Opérateur laplacien
L'opérateur laplacien, ou simplement le laplacien, est l'opérateur différentiel défini par l'application de l'opérateur gradient suivie de l'application de l'opérateur divergence :
Intuitivement, il combine et relie la description statique d'un champ (décrit par son gradient) aux effets dynamiques (la divergence) de ce champ dans l'espace et le temps. C'est l'exemple le plus simple et le plus répandu d'opérateur elliptique.
Il apparaßt dans la formulation mathématique de nombreuses disciplines théoriques, comme la géophysique, l'électrostatique, la thermodynamique, la mécanique classique et quantique. On le retrouve systématiquement dans les expressions de l'équation de Laplace, de l'équation de Poisson, de l'équation de la chaleur et l'équation d'onde.
L'opérateur laplacien appliqué deux fois est appelé bilaplacien.
Présentation
Effet physique
Une maniÚre d'aborder la compréhension du laplacien est de remarquer qu'il représente l'extension en dimension trois (ou deux, ou plus) de ce qu'est la dérivée seconde en dimension un.
De mĂȘme que le gradient est l'Ă©quivalent en 3D de la variation temporelle, de mĂȘme le laplacien reflĂšte la dĂ©rivĂ©e seconde qu'est l'accĂ©lĂ©ration : il prend des valeurs importantes dans des zones qui sont fortement concaves ou convexes, c'est-Ă -dire qui marquent un dĂ©ficit par rapport au plan de « distribution moyenne » que matĂ©rialise le gradient. Une valeur importante (en positif ou nĂ©gatif) du laplacien signifie que localement, la valeur du champ scalaire est assez diffĂ©rente de la moyenne de son environnement ; et sur le plan dynamique, cette diffĂ©rence de valeur demande Ă ĂȘtre comblĂ©e.
D'une maniÚre générale, on aura donc des équations physiques traduisant que la vitesse d'évolution d'une grandeur physique en un point sera d'autant plus grande que le laplacien est important en ce point, le rapport entre les deux étant donné par un coefficient de diffusion.
C'est ce que traduit par exemple l'Ă©quation de la chaleur :
La vitesse de variation de la température en un point est (à un coefficient prÚs) d'autant plus grande que l'écart de température avec la moyenne de son entourage est important.
DĂ©finition
Symbolisé par la lettre grecque delta, il correspond donc à l'opérateur nabla appliqué deux fois à la fonction considérée. Il s'applique le plus souvent aux champs scalaires, et son résultat est alors également un champ scalaire. La premiÚre application de nabla porte sur un scalaire : il s'agit donc d'un gradient, et le résultat est un vecteur :
La deuxiÚme opération porte alors sur un vecteur. Il s'agit alors d'une divergence, et le résultat est un scalaire :
- ,
d'oĂč les identitĂ©s mentionnĂ©es en introduction.
Ătant le rĂ©sultat d'une double dĂ©rivation spatiale, s'il est appliquĂ© Ă une grandeur physique G de dimension [G], le rĂ©sultat sera en [G] par mĂštre carrĂ©.
Changement de systÚme de coordonnées
Pour un champ scalaire, une fois établi le tenseur métrique g, on a :
Cette formule permet de calculer facilement le laplacien dans un systÚme de coordonnées quelconque.
Laplacien de tenseurs
De maniÚre plus générale, l'opérateur laplacien vectoriel, lui, s'applique aux champs vectoriels, et la définition du laplacien par la divergence du gradient (celle-ci étant prise sur l'indice tensoriel créé par le gradient) est valable pour un champ tensoriel quelconque a. Attention cependant : dans ce cas, la formule devient fausse. Le laplacien d'une matrice de coordonnées est la matrice des laplaciens des coordonnées. Le laplacien
a le mĂȘme nombre d'indices que a. Le laplacien admet une gĂ©nĂ©ralisation aux espaces non euclidiens suffisamment lisses, appelĂ© opĂ©rateur de Laplace-Beltrami.
Expression dans différents systÚmes de coordonnées
Coordonnées cartésiennes
- En coordonnées cartésiennes bidimensionnelles, le laplacien est :
. - En coordonnées cartésiennes tridimensionnelles :
. - En coordonnĂ©es cartĂ©siennes dans ân :
.
Coordonnées polaires
En coordonnées polaires (donc en dimension 2), le laplacien s'exprime de la façon suivante[1] - [2] :
Coordonnées cylindriques (dimension 3)
Il suffit d'ajouter au laplacien en coordonnées polaires ci-dessus pour obtenir celui correspondant au paramétrage cylindrique :
Coordonnées sphériques (dimension 3)
Avec le paramétrage
le laplacien s'exprime de la façon suivante[3] :
Ou sous une autre forme, qui peut ĂȘtre plus adaptĂ©e pour certains calculs, et redonne la formule prĂ©cĂ©dente une fois dĂ©veloppĂ©e :
Coordonnées hypersphériques (dimension 4)
Avec le paramétrage
le laplacien s'exprime de la façon suivante[4] :
Coordonnées sphériques en dimension quelconque
En coordonnées hypersphériques
le laplacien s'exprime de la façon suivante[5] :
Propriétés
- L'opérateur laplacien est linéaire :
- L'opérateur laplacien vérifie la rÚgle de Leibniz pour un opérateur différentiel d'ordre deux :
- L'opĂ©rateur laplacien est un opĂ©rateur nĂ©gatif, au sens oĂč, pour toute fonction lisse Ï Ă support compact, on a :
. Cette égalité se démontre en utilisant la relation , en intégrant par parties, et en utilisant une version du théorÚme de Stokes, qui se transpose à l'intégration par parties dans le cas unidimensionnel. - L'opérateur laplacien est indépendant du choix de la base orthonormale décrivant les variables spatiales[6].
Fonction harmonique
Une fonction (avec ) est dite harmonique si elle vérifie l'équation suivante, appelée équation de Laplace :
Interprétation
Le raisonnement se limitera au cas du plan. La dérivée d'une fonction en un point situé sur une droite se définit comme la limite du rapport des variations autour de ce point de la fonction et de la variable lorsque cette derniÚre variation tend vers zéro. En calcul numérique, une approximation de cette dérivée est donc obtenue pour un pas h en utilisant des différences finies :
La dérivée seconde s'exprime par
Cette quantitĂ©, qui tend vers le laplacien lorsque h tend vers 0, est proportionnelle Ă la diffĂ©rence entre la demi-somme des valeurs extrĂȘmes et la valeur centrale. La propriĂ©tĂ© se gĂ©nĂ©ralise Ă un nombre quelconque de variables.
Approche géométrique
Il est indispensable de bien dĂ©gager une interprĂ©tation physique simple pour le laplacien, autrement dit de se demander quelle est la signification physique de la quantitĂ© â2Ï, oĂč Ï est une grandeur physique quelconque. En particulier, Ï peut ĂȘtre le potentiel de pesanteur U, mais Ï peut aussi dĂ©signer un vecteur ou un tenseur. Le laplacien Ă©tant un opĂ©rateur scalaire, on peut donc Ă©tablir sa signification physique dans un systĂšme de coordonnĂ©es au choix. Pour des raisons de simplicitĂ©, nous utilisons ici des coordonnĂ©es cartĂ©siennes Ox, Oy, Oz, dans lesquelles â2 s'exprime par
Supposons qu'en un point O quelconque, pris comme origine de ce systĂšme d'axes Oxyz, le champ Ï prenne la valeur Ï0. ConsidĂ©rons un cube Ă©lĂ©mentaire de cĂŽtĂ© a, dont les arĂȘtes sont parallĂšles aux axes de coordonnĂ©es et dont le centre se confond avec l'origine O. La valeur moyenne de Ï dans ce cube Ă©lĂ©mentaire, autrement dit la valeur moyenne de Ï au voisinage du point O, est fournie par l'expression
oĂč les trois intĂ©grations portent chacune sur le cube C = [âaâ2, aâ2]3.
En un point P(x, y, z) arbitraire au voisinage de O(0,0,0), dĂ©veloppons Ï en sĂ©rie de Taylor-Maclaurin. On a ainsi :
D'une part, les fonctions impaires dans cette expression fournissent, par intĂ©gration de âaâ2 Ă aâ2, une contribution nulle Ă Ï. Par exemple,
D'autre part, les fonctions paires fournissent chacune une contribution de a5/12. Par exemple,
On en déduit que
ou encore
Comme le point O a été choisi arbitrairement, on peut l'assimiler au point courant P et laisser tomber l'indice 0. On obtient donc l'expression suivante, dont l'interprétation est immédiate :
c'est-Ă -dire la quantitĂ© â2Ï est proportionnelle Ă la diffĂ©rence Ï â Ï. La constante de proportionnalitĂ© vaut 24/a2 en axes cartĂ©siens. En d'autres termes, la quantitĂ© â2Ï est une mesure de la diffĂ©rence entre la valeur de Ï en un point quelconque P et la valeur moyenne Ï au voisinage du point P. En particulier, les fonctions harmoniques (voir supra) ont la propriĂ©tĂ© d'ĂȘtre des fonctions moyennes (ou des « fonctions de classe moyenne »).
Remarque : le laplacien d'une fonction peut aussi ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme la courbure moyenne locale de la fonction, que l'on visualise aisĂ©ment pour une fonction f Ă une seule variable. On vĂ©rifiera aisĂ©ment que le raisonnement proposĂ© ici pour le laplacien s'applique Ă une fonction f et Ă sa dĂ©rivĂ©e seconde. La dĂ©rivĂ©e seconde (ou courbure) reprĂ©sente ainsi la dĂ©viation locale de la moyenne par rapport Ă la valeur au point considĂ©rĂ©.
Notes et références
- Expression du laplacien en coordonnées polaires (dimension 2).
- .
- Expression du laplacien en coordonnées sphériques (dimension 3).
- Expression du laplacien en coordonnées hypersphériques (dimension 4).
- Expression du laplacien en coordonnées sphériques (dimension quelconque).
- On le montre en utilisant le fait que la transposée de la matrice de passage d'une base à l'autre est identique à son inverse.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (en) Eric W. Weisstein, « Laplacian », sur MathWorld
- (en) Milton Abramowitz et Irene Stegun, Handbook of Mathematical Functions with Formulas, Graphs, and Mathematical Tables [dĂ©tail de lâĂ©dition] (lire en ligne), chap. 21