École de samba
Une école de samba est une structure apparue à l'origine au Brésil (principalement à Rio de Janeiro), et qui s'est diffusée par la suite hors de ce pays[1]. Il s'agit d'une structure mêlant social et culturel. Son principal objectif est la participation au carnaval de la ville, compétition officielle dans laquelle chaque école présente le travail d'une année et tente d'acquérir un maximum de points pour gagner le titre de sa catégorie (cf. section Classement des écoles de samba).
Historique
L'histoire des écoles de samba est intimement mêlée à celle du carnaval et de la samba : dès 1928, les premiers blocos de samba se constituent à Rio de Janeiro, formant la base de ce qui deviendra les grandes écoles actuelles.
À l'époque, l'école n'en porte pas encore le nom, il s'agit surtout d'un groupe de percussionnistes et de danseurs qui paradent en uniforme durant le carnaval ; durant l'année, des répétitions sont organisées mais conservent un caractère ludique. Les noms des écoles actuelles en portent encore la trace : ils commencent généralement par le sigle GRES (Grêmio Recreativo Escola de Samba) qui signifie en français : groupe récréatif école de samba.
Dans les années 1940 et 1950, les écoles de samba commencent à choisir des couleurs de reconnaissance (vert et rose pour Mangueira, rouge et blanc pour Viradouro...), à faire des choix sur la manière de jouer leurs morceaux. On assiste à la construction de l'identité de ces écoles. Le mot école prend alors aussi son sens de doctrine, avec ses professeurs et leurs disciples, les différences portant sur la manière de jouer et les choix sur l'organisation de la batterie de samba. Les costumes restent encore conçus comme des uniformes. Lorsque l'école de samba Mangueira introduit, en 1961, la sonorisation pour les chants, les sambas de enredo (ou sambas à thème) prennent une nouvelle dimension. Cette période est souvent considérée comme l'âge d'or musical des écoles de samba.
Dans les années 1960-1970, les classes moyennes s'associent au carnaval et participent en apportant de nouveaux courants esthétiques. On assiste alors à une « révolution plastique », où les écoles de samba reconstruisent leur visuel avec la contribution souvent spontanée d'artistes célèbres et de designers : les chars présentés augmentent en volume, en hauteur.
Les années 1980 et 1990 voient l'influence croissante des contraintes financières, avec de nombreux abus et scandales. Les enjeux changent et s'amplifient, centrés autour de critères économique plus qu'artistiques, principalement pour les écoles en compétition dans le Groupe Spécial (la première division des écoles de samba, à l'instar des clubs de football), qui bénéficient de nombreuses retombées financières directement liées à leur position dans le classement général. Les rivalités de quartier existent toujours, mais passent au second plan. La ville de Rio de Janeiro elle-même profite de cet engouement et cherche à doper le tourisme en attirant toujours plus de spectateurs fortunés et conquis d'avance mais qui, devant la publicité faite aux faits-divers et à la violence qui émaillent l'actualité du carnaval, hésitent à prendre leur billet.
À partir des années 1970, d'autres grandes villes, dont notamment São Paulo, essayent d'organiser un carnaval de défilé qui supplante peu à peu le carnaval de rue, plus spontané. Ce mouvement voit, en parallèle, la création des écoles de samba locales. Depuis, tous les ans, l'école victorieuse du carnaval de São Paulo est invitée à défiler avec celles de Rio de Janeiro durant la dernière nuit des festivités, lors du défilé des champions.
Organisation
Les écoles de samba fonctionnent à l'échelle d'un quartier ou d'un bidonville (favela en portugais). Elle peut rassembler de 300 à 5 000 personnes selon sa notoriété, son niveau dans la hiérarchie issue du classement général, et selon qu'elle est accessible ou non financièrement aux habitants des alentours.
L'organisation interne d'une école de samba est tournée tout entière vers la production d'un spectacle complet pour le prochain carnaval, mais en pratique, elle peut assurer des missions sociales (assistance aux plus démunis, éducation populaire, emplois dans divers domaines liés à la production de costumes, de chars et d'instruments de musique notamment).
L'école se découpe donc entre les artistes (les compositeurs et arrangeurs musicaux, le trio électrique, la batterie de samba, les danseurs) et les personnes qui produisent les chars, les costumes et les instruments.
L'école peut posséder son propre local (quadra) qui sert à la fois aux répétitions de musique et de danse, et éventuellement au stockage du matériel (essentiellement les instruments). La plupart du temps, les activités de production de costumes sont réalisées au domicile des couturiers de l'école, et la construction des chars dans des hangars (les barracaoes) étroitement surveillés de peur d'être copié par les écoles concurrentes. Depuis 2006, les grandes écoles disposent d'un espace spécifique pour la construction de leurs chars à la Cité de la samba, proche des docks de la ville. Cette situation nouvelle a permis la création de chars encore plus gros et plus techniques grâce à la taille plus importante des nouveaux locaux et à leur proximité avec le sambodrome.
Dans le défilé, l'école présente différents tableaux liés au thème de l'année pour le carnaval, chaque tableau étant constitué d'une aile de danseurs costumés de manière figurative en relation avec le thème. Pour les grandes écoles de samba, plus de 3 000 personnes peuvent défiler dans ces ailes. La batterie de percussions comporte environ 300 musiciens, les chars allégoriques sont chargés de nombreux autres danseurs en costumes extravagants (destaques). L'ensemble est précédé par une comissão de frente, groupe de 10 à 15 danseurs effectuant une chorégraphie en relation avec le thème choisi. Défilent également une porte-drapeau, danseuse émérite et reine de l'école, et son alter-ego (le mestre-sala).
Classement des écoles de samba
Le classement des écoles et son évolution reprend dans ses grandes lignes le principe du classement des clubs de football. Par exemple, à Rio de Janeiro, des divisions regroupent chacune une quinzaine d'écoles, de E (la plus modeste) à A (les prétendants au Groupe Spécial) plus le Groupe Spécial lui-même, composé de la crème des écoles (14 jusqu'en 2006, 13 en 2007 et 12 pour les années suivantes). La première école au classement général est Championne, la seconde est Vice-Championne.
Chaque année, à l'issue du carnaval, la meilleure école d'un groupe s'en va rejoindre le groupe supérieur, la dernière étant reléguée dans le groupe inférieur. En 2006 et 2007, cette règle a été exceptionnellement modifiée pour porter de 14 à 12 le nombre d'écoles dans le groupe spécial. En effet, chaque école disposant d'1h20 de défilé et le carnaval étant réparti sur 2 nuits, la dernière école à défiler défilait toujours de jour, gâchant ainsi les effets de lumière ou de paillettes. Ainsi, en 2006, deux écoles furent reléguées dans le groupe A, une seule étant promue du groupe A au groupe spécial et l'opération fut réitérée en 2007. En 2011, à la suite d'un incendie de la Cidade do Samba qui détruisit une partie des chars de plusieurs écoles moins de 30 jours avant le Carnaval, trois écoles défilèrent sans participer au classement et aucune école ne fut reléguée. Les six premières écoles participent maintenant à un Desfile das campeãs (Défilé des championnes) le samedi suivant le carnaval.
Toutes les écoles de Rio de Janeiro sont inscrites à la LIESA (Liga Independente das Escolas de Samba : Ligue indépendante des écoles de samba), qui coordonne l'organisation du carnaval et nomme les juges chargés de noter les écoles à l'issue de leur défilé, dans le Sambodrome pour le groupe A et le Groupe Spécial, et dans les rues alentour pour les autres.
Bibliographie
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Références
- Antoinette Kuujlaars, «The Globalization of Samba Percussion», dans (en) Aesthetic Cosmopolitanism and Global Culture, BRILL, (ISBN 978-90-04-41148-7, lire en ligne)