Gradient
Le gradient d'une fonction de plusieurs variables en un certain point est un vecteur qui caractĂ©rise la variabilitĂ© de cette fonction au voisinage de ce point. DĂ©fini en tout point oĂč la fonction est diffĂ©rentiable, il dĂ©finit un champ de vecteurs, Ă©galement dĂ©nommĂ© gradient. Le gradient est la gĂ©nĂ©ralisation Ă plusieurs variables de la dĂ©rivĂ©e d'une fonction d'une seule variable.
![](https://img.franco.wiki/i/Gradient2.svg.png.webp)
![](https://img.franco.wiki/i/lossy-page1-220px-Gradient_of_a_Function.tif.jpg.webp)
Motivation
En physique et en analyse vectorielle, le gradient est un vecteur indiquant comment une grandeur physique varie dans l'espace[alpha 1]. Le gradient est d'une importance capitale en physique, oĂč il fut d'abord employĂ©. UtilisĂ© en thĂ©orie des variations, il est aussi fondamental dans le domaine de l'optimisation ou de la rĂ©solution d'Ă©quations aux dĂ©rivĂ©es partielles. Il peut ĂȘtre intĂ©ressant d'en voir certains exemples avant d'en donner une dĂ©finition plus mathĂ©matique.
En sciences de la Terre, le gradient est utilisĂ© pour la variation dans toutes les directions d'un paramĂštre de la lithosphĂšre, de l'hydrosphĂšre, de l'atmosphĂšre ou de la biosphĂšre. Cependant, par un abus de langage, le terme est souvent utilisĂ© pour la composante dans une seule direction comme dans le cas de la dĂ©rivĂ©e verticale d'une grandeur physique, c'est-Ă -dire sa dĂ©rivĂ©e par rapport Ă la coordonnĂ©e (altitude ou profondeur). Le gradient gĂ©othermique, par exemple, se confond avec la dĂ©rivĂ©e (oĂč dĂ©signe la tempĂ©rature).
DĂ©finition
![](https://img.franco.wiki/i/3d-gradient-cos.svg.png.webp)
Dans un systÚme de coordonnées cartésiennes, le gradient d'une fonction est le vecteur de composantes , c'est-à -dire les dérivées partielles de f par rapport aux coordonnées.
Dans un repĂšre orthonormĂ©, le vecteur gradient pointe dans la direction oĂč la fonction croĂźt le plus rapidement, et son module est Ă©gal au taux de croissance dans cette direction.
Les composantes du gradient sont les coefficients des variables dans l'Ă©quation de l'espace tangent au graphique. Cette propriĂ©tĂ© lui permet d'ĂȘtre dĂ©fini indĂ©pendamment du choix du systĂšme de coordonnĂ©es, en tant que champ de vecteurs dont les composantes se transforment lors du passage d'un systĂšme de coordonnĂ©es Ă un autre.
La généralisation du gradient aux fonctions de plusieurs variables à valeur vectorielle et aux cartes différentiables entre espaces euclidiens, est la matrice jacobienne. La généralisation aux fonctions entre espaces de Banach est la dérivée de Fréchet.
Notation
Le gradient d'une fonction est généralement noté ou (nabla ).
Dans la littĂ©rature en anglais, ou en français par commoditĂ© typographique, on prĂ©fĂšre souvent mettre en gras le symbole du gradient pour afficher son caractĂšre vectoriel : ou âf.
Gradient de température
Le gradient de température, ou gradient thermique, est le gradient de la température, fonction des coordonnées spatiales.
Gradient dans une seule direction (dérivée)
Supposons que l'on place une poutre rectiligne entre deux murs qui n'ont pas la mĂȘme tempĂ©rature, le mur de gauche Ă©tant le plus froid. On observe que la tempĂ©rature de la poutre n'est pas constante et qu'elle varie de façon croissante de la gauche vers la droite. Ă ce phĂ©nomĂšne thermodynamique, on associe un phĂ©nomĂšne de flux de chaleur, lui-mĂȘme liĂ© Ă un gradient de tempĂ©rature, c'est-Ă -dire Ă une variation le long de la poutre de la tempĂ©rature, cf. Conduction Thermique, loi de Fourier.
Si on part de l'extrémité gauche de la poutre avec une abscisse x = 0 et qu'on atteint l'autre extrémité de la poutre pour une abscisse x = L (la longueur de la poutre), on définit la température en un point x qu'on écrit T(x). La température T est dite fonction de x.
Entre deux points trÚs proches, distants d'une longueur Ύx, on mesure un écart de température ΎT. Au sens usuel, le gradient (de température) est justement le rapport entre ces deux grandeurs
Au sens analytique (mathématique), on parle de gradient si cette grandeur admet une limite quand Ύx tend vers 0, limite notée
Propriétés
- Le rapport a un signe, ce qu'on traduit par un sens. Dans le cas qui nous intéresse, il fait plus froid à gauche de la poutre qu'à droite, donc le gradient est orienté vers la droite puisqu'on parcourt aussi la poutre de gauche à droite par l'abscisse x.
- En dimension 1, il y a convergence de la notion de gradient et de dérivée.
- En physique, la norme de ce gradient est homogÚne à une température divisée par une distance (mesuré en K·m-1, ou plus usuellement en °C·m-1).
Gradient de température dans l'espace à trois dimensions usuel
En rĂ©alitĂ©, la tempĂ©rature de la poutre varie en fonction d'un dĂ©placement dans l'espace. On caractĂ©rise un point de l'espace, M, en fonction de ses coordonnĂ©es . De mĂȘme que prĂ©cĂ©demment, on dĂ©crit la tempĂ©rature comme fonction : T(x, y, z).
Pour chacune de ces directions, on peut Ă©crire une variation, dite partielle. Si, tout en Ă©tant en 3D, on ne se dĂ©place que selon un axe, par exemple selon les ordonnĂ©es y, alors on peut rĂ©Ă©crire la mĂȘme formule que prĂ©cĂ©demment sur l'accroissement de tempĂ©rature. Cependant, pour marquer la variation, on passe par l'Ă©criture en dĂ©rivĂ©e partielle (dite "ronde") plutĂŽt que par la dĂ©rivĂ©e unidimensionnelle (dite droite). On Ă©crit par exemple la variation le long de y ainsi l'approximation (dite du premier ordre) :
On se déplace dans la poutre d'un point M à un point M' tels qu'ils définissent le vecteur :
- .
De M à M', la température passe de la T(x,y,z) à T(x+hx,y+hy,z+hz). En premiÚre approximation, cette variation est une fonction linéaire de et s'exprime comme somme des variations liées à chacune des composantes de
On crée alors un vecteur appelé gradient de température
Notez que c'est bien un vecteur. Dans ce cas, on peut réécrire la relation précédente sous la forme
oĂč "" est le produit scalaire usuel de et le symbole signifie que le terme qui reste est nĂ©gligeable par rapport Ă .
Propriétés
- Le gradient est un vecteur de mĂȘme dimension que l'espace sur lequel porte la tempĂ©rature (ici â3) alors que la tempĂ©rature est fonction de support Ă trois dimensions mais Ă valeur rĂ©elle scalaire (i.e. la tempĂ©rature en un point est un nombre, pas un vecteur).
- La direction du (vecteur) gradient définit de nouveau la direction du plus froid au plus chaud, mais cette fois en 3D.
- La norme du gradient de tempĂ©rature est toujours homogĂšne Ă K.mâ1.
Introduction par les éléments différentiels
Comme pour la diffĂ©rentielle dont il est une variante, le gradient peut ĂȘtre introduit avec le vocabulaire des Ă©lĂ©ments diffĂ©rentiels. Ă titre d'exemple on examine le problĂšme de la variation de l'aire d'un rectangle.
![Surface du rectangle agrandie.](https://img.franco.wiki/i/Introduction_diff%C3%A9rentiel.svg.png.webp)
Considérons dans le plan (xOy) un rectangle de cÎté x et y. Sa surface est égale à xy et dépend des coordonnées x et y du point M. En suivant une démarche intuitive, on convient de noter par dx une trÚs petite variation de la variable x. Lorsqu'on fait subir au point M un déplacement trÚs faible, la surface va changer et on peut écrire que :
On en déduit facilement que
Une simple application numĂ©rique oĂč x et y seraient des mĂštres et dx et dy des centimĂštres illustre que dxdy est nĂ©gligeable par rapport aux autres grandeurs.
On peut donner un statut mathématique précis aux notations dx et dy (qui sont des formes différentielles), et à la quantité dxdy qui est alors du second ordre. Le calcul précédent est en fait un calcul de développement limité à l'ordre 1, faisant intervenir les dérivées premiÚres de la fonction xy par rapport aux deux variables.
On Ă©crit donc :
- .
Toutes ces égalités sont différentes façons d'écrire un produit scalaire de deux vecteurs :
oĂč
- .
L'intĂ©rĂȘt de l'introduction de ces vecteurs pour exprimer la variation d'une fonction de plusieurs paramĂštres est de visualiser le fait que la fonction va varier le plus dans la direction du vecteur gradient et qu'elle ne va pas varier pour tout changement des paramĂštres dans une direction perpendiculaire au gradient.
- pour : dans notre exemple du rectangle.
![](https://img.franco.wiki/i/Gradient_surface.png.webp)
Ceci donnera en Ă©lectrostatique les courbes de mĂȘme potentiel : les « Ă©quipotentielles ».
Définition mathématique
Contexte
Soit E un espace vectoriel euclidien et soit U un ouvert de E. Soit une fonction différentiable. Soit a un élément de U. On note alors la différentielle en a, qui est une forme linéaire sur E. On note l'image par cette différentielle d'un vecteur u de E.
Existence et unicité
Il existe un unique vecteur A tel que pour tout vecteur u de E, , oĂč l'on a notĂ© le produit scalaire dans E.
Le vecteur A est appelé gradient de f en a, et il est noté . Il vérifie donc :
Expression canonique (dérivées partielles)
Puisque le gradient est lui-mĂȘme un vecteur de E, il est naturel qu'on cherche Ă l'exprimer dans une base orthonormĂ©e de cet espace vectoriel. On dĂ©montre qu'il s'exprime Ă l'aide des dĂ©rivĂ©es partielles sous la forme
Par exemple, en dimension 3, on obtient :
Changement de base
Lors d'un changement de base, au travers d'un C1-difféomorphisme de E, l'écriture du gradient suit les rÚgles usuelles des changements de base.
Attention, il ne faut pas confondre changement de base pour l'expression d'une fonction écrite en notations cartésiennes (canoniques) et écriture du gradient adaptée à une notation autre. Par exemple pour une fonction exprimée en coordonnées polaires on calcule l'écriture « polaire » du gradient en partant d'une fonction explicitée en fonction de l'abscisse polaire (r) et de l'argument (Ξ) f(r,Ξ).
- coordonnées cylindriques (pour les coordonnées polaires, ne considérez pas la composante en z)
- qu'on peut aussi noter
- Tout dépend des notations utilisées. Se référer au paragraphe suivant
les vecteurs de type sont des vecteurs propres aux coordonnées polaires
On prendra ici les notations classiques des physiciens (voir Coordonnées sphériques)
Gradient et espace de Hilbert
Soient un espace de Hilbert (de dimension finie ou non), U un ouvert de H et f une application de U dans â, diffĂ©rentiable en un point a de U. La diffĂ©rentielle Ă©tant, par dĂ©finition, une forme linĂ©aire continue sur H, il rĂ©sulte alors du thĂ©orĂšme de reprĂ©sentation de Riesz qu'il existe un (unique) vecteur de H, notĂ© , tel que
Le vecteur est appelé le gradient de f en a.
On montre que si , alors croĂźt strictement dans la direction , c'est-Ă -dire que pour tout suffisamment petit, .
Gradient et variété riemannienne
On peut encore étendre cette définition à une fonction différentiable définie sur une variété riemannienne (M,g). Le gradient de f en a est alors un vecteur tangent à la variété en a, défini par
- .
Enfin, si f est un champ scalaire indépendant du systÚme de coordonnées, c'est un tenseur d'ordre 0, et sa dérivée partielle est égale à sa dérivée covariante : . En coordonnées contravariantes, on calcule le champ de vecteurs appelé gradient de f :
Cette formule permet, une fois établi le tenseur métrique, de calculer facilement le gradient dans un systÚme de coordonnées quelconque.
Développement limité
Si une application admet un gradient en un point, alors on peut écrire ce développement limité du premier ordre
Numériquement, il est trÚs intéressant de faire ensuite la demi-différence des deux développements pour obtenir la valeur du gradient et on note que celui-ci ne dépend pas en fait de la valeur de la fonction au point x : f (x). Cette formule a l'avantage de tenir compte des gradients du 2e ordre et est donc beaucoup plus précise et numériquement robuste. L'hypothÚse est, en pratique, de connaitre les valeurs "passé" et "futur" de la fonction autour d'un petit voisinage du point x.
Propriétés géométriques en dimension 2 ou 3
Classiquement, on sait que le gradient permet de définir la « normale aux courbes de niveau », ce qui se traduit en 2D et en 3D par des propriétés géométriques intéressantes. La propriété de tangence étant liée à la convexité/concavité, il est aussi intéressant de voir le lien qui existe entre gradient et convexité, toujours en 2D ou 3D.
Dimension 2 : gradient normal Ă une courbe en un point, droite tangente
On considĂšre continĂ»ment diffĂ©rentiable. Soit une courbe dĂ©finie par l'Ă©quation f(u)=k, oĂč k est une constante. Alors, en un point v donnĂ© de cette courbe, le gradient s'il existe et n'est pas nul, donne la direction de la normale Ă la courbe en ce point v. La droite tangente Ă la courbe est alors orthogonale au gradient et passe par v.
- Application au traitement d'image
Une image est en fait une fonction Ă deux variables notĂ© p(x,y), chaque valeur entiĂšre de x et y constitue un pixel de l'image et la valeur prise p(x,y) est appelĂ© "niveau de gris" du pixel pour une image en noir et blanc. Il est indispensable en pratique d'estimer "la droite tangente Ă la courbe" mĂȘme si la fonction p n'est pas analytique (p est en gĂ©nĂ©ral inconnue) et n'est peut-ĂȘtre pas diffĂ©rentiable au point (pixel) dâintĂ©rĂȘt. On calcule numĂ©riquement les deux gradients notĂ©s gx et gy suivant x et y par exemple avec les formules du 2e ordre, qui font appel Ă seulement 2 pixels chacun pour le calcul et ne force Ă supposer alors qu'il n'y a pas de bruit dans l'image.
La fonction p n'Ă©tant pas analytique et de valeur numĂ©rique connue uniquement en des points discrets (les pixels voisins), on peut utiliser diverses formules pour estimer le mieux possible ces gradients de l'image. On cite par exemple le filtre de Prewitt qui permet, utilisant la proximitĂ© des autres pixels de l'image (3 par 3 soit 9 pixels et tout) d'Ă©valuer les gradients gx et gy du pixel dâintĂ©rĂȘt situĂ© au centre par convention du filtre.
Repérant dans une image donnée les pixels ayant des forts gradients, ceux-ci peuvent servir d'amers, c'est-à -dire des points particuliers reconnaissables (notés dans une carte par exemple) permettant de se situer dans l'espace, autrement dit de recaler sa navigation. Les gradients gx et gy forment une direction (c'est en fait un vecteur) et on a aussi une information angulaire : il est possible de recaler des angles de prise de vue, trÚs utile pour le pilotage guidage des drones aériens par exemple.
Dimension 3 : gradient normal Ă une surface en un point, plan tangent
Soit une application continĂ»ment diffĂ©rentiable. Soit une surface dĂ©finie par l'Ă©quation f(u)=k, oĂč k est une constante. Alors, en un point v donnĂ© de cette surface, le gradient s'il existe et n'est pas nul, donne la direction de la normale Ă la surface en ce point v : le plan tangent Ă la surface est alors orthogonal au gradient et passe par v.
Gradient et convexité
Soit une application ( par exemple) continûment différentiable. Si l'application est monotone (resp. strictement monotone), alors f est convexe (resp. strictement convexe). C'est-à -dire, en utilisant la caractérisation par les cordes :
Cette propriĂ©tĂ© est intĂ©ressante parce qu'elle reste valable mĂȘme quand f n'est pas deux fois diffĂ©rentiable.
Si f est deux fois différentiable, le hessien est positif si et seulement si le gradient est monotone.
Cas de la dimension 1
La monotonie telle que définie ci-dessus permet de définir une fonction croissante ou décroissante au sens usuel. Dans le premier cas, on parle de fonction convexe, dans le second de fonction concave.
Si la fonction est deux fois dérivable, la croissance de la dérivée (donc du gradient) est assurée par la positivité de la dérivée seconde (équivalent du hessien).
Relations vectorielles
En analyse vectorielle, le gradient peut ĂȘtre combinĂ© Ă d'autres opĂ©rateurs. Soit f une fonction dĂ©crivant un champ scalaire, que l'on suppose de classe C2 par rapport Ă chaque paramĂštre, alors :
- ;
- ;
- .
Notes et références
- Autrement dit, quand une grandeur physique dépend aussi de variables non spatiales (par exemple le temps), on ne tient compte dans le calcul du gradient que des variables spatiales.
Voir aussi
Sources
- (en) Serge Lang, Fundamentals of Differential Geometry, Springer
- (en) Barrett O'Neill, Elementary Differential Geometry, 2e éd. révisée (ISBN 9780120887354)