes de provenance africaine attestĂ©e. Beaucoup de ces mots n’ont pas jusqu’ici (2012) trouvĂ© place dans les dictionnaires brĂ©siliens, faute de recherches plus poussĂ©es dans le domaine[174]. Nombre de mots usitĂ©s au BrĂ©sil et provenant de langues africaines n’existent pas ou sont d’un usage rare dans la portugais du Portugal, pour la raison qu’ils se rĂ©fĂšrent Ă  la seule rĂ©alitĂ© brĂ©silienne ; ce sont p. ex. : acarajĂ©, vatapĂĄ, berimbau, bobĂł, cafunĂ© (coups frappĂ©s du pouce sur la tempe), moleque (gamin, galopin), cambada (coterie, clique), canjica, quilombo, sinhĂĄ (forme populaire de senhora, dame) et nombre d’autres. Certains termes portugais sont tombĂ©s en dĂ©suĂ©tude au BrĂ©sil et ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par des mots d’origine africaine, dont un Ă©chantillon a Ă©tĂ© portĂ© dans le tableau ci-dessous[174] :

Mot portugaisSignificationMot en usage au BrĂ©silLangue d’origine[174]
InsultarInsulterXingarDu kimbundu chinga (injurier, offenser)
DormitarSommeillerCochilarDu kimbundu kochila (dodeliner de sommeil)
TrapoFripeMulamboDu kimbundu mulambo (fripe, habit rapiécé)
BenjamimBenjamin, cadetCaçulaDu kimbundu kazuli (le fils le plus jeune, enfant dernier venu de la famille)
Óleo-de-palmaHuile de palmeDendĂȘOrigine africaine (palmier du Congo et de GuinĂ©e, introduit au BrĂ©sil Ă  partir du XVIe siĂšcle)
NĂĄdegasFessesBundaDu kimbundu mbunda (fesses, croupe)
VespaGuĂȘpeMarimbondoDu kimbundu ma, prĂ©fixe du pluriel de la classe 4 + rimbondo, guĂȘpe (insecte, guĂȘpe)
SineteCachet, tamponCarimboDu kimbundu ka, préfixe diminutif + rimbu, bureaux, officines

(objet utilisé dans les bureaux et les maisons de commerce)

AguardenteEau-de-vieCachaçaOrigine africaine (eau-de-vie)

Discriminations

Casa Branca do Engenho Velho, lieu de culte Candomblé à Salvador.

Le prĂ©jugĂ© racial au BrĂ©sil, — que certains auteurs appellent prĂ©jugĂ© « de marque », c’est-Ă -dire reposant sur le phĂ©notype de l’individu (texture des cheveux, traits visibles et couleur de peau) —, ne s’appuie pas directement sur l’ascendance, puisqu’au BrĂ©sil, les classifications raciales se basaient davantage sur l’apparence physique de la personne que sur sa filiation rĂ©elle[176]. L’esclavage certes fut aboli, et l’universalisation des lois a Ă©tĂ© accomplie, cependant le schĂ©ma traditionnel d’amĂ©nagement racial n’a pas Ă©tĂ© modifiĂ©, mais seulement camouflĂ©. En dĂ©pit du « mĂ©tissage brĂ©silien » si souvent mis en avant, un systĂšme enracinĂ© de hiĂ©rarchisation sociale basĂ© sur des critĂšres de classe sociale, de niveau d’études formel, d’origine familiale et de race, perdure. Si au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le darwinisme racial cessa peu Ă  peu de prĂ©valoir et que le concept biologique de race fut mis en question, c’est ensuite le « prĂ©jugĂ© de couleur » qui vint jouer le rĂŽle naguĂšre tenu par la race[176].

Dans les annĂ©es 1970, tout un mouvement de contestation des valeurs en vigueur au BrĂ©sil fit son apparition, s’exprimant dans la littĂ©rature et la musique, et se traduisant bientĂŽt dans la politique officielle. À cette Ă©poque surgit Ă©galement le Movimento Negro Unificado (littĂ©r. Mouvement noir unifiĂ©, sigle MNU) qui, aux cĂŽtĂ©s d’autres organisations parallĂšles, se mit Ă  discuter les formes traditionnelles du pouvoir. Toutefois, l’existence de mouvements noirs au BrĂ©sil remonte assez loin, les mouvements de mobilisation raciale ayant surgi au BrĂ©sil dĂšs le XIXe siĂšcle. Dans la pĂ©riode post-abolition, la population noire Ă©tait marginalisĂ©e, ce qui donna lieu dans quelques-uns des États fĂ©dĂ©rĂ©s Ă  la fondation de dizaines de groupes (comitĂ©s, clubs ou associations) de dĂ©fense des noirs, tels que la Sociedade Progresso da Raça Africana (1891), Ă  Lages, dans l’État de Santa Catarina ; la Sociedade UniĂŁo CĂ­vica dos Homens de Cor (littĂ©r. SociĂ©tĂ© Union civique des hommes de couleur, 1915), l’Associação Protetora dos Brasileiros Pretos (littĂ©r. Association protectrice des BrĂ©siliens noirs, 1917), toutes deux Ă  Rio de Janeiro ; et le Club 13 de Maio dos Homens Pretos (littĂ©r. Club 13-Mai des hommes noirs, 1902) et le Centro LiterĂĄrio dos Homens de Cor (littĂ©r. Centre littĂ©raire des hommes de couleur, 1903), Ă  SĂŁo Paulo. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, il y avait des centaines d’associations noires rĂ©pandues dans tout le BrĂ©sil[177]. De 1931 date la crĂ©ation du Frente Negra Brasileira (littĂ©r. Front noir brĂ©silien) et de son journal, mais des revues consacrĂ©es Ă  la problĂ©matique noire circulaient auparavant dĂ©jĂ  au BrĂ©sil[176]. En 1944, Abdias do Nascimento fonda le ThĂ©Ăątre expĂ©rimental du Noir. Il entendait faire de ce « laboratoire d'expression culturelle et artistique » un outil pour combattre les stĂ©rĂ©otypes racistes, former les Noirs illettrĂ©s et organiser des confĂ©rences. Progressivement, ce mouvement prit une place politique en dĂ©fiant l’autoritĂ© du pouvoir et l’individualisme du systĂšme Ă©conomique[178]. Dans les annĂ©es 1960, le mouvement dĂ©nonça l’alignement du rĂ©gime militaire brĂ©silien sur le colonialisme portugais — engagĂ© dans des conflits sanglants en GuinĂ©e-Bissau, Angola et Mozambique — et le dĂ©veloppement de ses relations commerciales avec l'Afrique du Sud[178].

La dĂ©construction du mythe de la dĂ©mocratie raciale engagĂ©e par une partie de ces associations s’évertua Ă  rĂ©duire la problĂ©matique raciale Ă  une question de classe, en dĂ©laissant sa dimension proprement culturelle. Le problĂšme racial leur apparaissait constitutif de la lutte des classes et l’on s’ingĂ©niait alors de le rĂ©soudre sans prĂȘter attention Ă  ses irrĂ©ductibles spĂ©cificitĂ©s. Pourtant, des Ă©tudes plus rĂ©centes ont dĂ©montrĂ© que le prĂ©jugĂ© de couleur n’était pas liĂ© seulement Ă  une question Ă©conomique et sociale, mais qu’il persiste Ă  agir comme diviseur de la sociĂ©tĂ© au-delĂ  de l’aspect Ă©conomique[176].

Le racisme au BrĂ©sil se fait jour sous la forme de diffĂ©rences d’accĂšs Ă  l’enseignement et aux loisirs, d’une rĂ©partition inĂ©gale de revenus, et aussi de marques de discrimination qui Ă©chappent Ă  la compĂ©tence des autoritĂ©s, mais qui sont Ă©videntes dans le quotidien. Le racisme brĂ©silien en est un de l’intime, prĂ©sent dans la vie domestique, mais occultĂ© quand il se manifeste dans la sphĂšre publique. Il se reflĂšte dans les relations personnelles les plus intimes, dans le schĂ©ma ancien d’hiĂ©rarchisation sociale et de possibilitĂ©s inĂ©gales entre les citoyens ; il se reflĂšte dans certaines pratiques sans cesse rĂ©pĂ©tĂ©es, Ă  l’image de l’« ascenseur social », rĂ©servĂ© aux rĂ©sidents de l’immeuble, et l’« ascenseur de service », rĂ©servĂ© au personnel de maison, en majoritĂ© composĂ© de noirs. Il affleure Ă©galement dans le domaine Ă©conomique, ainsi que dans la relation avec la justice, oĂč la probabilitĂ© pour un criminel noir de se voir inculpĂ© est 80 % plus grande que pour un blanc. Le BrĂ©sil vit, observe l’historienne Lilia Moritz Schwarcz, une dichotomie, quand d’une part le pays exalte le mĂ©tissage racial et culturel, mais d’autre part et dans le mĂȘme temps donne Ă  voir un pays extrĂȘmement inĂ©gal[176].

Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le militantisme des associations afro-brĂ©siliennes obtint du gouvernement plusieurs rĂ©formes. Sous la prĂ©sidence de Lula da Silva, le BrĂ©sil vota une loi sur l'enseignement obligatoire de l'histoire de l'Afrique dans les Ă©coles, s'engagea Ă  traduire les volumes de l'Histoire gĂ©nĂ©rale de l'Afrique de l'UNESCO et lance une sĂ©rie d'initiatives pour lutter contre les stĂ©rĂ©otypes racistes[178]. La population noire, longtemps marginalisĂ©e, bĂ©nĂ©ficia des politiques de redistribution sociale imposĂ©es par Lula et poursuivies par Dilma Rousseff. En dix ans, le taux d’étudiants noirs dans les universitĂ©s est passĂ© de moins de 2 % Ă  9 % en 2013[179].

Cas de racisme divulgués

L’histoire rĂ©cente du BrĂ©sil est parsemĂ©e de cas patents de racisme devenus notoires. En 1950, l’actrice noire amĂ©ricaine Katherine Dunham fut empĂȘchĂ©e de descendre dans un hĂŽtel de SĂŁo Paulo au motif qu’elle Ă©tait une « personne de couleur ». L’incident fut dĂ©noncĂ© par Gilberto Freyre Ă  la tribune de la Chambre des dĂ©putĂ©s et sera l’un des moteurs de l’adoption de la loi Afonso Arinos, premiĂšre loi antiraciste du BrĂ©sil[180].

La journaliste Maria JĂșlia Coutinho a Ă©tĂ© la cible d’attaques racistes dans les rĂ©seaux sociaux en 2015 et dĂ©posa plainte Ă  la police. Elle a reçu le soutien de milliers de personnes, qui ont lancĂ© le mot-diĂšse « somostodosMaju », et cet incident a Ă©tĂ© le sujet le plus souvent postĂ© dans les rĂ©seaux sociaux[181].

Dans le football, les cas de racisme sont dĂ©jĂ  anciens au BrĂ©sil. Ce sport a des origines Ă©litistes, car son introduction dans le pays fut le fait de blancs, au dĂ©but du XXe siĂšcle. Ce nonobstant, le football devint peu Ă  peu un divertissement pour jeunes noirs et pauvres, lesquels dans la suite ont fourni les grands noms du football brĂ©silien. Pourtant, il y eut dans les premiers temps une forte rĂ©sistance contre la participation de joueurs noirs. Pour le championnat sud-amĂ©ricain de football de 1921, le prĂ©sident de la rĂ©publique EpitĂĄcio Pessoa « recommanda » que la sĂ©lection nationale ne comprenne pas de joueurs noirs pour le match contre l’Argentine car, selon lui, il Ă©tait nĂ©cessaire de projeter une « meilleure » image du BrĂ©sil devant les Ă©trangers. En consĂ©quence, des joueurs cĂ©lĂ©brĂšs de l’époque, comme le mulĂątre Arthur Friedenreich, furent tenus Ă  l’écart du championnat. En ce temps-lĂ , il Ă©tait commun que les joueurs noirs et mulĂątres se mettent de la poudre de riz sur le visage et se lissent les cheveux pour ĂȘtre acceptĂ©s[182]. Au cours de sa carriĂšre, le footballeur PelĂ© a Ă©tĂ© ridiculisĂ© par ses collĂšgues et par les mĂ©dias, se faisant notamment affubler du sobriquet de Gasolina, en raison de sa couleur de peau, nonobstant que le joueur ait toujours refusĂ© de prendre part Ă  quelque lutte antiraciste que ce soit[183].

Dans les annĂ©es 2010, plusieurs BrĂ©siliens noirs connus continuent d’ĂȘtre victimes de racisme. Pour la seule annĂ©e 2014, un arbitre et trois joueurs de football ont Ă©tĂ© les cibles d’attaques Ă  contenu raciste par des supporters brĂ©siliens : l’arbitre MĂĄrcio Chagas, dĂ©but 2014 ; le dĂ©fenseur du Sport Club Internacional, PaulĂŁo ; Arouca, alors joueur Ă  Santos ; et le gardien de but Aranha, alors chez Santos, qui avait Ă©tĂ© traitĂ© de « macaque » par une partie des supporters du GrĂȘmio[184]. À la suite de ce dernier incident, le GrĂȘmio fut exclu de la Coupe du BrĂ©sil par le Tribunal de justice sportive (STJD)[185]. Cependant, les quatre supporters identifiĂ©s comme Ă©tant les offenseurs Ă©chappĂšrent Ă  une condamnation pour injure raciale, ayant en effet conclu un accord judiciaire, par lequel ils s’engageaient Ă  comparaĂźtre devant une dĂ©lĂ©gation Ă  chaque jour de match du GrĂȘmio, une demi-heure avant la partie[184].

Des femmes ayant une visibilitĂ© dans les mĂ©dias ont aussi Ă©tĂ© victimes de la mĂȘme intolĂ©rance. En 2015, la journaliste de Rede Globo, Maria JĂșlia Coutinho, fut la cible d’attaques racistes dans les rĂ©seaux sociaux. Le mot-diĂšse #SomostodosMaju eut une grande rĂ©percussion dans les rĂ©seaux sociaux, et son cas fut exposĂ© dans le tĂ©lĂ©journal Jornal Nacional, en prĂ©sence de la victime[186]. La journaliste dĂ©posa plainte auprĂšs de la police, qui aprĂšs enquĂȘte dĂ©couvrit que l’un des suspects Ă©tait un adolescent ĂągĂ© de 15 ans, habitant CarapicuĂ­ba, dans l’État de SĂŁo Paulo[187]. Toujours en 2015, l’actrice TaĂ­s AraĂșjo vit son profil Facebook visĂ© par des offenseurs avec des messages Ă  contenu raciste. Un hashtag #SomosTodosTaĂ­sAraĂșjo, crĂ©Ă© en soutien Ă  l’artiste, deviendra « trending topic » sur Twitter. Dans les rĂ©seaux sociaux, l’actrice avait lancĂ© « Vous ne m’intimiderez pas » avant d’en aviser la police, qui engagea ensuite une enquĂȘte[188].

L’ONG SaferNet BrĂ©sil affirme avoir enregistrĂ© en 2014 une hausse de 34,15 % de pages internet estampillĂ©es comme racistes et de 365,46 % de pages vĂ©hiculant de la xĂ©nophobie au BrĂ©sil[189]. L’anonymat garanti par l’internet fait de la Toile un environnement propice Ă  ce que les racistes se manifestent, Ă  telle enseigne que le racisme se classe second, dans l’ordre des violations des droits de l’homme, pour sa frĂ©quence dans les rĂ©seaux sociaux brĂ©siliens, devancĂ© seulement par la pĂ©dopornographie[190]. Toutefois, selon le spĂ©cialiste Leonardo Zanatta, « s’il y avait une coopĂ©ration entre le rĂ©seau social et la police brĂ©silienne, il serait facile de remonter jusqu’aux responsables d’actes racistes, quand mĂȘme tout aurait Ă©tĂ© effacĂ© »[191].

En 2014, on recensa au BrĂ©sil 7000 plaintes dĂ©posĂ©es auprĂšs de Disque Racismo, agence de lutte contre le racisme et l’antisĂ©mitisme du gouvernement de l’État de Rio de Janeiro, soit une moyenne de prĂšs de 700 par mois[192].

Indicateurs socio-Ă©conomiques

Ramasseurs de déchets à Recife. Plus de 70 % des Brésiliens vivant dans la misÚre sont noirs ou bruns (pardos).

Le BrĂ©sil est l'un des pays les plus inĂ©galitaires au monde et les Afro-brĂ©siliens en sont en grande partie les victimes. D'aprĂšs les donnĂ©es de l’Institut brĂ©silien de gĂ©ographie et statistique (IBGS) pour 2017, on retrouve 74 % de noirs ou mĂ©tis parmi les 10 % les plus pauvres. Dans les favelas, la population noire ou mĂ©tisse est de 77 %[193].

Un rapport de l’universitĂ© fĂ©dĂ©rale de Rio de Janeiro (UFRJ) rendu public en 2011 a mis en Ă©vidence que la part des noirs et des bruns (pardos) dans le total des chĂŽmeurs s’est accrue[194]. Selon ce rapport, en 2006, les noirs et les bruns entraient pour 54,1 % dans le total des chĂŽmeurs (23,9 points de pourcentage d’hommes et 30,8 de femmes) ; un peu moins de dix ans auparavant, en 1995, les noirs et bruns reprĂ©sentaient 48,6 % de ce total (25,3 points de % d’hommes et 23,3 de femmes)[194].

Quant au groupe des dĂ©tenteurs d’emploi, les disparitĂ©s raciales sont lĂ  Ă©galement clairement perceptibles : en 2006, le revenu moyen mensuel rĂ©el des hommes blancs s’élevait Ă  1 164,00 rĂ©aux, montant de 56,3 % supĂ©rieur Ă  la rĂ©munĂ©ration moyenne des femmes blanches (744,71 rĂ©aux), de 98,5 % supĂ©rieur Ă  celle des hommes noirs et bruns (586,26 rĂ©aux), et de 200 % supĂ©rieur Ă  celle des femmes noires et brunes[194].

Une enquĂȘte du ministĂšre du DĂ©veloppement social (MDS) publiĂ© en 2011 estime que dans la fraction « extrĂȘmement pauvre » de la population, 50,5 % sont des femmes, dont 70,8 % dĂ©clarent ĂȘtre noires ou brunes. Le recensement de la population effectuĂ© en 2010 a mis au jour que sur les 16 millions de BrĂ©siliens vivant en extrĂȘme pauvretĂ© (c’est-Ă -dire ayant des revenus en deçà de 70 rĂ©aux mensuels), 4,2 millions Ă©taient blancs et 11,5 millions noirs ou bruns[195].

Histoire de l’inĂ©galitĂ©

Femme se faisant transporter en chaise Ă  porteurs par ses esclaves, Ă  SĂŁo Paulo, en 1860.

L’inĂ©galitĂ© sociale existant au BrĂ©sil entre blancs d’une part et noirs et mulĂątres d’autre part remonte Ă  l’époque coloniale. Bien que dans les deux premiers siĂšcles de la colonisation, la majoritĂ© de la population d’origine africaine au BrĂ©sil fĂ»t en Ă©tat d’esclavage, on assista au XVIIIe siĂšcle Ă  une forte augmentation des affranchis (libertos), et noirs et mulĂątres libres arrivaient mĂȘme Ă  constituer la majoritĂ© de la population dans certaines capitaineries. Cependant, les lois et dĂ©crets Ă©dictĂ©s par la Couronne portugaise et les pratiques sociales formaient une grande entrave au progrĂšs Ă©conomique de cette population. Les affranchis d’ascendance africaine Ă©taient discriminĂ©s par une lĂ©gislation qui, bien souvent, ne les distinguait pas des esclaves. Ces lois discriminatoires, flagrantes en ce qui concerne le port d'armes et l’usage de certaines piĂšces vestimentaires, Ă©cartaient aussi les Africains de la fonction publique, Ă©tant donnĂ© qu’il fallait d’abord apporter la preuve de sa « puretĂ© de sang » pour pouvoir s’y porter candidat[115].

Esclave bonne d’enfants et nourrice, avec l’enfant Eugen Keller, dans la province de Pernambouc, 1874.

Le noir ou le mulĂątre libre disposait de trois possibilitĂ©s de gagner sa vie. La premiĂšre Ă©tait de rĂ©aliser son indĂ©pendance financiĂšre Ă  n’importe quel prix, en mettant Ă  profit chaque occasion commerciale qui viendrait Ă  surgir. La deuxiĂšme consistait Ă  se laisser intĂ©grer dans le systĂšme esclavocrate comme mĂ©tayer ou travailleur salariĂ©. La derniĂšre enfin Ă©tait de renoncer Ă  affronter les dĂ©fis et les inconvĂ©nients liĂ©s Ă  l’état d’individu de couleur et de se livrer au vagabondage. Beaucoup d’anciens esclaves Ă©prouvaient les plus grandes difficultĂ©s Ă  s’intĂ©grer dans le monde des hommes libres ; dans la captivitĂ©, tout ce qui Ă©tait exigĂ© de la part d’un esclave Ă©tait sa force physique[115]. L’institution de l’esclavage avait minĂ© leur capacitĂ© d’initiative et de dĂ©cision, leur avait enlevĂ© toute possibilitĂ© de faire la dĂ©monstration de leurs Ă©ventuels talents de meneur d’hommes et de leur prĂ©sence d’esprit. Seuls les individus les plus dĂ©terminĂ©s rĂ©ussissaient Ă  surmonter ces barriĂšres psychologiques. Toutefois, les noirs et mulĂątres nĂ©s libres avaient plus de perspectives que ceux nĂ©s esclaves puis affranchis. Enfin, les mulĂątres Ă  la peau plus claire, mĂȘme ceux nĂ©s en captivitĂ©, avaient de meilleures chances de s’intĂ©grer dans le « monde blanc » que les noirs Ă  peau plus foncĂ©e, mĂȘme ceux nĂ©s en libertĂ©[115].

Aussi la confrontation avec la sociĂ©tĂ© libre se rĂ©vĂ©lera-t-elle une tĂąche compliquĂ©e et ardue pour la population croissante de noirs et mulĂątres libres pendant la pĂ©riode coloniale. Socialement marginalisĂ©s, dĂ©pourvus de ressources financiĂšres, ils Ă©taient nombreux Ă  vivre dans une situation plus prĂ©caire que celle des esclaves. La Couronne portugaise et les autoritĂ©s municipales brĂ©siliennes n’entreprirent rien pour sauver cette population de la marginalitĂ©, et il n’y avait aucune politique d’intĂ©gration sociale ni aucune aide pĂ©cuniaire. Les seules organisations dans le BrĂ©sil colonial Ă  se soucier des individus d’origine africaine Ă©taient les confrĂ©ries laĂŻques[115]. La Santa Casa de MisericĂłrdia, unique prestataire institutionnel d’assistance sociale de tout l’empire maritime portugais, offrait des dots aux femmes noires et mulĂątres en Ăąge de se marier, soignait les malades gracieusement, et aidait les gens Ă  apprendre l’un ou l’autre mĂ©tier. Les confrĂ©ries du BrĂ©sil colonial contribuĂšrent donc, jusqu’à un certain point, Ă  soulager les problĂšmes dus de l’abdication totale de l’État et de l’Église et Ă  intĂ©grer les noirs et les mulĂątres libres dans la sociĂ©tĂ© coloniale brĂ©silienne[115].

Certaines communautés estiment subir un « racisme environnemental », les usines les plus polluantes étant souvent implantées dans les régions habitées par des Afro-Brésiliens. Cependant, ces implantations pourraient répondre à des critÚres socio-économiques plutot qu'ethniques[196].

Aprùs l’abolition de l’esclavage

Charte originale de la loi d'or de mai 1888 portant abolition de l’esclavage au BrĂ©sil.

« AprĂšs que les derniers esclaves auront Ă©tĂ© arrachĂ©s au pouvoir sinistre que reprĂ©sente pour la race noire la malĂ©diction de la couleur, il sera nĂ©cessaire encore de rĂąper, au moyen d’une Ă©ducation virile et sĂ©rieuse, la lente stratification de 300 ans de captivitĂ©, c’est-Ă -dire de despotisme, de superstition et d’ignorance. »

— Joaquim Nabuco, abolitionniste brĂ©silien[197].

L’État brĂ©silien devenu indĂ©pendant ne changea pas sa politique vis-Ă -vis de la population noire et mulĂątre. Au fur et Ă  mesure que les gens d’origine africaine s’affranchissaient de l’esclavage en nombre toujours plus grand, ils allaient grossir les rangs des marginalisĂ©s Ă  l’entrĂ©e des villes et des bourgs[6].

Le , la princesse Isabelle, en sa qualitĂ© de rĂ©gente du trĂŽne, en l’absence de son pĂšre, l’empereur Pierre II, proclama l’abolition de l’esclavage. L’abolition ne conduira pas Ă  la transformation Ă©conomique et sociale escomptĂ©e par les abolitionnistes. Le BrĂ©sil continua d’ĂȘtre un pays essentiellement agraire, avec un systĂšme paternaliste de relations sociales et avec une stratification sociale rigide. Les propriĂ©taires terriens (blancs en majoritĂ©, avec parfois des mulĂątres claires) dĂ©tenaient quasiment le monopole du pouvoir Ă©conomique, social et politique ; Ă  ceux-ci avaient Ă  se soumettre les couches infĂ©rieures, majoritaires dans la sociĂ©tĂ©, constituĂ©es de blancs pauvres et de descendants d’esclaves[17].

Les esclaves libĂ©rĂ©s par l’effet de la loi d'or, au nombre de prĂšs d’un demi-million, furent projetĂ©s dans une sociĂ©tĂ© dĂ©jĂ  multiraciale, oĂč beaucoup de descendants d’esclaves se trouvaient dĂ©jĂ  en libertĂ©. Au XVIIIe siĂšcle, il y avait dans quelques rĂ©gions du BrĂ©sil plus d’esclaves que de gens libres ou affranchis ; quant aux blancs, ils n’ont jamais constituĂ© de majoritĂ© dans aucune partie du BrĂ©sil, jusqu’à ce l’immigration europĂ©enne vĂźnt modifier le profil dĂ©mographique de plusieurs États du sud et du centre-sud Ă  partir du XIXe siĂšcle. DĂ©but XIXe, la majoritĂ© de la population d’origine africaine vivait encore sous le rĂ©gime de l’esclavage. En 1819, aux alentours de 30 % de la population brĂ©silienne Ă©tait esclave, et les affranchis Ă©taient seulement entre 10 et 15 %. Au cours de ce siĂšcle cependant, l’on assista Ă  un accroissement exponentiel de la population des descendants d’anciens esclaves, de sorte qu’en 1872, les descendants d’anciens esclaves comptaient dĂ©jĂ  pour 42 % de la population brĂ©silienne et que la proportion d’esclaves s’était rĂ©duite Ă  seulement 16 %. Cette annĂ©e-lĂ , la population brune (parda) comprenait prĂšs de trois fois autant d’affranchis que d’esclaves[17].

Il se trouve qu’ainsi le BrĂ©sil possĂ©dait dĂ©jĂ , au moment de l’abolition, une vaste classe d’affranchis, de teint variĂ©, et une longue tradition, remontant aux premiers temps de la colonisation, d’ascension sociale pour un petit nombre d’esclaves affranchis. Une pĂ©nurie centenaire de main-d’Ɠuvre blanche qualifiĂ©e et semi-qualifiĂ©e au BrĂ©sil colonial avait obligĂ© les colonisateurs portugais Ă  autoriser la mise en place d’une classe d’anciens esclaves qui fĂ»t capable d’exercer ces activitĂ©s, tendance qui fut probablement poursuivie au XIXe siĂšcle[17].

L’ascension sociale des descendants d’Africains dĂ©pendait de plusieurs facteurs. La couleur de peau, la texture capillaire et les traits du visage Ă©taient les Ă©lĂ©ments dĂ©terminants pour ranger une personne dans telle ou telle catĂ©gorie raciale. La fortune et la position sociale apparente, comme la tenue vestimentaire et le milieu social, jouaient ici Ă©galement un rĂŽle, en accord avec l’idĂ©e selon laquelle au BrĂ©sil « l’argent blanchit », encore que ce phĂ©nomĂšne se limitait aux mulĂątres clairs. Aussi les limites Ă  l’ascension sociale Ă©taient-elles fixĂ©es par l’apparence physique (plus celle-ci Ă©tait « nĂ©groĂŻde », plus l’ascension Ă©tait difficile), mais Ă©galement du degrĂ© de « blancheur » sociale (instruction, maniĂšres et revenu). À cĂŽtĂ© de l’apparence physique, l’origine avait aussi son importance au BrĂ©sil ; il Ă©tait courant que des mĂ©tis en ascension sociale dissimulent leur origine familiale, ce qui montre que mĂȘme les mulĂątres dont le phĂ©notype leur permettait de monter les Ă©chelons redoutaient de voir leur origine familiale compromettre leur ascension sociale[17].

Des affranchis de couleur, presque invariablement des mulĂątres clairs, exerçaient dĂ©jĂ  des fonctions importantes bien avant l’abolition de 1888. Certains avaient accompli une promotion sociale considĂ©rable, occupant des postes qualifiĂ©s ou se distinguant comme artiste, homme politique et Ă©crivain, y compris mĂȘme quand l’esclavage Ă©tait encore en vigueur. Cette minoritĂ© contrastait avec la majoritĂ© plongĂ©e dans la pauvretĂ©. À la suite de l’abolition, des milliers d’anciens esclaves quittĂšrent les fazendas (grands domaines agricoles) et s’en furent vivre de l’agriculture de subsistance. Mais bientĂŽt beaucoup s’en revinrent vers leurs anciens maĂźtres et se rĂ©intĂ©grĂšret dans leurs anciennes Ă©quipes de travail. D’autres prĂ©fĂ©rĂšrent se rendre dans les villes, guĂšre prĂ©parĂ©es pour accueillir cet afflux de travailleurs non qualifiĂ©s. Dans le centre-sud, les anciens esclaves eurent, pour obtenir les emplois, Ă  affronter la concurrence de la masse des immigrants europĂ©ens, qui venaient de dĂ©barquer et Ă©taient mieux qualifiĂ©s qu’eux pour rĂ©ussir dans le monde capitaliste urbain. Dans le Nordeste, Ă©conomiquement sur le dĂ©clin, les possibilitĂ©s d’emploi Ă©taient peu nombreuses pour tout le monde. Aussi, pour les couches infĂ©rieures brĂ©siliennes, dont faisaient partie la majoritĂ© des noirs et mulĂątres, l’ascension sociale apparaissait des plus difficiles[17].

Au lendemain de l’abolition, l’on assista au dĂ©part des ex-esclaves qui ne souhaitaient plus servir leurs anciens maĂźtres, suivi de l’expulsion des noirs ĂągĂ©s et malades hors des fazendas. Un grand nombre de noirs allĂšrent se concentrer Ă  l’entrĂ©e des villes, en vivant dans des conditions prĂ©caires, ce qui forcera bientĂŽt beaucoup d’entre eux Ă  s’en retourner vers les domaines latifondiaires pour y travailler. L’économie agricole se dĂ©veloppant et se modernisant, d’autres contingents de travailleurs et de petits mĂ©tayers furent expulsĂ©s, et s’en allĂšrent Ă  leur tour grossir la population des villes. Cette masse n’est pas composĂ©e exclusivement de noirs, mais aussi de bruns et de blancs pauvres, qui se tenaient Ă  disposition comme rĂ©servoir de recrutement de main-d’Ɠuvre. Cette masse, oĂč prĂ©dominent noirs et mulĂątres, peut encore ĂȘtre aperçue aujourd’hui (annĂ©es 2010) vivant dans la misĂšre autour des agglomĂ©rations urbaines brĂ©siliennes dans toutes les rĂ©gions Ă  grande propriĂ©tĂ© fonciĂšre[6].

Comparaison entre noirs et immigrants

Esclaves dans une plantation de café (1885).
Immigrants italiens dans une plantation de café début XXe siÚcle.

À la fin du XIXe siĂšcle, un grand nombre d’immigrants, surtout europĂ©ens, vinrent au BrĂ©sil. La majoritĂ© s’installa dans l’État de SĂŁo Paulo, oĂč ils se faisaient embaucher comme travailleurs dans les plantations de cafĂ©. C’est aussi Ă  cette mĂȘme Ă©poque que s’opĂ©rait la transition du travail esclave vers le travail salariĂ©. Beaucoup d’immigrants se retrouvaient donc Ă  travailler cĂŽte Ă  cĂŽte avec des noirs et des mulĂątres, remplissant les mĂȘmes fonctions, autrement dit : au dĂ©part, immigrants europĂ©ens et afrodescendants se trouvaient sur le mĂȘme Ă©chelon social. Cependant, les annĂ©es passant, les immigrants et surtout leurs enfants parviendront Ă  s’élever sur l’échelle sociale, alors que la majoritĂ© des noirs et des mulĂątres persistaient dans la pauvretĂ©[198]. DiffĂ©rents auteurs se sont attachĂ©s Ă  expliquer ce phĂ©nomĂšne. Florestan Fernandes souligne que les affranchis n’étaient pas prĂ©parĂ©s Ă  concourir avec les immigrants europĂ©ens, parce que la dĂ©shumanisation et la violence propres Ă  l’esclavage en avaient fait des asociaux (« anomie »), sans liens familiaux ni communautaires forts, sans discipline, et enclins Ă  percevoir la libertĂ© comme l’équivalent de l’absence de travail. La recherche actuelle insiste davantage sur le racisme des patrons latifondiaires (fazendaires) brĂ©siliens, qui prĂ©fĂ©raient engager des immigrants que des travailleurs nationaux d’origine africaine[199].

Le sociologue Karl Monsma a entrepris, pour les besoins de sa recherche, d’analyser les donnĂ©es de recensement de la municipalitĂ© de SĂŁo Carlos, dans l’État de SĂŁo Paulo. Quoique sa recherche se soit limitĂ©e Ă  cet État, les rĂ©sultats peuvent ĂȘtre extrapolĂ©s Ă  d’autres parties du pays. En 1907, la situation des noirs et des immigrants Ă©tait Ă  beaucoup d’égards semblable. La principale occupation des immigrants dans la municipalitĂ© Ă©tait le colonato, l’activitĂ© de colon agricole, comme c’était aussi la principale occupation des noirs et des mulĂątres[200]. Ceci tend Ă  dĂ©montrer que les afrodescendants n’étaient pas totalement exclus des fazendas. À ce stade, les immigrants n’avaient encore eu accĂšs Ă  la propriĂ©tĂ© de la terre que dans une mesure faible : seuls 13 % des Italiens et 10,1 % des Espagnols s’étaient faits propriĂ©taires, pourcentage infĂ©rieur Ă  celui des propriĂ©taires mulĂątres (16 %) et noirs (13,5 %). La thĂšse de Florestan Fernandes, trĂšs contestĂ©e actuellement (2010), qui tient que noirs et mulĂątres, une fois acquise leur libertĂ©, se sont mis Ă  vivre en anomie (sans rĂšgles et attaches sociales), n’apparaĂźt donc pas Ă©tayĂ©e par les donnĂ©es statistiques. À SĂŁo Carlos, le pourcentage de familles ayant Ă  leur tĂȘte une femme Ă©tait plus Ă©levĂ© chez les BrĂ©siliens blancs (15,8 %) que chez les noirs (14,2 %) et les mulĂątres (12,8 %). Le taux de nuptialitĂ© Ă©tait supĂ©rieur chez les noirs et les mulĂątres que chez les BrĂ©siliens blancs, ce qui, dans le contexte catholique traditionnel, bat en brĂšche la thĂšse de la dĂ©sorganisation familiale des afrodescendants[201].

Quant au taux d'alphabétisation, il était évidemment plus élevé chez les Brésiliens blancs de sexe masculin (61,7 %), chez les Portugais (45,6 %), les Espagnols (45,5 %) et les Italiens (43,8 %) que chez les mulùtres (30,5 %) et les noirs (14,7 %)[202].

L’auteur de l’étude, Karl Monsma, arrive aux conclusions suivantes lorsqu’il tente d’expliquer pourquoi les immigrants et leurs descendants ont fortement progressĂ© au BrĂ©sil, au contraire des noirs et des mulĂątres qui dans la plupart des cas sont demeurĂ©s pauvres[203] :

  • La prĂ©sence nombreuse d’immigrants europĂ©ens pauvres tira vers le bas le coĂ»t de la main-d’Ɠuvre dans les grands domaines agricoles, au dĂ©savantage des travailleurs noirs et des autres BrĂ©siliens.
  • Chaque nationalitĂ© d’immigrants avait en son sein une Ă©lite scolarisĂ©e sur laquelle les compatriotes pouvaient s’appuyer pour, p. ex., faire face aux abus des patrons de fazenda et de la police. Cette Ă©lite immigrante employait aussi ses compatriotes dans ses propres fazendas, dans ses bureaux et dans ses boutiques, et aidait les pauvres et les analphabĂštes Ă  affronter la bureaucratie de l’État. Une telle assistance Ă©tait fournie aussi par les consulats, oĂč les immigrants recevaient assistance et conseil pour la dĂ©fense de leurs intĂ©rĂȘts. Chez les noirs en revanche, l’élite faisait quasiment dĂ©faut, et plus encore les consulats, et les noirs ne pouvaient recourir qu’à l’aide de l’élite blanche locale ; l’absence d’une Ă©lite noire contrariait l’organisation collective des noirs et les rendait incapables de contredire les reprĂ©sentations nĂ©gatives faites Ă  leur propos par les blancs.
  • Les rares mulĂątres qui avaient rĂ©ussi s’efforçaient de « se blanchir » par la voie du mariage avec des personnes blanches et ne s’identifiaient pas aux noirs pauvres. Avec le passage d’une ou de deux gĂ©nĂ©rations, leurs descendants devenaient des blancs, rejoignant la population des blancs prospĂšres.
  • Les familles des immigrants Ă©taient en moyenne plus nombreuses que celles des noirs. Les familles plus grandes avaient la prĂ©fĂ©rence des patrons de fazenda et pouvaient gagner plus comme mĂ©tayers ou comme colons.
  • la taux d’alphabĂ©tisation des BrĂ©siliens blancs et des immigrants Ă©tait beaucoup plus Ă©levĂ© que celui des noirs, ce qui empĂȘchait ces derniers d’occuper des emplois meilleurs dans le commerce et la fonction publique, et les bornait au travail manuel. Le racisme rencontrĂ© Ă  l’école entraĂźnait une forte dĂ©fection scolaire chez les noirs, prĂ©judiciable Ă  leur instruction.
  • Les noirs Ă©taient rejetĂ©s par l’élite brĂ©silienne. À l’inverse, les immigrants et leurs descendants s’intĂ©graient plus aisĂ©ment aux Ă©lites locales, ce qui favorisait leur ascension sociale.
  • Avec leur avancement social, les immigrants et leurs descendants vinrent Ă  dominer un nombre croissant de postes de travail et tendaient Ă  favoriser leurs semblables, tout en intĂ©riorisant le racisme et en Ă©cartant le noir, stigmatisĂ© comme moralement infĂ©rieur, des postes de dĂ©cision.

Le salaire selon l’origine ethnique

Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 1998 par le sociologue mineiro Simon Schwartzman a montrĂ© que l’inĂ©galitĂ© salariale au BrĂ©sil comporte elle aussi une dimension ethnique et raciale. L’étude a mis au jour que les BrĂ©siliens aux salaires les plus Ă©levĂ©s sont de couleur ou de race « jaune » et blanche, tandis que les salaires les plus bas Ă©choient gĂ©nĂ©ralement aux noirs, aux bruns (pardos) et aux indigĂšnes. Le revenu mensuel d’un BrĂ©silien blanc s’élevait en moyenne Ă  848,41 rĂ©aux, dĂ©passant celui des indigĂšnes (515,07 rĂ©aux), des bruns (440,14 rĂ©aux) et des noirs (400,84 rĂ©aux)[204].

Si l’on ventile par origine ancestrale, on constate que les descendants d’immigrants occupent le sommet de la pyramide sociale brĂ©silienne. Les personnes interrogĂ©es indiquant avoir une ancestralitĂ© juive, arabe ou japonaise Ă©taient celles qui avaient le mieux rĂ©ussi professionnellement. Les descendantes de Juifs gagnaient en moyenne 2 047,24 rĂ©aux mensuels, de Japonais 1 719,14 rĂ©aux, et d’Arabes 1 759,26 rĂ©aux[204].

Dans la catĂ©gorie intermĂ©diaire se rangeaient les descendants d’Italiens (1 135,66 rĂ©aux), d’Espagnols (1 134,55 rĂ©aux), de Portugais (1 071,97 rĂ©aux) et d’Allemands (976,59 rĂ©aux). Ceux des blancs indiquant n’avoir que des origines « brĂ©siliennes » avaient en moyenne des revenus plus faibles (778,09 rĂ©aux)[204].

Les bruns indiquant avoir une ascendance africaine gagnaient 496,14 rĂ©aux, ceux revendiquant une ancestralitĂ© « brĂ©silienne », 431,64 rĂ©aux. Les noirs d’ascendance africaine touchaient en moyenne 515,3 rĂ©aux et, le groupe le plus pauvre de tous, les noirs d’ascendance revendiquĂ©e « brĂ©silienne », gagnaient un revenu moyen de 384,81 rĂ©aux. Il est Ă  noter que les noirs et les bruns se rĂ©clamant d’une ancestralitĂ© « africaine » bĂ©nĂ©ficiaient de revenus supĂ©rieurs Ă  ceux se disant d’ascendance seulement « brĂ©silienne », ce qui suggĂšre qu’à l’intĂ©rieur du groupe des noirs, l’identification Ă  une origine africaine est associĂ©e Ă  une position sociale, et probablement Ă  un niveau d’études, plus Ă©levĂ©s[204].

Présence des noirs dans le médias brésiliens

TaĂ­s AraĂșjo fut la premiĂšre hĂ©roĂŻne noire d’une telenovela brĂ©silienne.

Les afrodescendants ont une assez faible visibilitĂ© dans les mĂ©dias brĂ©siliens. À la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne, le modĂšle hĂ©gĂ©monique blanc continue de prĂ©valoir, reflĂ©tant une tendance Ă  l’euro-nord-amĂ©ricanisation de la reprĂ©sentation tĂ©lĂ©visuelle de la rĂ©alitĂ© sociale brĂ©silienne. MalgrĂ© la rĂ©sistance culturelle et politique des groupes de pression noirs, la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne n’a toujours pas Ă©tĂ© en mesure de traduire en images les valeurs, les expĂ©riences et l’importance de ce groupe pourtant co-formateur de la population brĂ©silienne[205]. Si la telenovela (sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e), produit important de l’industrie culturelle brĂ©silienne, a certes dĂ©jĂ  mis en scĂšne diffĂ©rentes classes sociales, ses intrigues ont cependant toujours pour centre de gravitĂ© la classe moyenne blanche et ses rapports avec les riches. La « classe moyenne de la zone Sud » est dĂ©peinte dans les telenovelas brĂ©siliennes de façon proĂ©minente et sous des traits sĂ©duisants, et les personnages de noirs apparaissent Ă  l’écran conformĂ©ment Ă  la vision qu’ont d’eux les blancs, Ă  savoir comme « employĂ©s fidĂšles et anges gardiens des protagonistes et personnages les plus importants des heures de grande Ă©coute ». MĂȘme la classe moyenne noire, quand elle est donnĂ©e Ă  voir dans les telenovelas, apparaĂźt tellement normale et assimilĂ©e, sans lien aucun avec la culture afro-brĂ©silienne, qu’elle pourrait tout aussi bien ĂȘtre interprĂ©tĂ©e par des acteurs blancs[206].

Alors que le BrĂ©sil produit des telenovelas depuis la dĂ©cennie 1960, ce n’est qu’en 1996 que pour la premiĂšre fois une actrice noire, TaĂ­s AraĂșjo, y apparaĂźt comme personnage central, Ă  savoir dans Xica da Silva. À propos de cette distinction insigne d’avoir Ă©tĂ© la premiĂšre actrice noire Ă  jouer un rĂŽle de premier plan dans plusieurs secteurs tĂ©lĂ©visuels, TaĂ­s AraĂșjo dĂ©clara qu’elle se dispenserait bien de cette distinction, car celle-ci « dĂ©montre le prĂ©jugĂ© et le retard qui existent dans mon pays ». InterrogĂ©e sur les raisons pour lesquelles il y a si peu de noirs Ă  la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne, l’actrice rĂ©pliqua : « parce que nous vivons dans un pays rempli de prĂ©jugĂ©s. Il existe beaucoup d’acteurs noirs sur le marchĂ©, de bons professionnels et fort bien prĂ©parĂ©s pour se colleter avec n’importe quel personnage »[207]. Une illustration Ă©loquente de cet Ă©tat de choses se produisit en 1970, lors de l’adaptation pour la tĂ©lĂ©vision du roman amĂ©ricain La Case de l'oncle Tom, rĂ©alisĂ©e par Rede Globo. Celui Ă  qui fut dĂ©volu le rĂŽle de l’oncle Tom, qui est notoirement un personnage noir dans le livre, Ă©tait l’acteur blanc SĂ©rgio Cardoso. Pour paraĂźtre noir, Cardoso devait se peindre en noir durant toute la durĂ©e du tournage. Dans Porto dos Milagres de 2001, autre adaptation d’un livre, cette fois de Jorge Amado, quasiment tous les acteurs Ă©taient blancs, alors que dans le roman originel l’histoire se dĂ©roulait dans la Bahia et que l’auteur lui-mĂȘme dĂ©crivait ses personnages comme Ă©tant en majoritĂ© noirs[208]. En 2013, Rede Globo fut accusĂ©e de racisme dans les rĂ©seaux sociaux pour n’avoir inclus aucun acteur noir dans la telenovela Amor Ă  Vida. La chaĂźne rĂ©pliqua en argumentant qu’elle « ne rĂ©partit pas les rĂŽles selon la couleur de peau et que le choix des acteurs dans les novelas se fait en fonction de la compatibilitĂ© artistique avec le personnage et avec l’histoire »[209].

En 2018, Rede Globo fit Ă  nouveau l’objet de critiques Ă  cause de l’absence de personnes noires dans sa programmation, cette fois en rapport avec la telenovela Segundo Sol, dont l’action se situait dans l’État de la Bahia, oĂč, d’aprĂšs le recensement, aux environs de 80 % de la population se dĂ©clare de couleur noire ou brune (parda) ; pourtant, les acteurs Ă©taient presque tous blancs, et des 27 acteurs apparaissant dans la sĂ©rie, seuls trois Ă©taient noirs, dont aucun ne jouait un rĂŽle de premier plan. Une grande partie du public s’en Ă©mut et s’indigna de ce manque de reprĂ©sentativitĂ©, ce qui porta le MinistĂšre public du Travail (MPT) de Rio de Janeiro Ă  adresser une notification Ă  Rede Globo Ă  ce sujet, recommandant que la chaĂźne respecte la diversitĂ© raciale existant au BrĂ©sil[210]. Dans un communiquĂ©, la chaĂźne reconnut que la reprĂ©sentativitĂ© avait Ă©tĂ© « moindre que ce qu’il lui aurait plu » (menor do que gostaria)[211]. Cette affaire eut mĂȘme un retentissement international, le journal britannique The Guardian lui consacrant un article[212].

Au BrĂ©sil, les personnages noirs sont souvent stĂ©rĂ©otypĂ©s, gĂ©nĂ©ralement cantonnĂ©s dans des rĂŽles de subordination, d’employĂ© domestique, de chauffeur, de garde-cĂŽte ou d’habitant de favelas. Les femmes noires sont habituellement dĂ©peintes comme des femmes Ă  fort appĂ©tit sexuel et Ă  la sensualitĂ© exacerbĂ©e. Les hommes noirs sont stĂ©rĂ©otypĂ©s comme dĂ©sƓuvrĂ©s et comme dĂ©linquants[208]. Alors que depuis les annĂ©es 1970, les mouvements noirs au BrĂ©sil se battent pour une meilleure reprĂ©sentation des afro-descendants dans les mĂ©dias, la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne persiste dans son schĂ©ma de « blanchiment » (branqueamento) et, en dĂ©pit des avancĂ©es obtenues, dans beaucoup de sĂ©ries les personnages noirs sont simplement dĂ©daignĂ©s. Abstraction faite des productions autour de thĂ©matiques esclavagistes, dans 28 sur les 98 telenovelas produites par Rede Globo dans les dĂ©cennies 1980 et 1990, il n’y avait pas mĂȘme un seul personnage noir. Dans seulement 28 % de celles-ci, les acteurs noirs reprĂ©sentaient plus de 10 % de la distribution, et ce dans un pays oĂč 50 % au moins de la population est constituĂ©e de descendants d’Africains. Aussi la telenovela, en ne reflĂ©tant pas la composition ethnique rĂ©elle de la population brĂ©silienne, se range-t-elle du cĂŽtĂ© des nĂ©gateurs de la diversitĂ© raciale du BrĂ©sil. Pas davantage, les acteurs bruns ou mĂ©tis n’obtiennent de rĂŽles de premier plan. De surcroĂźt, les sĂ©ries qui par leur thĂ©matique mettent en avant la culture ou les expĂ©riences spĂ©cifiques des Afro-BrĂ©siliens sont rarement programmĂ©es aux heures de grande Ă©coute, et restent limitĂ©es Ă  quelques mini-sĂ©ries[213].

Dans le milieu publicitaire brĂ©silien, la situation n’est pas diffĂ©rente. Des noirs apparaissent dans seulement 3 % des publicitĂ©s Ă  la tĂ©lĂ©vision. Dans les annĂ©es 1980, les mouvements noirs et les publicitaires se sont rĂ©unis pour analyser la faible prĂ©sence de noirs dans la publicitĂ© brĂ©silienne. On arriva Ă  la conclusion que le noir Ă©tait laissĂ© de cĂŽtĂ© parce que la publicitĂ© tendait Ă  se rĂ©fĂ©rer Ă  un modĂšle familial en adĂ©quation avec la classe moyenne brĂ©silienne, dans laquelle les noirs n’auraient qu’assez peu droit au chapitre. De plus, le noir ne serait pas un grand consommateur, les clients des agences de publicitĂ© ne souhaiteraient pas que des noirs soient inclus dans la publicitĂ© pour leur produit, et enfin, la publicitĂ© serait le reflet de la sociĂ©tĂ©, en ce compris ses prĂ©jugĂ©s. L’essayiste et rĂ©alisateur de cinĂ©ma mineiro Joel Zito AraĂșjo, auteur d’un vaste travail de recherche sur la reprĂ©sentation du noir dans les mĂ©dias brĂ©siliens, relĂšve que « dans la logique de cette majoritĂ©, noir est Ă©gal Ă  pauvre, qui est Ă©gal Ă  consommation de subsistance ». De la mĂȘme façon que beaucoup de BrĂ©siliens vivent encore sous l’égide du mythe de la dĂ©mocratie raciale, beaucoup de publicitaires et de producteurs ont simplement admis l’idĂ©e que la question raciale n’est pas importante, ce qui du coup rend caduc tout souci de mettre suffisamment en scĂšne la diversitĂ© raciale du BrĂ©sil[214].

Toutefois, Ă  partir de la dĂ©cennie 2000, la publicitĂ© brĂ©silienne commença Ă  s’aviser que nombre de noirs ont rĂ©ussi leur ascension sociale, se muant ainsi en potentiels consommateurs. Sur les BrĂ©siliens gagnant l’équivalent de plus de vingt fois le salaire minimum, 28 % sont des noirs. Cette circonstance, ajoutĂ©e Ă  la pression de groupes et de personnalitĂ©s noirs en faveur d’une plus grande reprĂ©sentation de ce segment de la population, fait que la visibilitĂ© du noir dans la publicitĂ© va croissant. Cependant, si, dans beaucoup de cas, les publicitaires s’arrangent pour placer dans leurs messages un unique noir, entourĂ© de blancs, c’est dans le seul but de se conformer au politiquement correct[215].

La contrainte du branqueamento a aussi affectĂ© plusieurs figures brĂ©siliennes illustres. L’écrivain Joaquim Machado de Assis, nĂ© mulĂątre et pauvre, acquit la cĂ©lĂ©britĂ© Ă  l’ñge adulte grĂące Ă  son Ɠuvre littĂ©raire. Les photographies officielles de Machado de Assis Ă©taient retouchĂ©es afin d’occulter les traits physiques trahissant son origine noire, et l’auteur fut rĂ©pertoriĂ© comme « blanc » sur son acte de dĂ©cĂšs[216]. En 2011, la figure de Machado de Assis fut interprĂ©tĂ©e par un acteur blanc dans un message publicitaire tĂ©lĂ©visuel de l’institution financiĂšre publique Caixa EconĂŽmica Federal. À la suite de rĂ©clamations, la banque donna ordre de refaire le spot incriminĂ©, cette fois avec un acteur afro-descendant pour incarner l’écrivain[217].

La dĂ©nommĂ©e « blancheur normative » (branquidade normativa), consistant Ă  prendre les blancs pour le modĂšle Ă  suivre, n’est pas l’exclusivitĂ© des moyens de communication brĂ©siliens, mais apparaĂźt comme une constante dans plusieurs pays d’AmĂ©rique latine. Dans les mĂ©dias de ces pays, prĂ©senter un phĂ©notype blanc, et de prĂ©fĂ©rence nordique, est associĂ© Ă  des valeurs positives, telles que beautĂ©, intelligence, habilitĂ©, niveau d’instruction, honnĂȘtetĂ© et amabilitĂ©. Ces pays vivent dans une façon de duplicitĂ©, puisque, bien que faisant officiellement la promotion du mĂ©tissage et tirant orgueil de cela au plan international, le modĂšle blanc reste celui considĂ©rĂ© comme la norme, et les autres groupes sont exclus ou rĂ©duits Ă  des stĂ©rĂ©otypes[218].

Les noirs dans les manuels scolaires

Dans les manuels scolaires brĂ©siliens, une invisibilitĂ© des noirs et une concomitante surreprĂ©sentation des blancs ont Ă©tĂ© constatĂ©es. Une Ă©tude portant sur du matĂ©riel non verbal a mis au jour que des noirs apparaissent dans seulement 11 % des cas, alors que plus de 40 % de la population brĂ©silienne se dĂ©finit comme noir ou brun (pardo)[219]. La reprĂ©sentation des noirs dans les ouvrages scolaires se caractĂ©rise en gĂ©nĂ©ral par un traitement pĂ©joratif et nettement dĂ©gradant de ces personnes, et lorsqu’il est rĂ©fĂ©rĂ© Ă  la couleur de peau du personnage, c’est bien souvent en mauvaise part. Dans plus de 72 % des cas, le noir est montrĂ© sous un angle nĂ©gatif et dans seulement 30 % sous un angle positif ; la reprĂ©sentation des noirs dans ces ouvrages est en rĂšgle gĂ©nĂ©rale associĂ©e Ă  ce qu’il peut y avoir de pire dans la sociĂ©tĂ©, comme la dĂ©linquance, la drogue, l’esclavage, la misĂšre, les ordures etc.[220]. Pourtant, interrogĂ©s sur ce point, la majoritĂ© des enseignants dĂ©clare ne pas percevoir cette reprĂ©sentation nĂ©gative du noir ou n’y attache pas l’importance qu’il conviendrait, voire renvoie le reproche d’entretenir des prĂ©jugĂ©s Ă  l’élĂšve noir lui-mĂȘme. Pour la plupart des professeurs, le racisme sĂ©vissant dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne ne pĂ©nĂ©trerait pas jusque dans le milieu scolaire. Du cĂŽtĂ© des Ă©lĂšves, au contraire, on semble voir les choses avec plus d’acuitĂ©, et la discrimination est mieux dĂ©celĂ©e. La majoritĂ© des Ă©lĂšves dit avoir perçu que dans les livres didactiques le groupe blanc est mieux reprĂ©sentĂ© que le groupe noir, et seulement 11,11 % estiment que blancs et noirs sont reprĂ©sentĂ©s de maniĂšre Ă©gale. Toutefois, seule une minoritĂ© interprĂšte cette sous-reprĂ©sentation comme une manifestation de racisme. Les Ă©lĂšves, aprĂšs avoir Ă©tĂ© en contact avec un livre, associent Ă  leurs condisciples les personnages qui y sont Ă©voquĂ©s. Étant donnĂ© que les noirs se trouvent en majoritĂ© dĂ©peints de maniĂšre dĂ©favorable dans le manuel, les camarades de classe noirs finissent par se sentir stigmatisĂ©s et ridiculisĂ©s, avec de graves rĂ©percussions sur leur parcours scolaire[221].

L’éducatrice Andreia Lisboa de Sousa, qui a analysĂ© la reprĂ©sentation du noir dans la littĂ©rature de jeunesse, est parvenue Ă  la conclusion que la reprĂ©sentation dĂ©prĂ©ciative et dĂ©gradante du noir conduit chez les Ă©lĂšves noirs Ă  une forte dĂ©tĂ©rioration de l’estime de soi : « Les instruments de lĂ©gitimation que sont la famille, l’école et les mĂ©dias tendent Ă  disqualifier les attributs de la fraction ethnico-raciale noire », soutient-elle[222].

À partir de 2010, une controverse autour du roman de Monteiro Lobato, Caçadas de Pedrinho (littĂ©r. Chasses de Pierrot), paru en 1933, eut un certain retentissement dans la presse et dans les milieux juridiques brĂ©siliens. Dans le livre en question, qui vise un public d’enfants, un personnage noir, la servante Tante AnastĂĄcia, est traitĂ©e de « macaque de charbon » (macaca de carvĂŁo) et dĂ©crite comme une personne ayant une « chair noire »[223]. Cette Ɠuvre, dont la lecture est obligatoire dans les Ă©coles publiques, fit l’objet d’un mandat de sĂ»retĂ© (mandato de segurança) dĂ©posĂ© par l’Instituto de Advocacia Racial (Iara) auprĂšs du Tribunal suprĂȘme fĂ©dĂ©ral. Par voie de cette procĂ©dure constitutionnelle, l’Iara demandait qu’il soit statuĂ© sur l’affaire par la prĂ©sidence de la rĂ©publique et requĂ©rait que le livre de Lobato soit retirĂ© de la liste de lecture obligatoire, afin que les enfants brĂ©siliens cessent d’ĂȘtre confrontĂ©s Ă  son contenu raciste allĂ©guĂ©. Auparavant dĂ©jĂ , une mĂȘme requĂȘte avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e devant la Chambre de l’enseignement primaire (CĂąmara de Educação BĂĄsica), mais rejetĂ©e par la Commission plĂ©niĂšre du Conseil national de l’Éducation et par le ministre de l’Éducation (MEC). Il Ă©tait demandĂ© en outre que le MEC fasse insĂ©rer des « notes explicatives » dans les exemplaires du livre fournis aux bibliothĂšques et que seuls des « professeurs prĂ©parĂ©s Ă  expliquer les nuances du racisme du BrĂ©sil sous la RepĂșblica Velha » soient habilitĂ©s Ă  donner cours sur le livre. En 2014, le ministre Luiz Fux, aprĂšs examen de la seule requĂȘte liminaire, sans entrer dans le fond de l’affaire, se dĂ©clara d’accord avec l’avis rendu par le procureur gĂ©nĂ©ral de la rĂ©publique, selon lequel le prĂ©sident ne se rendrait pas coupable de forfaiture (« omisso ») s’il dĂ©cidait de ne pas rĂ©voquer la dĂ©cision du MEC[224]. Il est notoire que Monteiro Lobato Ă©tait ouvertement raciste ; il Ă©tait membre de la SociĂ©tĂ© eugĂ©nique de SĂŁo Paulo, groupe qui affirmait la supĂ©rioritĂ© de la race blanche sur les autres races. Dans une correspondance avec un ami, il ne dissimulait pas qu’il dĂ©fendait l’activitĂ© du Ku Klux Klan au BrĂ©sil, groupement raciste qui prĂŽnait l’assassinat, le lynchage et d’autres atrocitĂ©s Ă  l’encontre des noirs aux États-Unis[225]. Dans ses Ɠuvres, le personnage rĂ©current de Tia AnastĂĄcia est sans cesse dĂ©crit de façon dĂ©nigrante et discriminatoire[226]. Les mĂ©dias brĂ©siliens, dans leur majoritĂ©, se sont positionnĂ©s contre l’avis dĂ©favorable sur l’Ɠuvre de Lobato, souvent en arguant qu’il s’agissait d’une tentative de « censure » et d’un « attentat Ă  la libre expression des idĂ©es »[227].

Municipalités brésiliennes ayant la plus forte population afro-descendante

Selon les donnĂ©es du recensement de 2000, effectuĂ© par l’IBGE[228], sur les dix municipalitĂ©s brĂ©siliennes au plus fort taux de population noire, cinq se trouvent dans le Tocantins (TO) et trois dans le PiauĂ­ (PI). Le Mato Grosso (MT) et la Bahia (BA) ont chacun une municipalitĂ© dans ce palmarĂšs.

Afro-Brésiliens notables

La communauté afro-brésilienne a offert à la société brésilienne nombre de personnalités de grand mérite, plus particuliÚrement dans les arts, la musique et les sports.

Plusieurs figures marquantes de la littérature brésilienne ont des ascendances africaines, en premier lieu sans doute Machado de Assis, souvent rangé parmi les plus grands écrivains brésiliens. Méritent mention également : João da Cruz e Souza[229], poÚte symboliste ; João do Rio, chroniqueur ; Maria Firmina dos Reis, abolitionniste et auteur ; José do Patrocínio, journaliste ; AntÎnio Pedro de Figueiredo, journaliste et penseur, etc.

Dans la musique populaire, des noirs brĂ©siliens ont souvent dĂ©ployĂ© des talents remarquables et contribuĂ© Ă  façonner l’identitĂ© musicale brĂ©silienne. Ce sont notamment, dans le domaine de la samba, les maĂźtres Pixinguinha[230], Cartola[231], LupicĂ­nio Rodrigues[232], Geraldo Pereira[233], Wilson Moreira[234], et dans le domaine de la MPB, Milton Nascimento[235], Jorge Ben Jor[236], Gilberto Gil[237], etc.

Un autre domaine oĂč ont excellĂ© les Afro-BrĂ©siliens est le football : PelĂ©[238], Garrincha[239], l’avant-centre droit LeĂŽnidas da Silva[239], surnommĂ© « Diamant noir », sont des noms historiques et mondialement connus du football brĂ©silien ; Ronaldinho[240], RomĂĄrio[240], Robinho et nombre d’autres sont les continuateurs de cette tradition.

Parmi les athlĂštes et champions ayant acquis une grande renommĂ©e dans les sports autres que le football, on peut citer les joueurs de la NBA NenĂȘ et Leandro Barbosa, ce dernier surnommĂ© « The Brazilian Blur », en rĂ©fĂ©rence Ă  sa vitesse[241], JoĂŁo Carlos de Oliveira, surnommĂ© JoĂŁo do Pulo[242], Jadel GregĂłrio, Nelson PrudĂȘncio[243] et Adhemar da Silva[244].

La capoeira, invention de noirs brésiliens, occupe une place particuliÚre dans la vie sportive au Brésil ; les maßtres de ce sport (mestres) les plus en vue sont notamment Mestre Amen Santo, Mestre Bimba[245], Mestre Cobra Mansa, Mestre João Grande, Mestre João Pequeno, Mestre Moraes, Mestre Pastinha[246] et Mestre Pé de Chumbo.

Depuis la fin de la dictature militaire, la participation de noirs Ă  la vie politique brĂ©silienne s’est accrue. La premiĂšre sĂ©natrice (fĂ©minine) brĂ©silienne, Benedita da Silva[237], est noire ; mĂ©ritent d’ĂȘtre signalĂ©es Ă©galement les personnalitĂ©s politiques noires Paulo Paim, membre du SĂ©nat fĂ©dĂ©ral[247] ; TalĂ­ria Petrone, dĂ©putĂ©e de l'Étata de Rio[248] ; Celso Pitta, ancien maire de SĂŁo Paulo[237] ; Alceu Collares, ancien gouverneur du Rio Grande do Sul[249] ; et AlbuĂ­no Azeredo, ancien gouverneur d’EspĂ­rito Santo[250]. L’un des juges du Tribunal suprĂȘme fĂ©dĂ©ral, Joaquim Barbosa[237], est un noir. Il n’y a qu’un seul juge noir siĂ©geant au TST (Tribunal supĂ©rieur du travail), Carlos Alberto Reis de Paula, lequel fut aussi ministre (entre 2013 et 2014).

Plusieurs Afro-Brésiliens ont excellé comme acteurs, p. ex. Danielle Anatólio[251], Grande Otelo, Låzaro Ramos[252], Ruth de Souza[253], Zózimo Bulbul[254], Milton Gonçalves[255], Mussum, Zezé Motta[256] ; et aussi comme danseurs, notamment Isa Soares[257].


Classifications et terminologie raciales

Preto et pardo font partie des cinq catĂ©gories ethniques retenues par l’Institut brĂ©silien de gĂ©ographie et de statistiques (IBGE), au mĂȘme titre que branco (blanc), amarelo (jaune, dĂ©signant les Est-Asiatiques) et indĂ­gena (amĂ©rindien)[3]. En 2010, 7,6 % de la population brĂ©silienne, soit environ 15 millions de personnes, s’identifiaient comme preto, tandis que 43 % (soit 86 millions) s’identifiaient comme pardo. Les BrĂ©siliens ont tendance Ă  classer tout individu comme preto dĂšs qu’il prĂ©sente — indĂ©pendamment de ses Ă©ventuelles ascendances europĂ©ennes — des traits africains prĂ©dominants, tels qu’une peau brun foncĂ© ou noire, un nez Ă©patĂ©, des lĂšvres charnues, et une chevelure frisĂ©e ; a contrario, sont classĂ©s comme pardos les individus ayant ce type de traits d’une façon moins prononcĂ©e[68].

Depuis le dĂ©but du XXIe siĂšcle, les agences gouvernementales brĂ©siliennes, dont le SecrĂ©tariat national aux Politiques de promotion de l’égalitĂ© raciale (en port. Secretaria Nacional de PolĂ­ticas de Promoção da Igualdade Racial, sigle SEPPIR) et l’Institut de Recherches Ă©conomiques appliquĂ©es (Instituto de Pesquisa EconĂŽmica Aplicada, IPEA), avaient envisagĂ© de rĂ©unir les catĂ©gories preto et pardo en une seule entitĂ© nommĂ©e negro, au motif que ces groupes prĂ©sentaient tous deux des taux de discrimination socio-Ă©conomique et que, ce faisant, il serait plus aisĂ© d’aider les personnes exclues de l’ascension sociale. La controverse que provoqua cette dĂ©cision montre qu’aucun consensus n’existe sur ce point dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne[263] - [264].

Les BrĂ©siliens n’emploient guĂšre la tournure « BrĂ©silien africain », d’inspiration amĂ©ricaine, comme expression d’identitĂ© ethnique[1], et ne le font jamais dans le discours familier : l’enquĂȘte de l’IBGE sur l'activitĂ© professionnelle (PME) de indique que de tous les noirs brĂ©siliens, seuls 10 % s’identifient comme Ă©tant « d’origine africaine », la plupart en effet se qualifiant comme « d’origine brĂ©silienne »[204]. Dans la mĂȘme enquĂȘte PME de , les catĂ©gories « Afro-Brasileiro » (Afro-BrĂ©silien) et « Africano Brasileiro » (Africain brĂ©silien) n’ont pas Ă©tĂ© cochĂ©es du tout ; la catĂ©gorie « Africano » (Africain) n’a Ă©tĂ© choisie que par 0,004 % des rĂ©pondants[265]. Dans l’EnquĂȘte nationale auprĂšs d’un Ă©chantillon de mĂ©nages (Pesquisa Nacional por Amostra de DomicĂ­lios, PNAD) de 1976, aucun de ces termes n’avait Ă©tĂ© utilisĂ© une seule fois[266].

Le gĂ©nĂ©ticien brĂ©silien SĂ©rgio Pena a critiquĂ© le chercheur amĂ©ricain Edward Telles pour avoir mĂȘlĂ© pretos et pardos dans la mĂȘme catĂ©gorie. Selon lui en effet, « l’analyse gĂ©nĂ©tique autosomique que nous avons effectuĂ©e chez des individus non apparentĂ©s de Rio de Janeiro montre que cela n’a aucun sens de mettre pretos et pardos dans la mĂȘme catĂ©gorie »[267]. Attendu que beaucoup de pardos sont fondamentalement d’ascendance europĂ©enne, Pena doute de l’opportunitĂ© de les regrouper, pour les besoins de l’analyse statistique, avec les pretos, lesquels sont fondamentalement d’ascendance africaine. P. ex., lors d’une Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique menĂ©e sur des Ă©lĂšves d’une banlieue pauvre de Rio de Janeiro, il fut constatĂ© que les pardos parmi les Ă©lĂšves avaient en moyenne une ascendance Ă  80 % europĂ©enne. Avant l’étude, les Ă©lĂšves, quand on les interrogeait, s’étaient identifiĂ©s comme ⅓ europĂ©en, ⅓ africain et ⅓ amĂ©rindien[268] - [79].

Principaux groupes ethniques au Brésil.

D’aprĂšs Edward Telles[269], trois systĂšmes diffĂ©rents de « classification raciale » de l’éventail blanc-noir sont en usage au BrĂ©sil[270]. Le premier est celui propre au recensement officiel, organisĂ© par l’IBGE. Lors de ce recensement, les rĂ©pondants peuvent indiquer leur ethnicitĂ© ou leur couleur de peau en choisissant parmi cinq catĂ©gories : branco (blanc), pardo (brun), preto (noir), amarela (jaune) ou indĂ­gena (amĂ©rindien). Le terme pardo, systĂ©matiquement utilisĂ© depuis le recensement de 1940, appelle de plus amples explications. Lors de ce premier recensement, les citoyens Ă©taient interrogĂ©s sur leur « couleur ou race », et si la rĂ©ponse n’était ni « blanc », ni « noir », ni « jaune », les enquĂȘteurs avaient la consigne de mettre une rature Ă  travers le cadre « couleur ou race ». Ensuite, ces ratures Ă©taient additionnĂ©es, puis assignĂ©es Ă  la catĂ©gorie pardo. En pratique, cela revenait Ă  y ranger toutes les rĂ©ponses telles que pardo, moreno, mulato, caboclo etc., qui toutes indiquent une race mixte. Dans les recensements suivants, pardo fut ajoutĂ© comme catĂ©gorie Ă  part, mais comprenait encore les AmĂ©rindiens[270] - [271]. Ces derniers ne feront l’objet d’une catĂ©gorie sĂ©parĂ©e qu’à partir de 1991.

Le deuxiĂšme systĂšme Ă©voquĂ© par Telles est la classification qui a cours dans la population brĂ©silienne ordinaire, qui fait entrer en jeu un grand nombre de catĂ©gories diffĂ©rentes, y compris le terme ambigu moreno (brun, olivĂątre, vocable qui — au contraire de son Ă©quivalent espagnol, applicable Ă  toutes les catĂ©gories d’objets — ne s’applique qu’à la complexion humaine)[272]. Deux enquĂȘtes de l’IBGE, menĂ©es Ă  plus d’une vingtaine d’annĂ©es d’écart, — l’enquĂȘte sur le budget des mĂ©nages (PNAD) de 1976, et l’enquĂȘte mensuelle sur les forces de travail (PME) de —, ont Ă©tĂ© analysĂ©es pour Ă©tablir comment les BrĂ©siliens se voient eux-mĂȘmes du point de vue racial (l’IBGE se proposait d’utiliser les donnĂ©es obtenues pour ajuster les classifications en vue des futurs recensements ; cependant, aucune des deux enquĂȘtes n’a dĂ©bouchĂ© sur une modification de ces catĂ©gorisations raciales). L’institut Datafolha a Ă©galement menĂ© une Ă©tude sur le sujet. Les rĂ©sultats de ces deux Ă©tudes ne coĂŻncident pas entiĂšrement, mais apparaissent se recouper sur quelques points fondamentaux. PremiĂšrement, les termes raciaux existent en grand nombre au BrĂ©sil, ce qui dĂ©note une certaine flexibilitĂ© dans la maniĂšre d’envisager la question. L’enquĂȘte PNAD de 1976 a permis de constater que la population brĂ©silienne utilisait plus de 136 dĂ©signations diffĂ©rentes pour qualifier la race[273], tandis que l’enquĂȘte PME de en comptabilisa 143[274]. Toutefois, la plupart de ces termes ne sont utilisĂ©s que par de petits groupes de gens. Edward Telles note que 95 % de la population emploie l’un des 6 termes diffĂ©rents suivants pour caractĂ©riser leur couleur de peau : branco, moreno, pardo, moreno-claro, preto et negro. Petruccelli a montrĂ© que les 7 rĂ©ponses les plus frĂ©quentes (les susmentionnĂ©es, plus amarelo) rendent compte de 97 % des rĂ©ponses donnĂ©es, et que les 10 plus frĂ©quentes — les prĂ©cĂ©dentes plus mulata, clara, et morena-escura (brun foncĂ©) — reprĂ©sentent 99 % des rĂ©ponses[275]. Analysant les donnĂ©es de l’enquĂȘte PME de , Petruccelli trouva que 77 dĂ©nominations avaient Ă©tĂ© mentionnĂ©es par une seule et mĂȘme personne dans l’échantillon. Douze reposaient sur un malentendu, les rĂ©pondants utilisant en effet des termes renvoyant Ă  une origine nationale ou rĂ©gionale (française, italienne, bahianaise, cearense, etc.). Beaucoup de ces termes raciaux Ă©taient (ou auraient pu ĂȘtre) des caractĂ©risations de la couleur de peau telle que rĂ©sultant de l’exposition au soleil (amorenada, bem morena, branca-morena, branca-queimada, corada, bronzeada, meio morena, morena-bronzeada, morena-trigueira, morenada, morenĂŁo, moreninha, pouco morena, queimada, queimada de sol, tostada, rosa queimada, tostada). D’autres sont de toute Ă©vidence des variations de la mĂȘme idĂ©e (preto, negro, escuro, crioulo, retinto, pour « noir », alvo, claro, cor-de-leite, galego, rosa, rosado, pĂĄlido, pour « blanc », pardo, mulato, mestiço, misto, pour « pardo »), ou des nuances du mĂȘme concept (branco moreno, branco claro), et peuvent ĂȘtre regroupĂ©s avec l’un des termes raciaux d’usage gĂ©nĂ©ral sans fausser l’interprĂ©tation[275]. Certaines rĂ©ponses semblent exprimer un franc refus de classification, crĂ»ment signifiĂ© Ă  l’enquĂȘteur : azul-marinho (bleu marine), azul (bleu), verde (vert), cor-de-burro-quando-foge (couleur-d’ñne-en-fuite), etc. Pour rappel : dans l’enquĂȘte PME de , les catĂ©gories Afro-Brasileiro et Africano Brasileiro n’étaient pas utilisĂ©es du tout ; la catĂ©gorie Africano n’était employĂ© que par 0,004 % des personnes interrogĂ©es[276]. Dans l’enquĂȘte PNAD de 1976, aucun de ces termes n’a Ă©tĂ© utilisĂ© ne serait-ce qu’une seule fois[273].

Un Ă©cart notable entre le systĂšme populaire et celui de l’IBGE est l’usage fort rĂ©pandu dans la population brĂ©silienne du terme moreno, mot que l’on peine Ă  traduire, et qui peut avoir plusieurs sens diffĂ©rents. DĂ©rivĂ© du latin maurus, signifiant « originaire de Mauritanie »[277], le mot a traditionnellement servi Ă  dĂ©signer les personnes blanches Ă  chevaux noirs, par opposition Ă  ruivo (roux) et louro (blond)[278], mais il est aussi utilisĂ© communĂ©ment pour dĂ©signer des personnes Ă  la complexion olivĂątre, trait souvent rencontrĂ© en association avec les cheveux noirs[279]. Il est appliquĂ© Ă©galement aux personnes au teint hĂąlĂ© par le soleil, par contraste avec pĂĄlido (pĂąle) et amarelo (jaune), ces deux derniers vocables qualifiant dans ce cas les personnes non souvent exposĂ©es au soleil. Enfin, moreno est frĂ©quemment utilisĂ© comme euphĂ©misme pour pardo et preto[280].

Le troisiĂšme systĂšme de classification raciale est celui du Mouvement noir brĂ©silien, qui, en regroupant pretos (« noirs », avec minuscule initiale) et pardos sous la mĂȘme dĂ©nomination de Negros (« Noirs », avec majuscule), et en cataloguant tous les autres comme blancs, aboutit Ă  ne plus distinguer que deux catĂ©gories seulement[281]. Ce systĂšme semble rejoindre celui du mouvement Black Power aux États-Unis, ou renvoyer, historiquement, Ă  la rĂšgle discriminatoire de l’unique goutte de sang[282] ; toutefois, au BrĂ©sil, le mouvement noir admet au contraire que les personnes ayant quelque ascendance africaine ne sont pas toutes Ă  considĂ©rĂ©r comme noires[283]. Le mouvement est conscient que bon nombre de BrĂ©siliens ont des ascendances africaines (ou amĂ©rindiennes, ou les deux) ; par consĂ©quent, le mouvement noir ne saurait s’appuyer sur la RĂšgle de l’unique goutte[284], car cela enlĂšverait toute signification aux actions affirmatives. DeuxiĂšmement, la principale prĂ©occupation du mouvement noir brĂ©silien n’est pas d’ordre culturel, mais bien plutĂŽt Ă©conomique : ses membres n’aspirent pas Ă  s’identifier ou Ă  renouer avec l’Afrique, mais d’abord Ă  corriger une situation Ă©conomique dĂ©savantageuse pour eux et partagĂ©e par l’ensemble des non blancs (Ă  l’exception de ceux d’origine est-asiatique), ce qui les incite Ă  les grouper sous une mĂȘme catĂ©goire noire.

Cependant, cette tendance Ă  diviser les BrĂ©siliens entre brancos et Negros, perçue comme ayant Ă©tĂ© inspirĂ©e par la rĂšgle amĂ©ricaine de l’unique goutte, se trouve fort critiquĂ©e au BrĂ©sil. Le sociologue DemĂ©trio Magnoli notamment considĂšre que classer comme noirs l’ensemble des pretos et pardos va Ă  rebours de la vision raciale des BrĂ©siliens, et argue que les universitaires et militants du Mouvement noir brĂ©silien font une interprĂ©tation erronĂ©e de l’ample variĂ©tĂ© de catĂ©gories intermĂ©diaires, caractĂ©ristique du systĂšme populaire, lorsqu’ils regardent cette variĂ©tĂ© comme Ă©tant le rĂ©sultat du racisme brĂ©silien, celui-ci portant, selon eux, les noirs Ă  rĂ©pudier leur identitĂ© et Ă  se rĂ©fugier dans les euphĂ©mismes[285]. Magnoli se rĂ©fĂšre Ă  une enquĂȘte sur la race menĂ©e dans la municipalitĂ© bahianaise de Rio de Contas, oĂč l’option de rĂ©ponse pardo (brun) avait Ă©tĂ© remplacĂ©e par moreno. Dans cette ville d’environ 14 000 habitants, oĂč 58 % des habitants sont des blancs, la catĂ©gorie moreno fut choisie non seulement par les pardos, mais aussi par prĂšs de la moitiĂ© de ceux qui aupravant avaient Ă©tĂ© identifiĂ©s comme blancs, et une moitiĂ© de ceux auparavant identifiĂ©s comme pretos se dĂ©cidĂšrent Ă©galement pour la catĂ©gorie moreno[286].

Plus rĂ©cemment, le terme d’afro-descendente a Ă©galement Ă©tĂ© adoptĂ©[287], mais il reste restreint au domaine didactique, dont notamment les discussions officielles et universitaires, Ă©tant en effet lui aussi perçu par certains comme une imposition culturelle issue du « politiquement correct » en vigueur aux États-Unis.

Selon une enquĂȘte tenue en 2000 Ă  Rio de Janeiro, la totalitĂ© de la population s’auto-dĂ©finissant preto indiquait avoir des ascendances africaines, ainsi que 86 % de ceux auto-qualifiĂ©s pardo (brun) et 38 % de la population se disant blanche. Il est notable d’autre part que 14 % des pardos de Rio de Janeiro affirmaient n’avoir pas d’ancĂȘtres africains ; ce pourcentage pourrait ĂȘtre plus Ă©levĂ© encore dans le nord du BrĂ©sil, oĂč la contribution ethnique des populations amĂ©rindiennes est plus importante[288].

Les classifications raciales au BrĂ©sil reposent sur la couleur de peau et sur d’autres caractĂ©ristiques physiques tels que traits du visage, texture des cheveux, etc.[289] Scientifiquement, l’apparence physique, et en particulier la couleur de peau, n’est cependant qu’une mĂ©diocre indication de l’ancestralitĂ© d’une personne, car la couleur est dĂ©terminĂ©e par un jeu de gĂšnes peu nombreux, et il peut arriver qu’une personne considĂ©rĂ©e blanche ait une ascendance africaine plus importante qu’une personne considĂ©rĂ©e noire, et inversement[290].

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Liens externes

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  224. Dans une lettre de 1928, Lobato s’exprimait ainsi sur le BrĂ©sil : « Pays de mĂ©tis oĂč le blanc n’a pas la force d’organiser un Klux-Klan, et pays perdu pour de hautes destinĂ©es. AndrĂ© Siegfried rĂ©sume en une phrase les deux attitudes. "Nous, nous dĂ©fendons le front de la race blanche – il dit le Sud – et c’est grĂące Ă  nous que les États-Unis ne deviennent pas un deuxiĂšme BrĂ©sil." Un jour, l’on rendra justice au Klux Klan ; eussions-nous par ici une dĂ©fense de cet ordre, qui maintienne le nĂšgre Ă  sa place, et nous serions aujourd’hui libres de la peste de la presse de Rio de Janeiro – mulĂątreau faisant le jeu du nĂšgre, et toujours dĂ©molisseur car le mĂ©tissage du noir dĂ©truit la capacitĂ© constructive ». CitĂ© dans (pt) JoĂŁo Feres JĂșnior, Leonardo Fernandes Nascimento & Zena Winona Eisenberg, Monteiro Lobato e o politicamente correto, revue Dados (Revista de CiĂȘncias Sociais), vol. 56, no 1, Rio de Janeiro, 1er mars 2013, p. 83.
  225. « Ceci n’est pas le seul livre de la sĂ©rie du Pica-pau Amarelo contenant de telles imprĂ©cations contre AnastĂĄcia. Le livre par lequel dĂ©bute la collection, ReinaçÔes de Narizinho, de 1931, ouvre par une premiĂšre page oĂč sont prĂ©sentĂ©s tous les personnages. À AnastĂĄcia revient l’épithĂšte de "noire d’estimation". Dans ce livre, Lobato fait rĂ©fĂ©rence au personnage 56 fois, en usant du terme "a negra", au lieu de son nom. Au moins 13 fois, cette appellation s’assortit d’allusion pĂ©joratives Ă  ses "lĂšvres", ou parfois Ă  sa "lippe" (beiçaria), Ă  la taille avantageuse de sa bouche, "la plus grande bouche du monde", "oĂč une orange pourrait prendre place", ou encore Ă  son ignorance – "tout ce qu’elle ne comprenait pas Ă©tait [pour elle] de l’anglais" », J. Feres JĂșnior, L. Fernandes Nascimento et Z. Winona Eisenberg (2013), p. 85.)
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Voir aussi

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