Afro-Brésiliens
Le terme Afro-BrĂ©siliens (en portugais Afro-Brasileiros ; prononciation API /afÉŸu bÉŸÉziËle(j)ÉŸuz/) dĂ©signe les habitants noirs du BrĂ©sil, lesquels sont gĂ©nĂ©ralement des descendants dâesclaves ou de marrons originaires dâAfrique subsaharienne. Ce terme nâest pas dâun usage trĂšs rĂ©pandu au BrĂ©sil mĂȘme, oĂč constructions et classifications sociales reposent sur lâapparence plutĂŽt que sur lâascendance rĂ©elle ; les personnes prĂ©sentant des traits africains visibles, en particulier une peau sombre, sont gĂ©nĂ©ralement nommĂ©s (y compris par eux-mĂȘmes) negros ou, moins communĂ©ment, pretos (mot portugais signifiant noir). Les membres dâun autre groupe de population, les pardos (gris, brun), sont susceptibles Ă©galement de possĂ©der une ascendance africaine, Ă des degrĂ©s divers. En fonction des circonstances (situation, lieu, etc.), ceux dont les traits africains sont plus patents seront souvent cataloguĂ©s par les autres comme negros, et par consĂ©quent tendront Ă sâidentifier eux-mĂȘmes comme tels, au contraire de ceux chez qui ces traits sont plus discrets. Il importe de noter du reste que les termes pardo et preto sont peu usitĂ©s en dehors du domaine des recensements statistiques, et que la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne dispose dâune panoplie de mots pour caractĂ©riser les personnes dâorigine raciale mixte[1] - [2]. Preto et pardo font partie des cinq catĂ©gories ethniques retenues par lâInstitut brĂ©silien de gĂ©ographie et de statistiques (IBGE), au mĂȘme titre que branco (blanc), amarelo (jaune, dĂ©signant les Est-Asiatiques) et indĂgena (amĂ©rindien)[3].
Brésil, principalement dans les régions Sud-Est et Nord-Est | Noirs : 14 739 963, soit 7,61 % de la population brésilienne |
---|
RĂ©gions dâorigine | Afrique de lâOuest, Afrique centrale |
---|---|
Langues | Portugais |
Religions |
63,2 % catholicisme 23,5 % protestantisme 0,31 % religions afro-américaines 9,18 % sans religion définie 3,55 % autres religions et croyances |
Le concept dâAfro-BrĂ©silien pose cependant dâautres difficultĂ©s encore : au-delĂ de la confusion sĂ©mantique (une multitude de termes diffĂ©rents sont en usage au BrĂ©sil), et mĂȘme si lâon sâen tient aux seules catĂ©gories statistiques utilisĂ©es par lâIBGE, on constate quâil nây a pas de recoupement parfait ni entre lâautoqualification et la perception par autrui, ni entre lâapparence physique visible et lâascendance objective, telle quâĂ©tablie par des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques. En outre, le statut socio-Ă©conomique dâune personne tend Ă dĂ©teindre sur la perception subjective quâont les autres de son appartenance ethnique, et une personne nantie p. ex. sera inconsciemment perçue comme plus blanche (par lâeffet du phĂ©nomĂšne historique dit branqueamento, ou blanchiment, observĂ© dans les auto-classifications raciales). Dans lâhistoire du BrĂ©sil, les classifications raciales et les constructions sociales y affĂ©rentes se basaient davantage sur lâapparence physique de la personne que sur sa filiation rĂ©elle.
Ainsi, subjectivement, lors du recensement effectuĂ© par lâIBGE en 2010, 7,6 % des BrĂ©siliens ont-ils caractĂ©risĂ© leur couleur de peau ou leur race comme noire, 43,1 % comme brune (pardo) et 47,7 % comme blanche ; ou encore, selon une enquĂȘte de lâIBGE rĂ©alisĂ©e en 2008 dans les Ătats dâAmazonas, de la ParaĂŻba, de SĂŁo Paulo, du Rio Grande do Sul, du Mato Grosso et dans le District fĂ©dĂ©ral, seules 11,8 % des personnes interrogĂ©es reconnaissaient avoir une ascendance africaine, tandis que 43,5 % indiquaient avoir une ancestralitĂ© europĂ©enne, 21,4 % une indigĂšne, et que 31,3% dĂ©claraient ne pas connaĂźtre leur ascendance. InvitĂ©s Ă qualifier de façon spontanĂ©e leur couleur ou leur race, 49 % des personnes interrogĂ©es se catĂ©gorisaient comme brancas (blanches), 21,7 % comme morenas (brunes, olivĂątres), 13,6 % comme pardas (grises, brunes), 7,8 % comme negros, 1,5 % comme amarelas (jaunes), 1,4 % comme pretas (noires), 0,4 % comme indĂgena (indigĂšnes), et 4,6 % enfin ont donnĂ© une rĂ©ponse autre que les prĂ©cĂ©dentes[4]. Dâautre part, lorsque lâoption « afrodescendant » Ă©tait prĂ©sentĂ©e, 21,5 % des rĂ©pondants sâidentifiaient comme tel[5], et quand « negro » Ă©tait un choix possible, 27,8 % se dĂ©terminaient pour celui-ci[4].
Objectivement, des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques et des analyses dâADN ont permis dâĂ©tablir que lâascendance des BrĂ©siliens est globalement Ă 62 % europĂ©enne, Ă 21 % africaine et Ă 17 % indigĂšne. La rĂ©gion sud compte le plus haut taux dâascendance europĂ©enne (77 %), tandis que la rĂ©gion nord-est figure comme celle oĂč lâapport gĂ©nĂ©tique africain est le plus Ă©levĂ© (27 %) et la rĂ©gion nord comme la rĂ©gion au plus fort apport indigĂšne (32 %). Les indicateurs dâapparence physique, tels que la couleur de peau, des yeux et des cheveux, ont au BrĂ©sil relativement peu de rapport avec lâascendance, les Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques ayant en effet mis au jour que chez seulement 53 % des individus leur ascendance africaine Ă©tait visible dans le phĂ©notype. Le peuple brĂ©silien apparaĂźt donc comme rĂ©ellement le rĂ©sultat dâune fusion entre EuropĂ©ens, Africains et AmĂ©rindiens.
Les afro-brĂ©siliens sont en majoritĂ© des descendants dâesclaves amenĂ©s dâAfrique (Afrique de lâOuest, mais surtout Afrique centrale) au BrĂ©sil du XVIIe siĂšcle jusquâĂ 1850, annĂ©e de lâinterdiction de la traite. Ă leur arrivĂ©e, les esclaves furent rĂ©partis dans les diffĂ©rentes zones du BrĂ©sil, avec une prĂ©dominance de Bantous dans la province de Rio de Janeiro, et dâOuest-Africains dans la Bahia et le nord-est du BrĂ©sil. Dans la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle, Ă lâapogĂ©e du trafic dâesclaves en direction du BrĂ©sil, les esclaves dâAfrique de lâouest (golfe du BĂ©nin) allaient en majoritĂ© Ă Salvador, pour pourvoir en main-dâĆuvre les grands domaines sucriers, pendant que ceux du centre-ouest africain (actuels Congo et Angola) et dâAfrique orientale Ă©taient principalement destinĂ©s Ă la cafĂ©iculture dans la rĂ©gion de Rio de Janeiro, ou Ă©taient redirigĂ©s vers le Minas Gerais pour y travailler dans les mines dâor.
Les donnĂ©es sociologiques et les indicateurs Ă©conomiques ont battu en brĂšche le mythe de la « dĂ©mocratie raciale » ou de lâ« harmonie raciale » brĂ©silienne, de mĂȘme que le postulat qui sous-tend ce mythe, lâabsence historique de racisme chez les Portugais, a Ă©tĂ© rĂ©futĂ© par les historiens. En rĂ©alitĂ©, le BrĂ©sil est l'un des pays les plus inĂ©galitaires au monde et les Afro-brĂ©siliens en sont en grande partie les victimes. D'aprĂšs les chiffres de lâIBGS pour 2017, on retrouve 74 % de noirs ou mĂ©tis parmi les 10 % les plus pauvres. Dans les favelas, la population noire ou mĂ©tisse est de 77 %. La population noire, longtemps marginalisĂ©e, bĂ©nĂ©ficie des politiques officielles de redistribution sociale et de revalorisation culturelle menĂ©es en particulier par les prĂ©sidents Lula da Silva et Dilma Rousseff.
Le commerce triangulaire eut pour effet dâintroduire les cultures africaines au BrĂ©sil, oĂč elle subirent Ă leur tour lâinfluence des cultures europĂ©enne et (dans une moindre mesure) amĂ©rindienne, de sorte quâen rĂšgle gĂ©nĂ©rale les Ă©lĂ©ments dâorigine africaine prĂ©sents dans la culture brĂ©silienne sây trouvent aujourdâhui mĂ©langĂ©s Ă dâautres matĂ©riaux culturels. Des traces marquantes de la culture africaine sont perceptibles dans diffĂ©rents secteurs de la culture brĂ©silienne, principalement dans la musique populaire, la religion, la gastronomie, le folklore et les festivitĂ©s populaires. Les Ătats du MaranhĂŁo, du Pernambouc, dâAlagoas, de la Bahia, de Minas Gerais, dâEspĂrito Santo, de Rio de Janeiro, de SĂŁo Paulo et du Rio Grande do Sul ont Ă©tĂ© les plus influencĂ©s par la culture dâorigine africaine, tant en raison du nombre dâesclaves accueillis Ă lâĂ©poque de la traite que par suite de la migration intĂ©rieure des esclaves consĂ©cutive Ă la fin du cycle de la canne Ă sucre dans le Nordeste. Bien que traditionnellement dĂ©valorisĂ©s Ă lâĂ©poque coloniale et au XIXe siĂšcle, les diffĂ©rents ingrĂ©dients dâorigine africaine prĂ©sents dans la culture brĂ©silienne ont bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun processus de revalorisation Ă partir du XXe siĂšcle, qui sâest poursuivi jusquâĂ nos jours.
Le concept dâAfro-BrĂ©silien
Lâanthropologue Darcy Ribeiro considĂ©rait la composante noire et mulĂątre comme « la plus brĂ©silienne des composantes de notre peuple », dĂšs lâinstant que, dĂ©safricanisĂ©e par lâesclavage et nâĂ©tant ni indigĂšne ni blanc dâEmpire, il ne lui restait plus quâĂ assumer une identitĂ© pleinement brĂ©silienne[6]. Ceci ne signifie pas que Noirs et MulĂątres se soient intĂ©grĂ©s dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne sans stigmatisation aucune ; au contraire, beaucoup de BrĂ©siliens ont honte de leurs origines noires, soit que le fait de descendre dâesclaves renvoie Ă un passĂ© dâhumiliations et de souffrances quâil serait prĂ©fĂ©rable dâoublier, soit que les stĂ©rĂ©otypes nĂ©gatifs construits autour de la nĂ©gritude aient associĂ© celle-ci Ă des tares sociales telles que la pauvretĂ© et la dĂ©linquance[6] - [7] - [8].
En effet, sâassumer comme noir au BrĂ©sil a toujours Ă©tĂ© fort difficile, eu Ă©gard au fonds idĂ©ologique anti-noir qui, historiquement, a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© dans ce pays, oĂč aujourdâhui encore prĂ©vaut une idĂ©ologie du branqueamento (blanchiment) et oĂč des normes blanco-europĂ©ennes rĂšgnent dans le domaine esthĂ©tique, moral et culturel[7]. De lĂ quâau BrĂ©sil, seules les personnes Ă peau noir foncĂ© sont considĂ©rĂ©es comme noires, le mulĂątre passant dĂ©jĂ pour brun (pardo, mot qui en rĂ©alitĂ© a le sens de gris) et donc pour mi-blanc et, pour peu quâil prĂ©sente une peau un peu plus claire, est bientĂŽt vu comme blanc Ă part entiĂšre. Dans le passĂ©, il Ă©tait rare de voir un MulĂątre pencher, partant de sa double nature, vers son versant noir, car, face Ă la masse des Noirs plongĂ©s dans la misĂšre, il nâavait garde dâĂȘtre confondus avec eux[6].
Ces derniĂšres annĂ©es cependant de plus en plus de BrĂ©siliens sâassument comme Noirs, par suite de la rĂ©ussite notamment des Noirs amĂ©ricains, perçue par les BrĂ©siliens comme une « victoire de la race », puis, principalement, de lâascension sociale dâune portion de la population afrodescendante brĂ©silienne qui, ayant eu accĂšs Ă lâinstruction et ayant connu de meilleures chances professionnelles, a cessĂ© dâavoir honte de sa couleur de peau[6].
La race est avant tout un concept social, politique et idĂ©ologique, compte tenu quâil est difficile de lui assigner une base biologique incontestable, et donc malaisĂ© de subdiviser biologiquement les ĂȘtres humains en races bien distinctes[10]. Dans un pays profondĂ©ment mĂ©langĂ© comme le BrĂ©sil, il nâest pas facile de dĂ©finir qui est noir, attendu que nombre de BrĂ©siliens, blancs en apparence, sont nĂ©anmoins partiellement des descendants dâAfricains, de mĂȘme que nombre de Noirs ont des ascendances europĂ©ennes. Sây ajoute un grand nombre de bruns (pardos), dont la classification raciale nâest pas univoque[11]. Lâactrice Camila Pitanga se dĂ©clare elle-mĂȘme noire, mais selon une enquĂȘte de lâinstitut de sondage Datafolha, seulement 27 % des personnes interrogĂ©es classent lâactrice comme Ă©tant de couleur noire, 36 % affirmant quâelle est brune (parda). Pour sa part, le joueur de football Ronaldo FenĂŽmeno dĂ©clara dans un entretien quâil se considĂ©rait blanc, pourtant, dâaprĂšs lâenquĂȘte susmentionnĂ©e, 64 % des BrĂ©siliens le classent comme noir ou brun, et seuls 23 % comme blanc. Lâancien prĂ©sident Luiz InĂĄcio Lula da Silva a Ă©tĂ© Ă©tiquetĂ© brun par 42 % des personnes interrogĂ©es, tandis que lâex-prĂ©sident Fernando Henrique Cardoso, qui sâĂ©tait autoqualifiĂ© de « mulatinho » (diminutif de mulato, mulĂątreau), a Ă©tĂ© catĂ©gorisĂ© blanc par 70 % des rĂ©pondants, comme brun par 17 % et comme noir par 1 %. Lâactrice TaĂs AraĂșjo, autodĂ©clarĂ©e noire, est cataloguĂ©e comme telle par seulement 54 %[9].
Pour le mouvement noir brĂ©silien est Ă considĂ©rer comme noire toute personne ayant cette « apparence ». Selon lâanthropologue Kabengele Munanga, de lâUSP, la question reste certes problĂ©matique, mais câest nĂ©anmoins, Ă ses yeux, lâautoclassification qui devrait ici prĂ©valoir. Ainsi, si une personne, blanche dâapparence, se dĂ©clare noire et pose sa candidature pour un emploi Ă quotas raciaux, il y a lieu de respecter sa dĂ©cision[12].
En 2007, un cas controversĂ© attira lâattention des mĂ©dias brĂ©siliens : deux frĂšres, jumeaux identiques, participĂšrent Ă lâexamen dâentrĂ©e de lâuniversitĂ© de Brasilia, Ă©preuve rĂ©gie par le systĂšme des quotas. Dans cette universitĂ© se rĂ©unissait un comitĂ© qui, aprĂšs examen dâune photographie des candidats, dĂ©terminait qui Ă©tait noir ou non. AprĂšs analyse des photos par ledit comitĂ©, lâun des jumeaux fut catĂ©gorisĂ© noir, lâautre non[13].
Le sociologue DemĂ©trio Magnoli estime dangereuse lâinstauration de « tribunaux raciaux » au BrĂ©sil, qui risquerait selon lui de rapprocher le pays des nations racialistes et paranoĂŻaques du XXe siĂšcle. En 1933, lâAllemagne nazie dĂ©finissait comme juif toute personne ayant au moins un quart de « sang juif » (ce qui Ă©quivaut Ă avoir un grand-parent juif). En 1935, Hitler lui-mĂȘme modifia la rĂšgle, et depuis lors Ă©tait qualifiĂ© de juif celui qui possĂšde plus de deux tiers de « sang juif », les « demi-juifs » (soit ceux ayant deux grands-parents juifs) devenant du coup Allemands. Aux Ătats-Unis, sous les lois Jim Crow, Ă©tait cataloguĂ©e noire toute personne ayant ne serait-ce quâune seule goutte de sang africain (one-drop rule ou rĂšgle de l'unique goutte de sang), mĂȘme sâil nây paraissait pas[14]. En Afrique du Sud, sous le rĂ©gime de lâApartheid, lorsquâil y avait un doute quant Ă la nĂ©gritude de la personne, lâon avait recours Ă lâ« Ă©preuve du peigne » : si le peigne sâaccrochait aux cheveux, la personne Ă©tait noire, dans le cas contraire, si le peigne glissait Ă terre, elle Ă©tait blanche[11].
Lors du recensement de lâInstitut brĂ©silien de gĂ©ographie et de statistiques (IBGE) de 2010, 7,6 % des BrĂ©siliens identifiaient leur couleur de peau ou leur race comme noire, 43,1 % comme brune (pardo) et 47,7 % comme blanche[4]. Ces donnĂ©es toutefois sont Ă analyser avec prĂ©caution, compte tenu de la tendance historique au branqueamento que lâon observe dans les auto-classifications raciales dans ce pays[6] - [7]. Pour des raisons dâordre statistique, lâIBGE classe comme population noire les noirs et bruns tout ensemble[15], encore que cette mĂ©thodologie ait Ă©tĂ© contestĂ©e par dâaucuns, au motif que la majoritĂ© des bruns sont des mĂ©tis, qui ne sâidentifient ni comme noirs, ni comme blancs, mais comme un groupe Ă part[14]. De surcroĂźt, beaucoup de bruns ne sont pas descendants dâAfricains, mais dâAmĂ©rindiens, principalement dans les Ătats du nord[16].
LâĂtat brĂ©silien, qui dans son histoire a plusieurs fois adoptĂ© des attitudes clairement racistes â notamment Ă la fin du XIXe siĂšcle, lorsquâil interdit lâentrĂ©e dâimmigrants africains et asiatiques dans le pays, alors que dans le mĂȘme temps il encourageait lâafflux dâimmigrants europĂ©ens[17] - [18] â, sâest par la suite amendĂ© et pris un ensemble de mesures politiques visant Ă amĂ©liorer les conditions de vie de sa population noire, tant du point de vue socio-Ă©conomique quâau regard des reprĂ©sentations, mesures parmi lesquelles il convient de mentionner la loi no 10.639 de 2003 rendant obligatoire lâenseignement de lâhistoire de lâAfrique et de la culture afro-brĂ©silienne dans les Ă©coles[19], la loi no 12.288 de 2010 instaurant le statut de lâĂ©galitĂ© raciale (en portugais Estatuto da Igualdade Racial)[20], la loi no 12.519 de 2011 instituant un Jour de la conscience noire[21], la loi no 12.711 de 2012 prescrivant une rĂ©serve de quotas raciaux dans lâenseignement supĂ©rieur[22], et la loi no 12.990 de 2014 prescrivant Ă©galement une rĂ©serve de quotas pour les noirs dans les concours publics[23].
Histoire
La traite transatlantique
Aucun continent nâa Ă©tĂ© autant frappĂ© par la traite dâesclaves que lâAfrique. Le dernier en date et le plus vaste systĂšme esclavagiste de lâhistoire universelle fut le trafic dâAfricains en direction des AmĂ©riques. La quasi-totalitĂ© des nations dâEurope occidentale se sont engagĂ©es dans ce commerce hautement lucratif, quoique le Portugal, les Pays-Bas, lâAngleterre et la France y aient Ă©tĂ© plus particuliĂšrement impliquĂ©s. Avec lâarrivĂ©e des EuropĂ©ens sur le continent africain au XVIe siĂšcle, la traite dâesclaves, intense depuis dĂ©jĂ plusieurs siĂšcles, sâintensifia davantage encore. En Ă©change de marchandises et dâargent offerts par les commerçants europĂ©ens, plusieurs peuples africains vendirent aux trafiquants des personnes appartenant Ă des tribus voisines[24] - [25].
Le stimulus Ă©conomique que reprĂ©sentait le commerce des esclaves fit surgir en Afrique plusieurs Ătats centralisĂ©s dont lâĂ©conomie Ă©tait fortement dĂ©pendante de la traite esclavagiste, tels que le Dahomey et lâEmpire ashanti. Dans ce processus, commerçants europĂ©ens et Ă©lites africaines tiraient profit de la mise en esclavage de millions dâAfricains. De façon gĂ©nĂ©rale, huit moyens Ă©taient Ă la disposition des esclavagistes[24] - [25] :
- Capture lors de guerres ;
- Rapt ;
- Paiement de tributs et impĂŽts ;
- Endettement ;
- ChĂątiment de crimes ;
- Abandon ou vente dâenfants ;
- Auto-esclavage ;
- Naissance.
La plupart des Africains se retrouvaient dans les AmĂ©riques aprĂšs avoir Ă©tĂ© victime de rapt, câest-Ă -dire avoir fait lâobjet dâincursions et de razzias opĂ©rĂ©es dans le seul but de capturer des esclaves[24] - [25]. La majoritĂ© des enlĂšvements sâaccomplissait par le truchement dâintermĂ©diaires africains, qui pĂ©nĂ©traient dans les tribus voisines et vendaient les populations de celles-ci aux EuropĂ©ens, encore que dans bon nombre de cas les rapts Ă©taient Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s par les Portugais eux-mĂȘmes. Le deuxiĂšme mode le plus frĂ©quent de mise en esclavage consistait en captures de guerre ; les prisionniers de guerre Ă©taient rĂ©duits en esclavage par la tribu victorieuse et destinĂ©s aux AmĂ©riques. Rapt et capture de guerre ne doivent pas ĂȘtre confondus, Ă©tant donnĂ© que dans le premier cas la tribu Ă©tait attaquĂ©e avec le seul objectif dâobtenir des esclaves et que dans le second la tribu Ă©tait mise en esclavage dans le sillage dâune dĂ©faite militaire. Lâhistorien Orlando Patterson estime que des 1,6 million dâAfricains transportĂ©s vers le Nouveau Monde avant la fin du XVIIe siĂšcle, 60 % ont pu reprĂ©senter des prisonniers de guerre, tandis que moins dâun tiers avaient Ă©tĂ© victimes dâenlĂšvement ; Ă lâinverse, des 7,4 millions de Noirs expĂ©diĂ©s entre 1701 et 1810, 70 % avaient Ă©tĂ© enlevĂ©s et 20 % provenaient de tribus vaincues militairement[24].
Destination | Pourcentage |
---|---|
Amérique portugaise | 38,5% |
AmĂ©rique britannique (sans lâAmĂ©rique du Nord) | 18,4% |
Amérique espagnole | 17,5% |
Amérique française | 13,6% |
Amérique du Nord anglaise | 6,45% |
Amérique anglaise | 3,25% |
Antilles hollandaises | 2,0% |
Antilles danoises | 0,3% |
Explorateurs ibĂ©riques et premiĂšre phase de lâesclavage dans les AmĂ©riques
Les premiers explorateurs espagnols et portugais dans les AmĂ©riques mirent dâabord en esclavage les populations amĂ©rindiennes[28]. Parfois, la force de travail leur Ă©tait rendue disponible Ă travers les systĂšmes existants dâimpĂŽts et de tributs des Ătats amĂ©rindiens tombĂ©s sous la coupe des envahisseurs europĂ©ens, par simple remplacement des administrateurs locaux par leurs homologues europĂ©ens ; dans dâautres cas, les Ătats amĂ©rindiens fournissaient la main-dâĆuvre directement[29]. Dans le cas portugais, la faiblesse des systĂšmes politiques des communautĂ©s Tupi-Guarani que les Portugais avaient soumis sur le littoral brĂ©silien, et lâinexpĂ©rience de ces AmĂ©rindiens en matiĂšre de labeur agricole systĂ©matique, les rendait faciles Ă exploiter Ă travers des arrangements de travail non-coercitifs[28]. Cependant, plusieurs facteurs empĂȘchaient le systĂšme dâesclavagisme amĂ©rindien de devenir un mode de fonctionnement durable au BrĂ©sil, notamment le fait que les populations indigĂšnes Ă©taient peu nombreuses ou insufissamment accessibles pour satisfaire tous les besoins des colons en forces de travail[30]. Dans bon nombre de cas, lâexposition aux maladies europĂ©ennes provoquait une forte mortalitĂ© parmi la population amĂ©rindienne et par lĂ une pĂ©nurie de main-dâĆuvre indigĂšne[30]. Les historiens estiment Ă environ 30 000 le nombre dâAmĂ©rindiens morts dâune Ă©pidĂ©mie de variole dans la dĂ©cennie 1560 sous domination portugaise[31]. Les conquĂ©rants ibĂ©riques Ă©tant par ailleurs impuissants Ă attirer de leur propre pays vers les colonies un nombre suffisant de colons, ils commencĂšrent Ă partir de 1570 Ă importer de maniĂšre croissante des esclaves dâAfrique au titre de main-dâĆuvre primaire[30] - [32].
Raisons de la prédilection des esclavagistes pour les Africains
En fait, il eĂ»t Ă©tĂ© nettement meilleur marchĂ© pour les EuropĂ©ens dâobtenir des esclaves en Europe mĂȘme, que dâenvoyer des navires vers les cĂŽtes africaines dans le but dây capturer de la main-dâĆuvre. Cependant, dans les populations europĂ©ennes, le groupe des individus entrant en ligne de compte pour une mise en esclavage Ă©tait beaucoup plus restreint que chez les Africains. Lâexpansion outremer avait mis les EuropĂ©ens en contact avec des peuples « qui diffĂ©raient dâeux, culturellement et physiquement, plus fortement que tout autre peuple avec lequel ils avaient interagi pendant le millĂ©naire prĂ©cĂ©dent ». En Europe mĂȘme, lâhypothĂšse de mettre en esclavage dâautres EuropĂ©ens ne fut pas envisagĂ©e, tandis que dans la mĂȘme temps, il y avait en Afrique des groupes dâAfricains disposĂ©s Ă vendre dâautres Africains destinĂ©s Ă lâesclavage. Ainsi, la principale cause de la traite massive dâAfricains fut « une discordance entre les conceptions africaines et europĂ©ennes quant Ă la prise en compte de tel ou tel pour la mise en esclavage, conceptions Ă lâorigine desquelles se trouvent la culture et les normes sociales, non clairement liĂ©es Ă lâĂ©conomie »[33]. Selon lâhistorien David Eltis, « lâAfrique Ă©tait une masse continentale beaucoup plus vaste, abritant une diversitĂ© de populations humaines plus grande que ce qui pouvait se trouver sur tout autre territoire de taille comparable dans le monde. Il nâest donc pas Ă©tonnant que les Africains nâaient pas Ă©prouvĂ© de sentiment continental dâappartenance â câest-Ă -dire [ne se soient pas vus] comme peuples ne pouvant pas se rĂ©duire mutuellement en esclavage »[34].
Concomitamment, sur le continent amĂ©ricain, les peuples amĂ©rindiens pĂ©rissaient par milliers et le nombre de colons europĂ©ens disposĂ©s Ă traverser lâAtlantique Ă©tait fort rĂ©duit. Aussi les colonisateurs allĂšrent-ils chercher en Afrique la main-dâĆuvre nĂ©cessaire au dĂ©veloppement des colonies[33].
Lâesclavage au BrĂ©sil
Le BrĂ©sil accueillit environ 38 % de tous les esclaves africains emmenĂ©s en AmĂ©rique[37]. Les estimations du nombre total dâAfricains subsahariens arrivĂ©s au BrĂ©sil sont assez divergentes : certaines font Ă©tat de trois millions de personnes, dâautres de quatre millions[38]. Selon une autre estimation, les noirs africains embarquĂ©s entre 1501 et 1866 Ă destination du BrĂ©sil Ă©taient au nombre de 5 532 118, dont 4 864 374 arrivĂšrent vivants (câest-Ă -dire que 667 696 personnes pĂ©rirent dans les vaisseaux nĂ©griers pendant le trajet Afrique-BrĂ©sil). Le BrĂ©sil fut le pays au monde qui, et de fort loin, accueillit le plus dâesclaves. Ă titre de comparaison, durant la mĂȘme pĂ©riode, 472 381 Africains furent embarquĂ©s Ă destination de lâAmĂ©rique du Nord, parmi lesquels 388 747 remirent pied Ă terre vivants (83 634 nây survĂ©curent pas)[39]. Si lâon en croit lâestimation de lâIBGE, le nombre total dâAfricains dĂ©barquĂ©s au BrĂ©sil est de 4 009 400[40].
Les Portugais ont Ă©tĂ© pendant des siĂšcles en premiĂšre ligne pour la traite nĂ©griĂšre. Ils avaient hĂ©ritĂ© de la tradition islamique toute la culture technique nĂ©cessaire, en particulier sur le plan de la navigation, de la production sucriĂšre et de la mise Ă contribution dâesclaves noirs comme force de travail[6]. DĂšs lâĂ©poque de la dĂ©couverte du BrĂ©sil, on avait fait appel Ă de la main-dâĆuvre esclave africaine pour la production de sucre dans les Ăźles atlantiques de MadĂšre et des Açores, dans le cadre dâun nouveau mode dâorganisation de la production : la fazenda[6]. Au dĂ©but du XVIe siĂšcle, 10 % environ de la population de Lisbonne se composait dâesclaves africains, nombre Ă©tonnamment Ă©levĂ© dans un contexte europĂ©en[41]. Les Portugais, plus que tout autre peuple dâEurope, Ă©taient culturellement armĂ©s pour affronter les peuples Ă peau sombre et prĂ©parĂ©s Ă enrĂŽler des indigĂšnes en vue du travail forcĂ© et Ă suborner des multitudes dâAfricains dans le but dâassurer leurs intĂ©rĂȘts Ă©conomiques. Le BrĂ©sil fut configurĂ© comme une entitĂ© coloniale-esclavagiste Ă caractĂšre agro-commercial. Dans un premier temps, le Portugais eurent recours au travail forcĂ© de lâindigĂšne ; ensuite, avec la dĂ©perdition de cette population aborigĂšne, le trafic dâhumains originaires dâAfrique sâaccrut graduellement, jusquâau point oĂč ces personnes finirent par constituer la grande masse des travailleurs au BrĂ©sil[6].
Lâesclavage sâest profondĂ©ment enracinĂ© dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne, mĂȘme si Ă tous les siĂšcles, les Africains et leurs descendants rĂ©sistĂšrent contre la servitude, sous forme de rĂ©bellions ou de fugues, et en crĂ©ant des quilombos. En outre, possĂ©der des esclaves Ă©tait une pratique tellement rĂ©pandue et acceptĂ©e par la sociĂ©tĂ© que beaucoup dâanciens esclaves, aprĂšs quâils eurent conquis la libertĂ©, voulurent Ă leur tour acquĂ©rir un captif pour eux-mĂȘmes. PossĂ©der des esclaves dĂ©notait un haut statut social et permettait Ă leur propriĂ©taire de sâextraire du monde du travail pĂ©nible, lequel, dans la mentalitĂ© brĂ©silienne, seuls les esclaves pouvaient exercer. Câest pourquoi, dans le BrĂ©sil esclavagiste, nul ne sâĂ©pouvantait de voir un noir ou un mulĂątre sâacheter un esclave, alors que ce fait eĂ»t Ă©tĂ© considĂ©rĂ© choquant aux Ătats-Unis Ă la mĂȘme Ă©poque, voire difficile Ă imaginer pour les BrĂ©siliens Ă lâheure actuelle[42]. La vie Ă©conomique tout entiĂšre dans lâEmpire dâoutremer portugais, en Afrique comme en AmĂ©rique, reposait sur le travail servile, et lâopinion abolitionniste fut toujours trĂšs faible dans le monde luso-brĂ©silien[43]. Il sâensuivit en particulier que le BrĂ©sil ne mit un terme Ă la traite quâen 1850, sous la pression britannique et aprĂšs avoir violĂ© les accords par lequel le pays sâĂ©tait engagĂ© Ă abolir la traite. Lâesclavage ne sera aboli sur le territoire brĂ©silien quâen 1888, et le BrĂ©sil fut alors le dernier pays dâAmĂ©rique Ă le faire[44]. Cependant, lâesclavage avait Ă©tĂ© lâun des piliers de lâEmpire du BrĂ©sil et par lâabolition, lâempereur Pierre II perdit le soutien des fazendeiros (grands propriĂ©taires terriens) esclavagistes, mĂ©contents de nâavoir pas Ă©tĂ© indemnisĂ©s, ce qui fut lâune des causes de la chute de la monarchie brĂ©silienne en 1889[45].
Flux dâimmigration
Itinéraires de la traite entre Brésil et Afrique
Le projet The Trans-Atlantic Slave Trade Database de lâuniversitĂ© Emory a estimĂ© que du fait de la traite 5 099 816 Africains ont Ă©tĂ© dĂ©barquĂ©s au BrĂ©sil. Par des analyses minutieuses menĂ©es en Afrique et en AmĂ©rique, les chercheurs ont rĂ©ussi Ă remonter aux origines des Africains amenĂ©s au BrĂ©sil. Aux alentours de 68 % de ces esclaves provenaient du Centre-Ouest de lâAfrique, câest-Ă -dire de la rĂ©gion oĂč se situent aujourdâhui les Ătats dâAngola, de la RĂ©publique du Congo et de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo[46].
Origine des Africains amenés au Brésil[46] | |||
---|---|---|---|
RĂ©gion dâorigine | Nombre dâindividus | Pourcentage | Ătats actuels de la rĂ©gion |
Centre-ouest de lâAfrique | 3.507.222 | 68,7% | Angola, RĂ©publique du Congo et RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo |
Golfe du Biafra | 908.044 | 17,8% | Partie occidentale du Nigeria, Cameroun, Guinée équatoriale et Gabon |
Sud-est de lâAfrique et Ăźles de lâocĂ©an Indien | 288.390 | 5,6% | Mozambique et Madagascar |
Sénégambie | 177.625 | 3,4% | Sénégal et Gambie |
Golfe du Bénin | 133.431 | 2,5% | Togo, Bénin et ouest du Nigéria |
CĂŽte de l'Or | 62.170 | 1,2% | Ghana et ouest de la CĂŽte d'Ivoire |
Sierra Leone | 14.960 | 0,2% | Sierra Leone |
CĂŽte de Barlavento | 7.974 | 0,15% | Liberia et CĂŽte dâIvoire |
Total | 5.099.816 |
Ă chaque pĂ©riode de lâhistoire du BrĂ©sil, tels ou tels ports particuliers dâembarquement dâesclaves Ă©taient utilisĂ©s prĂ©fĂ©rentiellement, et chaque port particulier recevait des esclaves originaires dâune vaste zone sâĂ©tendant jusquâĂ plusieurs centaines de kilomĂštres Ă lâintĂ©rieur du continent. Il sâensuit que lâorigine ethnique des esclaves accueillis au BrĂ©sil est trĂšs disparate, en plus dâavoir variĂ© tout au long des siĂšcles que dura la traite.
Un facteur essentiel pour comprendre quelles Ă©taient les rĂ©gions dâorigine des Africains amenĂ©s Ă tel ou tel endroit au BrĂ©sil sont les vents et courants marins de lâAtlantique nord et de lâAtlantique sud. Il existe deux systĂšmes de vents et de courants marins dans lâAtlantique : un au nord de lâĂ©quateur, tournant dans le sens des aiguilles dâune montre, et un autre au sud, tournant en sens anti-horaire. La configuration de ces vents et courants eut pour effet que les esclaves emmenĂ©s vers lâAmĂ©rique du Nord et vers les Antilles Ă©taient originaires surtout des zones plus septentrionales dâAfrique subsaharienne, tandis que pour les besoins du BrĂ©sil, on allait chercher des Africains principalement dans des zones plus mĂ©ridionales, majoritairement en Angola, le sud-est du continent et le golfe du BĂ©nin ne jouant ici quâun rĂŽle secondaire[33].
Quoi quâil en soit, ces groupes ethniques ont finalement Ă©tĂ© rĂ©partis dans diffĂ©rentes zones du BrĂ©sil, avec une prĂ©dominance de Bantous dans la province de Rio de Janeiro et dâOuest-Africains dans la Bahia et le nord du BrĂ©sil[47]. Lâune des raisons Ă cela est le fait que tel cycle Ă©conomique se dĂ©ploya principalement dans telle rĂ©gion distincte du BrĂ©sil (activitĂ© sucriĂšre dans le nord-est, or dans le Minas Gerais, cafĂ©iculture dans la rĂ©gion de Rio de Janeiro) et coĂŻncidait, au moment historique oĂč il se dĂ©ployait, Ă telle offre majoritaire dâesclaves provenant de telle rĂ©gion dâAfrique.
De façon schĂ©matique, on peut postuler que les esclaves africains amenĂ©s au BrĂ©sil avaient pris la mer dans les lieux dâembarquement suivants :
- Afrique occidentale : ports du SĂ©nĂ©gal et de Gambie (sur une moindre Ă©chelle lâĂźle de GorĂ©e)[48] - [49], Saint-Georges-de-la-Mine (aujourdâhui dans le port dâElmina) au Ghana, Ouidah au BĂ©nin, et Calabar dans lâactuel Nigeria ;
- Afrique du centre-ouest : ports de Cabinda (proche de lâembouchure du fleuve Congo) et de Luanda, tous deux dans lâactuel Angola ;
- Afrique orientale : ports dâIbo (en), de Lourenço Marques et dâInhambane au Mozambique ; ports de Zanzibar et de Quiloa, dans lâactuelle Tanzanie[50].
Quant aux phases dâimmigration, on peut dĂ©finir, en accord avec la pĂ©riodisation Ă©tablie par LuĂs Viana fils, les phases suivantes[51] :
- le cycle de GuinĂ©e (XVIe et XVIIe siĂšcles) : ports du SĂ©nĂ©gal et de Gambie (dans une moindre mesure lâĂźle de GorĂ©e)[48] - [49], expĂ©diant des esclaves « soudanais » (ou ouest-africains, noirs de GuinĂ©e) principalement en direction de Recife et de Salvador ;
- le cycle dâAngola (XVIIe siĂšcle) : ports de Saint-Georges-de-la-Mine, dâOuidah, de Calabar ; Cabinda et Luanda ; et Zanzibar, envoyant des esclaves bantous dĂ©barquĂ©s ensuite principalement Ă Salvador et Ă Rio de Janeiro, dâoĂč la plupart prenaient la route pour le Minas Gerais[52] ;
- le cycle de la CĂŽte dâElmina (XVIIIe siĂšcle-1815) : ports de Saint-Georges-de-la-Mine, dâOuidah et de Calabar ; Cabinda et Luanda ; Zanzibar et Quiloa ; Ibo, Lourenço Marques et Inhambane, qui envoyaient des esclaves « soudanais » et islamisĂ©s destinĂ©s Ă mettre pied Ă terre principalement Ă Salvador et Ă Rio de Janeiro[50], dâoĂč la majeure partie repartait pour les plantations de cafĂ© dans la vallĂ©e du ParaĂba do Sul et pour celles de canne Ă sucre dans le nord de la province de Rio de Janeiro ;
- la phase de lâillĂ©galitĂ© de la traite (1815-1831).
Dans la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle, au moment de lâapogĂ©e du trafic dâesclaves en direction du BrĂ©sil, les esclaves dâAfrique de lâouest allaient en majoritĂ© Ă Salvador, pendant que ceux du centre-ouest africain et dâAfrique orientale Ă©taient principalement dĂ©volus Ă Rio de Janeiro. La raison en est simplement la distance plus courte entre les ports dâembarquement et de dĂ©barquement, les navires transportant en effet une cargaison qui pĂ©rissait littĂ©ralement sous lâeffet des mauvaises conditions de voyage. De la sorte, les diffĂ©rents grands groupes ethniques finissaient par ĂȘtre prĂ©dominants dans certaines zones, notamment les Bantus Ă Rio de Janeiro et les Ouest-Africains dans la Bahia et le nord du BrĂ©sil[47]. Le Minas Gerais, qui est un cas particulier, accueillit un grand nombre dâesclaves ouest-africains et bantous, les premiers prĂ©dominant jusquâau milieu du XVIIIe siĂšcle, et les seconds au long du XIXe[52].
Région de débarquement des Africains déposés au Brésil[53] | |||
---|---|---|---|
Régions de débarquement | Nombre de personnes | Pourcentage | |
Sud-est du Brésil | 2.259.987 | 46,8% | |
Bahia | 1.545.006 | 32% | |
Pernambouc | 824.312 | 17% | |
Amazonie | 141.774 | 2,9% | |
Non spécifié | 50.048 | 1% | |
Total | 4.821.127 |
Retour en Afrique
Entre les XVIIIe et XIXe siĂšcles, plusieurs communautĂ©s dâesclaves sont retournĂ©s en Afrique aprĂšs avoir Ă©tĂ© affranchis au BrĂ©sil[54]. Parmi celles-ci, on note en particulier les Taboms, revenus au Ghana en 1835 et 1836[55], et les AgudĂĄs ou AmarĂŽs, retournĂ©s au BĂ©nin, au Togo et au Nigeria. Ces BrĂ©siliens sâĂ©tablirent nombreux dans la rĂ©gion de lâancienne cĂŽte des Esclaves, laquelle englobe tout le golfe du BĂ©nin, et sâinstallĂšrent jusque dans lâactuelle ville de Lagos, au NigĂ©ria, et Ă Acra, dans le Ghana actuel. Milton Guran, dans son livre AgudĂĄs. Os âbrasileirosâ do Benim note :
« Les âBrĂ©siliensâ du BĂ©nin, du Togo et du NigĂ©ria, connus aussi sous le nom dâAgudĂĄs dans les langues locales, sont des descendants des anciens esclaves du BrĂ©sil qui sâen sont retournĂ©s en Afrique au XIXe siĂšcle et des nĂ©gociants bahiannais Ă©tablis lĂ -bas aux XVIIIe et XIXe siĂšcles. Ils possĂšdent des noms de famille tels que Souza, Silva, Almeida, entre autres, cĂ©lĂšbrent la fĂȘte de Nosso Senhor do Bonfim, dansent la burrinha (forme archaĂŻque du bumba-meu-boi), font des cortĂšges de carnaval, et se rĂ©unissent souvent autour dâune feijoada ou dâun kousidou. Aujourdâhui encore, il est commun que les AgudĂĄs les plus ĂągĂ©s se saluent par un sonore âBom dia, como passou?â ; âBem, âbrigadoââ est la rĂ©ponse. »
Immigration africaine récente
Ă partir des derniĂšres dĂ©cennies du XXe siĂšcle, des Africains noirs ont commencĂ© Ă immigrer au BrĂ©sil[58], plus particuliĂšrement en provenance de pays lusophones comme lâAngola, le Cap-Vert et Sao TomĂ©-et-Principe, Ă la recherche de possibilitĂ©s dâemploi ou poursuivant un but commercial.
Ătudes gĂ©nĂ©tiques
Profil génétique de la population brésilienne
Lâon peut prĂ©sumer que, par cette voie, la population brĂ©silienne sâhomogĂ©nĂ©isera toujours plus avant, ce qui aboutira Ă ce que dans le futur le patrimoine gĂ©nĂ©tique multiracial commun soit davantage encore partagĂ© par tous. Nul au BrĂ©sil ne sâĂ©tonne des nuances de couleur des enfants nĂ©s des mĂȘmes parents, qui vont frĂ©quemment du brun mulĂątre, chez lâun dâeux, au blanc le plus clair, chez lâautre ; ou alors ils combinent les cheveux lisses et noirs de lâIndien, ou durs et bouclĂ©s du noir, ou soyeux du blanc, de toutes les maniĂšres possibles ; avec diffĂ©rentes ouvertures dâyeux, formes de bouche, conformations nasales ou proportions des mains et des pieds. En vĂ©ritĂ©, chaque famille brĂ©silienne de vieille extraction exprime dans le phĂ©notype de ses membres des caractĂ©ristiques isolĂ©es dâancĂȘtres les plus proches ou les plus Ă©loignĂ©s des trois grands troncs formateurs. VĂ©hiculant dans leur patrimoine gĂ©nĂ©tique toutes ces matrices, les BrĂ©siliens deviennent capables dâengendrer des enfants aussi variĂ©s que sont variĂ©s les visages de lâhomme. |
O Povo Brasileiro, Darcy Ribeiro, p. 16[59]. |
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique commandĂ©e en 2007 par la BBC Brasil a sondĂ© les ascendances de 120 BrĂ©siliens auto-dĂ©clarĂ©s noirs vivant dans lâĂtat de SĂŁo Paulo[60]. Le chromosome Y, hĂ©ritĂ© du pĂšre, et lâADN mitochondrial, transmis par la mĂšre, ont Ă©tĂ© examinĂ©s. Tous deux demeurent intacts Ă travers les gĂ©nĂ©rations, car ils ne se mĂ©langent pas avec dâautres matĂ©riaux gĂ©nĂ©tiques provenant du pĂšre ou de la mĂšre, abstraction faite des rares mutations qui pourraient survenir. LâADN mitochondrial de chaque personne est hĂ©ritĂ© de la mĂšre, et celle-ci lâa hĂ©ritĂ© de lâancĂȘtre maternel le plus lointain (la mĂšre de la mĂšre de la mĂšre de la mĂšre etc.). Inversement, le chromosome Y, dont seuls les hommes sont porteurs, est hĂ©ritĂ© du pĂšre, et celui-ci pour sa part lâa hĂ©ritĂ© de lâancĂȘtre paternel le plus Ă©loignĂ© (le pĂšre du pĂšre du pĂšre du pĂšre etc.).
Métissage racial des Brésiliens Valeurs arrondies, issues de deux études indépendantes menées respectivement sur des Brésiliens noirs et sur des Brésiliens blancs | |||
---|---|---|---|
CÎté | Origine | Noirs, taux (%)[61] | Blancs, taux (%)[62] |
Maternel (ADNmt) | Afrique subsaharienne | 85% | 29% |
Européenne | 2,5% | 38% | |
Amérindienne | 12,5% | 33% | |
Paternel (Chromosome Y) | Afrique subsaharienne | 48% | 2% |
Européenne | 50% | 98% | |
Amérindienne | 1,6% | 0% |
Cette Ă©tude montre des proportions quasi Ă©gales de personnes avec un chromosome Y provenant dâEurope (50 %) et dâAfrique subsaharienne (48 %) dans le groupe de BrĂ©siliens noirs qui a Ă©tĂ© analysĂ©. On peut Ă coup sĂ»r affirmer que la moitiĂ© (50 %) de cet Ă©chantillon de noirs brĂ©siliens sont des descendants dâau moins un EuropĂ©en masculin. Dâautre part, cette Ă©tude montre que dans le groupe de BrĂ©siliens et BrĂ©siliennes noirs analysĂ©s, environ 85 % des personnes ont de lâADN mitochondrial originaire dâune aĂŻeule dâAfrique subsaharienne et 12,5 % dâune aĂŻeule AmĂ©rindienne[61].
En supposant que le groupe Ă©tudiĂ© reprĂ©sente un bon Ă©chantillon, reprĂ©sentatif de la population brĂ©silienne, on peut postuler que les BrĂ©siliens noirs descendent par leur versant paternel autant dâEuropĂ©ens que dâAfricains subsahariens, cependant quâils sont du cĂŽtĂ© maternel en majoritĂ© des descendants dâAfricaines subsahariennes (85 %). Il est Ă noter Ă©galement quâune part considĂ©rable (12,5 %) de ce groupe de BrĂ©siliens auto-dĂ©clarĂ©s noirs est du cĂŽtĂ© maternel descendant dâau moins un ancĂȘtre amĂ©rindien.
La mĂȘme Ă©tude gĂ©nĂ©tique sâest aussi penchĂ©e sur les ascendances de quelques noirs brĂ©siliens cĂ©lĂšbres. Le rĂ©sultat en est surprenant, en ceci quâil dĂ©montre que des personnes qui sâautoproclament noires et sont considĂ©rĂ©es telles par la sociĂ©tĂ© prĂ©sentent un haut degrĂ© de filiation europĂ©enne. Voici quelques-uns des rĂ©sultats obtenus :
- Daiane dos Santos, athlĂšte : 40,8 % de gĂšnes europĂ©ens, 39,7 % dâAfrique subsaharienne et 19,6 % dâamĂ©rindiens[63] ;
- Neguinho da Beija-Flor, sambiste : 67 % de gĂšnes europĂ©ens et 32 % dâAfrique subsaharienne[64] ;
- Ildi Silva, actrice : 71,3 % de gĂšnes europĂ©ens, 19,5 % de gĂšnes dâAfrique subsaharienne, et 9,3 % dâamĂ©rindiens[65] ;
- Sandra de SĂĄ, chanteuse : 96,7 % de gĂšnes dâAfrique subsaharienne[66] ;
- Milton Nascimento, compositeur et chanteur : 99,3 % de gĂšnes dâAfrique subsaharienne[67].
Une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique suggĂšre quâun nombre considĂ©rable de BrĂ©siliens blancs portent en eux non seulement de lâADN provenant du fonds gĂ©nĂ©tique europĂ©en, mais aussi de lâADN provenant dâAmĂ©rindiens et dâAfricains, par suite du mĂ©tissage. Comme de juste, lâancĂȘtre non europĂ©en se trouve plus souvent du cĂŽtĂ© maternel. DâaprĂšs cette Ă©tude, les BrĂ©siliens blancs seraient le rĂ©sultat du mĂ©tissage avec des AmĂ©rindiennes davantage quâavec des Africaines subsahariennes, encore que la diffĂ©rence soit tĂ©nue[62] (les rĂ©sultats de cette derniĂšre Ă©tude ont Ă©tĂ© portĂ©s dans le mĂȘme tableau que lâĂ©tude gĂ©nĂ©tique sur les BrĂ©siliens noirs mentionnĂ©e ci-haut). La mĂȘme Ă©tude a comparĂ© le degrĂ© de mĂ©tissage des BrĂ©siliens blancs avec celui des AmĂ©ricains blancs, et permis de constater, sans surprise, que les premiers sont plus mĂ©langĂ©s, sans que pour autant les seconds ne soient totalement exempts de mĂ©tissage[62].
Il ressort de cette mĂȘme Ă©tude gĂ©nĂ©tique que 45 % de lâensemble des BrĂ©siliens, blancs et noirs, ont prĂšs de 90 % de gĂšnes africains subsahariens, et que 86 % environ possĂšdent 10 % ou plus de gĂšnes africains subsahariens. Toutefois, les auteurs de lâĂ©tude reconnaissent que ses intervalles de confiance sont larges et que ses rĂ©sultats ont Ă©tĂ© obtenus par extrapolation (en lâespĂšce Ă partir de 173 Ă©chantillons Ă Queixadinha, dans la municipalitĂ© de CaraĂ, dans le nord de Minas Gerais, censĂ©s ĂȘtre reprĂ©sentatifs du BrĂ©sil tout entier) : « De toute Ă©vidence, ces estimations ont Ă©tĂ© faites par extrapolation de rĂ©sultats expĂ©rimentaux avec des Ă©chantillons relativement petits et, par consĂ©quent, prĂ©sentent des intervalles de confiance assez larges »[62]. Une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique encore, autosomique, elle aussi rĂ©alisĂ©e par le gĂ©nĂ©ticien brĂ©silien SĂ©rgio Pena, en 2011, et qui sâappuyait sur un millier dâĂ©chantillons de toutes les rĂ©gions du pays, comprenant des « noirs », des « bruns » et des « blancs » (en tenant compte de leurs proportions respectives dans la population brĂ©silienne), a conclu que : « Dans toutes les rĂ©gions Ă©tudiĂ©es, lâascendance europĂ©enne est celle prĂ©dominante, avec des proportions variant de 60,60 % dans le Nordeste, Ă 77,70 % dans le sud du pays ». Une ascendance africaine est prĂ©sente Ă un degrĂ© Ă©levĂ© dans toutes les rĂ©gions du BrĂ©sil. Quant Ă celle indigĂšne, elle se manifeste Ă©galement, quoique dans une mesure moindre, dans toutes les rĂ©gions du BrĂ©sil. Les « noirs » prĂ©sentent un taux significatif dâancestralitĂ© europĂ©enne et, Ă un degrĂ© moindre, amĂ©rindienne[68]. Il est Ă signaler que cette Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e en faisant appel aux donneurs de sang, lesquels au BrĂ©sil sont issus pour la plupart des classes infĂ©rieures (en dehors du personnel infirmier et dâautres personnes travaillant dans les institutions de santĂ© publique, qui eux sont mieux reprĂ©sentatifs de la population brĂ©silienne)[69].
Selon une Ă©tude autosomique rĂ©alisĂ©e en 2008 par lâuniversitĂ© de Brasilia (UnB), la population brĂ©silienne est constituĂ©e des composantes europĂ©enne, africaine et indigĂšne dans les proportions suivantes : 65,90 % dâapport europĂ©en, 24,80 % dâapport africain, et 9,30 % dâapport indigĂšne[70].
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique plus rĂ©cente, datant de 2009, indique Ă©galement que lâancestralitĂ© europĂ©enne est la plus importante, suivie de celle africaine, puis de celle amĂ©rindienne. « Tous les Ă©chantillons (rĂ©gions) se trouvent plus proches des EuropĂ©ens que des Africains ou des mĂ©tis du Mexique », du point de vue gĂ©nĂ©tique[71].
DâaprĂšs lâĂ©tude gĂ©nĂ©tique autosomique menĂ©e en 2010 par une Ă©quipe de lâuniversitĂ© catholique de Brasilia et publiĂ©e dans la revue scientifique American Journal of Human Biology, lâhĂ©ritage gĂ©nĂ©tique europĂ©en est prĂ©dominant au BrĂ©sil, et câest dans le sud que son taux est le plus Ă©levĂ©[72]. Cette Ă©tude porte sur la population brĂ©silienne comme un tout : « Un nouveau tableau dâensemble des contributions de chaque ethnie Ă lâADN des BrĂ©siliens, obtenu Ă lâaide dâĂ©chantillons des cinq rĂ©gions du pays, indique quâen moyenne les ancĂȘtres europĂ©ens sont Ă lâorigine de prĂšs de 80 % de lâhĂ©ritage gĂ©nĂ©tique de la population. La variation dâune rĂ©gion Ă lâautre est faible, avec la possible exception du sud, oĂč lâapport gĂ©nĂ©tique europĂ©en sâapproche des 90 %. Les rĂ©sultats viennent corroborer les rĂ©sultats antĂ©rieurs, lesquels avaient aussi montrĂ© quâau BrĂ©sil les indicateurs dâapparence physique, tels que la couleur de peau, des yeux et des cheveux ont relativement peu de rapport avec lâascendance dâune personne »[72].
Une analyse gĂ©nĂ©tique de 2013, se basant sur des populations urbaines de diverses parties du BrĂ©sil, est parvenue Ă la conclusion suivante : « PrĂ©sentant un gradient nord/sud, lâascendance europĂ©enne Ă©tait la principale dans toutes les populations urbaines (avec des taux jusquâĂ 74 %). Les populations du nord ont des proportions significatives dâascendance indigĂšne, laquelle est deux fois supĂ©rieure Ă la contribution africaine. Dans le Nordeste, le centre-ouest et le sud-est, lâancestralitĂ© africaine Ă©tait la deuxiĂšme en importance. Toutes les populations Ă©tudiĂ©es sont en gĂ©nĂ©ral mĂ©tissĂ©es, et la variation est plus forte entre indivĂdus quâentre populations »[73].
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique de synthĂšse, de 2015, qui sâest attachĂ©e Ă scruter les donnĂ©es de 25 Ă©tudes portant sur 38 populations brĂ©siliennes diffĂ©rentes, a conclu que le facteur europĂ©en est celui qui a le plus contribuĂ© Ă lâancestralitĂ© des BrĂ©siliens, suivi du facteur africain, puis amĂ©rindien. Les taux constatĂ©s sont : 62 % pour lâapport europĂ©en, 21 % pour lâafricain et 17 % pour lâindigĂšne. La rĂ©gion sud compte le plus haut taux dâascendance europĂ©enne (77 %), tandis que la rĂ©gion nord-est a le plus fort pourcentage dâapport africain (27 %) et la rĂ©gion nord le plus fort apport indigĂšne (32 %)[74].
Le peuple brĂ©silien est donc rĂ©ellement le rĂ©sultat de la rencontre entre EuropĂ©ens, Africains et IndigĂšnes : « La corrĂ©lation entre couleur et ascendance gĂ©nomique est imparfaite : Ă lâĂ©chelle individuelle, on ne peut, Ă partir de la couleur de peau, prĂ©dire avec certitude le niveau dâancestralitĂ© europĂ©enne, africaine ou amĂ©rindienne, ni lâinverse. IndĂ©pendamment de leur couleur de peau, la plupart des BrĂ©siliens possĂšdent un niveau dâascendance europĂ©enne trĂšs Ă©levĂ©. De mĂȘme, indĂ©pendamment de leur couleur de peau, la plupart des BrĂ©siliens possĂšdent un degrĂ© significatif dâascendance africaine. Enfin, la plupart des BrĂ©siliens ont un degrĂ© significatif et trĂšs uniforme dâascendance indigĂšne. La forte variabilitĂ© observĂ©e chez les blancs et les noirs suggĂšre que chaque BrĂ©silien prĂ©sente une proportion unique et singuliĂšre dâascendances europĂ©enne, africaine et indigĂšne. Aussi la seule façon dâapprocher les BrĂ©siliens ne consiste pas Ă les considĂ©rer comme des membres de catĂ©gories Ă©tablies selon la couleur de peau, mais selon une optique de personne Ă personne, comme 190 millions dâĂȘtres humains avec un gĂ©nome et des histoires de vie singuliers »[75].
Dans le sud-est
Dans le sud-est brĂ©silien, sur la foi dâune Ă©tude autosomique de 2009, les hĂ©rĂ©ditĂ©s europĂ©enne et africaine sont les plus importantes. Selon cette Ă©tude, la composition gĂ©nĂ©tique se prĂ©sente ici de la maniĂšre suivante : Ă 60,7 % europĂ©enne, Ă 32,0 % africaine, et Ă 7,3 % amĂ©rindienne[76]. Une analyse gĂ©nĂ©tique rĂ©alisĂ©e en 2010[77] a abouti au constat suivant : 79,90 % dâapport europĂ©en, 14,10 % dâapport africain et 6,10 % dâapport indigĂšne. Cependant, selon une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique, de 2011, la composition du sud-est sâĂ©nonce comme suit[68] : europĂ©enne Ă 74,20 %, africaine Ă 17,20 %, et indigĂšne Ă 7,30 %. Une analyse gĂ©nĂ©tique plus rĂ©cente, effectuĂ©e en 2013, a donnĂ© pour sa part les rĂ©sultats suivants : une part europĂ©enne de 61 %, africaine de 27 %, et indigĂšne de 12 %[73].
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2009 a fait apparaĂźtre que les « blancs », les « bruns » (pardos) et les « noirs » de lâĂtat de Rio de Janeiro relĂšvent en gĂ©nĂ©ral des trois ascendances, la composante africaine se rĂ©vĂ©lant la plus importante chez les « noirs », bien quâelle soit prĂ©sente aussi chez les « blancs » et, Ă un degrĂ© significatif, chez les « bruns »[78].
Ascendance gĂ©nomique dâindividus non apparentĂ©s dans lâĂtat de Rio de Janeiro"[78] | ||||
---|---|---|---|---|
Couleur | Nombre dâindividus | AmĂ©rindien | Africain | EuropĂ©en |
Blanc | 107 | 6.7% | 6.9% | 86.4% |
Brun | 119 | 8.3% | 23.6% | 68.1% |
Noir | 109 | 7.3% | 50.9% | 41.8% |
DâaprĂšs une Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2011[68], la composition gĂ©nĂ©tique de Rio de Janeiro serait africaine pour une part de 18,9 %, europĂ©enne pour 73,70 %, et indigĂšne pour 7,4 %.
Une analyse gĂ©nĂ©tique plus rĂ©cente, de 2013[73], a constatĂ© la rĂ©partition suivante pour Rio de Janeiro : 31,10 % dâapport africain, 55,20 % dâapport europĂ©en, et 13,70 % dâapport indigĂšne.
Une Ă©tude de filiation autosomique, menĂ©e en 2009 dans une Ă©cole publique Ă NilĂłpolis, dans la Baixada Fluminense, a mis en Ă©vidence que lâascendance autodĂ©clarĂ©e et lâascendance rĂ©elle ne sont pas bien corrĂ©lĂ©es au BrĂ©sil. Les personnes sâauto-identifiant comme « noires » dans cette Ă©tude prĂ©sentaient en moyenne une ascendance europĂ©enne autour de 52 %, africaine autour de 41 %, et Ă 4 % amĂ©rindienne. Les personnes sâauto-identifiant comme « brunes » (pardas) apparaissaient possĂ©der un patrimoine gĂ©nĂ©tique en moyenne Ă 80 % europĂ©en, Ă 12 % africain, et Ă 8 % amĂ©rindien. Les « bruns » se jugeaient eux-mĂȘmes ĂȘtre gĂ©nĂ©tiquement pour un tiers amĂ©rindiens, un tiers africains, et un tiers europĂ©ens, Ă mettre en regard dâune ascendance europĂ©enne prouvĂ©e dĂ©passant les 80 %. Les blancs ne prĂ©sentaient pas de taux significatif de mĂ©tissage. Chez la plupart des blancs, on enregistrait une ascendance europĂ©enne supĂ©rieure Ă 90 %, et 1/3 des bruns Ă©galement possĂ©daient une ascendance europĂ©enne au-dessus de 90 %. Bruns et noirs se sont rĂ©vĂ©les avoir une ascendance europĂ©enne plus importante que ce quâils sâĂ©taient imaginĂ©s[78] - [79].
Dans lâĂtat de SĂŁo Paulo, les blancs aussi bien que les noirs prĂ©sentent une forte ascendance africaine. Une Ă©tude a Ă©tabli une moyenne de 25 % dâascendance africaine chez les « blancs » de la ville de SĂŁo Paulo (entre 18 et 31 %), et de 65 % chez les « noirs » de la mĂȘme ville (entre 55 et 76 %)[82].
Ă Campinas, une analyse gĂ©nĂ©tique a dĂ©montrĂ© chez les personnes porteuses de lâhĂ©moglobine S (la plus frĂ©quente chez les Africains et leurs descendants) une ascendance africaine Ă hauteur de 45 %, europĂ©enne Ă hauteur de 41 %, et indigĂšne Ă hauteur de 14 %. Cette mĂȘme analyse a mis au jour que chez seulement 53 % des individus lâascendance africaine Ă©tait visible dans le phĂ©notype[83].
Suivant une Ă©tude gĂ©nĂ©tique effectuĂ©e en 2006 sur la population de lâĂtat de SĂŁo Paulo, la contribution gĂ©nĂ©tique africaine serait de 14 %, celle europĂ©enne de 79 %, et celle indigĂšne de 7 %. Cependant, une autre analyse plus rĂ©cente, de 2013, a estimĂ© la part du patrimoine gĂ©nĂ©tique africain Ă 25,5 %, celle du patrimoine europĂ©en Ă 61,9 %, et celle du patrimoine indigĂšne Ă 11,6 %[73].
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique sur les habitants de Belo Horizonte, dans le Minas Gerais, a rĂ©vĂ©lĂ© que leur ascendance est Ă 66 % europĂ©enne, Ă 32 % africaine, et Ă 2 % indigĂšne. Dâautre part, dans la localitĂ© de Marinhos (situĂ©e dans lâactuelle municipalitĂ© de Brumadinho, district de SĂŁo JosĂ© do Paraopeba), dont les habitants sont en majeure partie issus dâanciens quilombos, les ascendances apparaissent ĂȘtre Ă 59 % africaines, Ă 37 % europĂ©ennes, et Ă 4 % indigĂšnes (chez ceux dont la famille rĂ©side dans la localitĂ© depuis le dĂ©but du XXe siĂšcle, lâascendance africaine monte jusquâĂ 81 %)[84]. De façon gĂ©nĂ©rale, les Mineiros sont dotĂ©s dâun taux fort faible dâascendance indigĂšne, alors que lâascendance europĂ©enne (principalement portugaise) et africaine y prĂ©dominent. Ceci sâexplique par le fait que la population amĂ©rindienne a Ă©tĂ© exterminĂ©e, dans le mĂȘme temps oĂč parvenaient dans la rĂ©gion de vastes contingents dâesclaves africains et de colons portugais, diluant plus avant encore lâĂ©lĂ©ment indigĂšne dans la population. En ce qui concerne la composante europĂ©enne (en lâespĂšce portugaise), celle-ci, nonobstant quâelle fĂ»t numĂ©riquement infĂ©rieure Ă la composante africaine, finit nĂ©anmoins par prĂ©dominer, par lâeffet conjuguĂ© du fort taux de mortalitĂ© et du faible indice de reproduction chez les esclaves. Plus tard, lâimmigration dâItaliens et dâautres EuropĂ©ens vers le Minas Gerais Ă la fin du XIXe siĂšcle contribua Ă accroĂźtre davantage encore le taux dâascendance europĂ©enne[85].
Plusieurs autres Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques ont Ă©tĂ© menĂ©es prenant pour objet diffĂ©rents groupes raciaux et gĂ©ographiques du Minas Gerais. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, toutes les Ă©tudes concluent que la population du Minas Gerais est intensĂ©ment mĂ©tissĂ©e, avec un haut degrĂ© dâascendance europĂ©enne, suivie par celle africaine, et, dâimportance moindre, celle indigĂšne. Peu de Mineiros ont une ascendance oĂč prĂ©domine nettement le fonds soit europĂ©en soit africain, la majoritĂ© ayant Ă un degrĂ© significatif un mĂ©lange de ces deux origines. Selon une analyse gĂ©nĂ©tique, 13,8 % des Mineiros atteints dâanĂ©mie falciforme examinĂ©s, remontent Ă des ancĂȘtres europĂ©ens Ă plus de 85 %, et 11,05 % des patients souffrant dâanĂ©mie falciforme ont un taux de 85 % dâascendance africaine. La majoritĂ© de ceux-ci, 73,37 %, montrait des niveaux intermĂ©diaires de mĂ©tissage (entre 15 et 85 %)[86]. Cela vaut aussi pour la quasi-totalitĂ© des rĂ©gions du BrĂ©sil, selon dâautres Ă©tudes[68] - [73] - [87].
Plusieurs études génétiques ont estimé les parts africaine, européenne et amérindienne dans le Minas Gerais. | |||
---|---|---|---|
Origine de lâĂ©chantillon | Africaine | EuropĂ©enne | AmĂ©rindienne |
Ouro Preto (toutes couleurs/« races »)[88] | 33,3 % | 50,3 % | 16,4 % |
Ouro Preto (blancs)[88] | 18,0 % | 70,4 % | 11,6 % |
Ouro Preto (bruns clairs)[88] | 31,4 % | 52,1 % | 16,4 % |
Ouro Preto (bruns sombres)[88] | 47,6 % | 33,6 % | 18,8 % |
Ouro Preto (noirs)[88] | 67,1 % | 16,6 % | 16,4 % |
Minas Gerais (porteurs de lâanĂ©mie falciforme)[86] | 47,3 % | 39,7 % | 13,0 % |
Minas Gerais (non porteurs de lâanĂ©mie falciforme)[86] | 33,8 % | 57,7 % | 3,5 % |
Queixadinha, CaraĂ (blancs)[87] | 32,0 % | ? | ? |
Queixadinha, CaraĂ (bruns)[87] | 44,0 % | ? | ? |
Queixadinha, CaraĂ (noirs)[87] | 51% | ? | ? |
Minas Gerais (blancs)[89] | 16,1 % | 70,8 % | 13,1 |
Minas Gerais (couleurs/« races » non spécifiées)[73] | 28,9 % | 59,2 % | 11,9 % |
Montes Claros (couleurs/« races » non spécifiées)[90] | 39,0 % | 52,0 % | 9,0 % |
Manhuaçu (couleurs/« races » non spécifiées)[90] | 19,0 % | 73,0 % | 8,0 % |
Belo Horizonte (couleurs/« races » non spécifiées)[85] | 32,0 % | 66 % | 2,0 % |
Marinhos, Brumadinho[84] - [85] - [90] - [91] | 59,0 % | 37,0 % | 3,7 % |
Dans le Nordeste
Selon une Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique de 2009, lâhĂ©rĂ©ditĂ© europĂ©enne est prĂ©dominante dans le Nordeste, reprĂ©sentant 66,70 % dans la population gĂ©nĂ©rale, le reste se partageant entre hĂ©rĂ©ditĂ© africaine (23,30 %) et amĂ©rindienne (10 %)[71]. DâaprĂšs une analyse gĂ©nĂ©tique de 2011, « dans toutes les rĂ©gions Ă©tudiĂ©es, les ascendances europĂ©ennes sont prĂ©dominantes, avec des proportions variant de 60,60 % dans le Nordeste, Ă 77,70 % dans le sud du pays ».
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique rĂ©alisĂ©e en 1965 par les chercheurs amĂ©ricains D. F. Roberts et R. W. Hiorns a indiquĂ© que les ascendances du Nordestin sont en moyenne Ă nette prĂ©dominance europĂ©enne (taux autour de 65 %), avec des apports moindres, mais importants, de lâAfrique et des peuples indigĂšnes (25 % et 9 %, respectivement)[92] - [93].
Selon une analyse gĂ©nĂ©tique (ADN autosomique) de 2011, les bruns (pardos) et blancs de Fortaleza remontent Ă des ancĂȘtres africains, et aussi indigĂšnes, mais lâascendance tant des bruns que des blancs est Ă plus de 70 % europĂ©enne[68].
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2005, menĂ©e Ă SĂŁo LuĂs do MaranhĂŁo, a estimĂ© Ă 19 % la contribution du patrimoine gĂ©nĂ©tique africain Ă la population, celle du patrimoine europĂ©en Ă 42 %, et celle du patrimoine indigĂšne Ă 39 %[94].
Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique menĂ©e dans le RecĂŽncavo bahianais a confirmĂ© le haut degrĂ© dâascendance africaine dans cette rĂ©gion. Ont Ă©tĂ© examinĂ©es dans cette Ă©tude des personnes de lâaire urbaine des villes de Cachoeira et de Maragogipe, ainsi que des rĂ©sidents des quilombos de la zone rurale de Cachoeira. Lâascendance africaine constatĂ©e sâĂ©lĂšve Ă 80,4 %, lâeuropĂ©enne Ă 10,8 %, et lâindigĂšne Ă 8,8 %[95]. Ă Salvador, lâascendance prĂ©dominante est africaine (49,2 %), suivie de celle europĂ©enne (36,3 %) et indigĂšne (14,5 %). LâĂ©tude a mis en lumiĂšre Ă©galement que les Salvadorenses porteurs dâun nom de famille Ă connotation religieuse tendent Ă possĂ©der un taux dâancestralitĂ© africaine plus Ă©levĂ© (54,9 %) et Ă appartenir Ă des classes sociales moins favorisĂ©es[96].
Dans les capitales nordestines analysĂ©es (de mĂȘme que dans le Nordeste en gĂ©nĂ©ral), lâascendance africaine sâaffirme dans chacune, encore que lâascendance europĂ©enne soit la principale dans la plupart dâentre elles, ainsi que dans la rĂ©gion Nordeste dans son ensemble. Sans Ă©gard Ă la couleur de peau des personnes analysĂ©es, on arrive, pour la population dâAracaju, Ă un indice de 62 % de filiation europĂ©enne, de 34 % de filiation africaine, et de 4 % de filiation indigĂšne[97].
Quant Ă la population de Natal, ici de mĂȘme sans spĂ©cifier la couleur des personnes examinĂ©es, une Ă©tude dĂ©jĂ ancienne (de 1982) sâappuyant sur les polymorphismes sanguins a conclu Ă la rĂ©partition suivante : lâascendance constatĂ©e Ă©tait Ă 58 % europĂ©enne, Ă 25 % africaine, et Ă 17 % indigĂšne[98]. Toutefois, lâancestralitĂ© des migrants nordestins rĂ©sidant dans lâĂtat de SĂŁo Paulo est europĂ©enne Ă proportion de 59 %, africaine Ă proportion de 30%, et indigĂšne Ă proportion de 11 %[97]. Selon une autre Ă©tude, conduite en 1997, les ascendances sont estimĂ©es, pour lâensemble de la population nordestine, europĂ©ennes Ă 51 %, africaines Ă 36 %, et indigĂšnes Ă 13 %[99]. DâaprĂšs une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique encore, datant de 2013, la composition gĂ©nĂ©tique de la population du Pernambouc est Ă 56,8 % europĂ©enne, Ă 27,9 % africaine, et Ă 15,3 % amĂ©rindienne[73].
Une analyse gĂ©nĂ©tique de 2013 a permis dâĂ©tablir la composition gĂ©nĂ©tique de la population dâAlagoas Ă 54,7 % pour lâapport europĂ©en, Ă 26,6 % pour lâapport africain, et Ă 18,7 % pour lâapport amĂ©rindien[73].
Dans le sud
Selon une Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique conduite en 2010 par lâuniversitĂ© catholique de Brasilia et publiĂ©e dans la revue American Journal of Human Biology, lâhĂ©ritage gĂ©nĂ©tique europĂ©en est prĂ©dominant au BrĂ©sil, reprĂ©sentant environ 80 % du total, avec un pourcentage plus Ă©levĂ© encore dans le sud, oĂč il monte Ă 90 %[72]. Ainsi lâascendance europĂ©enne est-elle la principale dans le sud, celle africaine restant significative, de mĂȘme que celle amĂ©rindienne.
DâaprĂšs une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique, de 2009, le patrimoine gĂ©nĂ©tique europĂ©en est effectivement dominant dans le sud du pays, correspondant en effet Ă 81,50 % du total, le reste se partageant entre lâamĂ©rindien (9,2 %) et lâafricain (9,3 %)[71].
Des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques rĂ©alisĂ©es dans lâĂtat du ParanĂĄ chez des « afrodescendants » (noirs ou mulĂątres de diffĂ©rentes tonalitĂ©s de peau) ont indiquĂ© que le degrĂ© de mixitĂ© gĂ©nĂ©tique est fort variable. Les « mulĂątres clairs » ou « mulĂątres moyens » prĂ©sentent des taux dâascendance africaine et europĂ©enne similaires (44 % europĂ©enne, 42 % africaine, et 14 % indigĂšne). Quant aux « mulĂątres sombres » ou aux « noirs » du ParanĂĄ, ils apparaissent gĂ©nĂ©tiquement africains principalement, leur ascendance africaine se chiffrant en effet Ă 72 %, pour une part europĂ©enne de 15 % et indigĂšne de 6 %. Y compris mĂȘme chez les « blancs » du ParanĂĄ, les indices dâancestralitĂ© africaine sont non nĂ©gligeables, quoiquâassez variables, sâĂ©talant dâun minimum de 3 % dans une Ă©tude, Ă un maximum de 17 % dans une autre.
Dans le nord
Dans la rĂ©gion Nord, la contribution africaine est importante Ă©galement, Ă cĂŽtĂ© des ascendances europĂ©enne et indigĂšne. Selon une Ă©tude autosomique de 2009, la composition gĂ©nomique de la rĂ©gion Nord se prĂ©senterait comme suit : Ă 60,6 % europĂ©enne, Ă 21,3 % africaine, et Ă 18,1 % amĂ©rindienne[76]. Une analyse gĂ©nĂ©tique effectuĂ©e en 2010[77] a trouvĂ© la composition suivante : 71,10 % dâapport europĂ©en, 18,20 % dâapport africain, et 10,70 % dâapport indigĂšne. Mais dâaprĂšs une autre Ă©tude gĂ©nĂ©tique portant sur lâADN autosomique menĂ©e en 2011, le tableau gĂ©nĂ©tique du nord se prĂ©sente ainsi : 68,8 % pour la part europĂ©enne, 10,5 % pour la part africaine, et 18,50 % pour la part indigĂšne[68]. Une Ă©tude gĂ©nĂ©tique plus rĂ©cente, de 2013, basĂ©e sur lâADN autosomique, aboutit de son cĂŽtĂ© aux rĂ©sultats suivants : 51 % dâascendance europĂ©enne, 17 % dâafricaine, et 32 % dâindigĂšne[73].
Suivant une analyse génétique de 2011, la composition génétique de la population de Belém est européenne à hauteur de 69,70 %, africaine à hauteur de 10,90 %, et amérindienne à hauteur de 19,40 %[68]. Cependant, selon une étude génétique de 2013, la composition génétique de la population de Belém est à 53,70 % européenne, à 16,80 % africaine, et à 29,50 % indigÚne[73].
Toujours selon cette mĂȘme Ă©tude gĂ©nĂ©tique de 2013, lâancestralitĂ© des habitants de Manaus est Ă 45,9 % europĂ©enne, Ă 37,8 % indigĂšne et Ă 16,3 % africaine[73]. Dâautre part, toujours selon cette mĂȘme analyse, lâascendance des habitants de Santa Isabel do Rio Negro, communautĂ© isolĂ©e dans le nord de lâĂtat dâAmazonie, est indigĂšne Ă un taux de 75,80 %, africaine Ă un taux de 7,4 %, et europĂ©enne Ă un taux Ă 16,80%[73].
Dans le centre-ouest
DâaprĂšs les Ă©tudes autosomiques effectuĂ©es, lâascendance africaine sâattribue une part de 21,70 % dans lâhĂ©ritage gĂ©nĂ©tique de la population du centre-ouest, celle europĂ©enne une part de 66,30 %, et celle indigĂšne de 12,00 %[71] - [100].
Communautés quilombolas
Des recherches gĂ©nĂ©tiques menĂ©es dans les quilombos (communautĂ©s constituĂ©es de descendants dâesclaves marrons) ont rĂ©vĂ©lĂ© que lâancestralitĂ© africaine est prĂ©dominante dans la plupart de ceux-ci, bien que la prĂ©sence dâĂ©lĂ©ments dâorigine europĂ©enne et indigĂšne dans ces communautĂ©s soit significative. Cela tend Ă prouver que les quilombos nâont pas Ă©tĂ© peuplĂ©s uniquement dâAfricains, mais que des personnes dâorigine europĂ©enne et indigĂšne sây sont aussi intĂ©grĂ©es. Les Ă©tudes montrent que la grille dâascendance des quilombas est plutĂŽt hĂ©tĂ©rogĂšne, se prĂ©sentant comme quasi exclusivement africaine pour quelques-uns, tels que le quilombo de Valongo, dans le sud du pays, ou, pour dâautres, avec une ascendance europĂ©enne arrivant Ă prĂ©dominer, comme dans le cas du quilombo de Mocambo, dans le Nordeste[101].
Ascendance génétique des habitants de quilombos[101] | |||
---|---|---|---|
Nom du quilombo | Africaine | Européenne | IndigÚne |
CametĂĄ (Nord) | 48% | 17,9% | 34,1% |
Cajueiro (Nordeste) | 67,4% | 32,6% | 0% |
CuriaĂș (Nord) | 73,6% | 26,4% | 0% |
ParedĂŁo (Sud) | 79,1% | 2,8% | 18,1% |
Trombetas (Nord) | 62% | 27% | 11% |
Valongo (Sud) | 97,3% | 2,7% | 0% |
MimbĂł (Nordeste) | 61% | 17% | 22% |
SĂtio Velho (Nordeste) | 72% | 12% | 16% |
Groupes ethniques
Les Portugais classaient les diffĂ©rentes ethnies africaines de maniĂšre gĂ©nĂ©rique, sans Ă©gard aux particularitĂ©s des sous-groupes de chaque catĂ©gorie. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les esclaves Ă©taient identifiĂ©s en fonction de la rĂ©gion oĂč se trouvait le port dâembarcation. Il sâensuit quâune catĂ©gorie considĂ©rĂ©e comme homogĂšne par les Portugais pouvait en fait englober plusieurs ethnies distinctes.
Sommairement, on peut classifier les cultures africaines transplantées au Brésil en trois grands groupes[6] - [102] - [103] :
- les cultures « soudanaises » : les Yorubas du Nigeria, les Ewes (« Dahoméens ») du Dahomey (Bénin), les Fantis et Ashantis de la cÎte de l'Or (Ghana), entre autres ;
- les cultures islamisĂ©es : les Peuls, les Mandingues, et les Haoussas dans le nord du NigĂ©ria, appelĂ©s noirs « malĂȘs » dans la Bahia et noirs « alufĂĄs » Ă Rio de Janeiro ;
- les cultures bantoues : du Congo, de lâAngola et du Mozambique.
Ces Ouest-Africains, originaires de la dĂ©nommĂ©e cĂŽte dâElmina, surtout de lâactuel NigĂ©ria et du BĂ©nin, Ă©taient collectivement dĂ©signĂ©s par « Minas » ou « Soudanais », bien que dans ce groupe gĂ©nĂ©rique fussent inclus diffĂ©rentes ethnies distinctes, comme les Yorubas, Ewes, Fantis et Ashantis, Gas et Tchis (« Minas »), MalĂȘs (islamisĂ©s), Haoussas, Kanouris, Nupes, Gourounsis, Peuls et Mandingues. Nombre dâesclaves obtenus sur la cĂŽte dâElmine Ă©taient des adeptes de la religion islamique, et quelques-uns parmi eux savaient lire et Ă©crire en arabe, fait inhabituel dans le BrĂ©sil colonial, oĂč la majoritĂ© de la population, Ă©lites comprises, Ă©tait analphabĂšte. Lâinfluence de ces esclaves Ă©tait visible, en particulier Ă Salvador, notamment dans les tenues vestimentaires des Bahianais, avec le caractĂ©ristique turban musulman, les robes longues et amples, les chĂąles et les fichus Ă rayures bariolĂ©es[104].
Un autre groupe important arrivĂ© en grand nombre au BrĂ©sil Ă©tait les Bantous, pour la plupart originaires dâAngola ; toutefois ce groupe incluait aussi des esclaves de rĂ©gions plus Ă©loignĂ©es, comme le Mozambique.
Bantous
Les Bantous sont les descendants dâun groupe ethnolinguistique qui Ă une date relativement rĂ©cente sâest rapidement propagĂ© Ă partir de lâactuelle rĂ©gion du Cameroun en direction du sud, atteignant le littoral tant occidental quâoriental de lâAfrique. Comme cette expansion est rĂ©cente, les diffĂ©rentes nations bantoues ont en commun un grand nombre de caractĂ©ristiques ethno-culturelles, linguistiques et gĂ©nĂ©tiques, en dĂ©pit de la vaste Ă©tendue sur laquelle ils se sont rĂ©pandus[105]. Les Bantous amenĂ©s au BrĂ©sil venaient des rĂ©gions qui forment actuellement les Ătats dâAngola, de la RĂ©publique du Congo, de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, du Mozambique et, dans une moindre mesure, de la Tanzanie ; ils appartenaient Ă lâune des subdivisions ethniques utilisĂ©es par les nĂ©griers, Ă savoir les Cassangas, les Benguelas, les Ibindas, les Dembos, les Rebolos, les Angicos, les Makuas, etc., et constituaient la majeure partie des esclaves conduits vers les provinces de Rio de Janeiro, de Minas Gerais et vers la zone forestiĂšre (mata) du littoral nordestin[47] - [50] - [52].
Ouest-Africains
Les Ouest-Africains provenaient dâune vaste rĂ©gion cĂŽtiĂšre sâĂ©tendant du SĂ©nĂ©gal jusquâau Nigeria, en plus de lâarriĂšre-pays adjacent. On dĂ©signait par Soudan toute la bande de terre qui, limitrophe du Sahel, sâĂ©tire dans un sens est-ouest en traversant lâAfrique de part en part, de sorte que les esclaves dâorigine ouest-africaine Ă©taient souvent dĂ©nommĂ©s Soudanais â ce qui peut prĂȘter Ă confusion et porter Ă les assimiler aux habitants de lâactuel Ătat du Soudan, dont pourtant la population nâa jamais servi de gisement dâesclaves Ă destination des AmĂ©riques. Au surplus, seule une partie des esclaves dâorigine ouest-africaine venaient du Soudan au sens large. Les natifs dâAfrique de lâouest, appelĂ©s Ă lâĂ©poque « noirs de GuinĂ©e », furent les premiers esclaves Ă ĂȘtre emportĂ©s vers les AmĂ©riques[50].
Dans le livre DiĂĄlogos das grandezas do Brasil, de 1610, son auteur probable, AmbrĂłsio Fernandes BrandĂŁo, Ă©voque lâabondance dâ« esclaves de la GuinĂ©e » qui existait dans les capitaineries nordestines :
« [...] ce Ă cause de quoi lâon a crĂ©Ă© dans ce BrĂ©sil une nouvelle GuinĂ©e avec une grande multitude dâesclaves venus de lĂ oĂč ils se trouvent ; de sorte que, dans quelques-unes des capitaineries, il y en a plus de ceux-lĂ que de naturels [Indiens] du pays, et tous les hommes qui y vivent ont placĂ© presque toute leur entreprise [fazenda] dans pareille marchandise[106]. »
Les Ouest-Africains Ă©taient originaires principalement des rĂ©gions constituĂ©es des actuels Ătats de CĂŽte d'Ivoire,de la guinĂ©e, du BĂ©nin, du Togo, du Ghana et du Nigeria. La rĂ©gion du golfe du BĂ©nin Ă©tait lâun des principaux lieux dâembarquement dâesclaves, Ă telle enseigne quâelle Ă©tait connue sous le nom de cĂŽte des Esclaves. Les Ouest-Africains formaient le plus grand contingent des esclaves transportĂ©s vers la Bahia[47]. Ils appartenaient Ă diffĂ©rents groupes ethniques que la traite divisait schĂ©matiquement en :
- NagĂŽs : ceux qui parlaient ou comprenaient la langue des Yoruba, ce qui englobait des ethnies comme les KĂ©tous, les Egbas, les Egbados, les SavĂšs, etc. ;
- Ewes : cette catĂ©gorie comprenait une sĂ©rie dâethnies, parmi lesquelles les Fons, les Ashantis, les Ewes, les Fantis, les Minas et dâautres moins importantes, comme les Krous, Agnis, Nzemas, Timinis, etc.
Les « MalĂȘs » Ă©taient des esclaves dâorigine ouest-africaine, locuteurs dans la plupart des cas de la langue haoussa, et adeptes de la religion islamique. Beaucoup parmi eux parlaient et Ă©crivaient en arabe, ou usaient de caractĂšres arabes pour transcrire le haoussa[104]. Outre les Haoussas, les autres ethnies islamisĂ©es dont des membres ont Ă©tĂ© emmenĂ©s comme esclaves au BrĂ©sil Ă©taient les Mandingues, les Peuls, les Tapas, Bornos, les Gourounsis, etc. Mais il y eut encore dâautres Ouest-Africains, issus dâautres ethnies que celles dĂ©jĂ mentionnĂ©es, comme les Mahis, les Savalous, et plusieurs autres groupes mineurs.
- Esclaves de Benguela et du Congo
- Esclaves du Mozambique
DĂ©mographie
EntrĂ©e dâesclaves africains au BrĂ©sil(IBGE) | ||||
---|---|---|---|---|
PĂ©riode | 1500-1700 | 1701-1760 | 1761-1829 | 1830-1855 |
Quantidade | 510.000 | 958.000 | 1.720.000 | 718.000 |
Pendant la pĂ©riode coloniale et impĂ©riale, des noirs en grand nombre furent transportĂ©s comme esclaves vers le BrĂ©sil et constituaient une portion importante de la population totale ; toutefois lâaccroissement de la population noire fut ensuite relativement restreint en comparaison de lâarrivĂ©e de nouveaux esclaves dâAfrique subsaharienne. Les raisons en sont, premiĂšrement, que les hommes formaient la grande majoritĂ© des esclaves amenĂ©s au BrĂ©sil, le nombre dâhommes Ă©tant jusquâĂ huit fois plus Ă©levĂ© que celui des femmes[47] ; deuxiĂšmement, que la mortalitĂ© Ă©tait trĂšs supĂ©rieure chez les esclaves Ă ce quâelle Ă©tait dans le reste de la population brĂ©silienne. Ă certains moments de lâhistoire du BrĂ©sil, la hausse de la population esclave Ă©tait due uniquement Ă lâaugmentation de la traite. Il y a lieu de souligner cependant que le nombre dâesclaves qui entraient ne peut ĂȘtre chiffrĂ© avec certitude, car au BrĂ©sil aucun recensement de la population nâa Ă©tĂ© effectuĂ© avant 1872[107]. Ce qui apparaĂźt sĂ»r en revanche, câest que le nombre dâAfricains amenĂ©s au BrĂ©sil Ă©tait important, et que la majoritĂ© de ceux-ci Ă©taient de sexe masculin, avec une espĂ©rance de vie en gĂ©nĂ©ral fort basse. Selon les paroles dâAuguste de Saint-Hilaire : « Une infinitĂ© de nĂšgres mourait sans laisser de descendance »[108]. Quand mĂȘme le chiffre de la population entiĂšre du BrĂ©sil, estimĂ© Ă 4 millions autour de 1823, englobant tous les segments de la population (blancs, bruns et mĂ©tis en gĂ©nĂ©ral, Africains libres et esclaves, et Indiens), rend compte du nombre total dâAfricains qui, dâaprĂšs certains, seraient venus au BrĂ©sil durant toute la pĂ©riode coloniale, il nâest pas possible pour autant de dire que le nombre dâAfricains amenĂ©s corresponde Ă celui qui contribua effectivement Ă la croissance dĂ©mographique du pays[109].
La population noire sâaccrut vigoureusement avec lâamĂ©lioration du traitement rĂ©servĂ© aux esclaves consĂ©cutive Ă la loi EusĂ©bio de QueirĂłs de 1850, qui mit fin Ă la traite. Dans le premier recensement jamais effectuĂ© au BrĂ©sil de la couleur de peau de la population, en 1872, les rĂ©sultats Ă©taient les suivants : 4 188 737 bruns (pardos), 3 787 289 blancs, et 1 954 452 noirs, les noirs formant ainsi le troisiĂšme groupe par taille dâeffectifs, comme il lâest du reste encore aujourdâhui. Lors dâun deuxiĂšme recensement, accompli en 1890, on releva une timide augmentation de la population noire, ainsi que le montrent les rĂ©sultats suivants : 6 302 198 blancs, 5 934 291 bruns, et 2 097 426 noirs, rĂ©sultats desquels il ressort que si certes les noirs continuaient dâĂȘtre le troisiĂšme groupe au sein de la population brĂ©silienne Ă cette Ă©poque, ils nâavaient toutefois pas connu la mĂȘme hausse dâeffectifs que les blancs et les bruns entre 1872 et 1890[110] - [111].
Les esclaves masculins, jeunes, plus forts et plus sains, Ă©taient les plus prisĂ©s, et les bateaux nĂ©griers embarquaient plus dâhommes que de femmes. Il en rĂ©sulta un grand dĂ©sĂ©quilibre dĂ©mographique entre hommes et femmes dans la population des esclaves, les hommes en effet constituant 73,7 % et les femmes seulement 26,3 % de la population esclave dans la pĂ©riode 1837-1840. De surcroĂźt, les maĂźtres dâesclaves ne se souciaient pas de la reproduction naturelle de leurs effectifs dâesclaves, vu quâil Ă©tait plus avantageux dâacheter des esclaves fraĂźchement acheminĂ©s par le trafic international que de rĂ©gler les dĂ©penses dâalimentation des enfants[112].
Les facteurs ayant concouru Ă la brusque diminution du nombre relatif des noirs sont de diverse nature. PremiĂšrement, il y eut une forte immigration europĂ©enne vers le BrĂ©sil dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle et la premiĂšre moitiĂ© du XXe. DeuxiĂšmement, la mortalitĂ© Ă©tait bien plus Ă©levĂ©e chez les noirs, qui de façon gĂ©nĂ©rale nâavaient pas accĂšs Ă une bonne alimentation, Ă lâhygiĂšne de base et aux soins de santĂ©.
Se référant à la baisse de la proportion de noirs dans la population brésilienne, João Batista de Lacerda, seul Latino-Américain à présenter un rapport lors du 1er CongrÚs universel des Races à Londres en 1911, observa :
« Au BrĂ©sil, lâon a dĂ©jĂ vu des enfants de mĂ©tis (mulĂątres, bruns) prĂ©senter, dans la troisiĂšme gĂ©nĂ©ration, tous les caractĂšres physiques de la race blanche [...]. Quelques-uns gardent quelques rares traces de leur ascendance noire sous lâeffet de lâatavisme [...], mais lâinfluence de la sĂ©lection sexuelle [...] tend Ă neutraliser celle de lâatavisme, et Ă retirer aux descendants des mĂ©tis toutes les traces de la race noire [...]. Sous lâeffet de ce processus de rĂ©duction ethnique, il est logique de sâattendre Ă ce que dans guĂšre plus dâun siĂšcle, les mĂ©tis aient disparu du BrĂ©sil. Cela coĂŻncidera avec lâextinction parallĂšle de la race noire parmi nous. »
Pour les autoritĂ©s brĂ©siliennes, la politique dâimmigration menĂ©e au XXe siĂšcle ne visait pas seulement Ă faire mettre en valeur des terres inexploitĂ©es, Ă se procurer de la main-dâĆuvre et Ă dĂ©velopper le BrĂ©sil, mais aussi à « civiliser » et à « blanchir » (embranquecer) le pays avec des populations europĂ©ennes. Le dĂ©cret no 528 de 1890, signĂ© par le prĂ©sident Deodoro da Fonseca et par le ministre de lâAgriculture Francisco GlicĂ©rio, disposait que lâentrĂ©e dâimmigrants dâAfrique et dâAsie ne serait permise que moyennant lâautorisation du CongrĂšs national. Le mĂȘme dĂ©cret nâimposait aucune restriction Ă lâimmigration dâEuropĂ©ens, voire lâencourageait. JusquâĂ sa rĂ©vocation en 1907, ledit dĂ©cret prohibait en pratique lâimmigration dâAfricains et dâAsiatiques vers le BrĂ©sil[113]. Nonobstant quâon lâon eĂ»t, Ă divers moments historiques, besoin de beaucoup de main-dâĆuvre peu qualifiĂ©e, nul ne songea, aprĂšs que la loi EusĂ©bio de QueirĂłs eut mis un terme Ă la traite, Ă faire venir dâAfrique des immigrants libres.
La famille esclave
Pendant de longues annĂ©es, historiens et anthropologues ont soutenu quâau BrĂ©sil les esclaves ne fondaient pas de famille. Florestan Fernandes p.ex. affirmait que les esclaves ne reconnaissaient aucune rĂšgle â leur prĂ©sumĂ©e « anomie » â, ne ressentaient aucune solidaritĂ© entre eux, et que la famille â non seulement la famille comme lignage, mais aussi la famille conjugale et nuclĂ©aire, avec le pĂšre prĂ©sent dans le quotidien â, nâa chez eux en pratique jamais existĂ©[114]. Pour ces auteurs, lâunion entre noirs nâĂ©tait que passagĂšre, ne donnant lieu quâĂ des enfants illĂ©gitimes, et les liens de parentĂ© et la vie de famille Ă©taient dĂ©truits par la vente, par les obstacles posĂ©s par les maĂźtres Ă la formation de familles chez les esclaves, et par le commerce intĂ©rieur qui dĂ©mantelait ces unions. Les rares familles existantes Ă©taient centrĂ©es sur la mĂšre, et presque toujours les enfants Ă©taient Ă©levĂ©s sans la prĂ©sence du pĂšre[115].
Des Ă©tudes plus rĂ©centes ont cependant rĂ©futĂ© ces reprĂ©sentations. Au rebours des premiĂšres, les nouvelles recherches ont dĂ©montrĂ© que dans les rĂ©gions de plantation du sud-est du BrĂ©sil, le nombre des mariages, conclus Ă lâĂ©glise, Ă©tait Ă©levĂ© chez les esclaves. Elles ont Ă©galement mis au jour une stabilitĂ© impressionnante de ces familles, et quâil y avait entre les parents et leurs enfants une cohabitation rapprochĂ©e. Dans les grandes propriĂ©tĂ©s anciennes en particulier, cette stabilitĂ© apparaissait avec Ă©vidence dans les diffĂ©rentes familles Ă©tendues examinĂ©es, lesquelles comprenaient des membres de trois gĂ©nĂ©rations vivant ensemble avec leurs frĂšres et sĆurs adultes et avec leurs enfants respectifs. Câest lĂ tout du moins le tableau de la situation telle quâelle prĂ©valait dans lâouest de lâĂtat de SĂŁo Paulo et dans la VallĂ©e du ParaĂba au XIXe siĂšcle[116].
Il y avait toutefois des disparitĂ©s rĂ©gionales. Dans la Bahia, tant au XVIIIe quâau XIXe siĂšcles, les taux dâillĂ©gitimitĂ© Ă©taient des plus Ă©levĂ©s, rĂ©vĂ©lant un dĂ©faut de mariages formels entre esclaves, et quelques paroisses nâarrivaient mĂȘme pas Ă enregistrer ne serait-ce quâun seul enfant lĂ©gitime. En revanche, dans la freguesia (paroisse civile) de Campos dos Goitacases, dans lâĂtat de Rio de Janeiro au XVIIIe siĂšcle, le taux de lĂ©gitimitĂ© chez les enfants nĂ©s dâesclaves Ă©tait fort haut, sâĂ©levant Ă la moitiĂ© du total des naissances, et montant mĂȘme Ă 86 % dans quelques freguesias. Si ces diffĂ©rences rĂ©gionales restent inexpliquĂ©es, lâon observe nĂ©anmoins que les niveaux dâassimilation culturelle variaient dâune ethnie africaine Ă lâautre. Dans le sud-est du BrĂ©sil, la majoritĂ© des esclaves Ă©tait bantoue, ethnie rĂ©putĂ©e plus facilement assimilable Ă la tradition catholique (encore que ceci ait Ă©tĂ© mis en doute), tandis que dans le Nordeste, et en particulier dans la Bahia, la plupart des esclaves Ă©taient nagĂŽ, et Salvador fut le thĂ©Ăątre de plusieurs rĂ©voltes esclaves jamais observĂ©es ailleurs au BrĂ©sil. Cela pourrait indiquer que le NagĂŽ Ă©tait moins disposĂ© Ă accepter les rĂšgles de la vie familiale telles que prescrites par le catholicisme[117].
Quoi quâil en soit, rien ne permet dâaffirmer que les esclaves Ă©taient anomiques. MĂȘme dans les rĂ©gions oĂč prĂ©dominait la formation de familles selon les normes catholiques, il y avait dâautres maniĂšres dont les esclaves pouvaient tisser des liens familiaux, comme le remplacement des parents biologiques par dâautres parents, ou encore lâinclusion de non parents afin de combler les vides dans la famille Ă©tendue[118]. Du reste, de façon gĂ©nĂ©rale, les mariages formels Ă©taient peu frĂ©quents dans le BrĂ©sil colonial, y compris entre personnes libres, quâelles soient blanches ou dâascendance africaine. En 1805, dans la comarque de SabarĂĄ, dans le Minas Gerais, seuls 29,7 % des blancs, 24,5 % des mulĂątres et 21,4 % des noirs avaient fait consacrer leur union par lâĂglise[115].
Selon Florestan Fernandes, les maĂźtres dĂ©truisaient les familles esclaves afin de pĂ©renniser lâesclavage, et crĂ©aient Ă la place des esclaves anomiques, sans unitĂ© et sans pouvoir dâorganisation. Ă lâopposĂ© de cette vision, les historiens Manolo Florentino et JosĂ© R. GĂłes soutiennent que les maĂźtres au contraire incitaient Ă la constitution de familles chez leurs esclaves, raisonnant que la crĂ©ation de tels liens affectifs prĂ©venaient les rĂ©voltes internes et assuraient ainsi la paix dans les cases-nĂšgres[118].
Hebe Maria Mattos affirme quâau BrĂ©sil, la fondation de ces familles nâa pas eu pour effet de faire naĂźtre une identitĂ© particuliĂšre, noire et esclave, en opposition Ă une identitĂ© blanche et libre, comme cela sâest produit aux Ătats-Unis. La famille, bien que noyau fondamental dans la vie des captifs, nâa pas conduit Ă construire une identitĂ© raciale, mais une identitĂ© qui tendait Ă rapprocher les esclaves des hommes libres pauvres[119].
MĂ©tissage
Le processus de mĂ©tissage entre Africains, EuropĂ©ens et IndigĂšnes a Ă©tĂ© fondamental dans la formation de la population brĂ©silienne. Le phĂ©nomĂšne nâa pas pour autant dĂ©bouchĂ© sur une dĂ©mocratie raciale, comme lâont postulĂ© certains auteurs, Ă©tant donnĂ© que la race, la couleur de peau, lâorigine et la classe sociale ont toujours continuĂ© Ă exercer une influence directe sur les chances de mobilitĂ© sociale des habitants du BrĂ©sil. Quelques auteurs, tels que Gilberto Freyre et SĂ©rgio Buarque de Holanda, ont dĂ©fendu la thĂšse selon laquelle il nây avait pas chez les Portugais de prĂ©jugĂ©s de race, ou extrĂȘmement peu, circonstance qui expliquerait leur propension au mĂ©lange racial[120]. Plus tard, dâautres chercheurs, comme Charles Ralph Boxer, en dĂ©saccord avec cette thĂ©orie, pointeront que les Portugais Ă©taient lâun des peuples les plus racistes de leur Ă©poque, dĂ©veloppant en effet, entre les XVIe et XVIIIe siĂšcles, un systĂšme complexe de « puretĂ© de sang » (limpeza de sangue), qui donnait lieu Ă des exclusions et stigmatisations de toutes sortes Ă lâencontre de descendants de Juifs, de Maures, dâAmĂ©rindiens, de noirs et dâautres[41] - [121]. Juger si les Portugais Ă©taient pas du tout, peu ou trĂšs racistes dĂ©pendra des diffĂ©rentes interprĂ©tations historiques, par contre la thĂ©orie selon laquelle ils auraient Ă©tĂ© plus enclins Ă se mĂ©langer avec dâautres races sâeffondre dĂšs que lâon sâattache Ă analyser la situation dans les autres colonies portugaises ; en effet, en Afrique et en Inde, au contraire du BrĂ©sil, aucun mĂ©tissage expressif nâa eu lieu entre Portugais et indigĂšnes[122]. Ce qui ressort de ces constatations est que le processus de mĂ©tissage au BrĂ©sil sâinscrit dans un projet portugais dâoccupation et dâexploitation du territoire brĂ©silien, projet dĂ©jĂ fixĂ© jusquâĂ un certain point. Le Portugal ayant des effectifs de population trĂšs rĂ©duits, le pays ne pouvait pas entreprendre la mise en valeur agraire du vaste territoire colonial brĂ©silien avec des colons uniquement de souche portugaise[122]. La Couronne portugaise avait besoin dâune couche intermĂ©diaire de mĂ©tis et dâanciens esclaves noirs et mulĂątres pour mener Ă bien ses projets Ă©conomiques[17]. Par suite, en dĂ©pit de ce que les exigences de « puretĂ© de sang » eussent virĂ© en une vĂ©ritable obsession au Portugal[41], dans la colonie, face au manque chronique de personnes blanches, surtout de femmes, la Couronne dut souvent clore un Ćil sur lâorigine mĂ©tisse des individus, en particulier de ceux occupant des postes de dĂ©cision dans la sociĂ©tĂ© coloniale. Pour autant, ceci nâattĂ©nuait pas leur infĂ©riorisation ni ne supprimait les grandes difficultĂ©s dâascension sociale quâĂ©prouvaient ces mĂȘmes personnes[115].
Exploitation sexuelle
« Douze ans est la fleur de lâĂąge des Africaines. Il y a dans celles-ci de temps Ă autre un enchantement si grand, que les gens en oublient la couleur [...]. Les petites nĂ©gresses sont gĂ©nĂ©ralement bien fournies et solides, avec des façons dĂ©notant une agrĂ©able amabilitĂ©, et tous leurs mouvements pleins dâune grĂące naturelle, les pieds et mains plastiquement beaux. Des yeux, un feu tellement particulier irradie et le sein brĂ»le dâun tel dĂ©sir ardent, quâil est difficile de rĂ©sister Ă de telles sĂ©ductions. »
â Carl Schlichthorst[123].
Si pendant plusieurs siĂšcles, dans le monde occidental, les femmes vivaient, indĂ©pendamment de leur race ou de leur origine, dans une relation de subordination vis-Ă -vis des hommes, leur situation Ă©tait beaucoup moins enviable encore dans les sociĂ©tĂ©s esclavocrates, oĂč les esclaves des deux sexes Ă©taient souvent victimes dâexploitation sexuelle par leurs maĂźtres, que ce soit dans le sens hĂ©tĂ©rosexuel ou homosexuel[24] - [41]. Pour les femmes esclaves, la situation Ă©tait, dans le cas particulier du BrĂ©sil, plus dĂ©gradante encore, en ceci quâĂ lâexploitation sexuelle typique du rapport maĂźtre-esclave sâajoutait la misogynie raciste qui avait pris forme dans la sociĂ©tĂ© coloniale. Les hommes adressaient des paroles grivoises et Ă sous-entendus sexuels aux femmes noires et mulĂątres, esclaves ou affranchies, alors que galanteries et paroles amoureuses Ă©taient dĂ©volues aux blanches. La femme dâorigine africaine, au mĂȘme titre que la femme indigĂšne dans le premier siĂšcle de la colonisation, Ă©tait frĂ©quemment relĂ©guĂ©e au rang dâobjet sexuel aux mains des hommes blancs[124].
La beautĂ© des femmes africaines Ă©tait souvent vantĂ©e par les voyageurs europĂ©ens arrivĂ©s au BrĂ©sil, en particulier des femmes esclaves originaires de la cĂŽte dâElmina, qui avaient la peau plus claire et qui donc, quoique ne cessant pas pour autant dâĂȘtre exotiques, sâapprochaient des canons de beautĂ© ayant cours en Europe[42]. Pourtant, le fait que les colonisateurs portugais se soient sentis attirĂ©s sexuellement par les femmes indigĂšnes, noires ou mulĂątres ne permet pas de conclure sans Ă©quivoque Ă une absence de prĂ©jugĂ© racial, vu que la plupart de ces relations sâaccomplissaient dans un rapport dâinĂ©galitĂ© et comportaient souvent une part de violence et de sadisme[125].
La vision de la femme dâorigine africaine, â plus particuliĂšrement de la mulĂątre, ou de façon gĂ©nĂ©rale de toute femme pauvre â, comme objet sexuel dans les mains dâhommes nantis, est une vision qui rĂ©sonne encore dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne jusquâĂ lâĂ©poque actuelle ; comme le note Darcy Ribeiro, « ce qui caractĂ©rise le Portugais dâautrefois et le BrĂ©silien de la classe dominante dâaujourdâhui est la duplicitĂ© de ses modĂšles de rapports sexuels : lâun, pour ses rapports au sein de son propre milieu social, et un autre, opposĂ©, pour les gens de couches plus pauvres »[6].
NĂ©anmoins, il serait abusif de postuler que lâĂ©mergence au BrĂ©sil dâune ample strate de mĂ©tis et de mulĂątres soit seulement le rĂ©sultat de lâexploitation sexuelle des esclaves par leurs maĂźtres. En effet, il y eut Ă©galement des relations consenties, ordinairement des concubinages, dont quelques-unes assez durables, entre hommes blancs et femmes de couleur[42]. Selon lâhistorien Manolo Florentino, « le mĂ©tissage brĂ©silien a beaucoup plus Ă voir avec le Portugais pauvre qui interagit matrimonialement et sexuellement avec les femmes noires, quâavec les hommes de lâĂ©lite entretenant des relations sexuelles avec des femmes noires pauvres ou asservies »[126].
Relations amoureuses et concubinages
Dans la sociĂ©tĂ© hiĂ©rarchisĂ©e et dâexclusion quâĂ©tait le BrĂ©sil colonial, les inĂ©galitĂ©s sociale, raciale et dâorigine entre les partenaires amoureux contrariaient la conclusion de mariages lĂ©gaux. Dans presque tous les cas, lâĂtat portugais faisait obstacle Ă lâunion entre personnes de conditions inĂ©gales, allant mĂȘme jusquâĂ engager des procĂ©dures judiciaires pour vĂ©rifier lâorigine des candidats au mariage. En consĂ©quence, noirs et mulĂątres nâĂ©taient autorisĂ©s Ă Ă©pouser que des partenaires dâĂ©gale condition. Toutefois, la pĂ©nurie de femmes blanches dans la colonie conduisait nombre dâhommes blancs Ă avoir une relation amoureuse avec des femmes de couleur. Ătant donnĂ© que ces liaisons nâĂ©taient officialisĂ©es par lâĂglise quâavec rĂ©ticence, compte tenu de la rigueur de la lĂ©gislation portugaise en la matiĂšre, elles tendaient Ă se transformer en concubinages, quelques-uns passagers, dâautres durables[42].
Le concubinage avec des hommes blancs, dâune part, comportait des avantages pour les femmes noires et mulĂątres, car par ce moyen elles parvenaient, une fois acquis leur affranchissement, Ă attĂ©nuer la stigmatisation de lâesclavage et de la couleur de peau, non seulement pour elles-mĂȘmes, mais aussi et surtout pour leur progĂ©niture, mais dâautre part, le statut de concubine la privait des privilĂšges lĂ©gaux inhĂ©rents Ă la condition dâĂ©pouse. En effet, en cas de mariage officiel, la fortune du mari Ă©choyait Ă la femme, mais non dans le cas dâun concubinage, Ă moins que la compagne nâeĂ»t Ă©tĂ© dĂ»ment citĂ©e dans le testament, ce qui du reste arrivait frĂ©quemment. Un aspect qui paraissait positif dans le concubinat Ă©tait la possibilitĂ© pour les enfants dâĂ©viter la perpĂ©tuation, dans les documents officiels, des stigmates de couleur et de lâantĂ©rieure condition dâesclave de la mĂšre. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč le lignage Ă©tait survalorisĂ© et oĂč la « marque » de lâesclavage Ă©tait transmise de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration, lâoccasion offerte dâocculter une origine esclave et noire dans la famille pouvait passer pour avantageuse. Cela participait du processus de « blanchiment » (branqueamento), processus biologique autant que social, dont les anciennes esclaves lĂ©guaient le rĂ©sultat et les bĂ©nĂ©fices Ă leurs descendants[42].
LâĂglise catholique tenta comme elle put de rĂ©primer le concubinat, qualifiĂ© de crime. De temps en temps, bourgs et hameaux Ă©taient visitĂ©s par les Ă©vĂȘques, Ă lâoccasion des dĂ©nommĂ©es Visites ecclĂ©siastiques, dans lâintention dâapurer les crimes moraux et de foi commis par les habitants de la colonie. Les rĂ©sidents Ă©taient obligĂ©s de confesser leurs propres fautes et Ă dĂ©noncer celles des autres. Certains alors avouaient ce qui Ă©tait dĂ©jĂ public et notoire, quand dâautres mettaient la situation Ă profit pour se venger de leurs voisins ou de leurs ennemis. Cependant, lâĂglise ne parvint pas, malgrĂ© ses efforts, Ă endiguer pour longtemps la prolifĂ©ration des concubinages au BrĂ©sil[42].
Le mĂ©tissage des Africains au BrĂ©sil sâeffectua surtout Ă travers le concubinat impliquant des femmes noires ou mulĂątres et des hommes blancs dâorigine portugaise. Dans un relevĂ© des personnes accusĂ©es de concubinage dans la comarque de Rio das Velhas, dans le Minas Gerais, entre 1727 et 1756, les chiffres recensĂ©s font apparaĂźtre que parmi les concubins, 92 % Ă©taient des hommes blancs, et que chez les concubines, 52,1 % Ă©taient africaines, 35,1 % crĂ©oles (noires brĂ©siliennes) ou mĂ©tisses, et seulement 11,8 % Ă©taient blanches. Il y avait donc une nette prĂ©dominance du concubinat impliquant un homme blanc (92 %) et une femme noire ou mulĂątre (87,2 %)[127]. Pendant longtemps, lâhistoriographie a voulu associer la pratique rĂ©pandue du concubinage dans le BrĂ©sil colonial avec lâamoralitĂ©, avec la condition dâextrĂȘme pauvretĂ© des personnes concernĂ©es et donc lâinsuffisance de ressources pour rĂ©aliser un mariage lĂ©gal, avec la faible disponibilitĂ© de femmes blanches etc. Ces explications omettaient de prendre en considĂ©ration lâinfluence des cultures africaine et indigĂšne dans ce contexte. Les femmes africaines et leurs descendants crĂ©oles, bruns et mulĂątres ont des conceptions culturelles diffĂ©rentes des EuropĂ©ens. Pour beaucoup de ces femmes, rester cĂ©libataire ne reprĂ©sentait pas une dĂ©chĂ©ance, mais une vertu[127]. Le mariage catholique Ă lâĂ©glise, tant valorisĂ© dans la culture portugaise, nâĂ©tait pas encore une prioritĂ© pour les femmes dâorigine africaine dans le BrĂ©sil colonial. Ce nâest que plus tard quâil y eut une valorisation gĂ©nĂ©rale du mariage au BrĂ©sil, et que les femmes non mariĂ©es allaient ĂȘtre stigmatisĂ©es, par suite de lâimportation de la culture portugaise, avec la diffusion dâĂ©lĂ©ments culturels tels que notamment la dĂ©votion Ă saint Antoine, patron du mariage[124]. Au XIIIe siĂšcle, lâĂglise catholique sâefforça, Ă coups de rĂ©pression, dâinstituer le mariage monogame en Europe, par un processus ardu de mise aux normes des comportements. Au BrĂ©sil, ce processus ne se concrĂ©tisa quâĂ partir de la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe siĂšcle, dans le sillage du transfert de la cour portugaise vers le BrĂ©sil en 1807. Auparavant, des modes hĂ©tĂ©rodoxes dâorganisation familiale avaient prolifĂ©rĂ© au BrĂ©sil, avec une prĂ©dominance du concubinat et des liaisons temporaires. En outre, le rĂŽle de la femme Ă©tait au BrĂ©sil plus dynamique que ce Ă quoi les Portugais sâattendaient, Ă partir des reprĂ©sentations catholiques de la femme effacĂ©e et dĂ©vote, que lâon tenta Ă prĂ©sent dâimposer aussi dans la colonie[42]. Ce nâest quâau XIXe siĂšcle, au prix dâune forte rĂ©pression sexuelle, que notamment lâidĂ©e que lâactivitĂ© sexuelle ne devait servir quâĂ la reproduction sâimplanta au BrĂ©sil, pendant que le mariage devenait la norme Ă suivre[124].
Dans lâopinion de beaucoup de femmes dâorigine africaine dans le BrĂ©sil colonial, le concubinat ne restreignait pas la libertĂ© des femmes comme le faisait le mariage, et pouvait en outre constituer une ascension sociale, dans la mesure oĂč nombre de femmes esclaves Ă©taient susceptibles dâobtenir la libertĂ© aprĂšs sâĂȘtre unies Ă des hommes blancs. Ceux-ci avaient coutume de lĂ©guer des biens aux enfants quâils avaient conçus avec la concubine. Les femmes dâorigine africaine pouvaient entretenir des relations endogames, polygames ou monogames, en jouant elles-mĂȘmes un rĂŽle central dans ces diffĂ©rentes structures. Les anciennes esclaves, aprĂšs avoir acquis la libertĂ©, Ă©chouaient souvent dans la pauvretĂ©, car ne connaissant aucun mĂ©tier, et subissant en outre le prĂ©jugĂ© contre les femmes de couleur et contre les ci-devant esclaves. Quelques femmes affranchies vivaient dans des situations plus dĂ©gradantes que certaines esclaves, p. ex. en tant que domestiques. Dâautres au contraire rĂ©ussissaient Ă sâintĂ©grer sur le marchĂ© du travail, Ă sâĂ©lever dans la sociĂ©tĂ© et Ă accumuler des richesses. Celles-lĂ vivaient seules, se procuraient Ă leur tour des esclaves, et vaquaient Ă des activitĂ©s Ă©conomiques. Il existe plusieurs exemples de femmes noires et brunes affranchies qui, pendant la pĂ©riode coloniale, menaient un train de vie Ă©quivalent Ă celui de lâĂ©lite, en particulier dans le Minas Gerais, oĂč lâascension sociale Ă©tait plus souple. Elles jouissaient de la libertĂ© de dĂ©cider de leur propre avenir, au rebours de la situation de soumission de beaucoup de femmes blanches, qui aprĂšs avoir vĂ©cu sous le joug de leurs parents, devaient par la suite se soumettre Ă un mari, venant Ă vivre quasiment cloĂźtrĂ©es dans leur logis. La figure sans doute la plus emblĂ©matique de lâascension sociale des femmes dâorigine africaine dans le BrĂ©sil colonial est Chica da Silva, mais nombre dâautres femmes affranchies anonymes surent rĂ©aliser une ascension sociale similaire[42].
DĂšs la fin du XIXe siĂšcle, le mĂ©tissage entre noirs brĂ©siliens et immigrants italiens nâĂ©tait pas rare, selon ce que nota, dans un esprit empreint de prĂ©jugĂ©s, un membre du commissariat gĂ©nĂ©ral Ă lâĂmigration (CGE) : « La dĂ©gradation ne sâarrĂȘte pas mĂȘme devant la distinction de race : les mariages dâItaliens avec des noires ne sont pas inhabituels, ou ce qui est pire encore, de femmes italiennes avec des noirs ». Cependant, les mariages restaient lâexception, la majoritĂ© de ces relations relevant en effet du concubinat, ce qui laissait ouverte la possibilitĂ© dâun retour de lâimmigrant vers lâItalie et reflĂ©tait sans doute aussi un prĂ©jugĂ© de couleur chez ces Italiens, qui nâassumaient pas formellement leurs liaisons avec des BrĂ©siliennes Ă la peau plus sombre[131].
Le métissage dans la décennie 2010
Les donnĂ©es de lâIBGE tendent Ă dĂ©construire le mythe de lâharmonie raciale brĂ©silienne. Selon le recensement de 2010, 70 % des BrĂ©siliens Ă©pousent des partenaires de la mĂȘme race ou de la mĂȘme couleur de peau (si la race nâavait aucune incidence sur le choix des Ă©poux, cet indice sâĂ©lĂšverait Ă 50 %). Toujours selon cette Ă©tude, la couleur de peau est un des facteurs que les BrĂ©siliens prennent en considĂ©ration Ă lâheure dâĂ©lire leur partenaire, en plus du revenu et du niveau dâinstruction. Le fait que les noirs et les bruns (pardos) appartiennent Ă des classes de revenu infĂ©rieurs et ont un niveau dâĂ©tudes plus faible contribue Ă la racialisation des mariages. Les donnĂ©es indiquent que 75,3 % des hommes blancs Ă©pousent des femmes blanches, que 69 % des bruns se marient entre eux, ainsi que 65,4 % des indigĂšnes, 44,2 % des jaunes et 39,9 % des noirs[132] - [133].
Influence culturelle
« Les cultures afro-amĂ©ricaines sont loin d'ĂȘtre mortes, elles rayonnent au contraire et s'imposent aux Blancs. Elles pourront demain, dans un monde sans cesse changeant, donner encore de nouvelles floraisons et nourrir, de leur miel ou de leurs piments, de nouvelles promesses de fruits[134]. »
Le terme culture afro-brĂ©silienne recouvre lâensemble des manifestations culturelles brĂ©siliennes qui Ă quelque degrĂ© dĂ©notent lâinfluence de la culture africaine, depuis lâĂ©poque coloniale jusquâĂ aujourdâhui.
Les Africains au BrĂ©sil nâont su prĂ©server quâune menue portion de leur hĂ©ritage africain. NĂ©anmoins, pour petite quâelle soit, cette portion dâhĂ©ritage africain, ajoutĂ© Ă celui indigĂšne, a donnĂ© au BrĂ©sil une physionomie singuliĂšre. Les noirs amenĂ©s comme esclaves avaient Ă©tĂ© capturĂ©s au hasard, prĂ©levĂ©s dans des centaines de tribus diffĂ©rents, et parlaient des langues et dialectes ne permettant pas lâintercomprĂ©hension. Le fait que tous Ă©taient noirs nâimplique pas quâil y ait eu une unitĂ© linguistico-culturelle au moment de leur mise en esclavage. La religion elle-mĂȘme, qui Ă lâheure actuelle sert de trait-dâunion entre les Afro-BrĂ©siliens, agissait Ă lâĂ©poque de lâesclavage, en raison de la diversitĂ© des croyances, comme un facteur de dĂ©sunion. La diversitĂ© linguistique et culturelle des esclaves, conjuguĂ©e Ă lâhostilitĂ© entre les diffĂ©rentes tribus et Ă la politique dĂ©libĂ©rĂ©e dâĂ©viter que des esclaves de la mĂȘme ethnie pussent se retrouver concentrĂ©s dans une mĂȘme propriĂ©tĂ©, interdisait la formation de noyaux solidaires aptes Ă sauvegarder le patrimoine culturel africain[6].
Le culture brĂ©silienne a Ă©tĂ© influencĂ©e par la culture africaine, surtout dans les zones oĂč il y avait une forte concentration de noirs, Ă savoir dans le Nordeste sucrier et dans les rĂ©gions miniĂšres du centre du pays. Cependant, une fois intĂ©grĂ©s dans leur nouvelle sociĂ©tĂ©, les esclaves ne tarderont pas Ă sâacculturer. En fait, tandis quâaucun idiome africain nâa survĂ©cu sur le territoire brĂ©silien, les noirs, ironiquement, ont jouĂ© un rĂŽle crucial dans la « lusophonisation » (aportuguesamento) du BrĂ©sil et dans la propagation de la langue portugaise. Ils ont figurĂ© comme agents dâeuropĂ©anisation, diffusant la langue du colonisateur, enseignant aux esclaves fraĂźchement arrivĂ©s le nouvel idiome et les acculturant Ă leur nouveau milieu. Ainsi lâesclave basculait du statut de noir « rustre » (negro boçal), rĂ©cemment dĂ©barquĂ© dâAfrique, incapable encore de parler le portugais ou ne le parlant que de façon rudimentaire, sans toutefois que cela lâempĂȘchĂąt dâaccomplir les tĂąches les plus lourdes, vers le statut de noir « dĂ©gourdi » (negro ladino), dĂ©sormais adoptĂ© et mieux intĂ©grĂ© dans la nouvelle culture[6].
Bien que nâayant pas rĂ©ussi Ă prĂ©server une partie importante de leur hĂ©ritage culturel, les Africains exercĂšrent, pourvu quâils y fussent suffisamment concentrĂ©s en nombre, une influence sur tout leur entourage culturel dâadoption, dĂ©teignant en particulier sur le portugais tel que parlĂ© au BrĂ©sil. Ă titre dâexemple, le catholicisme brĂ©silien adopta des caractĂ©ristiques populaires qui sâĂ©cartaient davantage de la norme que nâimporte laquelle des hĂ©rĂ©sies pourtant durement persĂ©cutĂ©es au Portugal. Lâempreinte africaine a persistĂ© plus particuliĂšrement sur le plan des mentalitĂ©s, dans les croyances religieuses et les pratiques de magie, dans les rĂ©miniscences rythmiques et musicales, et dans les goĂ»ts culinaires des BrĂ©siliens[6].
Une des consĂ©quences de la traite a Ă©tĂ© dâĂ©tablir des contacts entre des Ă©lĂ©ments auparavant Ă©loignĂ©s gĂ©ographiquement les uns des autres, et de provoquer la cohabitation de personnes de diffĂ©rentes origines ainsi que leur mĂ©tissage, non seulement biologique, mais aussi culturel. AprĂšs leur arrivĂ©e au BrĂ©sil, les Africains devaient, en principe, faire leur un mode de vie calquĂ© sur celui de leurs maĂźtres. Cependant, si les esclaves sâeuropĂ©anisaient au contact de leur maĂźtre, celui-ci, par un retour de balancier, tendait Ă sâafricaniser au contact de ses esclaves[135].
La province de Bahia en particulier sâafricanisait, le noir Ă©tant en effet partout prĂ©sent, traĂźnant partout avec lui sa culture, ses coutumes, son subconscient. MĂȘme Ă son insu, et sans en avoir lâintention, ce que le noir vĂ©hiculait et exprimait sâinfusait dans la nouvelle sociĂ©tĂ© oĂč il avait Ă©tĂ© placĂ© de force. La sociĂ©tĂ© brĂ©silienne, ordonnĂ©e conformĂ©ment aux normes portugaises, ne sâimaginait pas quâune telle influence fĂ»t seulement possible. Pourtant, elle se fit sentir, lentement et discrĂštement, dâautant plus efficacement quâelle nâavait aucun caractĂšre dĂ©libĂ©rĂ©, ce qui Ă cette Ă©poque eĂ»t provoquĂ© une vive opposition[137].
Ăvolution historique
De façon gĂ©nĂ©rale, aussi bien Ă lâĂ©poque coloniale que durant le XIXe siĂšcle, la matrice culturelle dâorigine europĂ©enne resta la plus valorisĂ©e au BrĂ©sil, Ă telle enseigne que les manifestations culturelles afro-brĂ©siliennes Ă©taient souvent dĂ©prĂ©ciĂ©es, dĂ©couragĂ©es, et jusquâĂ interdites ; ainsi par exemple, les religions afro-brĂ©siliennes et lâart martial de la capoeira ont-ils frĂ©quemment Ă©tĂ© persecutĂ©s par les autoritĂ©s. Inversement, quelques manifestations folkloriques, telles que las congadas et le maracatu, de mĂȘme que des expressions musicales comme le lundu, Ă©taient tolĂ©rĂ©es, voire stimulĂ©es.
Cependant, Ă partir du milieu du XXe siĂšcle, les expressions culturelles afro-brĂ©siliennes commencĂšrent Ă ĂȘtre graduellement mieux acceptĂ©es et apprĂ©ciĂ©es par les Ă©lites brĂ©siliennes comme expressions artistiques authentiquement nationales, et seront bientĂŽt admises chacune dans toutes les manifestations culturelles. La samba fut lâune des premiĂšres expressions de la culture afro-brĂ©silienne Ă ĂȘtre rĂ©habilitĂ©es, au moment oĂč elle occupait dĂ©jĂ une place de premier plan dans la musique populaire, au dĂ©but du XXe siĂšcle.
Par la suite, le gouvernement dictatorial de lâEstado Novo de GetĂșlio Vargas mit en place des politiques de stimulation culturelle nationale, dans le cadre desquelles la culture afro-brĂ©silienne jouissait de lâaval officiel. Par exemple, les dĂ©filĂ©s dâĂ©coles de samba reçurent Ă cette Ă©poque la caution gouvernementale Ă travers lâUnion gĂ©nĂ©rale des Ă©coles de Samba du BrĂ©sil (en port. UniĂŁo Geral das Escolas de Samba do Brasil), fondĂ©e en 1934. Dâautres expression culturelles afro-brĂ©siliennes suivirent la mĂȘme voie : en 1953, la capoeira, considĂ©rĂ©e jusque-lĂ comme propre aux bandits et aux marginaux, fut prĂ©sentĂ©e par Mestre Bimba au prĂ©sident Vargas, qui la qualifia alors de « seul sport vĂ©ritablement national ».
Ă partir des annĂ©es 1950, les persĂ©cutions Ă lâencontre des religions afro-brĂ©siliennes se relĂąchĂšrent et lâumbanda commença mĂȘme Ă ĂȘtre professĂ©e par une partie de la classe moyenne carioca[138]. Dans la dĂ©cennie suivante, des membres de lâĂ©lite intellectuelle blanche se mettaient Ă adhĂ©rer aux religions afro-brĂ©siliennes.
En 2003 fut promulguĂ©e la loi no 10.639 modifiant la loi des Directives et Bases de lâenseignement (lei de Diretrizes e Bases da Educação, en abrĂ©gĂ© LDB) et faisant obligation aux Ă©coles brĂ©siliennes dâinclure dans leurs cursus scolaires primaire et moyen lâenseignement de lâhistoire et de la culture afro-brĂ©siliennes.
Ătudes afro-brĂ©siliennes
LâintĂ©rĂȘt pour la culture afro-brĂ©silienne sâest traduit par une abondance dâĂ©tudes qui lui ont Ă©tĂ© consacrĂ©es, notamment dans le champ de la sociologie, de lâanthropologie, de lâethnologie, de la musicologie et de la linguistique, Ă©tudes axĂ©es sur lâexpression et lâĂ©volution historique de la culture afro-brĂ©silienne[139].
Un grand nombre de chercheurs brĂ©siliens, comme lâavocat Edison Carneiro, le mĂ©decin lĂ©giste Nina Rodrigues, lâĂ©crivain Jorge Amado, le poĂšte et Ă©crivain mineiro AntĂŽnio Olinto, lâĂ©crivain et journaliste JoĂŁo Ubaldo, lâanthropologue et musicologue Raul Lody, entre autres, en plus dâĂ©trangers comme le sociologue français Roger Bastide, le photographe Pierre Verger, la chercheuse amĂ©ricaine en ethnologie Ruth Landes, le peintre argentin CarybĂ©, sâattachĂšrent Ă recueillir des donnĂ©es sur la culture afro-brĂ©silienne, qui jusquâalors nâavait pas encore Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e en dĂ©tail[140]. Quelques-uns sâinfiltrĂšrent dans les religions afro-brĂ©siliennes, comme notamment JoĂŁo do Rio, dans ce dessein ; dâautres furent conviĂ©s Ă faire partie du candomblĂ© Ă titre de membres effectifs, se voyant octroyer des fonctions honorifiques comme ObĂĄ de XangĂŽ dans le IlĂȘ AxĂ© OpĂŽ AfonjĂĄ et dâOgan dans la Casa Branca do Engenho Velho, sur le Terreiro do Gantois Ă Salvador, et contribuĂšrent financiĂšrement Ă prĂ©server ces terreiros.
Beaucoup de religieux entreprirent dâĂ©crire lâhistoire des religions afro-brĂ©siliennes et, souvent peu versĂ©s en littĂ©rature, se laissĂšrent assister dans cette tĂąche par des universitaires sympathisants ou des membres des candomblĂ©s. Dâautres, en possession dâune formation universitaire, se firent auteurs parallĂšlement Ă leurs fonctions de prĂȘtre, comme notamment les anthropologues JĂșlio Santana Braga et Vivaldo da Costa Lima, les iyalorixĂĄs MĂŁe Stella et GisĂšle Cossard, connue Ă©galement sous le nom dâOmindarewa la Française, le professeur Agenor Miranda, lâavocate ClĂ©o Martins, et le professeur de sociologie Reginaldo Prandi, parmi dâautres.
Religion
En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les noirs amenĂ©s dâAfrique comme esclaves Ă©taient immĂ©diatement baptisĂ©s et contraints dâadopter le catholicisme. Cette conversion cependant nâĂ©tait que superficielle et les religions dâorigine africaine parvinrent Ă subsister par la pratique clandestine ou par le biais du syncrĂ©tisme avec la religion catholique.
Quelques religions afro-brĂ©siliennes ont rĂ©ussi Ă maintenir quasi intĂ©gralement leurs racines africaines, comme câest le cas des maisons traditionnelles de candomblĂ© et de xangĂŽ du Nordeste ; dâautres en revanche se sont constituĂ©es par la voie du syncrĂ©tisme religieux, comme le batuque, le tambor de Mina, le xambĂĄ et lâumbanda. Ă divers degrĂ©s, les religions afro-brĂ©siliennes trahissent lâinfluence du catholicisme ainsi que de lâencantaria et de la pajelança amĂ©rindiennes[142]. Le syncrĂ©tisme se manifeste Ă©galement dans la tradition du mariage et du baptĂȘme des enfants dans lâĂ©glise catholique, ces sacrements Ă©tant administrĂ©s y compris Ă des fidĂšles qui suivent ouvertement une religion afro-brĂ©silienne.
DĂšs lâĂ©poque du BrĂ©sil colonial, il arrivait souvent que des noirs et des mulĂątres, esclaves ou affranchis, sâassocient en confrĂ©ries religieuses catholiques. La confrĂ©rie de la Bonne Mort (Irmandade da Boa Morte) et la confrĂ©rie de Notre-Dame-du-Rosaire-des-Hommes-noirs (Irmandade de Nossa Senhora do RosĂĄrio dos Homens Pretos) en Ă©taient les deux plus importantes, et servaient aussi de trait dâunion entre le catholicisme et les religions afro-brĂ©siliennes. La pratique du catholicisme traditionnel subit lâinfluence africaine notamment Ă travers : le culte de saints dâorigine africaine, comme saint BenoĂźt le More, saint Ella Asbeha, sainte IphigĂ©nie et saint Antoine dâĂthiopie ; le culte prĂ©fĂ©rentiel de saints facilement associĂ©s aux orishas africains, comme les saints CĂŽme et Damien (Ibedji), saint Georges (Ogoun dans lâĂtat de Rio de Janeiro) et sainte Barbe (Iansan) ; la crĂ©ation de saints populaires nouveaux, tels quâEscrava AnastĂĄcia ; et Ă travers des litanies, des oraisons (comme le triduum de saint Antoine) et des fĂȘtes religieuses (comme le Lavagem do Bonfim, lors duquel les marches du parvis de lâĂ©glise de Nosso Senhor do Bonfim Ă Salvador sont nettoyĂ©es Ă lâĂĄgua de cheiro, eau parfumĂ©e aux feuilles, par les soins des filles-de-saint, filhas-de-santo, du candomblĂ©).
Si le catholicisme nie lâexistence des orishas et des guias (mĂ©diums), les Ă©glises pentecĂŽtistes en revanche en reconnaissaient lâexistence, mais comme dĂ©mons.
Selon lâIBGE, 0,3 % des BrĂ©siliens dĂ©clarent adhĂ©rer Ă une religion dâorigine africaine, encore quâun nombre de personnes plus Ă©levĂ© suivent ces religions de façon discrĂšte.
MĂ©prisĂ©es initialement, les religions afro-brĂ©siliennes Ă©taient, ou sont encore, ouvertement pratiquĂ©es par plusieurs intellectuels et artistes renommĂ©s, comme Jorge Amado, Dorival Caymmi, VinĂcius de Moraes, Caetano Veloso, Gilberto Gil, Maria BethĂąnia (qui frĂ©quentait le terreiro de MĂŁe Menininha), Gal Costa (qui fut initiĂ© Ă lâorisha Babalu Aye), Mestre Didi (fils de lâiyalorixĂĄ MĂŁe Senhora), Antonio RisĂ©rio, CarybĂ©, Fernando Coelho, Gilberto Freyre et JosĂ© Beniste (que fut initiĂ© dans le candomblĂ© ketu).
Aperçu des religions afro-brĂ©siliennes, avec le lieu oĂč elles sont pratiquĂ©es
- BabaçuĂȘ - ParĂĄ
- Batuque - Rio Grande do Sul
- Cabula - EspĂrito Santo, Minas Gerais, Rio de Janeiro et Santa Catarina.
- CandomblĂ© â Dans tous les Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s du BrĂ©sil
- Culto aos Egungun - Bahia, Rio de Janeiro, SĂŁo Paulo
- Culto de IfĂĄ - Bahia, Rio de Janeiro, SĂŁo Paulo
- Macumba - Rio de Janeiro
- Omoloko - Rio de Janeiro, Minas Gerais, SĂŁo Paulo
- Quimbanda - Rio de Janeiro, SĂŁo Paulo
- Tambor-de-Mina - MaranhĂŁo, ParĂĄ
- TerecĂŽ - MaranhĂŁo
- Umbanda - Dans tous les Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s du BrĂ©sil
- XambĂĄ - Alagoas, Pernambouc
- XangĂŽ do Nordeste - ParaĂba, Pernambuco, Alagoas, Sergipe
- Confréries
- Confrérie de la Bonne Mort (Irmandade da Boa Morte)
- Confrérie des Hommes noirs (Irmandade dos homens pretos)
- Syncrétisme
DĂ©finition
Il apparaĂźt malaisĂ© de dĂ©finir avec prĂ©cision ce quâest la littĂ©rature afro-brĂ©silienne. Parmi les diffĂ©rents critĂšres couramment employĂ©s pour la cerner figurent le critĂšre ethnique (qui rattache lâĆuvre Ă lâorigine noire ou mĂ©tisse de son auteur) et le critĂšre thĂ©matique (qui postule que la provenance afro-brĂ©silienne du contenu est ce qui caractĂ©rise la littĂ©rature afro-brĂ©silienne). Ces critĂšres cependant peuvent tous deux sembler trop rĂ©ducteurs, attendu que, tout au long de lâhistoire de la littĂ©rature brĂ©silienne, on peut observer dâun cĂŽtĂ© des noirs et des mĂ©tis qui ont Ă©crit suivant les normes et formes classiques venues dâEurope, et de lâautre des auteurs non noirs qui ont traitĂ© de sujets intĂ©ressant au premier chef les Afro-BrĂ©siliens, sujets tels que lâesclavage, les rĂ©voltes quilombolas et les prĂ©jugĂ©s raciaux. La mise en avant des critĂšres ethnique et thĂ©matique pour dĂ©finir la littĂ©rature afro-brĂ©silienne implique dâopĂ©rer prĂ©alablement une sĂ©grĂ©gation entre auteurs noirs et non noirs ; cependant, il apparaĂźt pertinent de mettre en jeu ensuite un critĂšre plus pluraliste, en accord avec une orientation dialectique, capable de rendre compte de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne comme lâune des facettes de la littĂ©rature brĂ©silienne. Lâorigine ethnique et le contenu ne suffisent pas Ă Ă©tablir la spĂ©cificitĂ© de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne ; les contradictions que lâon perçoit dans les Ćuvres sont les indices dâune identitĂ© qui a besoin dâĂȘtre cherchĂ©e Ă©galement dans les aspects de forme, de vision du monde, dâinteraction avec une nouvelle sensibilitĂ© esthĂ©tique et sociale[143].
Dâautre part, lâapprĂ©hension thĂ©orique de la littĂ©rature « afro-brĂ©silienne » ou « afro-descendante » nĂ©cessite de bousculer la notion dâune identitĂ© nationale une et soudĂ©e[144]. LâidentitĂ© de la littĂ©rature brĂ©silienne est liĂ©e Ă une tradition fracturĂ©e, caractĂ©ristique des territoires qui ont subi le processis de colonisation. Les premiers auteurs Ă penser et Ă Ă©crire sur le BrĂ©sil possĂ©daient une formation europĂ©enne ; et mĂȘme ceux qui sâefforcĂšrent dâexprimer une vision du monde Ă partir dâexpĂ©riences locales durent le faire dans la langue hĂ©ritĂ©e du colonisateur. Le trait cardinal de lâidentitĂ© littĂ©raire brĂ©silienne pourrait rĂ©sider dans la reconnaissance de cette fracture, qui la place dans un entre-deux entre rapprochement et prise de distance vis-Ă -vis des hĂ©ritages de la colonisation[143].
La littĂ©rature afro-brĂ©silienne sâinscrit dans cette tradition fracturĂ©e de la littĂ©rature brĂ©silienne ; en tant que telle, elle reprĂ©sente un moment dâaffirmation de la spĂ©cificitĂ© afro-brĂ©silienne â sur le plan ethnique, psychologique, historique et social â, tout en cherchant Ă sâinsĂ©rer dans lâensemble de la littĂ©rature brĂ©silienne. La langue utilisĂ©e est un facteur dĂ©cisif dans lâaccomplissement de ce parcours[143].
La littĂ©rature afro-brĂ©silienne produite dans le cadre de ce systĂšme â Ă savoir : le mĂȘme code linguistique, câest-Ă -dire la langue portugaise maintenue en place, mais transformĂ©e en fonction de la dynamique du contexte historico-social du BrĂ©sil et des groupes linguistiques en contact mutuel sur le territoire â reste en mĂȘme temps de la littĂ©rature brĂ©silienne, mais exprimant une vision du monde spĂ©cifique aux Afro-BrĂ©siliens. La dynamique de tensions et de contradictions prĂ©sentes dans ce cadre littĂ©raire nous aide Ă comprendre les attittudes des auteurs qui soit rĂ©cusent soit au contraire valorisent leurs origines ethniques ; elle nous Ă©claire Ă©galement sur la nĂ©cessitĂ© chez eux de dĂ©noncer lâoppression sociale et de promouvoir une nouvelle sensibilitĂ© apte Ă rendre compte esthĂ©tiquement de lâunivers de la culture afro-brĂ©silienne[143].
Il y a lieu, lors de lâexamen de cet ensemble hĂ©tĂ©rogĂšne dâauteurs, dâapprĂ©hender tant lâafrodescendance affirmĂ©e, assumĂ©e ou seulement reconnue (parfois avec honte), que cette autre, rendue subalterne et rĂ©primĂ©e socialement, refoulĂ©e voire explicitement rĂ©pudiĂ©e. La recherche en la matiĂšre ne pourra se borner Ă simplement vĂ©rifier la couleur de peau de lâĂ©crivain concernĂ©, mais devra dĂ©terminer, dans ses textes, les marques discursives qui indiquent (ou non) lâappartenance de ces textes au fonds dâhistoire et de culture afro-brĂ©silien[144].
RĂ©sistances Ă lâidĂ©e dâune littĂ©rature afro-brĂ©silienne spĂ©cifique
DĂšs la pĂ©riode coloniale, lâactivitĂ© des Afro-BrĂ©siliens sâest manifestĂ©e dans quasiment tous les domaines de la crĂ©ativitĂ© artistique, mais sans toujours recueillir la reconnaissance qui lui Ă©tait due. Dans le champ littĂ©raire, la production souffrait incessamment de diverses entraves Ă sa diffusion, Ă commencer par sa matĂ©rialisation mĂȘme, sous la forme du livre. Les Ćuvres dâauteurs afro-brĂ©siliens ne jouissaient souvent que dâune circulation restreinte, dans de petites Ă©ditions ou sur des supports marginaux. Dans dâautres cas, il y avait oblitĂ©ration dĂ©libĂ©rĂ©e des liens de lâauteur, voire du texte, avec son ethnicitĂ© africaine ou avec les modes et conditions dâexistence des Afro-BrĂ©siliens, ceci sous lâeffet du processus de mĂ©tissage blanchissant (branqueamento) auquel cette population Ă©tait soumise[144].
En outre, il Ă©tait solennellement proclamĂ© et argumentĂ© que les attaches ethniques ou identitaires ne devaient pas lâemporter sur le critĂšre dâappartenance nationale : « notre littĂ©rature est une seule » et, en fin de compte, « nous sommes tous BrĂ©siliens » ; ou mieux encore, et plus rĂ©cemment : les BrĂ©siliens sont tous « un peu afro-descendants »... En consĂ©quence, cela nâaurait pas de sens, dans une telle perspective, de dĂ©finir des spĂ©cificitĂ©s de race, dâethnie ou mĂȘme de genre, et de toute façon ne reviendrait presque toujours quâĂ suivre des « modes importĂ©es », avec lâobjectif de fracturer le corps de la tradition littĂ©raire du BrĂ©sil et de lâhĂ©ritage laissĂ© par les maĂźtres du passĂ© et du prĂ©sent. La consĂ©quence en est une absence quasi-totale dâune histoire ou mĂȘme dâun corpus circonscrit et consolidĂ© de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne, tant du passĂ© que du prĂ©sent. Le rideau de silence est maintenu intact sur la plupart des Ă©crivains concernĂ©s, qui souffrent ainsi de la mĂ©connaissance du public. Le processus dâoblitĂ©ration qui tend Ă laisser dans les limbes de lâhistoire littĂ©raire la prose et la poĂ©sie de nombreux auteurs afro-brĂ©siliens du passĂ© continue de suivre son cours[144].
Dans les domaines des arts et de la littĂ©rature en particulier, il Ă©tait dâusage de brandir lâargument selon lequel les productions nâavaient ni sexe, ni couleur de peau. Un certain conservatisme esthĂ©tique proclamait lâexistence dâun art sans adjectifs, porteur dâune essence du beau ayant valeur universelle. Dans cette optique, le prĂ©supposĂ© dâun art pur, Ă©levĂ©, jamais contaminĂ© par les contingences et les pulsions de lâhistoire pouvait sâĂ©panouir. Le risque est que lâidĂ©ologie du purisme esthĂ©tique fasse, au contraire, le jeu du prĂ©jugĂ© racial, dans la mesure oĂč il transforme en tabou les reprĂ©sentations liĂ©es aux spĂ©cificitĂ©s ethniques et les exclut sommairement de lâ« art vĂ©ritable », car entachĂ©es par les contingences historiques[144].
Acceptation progressive
Cependant, dans le courant de la dĂ©cennie 1980, une attitude rĂ©visionniste se fit jour dans les milieux acadĂ©miques, dâabord par le biais du fĂ©minisme, puis bientĂŽt aussi grĂące aux revendications formulĂ©es par le mouvement noir et Ă la fondation au BrĂ©sil de groupes comme le collectif Quilombhoje, qui avaient Ă cĆur notamment de rĂ©habilitĂ©r les Ă©crits dâafrodescendants. Mais la polĂ©mique Ă©clata aussitĂŽt, dĂšs lâinstant oĂč se manifestait la volontĂ© dâadjoindre un adjectif qualificatif supplĂ©mentaire Ă la dĂ©signation lettres brĂ©siliennes â en lâespĂšce, en plus de brĂ©silien, ce sous-groupe de la littĂ©rature commençait Ă ĂȘtre revendiquĂ©, et Ă ĂȘtre dĂ©signĂ©, comme noir ou afro-brĂ©silien. Sur lâautre versant de lâĂ©ventail critique, au contraire, le regard dĂ©central, qui tendait Ă se revigorer, sâappuyait non seulement sur la pluralitĂ© et la relativitĂ© des valeurs esthĂ©tiques (suivant en cela ce quâavaient dĂ©jĂ fait les avant-gardes historiques du dĂ©but du XXe siĂšcle), mais de plus mettaient en avant le culturel et le politique comme Ă©tant pareillement des Ă©lĂ©ments pertinents et des valeurs dans le domaine de lâart. Dans cette perspective, la caractĂ©risation de telle ou telle littĂ©rature comme faisant partie du segment afro-descendant gagnait dĂ©sormais en pertinence, par ceci quâĂ©tait ainsi dĂ©nommĂ© et qualifiĂ© un territoire culturel traditionnellement relĂ©guĂ© en marge de la reconnaissance critique, et quâĂ©tait dĂ©noncĂ© le caractĂšre eurocentrique dâune bonne partie des valeurs adoptĂ©es par lâinstitution universitaire. En postulant lâadjectivation des catĂ©gories issues de la thĂ©orie esthĂ©tique, la critique soucieuse du respect de la diversitĂ© culturelle pointait du doigt explicitement le locus dĂ©limitĂ© et spĂ©cifique sur la base duquel avaient Ă©tĂ© engendrĂ©s, puis imposĂ©s, des concepts prĂ©tendument universels, autrement dit, le lieu de la culture blanche, masculine, occidentale et chrĂ©tienne, dâoĂč proviennent les fondements qui aujourdâhui encore sous-tendent les normes et les conceptions limitatives en matiĂšre de littĂ©rature, dâart et de civilisation[144].
Les barriĂšres dressĂ©es contre la reconnaissance dâune littĂ©rature afro-brĂ©silienne Ă part et de sa spĂ©cificitĂ© vont de la stigmatisation des Ă©lĂ©ments provenant de la mĂ©moire culturelle africaine et de lâoccultation intentionnelle de lâhistoire des esclavagisĂ©s et de leurs descendants, jusquâĂ la façon non essentialiste de prĂ©senter les identitĂ©s culturelles, Ă savoir comme des rĂ©alitĂ©s explicitement construites. Sây ajoute parallĂšlement la composition hybride, mĂ©langĂ©e, du peuple brĂ©silien, oĂč les dĂ©limitations de couleur de peau perdent souvent toute effectivitĂ©. Les rapports interraciaux et interethniques en effet constituent un phĂ©nomĂšne qui intĂ©resse la formation elle-mĂȘme du BrĂ©sil en tant que pays. Si le mĂ©tissage devient une marque dâidentitĂ© nationale, cette construction porte en soi implicitement une accommodation diluante, propre Ă orienter dans une large mesure la lecture des rapports interethniques au BrĂ©sil dans le sens dâune oblitĂ©ration des conflits. Au long de lâhistoire du BrĂ©sil, le phĂ©nomĂšne de mĂ©lange des races et des cultures a Ă©tĂ© perçu et interprĂ©tĂ© de diffĂ©rentes maniĂšres, allant, dâun cĂŽtĂ©, de lâidĂ©alisation romantique dâune terre sans conflits jusquâau mythe de la dĂ©mocratie raciale, et de lâautre, de la condamnation racialiste typique du XIXe siĂšcle jusquâau fondamentalisme de nombreux milieux contemporains (2019), qui rejettent le mĂ©tissage et affirment lâexistence dâune essence raciale noire[144].
Tel autre discours, explicitement de nature politique, entend articuler ethnicitĂ©, culture et condition sociale ; sans occulter la question de la couleur de peau, il appelle Ă une re-construction de la mĂ©moire ancestrale pour que celle-ci alimente la fiertĂ© ethnique et fonde le statut idenditaire afro-brĂ©silien lui-mĂȘme. La posture adoptĂ©e par les adeptes dâune telle construction ne se donne pas de maniĂšre naturelle ou automatique, mais Ă partir dâun processus dâidentification Ă des marquants culturels dĂ©terminĂ©s, dĂ©signĂ©s comme fondant leur origine, dans la sphĂšre dâune ancestralitĂ© choisie comme option[145]. Une position semblable peut se dĂ©duire des thĂšses de ZilĂĄ Bernd[146]. qui dĂ©finit la littĂ©rature noire comme celle produite par un sujet dâĂ©nonciation sâaffirmant ou se voulant noir. Dans cette optique, lâaffirmation dâune afrodescendance ferait office dâantidote au processus dâaliĂ©nation affectant les individus « de peau noire et de masques blancs », selon le mot de Frantz Fanon. La mise en valeur de liens, y compris affectifs, avec une africanitĂ© en partie rĂ©cupĂ©rĂ©e et en partie construite a posteriori, dans le contexte de la diaspora noire au BrĂ©sil, confĂšre Ă la production culturelle insĂ©rĂ©e dans ce processus un caractĂšre de rĂ©sistance politique au rabaissement social dont est victime cette population. En mettant en question le mythe de la conciliation des contraires telle que promue par lâidĂ©ologie de la dĂ©nommĂ©e dĂ©mocratie raciale, une telle production se place Ă lâextrĂȘme opposĂ© du mouvement historique de dilution mĂ©tissante[144].
Le collectif Quilombhoje et les Cadernos Negros
En 1978 fut constituĂ© le Movimento Negro Unificado contra a Discriminação Racial (littĂ©r. Mouvement noir unifiĂ© contre la discrimination raciale, sigle MNUCDR). Cette association regroupait des Ă©crivains quâunissait le mĂȘme dessein de mener une rĂ©flexion sur la figure du noir au BrĂ©sil et de faire aboutir un certain nombre de revendications (car se sentant en effet eux-mĂȘmes victimes des stĂ©rĂ©otypes sĂ©vissant dans les milieux littĂ©raires et intellectuels). Lors de la premiĂšre Ă©dition du festival communautaire noir Zumbi organisĂ© par le MNUCDR, un groupe dâĂ©crivains de SĂŁo Paulo lança le premier numĂ©ro de la sĂ©rie des Cadernos Negros (littĂ©r. Cahiers noirs), recueils paraissant une fois lâan et consacrĂ©s Ă la littĂ©rature produite par des auteurs afro-brĂ©siliens. Le deuxiĂšme volume, paru lâannĂ©e suivante, rĂ©unissait des rĂ©cits et nouvelles[147]. Le premier numĂ©ro contenait des textes de seulement huit participants, mais le deuxiĂšme numĂ©ro comptait dĂ©jĂ douze participants, neuf hommes et trois femmes, soit un accroissement de 50 %. En 1980, Cadernos Negros 3, dont le nombre de participants avait augmentĂ© Ă 21, coĂŻncida avec la crĂ©ation du collectif Quilombhoje Literatura, qui sâĂ©tait donnĂ© pour objectif de stimuler la lecture et la production littĂ©raire chez la population noire brĂ©silienne, sera ensuite responsable de lâĂ©dition et de la distribution des Cadernos, et saura attirer sans cesse de nouveaux membres attachĂ©s à « dire le noir Ă partir de son propre lieu de parole ». Cadernos Negros 40, paru fin 2017, comptait 375 pages et comportait une sĂ©lection de 42 auteurs, pour moitiĂ© composĂ©e de femmes[148] - [149].
Chacun des ouvrages publiĂ©s dans la sĂ©rie des Cadernos Negros, ouvrages qui recueillaient alternativement des poĂšmes et lâannĂ©e suivante des rĂ©cits et nouvelles, avait pour fil conducteur la revalorisation de lâimage des noirs au travers dâune littĂ©rature Ă©laborĂ©e par eux-mĂȘmes ; il ne sâagissait plus dĂ©sormais du noir esclave, aliĂ©nĂ© ou propriĂ©tĂ© dâun maĂźtre, tel quâil avait Ă©tĂ© mis en scĂšne jusque-lĂ , mais dâun membre participant de la sociĂ©tĂ©, douĂ© de sentiments, capable de plaisirs et de sensations[150]. Le texte de prĂ©sentation du premier numĂ©ro fait figure de manifeste et reflĂšte bien les aspirations de ces Ă©crivains :
« Nous nous trouvons au seuil dâun temps nouveau â temps dâAfrique, vie nouvelle, plus juste et plus libre, et, inspirĂ©s par elle, nous renaissons en arrachant nos masques blancs, en mettant fin Ă lâimitation. Nous nous sommes avisĂ©s du lavage de cerveau qui nous polluait, et nous assumons Ă prĂ©sent notre nĂ©gritude belle et forte. Nous sommes en train de nettoyer notre esprit des idĂ©es qui nous affaiblissent et qui ne servent que ceux qui veulent nous dominer et nous exploiter[151]. »
La volontĂ© de « renaĂźtre » Ă©noncĂ©e dans cette prĂ©sentation renvoie les lecteurs Ă la Renaissance de Harlem et au New Negro Movement de la dĂ©cennie 1920 aux Ătats-Unis, et lâidĂ©e de « lĂ©gitime dĂ©fense des valeurs du peuple noir », exprimĂ©e ailleurs dans le mĂȘme texte, est une allusion sans doute au titre de la revue LĂ©gitime DefĂ©nse, fondĂ©e Ă Paris par des poĂštes noirs francophones dans les annĂ©es 1930 et devenue lâun des berceaux du mouvement de la NĂ©gritude[148]. Le numĂ©ro 1 renfermait en lui les voies, les thĂšmes et les procĂ©dĂ©s qui, ensemble, composent toute une poĂ©tique qui sâaffirmait comme le carrefour et le point de rencontre entre passĂ©, prĂ©sent et futur. Tout en reprenant la tradition de la littĂ©rature noire occidentale et les contributions de prĂ©curseurs tels que Machado de Assis, Maria Firmina dos Reis, Cruz e Sousa, Lima Barreto et Lino Guedes, et tout en mettant en lumiĂšre les Ă©crivains de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, comme Solano Trindade et Carlos de Assumpção, la revue anuelle sâorientera aussi, au long de ses dĂ©cennies dâexistence, vers de nouveaux caps et adoptera de nouvelles façons de faire. Si, sans sâaveugler sur les impĂ©ratifs dâinnovation et de rupture quâimplique une experimentation continuelle, les Cadernos font montre dâune grande diversitĂ© de postures incitant Ă voir cette revue comme espace de crĂ©ation en perpĂ©tuel chantier, ouvert Ă la nouveautĂ©, la revue reprĂ©sente nĂ©anmoins un pĂ©rimĂštre cohĂ©rent axĂ© autour dâun projet central, Ă savoir : universaliser les problĂ©matiques, mais sans cesser de se plonger dans son Ă©poque et dans son pays, afin dâexprimer la « conscience noire du noir »[148].
Selon ces auteurs des Cadernos Negros, la thĂ©matique est lâun des principaux facteurs qui diffĂ©rencient la littĂ©rature afro-brĂ©silienne des autres littĂ©ratures du BrĂ©sil ; en effet, en accord avec les principes postulĂ©s dans la premiĂšre Ă©dition des Cadernos, lesquels en particulier se proclamaient « libres de toute domination », cette nouvelle littĂ©rature se doit de rĂ©cupĂ©rer lâhistoire du peuple noir telle que vĂ©cue dans la diaspora brĂ©silienne, en passant notamment par la dĂ©nonciation de lâesclavage et de ses consĂ©quences, jusquâĂ glorifier des hĂ©ros tels que Zumbi dos Palmares et Ganga Zumba. Les Ă©crivains impliquĂ©s dans ce projet ont donc Ă cĆur de relater, derriĂšre lâexposĂ© de leurs sujets littĂ©raires, les drames vĂ©cus par les afro-descendants, lâexclusion et la misĂšre, comme autant de vestiges dâune fausse abolition, de mĂȘme quâils sâengagent Ă exalter la culture noire, plus particuliĂšrement ses aspects religieux, souvent caricaturĂ©s comme dĂ©moniaques ou diluĂ©s au moyen du syncrĂ©tisme dans une tentative de christianiser la religion afro-brĂ©silienne[150].
Les Cadernos Negros font partie intĂ©grante non seulement de lâhistoire culturelle des noirs au BrĂ©sil, mais aussi de lâhistoire littĂ©raire brĂ©silienne en gĂ©nĂ©ral ; en effet, la littĂ©rature noire â Ă la diffĂ©rence du Romantisme, du RĂ©alisme, du Modernisme etc., tous venus dâEurope â prend place dans la littĂ©rature brĂ©silienne comme le premier mouvement littĂ©raire international ayant ses origines dans les AmĂ©riques[148].
Ăvolution du concept Ă la lumiĂšre de la critique moderne
Il semble y avoir, chez les critiques littĂ©raires que nous parcourrons ci-aprĂšs, un consensus quant aux moments fondateurs de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne. Le tableau respectif dressĂ© par chacun de ces critiques dĂ©bute chez les poĂštes du XVIIIe siĂšcle, survole les premiers romantiques et dĂ©bouche sur la poĂ©sie de LuĂs Gama (1830-1882), dans lequel tous conviennent de voir le pĂšre fondateur de cette tradition. En plus dâavoir souffert la condition dâesclave, Gama ne cessa jamais dâassumer pleinement ses racines ethniques et culturelles, et manifesta toujours dans sa production littĂ©raire une dimension politique tendant Ă mettre en cause le statu quo social[144].
Dans son ouvrage A poesia afro-brasileira, de 1943, Roger Bastide reconnaĂźt (quand mĂȘme ce fut enveloppĂ© dâun prĂ©cautionneux « peut-ĂȘtre ») dans la mĂ©moire culturelle africaine, ainsi que dans la mĂ©moire du traumatisme quâavaient Ă©tĂ© la capture et la mise en esclavage, les facteurs structurants dâune expression qui seulement « en apparence » ne se diffĂ©rencie pas de celle produite par les blancs. Entre sang/race et mĂ©moire/culture des soumis, lâauteur dĂ©signe la mĂ©moire du sang et de la soumission comme ce qui alimente leur diffĂ©rence. Dans sa perception, quelque chose dans les afrodescendants rĂ©siste et survit Ă lâassimilation, et fait quâils Ă©chappent Ă lâethnocide. Ce processus de dĂ©passement historique les porta certes Ă sâapproprier la langue des seigneurs, mais sans pour autant oublier les formes, rĂ©cits et croyances de leur passĂ© libre ; lâauteur ajoute : « il devait rester dans leur Ăąme secrĂšte un halo de cette Afrique »[152]. Bastide sâappuie sur SĂlvio Romero pour introniser le mulĂątre Domingos Caldas Barbosa comme le « premier poĂšte afro-brĂ©silien »[153]. Il passe ensuite au poĂšte nĂ©o-classique (arcadien) Silva Alvarenga (1730-1814), dont il signale le blanchissement (branqueamento), consĂ©quence de sa formation suivie Ă CoĂŻmbra. Si Bastide concĂšde que chez lui le mimĂ©tisme des formes europĂ©ennes prĂ©dominait, il affirme en mĂȘme temps dĂ©celer « sous la mĂ©lodie des flĂ»tes ce qui subsiste du rythme africain Ă©touffĂ© »[154]. Examinant ensuite la pĂ©riode romantique, il dĂ©signe Teixeira e Souza (1812-1861), Silva Rabelo (1826-1864), Tobias Barreto (1839-1889) et Gonçalves Dias (1823-1864) comme auteurs mĂ©tis, quoique marquĂ©s, Ă des niveaux diffĂ©rents, par lâimitation des schĂ©mas europĂ©ens. Bastide dĂ©nonce le branqueamento qui, chez Teixeira e Souza, conduisit Ă lâexclusion de la figure de lâesclave et Ă lâimpossibilitĂ© dâ« un lyrisme purement africain »[155]; chez Silva Rabelo, malgrĂ© sa protestation contre lâesclavage, il dĂ©cĂšle lâ« embranquecimento de sa disgrĂące afro-brĂ©silienne »[156] ; chez Tobias Barreto, il note une volontĂ© dâunion des races en faveur de la patrie ; chez Gonçalves Dias, il dĂ©couvre une thĂ©matique africaine, mais sur laquelle pĂšse le poids dâune « sensibilitĂ© aryenne »[157] ; et, plus loin, constate Ă©galement chez Gonçalves Crespo, BrĂ©silien rĂ©sidant au Portugal, que lâadoption des valeurs europĂ©ennes conduit Ă la construction dâune ascendance idĂ©alisĂ©e et jusquâĂ la « nostalgie de la couleur blanche »[158]. Lâessayiste conclut le chapitre en dĂ©clarant que le romantisme « retarda lâĂ©closion de la poĂ©sie afro-brĂ©silienne »[159]. Lâexception demeure LuĂs Gama, fils de la cĂ©lĂšbre LuĂsa Mahin et dâun noble bahiannais dâorigine portugaise, et vendu comme esclave par son propre pĂšre. Bastide dĂ©prĂ©cie le lyrisme de son Orfeu de Carapinha pour avoir selon lui « Ă©chouĂ© dans la recherche dâune spĂ©cificitĂ© poĂ©tique africaine ». En revanche, il prise la satire de lâauteur, dirigĂ©e contre lâimitation des blancs et tendant Ă valoriser les vestiges culturels et phĂ©notypiques originaires du continent noir[144].
Lâessayiste britannique David Brookshaw se penche autant sur la reprĂ©sentation que sur le statut dâauteur. Dans son Ă©tude de 1995, il distingue trois catĂ©gories dâĂ©crivains : ceux de la tradition Ă©rudite, marquĂ©e essentiellement par le refoulement de leur condition afro-brĂ©silienne ; ceux de la tradition populaire, fondĂ©e sur lâhumour et sur leur volontĂ© dâassumer leur africanitĂ© ; et ceux se rattachant Ă la tradition de protestation et de satire. Dans la premiĂšre catĂ©gorie se rangent des auteurs tels que Machado de Assis (1839-1908), Tobias Barreto (1839-1889) et Cruz e Souza (1861-1898). Quant au deuxiĂšme groupe, Brookshaw, rejoignant en cela Bastide et Romero, y classe Domingos Caldas Barbosa comme lâinitiateur dâune tradition qui mĂȘle poĂ©sie et musique populaire. Dans le troisiĂšme, il place bien en Ă©vidence LuĂs Gama comme le fondateur de la vĂ©ritable poĂ©sie afro-brĂ©silienne, vouĂ©e non seulement Ă la mise en valeur de la couleur de peau et des Ă©lĂ©ments culturels dâorigine africaine, mais aussi et surtout Ă une critique fĂ©roce du branqueamento et des valeurs sociales imposĂ©es aux descendants dâesclaves[160].
ZilĂĄ Bernd tout comme DomĂcio Proença Filho mettent tous deux en Ă©vidence LuĂs Gama comme « le pionnier dâune attitude dâengagement » en faveur des valeurs de la nĂ©gritude, et son Ćuvre comme « discours fondateur ». Selon Proença Filho, Luiz Gama fut le premier poĂšte « Ă parler en vers de son amour pour une noire »[161]. ZilĂĄ Bernd, caractĂ©risant cette littĂ©rature de « façon noire de voir et de sentir le monde, transmis par un discours caractĂ©risĂ© â que ce soit au niveau du choix lexical, ou au niveau des symboles utilisĂ©s â par le dĂ©sir de recouvrer une mĂ©moire noire oubliĂ©e »[162], relĂšve en particulier le recueil Primeiras trovas burlescas de Luiz Gama, publiĂ© en 1859, comme Ă©tant « une vĂ©ritable ligne de sĂ©paration des eaux dans la littĂ©rature brĂ©silienne, dans la mesure oĂč il fonde une ligne de recherche sur lâidentitĂ©, ligne poursuivie jusquâĂ aujourdâhui par la poĂ©sie noire du BrĂ©sil »[163].
Dans son ouvrage O negro escrito, de 1987, Oswaldo de Camargo[164] indique, outre les noms dĂ©jĂ citĂ©s, dâautre prĂ©curseurs encore. AprĂšs avoir Ă©voquĂ© Domingos Caldas Barbosa comme « le premier poĂšte mulĂątre du BrĂ©sil », il fait mention dâEvaristo da Veiga (1799- 1837) et de JosĂ© da Natividade Saldanha (1795-1830) comme exemples de mĂ©tis nâassumant pas littĂ©rairement leur afrodescendance. Plus loin, il met en exergue Francisco de Paula Brito (1809-1861) comme « lâun des prĂ©curseurs de la nouvelle au BrĂ©sil », en plus dâĂȘtre lâ« initiateur du mouvement Ă©ditorial » et le « prĂ©curseur, Ă©galement, de la presse noire »[165]. Cependant, pour voir se dĂ©ployer la « haute conscience de la race », il faudra selon lui attendre Luiz Gama[144].
Ăpoque coloniale et Empire
On sâaccorde gĂ©nĂ©ralement Ă considĂ©rer le poĂšte et musicien mĂ©tis Domingos Caldas Barbosa (1738-1800) comme le premier jalon de lâhistoire de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne. Si Caldas Barbosa adhĂ©rait Ă lâarcadisme â mouvement littĂ©raire qui cherchait ses modĂšles dans lâantiquitĂ© classique et qui Ă©tait lâĂ©quivalent, dans les pays lusophones, du nĂ©o-classicisme â, il intĂ©gra dans la poĂ©sie arcadienne des Ă©lĂ©ments du « parler brĂ©silien », y compris des ingrĂ©dients du vocabulaire mĂ©tis de la colonie. Il est lâauteur de modinhas et de lundus, et ses poĂšmes Ă©taient destinĂ©s Ă ĂȘtre chantĂ©s. Il sâĂ©tablit Ă Lisbonne, oĂč il se fit membre de la sociĂ©tĂ© littĂ©raire ArcĂĄdia Lusitana[143].
Manuel InĂĄcio da Silva Alvarenga (1749-1814), poĂšte mulĂątre, est Ă rattacher Ă©galement Ă lâarcadisme. Son Ćuvre, semblable Ă celle dâautres ĂĄrcades, comme AntĂŽnio Gonzaga et ClĂĄudio Manuel da Costa, met en scĂšne une nature faite de paysages plaisants et bucoliques, et chante bergers et nymphes, dans un Ă©quilibre des Ă©motions. Lâauteur exprima une vision nĂ©gative de lâhomme noir, les rares fois quâil aborda ce thĂšme[143].
AntĂŽnio Gonçalves Dias (1823-1864) Ă©tait le fils dâune esclave cafuza (mĂ©tisse dâAmĂ©rindien et de noir). La partie de son Ćuvre considĂ©rĂ©e comme ayant le plus dâintĂ©rĂȘt appartient au genre de lâindianisme, avec des poĂšmes dâune notable puissance lyrique et Ă©pique. Son traitement du thĂšme du noir tend Ă se diluer dans sa poĂ©sie, en particulier quand lâimage hĂ©roĂŻsĂ©e de lâIndien est Ă©rigĂ©e en symbole du nationalisme brĂ©silien[143].
Laurindo JosĂ© da Silva Rabelo (1826-1864), poĂšte mĂ©tis, dâorigine sociale modeste, accomplit des Ă©tudes de mĂ©decine, mais penchait vers la vie de bohĂšme. Rabelo, qui avait aussi des talents dâimprovisateur et de violoniste, laissa une Ćuvre qui englobe toute la diversitĂ© dâexpression de la culture populaire brĂ©silienne et portugaise, mĂȘlĂ©e aux Ă©vocations sentimentales des romantiques[143].
LuĂs Gonzaga Pinto da Gama (1830-1882), fils dâune noire africaine et dâun Portugais, fut vendu par son propre pĂšre Ă lâĂąge de dix ans. Il rĂ©ussit Ă sâaffranchir, fit des Ă©tudes de droit et devint avocat, orateur et journaliste. Il embrassa la cause abolitionniste et son engagement Ă dĂ©fendre son ethnie dâorigine se reflĂ©tera dans son Ćuvre poĂ©tique. Il usa de la satire pour critiquer la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne mĂ©tisse qui prĂ©tendait se faire europĂ©enne. En poĂ©sie, LuĂs Gama rompit avec les canons esthĂ©tiques de la femme blanche et avec les impĂ©ratifs dâattĂ©nuation de la couleur de peau sous les espĂšces de la femme Ă peau brune. Lâauteur chanta avec lyrisme lâamour pour la femme noire, en faisant ressortir la sensibilitĂ© particuliĂšre de celle-ci[143].
Tobias Barreto de Meneses (1839-1889) Ă©tait un poĂšte, sociologue, juriste et philosophe mulĂątre, dont la production littĂ©raire nâabordait pas directement la thĂ©matique de lâesclavage. Il agita la question de lâidentitĂ© raciale du mĂ©tis, thĂšme dont le rĂŽle ira croissant dans la littĂ©rature et la sociologie brĂ©siliennes. Pour Tobias Barreto, le mĂ©tis appartenait Ă une race en formation, puisquâil ne sâidentifie ni comme aryen pur, ni comme Africain pur, ni comme AmĂ©ricain pur[143].
Le poĂšte AntĂłnio CĂąndido Gonçalves Crespo (1846-1883) Ă©tait le fils dâune mulĂątre brĂ©silienne et dâun Portugais. Il fit plusieurs voyages au Portugal ; lâĂ©loignement de la terre natale lui inspira des poĂšmes nostalgiques, Ă©maillĂ©es de rĂ©miniscences de la vie familiale. Dans son Ćuvre sâexprime une vision ambiguĂ« de son ethnie : tantĂŽt Gonçalves Crespo prĂ©sentait le noir douĂ© de qualitĂ©s, tantĂŽt il rĂ©cusait son image, sans doute conditionnĂ© par lâidĂ©ologie Ă©tablissant un lien entre noir et vice[143].
JosĂ© do PatrocĂnio (1853-1905), fils dâun vicaire de paroisse et dâune jeune esclave, acquit un renom comme journaliste et orateur engagĂ© dans la cause abolitionniste. Il est lâauteur dâĆuvres en prose se rattachant au rĂ©alisme et reflĂ©tant son analyse des questions sociales. Dans Motta Coqueiro ou a pena de morte (1877), il procĂšde Ă une critique de la peine de mort alors encore en vigueur au BrĂ©sil. Dans le roman Os retirantes (1877), il Ă©voque la sĂ©cheresse dans le CearĂĄ, et dans Pedro Espanhol (1884), il examine la structure des rapports interraciaux au BrĂ©sil. La production littĂ©raire de PatrocĂnio met au jour chez lâauteur une contradiction entre dĂ©sir de valoriser lâhomme noir et adoption concomitante des canons de beautĂ© et dâharmonie issus de la culture europĂ©enne[143].
JoĂŁo da Cruz e Sousa (1861-1898), fils de parents esclaves, fut jusquâĂ son adolescence sous la tutelle du marĂ©chal Guilherme Xavier de Souza. Il travailla dans la presse de Santa Catarina, son Ătat natal, Ă©crivit des chroniques abolitionnistes et parcourut le pays dans une troupe de thĂ©Ăątre. Les prĂ©jugĂ©s raciaux lui interdirent dâoccuper le poste de procureur au tribunal de la ville de Laguna. Il Ă©pousa une jeune noire, Gavita, de prĂ©caire santĂ© mentale. Le couple eut quatre enfants, dont deux dĂ©cĂ©dĂšrent avant le poĂšte, des suites de la tuberculose ; Cruz e Souza lui-mĂȘme succombera Ă©galement Ă la tuberculose, dans la municipalitĂ© de SĂtio, dans lâĂtat de Minas Gerais. LâĆuvre poĂ©tique de Cruz e Souza reprĂ©sente un des points culminants du symbolisme brĂ©silien. Certaines interprĂ©tations critiques dĂ©crivent lâhermĂ©tisme du poĂšte et ses rĂ©fĂ©rences aux « formes albes, blanches et claires » comme des mĂ©canismes de rejet de sa couleur de peau et de son origine sociale modeste ; dâautres au contraire signalent son traitement ambigu de la couleur de peau dans son Ćuvre et soulignent la valorisation faite par lui de lâhomme noir. La tension dans lâĆuvre de Cruz e Souza provient de lâantinomie entre lâadhĂ©sion de lâauteur aux directives esthĂ©tiques du symbolisme et son expĂ©rience personnelle dâhomme noir dans une sociĂ©tĂ© de tradition esclavocrate. La perception de cette tension a contribuĂ© Ă former la conscience noire au BrĂ©sil[143].
Aucune femme ne figure dans cette Ă©numĂ©ration, ni nâa Ă©tĂ© mentionnĂ©e dans les essais sur la littĂ©rature afro-brĂ©silienne Ă©voquĂ©s ci-haut ; pourtant deux femmes au moins ont jouĂ© un rĂŽle de premier plan dans lâhistoire de la littĂ©rature afro-brĂ©silienne : Rosa EgipcĂaca et Maria Firmina dos Reis.
Rosa EgipcĂaca, nĂ©e sur la CĂŽte de l'Or en Afrique, fut dĂ©barquĂ©e Ă Rio de Janeiro en 1725, Ă lâĂąge de 6 ans. Selon son biographe Luiz Mott, elle fut exploitĂ©e comme prostituĂ©e dans la rĂ©gion du Minas Gerais, et vint mĂȘme Ă ĂȘtre fouettĂ©e au pilori du bourg de Mariana. Plus tard, considĂ©rĂ©e comme dotĂ©e de pouvoirs paranormaux, ayant changĂ© de vie, elle retourna Ă Rio de Janeiro et y fonda la maison dâaccueil Recolhimento de Nossa Senhora do Parto, oĂč elle se mit Ă hĂ©berger dâanciennes prostituĂ©es. Elle Ă©tait non seulement la premiĂšre Africaine au BrĂ©sil Ă savoir lire dont on ait connaissance, mais probablement aussi la premiĂšre Ă©crivaine noire de lâhistoire ; elle rĂ©ussit en effet Ă composer un ouvrage Ă©dificant, consistant en plusieurs centaines de pages manuscrites et intitulĂ© Sagrada Teologia do Amor de Deus, Luz Brilhante das Almas Peregrinas (littĂ©r. ThĂ©ologie sacrĂ©e de lâAmour de Dieu, lumiĂšre brillante des Ăąmes pĂ©rĂ©grines), ouvrage dont Mott assure quâil fut achevĂ© en 1752, mais qui fut malheureusement brĂ»lĂ© la veille de sa dĂ©tention [par lâInquisition], et duquel subsistent cependant quelques feuillets originels[166]. Dans sa longue biographie, Luiz Mott Ă©voque lâexistence dâautres Ă©crits et dâune quarantaine de lettres, pleines de poĂ©sie baroque, retrouvĂ©es dans la Torre do Tombo de Lisbonne, dans les deux volumes du procĂšs ouvert contre elle par le Saint Office. Son cas reste polĂ©mique en ceci quâelle nâest pas brĂ©silienne, et que ses Ćuvres nâont pas Ă©tĂ© Ă ce jour (2019) publiĂ©es et diffusĂ©es[144].
La faible diffusion est aussi ce qui empĂȘcha Maria Firmina dos Reis (1825-1917), originaire de lâĂtat du MaranhĂŁo, de trouver place dans les manuels classiques de lâhistoriographie littĂ©raire brĂ©silienne. LâĂ©crivaine, par un fait inĂ©dit Ă cette Ă©poque pour une femme humble, mĂ©tisse et illĂ©gitime, obtint en 1847 dâĂȘtre reçue au concours public pour un poste dans lâenseignement primaire, puis exerça son magistĂšre au long dâune bonne partie de ses 92 annĂ©es de vie. Elle fit paraĂźtre en 1859 Ărsula, qui passe pour ĂȘtre le premier roman abolitionniste au BrĂ©sil et lâun des premiers romans Ă©crits par une femme brĂ©silienne, et collabora Ă plusieurs journaux, notamment sous la forme dâun rĂ©cit paru en feuilleton, Gupeva, de 1861, et dâun autre rĂ©cit A escrava (littĂ©r. lâEsclave), en 1887[167]. Sa biographe, ZahidĂ© Lupinacci Muzart, note que « pour la premiĂšre fois, lâesclave noir a une voix et porte avec lui, pour la mĂ©moire, Ă lâintention du lecteur, une Afrique autre, un pays de libertĂ© ». Dans Ărsula, on remarque en particulier la figure de MĂŁe Suzana, dont lâintervention dans le roman donne Ă celui-ci, en comparaison des autres narrations abolitionnistes, une qualitĂ© dâinnovation et dâaudace. MĂŁe Suzana relate comment Ă©tait sa vie en Afrique, parmi ses gens, comment elle fut faite captive par les chasseurs dâesclaves et comment elle survĂ©cut au voyage dans les cales du navire. Elle explique au personnage de TĂșlio, esclave affranchi, le sens de la libertĂ© vĂ©ritable, que ne sera jamais la libertĂ© dâun affranchi dans un pays raciste[168].
RĂ©alisme et modernisme
Un autre cas controversĂ© est celui de Machado de Assis (1839-1908), accusĂ© par beaucoup dâavoir Ă©cartĂ© de ses Ćuvres narratives le monde du travail, plus particuliĂšrement du travail esclave, ainsi que de sâĂȘtre dĂ©robĂ© Ă la lutte pour lâĂ©mancipation des noirs. Dâorigine modeste, mĂ©tis, fils dâun peintre en bĂątiment mulĂątre et dâune blanchisseuse des Açores, dont les grands-parents paternels avaient connu la rue case-nĂšgre, il se hissa au rang des Ă©crivains brĂ©siliens les plus consacrĂ©s et apparaĂźt comme lâune des figures les plus complexes de la littĂ©rature brĂ©silienne. De formation autodidacte, il lut des auteurs qui nâavaient en son temps quâune diffusion restreinte parmi les lettrĂ©s du pays[143]. Selon ses dĂ©tracteurs, lâĂ©crivain serait montĂ© au panthĂ©on de la gloire acadĂ©mique au mĂȘme rythme quâil se serait Ă©loignĂ© de son ethnie dâorigine. La question est polĂ©mique et comporte plusieurs facettes. Dâabord, le prosĂ©lytisme explicite abolitionniste (ou de toute autre nature) eĂ»t Ă©tĂ© en contradiction directe avec le projet littĂ©raire machadien, caractĂ©risĂ© par lâironie et par de subtils glissements de sens. Ensuite, il est inexact que sa condition dâafrodescendant soit absente de ses Ă©crits. Certes, dans sa fiction, Machado met en scĂšne presque exclusivement les Ă©lites, milieu oĂč il recrutait son public[144], et se focalisait sur la psychologie de la haute sociĂ©tĂ© bourgeoise dans le BrĂ©sil du XIXe siĂšcle ; au demeurant, selon les normes esthĂ©tiques de ce temps-lĂ , le noir nâentrait pas en considĂ©ration comme possible sujet littĂ©raire, et Machado de Assis sâĂ©tait glissĂ© dans ce moule[143]. Toutefois, en plus de ne jamais user de stĂ©rĂ©otypes racistes dans ses reprĂ©sentations des Afro-BrĂ©siliens â pourtant pratique courante chez nombre dâĂ©crivains de son temps, y compris chez les abolitionnistes comme AluĂsio Azevedo â, Ă aucun moment il ne fait lâĂ©loge des propriĂ©taires dâesclaves, au contraire. Dans le roman MĂ©moires posthumes de BrĂĄs Cubas p. ex., la critique et le dĂ©nigrement de la classe dominante fait surface sans cesse ; aucun des personnages de lâĂ©lite brĂ©silienne, que ce soit Bento (narrateur et personnage central de Dom Casmurro), Palha, les frĂšres Pedro et Paulo (dans ĂsaĂŒ et Jacob), ou le Conselheiro Ayres (dans le roman de mĂȘme nom), nâĂ©chappe aux piques acĂ©rĂ©es de lâĂ©crivain. En outre, il y avait aussi le Machado de Assis journaliste, Ă©crivant, Ă lâintention dâun public plus large et sous le couvert dâun pseudonyme, une sĂ©rie de chroniques, dont lâexamen rĂ©vĂšle un citoyen engagĂ© Ă dĂ©noncer la cruautĂ© du systĂšme esclavagiste et lâhypocrisie des esclavocrates frais convertis Ă lâabolitionnisme. Ă dâautres moments, il en appelait Ă la philanthropie des blancs pour les entraĂźner Ă appuyer lâĂ©mancipation des esclaves, dĂ©montrant ainsi de façon univoque quâil prĂ©conisait un affranchissement pacifique et sans traumatisme majeur pour le pays[144].
Sous lâeffet du branqueamento (« blanchissement », stigmate de lâesclavage consistant, pour un mĂ©tis, Ă nier son afrodescendance), des Ă©crivains ont Ă©mergĂ© qui produisaient une littĂ©rature oublieuse de la question raciale et des inĂ©galitĂ©s qui lui sont liĂ©es. Un exemple prĂ©gnant de cette attitude est le poĂšte moderniste MĂĄrio de Andrade (1893-1945), mulĂątre qui, comme tant dâautres, sâefforça dâocculter ses origines, aussi bien socialemente que littĂ©rairement, dans plusieurs de ses Ă©crits. Il existe des passages dans le roman MacunaĂma oĂč le discours de rabaissement du noir rĂ©sonne Ă travers la voix du narrateur, comme dans la fameuse scĂšne du blanchissement du hĂ©ros, lors de laquelle lâeau magique « lave » la peau en en Ă©liminant sa « noirceur ». Dans ce mĂȘme passage, le frĂšre sâĂ©bat fĂ©brilement dans la mĂȘme eau, mais celle-ci est dĂ©jà « trĂšs souillĂ©e de la nĂ©grure du hĂ©ros », et le personnage « nâarrive Ă rien de mieux que de se retrouver avec la couleur du bronze neuf ». Le narrateur dĂ©clare que MacunaĂma « avait pitiĂ© » et donc « consola » son frĂšre. Pourtant, nonobstant ses concessions au discours racial dominant, MĂĄrio de Andrade laissa un fonds considĂ©rable dâĂ©tudes et de recherches sur lâoralitĂ© dâorigine africaine prĂ©sente dans la culture populaire brĂ©silienne, Ă cĂŽtĂ© de belles pages sur lâart de la « mulĂątrerie » au XVIIIe siĂšcle, en particulier, sur le sculpteur et architecte Aleijadinho â moments oĂč lâafrodescendance sâaffirme par un retour du refoulĂ© et vient Ă gouverner la sensibilitĂ© et le regard du sujet mĂ©tis[144].
Lima Barreto (1881-1922) Ă©tait dâorigine sociale modeste, petit-fils dâesclave, fils dâun typographe et dâune institutrice. Sa couleur de peau et sa qualitĂ© de journaliste pauvre le portĂšrent Ă dĂ©velopper une perception critique de la sociĂ©tĂ© de son temps alors sous-tendue par le paternalisme, le clientĂ©lisme et le prĂ©jugĂ© racial[143]. Banlieusard pauvre, il vit son ascension sociale contrecarrĂ©e non seulement par sa nuance de couleur de peau, mais aussi par sa position Ă©conomique. Il rejetait le « nouveau » statut des descendants dâesclaves et faisait montre, en articulant ethnicitĂ© et condition socio-Ă©conomique, dâune comprĂ©hension adĂ©quate de lâĂ©volution historique. Ă titre dâexemple, on peut citer, parmi beaucoup dâautres, la scĂšne du dĂ©filĂ© militaire dans RecordaçÔes do escrivĂŁo IsaĂas Caminha (littĂ©r. Souvenirs de lâĂ©crivain IsaĂas Caminha), oĂč le narrateur, lui-mĂȘme un mĂ©tis, observe lâarrogance et lâallure fringante des officiers (blancs), en contraste avec les figures estropiĂ©es (noirs et mulĂątres) des composantes dĂ©penaillĂ©es de la troupe : « les officiers me paraissaient dâun pays et les hommes de troupe dâun autre. CâĂ©tait comme sâil sâagissait dâun bataillon de cipayes ou de tirailleurs sĂ©nĂ©galais »[169]. Lima Barreto dĂ©nonça dans son Ćuvre de fiction le prĂ©jugĂ© et le processus de hiĂ©rarchisation inhĂ©rents au branqueamento. Le roman social de Lima Barreto met au jour les contradictions de son environnement social : lâauteur brossa un tableau des banlieues de Rio de Janeiro et mit en scĂšne des personnages, dont beaucoup sont animĂ©s du dĂ©sir de susciter des transformations sociales en faveur des dĂ©munis[143].
Lino Guedes (1906-1951), poĂšte noir, fils dâanciens esclaves, dont lâĆuvre Ă©tait contemporaine de la pĂ©riode moderniste de la littĂ©rature brĂ©silienne, dĂ©crivit dans ses poĂšmes les conditions de vie du noir stigmatisĂ© par lâesclavage et marginalisĂ© par la sociĂ©tĂ© de la pĂ©riode post-abolitionniste. Selon Lino Guedes, le perfectionnement Ă©ducatif et lâadoption de la morale puritaine en accord avec les schĂ©mas bourgeois seraient les voies Ă privilĂ©gier en vue de lâascension sociale de lâhomme de couleur, conception qui dĂ©note la volontĂ© du poĂšte dâintĂ©grer le noir dans le schĂ©ma social dominant et de faire siennes les valeurs de la sociĂ©tĂ© blanche. Parmi ses livres, mĂ©ritent mention en particulier O canto do cisne preto (littĂ©r. le Chant du cygne noir, 1927) et Negro preto, cor da noite (littĂ©r. NĂšgre noir, couleur de la nuit, 1932)[143].
Solano Trindade (1908-1974), poĂšte trĂšs engagĂ© politiquement, a produit une Ćuvre dans une langue simple, destinĂ©e Ă un public populaire. Il est considĂ©rĂ© comme un des poĂštes les plus expressifs de la nĂ©gritude brĂ©silienne contemporaine. Son Ćuvre poĂ©tique porte la revendication sociale du noir en quĂȘte de meilleures conditions dâexistence. Aux yeux de Solano Trindade, le poĂšte se doit dâĆuvrer pour la dĂ©fense des traditions de son peuple et pour lâĂ©dification dâune sociĂ©tĂ© plus juste[143].
Carolina Maria de Jesus (1914-1977) a amalgamĂ© crĂ©ation littĂ©raire et expĂ©rience de vie pour composer une Ćuvre Ă caractĂšre documentaire et de contestation sociale. La carriĂšre littĂ©raire de lâĂ©crivaine avait pour toile de fond une vie marquĂ©e par la misĂšre. Les Ă©lĂ©ments autobiographiques prĂ©sents dans ses textes vont au-delĂ de la simple confession pour Ă©voquer le combat de lâhomme sâefforçant de surmonter lâoppression sociale. Son livre Quarto de despejo. DiĂĄrio de una favelada (1960 ; traduction française sous le titre le DĂ©potoir) eut une rĂ©percussion internationale[143] - [170].
Arts plastiques
Le tissu AlakĂĄ africano, connu sous le nom de pano da costa au BrĂ©sil, est fabriquĂ© par les tisserandes du terreiro de candomblĂ© IlĂȘ AxĂ© OpĂŽ AfonjĂĄ Ă Salvador, dans la zone dĂ©nommĂ©e Casa do AlakĂĄ[171].
Mestre Didi, alapini (prĂȘtre suprĂȘme) du culte des Egungun et assĂČgbĂĄ (prĂȘtre suprĂȘme) du culte de Babalu Aye et dâorishas de la terre, est en mĂȘme temps sculpteur, dont le travail est entiĂšrement consacrĂ© Ă la mythologie et Ă lâart yorubas[172].
Dans le domaine de la peinture, nombreux sur le peintres et dessinateurs (afro-brĂ©siliens ou non) qui ont pris pour sujet le candomblĂ©, lâumbanda et le batuque. Un exemple de ces artistes est le sculpteur et peintre brĂ©silien dâorigine argentine CarybĂ©, qui voua une bonne part de sa vie Ă sculpter et peindre au BrĂ©sil les orishas et les festivitĂ©s dans leurs moindres dĂ©tails. (Ses sculptures peuvent ĂȘtre admirĂ©es au MusĂ©e afro-brĂ©silien de Salvador et plusieurs ouvrages ont Ă©tĂ© publiĂ©s prĂ©sentant son Ćuvre.)
Dans le domaine de la photographie, le Français Pierre Fatumbi Verger, qui aprĂšs avoir fait connaissance avec la Bahia en 1946 dĂ©cida dây rester jusquâĂ la fin de sa vie, reprĂ©senta dans ses photos en noir et blanc le peuple brĂ©silien et le candomblĂ© dans toutes ses facettes. Du reste, il ne se borna pas Ă photographier le candomblĂ©, mais y adhĂ©ra aussi, le professant tant au BrĂ©sil quâen Afrique, oĂč il fut initiĂ© comme babalawo. Il est Ă lâorigine de la Fondation Pierre Verger Ă Salvador, oĂč est conservĂ©e la totalitĂ© de son fonds photographique.
Gastronomie
La feijoada brasileira, plat de haricots Ă la brĂ©silienne, considĂ©rĂ© comme un plat national brĂ©silien, passe souvent pour avoir Ă©tĂ© conçu dans les cases-nĂšgres (senzalas) des grands domaines agricoles et pour avoir servi de nourriture pour les esclaves Ă lâĂ©poque coloniale, mais la thĂšse actuellement retenue veut que la feijoada brasileira soit une adaptation tropicale de la feijoada portugaise, laquelle normalement nâĂ©tait jamais servie aux esclaves. Ce nĂ©anmoins, la cuisine brĂ©silienne rĂ©gionale a Ă©tĂ© fortement influencĂ©e par la cuisine africaine, mĂȘlĂ©e certes dâĂ©lĂ©ments culinaires europĂ©ens et amĂ©rindiens.
La gastronomie bahianaise est celle oĂč lâinfluence africaine est la plus marquĂ©e, en particulier dans ses mets typiques tels que lâacarajĂ©, le caruru, le vatapĂĄ et la moqueca. Ces plats sont prĂ©parĂ©s Ă lâaide dâhuile de palme, extraite dâun palmier africain apportĂ© au BrĂ©sil Ă lâĂ©poque coloniale. Dans la Bahia, il existe deux maniĂšres de se prĂ©parer ces mets afros. Lâune, la plus simple, pratiquĂ©e dans les terreiros de candomblĂ© permet de prĂ©parer des plats peu condimentĂ©s propres Ă ĂȘtre donnĂ©s en offrande aux orishas. Lâautre maniĂšre, appliquĂ©e hors des terreiros, produit des plats avec une forte dose dâaromates, qui ont plus de saveur et sont offerts Ă la vente par les baianas do acarajĂ© (vendeuses de rue) ou dĂ©gustĂ©s dans les restaurants ou Ă domicile.
Musique
La musique afro-brĂ©silienne est un mĂ©lange dâinfluences venues de toute lâAfrique subsaharienne et dâĂ©lĂ©ments de la musique portugaise et, dans une moindre mesure, amĂ©rindienne, et a produit une grande variĂ©tĂ© de styles. Toute la musique populaire brĂ©silienne a Ă©tĂ© de façon gĂ©nĂ©rale fortement influencĂ©e par les rythmes Africains. Les expressions de musique afro-brĂ©silienne les plus connues sont la samba, le maracatu, lâijexĂĄ, le coco, le jongo, le carimbĂł, la lambada, la matchiche et le maculelĂȘ.
Ainsi quâil est advenu dans toutes les parties du continent amĂ©ricain oĂč il y eut des esclaves africains, la musique produite par les afro-descendants fut dâabord mĂ©prisĂ©e et relĂ©guĂ©e dans la marginalitĂ©, avant de susciter lâintĂ©rĂȘt au dĂ©but du XXe siĂšcle, puis dâacquĂ©rir la popularitĂ© quâelle a aujourdâhui[173].
La cabasa, lâagogĂŽ, lâalfaia, lâatabaque, le berimbau et le tambour sont quelques-uns des instruments spĂ©cifiquement utilisĂ©s par les Afro-BrĂ©siliens.
Influence sur la langue portugaise parlée au Brésil
Ă lâheure actuelle (dĂ©cennie 2010), aucune langue africaine nâest plus couramment parlĂ©e au BrĂ©sil. La plupart des chercheurs admettent que des parlers crĂ©oles ont dĂ» existĂ© au BrĂ©sil dans le passĂ©, cependant elles nâeurent toutes quâune existence Ă©phĂ©mĂšre. Toutefois, au cours des quatre siĂšcles que la langue portugaise resta en contact avec les idiomes africains au BrĂ©sil, on a pu observer certaines influences de ces idiomes sur le portugais brĂ©silien[174] - [175].
Les esclaves ouest-africains, quoique nombreux au BrĂ©sil, nâauront exercĂ© quâune influence mineure sur le portugais. Parmi les langues ouest-africaines, Ă©galement (et improprement) appelĂ©es « soudanaises », les plus importantes Ă©taient celles de la famille kwa, parlĂ©es dans le golfe du BĂ©nin. Leurs principaux locuteurs au BrĂ©sil Ă©taient les Yorubas et les peuples parlant des langues du groupe ewe-fon, dĂ©signĂ©s par les Portugais sous le nom de minas ou ejes. Lâinfluence de leurs parlers se limite aujourdâhui au lexique des religions afro-brĂ©siliennes (Iemanja, XangĂŽ, Oxum, OxĂłssi etc.)[175]
Câest par les langues bantoues que le portugais du BrĂ©sil a Ă©tĂ© le plus profondĂ©ment influencĂ©, en raison de lâanciennetĂ© de la prĂ©sence de ces Africains dans la colonie et de lâampleur des effectifs dâesclaves originaires de lâaire bantoue accueillis par le BrĂ©sil, puis Ă©parpillĂ©s dans les diffĂ©rentes rĂ©gions du territoire brĂ©silien. Parmi les langues de ce groupe, les plus vivaces au BrĂ©sil Ă©taient le kikongo, le kimbundu et lâumbundu. Le kikongo est parlĂ© dans les actuelles RĂ©publique du Congo, RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo et dans le nord de lâactuel Angola. Le Kimbundu est la langue de la rĂ©gion centrale de lâAngola, tandis que lâUmbundu est vernaculaire dans le sud de lâAngola[175].
Lâinfluence africaine sur le portugais du BrĂ©sil ne se limite pas Ă lâapport de mots nouveaux, mais touche aussi Ă la phonĂ©tique, la morphologie, la syntaxe, la sĂ©mantique, le rythme des phrases et la musique de la langue. Sur le plan phonologique, la tendance des BrĂ©siliens Ă omettre les consonnes finales des mots et Ă les transformer en voyelles (falĂĄ au lieu de falar, dizĂ© au lieu de dizer, Brasiw au lieu de Brasil) renvoie Ă la structure syllabique des langues bantoue et yoruba, oĂč les mots ne se terminent jamais par une consonne. Sous lâinfluence africaine, les diphtongues ei et ou (prononcĂ© ow en portugais) se rĂ©duisent dans la langue populaire du BrĂ©sil en monophtongues longues (chĂȘro au lieu de cheiro, pĂȘxe au lieu de peixe, et bĂȘjo au lieu de beijo). De mĂȘme, lâon attribue Ă lâinfluence noire les brusques aphĂ©rĂšses rencontrĂ©es dans le parler brĂ©silien (tĂĄ au lieu de estĂĄ, ocĂȘ au lieu de vocĂȘ, cabar au lieu dâacabar), entre autres influences[174] - [175].
Sur le plan lexical, Renato Mendonça a recensĂ© quelque 350 vocables dâorigine africaine utilisĂ©s dans le portugais du BrĂ©sil, tandis que Yeda Pessoa de Castro a trouvĂ©, lors de ses recherches de terrain dans la Bahia, trois milliers de termes de provenance africaine attestĂ©e. Beaucoup de ces mots nâont pas jusquâici (2012) trouvĂ© place dans les dictionnaires brĂ©siliens, faute de recherches plus poussĂ©es dans le domaine[174]. Nombre de mots usitĂ©s au BrĂ©sil et provenant de langues africaines nâexistent pas ou sont dâun usage rare dans la portugais du Portugal, pour la raison quâils se rĂ©fĂšrent Ă la seule rĂ©alitĂ© brĂ©silienne ; ce sont p. ex. : acarajĂ©, vatapĂĄ, berimbau, bobĂł, cafunĂ© (coups frappĂ©s du pouce sur la tempe), moleque (gamin, galopin), cambada (coterie, clique), canjica, quilombo, sinhĂĄ (forme populaire de senhora, dame) et nombre dâautres. Certains termes portugais sont tombĂ©s en dĂ©suĂ©tude au BrĂ©sil et ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par des mots dâorigine africaine, dont un Ă©chantillon a Ă©tĂ© portĂ© dans le tableau ci-dessous[174] :
Mot portugais | Signification | Mot en usage au BrĂ©sil | Langue dâorigine[174] |
---|---|---|---|
Insultar | Insulter | Xingar | Du kimbundu chinga (injurier, offenser) |
Dormitar | Sommeiller | Cochilar | Du kimbundu kochila (dodeliner de sommeil) |
Trapo | Fripe | Mulambo | Du kimbundu mulambo (fripe, habit rapiécé) |
Benjamim | Benjamin, cadet | Caçula | Du kimbundu kazuli (le fils le plus jeune, enfant dernier venu de la famille) |
Ăleo-de-palma | Huile de palme | DendĂȘ | Origine africaine (palmier du Congo et de GuinĂ©e, introduit au BrĂ©sil Ă partir du XVIe siĂšcle) |
NĂĄdegas | Fesses | Bunda | Du kimbundu mbunda (fesses, croupe) |
Vespa | GuĂȘpe | Marimbondo | Du kimbundu ma, prĂ©fixe du pluriel de la classe 4 + rimbondo, guĂȘpe (insecte, guĂȘpe) |
Sinete | Cachet, tampon | Carimbo | Du kimbundu ka, préfixe diminutif + rimbu, bureaux, officines
(objet utilisé dans les bureaux et les maisons de commerce) |
Aguardente | Eau-de-vie | Cachaça | Origine africaine (eau-de-vie) |
Discriminations
Le prĂ©jugĂ© racial au BrĂ©sil, â que certains auteurs appellent prĂ©jugĂ© « de marque », câest-Ă -dire reposant sur le phĂ©notype de lâindividu (texture des cheveux, traits visibles et couleur de peau) â, ne sâappuie pas directement sur lâascendance, puisquâau BrĂ©sil, les classifications raciales se basaient davantage sur lâapparence physique de la personne que sur sa filiation rĂ©elle[176]. Lâesclavage certes fut aboli, et lâuniversalisation des lois a Ă©tĂ© accomplie, cependant le schĂ©ma traditionnel dâamĂ©nagement racial nâa pas Ă©tĂ© modifiĂ©, mais seulement camouflĂ©. En dĂ©pit du « mĂ©tissage brĂ©silien » si souvent mis en avant, un systĂšme enracinĂ© de hiĂ©rarchisation sociale basĂ© sur des critĂšres de classe sociale, de niveau dâĂ©tudes formel, dâorigine familiale et de race, perdure. Si au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le darwinisme racial cessa peu Ă peu de prĂ©valoir et que le concept biologique de race fut mis en question, câest ensuite le « prĂ©jugĂ© de couleur » qui vint jouer le rĂŽle naguĂšre tenu par la race[176].
Dans les annĂ©es 1970, tout un mouvement de contestation des valeurs en vigueur au BrĂ©sil fit son apparition, sâexprimant dans la littĂ©rature et la musique, et se traduisant bientĂŽt dans la politique officielle. Ă cette Ă©poque surgit Ă©galement le Movimento Negro Unificado (littĂ©r. Mouvement noir unifiĂ©, sigle MNU) qui, aux cĂŽtĂ©s dâautres organisations parallĂšles, se mit Ă discuter les formes traditionnelles du pouvoir. Toutefois, lâexistence de mouvements noirs au BrĂ©sil remonte assez loin, les mouvements de mobilisation raciale ayant surgi au BrĂ©sil dĂšs le XIXe siĂšcle. Dans la pĂ©riode post-abolition, la population noire Ă©tait marginalisĂ©e, ce qui donna lieu dans quelques-uns des Ătats fĂ©dĂ©rĂ©s Ă la fondation de dizaines de groupes (comitĂ©s, clubs ou associations) de dĂ©fense des noirs, tels que la Sociedade Progresso da Raça Africana (1891), Ă Lages, dans lâĂtat de Santa Catarina ; la Sociedade UniĂŁo CĂvica dos Homens de Cor (littĂ©r. SociĂ©tĂ© Union civique des hommes de couleur, 1915), lâAssociação Protetora dos Brasileiros Pretos (littĂ©r. Association protectrice des BrĂ©siliens noirs, 1917), toutes deux Ă Rio de Janeiro ; et le Club 13 de Maio dos Homens Pretos (littĂ©r. Club 13-Mai des hommes noirs, 1902) et le Centro LiterĂĄrio dos Homens de Cor (littĂ©r. Centre littĂ©raire des hommes de couleur, 1903), Ă SĂŁo Paulo. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, il y avait des centaines dâassociations noires rĂ©pandues dans tout le BrĂ©sil[177]. De 1931 date la crĂ©ation du Frente Negra Brasileira (littĂ©r. Front noir brĂ©silien) et de son journal, mais des revues consacrĂ©es Ă la problĂ©matique noire circulaient auparavant dĂ©jĂ au BrĂ©sil[176]. En 1944, Abdias do Nascimento fonda le ThĂ©Ăątre expĂ©rimental du Noir. Il entendait faire de ce « laboratoire d'expression culturelle et artistique » un outil pour combattre les stĂ©rĂ©otypes racistes, former les Noirs illettrĂ©s et organiser des confĂ©rences. Progressivement, ce mouvement prit une place politique en dĂ©fiant lâautoritĂ© du pouvoir et lâindividualisme du systĂšme Ă©conomique[178]. Dans les annĂ©es 1960, le mouvement dĂ©nonça lâalignement du rĂ©gime militaire brĂ©silien sur le colonialisme portugais â engagĂ© dans des conflits sanglants en GuinĂ©e-Bissau, Angola et Mozambique â et le dĂ©veloppement de ses relations commerciales avec l'Afrique du Sud[178].
La dĂ©construction du mythe de la dĂ©mocratie raciale engagĂ©e par une partie de ces associations sâĂ©vertua Ă rĂ©duire la problĂ©matique raciale Ă une question de classe, en dĂ©laissant sa dimension proprement culturelle. Le problĂšme racial leur apparaissait constitutif de la lutte des classes et lâon sâingĂ©niait alors de le rĂ©soudre sans prĂȘter attention Ă ses irrĂ©ductibles spĂ©cificitĂ©s. Pourtant, des Ă©tudes plus rĂ©centes ont dĂ©montrĂ© que le prĂ©jugĂ© de couleur nâĂ©tait pas liĂ© seulement Ă une question Ă©conomique et sociale, mais quâil persiste Ă agir comme diviseur de la sociĂ©tĂ© au-delĂ de lâaspect Ă©conomique[176].
Le racisme au BrĂ©sil se fait jour sous la forme de diffĂ©rences dâaccĂšs Ă lâenseignement et aux loisirs, dâune rĂ©partition inĂ©gale de revenus, et aussi de marques de discrimination qui Ă©chappent Ă la compĂ©tence des autoritĂ©s, mais qui sont Ă©videntes dans le quotidien. Le racisme brĂ©silien en est un de lâintime, prĂ©sent dans la vie domestique, mais occultĂ© quand il se manifeste dans la sphĂšre publique. Il se reflĂšte dans les relations personnelles les plus intimes, dans le schĂ©ma ancien dâhiĂ©rarchisation sociale et de possibilitĂ©s inĂ©gales entre les citoyens ; il se reflĂšte dans certaines pratiques sans cesse rĂ©pĂ©tĂ©es, Ă lâimage de lâ« ascenseur social », rĂ©servĂ© aux rĂ©sidents de lâimmeuble, et lâ« ascenseur de service », rĂ©servĂ© au personnel de maison, en majoritĂ© composĂ© de noirs. Il affleure Ă©galement dans le domaine Ă©conomique, ainsi que dans la relation avec la justice, oĂč la probabilitĂ© pour un criminel noir de se voir inculpĂ© est 80 % plus grande que pour un blanc. Le BrĂ©sil vit, observe lâhistorienne Lilia Moritz Schwarcz, une dichotomie, quand dâune part le pays exalte le mĂ©tissage racial et culturel, mais dâautre part et dans le mĂȘme temps donne Ă voir un pays extrĂȘmement inĂ©gal[176].
Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le militantisme des associations afro-brĂ©siliennes obtint du gouvernement plusieurs rĂ©formes. Sous la prĂ©sidence de Lula da Silva, le BrĂ©sil vota une loi sur l'enseignement obligatoire de l'histoire de l'Afrique dans les Ă©coles, s'engagea Ă traduire les volumes de l'Histoire gĂ©nĂ©rale de l'Afrique de l'UNESCO et lance une sĂ©rie d'initiatives pour lutter contre les stĂ©rĂ©otypes racistes[178]. La population noire, longtemps marginalisĂ©e, bĂ©nĂ©ficia des politiques de redistribution sociale imposĂ©es par Lula et poursuivies par Dilma Rousseff. En dix ans, le taux dâĂ©tudiants noirs dans les universitĂ©s est passĂ© de moins de 2 % Ă 9 % en 2013[179].
Cas de racisme divulgués
Lâhistoire rĂ©cente du BrĂ©sil est parsemĂ©e de cas patents de racisme devenus notoires. En 1950, lâactrice noire amĂ©ricaine Katherine Dunham fut empĂȘchĂ©e de descendre dans un hĂŽtel de SĂŁo Paulo au motif quâelle Ă©tait une « personne de couleur ». Lâincident fut dĂ©noncĂ© par Gilberto Freyre Ă la tribune de la Chambre des dĂ©putĂ©s et sera lâun des moteurs de lâadoption de la loi Afonso Arinos, premiĂšre loi antiraciste du BrĂ©sil[180].
Dans le football, les cas de racisme sont dĂ©jĂ anciens au BrĂ©sil. Ce sport a des origines Ă©litistes, car son introduction dans le pays fut le fait de blancs, au dĂ©but du XXe siĂšcle. Ce nonobstant, le football devint peu Ă peu un divertissement pour jeunes noirs et pauvres, lesquels dans la suite ont fourni les grands noms du football brĂ©silien. Pourtant, il y eut dans les premiers temps une forte rĂ©sistance contre la participation de joueurs noirs. Pour le championnat sud-amĂ©ricain de football de 1921, le prĂ©sident de la rĂ©publique EpitĂĄcio Pessoa « recommanda » que la sĂ©lection nationale ne comprenne pas de joueurs noirs pour le match contre lâArgentine car, selon lui, il Ă©tait nĂ©cessaire de projeter une « meilleure » image du BrĂ©sil devant les Ă©trangers. En consĂ©quence, des joueurs cĂ©lĂ©brĂšs de lâĂ©poque, comme le mulĂątre Arthur Friedenreich, furent tenus Ă lâĂ©cart du championnat. En ce temps-lĂ , il Ă©tait commun que les joueurs noirs et mulĂątres se mettent de la poudre de riz sur le visage et se lissent les cheveux pour ĂȘtre acceptĂ©s[182]. Au cours de sa carriĂšre, le footballeur PelĂ© a Ă©tĂ© ridiculisĂ© par ses collĂšgues et par les mĂ©dias, se faisant notamment affubler du sobriquet de Gasolina, en raison de sa couleur de peau, nonobstant que le joueur ait toujours refusĂ© de prendre part Ă quelque lutte antiraciste que ce soit[183].
Dans les annĂ©es 2010, plusieurs BrĂ©siliens noirs connus continuent dâĂȘtre victimes de racisme. Pour la seule annĂ©e 2014, un arbitre et trois joueurs de football ont Ă©tĂ© les cibles dâattaques Ă contenu raciste par des supporters brĂ©siliens : lâarbitre MĂĄrcio Chagas, dĂ©but 2014 ; le dĂ©fenseur du Sport Club Internacional, PaulĂŁo ; Arouca, alors joueur Ă Santos ; et le gardien de but Aranha, alors chez Santos, qui avait Ă©tĂ© traitĂ© de « macaque » par une partie des supporters du GrĂȘmio[184]. Ă la suite de ce dernier incident, le GrĂȘmio fut exclu de la Coupe du BrĂ©sil par le Tribunal de justice sportive (STJD)[185]. Cependant, les quatre supporters identifiĂ©s comme Ă©tant les offenseurs Ă©chappĂšrent Ă une condamnation pour injure raciale, ayant en effet conclu un accord judiciaire, par lequel ils sâengageaient Ă comparaĂźtre devant une dĂ©lĂ©gation Ă chaque jour de match du GrĂȘmio, une demi-heure avant la partie[184].
Des femmes ayant une visibilitĂ© dans les mĂ©dias ont aussi Ă©tĂ© victimes de la mĂȘme intolĂ©rance. En 2015, la journaliste de Rede Globo, Maria JĂșlia Coutinho, fut la cible dâattaques racistes dans les rĂ©seaux sociaux. Le mot-diĂšse #SomostodosMaju eut une grande rĂ©percussion dans les rĂ©seaux sociaux, et son cas fut exposĂ© dans le tĂ©lĂ©journal Jornal Nacional, en prĂ©sence de la victime[186]. La journaliste dĂ©posa plainte auprĂšs de la police, qui aprĂšs enquĂȘte dĂ©couvrit que lâun des suspects Ă©tait un adolescent ĂągĂ© de 15 ans, habitant CarapicuĂba, dans lâĂtat de SĂŁo Paulo[187]. Toujours en 2015, lâactrice TaĂs AraĂșjo vit son profil Facebook visĂ© par des offenseurs avec des messages Ă contenu raciste. Un hashtag #SomosTodosTaĂsAraĂșjo, crĂ©Ă© en soutien Ă lâartiste, deviendra « trending topic » sur Twitter. Dans les rĂ©seaux sociaux, lâactrice avait lancĂ© « Vous ne mâintimiderez pas » avant dâen aviser la police, qui engagea ensuite une enquĂȘte[188].
LâONG SaferNet BrĂ©sil affirme avoir enregistrĂ© en 2014 une hausse de 34,15 % de pages internet estampillĂ©es comme racistes et de 365,46 % de pages vĂ©hiculant de la xĂ©nophobie au BrĂ©sil[189]. Lâanonymat garanti par lâinternet fait de la Toile un environnement propice Ă ce que les racistes se manifestent, Ă telle enseigne que le racisme se classe second, dans lâordre des violations des droits de lâhomme, pour sa frĂ©quence dans les rĂ©seaux sociaux brĂ©siliens, devancĂ© seulement par la pĂ©dopornographie[190]. Toutefois, selon le spĂ©cialiste Leonardo Zanatta, « sâil y avait une coopĂ©ration entre le rĂ©seau social et la police brĂ©silienne, il serait facile de remonter jusquâaux responsables dâactes racistes, quand mĂȘme tout aurait Ă©tĂ© effacĂ© »[191].
En 2014, on recensa au BrĂ©sil 7000 plaintes dĂ©posĂ©es auprĂšs de Disque Racismo, agence de lutte contre le racisme et lâantisĂ©mitisme du gouvernement de lâĂtat de Rio de Janeiro, soit une moyenne de prĂšs de 700 par mois[192].
Indicateurs socio-Ă©conomiques
Le BrĂ©sil est l'un des pays les plus inĂ©galitaires au monde et les Afro-brĂ©siliens en sont en grande partie les victimes. D'aprĂšs les donnĂ©es de lâInstitut brĂ©silien de gĂ©ographie et statistique (IBGS) pour 2017, on retrouve 74 % de noirs ou mĂ©tis parmi les 10 % les plus pauvres. Dans les favelas, la population noire ou mĂ©tisse est de 77 %[193].
Un rapport de lâuniversitĂ© fĂ©dĂ©rale de Rio de Janeiro (UFRJ) rendu public en 2011 a mis en Ă©vidence que la part des noirs et des bruns (pardos) dans le total des chĂŽmeurs sâest accrue[194]. Selon ce rapport, en 2006, les noirs et les bruns entraient pour 54,1 % dans le total des chĂŽmeurs (23,9 points de pourcentage dâhommes et 30,8 de femmes) ; un peu moins de dix ans auparavant, en 1995, les noirs et bruns reprĂ©sentaient 48,6 % de ce total (25,3 points de % dâhommes et 23,3 de femmes)[194].
Quant au groupe des dĂ©tenteurs dâemploi, les disparitĂ©s raciales sont lĂ Ă©galement clairement perceptibles : en 2006, le revenu moyen mensuel rĂ©el des hommes blancs sâĂ©levait Ă 1 164,00 rĂ©aux, montant de 56,3 % supĂ©rieur Ă la rĂ©munĂ©ration moyenne des femmes blanches (744,71 rĂ©aux), de 98,5 % supĂ©rieur Ă celle des hommes noirs et bruns (586,26 rĂ©aux), et de 200 % supĂ©rieur Ă celle des femmes noires et brunes[194].
Une enquĂȘte du ministĂšre du DĂ©veloppement social (MDS) publiĂ© en 2011 estime que dans la fraction « extrĂȘmement pauvre » de la population, 50,5 % sont des femmes, dont 70,8 % dĂ©clarent ĂȘtre noires ou brunes. Le recensement de la population effectuĂ© en 2010 a mis au jour que sur les 16 millions de BrĂ©siliens vivant en extrĂȘme pauvretĂ© (câest-Ă -dire ayant des revenus en deçà de 70 rĂ©aux mensuels), 4,2 millions Ă©taient blancs et 11,5 millions noirs ou bruns[195].
Histoire de lâinĂ©galitĂ©
LâinĂ©galitĂ© sociale existant au BrĂ©sil entre blancs dâune part et noirs et mulĂątres dâautre part remonte Ă lâĂ©poque coloniale. Bien que dans les deux premiers siĂšcles de la colonisation, la majoritĂ© de la population dâorigine africaine au BrĂ©sil fĂ»t en Ă©tat dâesclavage, on assista au XVIIIe siĂšcle Ă une forte augmentation des affranchis (libertos), et noirs et mulĂątres libres arrivaient mĂȘme Ă constituer la majoritĂ© de la population dans certaines capitaineries. Cependant, les lois et dĂ©crets Ă©dictĂ©s par la Couronne portugaise et les pratiques sociales formaient une grande entrave au progrĂšs Ă©conomique de cette population. Les affranchis dâascendance africaine Ă©taient discriminĂ©s par une lĂ©gislation qui, bien souvent, ne les distinguait pas des esclaves. Ces lois discriminatoires, flagrantes en ce qui concerne le port d'armes et lâusage de certaines piĂšces vestimentaires, Ă©cartaient aussi les Africains de la fonction publique, Ă©tant donnĂ© quâil fallait dâabord apporter la preuve de sa « puretĂ© de sang » pour pouvoir sây porter candidat[115].
Le noir ou le mulĂątre libre disposait de trois possibilitĂ©s de gagner sa vie. La premiĂšre Ă©tait de rĂ©aliser son indĂ©pendance financiĂšre Ă nâimporte quel prix, en mettant Ă profit chaque occasion commerciale qui viendrait Ă surgir. La deuxiĂšme consistait Ă se laisser intĂ©grer dans le systĂšme esclavocrate comme mĂ©tayer ou travailleur salariĂ©. La derniĂšre enfin Ă©tait de renoncer Ă affronter les dĂ©fis et les inconvĂ©nients liĂ©s Ă lâĂ©tat dâindividu de couleur et de se livrer au vagabondage. Beaucoup dâanciens esclaves Ă©prouvaient les plus grandes difficultĂ©s Ă sâintĂ©grer dans le monde des hommes libres ; dans la captivitĂ©, tout ce qui Ă©tait exigĂ© de la part dâun esclave Ă©tait sa force physique[115]. Lâinstitution de lâesclavage avait minĂ© leur capacitĂ© dâinitiative et de dĂ©cision, leur avait enlevĂ© toute possibilitĂ© de faire la dĂ©monstration de leurs Ă©ventuels talents de meneur dâhommes et de leur prĂ©sence dâesprit. Seuls les individus les plus dĂ©terminĂ©s rĂ©ussissaient Ă surmonter ces barriĂšres psychologiques. Toutefois, les noirs et mulĂątres nĂ©s libres avaient plus de perspectives que ceux nĂ©s esclaves puis affranchis. Enfin, les mulĂątres Ă la peau plus claire, mĂȘme ceux nĂ©s en captivitĂ©, avaient de meilleures chances de sâintĂ©grer dans le « monde blanc » que les noirs Ă peau plus foncĂ©e, mĂȘme ceux nĂ©s en libertĂ©[115].
Aussi la confrontation avec la sociĂ©tĂ© libre se rĂ©vĂ©lera-t-elle une tĂąche compliquĂ©e et ardue pour la population croissante de noirs et mulĂątres libres pendant la pĂ©riode coloniale. Socialement marginalisĂ©s, dĂ©pourvus de ressources financiĂšres, ils Ă©taient nombreux Ă vivre dans une situation plus prĂ©caire que celle des esclaves. La Couronne portugaise et les autoritĂ©s municipales brĂ©siliennes nâentreprirent rien pour sauver cette population de la marginalitĂ©, et il nây avait aucune politique dâintĂ©gration sociale ni aucune aide pĂ©cuniaire. Les seules organisations dans le BrĂ©sil colonial Ă se soucier des individus dâorigine africaine Ă©taient les confrĂ©ries laĂŻques[115]. La Santa Casa de MisericĂłrdia, unique prestataire institutionnel dâassistance sociale de tout lâempire maritime portugais, offrait des dots aux femmes noires et mulĂątres en Ăąge de se marier, soignait les malades gracieusement, et aidait les gens Ă apprendre lâun ou lâautre mĂ©tier. Les confrĂ©ries du BrĂ©sil colonial contribuĂšrent donc, jusquâĂ un certain point, Ă soulager les problĂšmes dus de lâabdication totale de lâĂtat et de lâĂglise et Ă intĂ©grer les noirs et les mulĂątres libres dans la sociĂ©tĂ© coloniale brĂ©silienne[115].
Certaines communautés estiment subir un « racisme environnemental », les usines les plus polluantes étant souvent implantées dans les régions habitées par des Afro-Brésiliens. Cependant, ces implantations pourraient répondre à des critÚres socio-économiques plutot qu'ethniques[196].
AprĂšs lâabolition de lâesclavage
« AprĂšs que les derniers esclaves auront Ă©tĂ© arrachĂ©s au pouvoir sinistre que reprĂ©sente pour la race noire la malĂ©diction de la couleur, il sera nĂ©cessaire encore de rĂąper, au moyen dâune Ă©ducation virile et sĂ©rieuse, la lente stratification de 300 ans de captivitĂ©, câest-Ă -dire de despotisme, de superstition et dâignorance. »
â Joaquim Nabuco, abolitionniste brĂ©silien[197].
LâĂtat brĂ©silien devenu indĂ©pendant ne changea pas sa politique vis-Ă -vis de la population noire et mulĂątre. Au fur et Ă mesure que les gens dâorigine africaine sâaffranchissaient de lâesclavage en nombre toujours plus grand, ils allaient grossir les rangs des marginalisĂ©s Ă lâentrĂ©e des villes et des bourgs[6].
Le , la princesse Isabelle, en sa qualitĂ© de rĂ©gente du trĂŽne, en lâabsence de son pĂšre, lâempereur Pierre II, proclama lâabolition de lâesclavage. Lâabolition ne conduira pas Ă la transformation Ă©conomique et sociale escomptĂ©e par les abolitionnistes. Le BrĂ©sil continua dâĂȘtre un pays essentiellement agraire, avec un systĂšme paternaliste de relations sociales et avec une stratification sociale rigide. Les propriĂ©taires terriens (blancs en majoritĂ©, avec parfois des mulĂątres claires) dĂ©tenaient quasiment le monopole du pouvoir Ă©conomique, social et politique ; Ă ceux-ci avaient Ă se soumettre les couches infĂ©rieures, majoritaires dans la sociĂ©tĂ©, constituĂ©es de blancs pauvres et de descendants dâesclaves[17].
Les esclaves libĂ©rĂ©s par lâeffet de la loi d'or, au nombre de prĂšs dâun demi-million, furent projetĂ©s dans une sociĂ©tĂ© dĂ©jĂ multiraciale, oĂč beaucoup de descendants dâesclaves se trouvaient dĂ©jĂ en libertĂ©. Au XVIIIe siĂšcle, il y avait dans quelques rĂ©gions du BrĂ©sil plus dâesclaves que de gens libres ou affranchis ; quant aux blancs, ils nâont jamais constituĂ© de majoritĂ© dans aucune partie du BrĂ©sil, jusquâĂ ce lâimmigration europĂ©enne vĂźnt modifier le profil dĂ©mographique de plusieurs Ătats du sud et du centre-sud Ă partir du XIXe siĂšcle. DĂ©but XIXe, la majoritĂ© de la population dâorigine africaine vivait encore sous le rĂ©gime de lâesclavage. En 1819, aux alentours de 30 % de la population brĂ©silienne Ă©tait esclave, et les affranchis Ă©taient seulement entre 10 et 15 %. Au cours de ce siĂšcle cependant, lâon assista Ă un accroissement exponentiel de la population des descendants dâanciens esclaves, de sorte quâen 1872, les descendants dâanciens esclaves comptaient dĂ©jĂ pour 42 % de la population brĂ©silienne et que la proportion dâesclaves sâĂ©tait rĂ©duite Ă seulement 16 %. Cette annĂ©e-lĂ , la population brune (parda) comprenait prĂšs de trois fois autant dâaffranchis que dâesclaves[17].
Il se trouve quâainsi le BrĂ©sil possĂ©dait dĂ©jĂ , au moment de lâabolition, une vaste classe dâaffranchis, de teint variĂ©, et une longue tradition, remontant aux premiers temps de la colonisation, dâascension sociale pour un petit nombre dâesclaves affranchis. Une pĂ©nurie centenaire de main-dâĆuvre blanche qualifiĂ©e et semi-qualifiĂ©e au BrĂ©sil colonial avait obligĂ© les colonisateurs portugais Ă autoriser la mise en place dâune classe dâanciens esclaves qui fĂ»t capable dâexercer ces activitĂ©s, tendance qui fut probablement poursuivie au XIXe siĂšcle[17].
Lâascension sociale des descendants dâAfricains dĂ©pendait de plusieurs facteurs. La couleur de peau, la texture capillaire et les traits du visage Ă©taient les Ă©lĂ©ments dĂ©terminants pour ranger une personne dans telle ou telle catĂ©gorie raciale. La fortune et la position sociale apparente, comme la tenue vestimentaire et le milieu social, jouaient ici Ă©galement un rĂŽle, en accord avec lâidĂ©e selon laquelle au BrĂ©sil « lâargent blanchit », encore que ce phĂ©nomĂšne se limitait aux mulĂątres clairs. Aussi les limites Ă lâascension sociale Ă©taient-elles fixĂ©es par lâapparence physique (plus celle-ci Ă©tait « nĂ©groĂŻde », plus lâascension Ă©tait difficile), mais Ă©galement du degrĂ© de « blancheur » sociale (instruction, maniĂšres et revenu). Ă cĂŽtĂ© de lâapparence physique, lâorigine avait aussi son importance au BrĂ©sil ; il Ă©tait courant que des mĂ©tis en ascension sociale dissimulent leur origine familiale, ce qui montre que mĂȘme les mulĂątres dont le phĂ©notype leur permettait de monter les Ă©chelons redoutaient de voir leur origine familiale compromettre leur ascension sociale[17].
Des affranchis de couleur, presque invariablement des mulĂątres clairs, exerçaient dĂ©jĂ des fonctions importantes bien avant lâabolition de 1888. Certains avaient accompli une promotion sociale considĂ©rable, occupant des postes qualifiĂ©s ou se distinguant comme artiste, homme politique et Ă©crivain, y compris mĂȘme quand lâesclavage Ă©tait encore en vigueur. Cette minoritĂ© contrastait avec la majoritĂ© plongĂ©e dans la pauvretĂ©. Ă la suite de lâabolition, des milliers dâanciens esclaves quittĂšrent les fazendas (grands domaines agricoles) et sâen furent vivre de lâagriculture de subsistance. Mais bientĂŽt beaucoup sâen revinrent vers leurs anciens maĂźtres et se rĂ©intĂ©grĂšret dans leurs anciennes Ă©quipes de travail. Dâautres prĂ©fĂ©rĂšrent se rendre dans les villes, guĂšre prĂ©parĂ©es pour accueillir cet afflux de travailleurs non qualifiĂ©s. Dans le centre-sud, les anciens esclaves eurent, pour obtenir les emplois, Ă affronter la concurrence de la masse des immigrants europĂ©ens, qui venaient de dĂ©barquer et Ă©taient mieux qualifiĂ©s quâeux pour rĂ©ussir dans le monde capitaliste urbain. Dans le Nordeste, Ă©conomiquement sur le dĂ©clin, les possibilitĂ©s dâemploi Ă©taient peu nombreuses pour tout le monde. Aussi, pour les couches infĂ©rieures brĂ©siliennes, dont faisaient partie la majoritĂ© des noirs et mulĂątres, lâascension sociale apparaissait des plus difficiles[17].
Au lendemain de lâabolition, lâon assista au dĂ©part des ex-esclaves qui ne souhaitaient plus servir leurs anciens maĂźtres, suivi de lâexpulsion des noirs ĂągĂ©s et malades hors des fazendas. Un grand nombre de noirs allĂšrent se concentrer Ă lâentrĂ©e des villes, en vivant dans des conditions prĂ©caires, ce qui forcera bientĂŽt beaucoup dâentre eux Ă sâen retourner vers les domaines latifondiaires pour y travailler. LâĂ©conomie agricole se dĂ©veloppant et se modernisant, dâautres contingents de travailleurs et de petits mĂ©tayers furent expulsĂ©s, et sâen allĂšrent Ă leur tour grossir la population des villes. Cette masse nâest pas composĂ©e exclusivement de noirs, mais aussi de bruns et de blancs pauvres, qui se tenaient Ă disposition comme rĂ©servoir de recrutement de main-dâĆuvre. Cette masse, oĂč prĂ©dominent noirs et mulĂątres, peut encore ĂȘtre aperçue aujourdâhui (annĂ©es 2010) vivant dans la misĂšre autour des agglomĂ©rations urbaines brĂ©siliennes dans toutes les rĂ©gions Ă grande propriĂ©tĂ© fonciĂšre[6].
Comparaison entre noirs et immigrants
Ă la fin du XIXe siĂšcle, un grand nombre dâimmigrants, surtout europĂ©ens, vinrent au BrĂ©sil. La majoritĂ© sâinstalla dans lâĂtat de SĂŁo Paulo, oĂč ils se faisaient embaucher comme travailleurs dans les plantations de cafĂ©. Câest aussi Ă cette mĂȘme Ă©poque que sâopĂ©rait la transition du travail esclave vers le travail salariĂ©. Beaucoup dâimmigrants se retrouvaient donc Ă travailler cĂŽte Ă cĂŽte avec des noirs et des mulĂątres, remplissant les mĂȘmes fonctions, autrement dit : au dĂ©part, immigrants europĂ©ens et afrodescendants se trouvaient sur le mĂȘme Ă©chelon social. Cependant, les annĂ©es passant, les immigrants et surtout leurs enfants parviendront Ă sâĂ©lever sur lâĂ©chelle sociale, alors que la majoritĂ© des noirs et des mulĂątres persistaient dans la pauvretĂ©[198]. DiffĂ©rents auteurs se sont attachĂ©s Ă expliquer ce phĂ©nomĂšne. Florestan Fernandes souligne que les affranchis nâĂ©taient pas prĂ©parĂ©s Ă concourir avec les immigrants europĂ©ens, parce que la dĂ©shumanisation et la violence propres Ă lâesclavage en avaient fait des asociaux (« anomie »), sans liens familiaux ni communautaires forts, sans discipline, et enclins Ă percevoir la libertĂ© comme lâĂ©quivalent de lâabsence de travail. La recherche actuelle insiste davantage sur le racisme des patrons latifondiaires (fazendaires) brĂ©siliens, qui prĂ©fĂ©raient engager des immigrants que des travailleurs nationaux dâorigine africaine[199].
Le sociologue Karl Monsma a entrepris, pour les besoins de sa recherche, dâanalyser les donnĂ©es de recensement de la municipalitĂ© de SĂŁo Carlos, dans lâĂtat de SĂŁo Paulo. Quoique sa recherche se soit limitĂ©e Ă cet Ătat, les rĂ©sultats peuvent ĂȘtre extrapolĂ©s Ă dâautres parties du pays. En 1907, la situation des noirs et des immigrants Ă©tait Ă beaucoup dâĂ©gards semblable. La principale occupation des immigrants dans la municipalitĂ© Ă©tait le colonato, lâactivitĂ© de colon agricole, comme câĂ©tait aussi la principale occupation des noirs et des mulĂątres[200]. Ceci tend Ă dĂ©montrer que les afrodescendants nâĂ©taient pas totalement exclus des fazendas. Ă ce stade, les immigrants nâavaient encore eu accĂšs Ă la propriĂ©tĂ© de la terre que dans une mesure faible : seuls 13 % des Italiens et 10,1 % des Espagnols sâĂ©taient faits propriĂ©taires, pourcentage infĂ©rieur Ă celui des propriĂ©taires mulĂątres (16 %) et noirs (13,5 %). La thĂšse de Florestan Fernandes, trĂšs contestĂ©e actuellement (2010), qui tient que noirs et mulĂątres, une fois acquise leur libertĂ©, se sont mis Ă vivre en anomie (sans rĂšgles et attaches sociales), nâapparaĂźt donc pas Ă©tayĂ©e par les donnĂ©es statistiques. Ă SĂŁo Carlos, le pourcentage de familles ayant Ă leur tĂȘte une femme Ă©tait plus Ă©levĂ© chez les BrĂ©siliens blancs (15,8 %) que chez les noirs (14,2 %) et les mulĂątres (12,8 %). Le taux de nuptialitĂ© Ă©tait supĂ©rieur chez les noirs et les mulĂątres que chez les BrĂ©siliens blancs, ce qui, dans le contexte catholique traditionnel, bat en brĂšche la thĂšse de la dĂ©sorganisation familiale des afrodescendants[201].
Quant au taux d'alphabétisation, il était évidemment plus élevé chez les Brésiliens blancs de sexe masculin (61,7 %), chez les Portugais (45,6 %), les Espagnols (45,5 %) et les Italiens (43,8 %) que chez les mulùtres (30,5 %) et les noirs (14,7 %)[202].
Lâauteur de lâĂ©tude, Karl Monsma, arrive aux conclusions suivantes lorsquâil tente dâexpliquer pourquoi les immigrants et leurs descendants ont fortement progressĂ© au BrĂ©sil, au contraire des noirs et des mulĂątres qui dans la plupart des cas sont demeurĂ©s pauvres[203] :
- La prĂ©sence nombreuse dâimmigrants europĂ©ens pauvres tira vers le bas le coĂ»t de la main-dâĆuvre dans les grands domaines agricoles, au dĂ©savantage des travailleurs noirs et des autres BrĂ©siliens.
- Chaque nationalitĂ© dâimmigrants avait en son sein une Ă©lite scolarisĂ©e sur laquelle les compatriotes pouvaient sâappuyer pour, p. ex., faire face aux abus des patrons de fazenda et de la police. Cette Ă©lite immigrante employait aussi ses compatriotes dans ses propres fazendas, dans ses bureaux et dans ses boutiques, et aidait les pauvres et les analphabĂštes Ă affronter la bureaucratie de lâĂtat. Une telle assistance Ă©tait fournie aussi par les consulats, oĂč les immigrants recevaient assistance et conseil pour la dĂ©fense de leurs intĂ©rĂȘts. Chez les noirs en revanche, lâĂ©lite faisait quasiment dĂ©faut, et plus encore les consulats, et les noirs ne pouvaient recourir quâĂ lâaide de lâĂ©lite blanche locale ; lâabsence dâune Ă©lite noire contrariait lâorganisation collective des noirs et les rendait incapables de contredire les reprĂ©sentations nĂ©gatives faites Ă leur propos par les blancs.
- Les rares mulĂątres qui avaient rĂ©ussi sâefforçaient de « se blanchir » par la voie du mariage avec des personnes blanches et ne sâidentifiaient pas aux noirs pauvres. Avec le passage dâune ou de deux gĂ©nĂ©rations, leurs descendants devenaient des blancs, rejoignant la population des blancs prospĂšres.
- Les familles des immigrants étaient en moyenne plus nombreuses que celles des noirs. Les familles plus grandes avaient la préférence des patrons de fazenda et pouvaient gagner plus comme métayers ou comme colons.
- la taux dâalphabĂ©tisation des BrĂ©siliens blancs et des immigrants Ă©tait beaucoup plus Ă©levĂ© que celui des noirs, ce qui empĂȘchait ces derniers dâoccuper des emplois meilleurs dans le commerce et la fonction publique, et les bornait au travail manuel. Le racisme rencontrĂ© Ă lâĂ©cole entraĂźnait une forte dĂ©fection scolaire chez les noirs, prĂ©judiciable Ă leur instruction.
- Les noirs Ă©taient rejetĂ©s par lâĂ©lite brĂ©silienne. Ă lâinverse, les immigrants et leurs descendants sâintĂ©graient plus aisĂ©ment aux Ă©lites locales, ce qui favorisait leur ascension sociale.
- Avec leur avancement social, les immigrants et leurs descendants vinrent à dominer un nombre croissant de postes de travail et tendaient à favoriser leurs semblables, tout en intériorisant le racisme et en écartant le noir, stigmatisé comme moralement inférieur, des postes de décision.
Le salaire selon lâorigine ethnique
Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 1998 par le sociologue mineiro Simon Schwartzman a montrĂ© que lâinĂ©galitĂ© salariale au BrĂ©sil comporte elle aussi une dimension ethnique et raciale. LâĂ©tude a mis au jour que les BrĂ©siliens aux salaires les plus Ă©levĂ©s sont de couleur ou de race « jaune » et blanche, tandis que les salaires les plus bas Ă©choient gĂ©nĂ©ralement aux noirs, aux bruns (pardos) et aux indigĂšnes. Le revenu mensuel dâun BrĂ©silien blanc sâĂ©levait en moyenne Ă 848,41 rĂ©aux, dĂ©passant celui des indigĂšnes (515,07 rĂ©aux), des bruns (440,14 rĂ©aux) et des noirs (400,84 rĂ©aux)[204].
Si lâon ventile par origine ancestrale, on constate que les descendants dâimmigrants occupent le sommet de la pyramide sociale brĂ©silienne. Les personnes interrogĂ©es indiquant avoir une ancestralitĂ© juive, arabe ou japonaise Ă©taient celles qui avaient le mieux rĂ©ussi professionnellement. Les descendantes de Juifs gagnaient en moyenne 2 047,24 rĂ©aux mensuels, de Japonais 1 719,14 rĂ©aux, et dâArabes 1 759,26 rĂ©aux[204].
Dans la catĂ©gorie intermĂ©diaire se rangeaient les descendants dâItaliens (1 135,66 rĂ©aux), dâEspagnols (1 134,55 rĂ©aux), de Portugais (1 071,97 rĂ©aux) et dâAllemands (976,59 rĂ©aux). Ceux des blancs indiquant nâavoir que des origines « brĂ©siliennes » avaient en moyenne des revenus plus faibles (778,09 rĂ©aux)[204].
Les bruns indiquant avoir une ascendance africaine gagnaient 496,14 rĂ©aux, ceux revendiquant une ancestralitĂ© « brĂ©silienne », 431,64 rĂ©aux. Les noirs dâascendance africaine touchaient en moyenne 515,3 rĂ©aux et, le groupe le plus pauvre de tous, les noirs dâascendance revendiquĂ©e « brĂ©silienne », gagnaient un revenu moyen de 384,81 rĂ©aux. Il est Ă noter que les noirs et les bruns se rĂ©clamant dâune ancestralitĂ© « africaine » bĂ©nĂ©ficiaient de revenus supĂ©rieurs Ă ceux se disant dâascendance seulement « brĂ©silienne », ce qui suggĂšre quâĂ lâintĂ©rieur du groupe des noirs, lâidentification Ă une origine africaine est associĂ©e Ă une position sociale, et probablement Ă un niveau dâĂ©tudes, plus Ă©levĂ©s[204].
Présence des noirs dans le médias brésiliens
Les afrodescendants ont une assez faible visibilitĂ© dans les mĂ©dias brĂ©siliens. Ă la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne, le modĂšle hĂ©gĂ©monique blanc continue de prĂ©valoir, reflĂ©tant une tendance Ă lâeuro-nord-amĂ©ricanisation de la reprĂ©sentation tĂ©lĂ©visuelle de la rĂ©alitĂ© sociale brĂ©silienne. MalgrĂ© la rĂ©sistance culturelle et politique des groupes de pression noirs, la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne nâa toujours pas Ă©tĂ© en mesure de traduire en images les valeurs, les expĂ©riences et lâimportance de ce groupe pourtant co-formateur de la population brĂ©silienne[205]. Si la telenovela (sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e), produit important de lâindustrie culturelle brĂ©silienne, a certes dĂ©jĂ mis en scĂšne diffĂ©rentes classes sociales, ses intrigues ont cependant toujours pour centre de gravitĂ© la classe moyenne blanche et ses rapports avec les riches. La « classe moyenne de la zone Sud » est dĂ©peinte dans les telenovelas brĂ©siliennes de façon proĂ©minente et sous des traits sĂ©duisants, et les personnages de noirs apparaissent Ă lâĂ©cran conformĂ©ment Ă la vision quâont dâeux les blancs, Ă savoir comme « employĂ©s fidĂšles et anges gardiens des protagonistes et personnages les plus importants des heures de grande Ă©coute ». MĂȘme la classe moyenne noire, quand elle est donnĂ©e Ă voir dans les telenovelas, apparaĂźt tellement normale et assimilĂ©e, sans lien aucun avec la culture afro-brĂ©silienne, quâelle pourrait tout aussi bien ĂȘtre interprĂ©tĂ©e par des acteurs blancs[206].
Alors que le BrĂ©sil produit des telenovelas depuis la dĂ©cennie 1960, ce nâest quâen 1996 que pour la premiĂšre fois une actrice noire, TaĂs AraĂșjo, y apparaĂźt comme personnage central, Ă savoir dans Xica da Silva. Ă propos de cette distinction insigne dâavoir Ă©tĂ© la premiĂšre actrice noire Ă jouer un rĂŽle de premier plan dans plusieurs secteurs tĂ©lĂ©visuels, TaĂs AraĂșjo dĂ©clara quâelle se dispenserait bien de cette distinction, car celle-ci « dĂ©montre le prĂ©jugĂ© et le retard qui existent dans mon pays ». InterrogĂ©e sur les raisons pour lesquelles il y a si peu de noirs Ă la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne, lâactrice rĂ©pliqua : « parce que nous vivons dans un pays rempli de prĂ©jugĂ©s. Il existe beaucoup dâacteurs noirs sur le marchĂ©, de bons professionnels et fort bien prĂ©parĂ©s pour se colleter avec nâimporte quel personnage »[207]. Une illustration Ă©loquente de cet Ă©tat de choses se produisit en 1970, lors de lâadaptation pour la tĂ©lĂ©vision du roman amĂ©ricain La Case de l'oncle Tom, rĂ©alisĂ©e par Rede Globo. Celui Ă qui fut dĂ©volu le rĂŽle de lâoncle Tom, qui est notoirement un personnage noir dans le livre, Ă©tait lâacteur blanc SĂ©rgio Cardoso. Pour paraĂźtre noir, Cardoso devait se peindre en noir durant toute la durĂ©e du tournage. Dans Porto dos Milagres de 2001, autre adaptation dâun livre, cette fois de Jorge Amado, quasiment tous les acteurs Ă©taient blancs, alors que dans le roman originel lâhistoire se dĂ©roulait dans la Bahia et que lâauteur lui-mĂȘme dĂ©crivait ses personnages comme Ă©tant en majoritĂ© noirs[208]. En 2013, Rede Globo fut accusĂ©e de racisme dans les rĂ©seaux sociaux pour nâavoir inclus aucun acteur noir dans la telenovela Amor Ă Vida. La chaĂźne rĂ©pliqua en argumentant quâelle « ne rĂ©partit pas les rĂŽles selon la couleur de peau et que le choix des acteurs dans les novelas se fait en fonction de la compatibilitĂ© artistique avec le personnage et avec lâhistoire »[209].
En 2018, Rede Globo fit Ă nouveau lâobjet de critiques Ă cause de lâabsence de personnes noires dans sa programmation, cette fois en rapport avec la telenovela Segundo Sol, dont lâaction se situait dans lâĂtat de la Bahia, oĂč, dâaprĂšs le recensement, aux environs de 80 % de la population se dĂ©clare de couleur noire ou brune (parda) ; pourtant, les acteurs Ă©taient presque tous blancs, et des 27 acteurs apparaissant dans la sĂ©rie, seuls trois Ă©taient noirs, dont aucun ne jouait un rĂŽle de premier plan. Une grande partie du public sâen Ă©mut et sâindigna de ce manque de reprĂ©sentativitĂ©, ce qui porta le MinistĂšre public du Travail (MPT) de Rio de Janeiro Ă adresser une notification Ă Rede Globo Ă ce sujet, recommandant que la chaĂźne respecte la diversitĂ© raciale existant au BrĂ©sil[210]. Dans un communiquĂ©, la chaĂźne reconnut que la reprĂ©sentativitĂ© avait Ă©tĂ© « moindre que ce quâil lui aurait plu » (menor do que gostaria)[211]. Cette affaire eut mĂȘme un retentissement international, le journal britannique The Guardian lui consacrant un article[212].
Au BrĂ©sil, les personnages noirs sont souvent stĂ©rĂ©otypĂ©s, gĂ©nĂ©ralement cantonnĂ©s dans des rĂŽles de subordination, dâemployĂ© domestique, de chauffeur, de garde-cĂŽte ou dâhabitant de favelas. Les femmes noires sont habituellement dĂ©peintes comme des femmes Ă fort appĂ©tit sexuel et Ă la sensualitĂ© exacerbĂ©e. Les hommes noirs sont stĂ©rĂ©otypĂ©s comme dĂ©sĆuvrĂ©s et comme dĂ©linquants[208]. Alors que depuis les annĂ©es 1970, les mouvements noirs au BrĂ©sil se battent pour une meilleure reprĂ©sentation des afro-descendants dans les mĂ©dias, la tĂ©lĂ©vision brĂ©silienne persiste dans son schĂ©ma de « blanchiment » (branqueamento) et, en dĂ©pit des avancĂ©es obtenues, dans beaucoup de sĂ©ries les personnages noirs sont simplement dĂ©daignĂ©s. Abstraction faite des productions autour de thĂ©matiques esclavagistes, dans 28 sur les 98 telenovelas produites par Rede Globo dans les dĂ©cennies 1980 et 1990, il nây avait pas mĂȘme un seul personnage noir. Dans seulement 28 % de celles-ci, les acteurs noirs reprĂ©sentaient plus de 10 % de la distribution, et ce dans un pays oĂč 50 % au moins de la population est constituĂ©e de descendants dâAfricains. Aussi la telenovela, en ne reflĂ©tant pas la composition ethnique rĂ©elle de la population brĂ©silienne, se range-t-elle du cĂŽtĂ© des nĂ©gateurs de la diversitĂ© raciale du BrĂ©sil. Pas davantage, les acteurs bruns ou mĂ©tis nâobtiennent de rĂŽles de premier plan. De surcroĂźt, les sĂ©ries qui par leur thĂ©matique mettent en avant la culture ou les expĂ©riences spĂ©cifiques des Afro-BrĂ©siliens sont rarement programmĂ©es aux heures de grande Ă©coute, et restent limitĂ©es Ă quelques mini-sĂ©ries[213].
Dans le milieu publicitaire brĂ©silien, la situation nâest pas diffĂ©rente. Des noirs apparaissent dans seulement 3 % des publicitĂ©s Ă la tĂ©lĂ©vision. Dans les annĂ©es 1980, les mouvements noirs et les publicitaires se sont rĂ©unis pour analyser la faible prĂ©sence de noirs dans la publicitĂ© brĂ©silienne. On arriva Ă la conclusion que le noir Ă©tait laissĂ© de cĂŽtĂ© parce que la publicitĂ© tendait Ă se rĂ©fĂ©rer Ă un modĂšle familial en adĂ©quation avec la classe moyenne brĂ©silienne, dans laquelle les noirs nâauraient quâassez peu droit au chapitre. De plus, le noir ne serait pas un grand consommateur, les clients des agences de publicitĂ© ne souhaiteraient pas que des noirs soient inclus dans la publicitĂ© pour leur produit, et enfin, la publicitĂ© serait le reflet de la sociĂ©tĂ©, en ce compris ses prĂ©jugĂ©s. Lâessayiste et rĂ©alisateur de cinĂ©ma mineiro Joel Zito AraĂșjo, auteur dâun vaste travail de recherche sur la reprĂ©sentation du noir dans les mĂ©dias brĂ©siliens, relĂšve que « dans la logique de cette majoritĂ©, noir est Ă©gal Ă pauvre, qui est Ă©gal Ă consommation de subsistance ». De la mĂȘme façon que beaucoup de BrĂ©siliens vivent encore sous lâĂ©gide du mythe de la dĂ©mocratie raciale, beaucoup de publicitaires et de producteurs ont simplement admis lâidĂ©e que la question raciale nâest pas importante, ce qui du coup rend caduc tout souci de mettre suffisamment en scĂšne la diversitĂ© raciale du BrĂ©sil[214].
Toutefois, Ă partir de la dĂ©cennie 2000, la publicitĂ© brĂ©silienne commença Ă sâaviser que nombre de noirs ont rĂ©ussi leur ascension sociale, se muant ainsi en potentiels consommateurs. Sur les BrĂ©siliens gagnant lâĂ©quivalent de plus de vingt fois le salaire minimum, 28 % sont des noirs. Cette circonstance, ajoutĂ©e Ă la pression de groupes et de personnalitĂ©s noirs en faveur dâune plus grande reprĂ©sentation de ce segment de la population, fait que la visibilitĂ© du noir dans la publicitĂ© va croissant. Cependant, si, dans beaucoup de cas, les publicitaires sâarrangent pour placer dans leurs messages un unique noir, entourĂ© de blancs, câest dans le seul but de se conformer au politiquement correct[215].
La contrainte du branqueamento a aussi affectĂ© plusieurs figures brĂ©siliennes illustres. LâĂ©crivain Joaquim Machado de Assis, nĂ© mulĂątre et pauvre, acquit la cĂ©lĂ©britĂ© Ă lâĂąge adulte grĂące Ă son Ćuvre littĂ©raire. Les photographies officielles de Machado de Assis Ă©taient retouchĂ©es afin dâocculter les traits physiques trahissant son origine noire, et lâauteur fut rĂ©pertoriĂ© comme « blanc » sur son acte de dĂ©cĂšs[216]. En 2011, la figure de Machado de Assis fut interprĂ©tĂ©e par un acteur blanc dans un message publicitaire tĂ©lĂ©visuel de lâinstitution financiĂšre publique Caixa EconĂŽmica Federal. Ă la suite de rĂ©clamations, la banque donna ordre de refaire le spot incriminĂ©, cette fois avec un acteur afro-descendant pour incarner lâĂ©crivain[217].
La dĂ©nommĂ©e « blancheur normative » (branquidade normativa), consistant Ă prendre les blancs pour le modĂšle Ă suivre, nâest pas lâexclusivitĂ© des moyens de communication brĂ©siliens, mais apparaĂźt comme une constante dans plusieurs pays dâAmĂ©rique latine. Dans les mĂ©dias de ces pays, prĂ©senter un phĂ©notype blanc, et de prĂ©fĂ©rence nordique, est associĂ© Ă des valeurs positives, telles que beautĂ©, intelligence, habilitĂ©, niveau dâinstruction, honnĂȘtetĂ© et amabilitĂ©. Ces pays vivent dans une façon de duplicitĂ©, puisque, bien que faisant officiellement la promotion du mĂ©tissage et tirant orgueil de cela au plan international, le modĂšle blanc reste celui considĂ©rĂ© comme la norme, et les autres groupes sont exclus ou rĂ©duits Ă des stĂ©rĂ©otypes[218].
Les noirs dans les manuels scolaires
Dans les manuels scolaires brĂ©siliens, une invisibilitĂ© des noirs et une concomitante surreprĂ©sentation des blancs ont Ă©tĂ© constatĂ©es. Une Ă©tude portant sur du matĂ©riel non verbal a mis au jour que des noirs apparaissent dans seulement 11 % des cas, alors que plus de 40 % de la population brĂ©silienne se dĂ©finit comme noir ou brun (pardo)[219]. La reprĂ©sentation des noirs dans les ouvrages scolaires se caractĂ©rise en gĂ©nĂ©ral par un traitement pĂ©joratif et nettement dĂ©gradant de ces personnes, et lorsquâil est rĂ©fĂ©rĂ© Ă la couleur de peau du personnage, câest bien souvent en mauvaise part. Dans plus de 72 % des cas, le noir est montrĂ© sous un angle nĂ©gatif et dans seulement 30 % sous un angle positif ; la reprĂ©sentation des noirs dans ces ouvrages est en rĂšgle gĂ©nĂ©rale associĂ©e Ă ce quâil peut y avoir de pire dans la sociĂ©tĂ©, comme la dĂ©linquance, la drogue, lâesclavage, la misĂšre, les ordures etc.[220]. Pourtant, interrogĂ©s sur ce point, la majoritĂ© des enseignants dĂ©clare ne pas percevoir cette reprĂ©sentation nĂ©gative du noir ou nây attache pas lâimportance quâil conviendrait, voire renvoie le reproche dâentretenir des prĂ©jugĂ©s Ă lâĂ©lĂšve noir lui-mĂȘme. Pour la plupart des professeurs, le racisme sĂ©vissant dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne ne pĂ©nĂ©trerait pas jusque dans le milieu scolaire. Du cĂŽtĂ© des Ă©lĂšves, au contraire, on semble voir les choses avec plus dâacuitĂ©, et la discrimination est mieux dĂ©celĂ©e. La majoritĂ© des Ă©lĂšves dit avoir perçu que dans les livres didactiques le groupe blanc est mieux reprĂ©sentĂ© que le groupe noir, et seulement 11,11 % estiment que blancs et noirs sont reprĂ©sentĂ©s de maniĂšre Ă©gale. Toutefois, seule une minoritĂ© interprĂšte cette sous-reprĂ©sentation comme une manifestation de racisme. Les Ă©lĂšves, aprĂšs avoir Ă©tĂ© en contact avec un livre, associent Ă leurs condisciples les personnages qui y sont Ă©voquĂ©s. Ătant donnĂ© que les noirs se trouvent en majoritĂ© dĂ©peints de maniĂšre dĂ©favorable dans le manuel, les camarades de classe noirs finissent par se sentir stigmatisĂ©s et ridiculisĂ©s, avec de graves rĂ©percussions sur leur parcours scolaire[221].
LâĂ©ducatrice Andreia Lisboa de Sousa, qui a analysĂ© la reprĂ©sentation du noir dans la littĂ©rature de jeunesse, est parvenue Ă la conclusion que la reprĂ©sentation dĂ©prĂ©ciative et dĂ©gradante du noir conduit chez les Ă©lĂšves noirs Ă une forte dĂ©tĂ©rioration de lâestime de soi : « Les instruments de lĂ©gitimation que sont la famille, lâĂ©cole et les mĂ©dias tendent Ă disqualifier les attributs de la fraction ethnico-raciale noire », soutient-elle[222].
Ă partir de 2010, une controverse autour du roman de Monteiro Lobato, Caçadas de Pedrinho (littĂ©r. Chasses de Pierrot), paru en 1933, eut un certain retentissement dans la presse et dans les milieux juridiques brĂ©siliens. Dans le livre en question, qui vise un public dâenfants, un personnage noir, la servante Tante AnastĂĄcia, est traitĂ©e de « macaque de charbon » (macaca de carvĂŁo) et dĂ©crite comme une personne ayant une « chair noire »[223]. Cette Ćuvre, dont la lecture est obligatoire dans les Ă©coles publiques, fit lâobjet dâun mandat de sĂ»retĂ© (mandato de segurança) dĂ©posĂ© par lâInstituto de Advocacia Racial (Iara) auprĂšs du Tribunal suprĂȘme fĂ©dĂ©ral. Par voie de cette procĂ©dure constitutionnelle, lâIara demandait quâil soit statuĂ© sur lâaffaire par la prĂ©sidence de la rĂ©publique et requĂ©rait que le livre de Lobato soit retirĂ© de la liste de lecture obligatoire, afin que les enfants brĂ©siliens cessent dâĂȘtre confrontĂ©s Ă son contenu raciste allĂ©guĂ©. Auparavant dĂ©jĂ , une mĂȘme requĂȘte avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e devant la Chambre de lâenseignement primaire (CĂąmara de Educação BĂĄsica), mais rejetĂ©e par la Commission plĂ©niĂšre du Conseil national de lâĂducation et par le ministre de lâĂducation (MEC). Il Ă©tait demandĂ© en outre que le MEC fasse insĂ©rer des « notes explicatives » dans les exemplaires du livre fournis aux bibliothĂšques et que seuls des « professeurs prĂ©parĂ©s Ă expliquer les nuances du racisme du BrĂ©sil sous la RepĂșblica Velha » soient habilitĂ©s Ă donner cours sur le livre. En 2014, le ministre Luiz Fux, aprĂšs examen de la seule requĂȘte liminaire, sans entrer dans le fond de lâaffaire, se dĂ©clara dâaccord avec lâavis rendu par le procureur gĂ©nĂ©ral de la rĂ©publique, selon lequel le prĂ©sident ne se rendrait pas coupable de forfaiture (« omisso ») sâil dĂ©cidait de ne pas rĂ©voquer la dĂ©cision du MEC[224]. Il est notoire que Monteiro Lobato Ă©tait ouvertement raciste ; il Ă©tait membre de la SociĂ©tĂ© eugĂ©nique de SĂŁo Paulo, groupe qui affirmait la supĂ©rioritĂ© de la race blanche sur les autres races. Dans une correspondance avec un ami, il ne dissimulait pas quâil dĂ©fendait lâactivitĂ© du Ku Klux Klan au BrĂ©sil, groupement raciste qui prĂŽnait lâassassinat, le lynchage et dâautres atrocitĂ©s Ă lâencontre des noirs aux Ătats-Unis[225]. Dans ses Ćuvres, le personnage rĂ©current de Tia AnastĂĄcia est sans cesse dĂ©crit de façon dĂ©nigrante et discriminatoire[226]. Les mĂ©dias brĂ©siliens, dans leur majoritĂ©, se sont positionnĂ©s contre lâavis dĂ©favorable sur lâĆuvre de Lobato, souvent en arguant quâil sâagissait dâune tentative de « censure » et dâun « attentat Ă la libre expression des idĂ©es »[227].
Municipalités brésiliennes ayant la plus forte population afro-descendante
Selon les donnĂ©es du recensement de 2000, effectuĂ© par lâIBGE[228], sur les dix municipalitĂ©s brĂ©siliennes au plus fort taux de population noire, cinq se trouvent dans le Tocantins (TO) et trois dans le PiauĂ (PI). Le Mato Grosso (MT) et la Bahia (BA) ont chacun une municipalitĂ© dans ce palmarĂšs.
- 1) Riacho Frio (PI) â 61,71 %
- 2) Pugmil (TO) â 41,35 %
- 3) SilvanĂłpolis (TO) â 41,25 %
- 4) PedrĂŁo (BA) â 39,42 %
- 5) SĂŁo ValĂ©rio da Natividade (TO) â 36,17 %
- 6) Vera Mendes (PI) â 35,92 %
- 7) Nossa Senhora do Livramento (MT) â 35,67 %
- 8) SĂŁo FĂ©lix do Tocantins (TO) â 35,41 %
- 9) Santa Rosa do Tocantins (TO) â 33,35 %
- 10) Arraial (PI) â 32,86 %
Afro-Brésiliens notables
La communauté afro-brésilienne a offert à la société brésilienne nombre de personnalités de grand mérite, plus particuliÚrement dans les arts, la musique et les sports.
Plusieurs figures marquantes de la littĂ©rature brĂ©silienne ont des ascendances africaines, en premier lieu sans doute Machado de Assis, souvent rangĂ© parmi les plus grands Ă©crivains brĂ©siliens. MĂ©ritent mention Ă©galement : JoĂŁo da Cruz e Souza[229], poĂšte symboliste ; JoĂŁo do Rio, chroniqueur ; Maria Firmina dos Reis, abolitionniste et auteur ; JosĂ© do PatrocĂnio, journaliste ; AntĂŽnio Pedro de Figueiredo, journaliste et penseur, etc.
Dans la musique populaire, des noirs brĂ©siliens ont souvent dĂ©ployĂ© des talents remarquables et contribuĂ© Ă façonner lâidentitĂ© musicale brĂ©silienne. Ce sont notamment, dans le domaine de la samba, les maĂźtres Pixinguinha[230], Cartola[231], LupicĂnio Rodrigues[232], Geraldo Pereira[233], Wilson Moreira[234], et dans le domaine de la MPB, Milton Nascimento[235], Jorge Ben Jor[236], Gilberto Gil[237], etc.
Un autre domaine oĂč ont excellĂ© les Afro-BrĂ©siliens est le football : PelĂ©[238], Garrincha[239], lâavant-centre droit LeĂŽnidas da Silva[239], surnommĂ© « Diamant noir », sont des noms historiques et mondialement connus du football brĂ©silien ; Ronaldinho[240], RomĂĄrio[240], Robinho et nombre dâautres sont les continuateurs de cette tradition.
Parmi les athlĂštes et champions ayant acquis une grande renommĂ©e dans les sports autres que le football, on peut citer les joueurs de la NBA NenĂȘ et Leandro Barbosa, ce dernier surnommĂ© « The Brazilian Blur », en rĂ©fĂ©rence Ă sa vitesse[241], JoĂŁo Carlos de Oliveira, surnommĂ© JoĂŁo do Pulo[242], Jadel GregĂłrio, Nelson PrudĂȘncio[243] et Adhemar da Silva[244].
La capoeira, invention de noirs brésiliens, occupe une place particuliÚre dans la vie sportive au Brésil ; les maßtres de ce sport (mestres) les plus en vue sont notamment Mestre Amen Santo, Mestre Bimba[245], Mestre Cobra Mansa, Mestre João Grande, Mestre João Pequeno, Mestre Moraes, Mestre Pastinha[246] et Mestre Pé de Chumbo.
Depuis la fin de la dictature militaire, la participation de noirs Ă la vie politique brĂ©silienne sâest accrue. La premiĂšre sĂ©natrice (fĂ©minine) brĂ©silienne, Benedita da Silva[237], est noire ; mĂ©ritent dâĂȘtre signalĂ©es Ă©galement les personnalitĂ©s politiques noires Paulo Paim, membre du SĂ©nat fĂ©dĂ©ral[247] ; TalĂria Petrone, dĂ©putĂ©e de l'Ătata de Rio[248] ; Celso Pitta, ancien maire de SĂŁo Paulo[237] ; Alceu Collares, ancien gouverneur du Rio Grande do Sul[249] ; et AlbuĂno Azeredo, ancien gouverneur dâEspĂrito Santo[250]. Lâun des juges du Tribunal suprĂȘme fĂ©dĂ©ral, Joaquim Barbosa[237], est un noir. Il nây a quâun seul juge noir siĂ©geant au TST (Tribunal supĂ©rieur du travail), Carlos Alberto Reis de Paula, lequel fut aussi ministre (entre 2013 et 2014).
Plusieurs Afro-Brésiliens ont excellé comme acteurs, p. ex. Danielle Anatólio[251], Grande Otelo, Låzaro Ramos[252], Ruth de Souza[253], Zózimo Bulbul[254], Milton Gonçalves[255], Mussum, Zezé Motta[256] ; et aussi comme danseurs, notamment Isa Soares[257].
- Benedita da Silva[237]
- Paulo Paim[247]
- DJ Marky
- João Cùndido Felisberto, aux cÎtés de marins et de journalistes, pendant le dernier jour de la Révolte du fouet
Classifications et terminologie raciales
Preto et pardo font partie des cinq catĂ©gories ethniques retenues par lâInstitut brĂ©silien de gĂ©ographie et de statistiques (IBGE), au mĂȘme titre que branco (blanc), amarelo (jaune, dĂ©signant les Est-Asiatiques) et indĂgena (amĂ©rindien)[3]. En 2010, 7,6 % de la population brĂ©silienne, soit environ 15 millions de personnes, sâidentifiaient comme preto, tandis que 43 % (soit 86 millions) sâidentifiaient comme pardo. Les BrĂ©siliens ont tendance Ă classer tout individu comme preto dĂšs quâil prĂ©sente â indĂ©pendamment de ses Ă©ventuelles ascendances europĂ©ennes â des traits africains prĂ©dominants, tels quâune peau brun foncĂ© ou noire, un nez Ă©patĂ©, des lĂšvres charnues, et une chevelure frisĂ©e ; a contrario, sont classĂ©s comme pardos les individus ayant ce type de traits dâune façon moins prononcĂ©e[68].
Depuis le dĂ©but du XXIe siĂšcle, les agences gouvernementales brĂ©siliennes, dont le SecrĂ©tariat national aux Politiques de promotion de lâĂ©galitĂ© raciale (en port. Secretaria Nacional de PolĂticas de Promoção da Igualdade Racial, sigle SEPPIR) et lâInstitut de Recherches Ă©conomiques appliquĂ©es (Instituto de Pesquisa EconĂŽmica Aplicada, IPEA), avaient envisagĂ© de rĂ©unir les catĂ©gories preto et pardo en une seule entitĂ© nommĂ©e negro, au motif que ces groupes prĂ©sentaient tous deux des taux de discrimination socio-Ă©conomique et que, ce faisant, il serait plus aisĂ© dâaider les personnes exclues de lâascension sociale. La controverse que provoqua cette dĂ©cision montre quâaucun consensus nâexiste sur ce point dans la sociĂ©tĂ© brĂ©silienne[263] - [264].
Les BrĂ©siliens nâemploient guĂšre la tournure « BrĂ©silien africain », dâinspiration amĂ©ricaine, comme expression dâidentitĂ© ethnique[1], et ne le font jamais dans le discours familier : lâenquĂȘte de lâIBGE sur l'activitĂ© professionnelle (PME) de indique que de tous les noirs brĂ©siliens, seuls 10 % sâidentifient comme Ă©tant « dâorigine africaine », la plupart en effet se qualifiant comme « dâorigine brĂ©silienne »[204]. Dans la mĂȘme enquĂȘte PME de , les catĂ©gories « Afro-Brasileiro » (Afro-BrĂ©silien) et « Africano Brasileiro » (Africain brĂ©silien) nâont pas Ă©tĂ© cochĂ©es du tout ; la catĂ©gorie « Africano » (Africain) nâa Ă©tĂ© choisie que par 0,004 % des rĂ©pondants[265]. Dans lâEnquĂȘte nationale auprĂšs dâun Ă©chantillon de mĂ©nages (Pesquisa Nacional por Amostra de DomicĂlios, PNAD) de 1976, aucun de ces termes nâavait Ă©tĂ© utilisĂ© une seule fois[266].
Le gĂ©nĂ©ticien brĂ©silien SĂ©rgio Pena a critiquĂ© le chercheur amĂ©ricain Edward Telles pour avoir mĂȘlĂ© pretos et pardos dans la mĂȘme catĂ©gorie. Selon lui en effet, « lâanalyse gĂ©nĂ©tique autosomique que nous avons effectuĂ©e chez des individus non apparentĂ©s de Rio de Janeiro montre que cela nâa aucun sens de mettre pretos et pardos dans la mĂȘme catĂ©gorie »[267]. Attendu que beaucoup de pardos sont fondamentalement dâascendance europĂ©enne, Pena doute de lâopportunitĂ© de les regrouper, pour les besoins de lâanalyse statistique, avec les pretos, lesquels sont fondamentalement dâascendance africaine. P. ex., lors dâune Ă©tude gĂ©nĂ©tique autosomique menĂ©e sur des Ă©lĂšves dâune banlieue pauvre de Rio de Janeiro, il fut constatĂ© que les pardos parmi les Ă©lĂšves avaient en moyenne une ascendance Ă 80 % europĂ©enne. Avant lâĂ©tude, les Ă©lĂšves, quand on les interrogeait, sâĂ©taient identifiĂ©s comme â europĂ©en, â africain et â amĂ©rindien[268] - [79].
DâaprĂšs Edward Telles[269], trois systĂšmes diffĂ©rents de « classification raciale » de lâĂ©ventail blanc-noir sont en usage au BrĂ©sil[270]. Le premier est celui propre au recensement officiel, organisĂ© par lâIBGE. Lors de ce recensement, les rĂ©pondants peuvent indiquer leur ethnicitĂ© ou leur couleur de peau en choisissant parmi cinq catĂ©gories : branco (blanc), pardo (brun), preto (noir), amarela (jaune) ou indĂgena (amĂ©rindien). Le terme pardo, systĂ©matiquement utilisĂ© depuis le recensement de 1940, appelle de plus amples explications. Lors de ce premier recensement, les citoyens Ă©taient interrogĂ©s sur leur « couleur ou race », et si la rĂ©ponse nâĂ©tait ni « blanc », ni « noir », ni « jaune », les enquĂȘteurs avaient la consigne de mettre une rature Ă travers le cadre « couleur ou race ». Ensuite, ces ratures Ă©taient additionnĂ©es, puis assignĂ©es Ă la catĂ©gorie pardo. En pratique, cela revenait Ă y ranger toutes les rĂ©ponses telles que pardo, moreno, mulato, caboclo etc., qui toutes indiquent une race mixte. Dans les recensements suivants, pardo fut ajoutĂ© comme catĂ©gorie Ă part, mais comprenait encore les AmĂ©rindiens[270] - [271]. Ces derniers ne feront lâobjet dâune catĂ©gorie sĂ©parĂ©e quâĂ partir de 1991.
Le deuxiĂšme systĂšme Ă©voquĂ© par Telles est la classification qui a cours dans la population brĂ©silienne ordinaire, qui fait entrer en jeu un grand nombre de catĂ©gories diffĂ©rentes, y compris le terme ambigu moreno (brun, olivĂątre, vocable qui â au contraire de son Ă©quivalent espagnol, applicable Ă toutes les catĂ©gories dâobjets â ne sâapplique quâĂ la complexion humaine)[272]. Deux enquĂȘtes de lâIBGE, menĂ©es Ă plus dâune vingtaine dâannĂ©es dâĂ©cart, â lâenquĂȘte sur le budget des mĂ©nages (PNAD) de 1976, et lâenquĂȘte mensuelle sur les forces de travail (PME) de â, ont Ă©tĂ© analysĂ©es pour Ă©tablir comment les BrĂ©siliens se voient eux-mĂȘmes du point de vue racial (lâIBGE se proposait dâutiliser les donnĂ©es obtenues pour ajuster les classifications en vue des futurs recensements ; cependant, aucune des deux enquĂȘtes nâa dĂ©bouchĂ© sur une modification de ces catĂ©gorisations raciales). Lâinstitut Datafolha a Ă©galement menĂ© une Ă©tude sur le sujet. Les rĂ©sultats de ces deux Ă©tudes ne coĂŻncident pas entiĂšrement, mais apparaissent se recouper sur quelques points fondamentaux. PremiĂšrement, les termes raciaux existent en grand nombre au BrĂ©sil, ce qui dĂ©note une certaine flexibilitĂ© dans la maniĂšre dâenvisager la question. LâenquĂȘte PNAD de 1976 a permis de constater que la population brĂ©silienne utilisait plus de 136 dĂ©signations diffĂ©rentes pour qualifier la race[273], tandis que lâenquĂȘte PME de en comptabilisa 143[274]. Toutefois, la plupart de ces termes ne sont utilisĂ©s que par de petits groupes de gens. Edward Telles note que 95 % de la population emploie lâun des 6 termes diffĂ©rents suivants pour caractĂ©riser leur couleur de peau : branco, moreno, pardo, moreno-claro, preto et negro. Petruccelli a montrĂ© que les 7 rĂ©ponses les plus frĂ©quentes (les susmentionnĂ©es, plus amarelo) rendent compte de 97 % des rĂ©ponses donnĂ©es, et que les 10 plus frĂ©quentes â les prĂ©cĂ©dentes plus mulata, clara, et morena-escura (brun foncĂ©) â reprĂ©sentent 99 % des rĂ©ponses[275]. Analysant les donnĂ©es de lâenquĂȘte PME de , Petruccelli trouva que 77 dĂ©nominations avaient Ă©tĂ© mentionnĂ©es par une seule et mĂȘme personne dans lâĂ©chantillon. Douze reposaient sur un malentendu, les rĂ©pondants utilisant en effet des termes renvoyant Ă une origine nationale ou rĂ©gionale (française, italienne, bahianaise, cearense, etc.). Beaucoup de ces termes raciaux Ă©taient (ou auraient pu ĂȘtre) des caractĂ©risations de la couleur de peau telle que rĂ©sultant de lâexposition au soleil (amorenada, bem morena, branca-morena, branca-queimada, corada, bronzeada, meio morena, morena-bronzeada, morena-trigueira, morenada, morenĂŁo, moreninha, pouco morena, queimada, queimada de sol, tostada, rosa queimada, tostada). Dâautres sont de toute Ă©vidence des variations de la mĂȘme idĂ©e (preto, negro, escuro, crioulo, retinto, pour « noir », alvo, claro, cor-de-leite, galego, rosa, rosado, pĂĄlido, pour « blanc », pardo, mulato, mestiço, misto, pour « pardo »), ou des nuances du mĂȘme concept (branco moreno, branco claro), et peuvent ĂȘtre regroupĂ©s avec lâun des termes raciaux dâusage gĂ©nĂ©ral sans fausser lâinterprĂ©tation[275]. Certaines rĂ©ponses semblent exprimer un franc refus de classification, crĂ»ment signifiĂ© Ă lâenquĂȘteur : azul-marinho (bleu marine), azul (bleu), verde (vert), cor-de-burro-quando-foge (couleur-dâĂąne-en-fuite), etc. Pour rappel : dans lâenquĂȘte PME de , les catĂ©gories Afro-Brasileiro et Africano Brasileiro nâĂ©taient pas utilisĂ©es du tout ; la catĂ©gorie Africano nâĂ©tait employĂ© que par 0,004 % des personnes interrogĂ©es[276]. Dans lâenquĂȘte PNAD de 1976, aucun de ces termes nâa Ă©tĂ© utilisĂ© ne serait-ce quâune seule fois[273].
Un Ă©cart notable entre le systĂšme populaire et celui de lâIBGE est lâusage fort rĂ©pandu dans la population brĂ©silienne du terme moreno, mot que lâon peine Ă traduire, et qui peut avoir plusieurs sens diffĂ©rents. DĂ©rivĂ© du latin maurus, signifiant « originaire de Mauritanie »[277], le mot a traditionnellement servi Ă dĂ©signer les personnes blanches Ă chevaux noirs, par opposition Ă ruivo (roux) et louro (blond)[278], mais il est aussi utilisĂ© communĂ©ment pour dĂ©signer des personnes Ă la complexion olivĂątre, trait souvent rencontrĂ© en association avec les cheveux noirs[279]. Il est appliquĂ© Ă©galement aux personnes au teint hĂąlĂ© par le soleil, par contraste avec pĂĄlido (pĂąle) et amarelo (jaune), ces deux derniers vocables qualifiant dans ce cas les personnes non souvent exposĂ©es au soleil. Enfin, moreno est frĂ©quemment utilisĂ© comme euphĂ©misme pour pardo et preto[280].
Le troisiĂšme systĂšme de classification raciale est celui du Mouvement noir brĂ©silien, qui, en regroupant pretos (« noirs », avec minuscule initiale) et pardos sous la mĂȘme dĂ©nomination de Negros (« Noirs », avec majuscule), et en cataloguant tous les autres comme blancs, aboutit Ă ne plus distinguer que deux catĂ©gories seulement[281]. Ce systĂšme semble rejoindre celui du mouvement Black Power aux Ătats-Unis, ou renvoyer, historiquement, Ă la rĂšgle discriminatoire de lâunique goutte de sang[282] ; toutefois, au BrĂ©sil, le mouvement noir admet au contraire que les personnes ayant quelque ascendance africaine ne sont pas toutes Ă considĂ©rĂ©r comme noires[283]. Le mouvement est conscient que bon nombre de BrĂ©siliens ont des ascendances africaines (ou amĂ©rindiennes, ou les deux) ; par consĂ©quent, le mouvement noir ne saurait sâappuyer sur la RĂšgle de lâunique goutte[284], car cela enlĂšverait toute signification aux actions affirmatives. DeuxiĂšmement, la principale prĂ©occupation du mouvement noir brĂ©silien nâest pas dâordre culturel, mais bien plutĂŽt Ă©conomique : ses membres nâaspirent pas Ă sâidentifier ou Ă renouer avec lâAfrique, mais dâabord Ă corriger une situation Ă©conomique dĂ©savantageuse pour eux et partagĂ©e par lâensemble des non blancs (Ă lâexception de ceux dâorigine est-asiatique), ce qui les incite Ă les grouper sous une mĂȘme catĂ©goire noire.
Cependant, cette tendance Ă diviser les BrĂ©siliens entre brancos et Negros, perçue comme ayant Ă©tĂ© inspirĂ©e par la rĂšgle amĂ©ricaine de lâunique goutte, se trouve fort critiquĂ©e au BrĂ©sil. Le sociologue DemĂ©trio Magnoli notamment considĂšre que classer comme noirs lâensemble des pretos et pardos va Ă rebours de la vision raciale des BrĂ©siliens, et argue que les universitaires et militants du Mouvement noir brĂ©silien font une interprĂ©tation erronĂ©e de lâample variĂ©tĂ© de catĂ©gories intermĂ©diaires, caractĂ©ristique du systĂšme populaire, lorsquâils regardent cette variĂ©tĂ© comme Ă©tant le rĂ©sultat du racisme brĂ©silien, celui-ci portant, selon eux, les noirs Ă rĂ©pudier leur identitĂ© et Ă se rĂ©fugier dans les euphĂ©mismes[285]. Magnoli se rĂ©fĂšre Ă une enquĂȘte sur la race menĂ©e dans la municipalitĂ© bahianaise de Rio de Contas, oĂč lâoption de rĂ©ponse pardo (brun) avait Ă©tĂ© remplacĂ©e par moreno. Dans cette ville dâenviron 14 000 habitants, oĂč 58 % des habitants sont des blancs, la catĂ©gorie moreno fut choisie non seulement par les pardos, mais aussi par prĂšs de la moitiĂ© de ceux qui aupravant avaient Ă©tĂ© identifiĂ©s comme blancs, et une moitiĂ© de ceux auparavant identifiĂ©s comme pretos se dĂ©cidĂšrent Ă©galement pour la catĂ©gorie moreno[286].
Plus rĂ©cemment, le terme dâafro-descendente a Ă©galement Ă©tĂ© adoptĂ©[287], mais il reste restreint au domaine didactique, dont notamment les discussions officielles et universitaires, Ă©tant en effet lui aussi perçu par certains comme une imposition culturelle issue du « politiquement correct » en vigueur aux Ătats-Unis.
Selon une enquĂȘte tenue en 2000 Ă Rio de Janeiro, la totalitĂ© de la population sâauto-dĂ©finissant preto indiquait avoir des ascendances africaines, ainsi que 86 % de ceux auto-qualifiĂ©s pardo (brun) et 38 % de la population se disant blanche. Il est notable dâautre part que 14 % des pardos de Rio de Janeiro affirmaient nâavoir pas dâancĂȘtres africains ; ce pourcentage pourrait ĂȘtre plus Ă©levĂ© encore dans le nord du BrĂ©sil, oĂč la contribution ethnique des populations amĂ©rindiennes est plus importante[288].
Les classifications raciales au BrĂ©sil reposent sur la couleur de peau et sur dâautres caractĂ©ristiques physiques tels que traits du visage, texture des cheveux, etc.[289] Scientifiquement, lâapparence physique, et en particulier la couleur de peau, nâest cependant quâune mĂ©diocre indication de lâancestralitĂ© dâune personne, car la couleur est dĂ©terminĂ©e par un jeu de gĂšnes peu nombreux, et il peut arriver quâune personne considĂ©rĂ©e blanche ait une ascendance africaine plus importante quâune personne considĂ©rĂ©e noire, et inversement[290].
Bibliographie
- Roger Bastide, Les Amériques noires : les civilisations africaines dans le nouveau monde, L'Harmattan, (ISBN 9782738443090, lire en ligne)
- (pt) Nei Lopes, Enciclopédia brasileira da diåspora africana, São Paulo, éd. Selo Negro, , 720 p. (ISBN 85-87478-21-4, lire en ligne).
Liens externes
- Observatório da População Negra
- Identidade e Diversidade Ătnicas nas Irmandades Negras no Tempo da EscravidĂŁo, JoĂŁo JosĂ© Reis
- Secretaria de PolĂticas de Promoção da Igualdade Racial
- As Pesquisas na Bahia sobre os Afro-brasileiros
- Museu Afro-brasileiro
- A Cor da Cultura - Photographies et histoire
- Ilé Aiyé (House of Life), documentaire de David Byrne sur le Candomblé (1989)
- Brazilian Beats - Musique afro-brésilienne
- Estudos afro-brasileiros
- Brasil DNA Ăfrica
- Biblioteca de referĂȘncia NEAB-UDESC: disseminando a histĂłria e memĂłria dos afrodescendentes em Santa Catarina Graziela dos Santos Lima, Paulino de Jesus Fracisco Cardoso.
Références
- (pt)/(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu des articles intitulés en portugais « Afro-brasileiros » (voir la liste des auteurs) et en anglais « Afro-Brazilians » (voir la liste des auteurs).
- (pt) « CaracterĂsticas Ătnico-raciais da População:ClassificaçÔes e identidades » [archive du ], IBGE, : « Depuis 1945, un Mouvement noir brĂ©silien a conduit Ă ce que beaucoup de personnes usent du terme (et du concept) dâAfro-BrĂ©silien. Cependant, ce terme a Ă©tĂ© forgĂ© aux Ătats-Unis et reste associĂ© Ă ce pays et Ă sa culture, et sâinscrit dans une perspective culturaliste. », p. 58
- Mara Loveman, Jeronimo O. Muniz et Stanley R. Bailey, « Brazil in black and white? Race categories, the census, and the study of inequality », Ethnic and Racial Studies, vol. 35, no 8,â , p. 1466â1483 (DOI 10.1080/01419870.2011.607503, lire en ligne [archive du ])
- « Censo 2010 », IGBE
- IBGE. Censo DemogrĂĄfico 2010.
- « CaracterĂsticas raciais » [archive du ] (consultĂ© le )
- (pt) Darcy Ribeiro, O povo brasileiro: a formação e o sentido do Brasil, São Paulo, Companhia das Letras, (lire en ligne).
- (pt) PetrĂŽnio JosĂ© Domingues, « Negros de almas brancas? A ideologia do branqueamento no interior da comunidade negra em SĂŁo Paulo (1915-1930) », Estudos Afro-AsiĂĄticos, Rio de Janeiro, no 3,â , p. 563-599 (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) Elaine Pereira Rocha, « Antes Ăndio que negro », DimensĂ”es (Revista de HistĂłria da Ufes), vol. 18,â , p. 203-220 (lire en ligne).
- Laura Capriglione, « Cor de celebridades revela critĂ©rios "raciais" do Brasil », Folha de S. Paulo, SĂŁo Paulo,â (lire en ligne).
- (pt) « As raças não existem », historianet.com.br (version du 4 octobre 2009 sur Internet Archive).
- (pt) Célia Maria Marinho de Azevedo, Anti-racismo e seus paradoxos: reflexÔes sobre cota racial, raça e racismo, São Paulo, Annablume, , 144 p..
- (pt) « Um branco pode ser negro, nĂŁo Ăš uma questĂŁo biolĂłgica mas polĂtica » [archive du ] (consultĂ© le ).
- Fernanda Bassette, « Cotas na UnB: gĂȘmeo idĂȘntico Ă© barrado », Globo1, .
- (pt) Demétrio Magnoli, Uma Gota de Sangue. História do pensamento racial, São Paulo, Editora Contexto, (ISBN 9788572445832).
- « Cópia arquivada » [archive du ] (consulté le ).
- (pt) JosĂ© Murilo de Carvalho, « GenocĂdio racial estatĂstico », O Globo, Rio de Janeiro,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (pt) Thomas E. Skidmore, Preto no Branco. Raça e Nacionalidade no Pensamento Brasileiro, São Paulo, Companhia das Letras, , 391 p.
- « Branqueamento e branquitude no Brasil » [archive du ] (consulté le ).
- (pt) « Lei 10639 », www.planalto.gov.br.
- « Lei 12288 », www.planalto.gov.br
- « Lei 12519 », sur www.planalto.gov.br.
- Ministerio da Educação, « Lei de Cotas para o Ensino Superior », MinistĂšre brĂ©silien de lâĂ©ducation.
- « Lei 12990 », www.planalto.gov.br.
- (en) Orlando Patterson, Slavery and Social Death: A Comparative Study, Cambridge, Harvard University Press, , 511 p. (ISBN 978-0674810839)
- Collectif, La traite esclavagiste : Son histoire, sa mémoire, ses effets, Karthala, , 336 p. (ISBN 978-2865379439)
- Stephen D. Behrendt, David Richardson et David Eltis, W. E. B. Du Bois Institute for African and African-American Research, Université Harvard, basé sur les registres de 27233 voyages entrepris pour obtenir des esclaves destinés aux Amériques.
- Stephen Behrendt, Africana: The Encyclopedia of the African and African American Experience, New York, Basic Civitas Books, (ISBN 0-465-00071-1), « Transatlantic Slave Trade ».
- (en) Herbert S. Klein, African Slavery in Latin America and the Caribbean, New York, Oxford University Press, , p. 22
- (en) John Thornton, Africa and Africans in the Making of the Atlantic World, 1400-1800, Cambridge, Cambridge University Press, , 340 p., p. 130â131
- J. Thornton (1998), p. 134.
- H. S. Klein (1986), p. 41.
- H. S. Klein (1986), p. 42.
- (en) David Eltis (de lâuniversitĂ© Emory), « Bref rĂ©sumĂ© de la traite transatlantique dâesclaves. Lâesclavage dâAfricains », (consultĂ© le )
- (en) David Eltis, « Bref rĂ©sumĂ© de la traite transatlantique dâesclaves. Fin du trafic dâesclaves », (consultĂ© le )
- (pt) « Congada: Festa folclórica une tradiçÔes africanas e ibéricas », UOL (consulté le ).
- (pt) « O maracatu », Nova Escola (consulté le ).
- J. F. Ade Aja Yi (Ă©d.), HistĂłria Geral da Afrique, vol. VI (Ăfrica do sĂ©culo XIX Ă dĂ©cada de 1880), UNESCO, (lire en ligne)
- (pt) « (copie archivée) » [archive du ], IBGE
- « (copie archivée) » [archive du ] (consulté le )
- Felipe Miguel Marmello Barreiro, « PĂĄgina 404 - IBGE: Instituto Brasileiro de Geografia e EstatĂstica » [archive du ], IBGE (consultĂ© le )
- Toby Green, Inquisição. O Reinado do Medo, Editora Objetiva, , p. 463
- (pt) JĂșnia Ferreira Furtado, Chica da Silva e o Contratador de Diamantes. O Outro Lado do Mito, SĂŁo Paulo, Companhia das Letras, , 403 p.
- (pt) Flåvia Campany do Amaral, « Os negociantes de escravos e a pressão inglesa pela abolição do tråfico transatlùntico (1830-1850) », Polis (UFF),
- (pt) Celia Maria Marinho de Azevedo, Abolicionismo: Estados Unidos e Brasil, uma história comparada: século XIX, Annablume, , p. 249
- (pt) « Queda Imperio Velha Monarquia » [archive du ] (consulté le )
- « RĂ©gions dâorigine des Africains dĂ©barquĂ©s au BrĂ©sil » [archive du ], (consultĂ© le )
- (pt) FlĂĄvio Pinheiro et Cristiane Costa, « A escravidĂŁo e seus mitos. Entrevista com Manolo Florentino », Jornal do Brasil,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Philip Curtin, « Gorée and the Atlantic Slave Trade », History Net (consulté le )
- Les Guides Bleus: Afrique de l'Ouest, , p. 123
- « Slave Route Project. Projeto Rota dos Escravos. Carte des roues dâesclaves », UNESCO 2000 (consultĂ© le )
- (pt) Luiz Vianna Filho, O negro na Bahia, São Paulo, José Olympio, (lire en ligne)
- (pt) Rodrigo Castro Rezende, « As Nossas Ăfricas: Um Estudo Comparativo sobre a Composição Ătnica dos Escravos nas Minas Gerais dos SĂ©culos XVIII E XIX », ICHS, Universidade Federal de Ouro Preto.
- « RĂ©gions de dĂ©barquement dâAfricains au BrĂ©sil » [archive du ], (consultĂ© le )
- (pt) Rita Chaves, Carmen Secco et TĂąnia Macedo, Brasil/Ăfrica. Como se o mar fosse mentira, SĂŁo Paulo, UNESP, , 456 p. (ISBN 8571397031).
- Le premier ouvrage sur lâhistoire des Tabons ("Tabom. A comunidade de afro-brasileiros do Gana") a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© par le BrĂ©silien Marco Aurelio Schaumloeffel.
- Os âbrasileirosâ do Benin, par Milton Guran Milton Guran, « Os âbrasileirosâ do Benin », (sur Internet Archive)
- (pt) Claudia Silva Jacobs, « Agudås, um pedaço do Brasil no Benin », BBC, (consulté le )
- « A visita ao IlĂȘ AxĂ© OpĂŽ AfonjĂĄ » [archive du ]
- (pt) Darcy Ribeiro, O Povo Brasileiro, (lire en ligne)
- « Especial RaĂzes Afro-brasileiras », BBC,
- « DNA do Negro - Negros de Origem Européia », Afrobras
- SĂ©rgio D.J. Pena et Maria CĂĄtira Bortolini, « Pode a genĂ©tica definir quem deve se beneficiar das cotas universitĂĄrias e demais açÔes afirmativas? », Estudos Avançados, SĂŁo Paulo, vol. 18, no 50,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « Daiane dos Santos é 'protótipo da brasileira' », BBC,
- « Neguinho da Beija-Flor tem mais gene europeu », BBC,
- « Ninguém sabe como me definir, diz atriz negra e '70% européia' », BBC,
- « Tenho orgulho de ser quase 100% africana », BBC,
- « Milton Nascimento é '99,3% africano' », BBC,
- SĂ©rgio D. J. Pena, Pietro Giuliano Di, Mateus Fuchshuber-Moraes, Julia Pasqualini Genro, Mara H. Hutz, Fernanda de Souza Gomes Kehdy, Fabiana Kohlrausch, Luiz Alexandre Viana Magno, Raquel Carvalho Montenegro, Manoel Odorico Moraes, Maria Elisabete Amaral de Moraes, Milene Raiol de Moraes, Ălida B. Ojopi, Jamila A. Perini, Clarice Racciopi, Ăndrea Kely Campos Ribeiro-dos-Santos, FabrĂcio Rios-Santos, Marco A. Romano-Silva, Vinicius A. Sortica et Guilherme Suarez-Kurtz, « The Genomic Ancestry of Individuals from Different Geographical Regions of Brazil Is More Uniform Than Expected », PLOS ONE, vol. 6, no 2,â , e17063 (DOI 10.1371/journal.pone.0017063, lire en ligne)
- (pt) « Seja um amigo doador. EstatĂsticas sobre os doadores de sangue » [archive du ], sur www.amigodoador.com.br, iSee Comunicação (consultĂ© le )
- (pt) Neide Maria de Oliveira Godinho, « O impacto das migraçÔes na constituição genĂ©tica de populaçÔes latino-americana (thĂšse de doctorat) », Brasilia, Universidade de BrasĂlia, Instituto de CiĂȘncias biolĂłgicas,
- (en) Assis Poiares et al., « Allele frequencies of 15 STRs in a representative sample of the Brazilian population », Forensic Sci Int Genet., vol. 4(2):e61-3,â (Allele frequencies of 15 STRs in a representative sample of the Brazilian population)
- (pt) Reinaldo JosĂ© Lopes, « DNA de brasileiro Ă© 80% europeu, indica estudo », Folha de S. Paulo,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Fernanda Saloum de Neves Manta, Rui Pereira, Romulo Vianna, Alfredo Rodolfo BeuttenmĂŒller de AraĂșjo, Daniel Leite GĂłes GitaĂ, Dayse Aparecida da Silva, EldamĂĄria de Vargas Wolfgramm, Isabel da Mota Pontes, JosĂ© Ivan Aguiar, Milton OzĂłrio Moraes, Elizeu Fagundes de Carvalho et Leonor GusmĂŁo, « Revisiting the Genetic Ancestry of Brazilians Using Autosomal AIM-Indels », PLOS ONE, Dennis O'Rourke, universitĂ© d'Utah, vol. 8, no 9,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Ronald Rodrigues de Moura, Antonio Victor Campos Coelho, Valdir de Queiroz Balbino, Sergio Crovella et Lucas AndrĂ© Cavalcanti BrandĂŁo, « Meta-analysis of Brazilian genetic admixture and comparison with other Latin America countries », American Journal of Human Biology, vol. 27, no 5,â , p. 674â680 (DOI 10.1002/ajhb.22714, lire en ligne)
- (en) SĂ©rgio D.J. Pena, L. Bastos-Rodrigues, S.P. Bydlowski et J.R. Pimenta, « DNA tests probe the genomic ancestry of Brazilians », Brazilian Journal of Medical and Biological Research, SĂŁo Paulo, vol. 42, no 10,â , p. 870-876 (lire en ligne, consultĂ© le )
- Lilian de Assis Poiares, Paulo de SĂĄ Osorio, FĂĄbio Alexandre Spanhol, Sidnei CĂ©sar Coltre, Rodrigo Rodenbusch, Leonor GusmĂŁo, Alvaro Largura, Fabiano Sandrini et ClĂĄudia Maria Dornelles da Silva, « Allele frequencies of 15 STRs in a representative sample of the Brazilian population », Forensic Science International. Genetics, vol. 4, no 2,â , p. 61â63 (PMID 20129458, DOI 10.1016/j.fsigen.2009.05.006, lire en ligne)
- Tulio C. Lins, Rodrigo G. Vieira, Breno S. Abreu, Dario Grattapaglia et Rinaldo W. Pereira, « Genetic composition of Brazilian population samples based on a set of twenty-eight ancestry informative SNPs », American Journal of Human Biology, vol. 22, no 2,â , p. 187â192 (DOI 10.1002/ajhb.20976, lire en ligne)
- « Pensamento » [archive du ] (consulté le )
- « Negros e pardos do Rio tĂȘm mais genes europeus do que imaginam, segundo estudo » [archive du ] (consultĂ© le )
- (pt) Caio Barretto Briso, « Um barão negro, seu palåcio e seus 200 escravos. », O Globo, (consulté le )
- (pt) Caio Barretto Briso, « A histĂłria esquecida do 1Âș barĂŁo negro do Brasil ImpĂ©rio, senhor de mil escravos. », BBC, (consultĂ© le )
- (pt) SĂ©rgio D. J. Pena, « RazĂ”es para banir o conceito de raça da medicina brasileira », HistĂłria, CiĂȘncias, SaĂșde-Manguinhos, Rio de Janeiro, vol. 12, no 2,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) Antonio S. Ramalho, LuĂs A. Magna et Tiago Giraldi, « A complexidade da mistura racial no Brasil: A hemoglobina S como marcador Ă©tnico nas suas populaçÔes », Revista Brasileira de Hematologia e Hemoterapia, SĂŁo JosĂ© do Rio Preto, vol. 28, no 1,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) MarĂlia de Oliveira Scliar, « Estudos sobre a histĂłria da população de Belo Horizonte e de uma população rural afrodescendente utilizando microssatĂ©lites (mĂ©moire de maĂźtrise) », Belo Horizonte, Universidade Federal de Minas Gerais. Departamento de Biologia Geral. Instituto de CiĂȘncias BiolĂłgicas, (consultĂ© le )
- Maria Clara F. da Silva, Luciana W. Zuccherato, Flavia C. Lucena, Giordano B. Soares-Souza, Zilma M. Vieira, SĂ©rgio D.J. Pena, Marina L. Martins et Eduardo Tarazona-Santos, « Extensive admixture in Brazilian sickle cell patients: implications for the mapping of genetic modifiers », Blood, vol. 118, no 16,â , p. 4493â4495 (PMID 22021456, PMCID PMC3204916, DOI 10.1182/blood-2011-06-361915, lire en ligne)
- (pt) SĂ©rgio D. J. Pena et Maria CĂĄtira Bortolini, « Pode a genĂ©tica definir quem deve se beneficiar das cotas universitĂĄrias e demais açÔes afirmativas? », Estudos Avançados, vol. 18, no 50,â , p. 31â50 (DOI 10.1590/S0103-40142004000100004, lire en ligne)
- (en) E.M. Queiroz, A.M. Santos, I.M. Castro, G.L.L. Machado-Coelho, A.P.C. CĂąndido, T.M. Leite, R.W. Pereira et R.N. Freitas, « Genetic composition of a Brazilian population: the footprint of the Gold Cycle », Genetics and Molecular Research, vol. 12, no 4,â , p. 5124-5133 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) S.D.J. Pena, L. Bastos-Rodrigues, J.R. Pimenta et S.P. Bydlowski, « DNA tests probe the genomic ancestry of Brazilians », Brazilian Journal of Medical and Biological Research, SĂŁo Paulo, no 42,â , p. 870-876 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) M.C.F. Silva, L.W. Zuccherato, G.B. Soares-Souza1, Z.M. Vieira, L. Cabrera, P. Herrera, J. Balqui, C. Romero, H. Jahuira, R.H. Gilman, M.L. Martins et E. Tarazona-Santos, « Development of two multiplex mini-sequencing panels of ancestry informative SNPs for studies in Latin Americans: an application to populations of the State of Minas Gerais (Brazil) », Genetics and Molecular Research, vol. 9, no 4,â , p. 2069-2085 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Copie archivée » [archive du ] (consulté le )
- (en) D. F. Roberts et R. W. Hiorns, « Methods of Analysis of a Hybrid Population », Human Biology, vol. 37, no 1,â .
- « Brasileiro nacional » [archive du ] (consulté le )
- Francileide Lisboa Ferreira, Emygdia Rosa Leal-Mesquita, Sidney Emanuel Batista dos Santos et Ăndrea Kely Campos Ribeiro-dos-Santos, « Genetic characterization of the population of SĂŁo LuĂs, MA, Brazil », Genetics and Molecular Biology, vol. 28, no 1,â , p. 22â31 (DOI 10.1590/S1415-47572005000100004, lire en ligne)
- (en) Wellington dos Santos Silva, Maria de NazarĂ© Klautau-GuimarĂŁes et Cesar Koppe Grisolia, « ÎČ-globin haplotypes in normal and hemoglobinopathic individuals from Reconcavo Baiano, State of Bahia, Brazil », Genetics and Molecular Biology, vol. 33, no 3,â .
- « Copie archivée » [archive du ], web2.sbg.org.br (consulté le )
- « sans.pdf » [archive du ], www.fhuce.edu.uy (consulté le )
- (en) M.H. Franco, T.A. Weimer et F.M.Salzano, « Blood polymorphisms and racial admixture in two Brazilian populations », American Journal of Physical Anthropology, Wiley Periodicals, Inc., vol. 58, no 2,â , p. 127-32 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Flavia C. Parra, Roberto C. Amado, JosĂ© R. Lambertucci, Jorge Rocha, Carlos M. Antunes et SĂ©rgio D. J. Pena, « Color and genomic ancestry in Brazilians », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 100, no 1,â , p. 177â182 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- « (Copie archivée) » [archive du ] (consulté le )
- (pt) Maria AngĂ©lica Floriano Pedrosa, « Composição genĂ©tica de quatros populaçÔes remanescentes de quilombos do Brasil com base em microssatĂ©lites e marcadores de ancestralidade (mĂ©moire de maĂźtrise) », Repositorio.unb.br, Brasilia, universitĂ© de BrasĂlia, Instituto de CiĂȘncias BiolĂłgicas, Departamento de Biologia Celular,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) Nina Rodrigues, Os Africanos no Brasil, SĂŁo Paulo / Brasilia, Ed. Nacional / Ed. Universidade de BrasĂlia, 1982 (6e Ă©d. ; 1re Ă©d. 1932).
- (pt) Arthur Ramos, O negro brasileiro: ethnographia religiosa e psychanalyse, Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 1940 (2d éd. ; 1re éd. 1934) (lire en ligne).
- (pt) Gilberto Freyre, Casa-Grande & Senzala, São Paulo, Global, 2006 (51e éd. ; 1re éd. 1933) (traduction française Maßtres et Esclaves, Paris, Gallimard, coll. « Tel », .
- (en) Jared Diamond, Guns, Germs, and Steel: The Fates of Human Societies, W.W. Norton & Company, (ISBN 0-393-03891-2) (traduction française sous le titre De l'inégalité parmi les sociétés, éd. Gallimard, 2000).
- Confraria do IAGP, « Descrição geral da capitania da ParaĂba », Revista do Instituto ArcheolĂłgico e GeogrĂĄphico Pernambucano (IAGP), Recife,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « Censo 2000 », Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE)
- Auguste de Saint-Hilaire, Voyage dans les provinces de Rio de Janeiro et de Minas Geraes (2 tomes), Paris, Grimbert et Dorez, (lire en ligne).
- (pt) Ronaldo Vainfas, DicionĂĄrio do Brasil Imperial, Rio de Janeiro, Objetiva,
- « IBGE teen » [archive du ] (consulté le )
- (pt) Lizeu Mazzioni, « O plano nacional de educação e o papel dos municĂpios na universalização da educação bĂĄsica no BrĂ©sil (cours de maĂźtrise) », ChapecĂł, Universidade Federal da Fronteiro Sul, (consultĂ© le ), p. 80
- Renato Pompeu de Toledo, à Sombra da Escravidão « à Sombra da Escravidão » (version du 7 juin 2008 sur Internet Archive) (consulté le 22 août 2008)
- Silvio Cezar de Souza Lima, « Os filhos do império celeste: a imigração chinesa e sua incorporação à nacionalidade brésilienne » [archive du ], Rede de Memória Virtual Brasileira (consulté le )
- (pt) Robert W. Slenes et Sheila de Castro Faria, « FamĂlia escrava e trabalho », Tempo, vol. 3, no 6,â , p. 1 (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) A. J. R. Russel-Wood, Escravos e Libertos no Brasil colonial, Rio de Janeiro, Ed. Civilização brasileira,
- Robert W. Slenes (1998), p. 2-3
- Robert W. Slenes (1998), p. 6-7.
- Robert W. Slenes (1998), p. 3.
- Robert W. Slenes (1998), p. 3-4.
- (pt) Ronaldo Vainfas, « Colonização, miscigenação e questĂŁo racial: notas sobre equĂvocos e tabus da historiografia brasileira », Tempo, no 8,â , p. 6 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- R. Vainfas (1999), p. 7.
- R. Vainfas (1999), p. 8.
- (de) Carl Schlichthorst, Rio de Janeiro wie es ist: BeitrĂ€ge zur Tages- und Sittengeschichte der Hauptstadt von Brasilien mit vorzĂŒglicher RĂŒcksicht auf die Lage des dortigen deutschen MilitĂ€rs (1825-26), Hanovre, Hahn, (repris dans Maria LĂșcia Mott, A Criança Escrava na Literatura dos Viajantes, 1979, p. 64.
- (pt) Mary del Priore, HistĂłrias Ăntimas. Sexualidade e erotismo na HistĂłria do Brasil, Planeta, , 254 p. (ISBN 9788576656081)
- (pt) Elisa Larkin Nascimento, O SortilĂ©gio da Cor. Identidade, Raça e GĂȘnero no Brasil, Summus Editorial,
- (pt) « Reporter BBC. Metade de negros em pesquisa tem ancestral europeu », sur BBCBrasil.com, www.bbc.co.uk
- Rangel Cerceau Netto, « As formas do concubinato diante do viver de âportas adentroâ na antiga comarca do Rio das Velhas », Belo Horizonte, Centro de Desenvolvimento e Planejamento Regional (Cedeplar), universitĂ© fĂ©dĂ©rale de Minas Gerais (consultĂ© le )
- (pt) Antonio Candido, VĂĄrios escritos, SĂŁo Paulo, Duas Cidades, , p. 18.
- (en) Oscar Fernandez, « Machado de Assis: The Brazilian Master and His Novels, by Helen Caldwell (recension) », Modern Language Journal, vol. 55,â , p. 255-256.
- (pt) Gasparino Datamata, MillÎr Fernandes et Moacyr Luz, Antologia da Lapa, Ediouro PublicaçÔes, (ISBN 8599070355), p. 236.
- (pt) Angelo Trento, Do outro lado do Atlùntico: um século de imigração italiana no Brasil, São Paulo, Studio Nobel, , 574 p. (ISBN 978-8521305637).
- (pt) Amanda Previdelli, « Brasileiros preferem casar com pessoas da mesma cor », Rio de Janeiro, EXAME, (consulté le ).
- (pt) AgĂȘncia Brasil, « IBGE: 70% dos casamentos no Pays ocorrem entre pessoas da mesma cor », Ultimo Segundo, (consultĂ© le ).
- Colette PĂ©tonnet et Ăliane Daphy, « RĂ©flexions sur lâacculturation », Vibrations. Revue dâĂ©tudes des musiques populaires, no 1 (MĂ©tissage et musique mĂ©tissĂ©es, sous la dir. de Louis-Jean Calvet),â , p. 7 (lire en ligne).
- (pt) Marina Soleo Funari, « Reconhecimento e divulgação da cultura africana e afro-brasileira (Estudos sobre o Museu Afro Brasil) (mémoire de maßtrise) », São Paulo, Centro de Estudos Latino-Americanos sobre cultura e comunicação. Université de São Paulo, (consulté le ), p. 10.
- (pt) « Estado é exaltado em festa nacional » [archive du ], Ministério da Cultura (consulté le )
- Antonio Candido, « Literatura e Sociedade » [archive du ] (consulté le )
- (pt) Marcelo Beraba, « O Terreiro da Contradição », Folha de S.Paulo, SĂŁo Paulo,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- Henrique Cunha Jr, « A Inclusão da História Africana no Tempo dos Parùmetros Curriculares Nacionais », sur www.mulheresnegras.org (consulté le )
- (pt) Tina Gudrun Jensen, « Discursos sobre as religiĂ”es afro-brasileiras - Da desafricanização para a reafricanização », Revista de Estudos da ReligiĂŁo (REVER), SĂŁo Paulo, UniversitĂ© pontificale catholique de SĂŁo Paulo (PUCSP),â i (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (pt) « Inventårio dos Lugares de Memória do Tråfico Atlùntico de Escravos e da História dos Africanos Escravizados no Brasil », Rio de Janeiro, Universidade Federal Fluminense (consulté le ).
- (pt) Regina Célia de Lima e Silva, « O poder da memória e da voz da yalorixå no Terreiro da Turquia. ContaçÔes da narrativa de Carlos Magno no tambor de mina maranhense », Rio de Janeiro, Universidade Federal Fluminense (UFF), 19, 20 et 21 octobre 2011 (consulté le ).
- (pt) Edimilson de Almeida Pereira, « Panorama da Literatura Afro-Brasileira », Callaloo, Baltimore, Johns Hopkins University Press, vol. 18, no 4,â , p. 1035-1040 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (pt) Eduardo de Assis Duarte, « Literatura e AfrodescendĂȘncia », UniversitĂ© fĂ©dĂ©rale du Minas Gerais, (consultĂ© le ).
- Cf. p. ex. (pt) Ricardo Franklin Ferreira, Afro-descendente: identidade em construção, São Paulo, EDUC/FAPESP, .
- (pt) Zilå Bernd, Negritude e literatura na América Latina, Porto Alegre, Mercado Aberto, .
- (pt) Carlindo Fausto AntĂŽnio, « Cadernos Negros: esboço de anĂĄlise (thĂšse de doctorat) », Campinas, UniversitĂ© d'Ătat de Campinas, Instituto de Estudos da Linguagem, .
- (pt) Eduardo de Assis Duarte, « Passado, presente, futuro: Cadernos Negros 40 », sur Literafro - O portal da literatura Afro-Brasileira, Belo Horizonte, FacultĂ© des lettres de lâuniversitĂ© fĂ©dĂ©rale du Minas Gerais, (consultĂ© le )
- (pt) « Quilombhoje completa 30 anos e lança edição comemorativa de contos e poemas afro-brasileiros », Fundação Cultural Palmares.
- (pt) Stefani Edvirgem da Silva, « Literatura afro-brasileira: uma identidade em questiĂŁo », Revista Iluminart, SertĂŁozinho, IFSP, vol. 4, no 4,â , p. 23-24 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- Cadernos Negros, no 1, 1978.
- E. de Assis Duarte (2019). La citation de Bastide se trouve dans (pt) Roger Bastide, A poesia afro-brasileira, SĂŁo Paulo, Martins Fontes, , p. 8.
- R. Bastide (1943), p. 22.
- R. Bastide (1943), p. 25.
- R. Bastide (1943), p. 40.
- R. Bastide (1943), p. 46.
- R. Bastide (1943), p. 67.
- R. Bastide (1943), p. 86.
- R. Bastide (1943), p. 80.
- (en) David Brookshaw, Race and Colour in Brazilian Literature, Scarecrow Press, , 348 p. (ISBN 978-0810818804) (version portugaise Raça e cor na literatura brasileira, Porto Alegre, Mercado Aberto, , 266 p.). Cité par E. de Assis Duarte (2019).
- (pt) DomĂcio Proença Filho, « O negro na literatura brasileira », Boletim bibliogrĂĄfico Biblioteca MĂĄrio de Andrade, SĂŁo Paulo, Biblioteca MĂĄrio de Andrade, vol. 49, no 14,â , p. 94. CitĂ© par E. de Assis Duarte (2019).
- (pt) Zilå Bernd, Poesia negra brasileira, Porto Alegre, AGE/IEL, , p. 13. Cité par E. de Assis Duarte (2019).
- Z. Bernd (1992), p. 17. Cité par E. de Assis Duarte (2019).
- (pt) Oswaldo de Camargo, O negro escrito, SĂŁo Paulo, Secretaria de Estado da Cultura- Imprensa Oficial, .
- O negro escrito, p. 41-42.
- (pt) Luiz Mott, Rosa EgipcĂaca: uma santa africana no Brasil, Rio de Janeiro, Bertrand Brasil, , p. 8.
- (pt) Zahidé Lupinacci Muzart, Escritoras brasileiras do século XIX (collectif, sous la dir. de Z. L. Muzart), Florianópolis & Santa Cruz do Sul, Editora Mulheres & EDUNISC, , « Maria Firmina dos Reis », p. 264. Cité par E. de Assis Duarte (2019)
- Z. L. Muzart (2000), p. 266. Cité par E. de Assis Duarte (2019).
- (pt) Lima Barreto, RecordaçÔes do escrivĂŁo IsaĂas Caminha, SĂŁo Paulo, Moderna, , p. 68. CitĂ© par E. de Assis Duarte (2019).
- Carolina Maria de Jesus, Le dépotoir (traduction de Violante Do Canto; illustrations de Cyro Del Nero), Paris, Stock, .
- « Casa do Alaka » [archive du ], sur casadoalaka.com (consulté le )
- Mitologia e Arte
- (pt) Frank M. C. Kuehn, « Estudo acerca dos elementos afro-brasileiros do CandomblĂ© nas letras e mĂșsicas de VinĂcus de Moraes e Baden Powell: os "Afro-Sambas" », Anais do Terceiro ColĂłquio de Pesquisa da PĂłs-Graduação em MĂșsica, Escola de MĂșsica, universitĂ© fĂ©dĂ©rale de Rio de Janeiro (UFRJ),â , p. 94-103 (lire en ligne)
- (pt) Renato Mendonça, « A influĂȘncia africana no portuguĂȘs do Brasil », BrasĂlia, FUNAG, (consultĂ© le )
- « Linguas africanas » [archive du ] (consulté le )
- (pt) Lilia Moritz Schwarcz, HistĂłria da Vida Privada no Brasil. Contrastes da intimidade contemporĂąnea, SĂŁo Paulo, Companhia das Letras,
- (pt) PetrĂŽnio Domingues, « Movimento negro brasileiro: alguns apontamentos histĂłricos », Tempo, vol. 12, no 23,â , p. 100â122 (DOI 10.1590/S1413-77042007000200007, lire en ligne, consultĂ© le )
- Amzat Boukari-Yabara, Une histoire du panafricanisme, La DĂ©couverte, , p. 275
- François-Xavier Gomez, « Au BrĂ©sil, une vidĂ©o raciste provoque un tollĂ© », LibĂ©ration.fr,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) Yvonne Maggie, « Pela igualdade », Revista Estudos Feministas, vol. 16, no 3,â , p. 897â912 (DOI 10.1590/S0104-026X2008000300011, lire en ligne)
- (pt) Sarah TeĂłfilo, « Maria JĂșlia, do Jornal Nacional, Ă© destaque nas redes apĂłs ser alvo de racismo », sur jornalopcao.com.br, Jornal Opção, (consultĂ© le )
- (pt) Mario Filho, O Negro no Futebol Brasileiro, Rio de Janeiro, MAUADX, (lire en ligne)
- (pt) Adriano Wilkson, « Pelé foi alvo de racismo na carreira, mas ignorou luta antirracista », sur uol.com.br, São Paulo, Futebol - UOL Esporte, (consulté le )
- (pt) Renata Mendonçar, « Caso Aranha fica sem julgamento; 'Falta consciĂȘncia negra ao JudiciĂĄrio', diz OAB », BBC,
- (pt) Leandro Behs, « STJD excliu grĂȘmio da Copa do Brasil por ofensas racistas a Aranha », sur zh.clicrbs.com.br
- (pt) « Maria JĂșlia Coutinho recebe comentĂĄrios racistas no Facebook; equipe do "JN" responde », Portal da Impresa, (consultĂ© le )
- (pt) « PolĂcia identifica suspeito de publicar ofensas contra Maria JĂșlia Coutinho », sur globo.com, Globo,
- (pt) « PolĂcia investiga se crime contra TaĂs AraĂșjo foi racismo ou injĂșria racial », sur globo.com, Globo,
- (pt) « Crimes de racismo, xenofobia e trĂĄfico de pessoas cresceram na internet », sur ebc.com.br, AgĂȘncia Brasil,
- (pt) « Racismo tem a internet como um feroz aliado na propagação do preconceito », sur www.diariodepernambuco.com.br, Diario de Pernambuco
- (pt) « Mesmo deletado, perfil de racista pode ser rastreado, diz especialista », sur www.diariodepernambuco.com.br, Diario de Pernambuco
- (pt) « Aumenta o nĂșmero de denĂșncias envolvendo racismo », sur www.jornaldebrasilia.com.br, Jornal de BrasĂlia, (consultĂ© le )
- « Elections brésiliennes : retour sur les évÚnements depuis 2014 - Mémoire des luttes », sur www.medelu.org,
- (pt) « Relatório Anual das Desigualdades Raciais » [archive du ], sur afrobras.org.br, université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) (consulté le )
- (pt) AndrĂ© Monteiro, « NĂșmero de pobres pardos ou pretos Ă© quase o triplo de brancos », Folha de S. Paulo, SĂŁo Paulo, Folha Online,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Gaspard dâAllens, « La lutte farouche des Noirs brĂ©siliens contre le racisme environnemental », sur Reporterre, (consultĂ© le ).
- (pt) Joaquim Nabuco, O abolicionismo, São Paulo, , p. 5 (de la rééd. de 1938)
- (pt) Karl Monsma, « Vantagens de imigrantes e desvantagens de negros: emprego, propriedade, estrutura familiar e alfabetização depois da abolição no oeste paulista (rĂ©sumĂ© en français : Avantages de l'immigrant et dĂ©savantages du Noir: emploi, propriĂ©tĂ©, structure familiale et alphabĂ©tisation aprĂšs l'abolition de l'esclavage dans l'ouest de l'Ătat de SĂŁo Paulo) », Dados. Revista de CiĂȘncias Sociais, Rio de Janeiro, vol. 53, no 3,â , p. 521 (DOI 10.1590/S0011-52582010000300001, lire en ligne)
- K. Monsma (2010), p. 510.
- K. Monsma (2010), p. 517.
- K. Monsma (2010), p. 526.
- K. Monsma (2010), p. 529-531.
- K. Monsma (2010), p. 535.
- (pt) Simon Schwartzman, « Fora de foco: diversidade e identidades Ă©tnicas no Brasil », Novos Estudos, SĂŁo Paulo, Centro Brasileiro de AnĂĄlise e Planejamento (CEBRAP), no 55 (p. 83-96),â , p. 11 (doc. PDF) (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) João Batista Nascimento dos Santos, « Os negros representados na revista Raça Brasil (mémoire de maßtrise) », Porto Alegre, Universidade Federal do Rio Grande do Sul (UFRGS), (consulté le ), p. 21
- J. B. Nascimento dos Santos (2004), p. 22.
- (pt) « TaĂs AraĂșjo, a primeira protagonista negra da TV: âEsse tĂtulo mostra o preconceito do meu paĂsâ » [archive du 7 janvier 2014 lien brisĂ©=oui], sur feminismo.org.br (consultĂ© le )
- (pt) Joel Zito AraĂșo, A Negação do Brasil, Senac, , 331 p.
- (pt) « Globo responde a crĂticas por ausĂȘncia de personagens negros em "Amor Ă Vida" », sur f5.folha.uol.com.br, F5 - televisĂŁo,
- (pt) FĂĄbio Grellet e Paulo Roberto Netto, « MPT notifica Globo sobre falta de representação racial em novela », O Estado de S. Paulo, EstadĂŁo, SĂŁo Paulo,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (pt) ComitĂ© de rĂ©daction, « Globo admite 'representatividade menor do que gostaria' em novela », O Estado de S.Paulo, SĂŁo Paulo,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Sam Cowie, « Bahia is Brazil's blackest state â but you'd never guess it from latest TV soap », The Guardian, Londres,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- J. B. Nascimento dos Santos (2004), p. 23.
- J. B. Nascimento dos Santos (2004), p. 25
- J. B. Nascimento dos Santos (2004), p. 27.
- (pt) Carlos Nobre, « As Duas Cores de Machado de Assis », sur geledes.org.br, Geledés. Instituto da mulher negra,
- (pt) « Caixa refaz propaganda e mostra Machado de Assis mulato », sur uol.com.br, São Paulo, Folha de S.Paulo
- (pt) Paulo Vinicius Baptista da Silva, « Notas sobre os escritos do projeto Racismo e Discurso na AmĂ©rica Latina (texte dâun discours prononcĂ© devant le 6e Congresso Latinoamericano de Estudios del Discurso, BogotĂĄ 2007) », sur ufpr.br, UniversitĂ© fĂ©dĂ©rale du ParanĂĄ ; originellement publiĂ© dans le bulletin de lâAsociaciĂłn Latinoamericana de Estudios del Discurso, 2007, vol. 1. p. 1-15« Notas sobre os escritos do projeto Racismo e Discurso na AmĂ©rica Latina »(Archive.org âą Wikiwix âą Archive.is âą Google âą Que faire ?),
- (pt) Candida Soares da Costa, « Percepção de alunos e professores sobre a discriminação racial no livro didåtico », (consulté le ), p. 2.
- C. Soares da Costa (2007), p. 3.
- C. Soares da Costa (2007), p. 7-8.
- (pt) Andreia Lisboa de Sousa, Educação antirracista: caminhos abertos pela Lei Federal no 10.639/03, BrasĂlia, MinistĂ©rio da Educação (MEC) / Secretaria de Educação Continuada (SEC) / Ed. Para Todos, coll. « Alfabetização e Diversidade », , « A representação da personagem feminina negra na literatura infanto-juvenil brasileira »
- (pt) Suellen Smosinski, « DiscussĂŁo sobre racismo na obra de Monteiro Lobato continua hoje em reuniĂŁo no MEC », sur uol.com.br, SĂŁo Paulo, NotĂcias - UOL Educação, (consultĂ© le )
- (pt) « Fux nega liminar para tirar Caçadas de Pedrinho de escolas pĂșblicas », Consultor JurĂdico,â (lire en ligne)
- Dans une lettre de 1928, Lobato sâexprimait ainsi sur le BrĂ©sil : « Pays de mĂ©tis oĂč le blanc nâa pas la force dâorganiser un Klux-Klan, et pays perdu pour de hautes destinĂ©es. AndrĂ© Siegfried rĂ©sume en une phrase les deux attitudes. "Nous, nous dĂ©fendons le front de la race blanche â il dit le Sud â et câest grĂące Ă nous que les Ătats-Unis ne deviennent pas un deuxiĂšme BrĂ©sil." Un jour, lâon rendra justice au Klux Klan ; eussions-nous par ici une dĂ©fense de cet ordre, qui maintienne le nĂšgre Ă sa place, et nous serions aujourdâhui libres de la peste de la presse de Rio de Janeiro â mulĂątreau faisant le jeu du nĂšgre, et toujours dĂ©molisseur car le mĂ©tissage du noir dĂ©truit la capacitĂ© constructive ». CitĂ© dans (pt) JoĂŁo Feres JĂșnior, Leonardo Fernandes Nascimento & Zena Winona Eisenberg, Monteiro Lobato e o politicamente correto, revue Dados (Revista de CiĂȘncias Sociais), vol. 56, no 1, Rio de Janeiro, 1er mars 2013, p. 83.
- « Ceci nâest pas le seul livre de la sĂ©rie du Pica-pau Amarelo contenant de telles imprĂ©cations contre AnastĂĄcia. Le livre par lequel dĂ©bute la collection, ReinaçÔes de Narizinho, de 1931, ouvre par une premiĂšre page oĂč sont prĂ©sentĂ©s tous les personnages. Ă AnastĂĄcia revient lâĂ©pithĂšte de "noire dâestimation". Dans ce livre, Lobato fait rĂ©fĂ©rence au personnage 56 fois, en usant du terme "a negra", au lieu de son nom. Au moins 13 fois, cette appellation sâassortit dâallusion pĂ©joratives Ă ses "lĂšvres", ou parfois Ă sa "lippe" (beiçaria), Ă la taille avantageuse de sa bouche, "la plus grande bouche du monde", "oĂč une orange pourrait prendre place", ou encore Ă son ignorance â "tout ce quâelle ne comprenait pas Ă©tait [pour elle] de lâanglais" », J. Feres JĂșnior, L. Fernandes Nascimento et Z. Winona Eisenberg (2013), p. 85.)
- J. Feres JĂșnior, L. Fernandes Nascimento et Z. Winona Eisenberg (2013), p. 91.
- « www.sidra.ibge.gov.br » [archive du ]
- (pt) Uelington Farias Alves, Cruz e Sousa: Dante negro do Brasil, Pallas editora, (ISBN 978-85-347-0580-6, lire en ligne)
- (pt) HermĂnio Bello de Carvalho, « SĂŁo Pixinguinha » [archive du ], dc.itamaraty.gov.br, p. 52
- (pt) Maria Angela Pavan & Francisco das Chagas Fernandes Santiago JĂșnior, « MĂșsica para os poros: Cartola e a memĂłria do Samba Negro, Verde e Rosa », intercom.org.br, , p. 11
- (pt) Gilberto Ferreira da Silva, José António dos Santos et Luiz Carlos da Cunha Carneiro, RS negro: cartografias sobre a produção do conhecimento, EDIPUCRS, (ISBN 978-85-7430-742-8, lire en ligne), p. 111
- (pt) Jorge Alberto, « Falsa Baiana â Geraldo Pereira, samba sincopado e bossa nova », sur Recanto das Palavras, O Globo, (consultĂ© le ).
- (pt) Augusto CĂ©sar de Lima, « Escola dĂĄ samba? O que tĂȘm a dizer os compositores do bairro de Oswaldo Cruz e da Portela », p. 43
- « Beleza da Raça », Belezadaraca.webnode.com.br (consulté le )
- Luciana Xavier de Oliveira, « A GĂȘnese do Samba-Rock: Por um Mapeamento GenealĂłgico do GĂȘnero » [archive du ]
- (pt) Ely de Oliveira, O dia Nacional da ConsciĂȘncia Negra & AdĂŁo e Eva, Biblioteca24horas, Seven System Internacional Ltda., (ISBN 978-85-7893-425-5, lire en ligne), p. 37
- E. de Oliveira (2009), p. 38.
- (pt) MĂĄrio Rodrigues, O negro no futebol brasileiro, Mauad Editora Ltda, (ISBN 978-85-7478-096-2, lire en ligne), p. 16
- Nei Lopes, Enciclopédia Brasileira da Diåspora Africana, Selo Negro, (ISBN 978-85-87478-21-4, lire en ligne), p. 585
- (en) « Barbosa runs away with Sixth Man Award », ESPN Associated Press,
- (pt) Mariana Kneipp, « Hå dez anos, o Brasil perdia João do Pulo », Plugmania,
- N. Lopes (2004), p. 545.
- (pt) « Episódio Adhemar Ferreira da Silva (1927-2001) » [archive du ], Futura Channel - Episode Details
- N. Lopes, ', p. 120.
- N. Lopes (2004), p. 516.
- (pt) « Paulo Paim, de metalĂșrgico a senador », Revista Afro.com
- (pt-BR) « Feminista e negra, TalĂria Petrone Ă© a vereadora mais votada de NiterĂłi », sur Extra Online (consultĂ© le )
- N. Lopes (2004), p. 197.
- N. Lopes (2004), p. 84.
- (pt-BR) « A ARTE CONTEMPORĂNEA DAS MULHERES NEGRAS », sur Revista Quilombo (consultĂ© le )
- N. Lopes (2004), p. 558.
- (pt) « Ruth de Souza â A nossa estrela maior », GeledĂ©s. Instituto da Mulher negra, (consultĂ© le )
- « Morre o ator e cineasta Zózimo Bulbul, aos 75 anos » [archive du ], O Globo, (consulté le )
- N. Lopes (2004), p. 302.
- N. Lopes (2004), p. 454.
- NicolĂĄs FernĂĄndez Bravo (Ă©ditĂ© par Franklin W. Knight & Henry Louis Gates, Jr), Dictionary of Caribbean and AfroâLatin American Biography, Oxford (Royaume-Uni), Oxford University Press, (ISBN 978-0-199-93580-2, DOI 10.1093/acref/9780199935796.001.0001), « Soares, Isa (1953â ), Afro-Brazilian dancer, dance instructor, and activist »
- « No More HilĂĄrio for NenĂȘ », NBA.com, (consultĂ© le )
- N. Lopes (2004), p. 605.
- UOL CiĂȘncia e SaĂșde. Seu Jorge : « Se fosse 100% negro, lutaria por indenização »
- N. Lopes (2004), p. 435.
- Ketleyn Quadros
- (pt) « Em Debate » [archive du ], Geledes.org.br (consulté le ).
- (pt) Paulo Moreira Leite, « IBGE embaralha nĂșmeros e confunde debate sobre brancos e negros », paulomoreiraleite.com.br, 18 novembere 2006« IBGE embaralha nĂșmeros e confunde debate sobre brancos e negros »(Archive.org âą Wikiwix âą Archive.is âą Google âą Que faire ?),
- (pt) José Luis Petruccelli, A Cor Denominada: estudos sobre a classificação étnico-racial, Rio de Janeiro, LPP/UERJ, , 156 p. (OCLC 1026018117), « Anexo 1 », p. 43.
- (pt) Cristina Grillo, « Brasil quer ser chamado de moreno e sĂł 39% se autodefinem como brancos », Folha de S. Paulo, SĂŁo Paulo,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (pt) SĂ©rgio Pena, « Do pensamento racial ao pensamento racional », Ciencia hoje, Ciencia Hoje,â (lire en ligne [archive du ], consultĂ© le )
- (en) Ricardo Ventura Santos, « Color, Race, and Genomic Ancestry in Brazil: Dialogues between Anthropology and Genetics », Current Anthropology, vol. 50, no 6,â , p. 787â819 (PMID 20614657, DOI 10.1086/644532, lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Edward Eric Telles, Race in Another America: The Significance of Skin Color in Brazil, Princeton University Press, (ISBN 978-0-691-11866-6), « Racial Classification », p. 81â84
- E. Telles (2004), p. 80â81.
- (pt) « Censo Demogråfico », IBGE, p. XVIII.
- « adj. e s.m. Diz-se de, ou quem tem cabelos negros e pele um pouco escura; trigueiro. / Bras. Designação irĂŽnica ou eufemĂstica que se dĂĄ aos pretos e mulatos. (Se dit de ceux ayant une chevelure noire et une peau un peu sombre ; de la couleur de froment mĂ»r. / (au BrĂ©sil) DĂ©signation ironique ou euphĂ©mistique donnĂ©e aux noirs et aux mulĂątres.) » [archive du ], Dicionario do Aurelio (consultĂ© le )
- (pt) Cristina Grillo, « Brasil quer ser chamado de moreno e sĂł 39% se autodefinem como brancos », Folha de S. Paulo,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- José Luiz Petruccelli, A Cor Denominada, p. 18.
- J. L. Petruccelli, A Cor Denominada, p. 19.
- J. L. Petruccelli, A Cor Denominada, p. 43.
- J. L. Petruccelli, A Cor Denominada, p. 14.
- (pt) « A cor dos sonhos! », Macaenews, macaenews.com.br,â (lire en ligne [archive du ]).
- Anusuya A.Mokashi et Noah S. Scheinfeld, Diagnosis of Aging Skin Diseases, Springer Science & Business Media, (ISBN 978-1-84628-678-0, lire en ligne), p. 13
- « « adj. e s.m. Diz-se de, ou quem tem cabelos negros e pele um pouco escura; trigueiro. / Bras. Designação irĂŽnica ou eufemĂstica que se dĂĄ aos pretos e mulatos.» Câest-Ă -dire, littĂ©ralement : « se dit de ceux qui ont les chevaux noirs et une peau un peu foncĂ©e ; de la teinte de blĂ© mĂ»r. » / (au BrĂ©sil) DĂ©signation ironique et euphĂ©mistique donnĂ©e au noirs et aux mulĂątres », Dicionario do Aurelio (consultĂ© le )
- E. Telles (2004), p. 85.
- E. E. Telles (2004), Race in Another America, p. 86. « Le gouvernement brésilien a cherché à dichotomiser, ou pire, à (nord-)américaniser la classification raciale dans une société qui utilisait, voire prÎnait les termes intermédiaires. »
- (pt) Kabengele Munanga, « Uma resposta contra o racismo », Brasil Autogestinårio, (version du 8 novembre 2009 sur Internet Archive)
- E. E. Telles (2004), Race in Another America, p. 85 : « Ainsi, ils affirment que la RĂšgle de l'unique goutte de sang, dans sa forme brĂ©silienne informelle, dispose quâune seule goutte de sang blanc permet Ă quelquâun dâĂ©viter dâĂȘtre classĂ© comme noir, tradition quâils tentent dâinverser. »
- (pt) Demétrio Magnoli, Uma Gota de Sangue, Editora Contexto, , p. 143.
- D. Magnoli (2008), p. 157. On notera que les vocables moreno et pardo ne peuvent ĂȘtre synonymes, car ils renvoient Ă deux groupes diffĂ©rents.
- SĂ©rgio D.J. Pena et Maria CĂĄtira Bortolini, « Pode a genĂ©tica definir quem deve se beneficiar das cotas universitĂĄrias e demais açÔes afirmativas? », Estudos Avançados, SĂŁo Paulo, vol. 18, no 50,â , p. 47 (note 1) (lire en ligne, consultĂ© le ).
- E. E. Telles (2004), Race in Another America, p. 81-84.
- (en) F. C. Parra, R. C. Amado, J. R. Lambertucci, J. Rocha, C. M. Antunes et SĂ©rgio Pena, « Color and genomic ancestry in Brazilians », Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A., vol. 100, no 1,â , p. 177â82 (PMID 12509516, PMCID 140919, DOI 10.1073/pnas.0126614100). Cf. 2e paragraphe : « Couleur (en portugais cor) reprĂ©sente lâĂ©quivalent brĂ©silien du terme anglais race (raça) et se base sur une Ă©valuation phĂ©notypique complexe, qui prende en considĂ©ration, outre la pigmentation de la peau, le type de chevelure, la forme du nez, et la forme des lĂšvres ».
- (en) Silvia Salek, « BBC delves into Brazilians' roots », BBC Brasil, (consulté le ).