Abus de langage
La notion d’abus de langage est employée pour critiquer une expression verbale plus ou moins impropre dans sa sémantique[1], donnant une sensation que la langue est abusée. On parle aussi de malapropisme ou d’impropriété. La notion connait une intersection avec celle de métonymie, et recouvre plus généralement le fait d’utiliser un mot à la place d’un autre.
L’abus de langage diffère du barbarisme et du solécisme, qui sont des constructions incorrectes au regard des règles de la langue. Les expressions qualifiées d’abus de langage sont des constructions tout à fait correctes, mais leur sens véritable ne correspond pas à ce qui est désigné en pratique.
Selon leurs causes et éventuellement leurs motivations, les abus de langage sont plus ou moins critiqués.
Causes
L’abus de langage est parfois la conséquence du fait qu’un mot d’un terme technique, au moment de faire le buzz, est incorrectement entendu ou lu par les journalistes qui le confondent avec un mot plus courant dont le sens est plus clair. Ce mot erroné est alors médiatisé à la place du mot correct. Cette confusion peut être volontaire, dans le but de faciliter la propagation de l’expression et d’augmenter l’attention sur le média.
L’abus de langage peut également être dû à la mauvaise traduction d’un faux-ami (ex. : « librairie » pour parler de bibliothèque logicielle, software library en anglais), au détournement (généralement par manque de connaissance de la vraie définition) de l’usage d’un mot (ex. : boutique « bien achalandée », voir ci-dessous) ou encore à la simplification d’une expression plus ou moins alambiquée, que ce soit pour éviter d’utiliser des termes que l’on ne saurait pas expliquer (ex. : « respirer de l’oxygène » plutôt que du dioxygène) ou pour faciliter l’usage.
Un autre cas est l’antonomase consistant à utiliser une marque pour désigner un type d’objets, même quand ces objets ne sont pas produits par ces marques (ex. : « kleenex » pour mouchoir, « frigidaire » pour réfrigérateur).
De façon généralement plus anodine, l’abus de langage peut être dû à la confusion de notions voisines ou d’objets semblables (ex. : le gruyère français comporte des trous et se rapproche de l’emmental, c’est pourquoi ce dernier a pu être pris pour du gruyère), à l’histoire (ex. : champignon de Paris et jambon de Paris, voir ci-dessous), à l’idée qu’une entité peut être représentée par un de ses composants (ex. : « Angleterre » utilisé pour désigner le Royaume-Uni), ou encore à l’idée que deux entités proches n’en forment qu’une seule (ex. : la conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques n’a pas eu lieu à Paris mais au Bourget).
Exemples
- Dire « Hollande » à la place de « Pays-Bas » ou « Angleterre » pour « Royaume-Uni ». C'est un abus de langage consistant à prendre une partie pour le tout[2]. À l'inverse, parler d'Amérique quand il n'est question que des seuls États-Unis d'Amérique.
- Appeler un manchot « pingouin ». Les deux termes désignent en effet des espèces appartenant à deux familles différentes d'oiseaux. Cela provient d'une mauvaise traduction en France de l'anglais « penguin » qui est un faux-ami[3].
- Dire d'une boutique bien fournie en articles qu'elle est « bien achalandée »[4]. Ce terme qualifie à la base un commerce bénéficiant de nombreux clients réguliers dits chalands.
- Parler de champignon de Paris ou de jambon de Paris. Il n'y a plus depuis longtemps de champignonnières à Paris et la préparation de jambon de Paris n'y est qu'artisanale, l'essentiel étant produit industriellement ailleurs. Un vin de Bordeaux a aussi peu de chance d'être produit à Bordeaux même, trop urbanisé, mais provient plutôt d'une autre commune de la Gironde.
- Parler de « paiement de caution » pour louer un véhicule, alors qu'il s'agit d'un dépôt de garantie, la véritable caution étant la personne qui se porte garante.
- Parler de « chiffre d'affaires journalier satisfaisant » pour un commerce alors qu'on fait référence à la recette du jour. En effet, le CA ne désigne de la recette que la part qui appartient au commerce (et est donc très différent pour un débit de tabac par exemple).
Points de vue scientifiques
Rejet des abus de langage
Les abus de langage sont un problème juridique, car ils sont sources d’ambigüités, parfois exploitées avec l’intention de nuire ou de tromper. Il peut s’agir d’abus de pouvoir, d’abus de droit, d’abus de confiance ; cela peut se retrouver dans un contexte commercial ou encore dans un contrat. Un exemple plus concret est la politique d'ambiguïté délibérée.
Dans le domaine de la communication, de la pédagogie et de l’épistémologie, les abus de langage sont critiqués parce qu’ils rendent les notions plus complexes et ainsi rendent plus difficile le travail de transmission et d’analyse de l’information.
Tolérance envers les abus de langage
La notion d'abus de langage, proche de celle d'« excès de langage », est considérée comme épilinguistique par certains linguistes, c’est-à -dire qu’elle impliquerait un jugement de valeur, non scientifique, sur l'usage que les locuteurs font du langage. La connotation négative du terme « abus de langage » est associée au purisme linguistique.
Dans des disciplines scientifiques telles que les mathématiques, les abus de langage, bien que relevés, sont parfois délibérément admis, afin de rester plus proche d’un terme international, ou encore pour obtenir une formulation raccourcie destinée à être utilisée souvent dans certains contextes.
Notes et références
- « Abus de langage : Définition simple et facile du dictionnaire », sur www.linternaute.fr, (consulté le )
- Si une telle erreur est faite intentionnellement, c'est une figure de style appelée synecdoque.
- « [Ne plus confondre] Manchots et pingouins », sur Planet-Vie (consulté le )
- « ACHALANDÉ : Définition de ACHALANDÉ », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Alfred GILDER (préf. Christophe Barbier), Les 300 plus belles fautes… à ne pas faire et autres extravagances à éviter, Omnibus, , 256 p. (ISBN 978-2258148031)
Articles connexes
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :