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Guerre d'indépendance de l'Argentine

La Guerre d’indĂ©pendance de l’Argentine, aussi appelĂ©e Guerre des Provinces unies du RĂ­o de la Plata est l’ensemble des batailles et campagnes militaires qui, dans le cadre des guerres d’indĂ©pendance hispanoamĂ©ricaines, eurent lieu en AmĂ©rique du Sud et auxquelles prirent part des forces militaires des Provinces unies du RĂ­o de la Plata, État qui succĂ©da Ă  la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata et fut le prĂ©dĂ©cesseur de la RĂ©publique d’Argentine.

La bataille de Suipacha, premiĂšre victoire des patriotes argentins.

La guerre dura quinze ans et s'acheva par la victoire des indĂ©pendantistes qui, tout en parvenant Ă  consolider l’indĂ©pendance de l’Argentine, avaient en mĂȘme temps apportĂ© leur concours Ă  celle d’autres pays d’AmĂ©rique du Sud.

Les adversaires en prĂ©sence sont qualifiĂ©s de patriotes (en esp. patriotas) ou de royalistes (realistas), le conflit opposant les partisans de l’indĂ©pendance de leur patrie et de la crĂ©ation de nouveaux États amĂ©ricains, et ceux qui au contraire tenaient Ă  ce que les territoires concernĂ©s (provinces, capitaineries ou vice-royautĂ©s) demeurent sous l’autoritĂ© de la monarchie espagnole du roi Ferdinand VII[n. 1] - [1].

Seuls certains de ces affrontements eurent lieu sur le territoire de l'actuelle Argentine, la plupart se dĂ©roulant dans les territoires de l’ancienne Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata qui allaient Ă  l’issue de la guerre rester en dehors des Provinces Unies, ou dans d’autres rĂ©gions d'AmĂ©rique du Sud qui n’avaient jamais fait partie de cette vice-royautĂ©, tels que le Chili, le PĂ©rou et l’Équateur ; toutefois, les troupes ne luttant pas seulement pour la maĂźtrise de ces territoires mĂȘmes, mais aussi en vue d’établir la souverainetĂ© nationale sur le territoire ayant appartenu Ă  la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata, ces opĂ©rations militaires font partie de la guerre d'indĂ©pendance. Il y eut par ailleurs des combats en mer, dans quelques cas mĂȘme dans des eaux trĂšs Ă©loignĂ©es du continent amĂ©ricain.

La guerre se déroula sur trois fronts principaux :

  • le front oriental ou du Litoral (ce mot Ă©tant, dans sa graphie espagnole, Ă  prendre au sens de rivage des grands fleuves), s’échelonnant sur les fleuves et riviĂšres du bassin de la Plata, et incluant les campagnes au Paraguay, dans la bande Orientale (grosso modo Ă©quivalent Ă  l’actuel Uruguay) et dans la MĂ©sopotamie argentine, ainsi que les combats navals sur le rĂ­o de la Plata et ses affluents ;
  • le front nord, comprenant les combats dans les provinces du Haut-PĂ©rou et dans l’intendance de Salta del TucumĂĄn ;
  • le front des Andes, englobant l’ensemble des actions offensives contre les positions royalistes au Chili, au PĂ©rou et dans l’ancienne PrĂ©sidence de Quito (grosso modo l’actuel Équateur).

Antécédents

La Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata, appartenant Ă  l’Empire espagnol, fut constituĂ©e en 1776 Ă  partir de territoires qui avaient fait partie auparavant de la Vice-royautĂ© du PĂ©rou[2] et qui peu aprĂšs furent rĂ©organisĂ©s en huit intendances : La Paz, Cochabamba, Chuquisaca (ou Charcas, l'actuelle Sucre), PotosĂ­, Salta del TucumĂĄn, CĂłrdoba del TucumĂĄn, Paraguay et Buenos Aires, et en quatre gobernaciones ou gouvernements politiques et militaires : Moxos, Chiquitos, Misiones et Montevideo ; la capitale de la vice-royautĂ© Ă©tait la ville de Buenos Aires[3].

Abstraction faite de la conquĂȘte portugaise des Misiones Orientales en 1801, qui ne suscita de la part de l’Espagne qu’une rĂ©plique militaire limitĂ©e et insuffisante, le territoire connut la paix intĂ©rieure et extĂ©rieure jusqu’à 1806. Cette annĂ©e-lĂ , ainsi que la suivante, se produisirent les offensives dites invasions britanniques, lors desquelles des troupes britanniques rĂ©ussirent Ă  occuper briĂšvement Buenos Aires, Montevideo et d’autres places de la bande Orientale. Sous l'impulsion de Jacques de Liniers, officier français au service de la couronne espagnole, elles en furent chassĂ©es grĂące Ă  l'appui de la population locale, qui s'Ă©tait organisĂ©e en milices de patriotes. Celles-ci atteignaient un total de 7 253 hommes en , et quoique leurs effectifs augmentassent encore lĂ©gĂšrement avant la seconde invasion anglaise (1807), elles devaient ensuite fortement diminuer une fois Ă©cartĂ©e la menace britannique[4].

Le contact soudain avec les conflits politiques europĂ©ens, l’influence idĂ©ologique des LumiĂšres, et l’exemple de la RĂ©volution française et de la DĂ©claration d’indĂ©pendance des États-Unis suscitĂšrent une activitĂ© politique inusitĂ©e et croissante dans les annĂ©es qui suivirent les invasions britanniques. L’absence de rĂ©ponse de la part de la mĂ©tropole espagnole aux demandes d’aide de sa colonie et l'expulsion rĂ©ussie des puissants envahisseurs sans aide extĂ©rieure firent acquĂ©rir Ă  la population locale, en particulier Ă  celle de Buenos Aires, un haut degrĂ© de conscience politique[5]. Dans le mĂȘme temps, l'absence de rĂ©action positive de la part de la mĂ©tropole aux demandes de plus en plus pressantes d’autonomie Ă©conomique porta la bourgeoisie d’affaires de Buenos Aires Ă  rejoindre les diffĂ©rents groupes attachĂ©s Ă  changer de façon substantielle la relation avec l’Espagne, et Ă  vouloir s’octroyer notamment le pouvoir de dĂ©cision Ă©conomique[n. 2] - [6].

Dans ce contexte d’une conscience de soi politique et sociale renforcĂ©e, la nouvelle de l’invasion de l’Espagne par les troupes françaises et du dĂ©trĂŽnement du roi Ferdinand VII eurent pour effet d’exacerber encore les conflits internes dans le RĂ­o de la Plata. Plusieurs expĂ©rimentations politiques, telles que le charlottisme[n. 3] - [7], si elles parvinrent certes Ă  susciter des adhĂ©sions, ne furent cependant jamais en mesure de vaincre la fidĂ©litĂ© de la population Ă  l’Espagne et la mĂ©fiance envers toute idĂ©e d’hĂ©gĂ©monie portugaise. Tandis que dans la mĂ©tropole se dĂ©roulait la guerre d’indĂ©pendance espagnole, la vice-royautĂ© restait fidĂšle Ă  l’autoritĂ© de la dĂ©nommĂ©e Junte suprĂȘme centrale, laquelle, ayant regroupĂ© les diffĂ©rentes juntes de gouvernement surgies dans la PĂ©ninsule, gouvernait l’Espagne au nom du roi Ferdinand dĂ©chu, maintenu prisonnier en France.

Sur le modĂšle de l’insurrection en Espagne et de son mode d’organisation, d’éphĂ©mĂšres tentatives d’instauration d’un gouvernement autonome sous forme de comitĂ©s exĂ©cutifs (juntas) eurent lieu Ă  Montevideo, Ă  Chuquisaca (ancien nom de la ville de Sucre) et Ă  La Paz. La premiĂšre dura neuf mois, avant de s’éteindre sans rĂ©sistance Ă  la fin de 1809, la deuxiĂšme fut dissoute sans effusion de sang, cependant que la rĂ©volution de La Paz Ă©tait durement rĂ©primĂ©e par une expĂ©dition militaire dĂ©pĂȘchĂ©e depuis le PĂ©rou[5]. En dehors du RĂ­o de la Plata, il y eut aussi une junte de gouvernement Ă  Quito, qui fut Ă©liminĂ©e sans combat[8].

À Buenos Aires, le coup de force tentĂ© le par MartĂ­n de Álzaga, coup de force appelĂ© en espagnol Asonada de Álzaga, fut Ă©crasĂ©e militairement le jour mĂȘme, et entraĂźna la dissolution de plusieurs corps de miliciens d’origine espagnole qui s’étaient engagĂ©s dans cette insurrection et, partant, permit le renforcement des forces criollas. Par la suite, le nouveau vice-roi du RĂ­o de la Plata, Baltasar Hidalgo de Cisneros, rĂ©organisa les corps militaires urbains de Buenos Aires, en modifiant leur distribution[9].

Dans les premiers mois de 1810, quelques groupes s’étaient formĂ©s qui conspiraient chacun sĂ©parĂ©ment pour destituer le vice-roi et se doter de quelque forme de gouvernement autonome. À la mi-mai, la nouvelle que l’Espagne Ă©tait tombĂ©e quasi tout entiĂšre aux mains des troupes de NapolĂ©on Bonaparte et que la Junte suprĂȘme centrale, qui gouvernait l’Espagne durant l’invasion française, avait Ă©tĂ© dissoute, eut pour effet de catalyser les discussions politiques et fit Ă©clater la rĂ©volution de Mai Ă  Buenos Aires[5].

La PremiĂšre Junte et la Grande Junte

La rĂ©volution de Mai dĂ©boucha, le , sur l’instauration d’un premier exĂ©cutif autonome, dit PremiĂšre Junte de Gouvernement, lequel Ă©tait prĂ©sidĂ© par un criollo, Cornelio Saavedra, et revendiquait, Ă  titre de successeur lĂ©gitime du vice-roi, l’autoritĂ© sur l’ensemble de la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata.

Le , la Junte envoya aux principales villes de la vice-royautĂ© une circulaire afin de porter Ă  leur connaissance les Ă©vĂ©nements survenus, de leur demander de faire allĂ©geance au nouveau pouvoir, et de les solliciter d’envoyer Ă  la capitale un dĂ©putĂ© pour chaque ville et commune[10].

Nonobstant que la Junte sĂ»t, peu aprĂšs qu’elle eut Ă©tĂ© constituĂ©e, que l’autoritĂ© avait Ă©tĂ© assumĂ©e en Espagne par un Conseil de RĂ©gence, elle continua nĂ©anmoins Ă  exiger allĂ©geance Ă  son autoritĂ©, et rĂ©cusa celle du Conseil, au motif que celui-ci avait Ă©tĂ© Ă©lu sans l'assentiment des populations amĂ©ricaines. La constitution espagnole de 1812, sanctionnĂ©e par les Cortes Generales del Reino rĂ©unies en 1812, laquelle constitution prĂ©voyait pour les territoires amĂ©ricains une reprĂ©sentation restant nettement en deçà de ce qui leur revenait de par leurs effectifs de population, ne fut pas de nature Ă  lever le refus des nouvelles autoritĂ©s locales de reconnaĂźtre toute puissance qui leur fĂ»t supĂ©rieure[11] - [12].

Au cours de cette premiĂšre phase, l’Espagne Ă©tait tombĂ©e quasi intĂ©gralement aux mains des troupes napolĂ©oniennes, et l’éventualitĂ© que la RĂ©gence pĂ»t, au moyen d’une expĂ©dition militaire, se porter efficacement au secours des royalistes en AmĂ©rique n’était pas mĂȘme envisagĂ©e par le gouvernement rĂ©volutionnaire.

De la mĂȘme façon que la PremiĂšre Junte entendait Ă©tendre son autoritĂ© Ă  l’ensemble de la vice-royautĂ© et s'appliquait Ă  diffuser la rĂ©volution dans toute l’AmĂ©rique espagnole, la Grande Junte, qui lui succĂ©da et qui connut plusieurs phases – caractĂ©risĂ©es chacune par l'influence respective plus ou moins importante de la faction dirigĂ©e par Cornelio Saavedra d’une part ou du groupe des partisans de Mariano Moreno d’autre part –, fit siennes Ă  son tour cette politique et cette attitude militaire expansionniste du gouvernement prĂ©cĂ©dent, notamment en dĂ©cidant d’élargir fortement l’exĂ©cutif par l’intĂ©gration en son sein de dĂ©putĂ©s de chacune des provinces intĂ©rieures[13].

Vers la mi 1811, aprĂšs que furent connues toute l'ampleur et toute la portĂ©e de la dĂ©faite totale subie par ses troupes dans le Haut-PĂ©rou, la Junte adopta une attitude plus prudente[12]. Mais elle ne survĂ©cut pas Ă  cette repositionnement politique : en , la Junte fut supplantĂ©e par le Premier triumvirat, lequel, au motif d’augmenter l’efficacitĂ© de gouvernement, s’appliqua Ă  concentrer le pouvoir exĂ©cutif en un nombre trĂšs restreint de personnes et Ă  ajuster ses dĂ©cisions sur les intĂ©rĂȘts de Buenos Aires[14].

CrĂ©ation de l’armĂ©e argentine

La guerre d’indĂ©pendance fut dĂ©clenchĂ©e dĂšs le , c'est-Ă -dire le jour mĂȘme oĂč triompha la rĂ©volution de Mai : le mĂȘme document en effet qui prĂ©voyait la formation de la PremiĂšre Junte de gouvernement, rĂ©clamait Ă©galement l’envoi d’une armĂ©e dans les terres intĂ©rieures de la dĂ©sormais abolie Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata[15]. Cette exigence fut insĂ©rĂ©e dans l’acte d’instauration de la Junte, en ces termes :

« (...) la Junte sitÎt installée, il y aura lieu de mettre sur pied dans un délai de 15 jours un corps expéditionnaire de 500 hommes pour porter secours aux provinces intérieures du royaume, lequel corps expéditionnaire devra se mettre en mouvement dans les plus brefs délais[16]... »

Deux jours aprĂšs, la Junte, par la voie de la mĂȘme circulaire qu’elle adressa aux provinces pour exiger la reconnaissance de son autoritĂ© et solliciter l'envoi de dĂ©putĂ©s Ă  Buenos Aires, dĂ©clara qu’elle enverrait « un corps expĂ©ditionnaire de 500 hommes vers l’intĂ©rieur pour apporter une aide militaire afin de faire respecter l’ordre, au cas oĂč il y aurait sujet de craindre que sans elle les Ă©lections des dĂ©putĂ©s ne puissent se tenir de façon libre et honnĂȘte. »[17]

En consĂ©quence, elle ordonna, le , une rĂ©organisation gĂ©nĂ©rale des forces armĂ©es de la capitale : les bataillons furent convertis en rĂ©giments avec 1 116 hommes chacun et il fut dĂ©cidĂ© de procĂ©der Ă  une levĂ©e rigoureuse des vagabonds et dĂ©sƓuvrĂ©s entre 18 et 40 ans pour combler les places vacantes[18].

Les diffĂ©rents corps d’armĂ©e qu’eurent Ă  leur disposition les gouvernements rioplatenses dĂ©rivaient des milices urbaines de Buenos Aires. En , Ă  la suite des rĂ©formes de Cisneros, l’appareil militaire de la vice-royautĂ© dans la ville de Buenos Aires Ă©tait constituĂ© de 7 bataillons d’infanterie : les bataillons no 1 et 2 de Patriciens, le bataillon des Arribeños (comprenant des volontaires des provinces de l’intĂ©rieur), le tercio de Montañeses (composĂ© des volontaires originaires de Cantabrie), le tercio de Andaluces (volontaires d’origine andalouse), les grenadiers de Terrada (volontaires placĂ©s sous le commandement du capitaine Terrada) et le bataillon de Castas ; enfin, le corps d’artillerie volante et les hussards de PueyrredĂłn.

Il existait en outre plusieurs corps de vĂ©tĂ©rans, dont les effectifs s’élevaient Ă  prĂšs d’un millier d’hommes, et qui comprenaient le RĂ©giment fixe de Buenos Aires (Regimiento Fijo de Buenos Aires), le rĂ©giment de Dragons de Buenos Aires et les Blandengues de la Frontera[19]. À l’exception de ces derniers, qui recrutaient principalement auprĂšs de criollos, tous ces corps de vĂ©tĂ©rans allaient ĂȘtre dĂ©mantelĂ©s cette mĂȘme annĂ©e.

Les effectifs s’élevaient au total Ă  4 145 hommes : 3 128 d’infanterie, 555 de cavalerie et 462 d’artillerie. Avant la fin de l’annĂ©e leur fut adjoint un nouveau rĂ©giment, le rĂ©giment AmĂ©rica ou de l’Étoile (de la Estrella), fondĂ© par Domingo French[20].

À ces forces, il convient d’ajouter un certain nombre d’autres qui ne firent jamais partie – en tant que telles – des forces armĂ©es des Provinces unies du RĂ­o de la Plata, comme les unitĂ©s stationnĂ©es Ă  Montevideo, divers corps de dĂ©fense de la frontiĂšre indigĂšne, et les 500 hommes qui en s’étaient mobilisĂ©es pour Ă©trangler les revoltes de Chuquisaca et de La Paz, sous le commandement de Vicente Nieto[21]. Dans les annĂ©es suivantes, ces troupes devaient pour la plupart combattre dans les rangs des royalistes[22] - [23].

Si nombreuses fussent-elles, ces troupes n’avaient guĂšre d’autre expĂ©rience du feu que les offensives britanniques, et se trouvaient Ă  prĂ©sent placĂ©es sous le commandement d’officiers aussi inexpĂ©rimentĂ©s que les soldats. Les premiers commandants furent des officiers infĂ©rieurs, voire des civils, placĂ© Ă  la tĂȘte des troupes pour raison politique ou pour leur charisme personnel, non pour leurs compĂ©tences militaires[24].

Armement et technique

Le matĂ©riel disponible et les tactiques mises en Ɠuvre par les armĂ©es en prĂ©sence allaient ĂȘtre les mĂȘmes, chez les forces patriotes comme chez les royalistes, et n’allaient pas beaucoup changer tout au long des diffĂ©rentes campagnes. Les armĂ©es de l’époque se rĂ©partissaient en trois armes : infanterie, cavalerie et artillerie. Il n’y avait pas de corps d’appui spĂ©cialisĂ©s, lesquels ne feraient leur apparition qu’avec les campagnes de San MartĂ­n, mais bien des chefs experts en gĂ©nie militaire.

L’infanterie, habituellement la plus nombreuse, Ă©tait armĂ©e de fusils Ă  chargement manuel et canon lisse – fort lentes et complexes Ă  charger –, munis de baĂŻonnettes pour le combat au corps Ă  corps. Compte tenu que, dans les premiers temps, les officiers dont l’armĂ©e pouvait disposer avaient de l’expĂ©rience dans la conduite de troupes d’infanterie, il apparaissait prĂ©fĂ©rable de recourir Ă  celle-ci plutĂŽt qu’aux autres armes[25].

La cavalerie Ă©tait peu nombreuse au dĂ©but, car elle avait Ă©tĂ© peu reprĂ©sentĂ©e dans les rĂ©giments levĂ©s sur la base des milices urbaines de Buenos Aires et que les criollos avaient tendance Ă  dĂ©daigner la cavalerie. Son usage, limitĂ© Ă  des opĂ©rations de protection sur les flancs des formations d’infanterie[25], Ă©tait de peu d’efficacitĂ©, faute d’entraĂźnement appropriĂ© en manƓuvre et tactique et en raison de ce que les criollos privilĂ©giaient les carabines et tenaient la lance pour une arme des indigĂšnes, ce qui, eu Ă©gard aux caractĂ©ristiques des armes Ă  feu de l’époque, constituait une vĂ©ritable erreur. Cependant, le recrutement de milices de cavalerie devait s’étendre rapidement vers la population rurale des provinces intĂ©rieures et son prestige grandir Ă  la suite de la crĂ©ation du RĂ©giment de grenadiers Ă  cheval (Regimiento de Granaderos a Caballo), corps de cavalerie spĂ©cialisĂ©e en affrontements armĂ©s Ă  grande vitesse[26]. La supĂ©rioritĂ© dont la cavalerie patriote bĂ©nĂ©ficia Ă  partir de ce moment, et qui Ă©tait redevable Ă  l’habiletĂ© de ses cavaliers, se maintint durant tout le reste de la guerre.

L’artillerie de campagne faisait usage de petits canons portatifs de bronze ou de cuivre[n. 4], et nĂ©cessitait une logistique importante pour les pourvoir de boulets et de munitions et pour transporter les piĂšces dĂ©sarmĂ©es. Les piĂšces Ă©taient alignĂ©es, en un Ă  trois groupes, Ă  l’intĂ©rieur des formations d’infanterie. Au commencement, les officiers chargĂ©s de les desservir n’étaient pas Ă  la hauteur de leur tĂąche, et les artilleurs de marine rappelĂ©s Ă  terre furent Ă  peine capables de les supplĂ©er, mais plus tard des Ă©coles d’officiers furent crĂ©Ă©es qui permirent une meilleure prĂ©paration technique[25].

De façon gĂ©nĂ©rale, les forces auxiliaires ou irrĂ©guliĂšres appartenaient Ă  la cavalerie et Ă©taient armĂ©es de lances improvisĂ©es, de boleadoras, et parfois d'armes Ă  feu courtes[27]. Dans le Haut-PĂ©rou et au PĂ©rou, les forces irrĂ©guliĂšres se composaient d’indigĂšnes Ă  pied, armĂ©s de macanas, de gourdins et de frondes[28].

Les dĂ©placements s’effectuaient en gĂ©nĂ©ral Ă  dos de mulet, sauf en zone montagneuse, oĂč les mulets Ă©taient utilisĂ©s exclusivement pour le transport de charges, tandis que les soldats d’infanterie allaient Ă  pied[29]. Les mulets avaient Ă©tĂ© le principal produit d’exportation de plusieurs zones des provinces situĂ©es entre la Quebrada de Humahuaca et le sud[30], mais la guerre mit fin Ă  ce commerce et les mules furent massivement destinĂ©es aux armĂ©es en campagne[31].

Les techniques de combat Ă©taient ordinairement fort simples : attaques frontales avec le gros de l’infanterie, appuyĂ©es par l’artillerie, pendant que la cavalerie protĂ©geait les flancs ou tentait d’encercler les forces ennemies. Seules les forces irrĂ©guliĂšres exĂ©cutaient des opĂ©rations tactiquement moins prĂ©visibles, ce qui explique leur notable succĂšs[32].

Pendant les trois premiĂšres annĂ©es de guerre, les deux camps opposĂ©s combattirent sous le drapeau de l’Espagne[33].

La rĂ©volution dans les provinces de l’intĂ©rieur

La circulaire du fut adressĂ©e Ă  toutes les villes et communes de la vice-royautĂ©. Les villes de l’intĂ©rieur situĂ©es sur le territoire de l’actuelle Argentine firent allĂ©geance Ă  la Junte, y compris les villes de Mendoza et de Salta, dont les gouvernants coloniaux pourtant l’avaient rĂ©cusĂ©e[10]; le seul cabildo Ă  s’y refuser fut celui de CĂłrdoba, ce qui allait contraindre la Junte Ă  s’en faire obĂ©ir par la force, et Ă  dĂ©clencher ainsi la guerre d’indĂ©pendance.

Les villes du Haut-PĂ©rou n’eurent pas mĂȘme l’occasion de se prononcer avant que leurs gouvernements ne le fissent Ă  leur place et en un sens nĂ©gatif. L’unique cas d’une municipalitĂ© du Haut-PĂ©rou qui eĂ»t reconnu prĂ©cocement la Junte fut celui de Tarija, qui en outre Ă©lut ensuite son dĂ©putĂ©[n. 5] - [34].

La premiĂšre ville Ă  recevoir la circulaire fut Montevideo, le [35]. Le lendemain, un cabildo ouvert (cabildo abierto) s’accorda Ă  reconnaĂźtre l’autoritĂ© de la Junte de Buenos Aires, mais dĂ©cida en mĂȘme temps d’ajourner l’envoi d’un dĂ©putĂ©. Quelques heures plus tard parvint Ă  Montevideo la nouvelle qu’à Cadix s’était installĂ© le Conseil de RĂ©gence, qui se proposait de gouverner le royaume jusqu’à la libĂ©ration du monarque captif Ferdinand VII[36]. Le Cabildo de Montevideo, sous la pression des troupes dĂ©ployĂ©es par le commandant d’escadre JosĂ© MarĂ­a Salazar, rĂ©solut de se rallier Ă  l’autoritĂ© du Conseil de RĂ©gence et de rĂ©pudier la Junte de Buenos Aires, pour autant que celle-ci ne reconnĂ»t pas le Conseil de RĂ©gence[36].

À l’issue d’une dĂ©marche infructueuse entreprise Ă  Montevideo par Juan JosĂ© Paso, secrĂ©taire de la Junte[12], celle-ci ouvrit les hostilitĂ©s contre les royalistes de Montevideo, dont le cabildo rompit de son cĂŽtĂ© ses relations avec Buenos Aires le [37].

Montevideo reprĂ©sentait pour Buenos Aires une menace sĂ©rieuse : quoique le rapport de forces fĂ»t, quant aux effectifs de l’armĂ©e de terre, favorable aux rĂ©volutionnaires portĂšgnes, c’est toutefois Ă  Montvideo que se trouvaient cantonnĂ©s la plupart des vĂ©tĂ©rans de la vice-royautĂ©. Parmi les milices qui tenaient garnison Ă  Montevideo figuraient le RĂ©giment de Volontaires du RĂ­o de la Plata, le RĂ©giment de Chasseurs d’Infanterie lĂ©gĂšre et le 1er Escadron de Hussards, tous crĂ©Ă©s Ă  Buenos Aires. DirigĂ©s par Prudencio Murguiondo, ils se soulvĂšrent le et exigĂšrent la destitution du commandant naval de la ville, mais le mouvement fut brisĂ© par le gouverneur JoaquĂ­n de Soria[37].

Quant Ă  la puissance navale, Montevideo jouissait en revanche d’une supĂ©rioritĂ© Ă©crasante : les quelques vaisseaux de guerre qui avaient Ă©tĂ© Ă©chus Ă  Buenos Aires avaient ensuite Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă  faire voile vers Montevideo lors des nĂ©gociations avec cette ville et la majoritĂ© des officiers s’étaient alors ralliĂ©s au Conseil de RĂ©gence. La Junte ne disposait donc plus d’aucune force navale. La maĂźtrise de l’estuaire permettrait Ă©ventuellement Ă  Montevideo de bloquer la capitale rĂ©volutionnaire, et la possession d’un port en eaux profondes lui garantissait l’approvisionnement de ses troupes et assurait Ă  toute expĂ©dition royaliste une tĂȘte de pont sĂ»re[37].

Un autre cas particulier fut celui d'Asuncion, chef-lieu du Paraguay, qui accueillit de mauvaise grĂące l’émissaire de la Junte, le colonel JosĂ© de EspĂ­nola y Peña, lequel avait mauvaise rĂ©putation dans cette province. Le , aprĂšs que le gouverneur eut reçu la nouvelle de l’installation du Conseil de RĂ©gence, ainsi que du serment d’allĂ©geance qui lui avait Ă©tĂ© prĂȘtĂ© Ă  Montevideo, une assemblĂ©e provinciale fut convoquĂ©e[n. 6], qui jura obĂ©dience au Conseil de RĂ©gence et repudia le mouvement rĂ©volutionnaire portĂšgne, bien que gardant des relations amicales avec la Junte de Buenos Aires[10]. EspĂ­nola y Peña retourna Ă  Buenos Aires avec la conviction qu’il existait Ă  Asuncion un puissant foyer rĂ©volutionnaire, et qu’une expĂ©dition rĂ©volutionnaire de 200 hommes suffirait pour lui apporter l’appui nĂ©cessaire et pour unir le Paraguay au reste de l’ancienne vice-royautĂ©[38].

Contre-révolution à Córdoba

Jacques de Liniers, hĂ©ros de la reconquĂȘte (1806) et de la dĂ©fense (1807) de Buenos-Aires entendit rester fidĂšle Ă  la monarchie espagnole pour laquelle il avait prĂȘtĂ© serment et s’opposa Ă  la rĂ©volution de Mai Ă  CĂłrdoba.

Le jour mĂȘme de l’installation de la PremiĂšre Junte, le vice-roi destituĂ© Cisneros envoya Ă  son prĂ©dĂ©cesseur Jacques de Liniers, qui se trouvait alors Ă  CĂłrdoba, un message secret par lequel il le chargeait de diriger la rĂ©sistance contre la rĂ©volution[39].

Lors de plusieurs rĂ©unions tenues au domicile du gouverneur Juan GutiĂ©rrez de la Concha se rencontrĂšrent, parmi d’autres, l’ancien vice-roi Liniers, l’évĂȘque Rodrigo de Orellana et le doyen de la cathĂ©drale Gregorio Funes, qui s’était ralliĂ© Ă  la Junte[40]. Ils y prirent connaissance du message de Cisneros ainsi que de la circulaire de la Junte exigeant l’allĂ©geance du gouverneur et du cabildo de CĂłrdoba[40].

Avant qu’aucune dĂ©cision ne fĂ»t encore prise, l’on apprit, le , la mise en place du Conseil de RĂ©gence. Liniers prit le parti de rĂ©pudier la Junte, et, conjointement avec ses compagnons, hormis le doyen Funes, decida de rĂ©cuser l’autoritĂ© de la Junte et de se prĂ©parer Ă  la rĂ©sistance. Le , le Cabildo, en prĂ©sence du gouverneur, prĂȘta serment de fidĂ©litĂ© au Conseil de RĂ©gence[41].

Le mĂȘme jour, , Ă  Buenos Aires, le ci-devant vice-roi Cisneros et les auditeurs de la Real Audiencia furent arrĂȘtĂ©s puis embarquĂ©s Ă  destination des Ăźles Canaries, pour avoir jurĂ© en secret fidĂ©litĂ© au Conseil de RĂ©gence et avoir favorisĂ© la contre-rĂ©volution Ă  CĂłrdoba[42].

Liniers et GutiĂ©rrez de la Concha entreprirent de mettre Ă  pied d’Ɠuvre des milices urbaines ainsi que des miliciens recrutĂ©s dans les campagnes par le colonel Santiago Allende. ConformĂ©ment au rĂšglement sur les milices de 1801 existait Ă  CĂłrdoba un RĂ©giment de Volontaires de Cavalerie de CĂłrdoba, avec un effectif total thĂ©orique de 1 200 hommes. Les prĂ©paratifs Ă©taient arrivĂ©s Ă  un stade trĂšs avancĂ©, et 1500 hommes et 14 canons avaient dĂ©jĂ  pu ĂȘtre rĂ©unis[n. 7] - [43].

Fin juillet, le gouverneur de CĂłrdoba reconnut l’intĂ©gration de cette province Ă  la Vice-royautĂ© du PĂ©rou telle qu’annoncĂ©e par le vice-roi de celle-ci, JosĂ© Fernando de Abascal, tandis que le cabildo de CĂłrdoba vint se placer sous la juridiction de la Real Audiencia de Charcas[44] - [45].

La ville de Mendoza, situĂ©e plus Ă  l’ouest encore, reçut la circulaire du le , quasi au moment mĂȘme oĂč parvint une communication de GutiĂ©rrez de la Concha enjoignant de ne point reconnaĂźtre la Junte et de dĂ©pĂȘcher des troupes sur CĂłrdoba, ville sous la dĂ©pendance de laquelle se trouvait alors Mendoza. Un cabildo ouvert reconnut cependant l’autoritĂ© de la Junte et Ă©lut un dĂ©putĂ© destinĂ© Ă  partir pour Buenos Aires, et dĂ©cida en outre de remplacer le sous-dĂ©lĂ©guĂ© de la Real Hacienda et commandant militaire (comandante de armas), Faustino Ansay ; celui-ci certes s’inclina et, le , remit une partie des armes en sa possession, mais dĂšs la nuit du mĂȘme jour, dirigea un soulĂšvement, s’emparant de la caserne et rĂ©unissant plus de 200 soldats. Trois jours aprĂšs, faute d’appui, il dut se raviser et se rĂ©signer Ă  reconnaĂźtre la Junte.

Quelques jours plus tard, GutiĂ©rrez de la Concha rĂ©itĂ©ra sa requĂȘte d’armes et de troupes, mais obtint une rĂ©ponse nĂ©gative. Le commandant Ansay fut destituĂ© de sa charge et envoyĂ© prisonnier Ă  Buenos Aires[46].

Dans les autres villes et communes de l’Intendance de CĂłrdoba del TucumĂĄn, les autoritĂ©s hĂ©sitĂšrent sur la position Ă  adopter : Ă  San Juan, le cabildo attendit d’avoir eu avis de la dĂ©cision des autres villes, et ce n’est que le qu’il rĂ©solut de reconnaĂźtre la Junte et de procĂ©der Ă  l’élection d’un dĂ©putĂ©, toutefois sans remettre en cause sa reconnaissance des autoritĂ©s de CĂłrdoba[47]. DĂ©but aoĂ»t, cette dĂ©cision fut acceptĂ©e et imitĂ©e par les municipalitĂ©s de San JosĂ© de JĂĄchal et de San AgustĂ­n de Valle FĂ©rtil[48]. Le , 111 miliciens originaires de San Juan furent mis Ă  la disposition de l’ExpĂ©dition auxiliaire, puis, ultĂ©rieurement, 100 hommes encore[49], qui firent route vers Buenos Aires.

De mĂȘme, le cabildo de La Rioja Ă©vita de se prononcer en faveur de la Junte jusqu’au 1er septembre, quand fut Ă©lu dĂ©putĂ© Francisco Antonio Ortiz de Ocampo, alors commandant de l’ArmĂ©e du nord nouvellement constituĂ©e et Ă  qui la Junte ordonna de se maintenir Ă  ce poste[10].

L’exception fut la ville de San Luis, laquelle reconnut la Junte, Ă  peine parvenue la nouvelle de sa formation, et refusa de lui rĂ©sister, comme lui avait enjoint de faire le gouverneur GutiĂ©rrez de la Concha. En rĂ©ponse Ă  la demande de troupes de la part de la Junte, San Luis contribua Ă  hauteur de 400 soldats, qui ralliĂšrent Salta[50].

Expédition militaire auxiliaire dans les provinces intérieures

L’organisation de l’armĂ©e appelĂ©e Ă  faire marche vers l’intĂ©rieur fut confiĂ©e Ă  Juan JosĂ© Castelli, membre de la Junte, qui rĂ©unit 1 150 hommes issus des rĂ©giments d’infanterie et de cavalerie, tant miliciens que vĂ©tĂ©rans[51]. L’artillerie se composait de quatre canons de campagne et de deux obusiers. Les troupes, portant uniforme rĂ©glementaire, disposaient d’un bon armement, Ă©taient abondamment pourvues de munitions, et avaient vu leur solde payĂ©e d'avance, grĂące Ă  un emprunt obtenu des milieux d’affaires par les soins du membre de la Junte Juan Larrea[52].

Le , la Junte nomma commandant en chef de l’armĂ©e Francisco Ortiz de Ocampo, colonel du RĂ©giment d’Arribeños, choisi pour ĂȘtre originaire des provinces de l’intĂ©rieur et s’ĂȘtre familiarisĂ©, lors de ses voyages en tant que nĂ©gociant, avec le centre et le nord de l’Argentine[53]. Le lieutenant-colonel Antonio GonzĂĄlez Balcarce (en) devait le seconder Ă  titre de major gĂ©nĂ©ral.

À l’instar des armĂ©es rĂ©volutionnaires françaises, il Ă©tait en outre accompagnĂ© par HipĂłlito Vieytes, Ă  titre de mandataire de la Junte, et par Feliciano Antonio Chiclana, en qualitĂ© d’auditeur de guerre. Le commandement militaire Ă©tait subordonnĂ© au politique, et ce dernier Ă  la Junte par le biais du secrĂ©tariat Ă  la Guerre, dont Mariano Moreno Ă©tait alors titulaire. Tous ces chefs militaires et politiques formaient un ComitĂ© de mandataires, qui Ă©tait tenu de prendre les rĂ©solutions Ă  la majoritĂ© et dont le secrĂ©taire Ă©tait Vicente LĂłpez y Planes[52] - [54].

Le , Moreno publia dans La Gazeta de Buenos Ayres, qui Ă©tait en quelque sorte le journal officiel de la PremiĂšre Junte, un ultimatum adressĂ© aux contre-rĂ©volutionnaires, ainsi conçu : « La Junte dispose de ressources efficaces aptes Ă  rappeler Ă  leurs devoirs les rebelles qui visent Ă  instaurer la division parmi nos populations, division si chargĂ©e de pĂ©rils Ă  l’heure prĂ©sente : elle les persĂ©cutera et leur fera un chĂątiment exemplaire propre Ă  servir de leçon aux malfaisants et Ă  les terrifier. »[55]

Le colonel Balcarce captura Jacques de Liniers et devint commandant de l’ArmĂ©e du Nord.

Le , l’armĂ©e, aussitĂŽt qu’instruite, se mit en route vers le nord[56]. Le jour suivant, la Junte ordonna que ceux qui s’opposeraient Ă  la rĂ©volution fussent envoyĂ©s Ă  Buenos Aires au fur et Ă  mesure de leur capture, mais le elle ordonna

« ... que soient passĂ©s par les armes Jacques de Liniers, l’évĂȘque Orellana, l’intendant de CĂłrdoba GutiĂ©rrez de la Concha, le colonel de milices Allende, l’officier royal Moreno et Victoriano RodrĂ­guez, au moment mĂȘme oĂč ils seront, tous Ă  la fois ou chacun sĂ©parĂ©ment, capturĂ©s. Quelles que soient les circonstances, cette rĂ©solution devra ĂȘtre exĂ©cutĂ©e sans admettre le moindre dĂ©lai qui laisserait le loisir d’introduire des requĂȘtes ou de faire jouer des relations susceptibles de comprommettre l’accomplissement du prĂ©sent ordre[33]. »

GonzĂĄlez Balcarce avança avec 75 hommes Ă  la poursuite de la petite armĂ©e royaliste, qui se retirait vers le nord[33]. Les troupes royalistes dĂ©sertant en masse, leurs chefs ne cheminaient plus qu’avec une escorte peu nombreuse, avant d’ĂȘtre capturĂ©s un Ă  un les 6 et et emmenĂ©s Ă  CĂłrdoba[52].

Le , le gros de l’armĂ©e arriva Ă  CĂłrdoba, et le cabildo de la ville reconnut la Junte et le nouveau gouverneur, Juan MartĂ­n de PueyrredĂłn. Le , un cabildo ouvert Ă©lut comme dĂ©putĂ© le doyen Gregorio Funes[57].

Ortiz de Ocampo ordonna la mise Ă  mort de Liniers, de GutiĂ©rrez de la Concha, d’Orellana et de leurs compagnons, mais, sous les pressions d’une commission de notables de CĂłrdoba — dont faisait partie le doyen Funes — suspendit ensuite l’exĂ©cution de la sentence et envoya les dĂ©tenus Ă  Buenos Aires[33].

La Junte, alarmĂ©e par cette dĂ©sobĂ©issance, rĂ©solut de faire exĂ©cuter sans dĂ©lai les prisionniers, et Ă  cet effet dĂ©pĂȘcha l’un de ses membres, Juan JosĂ© Castelli, accompagnĂ© de NicolĂĄs RodrĂ­guez Peña en tant que son secrĂ©taire, ainsi que par un dĂ©tachement de 50 soldats sous le commandement de Domingo French. Ils rencontrĂšrent les prisonniers le , prĂšs de la poste de Cabeza de Tigre, dans le sud-est de la province de CĂłrdoba ; de lĂ , l’officier Juan RamĂłn Balcarce les conduisit vers le Monte de los Papagayos proche, oĂč furent alors fusillĂ©s Liniers, GutiĂ©rrez de la Concha, Allende, Victorino RodrĂ­guez et JoaquĂ­n Moreno[52]. L’évĂȘque Orellana fut envoyĂ© prisonnier Ă  LujĂĄn[58].

Castelli revint aussitĂŽt Ă  Buenos Aires, oĂč il reçut des instructions secrĂštes en vue de diffuser et diriger le projet rĂ©volutionnaire dans le Haut-PĂ©rou[33]. Mariano Moreno fit publier une vĂ©hĂ©mente proclamation, dans laquelle il justifiait l’exĂ©cution de Liniers, hĂ©ros de la rĂ©sistance contre les Invasions anglaises[59].

Par ordre de la Junte, GonzĂĄlez Balcarce remplaça Ortiz de Ocampo Ă  la tĂȘte des troupes d’avant-garde — quoique ce dernier continua d’en ĂȘtre le chef nominal —, avec Juan JosĂ© Viamonte comme commandant en second. Castelli assuma, en remplacement de Vieytes, la charge de dĂ©lĂ©guĂ©, et Bernardo de Monteagudo celle d’auditeur. French et RodrĂ­guez Peña vinrent Ă  faire partie Ă©galement du nouveau comitĂ© politique. Ensuite, l’armĂ©e poursuivit sa marche en direction de Santiago del Estero, oĂč Ortiz de Ocampo s’attarda pour rĂ©unir des troupes, tandis que GonzĂĄlez Balcarce continua de son cĂŽtĂ© d’avancer vers Salta[33].

Le , Castelli se mit en route au dĂ©part de Buenos Aires ; en qualitĂ© de reprĂ©sentant de la Junte auprĂšs de l’armĂ©e, des gouvernements et des populations de l’intĂ©rieur, il Ă©tait revĂȘtu de toutes les compĂ©tences et prĂ©rogatives dont jouissait la Junte elle-mĂȘme. L’on espĂ©rait Ă©viter ainsi de nouvelles insubordinations[33].

La révolution dans le Haut-Pérou

Le vice-roi José Fernando de Abascal.

Le prĂ©sident de la Real Audiencia de Charcas (actuelle Sucre), Vicente Nieto, avait appris la nouvelle de la rĂ©volution de Mai Ă  la fin juin. PrĂ©sageant que les forces appartenant au RĂ©giment de Patriciens, qu’il avait fait venir de Buenos Aires, se prononceraient en faveur de la nouvelle autoritĂ© politique, ils les avait dĂ©sarmĂ©s, destituant les officiers et envoyant les soldats, tirĂ©s au sort par la mĂ©thode de la dĂ©cime, travailler dans les carriĂšres de PotosĂ­[60].

Le , sur sollicitation des autoritĂ©s des intendances concernĂ©es, le vice-roi JosĂ© Fernando de Abascal dĂ©crĂ©ta que les intendances de Charcas, de PotosĂ­, de La Paz et de CĂłrdoba fussent rĂ©intĂ©grĂ©es Ă  titre provisoire dans la Vice-royautĂ© du PĂ©rou[61]; dans le texte du dĂ©cret d’annexion, l’on eut soin en effet de prĂ©ciser jusqu’à ce que soit rĂ©tablie dans sa fonction lĂ©gitime Son Excellence le Vice-roi de Buenos-Ayres, ainsi que les autres autoritĂ©s lĂ©galement constituĂ©es, l’autoritĂ© royale Ă©tant en effet seule habilitĂ©e Ă  dĂ©membrer Ă  titre dĂ©finitif le territoire de la vice-royautĂ© de Buenos Aires[62] - [63].

Ce mĂȘme jour, Abascal nomma gĂ©nĂ©ral en chef de l’armĂ©e expĂ©ditionnaire du Haut-PĂ©rou, avec l’ordre de coordonner ses actions avec les autoritĂ©s de cette rĂ©gion, le prĂ©sident provisoire de la Real Audiencia de Cuzco, JosĂ© Manuel de Goyeneche, lequel installa son campement sur la riviĂšre Desaguadero[33].

Nieto missionna le major-gĂ©nĂ©ral JosĂ© de CĂłrdoba y Rojas d’occuper le village stratĂ©gique de Santiago de Cotagaita Ă  l’aide de troupes de Chuquisaca et PotosĂ­ sous les ordres du colonel Indalecio GonzĂĄlez de Socasa. La position fut fortifiĂ©e au moyen de fossĂ©s et de tranchĂ©es dans l’attente des renforts sollicitĂ©s auprĂšs du vice-roi du PĂ©rou[33].

En , un bataillon de 300 miliciens, que commandait le colonel Francisco del Rivero, secondĂ© d’Esteban Arze, avait Ă©tĂ© mis en ordre de marche en direction de la localitĂ© d’Oruro (aujourd’hui en Bolivie), dans le but d’écraser une rĂ©volte locale liĂ©e aux rĂ©volutions dans le Haut-PĂ©rou l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Ces forces, qui n’avaient pas eu l’occasion de combattre, reçurent ordre de s’unir Ă  l’armĂ©e de CĂłrdoba y Rojas Ă  Tupiza ; cependant, au lieu de cela, Rivero se porta vers Cochabamba, pĂ©nĂ©tra dans la ville le et y dĂ©clencha la rĂ©volution de Cochabamba : ayant fait arrĂȘter et dĂ©posĂ© le gouverneur, il fit, sans effusion de sang, allĂ©geance Ă  la Junte de Buenos Aires, se faisant lui-mĂȘme proclamer gouverneur intendant, prĂ©sident et capitaine gĂ©nĂ©ral de la province[64].

En aoĂ»t, le chapelain JosĂ© AndrĂ©s de Salvatierra se mit Ă  la tĂȘte d’un mouvement surgi dans le fort de Membiray et, le , s’empara de la ville de Santa Cruz de la Sierra. LĂ  fut constituĂ©, Ă  la suite de la convocation d’un cabildo ouvert, une Junte provisoire, dirigĂ©e par Antonio Vicente Seoane, le colonel Antonio SuĂĄrez, JosĂ© AndrĂ©s de Salvatierra, Juan Manuel Lemoine et le mandataire de la Junte de Buenos Aires, Eustaquio Moldes[61].

Le , Oruro, par un pronunciamiento, adhéra à la Junte de Buenos Aires. Une éphémÚre résistance fut promptement écrasée par des forces arrivées de Cochabamba sous le commandement d'Esteban Arze[64].

Unification révolutionnaire du Haut-Pérou

En , l’avant-garde de l’armĂ©e du Nord entama sa marche vers le Haut-PĂ©rou Ă  travers les gorges de Humahuaca. À partir de la localitĂ© de Cangrejos, dans le dĂ©partement de Cochinoca, les troupes de l’avant-garde pouvaient apercevoir des forces royalistes, qui se retiraient Ă  mesure qu’avançait l’avant-garde patriote.

GonzĂĄlez Balcarce, aprĂšs s’ĂȘtre arrĂȘtĂ© briĂšvement Ă  Yavi, pour permettre aux 200 miliciens de Tarija — qu’il avait ordonnĂ© d’aller chercher, et avec eux le capitaine MartĂ­n Miguel de GĂŒemes[65] — de s’incorporer Ă  ses troupes, et pour prendre rĂ©ception d’une petite quantitĂ© de munitions, commença sa progression vers le nord avec 400 hommes et deux canons, sans attendre que le gros de l’armĂ©e eĂ»t rejoint sa troupe. Les royalistes abandonnĂšrent Tupiza et se repliĂšrent sur Santiago de Cotagaita. Le , lors de la bataille de Cotagaita, GonzĂĄlez Balcarce Ă©choua Ă  s’emparer des positions royalistes en raison de la faiblesse de son artillerie et de la supĂ©rioritĂ© numĂ©rique des Espagnols[66]. Les troupes expĂ©ditionnaires retournĂšrent Ă  Tupiza sans ĂȘtre poursuivies.

Une semaine aprĂšs, les royalistes sous le commandement de CĂłrdoba se portĂšrent vers le sud. Balcarce les attendit Ă  25 km de Tupiza, Ă  Suipacha, face Ă  la riviĂšre du mĂȘme nom, oĂč il reçut un renfort en provenance de San Salvador de Jujuy, avec deux piĂšces d’artillerie et d’abondantes munitions. CĂłrdoba prit position dans le village de Nazareno, sur la rive opposĂ©e de la riviĂšre.

Le s’affrontĂšrent, dans la bataille de Suipacha, 800 royalistes avec 4 canons, et 600 patriotes avec 2 canons. GonzĂĄlez Balcarce attira les troupes royalistes en les incitant, par une fuite feinte, Ă  traverser la riviĂšre ; sur la rive sud, les royalistes eurent alors Ă  subir sur leur flanc une attaque surprise menĂ©e par l’infanterie et l’artillerie patriotes qui s’étaient tenues dissimulĂ©es derriĂšre les coteaux, tandis que la cavalerie, mettant fin Ă  leur fuite apparente, faisait demi-tour pour les affronter. Les royalistes furent mis en dĂ©route, abandonnant armes, artillerie et munitions, se dĂ©bandant totalement[67].

Quoique quelques historiens aient affirmĂ© que l’action fĂ»t le mĂ©rite du capitaine GĂŒemes, lequel aurait dirigĂ© l’opĂ©ration de retrait et de contre-attaque[68], le bulletin de bataille ne fait aucune mention de GĂŒemes, et Castelli par la suite le renverra Ă  Salta. La version bolivienne traditionnelle attribue le principal mĂ©rite aux milices de Tarija[69].

L’issue de la bataille de Suipacha eut un grand impact moral, à telle enseigne que le , la ville de Potosí destitua le gouverneur Francisco de Paula Sanz[70].

Goyeneche dĂ©pĂȘcha une division, placĂ©e sous les ordres de Juan RamĂ­rez Orozco, avec mission d’écraser la rĂ©volution, mais celui-ci ne parvint pas au-delĂ  de Viacha, oĂč la route bifurquait, l’une des voies conduisant Ă  Oruro et l’autre Ă  La Paz. De cet endroit, il envoya en direction d’Oruro quelque 800 fantassins vĂ©tĂ©rans et deux piĂšces d’artillerie, sous le commandement du colonel FermĂ­n PiĂ©rola, qui furent attaquĂ©s par surprise et dĂ©faits par Arze le , dans la bataille d’Aroma, lors de laquelle la troupe royaliste perdit la moitiĂ© de ses effectifs. PiĂ©rola et RamĂ­rez Orozco se repliĂšrent sur la riviĂšre Desaguadero.

De son cĂŽtĂ©, Rivero dĂ©pĂȘcha au dĂ©part de Cochabamba deux divisions patriotes : l’une s’en alla occuper le Chuquisaca, oĂč un cabildo ouvert reconnut l’autoritĂ© de la Junte portĂšgne, dĂ©clarant nulle son allĂ©geance Ă  la vice-royautĂ© du PĂ©rou ; l’autre pĂ©nĂ©tra le dans La Paz, oĂč l’intendant Domingo TristĂĄn y Moscoso se soumit Ă  la rĂ©volution et oĂč un congrĂšs du peuple accepta Ă  l’unanimitĂ© l’autoritĂ© de la Junte de Buenos Aires[28]. Le Haut-PĂ©rou tout entier se retrouvait ainsi aux mains de la RĂ©volution.

Fin novembre, RamĂ­rez Orozco vint rejoindre les forces de Goyeneche. Dans sa division figurait Ă©galement l’évĂȘque de La Paz, Lasanta, condamnĂ© Ă  mort par la PremiĂšre Junte[61].

Le , la Junte crĂ©a le RĂ©giment nÂș 7 d’Infanterie de Cochabamba, dont le chef Ă©tait Francisco del Rivero, lequel fut Ă©levĂ© au grade de gĂ©nĂ©ral au mois de janvier suivant[71].

Castelli se chargea de la direction politique dans le Haut-Pérou ; il nomma Feliciano Antonio Chiclana gouverneur de Potosí, et Juan Martín de Pueyrredón gouverneur de Chuquisaca[61]. En exécution des ordres de Buenos Aires, et à titre de chùtiment pour la répression des soulÚvements de Chuquisaca et La Paz en 1809, les dirigeants royalistes Córdoba, Sanz et Nieto furent mis à mort[72].

Expédition au Paraguay

En rĂ©action au serment d’allĂ©geance prĂȘtĂ© au Conseil de RĂ©gence par les autoritĂ©s d’Asuncion, la Junte de Buenos Aires coupa les communications fluviales par le fleuve ParanĂĄ entre Montevideo et le Paraguay, et les autoritĂ©s de la ville de Corrientes interceptĂšrent plusieurs embarcations qui se dirigeaient vers Asuncion[73].

Le , la Junte avait nommĂ© l’un de ses membres, Manuel Belgrano, commandant des forces armĂ©es destinĂ©es Ă  opĂ©rer dans la bande Orientale contre les royalistes de Montevideo. L’armĂ©e dont il disposait alors Ă©tait modeste : 250 hommes, pris dans divers corps militaires de Buenos Aires, avec 6 canons[74].

Le gouverneur du Paraguay Bernardo de Velasco procĂ©da en Ă  l’arrestation de plusieurs personnes appartenant au parti rĂ©volutionnaire, pour les expĂ©dier au fort BorbĂłn, dans le Chaco. Des troupes royalistes paraguayennes, avec Velasco Ă  leur tĂȘte, firent une incursion dans le territoire de Misiones Ă  la recherche d’armes[75].

Marche vers le nord

Manuel Belgrano dirigea la campagne du Paraguay et, plus tard, prit la tĂȘte de l’armĂ©e du Nord.

Lorsque la nouvelle de cette attaque parvint à Buenos Aires, la Junte décida de dévier vers le Paraguay la petite division de Belgrano, et investit celui-ci du commandement militaire et politique des provinces du littoral fluvial. Belgrano, parti le [38], incorpora dans sa division, à San Nicolås de los Arroyos, 357 hommes de cavalerie appartenant aux Blandengues, parmi lesquels le futur caudillo Estanislao López[76], et auxquels se joignirent à Santa Fe quelque 200 hommes supplémentaires[77].

Le 1er octobre, une flottille paraguayenne attaqua la ville de Corrientes et rĂ©cupĂ©ra les vaisseaux paraguayens capturĂ©s, puis poursuivit son mouvement offensif en effectuant des incursions dans la zone pendant plusieurs semaines, s’emparant aussi du fort de Curupayty, que la province de Corrientes dĂ©tenait dans l’actuel dĂ©partement de ÑeembucĂș[73].

AprĂšs avoir traversĂ© le ParanĂĄ, la petite armĂ©e de Belgrano continua d’accroĂźtre encore ses effectifs en intĂ©grant des troupes de volontaires rĂ©unis par le commandant militaire d’Entre RĂ­os, JosĂ© Miguel DĂ­az VĂ©lez, ainsi que 200 hommes environ du RĂ©giment de Patriciens, sous les ordres de Gregorio Perdriel. Fin octobre, ayant organisĂ© ses forces en 4 divisions[78] - [79], et comptant dĂ©sormais dans ses rangs, comme second de Belgrano, le paraguayen JosĂ© Ildefonso Machain avec le grade de sergent-major, cette armĂ©e avança vers le nord par le centre de la province d’Entre RĂ­os, en Ă©vitant de franchir les cours d’eau. Le , une escadrille de 300 royalistes sous les ordres de Juan Ángel Michelena occupa ConcepciĂłn del Uruguay ; cependant, les milices de cette ville, commandĂ©s par Diego GonzĂĄlez Balcarce, ralliĂšrent l’armĂ©e de Belgrano[38].

À Asuncion, le gouverneur espagnol Velasco ordonna d’occuper Ă  l’aide des milices de la ville de Pilar les passages sur le fleuve ParanĂĄ, tout en mettant sur pied entre-temps, prĂšs de la capitale, une armĂ©e forte de 6 000 Ă  7 000 hommes[80]. De son cĂŽtĂ©, Belgrano donna l’ordre Ă  ElĂ­as GalvĂĄn, gouverneur supplĂ©ant de Corrientes, de poster 300 miliciens Ă  Paso del Rey — l’actuelle Paso de la Patria — pour faire croire Ă  l’ennemi qu’il se dirigeait vers ce lieu[38].

À son arrivĂ©e en face de l’üle ApipĂ© Grande, Belgrano proclama la libertĂ©, l’accĂšs Ă  la propriĂ©tĂ© et la sĂ©curitĂ© pour les indigĂšnes des villages de Misiones[81]. Puis, de lĂ , il poursuivit sa route vers Santa MarĂ­a de la Candelaria, d’oĂč il adressa un communiquĂ© au gouverneur Velasco, au Cabildo et Ă  l’évĂȘque, les sollicitant de signer un accord afin d’éviter une effusion de sang, et les invitant Ă  se soumettre Ă  la Junte et Ă  envoyer un dĂ©putĂ©[82]. Le message Ă©tait portĂ© par le capitaine Ignacio Warnes, mais celui-ci fut fait prisonnier par le chef d’un dĂ©tachement paraguayen de 500 hommes postĂ© sur la rive opposĂ©e du fleuve[38].

Le , Belgrano traversa avec le gros de l’armĂ©e rĂ©volutionnaire le fleuve ParanĂĄ et attaqua la position fortifiĂ©e de Campichuelo, d’oĂč les royalistes se retirĂšrent Ă  l’issue d’un bref Ă©change de tirs[83]. Les patriotes occupĂšrent ensuite sans combat le village Ă©vacuĂ© de ItapĂșa, distant de quatre lieues, mais le manque de chevaux et le mauvais Ă©tat de la troupe contraignirent Belgrano Ă  s’arrĂȘter, et l’empĂȘchĂšrent de poursuivre les royalistes. Une proclamation amicale de Belgrano n’eut aucun effet[38].

L’avant-garde commandĂ©e par Machain commença son avance en direction de la capitale paraguayenne le , suivi Ă  courte distance par Belgrano, qui avait laissĂ© une centaine d’hommes Ă  Candelaria. Les habitants, contrairement Ă  ce qu’avaient prĂ©dit EspĂ­nola et Peña, fuirent devant l’armĂ©e — qu’ils considĂ©raient comme des envahisseurs —, en emportant avec eux tous les moyens de subsistance. Le territoire paraguayen, avec ses riviĂšres nombreuses, ses marĂ©cages et ses forĂȘts tropicales, opposait Ă  l'avancĂ©e de l'armĂ©e un redoutable obstacle. Les hommes de Belgrano nĂ©anmoins continuĂšrent leur difficile progression et obtinrent une petite victoire Ă  MaracanĂĄ, prĂšs de la riviĂšre Tebicuary.

DĂ©faite de Belgrano

Opérations militaires sur le territoire paraguayen.

Velasco se plaça Ă  la tĂȘte de son armĂ©e et choisit comme point de dĂ©fense le village de ParaguarĂ­, situĂ© sur une hauteur et cernĂ© d'Ă©tendues marĂ©cageuses. Belgrano s’y prĂ©senta le , et pendant trois jours les armĂ©es se bornĂšrent Ă  s’observer l’une l’autre. Belgrano envoya plusieurs proclamations aux Paraguayens, mais Velasco interdit d’en garder des exemplaires.

Le , le mouvement gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e de Belgrano donna le dĂ©part de la bataille de ParaguarĂ­. En dĂ©pit du dĂ©savantage numĂ©rique — 460 hommes contre 6 000 — les indĂ©pendantistes rĂ©ussirent Ă  s’emparer de la position paraguayenne et forcĂšrent les troupes royalistes Ă  se retirer, tandis que Velasco fuyait vers le village de YaguarĂłn. Cependant, les troupes qui avaient pris part Ă  l’avancĂ©e de Belgrano se livrĂšrent au pillage, puis prirent les renforts envoyĂ©s par Belgrano pour des troupes ennemies, Ă  la suite de quoi ils furent mis en dĂ©bandade lorsque les Paraguayens, regroupĂ©s et rĂ©organisĂ©s, contre-attaquĂšrent. Belgrano se vit obligĂ© de reculer par le chemin qu’il avait empruntĂ©, mais ne fut pas poursuivi[84].

ArrivĂ© prĂšs de la riviĂšre TacuarĂ­, Belgrano interrompit sa manƓuvre de repli et attendit des renforts. La Junte envoya Ă  sa rescousse une escadrille de trois navires sous le commandement de Juan Bautista Azopardo, mais celle-ci fut dĂ©truite fort loin de lĂ , le , lors de la bataille de San NicolĂĄs. Quelques soldats, munis de munitions pour canons et fusils, sous le commandement de Francisco RamĂ­rez (futur caudillo, connu plus tard sous le nom de Supremo Entrerriano)[85], se porta, assez tardivement, Ă  son secours au dĂ©part de Buenos Aires.

Devant l'aggravation de la situation dans la bande Orientale, la Junte ordonna Ă  Belgrano de conclure promptement la campagne du Paraguay, c'est-Ă -dire de vaincre rapidement ou de se retirer, pour pouvoir ensuite se rendre dans le nouveau thĂ©Ăątre d’opĂ©rations.

L’armĂ©e paraguayenne, forte de 2 400 hommes, dotĂ©e de dix piĂšces d’artillerie, placĂ©e sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Manuel Cabañas, attaqua l’armĂ©e de Belgrano, forte de seulement 600 hommes et 6 canons, dans la bataille de TacuarĂ­ du . L’artillerie de Belgrano rĂ©ussit tout d’abord Ă  freiner l’avance des Paraguayens, mais les troupes patriotes furent ensuite mises en Ă©chec par une division qui, aprĂšs avoir traversĂ© la riviĂšre plus en amont, les prit de revers[86]. Belgrano repoussa une premiĂšre injonction Ă  se rendre et rĂ©pondit Ă  la seconde en entamant des pourparlers pacifiques. Ceux-ci aboutirent Ă  ce que l’armĂ©e de Belgrano eut Ă  quitter le Paraguay sous quelques jours, en abandonnant armes et bagages.

Il y eut par ailleurs un Ă©change de notes entre Belgrano et Cabañas, lesquelles finirent par convaincre plusieurs des officiers paraguayens de l’opportunitĂ© de se rendre indĂ©pendants du gouvernement colonial espagnol ; du moins ces adhĂ©sions permirent-elles de muer une dĂ©faite militaire en victoire politique.

L’échec de Belgrano conduisit Ă  une contre-attaque paraguayenne, lors de laquelle la ville de Corrientes fut envahie et occupĂ©e militairement le [73].

Belgrano Ă©tablit son quartier gĂ©nĂ©ral Ă  Candelaria, oĂč vinrent se joindre Ă  sa troupe les milices de Misiones et de Corrientes, commandĂ©es par le gouverneur de Misiones TomĂĄs de Rocamora, que Belgrano avait laissĂ©es en arriĂšre-garde. Une des erreurs qui seront imputĂ©es Ă  Belgrano, lors du procĂšs auquel son Ă©chec donnera lieu ultĂ©rieurement, sera celle de n’avoir pas incorporĂ© ces forces dans son armĂ©e dĂšs avant de faire mouvement vers Asuncion[87].

Le , un des chefs de l’armĂ©e de Cabañas, Fulgencio Yegros, prit la tĂȘte d’une rĂ©volution Ă  Asuncion, Ă  la suite de laquelle Velasco se vit imposer deux adjoints dans l’exercice du gouvernement. Corrientes fut Ă©vacuĂ©e[73].

Un mois plus tard fut convoquĂ© un CongrĂšs provincial, lequel dĂ©cida aussitĂŽt de dĂ©poser Velasco pour le remplacer par une Junte provisoire de gouvernement. JosĂ© Gaspar RodrĂ­guez de Francia, qui allait gouverner le pays pendant presque trois dĂ©cennies, jouera un rĂŽle dĂ©cisif au sein de cette junte. Ce nouvel exĂ©cutif proclama l’indĂ©pendance du Paraguay vis-Ă -vis du gouvernement de Buenos Aires, du moins jusqu’à ce qu’un congrĂšs gĂ©nĂ©ral, composĂ© de reprĂ©sentants de toute l’ancienne vice-royautĂ©, eĂ»t Ă©tĂ© rĂ©uni, et tout en maintenant avec l’ancienne capitale vice-royale de bonnes relations ; dans le mĂȘme temps, la Junte paraguayenne suspendit son obĂ©dience au Conseil de rĂ©gence[88].

En octobre, Belgrano lui-mĂȘme fut envoyĂ© Ă  Asuncion, pour y signer un traitĂ© fixant les relations entre le Paraguay et les Provinces unies[89]. Si ledit traitĂ© prĂ©voyait bien quelque forme de confĂ©dĂ©ration, celle-ci ne prit jamais corps dans la pratique, en grande partie en raison de l’action du docteur Francia, qui prĂ©fĂ©ra maintenir le Paraguay totalement isolĂ© vis-Ă -vis de l’extĂ©rieur[90].

PremiĂšre campagne dans la bande Orientale

À la date de la rĂ©volution de Mai, la bande Orientale Ă©tait une notion purement gĂ©ographique. Le territoire ainsi dĂ©signĂ© Ă©tait juridiquement divisĂ© en trois sections : la ville de Montevideo, avec l’étroite frange qui l’entourait, gouvernĂ©e, depuis la ville mĂȘme, comme une base navale ; la zone sise au sud du rĂ­o Negro, Ă  l’exclusion de Montevideo, comprenant plusieurs municipalitĂ©s et villages, qui dĂ©pendait de l’intendance de Buenos Aires ; enfin, la rĂ©gion situĂ©e au nord du rĂ­o Negro, qui ressortissait Ă  l'administration des Missions guarani (GobernaciĂłn de las Misiones GuaranĂ­es)[91].

En mĂȘme temps que la notification adressĂ©e Ă  Montevideo, la PremiĂšre Junte avait aussi fait parvenir l’avis de son instauration aux municipalitĂ©s et villages de la bande Orientale.

Le , le gĂ©nĂ©ral Gaspar de Vigodet, fraĂźchement dĂ©barquĂ© d’Espagne, prit en mains le gouvernement de Montevideo[12], et entreprit de renforcer sa position militaire Ă  l’aide de troupes urbaines dirigĂ©es par des officiers de la Marine royale espagnole. Il lança une sĂ©rie de campagnes terrestres contre les localitĂ©s de l’intĂ©rieur de la bande Orientale, obligeant tour Ă  tour les autoritĂ©s de celles-ci Ă  reconnaĂźtre le pouvoir montĂ©vidĂ©en. Ainsi fut Ă©bauchĂ©e l’unification juridique de la future Province orientale[91].

Peu aprĂšs, il donna mission Ă  l’officier de marine Juan Ángel Michelena d’occuper les rives de l’Uruguay, contraignant les autoritĂ©s des villages sur les deux rives du fleuve — y compris la commune de ConcepciĂłn del Uruguay, qui appartient aujourd’hui Ă  la province d’Entre RĂ­os, occupĂ©e le — Ă  se soumettre Ă  son autoritĂ©. Peu aprĂšs se trouvĂšrent Ă©galement occupĂ©es les communes de GualeguaychĂș et de Gualeguay.

Les royalistes tentĂšrent de s’emparer par la voie terrestre des villages de NogoyĂĄ et de La Bajada, mais se heurtĂšrent Ă  la rĂ©sistance de groupes armĂ©s irrĂ©guliers formĂ©s par des colons locaux ; en particulier, la rĂ©bellion du commandant BartolomĂ© Zapata, Ă©migrĂ© originaire de ConcepciĂłn del Uruguay, qui dirigeait un tel groupe armĂ© Ă  NogoyĂĄ, eut une certaine fortune.

AprĂšs une sĂ©rie d’escarmouches, les royalistes Ă©vacuĂšrent leurs positions sur le bord occidental du fleuve Uruguay, laissant les rĂ©volutionnaires maĂźtres de la rĂ©gion en [92].

La premiĂšre escadre patriote

Bataille de San NicolĂĄs.

Le , le gouverneur José María Salazar proclama un blocus naval contre Buenos Aires. Le , une flottille de 9 vaisseaux de guerre commandée par le capitaine de frégate José Primo de Rivera y Ortiz de Pinedo, vint mouiller devant la ville, afin de lui couper toutes les communications.

Au dĂ©but, le blocus fut reconnu par la flottille britannique stationnĂ©e dans l’estuaire du Plata, mais, aprĂšs que celle-ci eut reçu les plaintes de la Junte et des commerçants anglais, le capitaine Roberto Ramsay, autorisĂ© par Lord Strangford, chargĂ© d’affaires britannique Ă  RĂ­o de Janeiro, prit le commandement de la flottille britannique le et enjoignit Ă  Primo de Rivera de suspendre le blocus, le menaçant d’attaquer ses navires. De fait, le blocus fut alors levĂ©[37].

La Grande Junte, qui avait pris le relais de la PremiĂšre Junte Ă  Buenos Aires, chargea le dĂ©putĂ© Francisco de Gurruchaga, nommĂ© secrĂ©taire Ă  la Marine, de mettre sur pied de guerre une escadre navale. Gurruchaga acquit puis arma, de façon assez prĂ©caire, trois vaisseaux : le brigantin 25 de Mayo, sous le commandement du chef d’escadre et ci-devant corsaire d’origine maltaise, le lieutenant-colonel Juan Bautista Azopardo ; la goĂ©lette Invencible, commandĂ©e par le Français Hippolyte de Bouchard ; et la bĂ©landre de guerre AmĂ©rica, placĂ©e sous les ordres d’Ange Hubac, Ă©galement Français d’origine. Pour supplĂ©er Ă  l’inexistence de marins locaux, l’on eut recours Ă  des marins Ă©trangers, qui ne comprenaient pas le castillan ; cependant des troupes d’artillerie et d’infanterie issues des milices de Buenos Aires vinrent aussi se joindre Ă  eux.

La Junte chargea Azopardo de transporter, par voie fluviale, des renforts destinĂ©s Ă  l’armĂ©e de Belgrano au Paraguay. Afin d’intercepter ce convoi naval, les autoritĂ©s royalistes de Montevideo dĂ©tachĂšrent une flottille de sept navires, de meilleure qualitĂ© et disposant d'Ă©quipages plus expĂ©rimentĂ©s que ceux de l’adversaire, et que commandait Jacinto Romarate.

La flottille d’Azopardo remonta le ParanĂĄ jusqu’à la hauteur de San NicolĂĄs de los Arroyos, oĂč ils furent en vue des royalistes. Le commandant dĂ©cida d'engager le combat. Pour prĂ©venir un dĂ©barquement, une batterie d’artillerie constituĂ©e de canons extraits des navires fut installĂ©e sur la cĂŽte prĂšs d’une troupe de marins et de miliciens.

Le , la bataille de San NicolĂĄs commença par la tentative avortĂ©e d’Azopardo d’aborder deux navires royalistes qui s’étaient Ă©chouĂ©s. Les deux plus petits des trois navires patriotes furent abandonnĂ©s par leur Ă©quipage : l’AmĂ©rica, lorsqu’il se mit Ă  couler, et le 25 de Mayo, aprĂšs qu’il eut Ă©tĂ© abordĂ©. AprĂšs deux heures de rĂ©sistance, l’Invencible fut Ă©galement abordĂ© par les vaisseaux royalistes. Azopardo voulut lutter jusqu’au bout, mais, s’étant finalement, sur les instances des blessĂ©s, rĂ©signĂ© Ă  se rendre, il fut fait prisonnier par les royalistes et emmenĂ© en Espagne, tandis que le gouvernement de Buenos Aires le condamna par contumace pour impĂ©ritie dans le commandement[93].

Avec la destruction de la petite force navale patriote, l’hĂ©gĂ©monie sur les fleuves de la flotte royaliste de Montevideo se trouva consolidĂ©e, et ne serait remise en cause que trois ans plus tard. Les renforts rĂ©clamĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Belgrano ne parvinrent pas Ă  destination, et peu de jours aprĂšs la bataille navale de San NicolĂĄs l'armĂ©e de Belgrano fut battue lors de la bataille de TacuarĂ­.

SoulĂšvement des campagnes dans la bande Orientale

Le Grito de Asencio, tableau de Carlos MarĂ­a Herrera.

En , Francisco Javier de ElĂ­o, dĂ©signĂ© vice-roi du RĂ­o de la Plata, arriva Ă  Montevideo. AprĂšs qu’eut Ă©tĂ© rejetĂ©e l’injonction qu’il adressa Ă  Buenos Aires de se soumettre Ă  son autoritĂ©, il qualifia cette ville de sĂ©ditieuse, lui dĂ©clara la guerre le et Ă©tablit la nouvelle capitale de la vice-royautĂ© Ă  Montevideo[94].

Si les royalistes avaient la maĂźtrise de Montevideo, il leur fallut employer la force pour refouler les idĂ©es rĂ©volutionnaires dans les zones rurales de la bande Orientale. Au lieu de lancer un appel Ă  la fidĂ©litĂ©, le gouvernement de Montevideo requit la population rurale d’exhiber les titres de propriĂ©tĂ© des champs qu’elle occupait, souvent Ă  titre prĂ©caire, et menaça d’expulsion de leurs terres ceux qui seraient pris en dĂ©faut[95].

Le , sur les rives du ruisseau Asencio, le commandant RamĂłn FernĂĄndez lança son cri de ralliement, dit Cri d’Asencio (Grito de Asencio), signal d’un soulĂšvement armĂ© contre l’autoritĂ© d’ElĂ­o. Des fermiers et gauchos locaux, venus se joindre Ă  lui, formĂšrent des troupes d’irrĂ©guliers et engagĂšrent bientĂŽt, le , la premiĂšre d’une sĂ©rie de batailles contre les forces loyales au roi d’Espagne : la bataille de Soriano, remportĂ©e par Miguel Estanislao Soler et ses miliciens orientaux.

La Junte se porta au secours des patriotes de la bande Orientale dans le but de diffuser la rĂ©volution et pour tenter de neutraliser Montevideo, qui servait de tĂȘte de pont Ă  la flotte espagnole de l’Atlantique sud. C’est via ce port en effet qu’étaient susceptibles de dĂ©barquer des troupes venues d’Espagne pour Ă©touffer la rĂ©volution dans l’ancienne vice-royautĂ©, de sorte que la conquĂȘte de cette place-forte apparaissait cruciale.

Les hostilitĂ©s ayant cessĂ© dans l’Intendance du Paraguay, la Grande Junte dĂ©pĂȘcha vers la bande Orientale les 1 134 hommes de l’armĂ©e de Belgrano. Celui-ci, nommĂ© le commandant des forces militaires dans la zone, prit contact avec le capitaine des blandengues orientaux, JosĂ© Gervasio Artigas, lequel, aprĂšs avoir dĂ©sertĂ© de son poste Ă  la garnison de Colonia del Sacramento et ĂȘtre passĂ© Ă  Buenos Aires pour y offrir ses services Ă  la Junte, s’était vu confier la mission de favoriser et de diriger le soulĂšvement populaire contre les royalistes[96].

Artigas dĂ©barqua sur le sol oriental le Ă  la tĂȘte de quelques troupes de Buenos Aires et fut reconnu pour leur chef par les patriotes locaux. Quelques batailles mineures, comme celle de San JosĂ©, permirent aux patriotes de progresser vers Montevideo. ElĂ­o envoya Ă  leur rencontre une division sous les ordres du capitaine JosĂ© Posadas, mais Artigas sortit vainqueur de la bataille qui s’ensuivit le Ă  Las Piedras, non loin de Montevideo[97].

La Junte de Buenos Aires, recomposĂ©e et expurgĂ©e des morĂ©nistes Ă  la suite de la rĂ©volution du 5 et , ordonna Ă  Belgrano de rentrer dans la capitale pour lui demander des comptes de son Ă©chec dans la campagne militaire au Paraguay, et confia le commandement des troupes au lieutenant-colonel JosĂ© Rondeau, qui avait d’importants Ă©tats de service dans la bande Orientale[98]. La prĂ©sence, quoique brĂšve, de celui-ci fut cependant d’une grande portĂ©e par l’activitĂ© diplomatique qu’il dĂ©ploya, d’une part auprĂšs des Paraguayens ― consolidant dĂ©finitivement le front paraguayen et parvenant Ă  retarder l’intervention portugaise ―, et d’autre part auprĂšs des Orientaux ― faisant chanceler la loyautĂ© des royalistes de Montevideo, organisant l’armĂ©e et les milices, Ă©tablissant un plan d’opĂ©rations, et gĂ©rant efficacement les conflits entre les chefs, tĂąche dans laquelle du reste ses successeurs Ă©choueront.

Le siùge de Montevideo et l’invasion portugaise

PremiÚre expédition dans la bande Orientale.

Une fois que la zone tenue par les royalistes eut Ă©tĂ© circonscrite Ă  Montevideo et Ă  Colonia, les patriotes entreprirent de mettre le siĂšge devant ces deux places-fortes, respectivement Ă  partir du 21 et du . DĂ©but juin, les royalistes durent Ă©vacuer Colonia, occupĂ©e ensuite par les rĂ©volutionnaires, et Artigas eut dĂšs lors tout loisir, avec l’aide des gauchos orientaux et avec l’assistance de forces envoyĂ©es par Buenos Aires, de se concentrer sur le siĂšge de Montevideo. Peu aprĂšs, les forces de Rondeau furent incorporĂ©es dans ses troupes. Si les murailles de la ville et les canons de la flotte mouillĂ©e dans le port Ă©taient Ă  mĂȘme d’empĂȘcher une chute rapide de la place, celle-ci souffrait nĂ©anmoins d’une situation dĂ©sormais fort prĂ©caire[98].

La nuit du , l’escadre espagnole se prĂ©senta face Ă  Buenos Aires et entreprit sans prĂ©avis de pilonner la ville. Par la relative distance et en raison de l’obscuritĂ©, beaucoup de projectiles se perdirent et peu d’entre eux furent rasants, n’occasionnant que des dommages de faible importance Ă  quelques bĂątiments et ne faisant que deux blessĂ©s, si bien que l’attaque fut un Ă©chec patent. Le matin du jour suivant, le commandant royaliste fit parvenir un ultimatum Ă  la Junte, qui le repoussa aussitĂŽt, nonobstant quoi le bombardement ne fut pas poursuivi[37].

Le vice-roi ElĂ­o, assiĂ©gĂ© Ă  Montevideo, ne percevant, comme unique possibilitĂ© de sortie, que le secours des troupes portugaises du BrĂ©sil, sollicita leur concours pour vaincre les rĂ©volutionnaires. DĂšs le , ElĂ­o adressa une proclamation Ă  la population orientale, la menaçant d’une intervention portugaise si l'insurrection se poursuivait[37].

Depuis toujours, le Portugal avait disputĂ© Ă  l’Espagne le territoire de la bande Orientale et ne laisserait pas passer pareille occasion. Dans la capitainerie rĂ©cemment crĂ©Ă©e du RĂ­o Grande de San Pedro, le gouvernement portugais avait mis sur pied son armĂ©e d’Observation et placĂ© Ă  la tĂȘte de celle-ci le comte Diego de Souza, capitaine gĂ©nĂ©ral et gouverneur. Ces forces s’étaient dĂ©jĂ  mises en rapport avec le gouverneur paraguayen Velasco, s’offrant de l’aider contre l’offensive de Belgrano[99]. Souza avait d'autre part reçu l'ordre de faire reconnaĂźtre comme reine du RĂ­o de la Plata l’infante Charlotte Joachime, Ă©pouse du roi Jean VI de Portugal et sƓur de Ferdinand VII[100] - [101].

Le , une armĂ©e de 3 000 soldats portugais sous le commandement du gouverneur Souza franchit la frontiĂšre. Tous les villages de l’est de l’actuel territoire uruguayen furent occupĂ©s par les troupes portugaises[102] - [103] - [104], et le le quartier gĂ©nĂ©ral portugais fut Ă©tabli Ă  Maldonado[99].

Reprise de la guerre dans le Haut-PĂ©rou

JosĂ© Manuel de Goyeneche, commandant en chef de l’armĂ©e royaliste dans le Haut-PĂ©rou.

Castelli et son assesseur Bernardo de Monteagudo, qui dĂ©tenaient le gouvernement dans le Haut-PĂ©rou, prirent un ensemble de mesures draconiennes qui leur valurent l’inimitiĂ© d’une grande partie des classes aisĂ©es, et posĂšrent une sĂ©rie d’actes hostiles aux formes traditionnelles de la religion catholique[105].

L’armĂ©e auxiliaire s’installa dĂ©but avril dans le campement de Laja, non loin de La Paz. Le fut dĂ©jouĂ©e une contre-rĂ©volution royaliste Ă  PotosĂ­[106].

Goyeneche, qui avait depuis octobre Ă©tabli ses quartiers Ă  Zepita, entre la riviĂšre Desaguadero et le lac Titicaca, tira son parti des erreurs politiques du reprĂ©sentant de la Junte et, ayant incitĂ© les PĂ©ruviens Ă  s’enrĂŽler en masse dans son armĂ©e, parvint Ă  rĂ©unir 8 000 hommes et 20 canons. Avec l’aval d'Abascal, Goyeneche signa le avec Castelli un armistice de quarante jours, dĂ©lai que le vice-roi mit Ă  profit pour dĂ©pĂȘcher Ă  son armĂ©e renforts et approvisionnements. Entre-temps, Castelli ordonna Ă  son armĂ©e, qui nominalement comptait quelque 23 000 hommes, de suspendre ses opĂ©rations[107], mais, parallĂšlement, envoyait des agents dans les provinces de la vice-royautĂ© du PĂ©rou pour y propager la rĂ©volution. Il parvint Ă  provoquer plusieurs embryons de rĂ©volution, Ă  Arequipa, Locumba et Moquegua, qui furent toutefois rapidement Ă©touffĂ©s[108].

La rĂ©volution des 5 et , qui Ă©carta de l'exĂ©cutif de Buenos Aires les alliĂ©s de Castelli, provoqua dans les rangs de l’armĂ©e du Nord une division entre les partisans de Cornelio Saavedra, emmenĂ©s par Juan JosĂ© Viamonte, et les partisans de Castelli. Celui-ci empĂȘcha que les dĂ©putĂ©s Ă©lus dans le Haut-PĂ©rou ne se rendissent Ă  Buenos Aires et intrigua pour que les gouverneurs rĂ©pudiassent la Grande Junte dans sa nouvelle composition. Son dessein dĂ©sormais Ă©tait de battre Goyeneche et de se diriger ensuite Ă  Buenos Aires pour remettre ses amis en place[109].

Le , Castelli réunit les chefs indigÚnes dans les ruines de Tiahuanaco et par une proclamation solennelle leur accorda la liberté au nom de la Junte[110].

Huaqui

Plan ancien représentant la bataille de Huaqui.

Castelli transporta son armĂ©e de La Laja vers le nouveau campement situĂ© Ă  Huaqui, d’oĂč il pouvait dominer le pont dit Puente del Inca, principal point de passage entre les deux vice-royautĂ©s, et qui avait Ă©tĂ© fortifiĂ© par Goyeneche. Les effectifs dont disposait Castelli Ă  Huaqui Ă©taient de 6 000 Ă  7 000 hommes, la majeure partie de l’armĂ©e ayant en effet Ă©tĂ© rĂ©partie dans tout le Haut-PĂ©rou.

Un premier accrochage eut lieu le . Alors que Goyeneche l’attribuait aux patriotes, Castelli en imputa la responsabilitĂ© aux royalistes et se proposa d’exploiter l’incident pour justifier une attaque surprise. Goyeneche cependant le devança et ordonna une attaque gĂ©nĂ©rale le , dĂ©clenchant ainsi la bataille de Guaqui.

Les royalistes, voyant que l’armĂ©e rĂ©volutionnaire se trouvait ĂȘtre divisĂ©e en deux par une Ă©tendue montagneuse, attaquĂšrent simultanĂ©ment les deux plaines de chaque cĂŽtĂ© de celle-ci, tandis que les forces du colonel PĂ­o TristĂĄn escaladaient les montagnes interposĂ©es. Une grande partie des troupes patriotes fit preuve de peu d’esprit combattif, et certains chefs, comme le gĂ©nĂ©ral Rivero et le colonel JosĂ© Bolaños, ne vinrent quasiment pas Ă  combattre[111]. Quelques auteurs soutiennent en outre que Juan JosĂ© Viamonte refusa de prĂȘter main-forte Ă  Eustoquio DĂ­az VĂ©lez pour des motifs de rivalitĂ©s politiques[112].

Goyeneche remporta une nette victoire. Les patriotes, s’ils subirent moins de pertes que leurs adversaires, furent mis en totale dĂ©route et y laissĂšrent tout leur Ă©quipement et toute leur artillerie[107] - [113].

Les forces patriotes en retraite ne parvinrent Ă  se regrouper que partiellement, en un lieu dĂ©jĂ  fort Ă©loignĂ© du champ de bataille. Le nombre de dĂ©sertions ne cessait d’augmenter au fil des jours. Certains chefs, tels que Rivero, refusĂšrent de suivre Castelli plus avant et prirent la direction de leurs villes d’origine. À leur passage par les villes et communes du Haut-PĂ©rou, les troupes commirent tous types d’exactions, pendant que les populations, exaspĂ©rĂ©es depuis pas mal de temps dĂ©jĂ  par les actions de Castelli et de ses officiers, n'acceptaient plus leur prĂ©sence, ce qui facilitait les dĂ©sertions.

Le gros de l’armĂ©e se retira presque sans s’arrĂȘter jusqu’à Chuquisaca, tandis que Goyeneche occupait Oruro, puis La Paz, Ă  lui restituĂ©e par le gouverneur TristĂĄn. Quand la nouvelle de ce qui s’était passĂ© Ă  Huaqui fut connue Ă  Buenos Aires, la Grande Junte, le , destitua Castelli et Balcarce, qu’elle remplaça Ă  la tĂȘte de l’armĂ©e auxiliaire par Francisco del Rivero, bien que celui-ci n’en eĂ»t jamais connaissance[28]. Il n’y aurait plus jamais ensuite dans l’armĂ©e de commandement collĂ©gial.

Rivero, battu par RamĂ­rez Orozco le dans la bataille de Sipe Sipe, se rendant compte de la vanitĂ© de toute rĂ©sistance, cĂ©da Ă  la demande de paix Ă©manant des habitants de Cochabamba et sollicita la cessation des hostilitĂ©s. Il remit son armĂ©e aux mains des royalistes, puis se laissa enrĂŽler dans l’armĂ©e de ses anciens ennemis. Cochabamba fut alors occupĂ©e pacifiquement par Goyeneche[28].

Le commandement de ce qui restait de l’armĂ©e du Nord fut repris par Juan MartĂ­n de PueyrredĂłn, qui se retira d’abord Ă  PotosĂ­, oĂč la population lui fit beaucoup rĂ©sistance, puis Ă  Jujuy, en emportant avec lui les fonds de l’hĂŽtel des Monnaies de PotosĂ­.

Mis au courant de la dĂ©fection de Rivero, Saavedra, aprĂšs avoir ordonnĂ© Ă  Viamonte de se mettre provisoirement Ă  la tĂȘte de l’armĂ©e, quitta Buenos Aires pour le nord avec l’intention d’en reprendre en personne le commandement.

Nouvelles insurrections

Le mĂȘme jour que la bataille de Huaqui, une rĂ©volution Ă©clata dans la ville pĂ©ruvienne de Tacna, mais, comme l’aide escomptĂ©e de l’armĂ©e du Nord ne pouvait plus venir, elle fut facilement Ă©crasĂ©e[108].

Les indigĂšnes des partidos d’Omasuyos, de Pacajes et de Larecaja, qui avaient Ă©tĂ© exhortĂ©s par Rivero Ă  rĂ©sister, n’acceptĂšrent point la restauration royaliste et se soulevĂšrent, mettant le siĂšge devant La Paz Ă  partir du . Leur centre d’opĂ©rations se situait sur les hauteurs de Pampajasi.

DĂ©but aoĂ»t, des forces indigĂšnes sous la conduite de Juan Manuel CĂĄceres, qui avait Ă©tĂ© le lieutenant de TĂșpac Katari lors de sa rĂ©bellion de 1780, incendiĂšrent et occupĂšrent la ville, en massacrant la garnison royaliste, y compris le gouverneur par intĂ©rim, puis peu aprĂšs dĂ©truisirent la garnison qui surveillait le passage de la riviĂšre Desaguadero. Les insurgĂ©s nommĂšrent RamĂłn Mariaca gouverneur[72].

Le Premier triumvirat

Une sĂ©rie d’incidents opposant le cabildo de Buenos Aires, mĂ©content de la position prĂ©pondĂ©rante prise par les dĂ©putĂ©s de l’intĂ©rieur, et la Grande Junte, aboutirent le au remplacement de celle-ci par le Premier triumvirat.

Ce nouvel exécutif mÚnera, en ce qui regarde la guerre, une politique beaucoup plus prudente, privilégiant les solutions diplomatiques à celles militaires[14].

Sous l’influence de la figure de Lord Strangford, consul du Royaume-Uni Ă  RĂ­o de Janeiro, le Triumvirat s’efforça de trouver des arrangements avec les autoritĂ©s espagnoles, allant jusqu'Ă  vouloir conclure avec elles quelque compromis de paix, en Ă©change d’une autonomie politique limitĂ©e pour le territoire[114].

L’Exode oriental

Francisco Javier de Elío, nommé vice-roi du Río de la Plata, ne put exercer son autorité que dans la seule bande Orientale.

L’offensive portugaise avait Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©e peu aprĂšs que fut connue la nouvelle du dĂ©sastre de Huaqui, lequel avait portĂ© la Grande Junte Ă  dĂ©pĂȘcher toutes ses troupes disponibles au secours de l’armĂ©e du Nord. Voyant ses forces prises entre deux feux dans la bande Orientale et ses lignes de communication menacĂ©es, et se trouvant dans l’impossibilitĂ© d’envoyer des renforts, la Junte rĂ©solut de composer avec ElĂ­o, lui proposant un armistice, dont elle informa aussi les forces assiĂ©geantes et la population civile ; toutes les parties cependant rejetĂšrent cet accord[12]. Le , la flotte royaliste procĂ©da Ă  un deuxiĂšme bombardement de Buenos Aires, aussi peu efficace que le prĂ©cĂ©dent[115].

Peu aprĂšs, la Grande Junte fut supplantĂ©e par le Triumvirat, qui reprit les tractations par l’entremise de Strangford, et offrit le retrait immĂ©diat des forces assiĂ©geantes. Avant la signature de l’accord, l’envoyĂ© de Buenos Aires, JosĂ© JuliĂĄn PĂ©rez, avisa les Orientaux de ce qu'un armistice Ă©tait sur le point d’ĂȘtre signĂ©, aux termes duquel la bande Orientale resterait aux mains d’ElĂ­o, ce qui fut derechef repoussĂ©[12].

Dans le mĂȘme temps, des bandes armĂ©es brĂ©siliennes irrĂ©guliĂšres envahissaient les localitĂ©s de Misiones, capturant le commandant de YapeyĂș, Bernardo PĂ©rez Planes, puis, peu de temps plus tard, s’emparĂšrent des villages de BelĂ©n et de Salto Chico.

Le 1er septembre, PaysandĂș fut occupĂ©e, puis — bien que son commandant Bentos Manuel Ribeiro eĂ»t Ă©tĂ© vaincu et fait prisonnier Ă  YapeyĂș — les Portugais mirent Ă  sac les zones avoisinant les localitĂ©s de Santo Domingo Soriano et de Mercedes[116]. Pour contenir les offensives portugaises, Rondeau envoya dĂ©but septembre un dĂ©tachement au nord du rĂ­o Negro, qui parvint le mois suivant Ă  libĂ©rer Mercedes et, un mois plus tard encore, Ă  dĂ©loger les Portugais de PaysandĂș[117].

Au dĂ©part de MandisovĂ­ (actuelle FederaciĂłn), les forces luso-brĂ©siliennes s’en vinrent occuper CuruzĂș CuatiĂĄ, puis poussĂšrent jusqu’à l’actuelle ville de La Paz (Entre RĂ­os), sur le fleuve ParanĂĄ. À la demande d’ElĂ­o, ils attaquĂšrent ConcepciĂłn del Uruguay, qui se trouvait alors sous le blocus des navires espagnols, mais furent repoussĂ©s.

La Cruz (Corrientes) et Santo TomĂ© (Corrientes) furent Ă©galement attaquĂ©es. Le gouverneur supplĂ©ant de la province de Corrientes, ElĂ­as GalvĂĄn, sut rĂ©cupĂ©rer CuruzĂș CuatiĂĄ le et MandisovĂ­ peu aprĂšs[118]. Craignant une alliance entre le Paraguay et les envahisseurs portugais, le commandant des troupes de Misiones AndrĂ©s Guazurary, d'origine guaranĂ­, expulsa les troupes paraguayennes qui, Ă  la faveur du retrait de Belgrano, Ă©taient venues occuper Candelaria. Quelques annĂ©es plus tard, le chef guaranĂ­ sera le principal meneur de la rĂ©sistance contre l’invasion luso-brĂ©silienne dans cette rĂ©gion[119].

Le , le siĂšge de Montevideo fut officiellement levĂ© et l’armĂ©e de Rondeau commença de se replier vers Entre RĂ­os[98]. Artigas n’eut d’autre choix alors que de retirer, lui aussi, ses troupes vers le nord, soit quelque 3 000 hommes, suivis d’une nombreuse population civile.

Le fut signĂ©, entre le Premier triumvirat et le vice-roi ElĂ­o, un protocole d’armistice stipulant la cessation des hostilitĂ©s, la levĂ©e du blocus naval de Buenos Aires et la reconnaissance par les deux parties de la souverainetĂ© de Ferdinand VII ; l’on convint du retrait des troupes tant rĂ©volutionnaires que portugaises de la bande Orientale et des villes d’Entre-RĂ­os, de ConcepciĂłn del Uruguay, de Gualeguay et de GualeguaychĂș ; enfin, ElĂ­o fut reconnu vice-roi, quoique sans autoritĂ© en dehors du territoire ainsi cĂ©dĂ©[120]. Le , le traitĂ© de Pacification fut ratifiĂ© par ElĂ­o.

Le Triumvirat rĂ©ussit ainsi certes Ă  retirer ses troupes et Ă  les mettre en sĂ»retĂ© en MĂ©sopotamie, leur Ă©pargnant la dĂ©faite, mais le traitĂ© d’autre part remplit d’amertume les Orientaux et les Entrerrianos, qui se virent abandonnĂ©s en pleine lutte. Le traitĂ© fut aussi Ă  l’origine de dissensions entre les royalistes ; le vice-roi du PĂ©rou, qui n’avait pas Ă©tĂ© consultĂ© et qui mĂȘme considĂ©rait au dĂ©but le traitĂ© comme apocryphe, craignant l’arrivĂ©e des troupes patriotes retirĂ©es du front oriental, ordonna, avec l’accord de Goyeneche, de maintenir ses positions devant la « cruelle situation Ă  laquelle se trouvent exposĂ©es les provinces et les armes » royalistes.

La "Redoute"

José Artigas.

Artigas fut mis au courant de l’armistice le 23, sur les bords de la riviĂšre San JosĂ©, oĂč se dĂ©roulait une rĂ©union ou assemblĂ©e spontanĂ©e des Orientaux qui avaient participĂ© au siĂšge de Montevideo. Artigas fit part aux participants de sa dĂ©cision de respecter l’armistice et de se retirer vers le nord. Tous les autres, en revanche, proclamĂšrent leur volontĂ© de ne pas dĂ©poser les armes et de reprendre la lutte dĂšs que cela serait possible.

AussitĂŽt, Artigas reprit le chemin en direction du nord, et un grand nombre de civils le suivit, donnant lieu Ă  un dĂ©placement de population qui dans l’usage populaire sera appelĂ© la Redoute (en esp. la Redota), et que les historiens dĂ©signent par l’Exode oriental. Le caudillo Artigas fut d’abord opposĂ© Ă  cette Ă©migration massive, mais ensuite ordonna de dresser un registre des familles et des individus qui le suivaient, et d’en faire le compte, ce qui donna 4 435 personnes ; si l’on inclut ceux qui les rejoignirent ultĂ©rieurement, cette troupe pourrait bien avoir atteint un chiffre approchant les 16 000 personnes[121].

Le , le Triumvirat nomma Artigas gouverneur supplĂ©ant, juge suprĂȘme et capitaine de guerre du dĂ©partement de YapeyĂș et ses partidos (teniente gobernador, justicia mayor y capitĂĄn de guerra del Departamento de YapeyĂș y sus partidos), avec autoritĂ© sur les 10 villages de Misiones ressortissant Ă  Buenos Aires[122].

Le , ElĂ­o retourna en Espagne par ordre du gouvernement espagnol, dont le dessein Ă©tait d’écraser les indĂ©pendantistes sans accepter le moindre accord[12]. Il ne sera plus donnĂ© ensuite Ă  aucun autre fonctionnaire espagnol d’exercer les fonctions de vice-roi du RĂ­o de la Plata[123].

Mettant Ă  exĂ©cution ce qui avait Ă©tĂ© convenu, Rondeau evacua la bande Orientale en dĂ©cembre de cette mĂȘme annĂ©e et rentra Ă  Buenos Aires, tandis que d’autres forces traversaient le fleuve Uruguay pour dresser leur campement dans la MĂ©sopotamie argentine[98].

Le , les troupes et les civils qui suivaient Artigas se mirent Ă  traverser le fleuve Uruguay prĂšs de Salto (Uruguay), et s’installĂšrent dans le nord-est de l’actuelle province d’Entre RĂ­os, laquelle Ă  cette Ă©poque faisait partie de la province de Misiones. Le , des troupes d’Artigas rĂ©ussirent Ă  rĂ©cupĂ©rer le village de BelĂ©n[124].

Souza reçut l’instruction de se replier avec son armĂ©e jusqu’au BrĂ©sil, mais refusa d’obtempĂ©rer : il exigea comme condition de son dĂ©part la dissolution des milices d’Artigas, qui n’avait pas Ă©vacuĂ© intĂ©gralement le territoire oriental, et des garanties quant Ă  ce que ces forces n’attaqueraient pas les populations portugaises.

Vigodet, nouvellement nommĂ© gouverneur de Montevideo, exigea de la part du Triumvirat des actions contre Artigas. Avec le front nord dĂ©sormais stabilisĂ©, le gouvernement de Buenos Aires repoussa ces exigences. DĂ©clarant l’armistice rompu, Vigodet rouvrit les hostilitĂ©s le ; le eut lieu le troisiĂšme bombardement de Buenos Aires, qui ne causa quelque dommage qu’à des embarcations de moindre importance[37].

Artigas dĂ©pĂȘcha vers Misiones Fernando OtorguĂ©s et Fructuoso Rivera, qui reconquiĂšrent les villages de Santo TomĂ©, YapeyĂș et La Cruz.

En mars, aprĂšs l’arrivĂ©e de renforts venus du BrĂ©sil et de provisions envoyĂ©es depuis Montevideo, une armĂ©e portugaise de 5 000 hommes fit mouvement depuis Maldonado en direction de PaysandĂș, et fit son entrĂ©e dans ce village le [99]. Le mois suivant, le Triumvirat envoya Ă  Diego de Souza un ultimatum en exigeant son retrait immĂ©diat. En outre, il nomma Artigas chef des opĂ©rations contre les Portugais, et lui dĂ©pĂȘcha en renfort le rĂ©giment de Pardos y Morenos (corps d’armĂ©e composĂ© de gens de couleur), placĂ© sous le commandement de Miguel Estanislao Soler, ainsi qu’une forte quantitĂ© d’argent.

Une nouvelle attaque portugaise obligea les forces d’Artigas de repasser le fleuve Uruguay pour Entre RĂ­os, mais elles purent peu aprĂšs rĂ©cupĂ©rer leurs positions dans l’est de l’Uruguay[125] - [126]. Les 4 et , les Portugais attaquĂšrent Santo TomĂ©, mais furent refoulĂ©s.

Le gouvernement de Buenos Aires ordonna Ă  Artigas de retourner au campement de l’AyuĂ­, attendu que Strangford avait obtenu le la signature du traitĂ© Rademaker-Herrera, qui stipulait le retrait des troupes portugaises vers le BrĂ©sil, laissant aux Provinces unies les mains libres pour mener une nouvelle offensive contre Montevideo[91].

Mais une fois encore, Souza dĂ©daigna l’accord conclu ; cependant, aprĂšs de nouveaux combats, il reçut l’ordre du roi Jean VI de se retirer de la bande Orientale, ordre qu’il finit par exĂ©cuter le [99]. Peu de jours plus tard, le commandant de Misiones occupĂ©e par le Portugal, Francisco das Chagas Santos, tenta d’attaquer La Cruz, dĂ©fendue par des forces de Corrientes, mais se retira aprĂšs que GalvĂĄn lui eut communiquĂ© que les hostilitĂ©s avaient cessĂ©[127]. Le , l’armistice sera ratifiĂ©, en dĂ©pit des tentatives du gouverneur Vigodet pour l’empĂȘcher.

Les Portugais toutefois ne retirĂšrent pas intĂ©gralement leurs troupes jusqu’aux limites antĂ©rieures Ă  l’invasiĂłn, gardant en leur pouvoir la rĂ©gion des actuels municipalitĂ©s de Uruguayana, QuaraĂ­, Santana do Livramento et Alegrete, et une partie de RosĂĄrio do Sul, Dom Pedrito et BagĂ©[91].

En , un soulĂšvement survenu dans le fort isolĂ© de Carmen de Patagones, en Patagonie, menĂ© par Faustino Ansay, prisonnier dans ce lieu depuis qu’il avait Ă©tĂ© dĂ©mis de ses fonctions Ă  Mendoza, permit aux royalistes de prendre le contrĂŽle de ce port[37].

Ce mĂȘme mois, Manuel de Sarratea, membre du Triumvirat, prit la tĂȘte de l’armĂ©e Ă©tablie en Entre RĂ­os, nonobstant qu'Artigas ne le reconnĂ»t point comme son supĂ©rieur[128].

En juin, Artigas installa son campement Ă  Arroyo AyuĂ­ Grande, en Entre RĂ­os. C’est lĂ  qu’allaient demeurer ses troupes jusqu’à ce que la reprise des hostilitĂ©s permĂźt leur retour dans la bande Orientale. StationnĂ© Ă  une lieue du campement d’Artigas, Sarratea s’employa Ă  sĂ©duire les officiers de l’armĂ©e orientale pour les incorporer dans la sienne, et obtint que quelque 2 000 hommes rejoignissent ses propres effectifs. Comme le chef oriental gardait par devers lui environ 1 500 soldats et la majeure partie de la population, Sarratea se laissa aller, sans obtenir l’appui du gouvernement, Ă  dĂ©clarer Artigas un traĂźtre[128].

En septembre, l’avant-garde de l’armĂ©e de Sarratea, commandĂ©e par Rondeau, traversa le fleuve Uruguay et entama sa marche sur Montevideo. SimultanĂ©ment, les troupes d’Artigas et la population qui le suivait commencĂšrent Ă  retourner dans la bande Orientale, bien qu’ils ne prissent pas part aux opĂ©rations[98].

Guerre défensive dans le nord

Huit jours seulement suivant son arrivĂ©e Ă  Salta, Saavedra reçut du Triumvirat l’ordre de cĂ©der le commandement de l’armĂ©e Ă  PueyrredĂłn[72], puis, peu aprĂšs, fut arrĂȘtĂ©.

Sans aide extĂ©rieure, les rĂ©volutionnaires s’organisĂšrent en groupes de guĂ©rilleros, appelĂ©s RĂ©publiquettes, qui rĂ©sistĂšrent avec de faibles moyens aux offensives royalistes ; ils pouvaient en contrepartie compter sur le soutien de la population et Ă©taient favorisĂ©s par leur sa connaissance du terrain.

Le , Ă  Sicasica, les forces de la ville de La Paz infligĂšrent une dĂ©faite aux 1 200 hommes de troupe du colonel royaliste JerĂłnimo MarrĂłn de Lombera. Le jour suivant, Oruro aussi passa aux mains des rĂ©volutionnaires.

Goyeneche avait occupĂ© Chuquisaca, mais dut se replier avec ses 3 500 hommes sur Oruro. Le vice-roi Abascal dĂ©pĂȘcha Ă  son secours un effectif de taille semblable rĂ©uni par le gouverneur de Puno, Manuel Quimper, ainsi que des indigĂšnes Quetchua de Cuzco, commandĂ©s par le cacique Mateo Pumacahua, qui commirent des excĂšs et des atrocitĂ©s contre les populations aymaras[28].

Les indĂ©pendantistes purent encore arracher une petite victoire prĂšs du dĂ©troit de Tiquina, mais les colonels Pedro Benavente et Lombera s’emparĂšrent de La Paz. Pumacahua rĂ©ussit Ă  rĂ©tablir les communications avec l’armĂ©e de Goyeneche, qui retourna alors Ă  Chuquisaca[28].

Les exactions des troupes indigĂšnes arrivĂ©es du nord eurent pour effet d’attiser l’ardeur des populations du Haut-PĂ©rou. Le colonel Esteban Arze, qui avait refusĂ© de se rendre avec Rivero, revint dans la vallĂ©e de Cochabamba et, le , y prit la tĂȘte d’une rĂ©volution. Arze fut nommĂ© commandant-gĂ©nĂ©ral et Mariano Antezana prĂ©sident de la Junte provinciale de Cochabamba. Le , Arze attaqua Oruro, mais fut repoussĂ© par GonzĂĄlez de Socasa.

Dans la province d’Ayopaya surgit une autre rĂ©publiquette, qui parvint Ă  rĂ©sister durant plusieurs annĂ©es Ă  la domination royaliste[72].

Eustoquio DĂ­az VĂ©lez dans sa vieillesse.

Pour appuyer la nouvelle rĂ©volution Ă  Cochabamba, PueyrredĂłn rĂ©solut d’entreprendre une nouvelle tentative d’avancer sur le Haut-PĂ©rou, et envoya Ă  cet effet un rĂ©giment de cavalerie et un bataillon d’infanterie, placĂ©s sous les ordres de son second, le major Eustoquio DĂ­az VĂ©lez[129]. Celui-ci chargea le lieutenant-colonel Manuel Dorrego d’attaquer un poste royaliste Ă©tabli dans un village de Sansana, oĂč il eut un petit succĂšs.

AprĂšs qu’il eut reçu des renforts, grĂące auxquels ses effectifs atteignaient maintenant 860 hommes, DĂ­az VĂ©lez envoya Dorrego une nouvelle fois Ă  Nazareno, oĂč celui-ci tout d’abord vainquit Francisco Picoaga ; mais ses forces furent sĂ©parĂ©es par une crue de la riviĂšre Suipacha, qui permit aux royalistes de contre-attaquer et de le battre[130] - [131]. PueyrredĂłn ordonna Ă  DĂ­az VĂ©lez de se retirer immĂ©diatement, Goyeneche s’étant en effet dĂ©jĂ  fort avancĂ©[132].

Le , Arze parvint Ă  prendre le village de Chayanta. Dans le mĂȘme temps, le lieutenant-colonel MartĂ­n Miguel de GĂŒemes, chef en second de l’avant-garde, fut dĂ©pĂȘchĂ© par DĂ­az VĂ©lez pour rĂ©cupĂ©rer Tarija, ce dont il s’acquitta le [133].

Cependant, l’armĂ©e du Nord ne fit mĂȘme aucune tentative d’appuyer les rĂ©volutionnaires du Haut-PĂ©rou : le , DĂ­az VĂ©lez replia ses troupes Ă©puisĂ©es ainsi que celles de GĂŒemes vers le ravin de Humahuaca. D’autre part, le Triumvirat avait adoptĂ© Ă  l’égard de la guerre une attitude plus rĂ©ticente, et prĂ©fĂ©ra retenir ses forces dans les environs de la capitale.

Une division rĂ©volutionnaire de 2000 hommes en provenance de Mizque se dirigea vers Chuquisaca, mais fut mise en dĂ©route le par un bataillon du RĂ©giment royal de Lima. Peu de jours plus tard, le , les indigĂšnes d’Ayopaya furent vaincus prĂšs de La Paz. Tous les prisonniers furent exĂ©cutĂ©s[134].

Une division royaliste forte de 1 200 hommes, envoyĂ©e en renfort de Goyeneche, se mit en mouvement au dĂ©part de Santa Cruz de la Sierra, mais fut vaincue lors de la bataille de Samaipata, dans l’actuel dĂ©partement de Santa Cruz, et tous les royalistes soit y laissĂšrent la vie, soit furent faits prisonniers[135].

AprĂšs qu’une rĂ©bellion eut Ă©chouĂ© Ă  PotosĂ­, Goyeneche se rendit Ă  Chuquisaca le . De lĂ , il envoya 4 000 hommes sur Cochabamba, pendant qu’il lançait en mĂȘme temps une colonne sur Chayanta et une autre vers TapacarĂ­, composĂ©e de 2 000 hommes sous le commandement de Lombera. Le colonel Huici avança vers Vallegrande, en dĂ©truisant le village de PocarĂĄ.

Les diffĂ©rends entre Arze et Antezana les conduisirent Ă  la dĂ©cision de diviser en deux moitiĂ©s l’armĂ©e de Cochabamba, laquelle comptait 6000 hommes, armĂ©s presque tous de gourdins et de massues, bien qu’ils eussent Ă©galement Ă  leur disposition 40 canons et 400 arquebuses. Le , Arze fut battu dans la bataille de Pocona ou de Quehuiñal, et l’armĂ©e royaliste marcha alors sur la ville.

Antezana ne fit pas preuve de la mĂȘme attitude combattive, mais les habitants de Cochabamba, en particulier les femmes, firent front dans le Cerro de San SebastiĂĄn. Ils furent vaincus le , et Cochabamba tomba de nouveau aux mains des royalistes. Cette fois-ci, Goyeneche exerça la rĂ©pression avec cruautĂ© : de nombreux rĂ©volutionnaires furent exĂ©cutĂ©s (parmi eux Antezana), et les royalistes mirent Ă  sac et incendiĂšrent la ville. Lombera fut nommĂ© gouverneur supplĂ©ant, avec une garnison de 2000 hommes[136].

Goyeneche revint à Potosí, puis emmena son armée vers la province de Chichas, pendant que Pumacahua retournait à Cuzco[28].

Le , les rĂ©volutionnaires d’Ayopaya commandĂ©s par Baltazar CĂĄrdenas furent vaincus Ă  Sicasica. Arze Ă©galement, qui avait rĂ©ussi Ă  Ă©chapper avec une partie de ses troupes, fut battu ; plus tard, il devait rejoindre les guerrillas de Juan Antonio Álvarez de Arenales[134].

La ville de Cochabamba devait se soulever Ă  deux reprises encore, le et le .

L’Exode de Jujuy et la bataille de Tucumán

Le , le gĂ©nĂ©ral Manuel Belgrano, qui quelques mois auparavant avait Ă©tĂ© acquittĂ© lors du procĂšs relatif Ă  son Ă©chec au Paraguay, prit le commandement de l’armĂ©e du Nord. Dans l’entre-temps, il avait commandĂ© le RĂ©giment de Patriciens, avait Ă©crasĂ© fin 1811 Ă  Buenos Aires Ă  la suite de la mutinerie dite des Tresses (MotĂ­n de las Trenzas), et avait arborĂ© Ă  Rosario un drapeau (celui actuel de l’Argentine), que le Triumvirat lui ordonna de dĂ©truire[137].

Belgrano Ă©tablit des dĂ©fenses Ă  San Salvador de Jujuy et dressa son campement Ă  Campo Santo. Les effectifs dont il disposait Ă©taient faibles : quelque 1500 hommes, desquels les deux tiers Ă©taient de cavalerie ; au dĂ©but, il n’eut que deux canons.

La venue de Belgrano dĂ©termina un changement substantiel dans l’organisation militaire, et dĂ©sormais allaient rĂ©gner cette mĂȘme discipline et cette mĂȘme rigueur que celles auxquelles lui-mĂȘme se soumettait. Il mit sur pied un hĂŽpital, un tribunal militaire et un corps chargĂ© d’administrer les provisions. Il s’assura que les manufactures d’armement, de munitions et de vĂȘtements fussent en production ininterrompue. En outre, il organisa des corps avancĂ©s de reconnaissance, et enrĂŽla un officier allemand, le baron de Holmberg, qui l’aida Ă  organiser sa parcimonieuse artillerie et Ă  entraĂźner les officiers.

Belgrano tenta une brĂšve offensive, en faisant avancer une partie de ses forces jusqu’au ravin de Humahuaca. Se trouvant Ă  San Salvador de Jujuy, il cĂ©lĂ©bra le deuxiĂšme anniversaire de la rĂ©volution de Mai, cĂ©rĂ©monie durant laquelle il fit bĂ©nir le drapeau qu’il avait crĂ©Ă©.

Peu aprĂšs, le gouvernement lui notifia l’ordre formel de se replier sur CĂłrdoba sans engager de combat. À ce moment en effet, brisĂ©e la rĂ©sistance de Cochabamba, l’avant-garde de l’armĂ©e de Goyeneche, sous le commandement de PĂ­o TristĂĄn, fraĂźchement Ă©levĂ© au grade de brigadier, entama sa progression vers la frontiĂšre de la province de Salta.

Lorsque Ă  la mi-juillet il apprit que les royalistes avaient avancĂ© jusqu’à La Quiaca, Belgrano dĂ©clencha l’Exode de Jujuy : emmenant lui-mĂȘme l’avant-garde, et laissant son second, le major-gĂ©nĂ©ral Eustoquio DĂ­az VĂ©lez, Ă  la tĂȘte de l’arriĂšre-garde, il ordonna Ă  la population civile de se replier en mĂȘme temps que l’armĂ©e et de brĂ»ler toute chose susceptible d’ĂȘtre utile Ă  l’ennemi. Le , population et armĂ©e abandonnĂšrent San Salvador de Jujuy, qui fut peu aprĂšs occupĂ©e par les royalistes[137].

Dans sa marche en direction du sud, l’armĂ©e du Nord ne passa point cependant par Salta, dont se fut emparĂ© un bataillon royaliste. Le , l’avant-garde espagnole atteignit l’arriĂšre-garde patriote, commandĂ©e par DĂ­az VĂ©lez, mais fut battue dans la bataille de Las Piedras[138].

Quoique Ă©tant en dĂ©saccord avec l’ordre reçu d’abandonner tout le nord du pays, Belgrano poursuivit son retrait en direction du sud-est. Ragaillardis par la rĂ©cente victoire, les habitants de TucumĂĄn priĂšrent Belgrano de tenter de dĂ©fendre leur ville. CĂ©dant Ă  ces instances, le gĂ©nĂ©ral dĂ©via de son itinĂ©raire et, le , s’installa Ă  San Miguel de TucumĂĄn, non sans informer le Triumvirat de sa dĂ©cision. AussitĂŽt, il s’appliqua Ă  renforcer son armĂ©e avec des volontaires, tandis que TristĂĄn laissait se reposer ses troupes[139].

Le , les 3000 hommes de l’armĂ©e de TristĂĄn attaquĂšrent les 1800 de l’armĂ©e du Nord, dĂ©clenchant ainsi la bataille de TucumĂĄn. Ce fut un affrontement chaotique, oĂč Belgrano n’apprit qu’il avait triomphĂ© que le lendemain, lorsque TristĂĄn commença Ă  se retirer vers le nord. Le butin de guerre le plus prĂ©cieux que laissa l’armĂ©e vaincue fut ses 13 canons[38].

Dans l’incapacitĂ© de lancer une poursuite efficace, il envoya DĂ­az VĂ©lez Ă  Salta, ville que celui-ci parvint Ă  occuper pendant quelques jours, avant que TristĂĄn ne s’en emparĂąt Ă  son tour[140]. Les mois suivants, Belgrano se consacra exclusivement Ă  rĂ©organiser son armĂ©e.

L’époque de l’AssemblĂ©e

La nouvelle de la victoire de TucumĂĄn — dans l’opinion de beaucoup d’historiens, la plus importante de la guerre d’indĂ©pendance[141] — plongea le gouvernement de Buenos Aires dans un profond discrĂ©dit, attendu que celui-ci avait ordonnĂ© le repli de l’armĂ©e vers CĂłrdoba. Un coup d’État, auquel participa le colonel JosĂ© de San MartĂ­n, renversa le Triumvirat et le remplaça par le dĂ©nommĂ© second triumvirat[142].

Le nouveau gouvernement convoqua une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale constituante, dite AssemblĂ©e de l'an XIII (1813), laquelle mit en Ɠuvre d’importantes avancĂ©es lĂ©gislatives et mit fin au masque de Ferdinand VII, c'est-Ă -dire au discours convenu sur la prĂ©tendue continuation de la souverainetĂ© du roi Ferdinand VII sur le RĂ­o de la Plata. Tant la pĂ©riode du second triumvirat, que celle des deux premiers Directeurs suprĂȘmes, fut fortement marquĂ©e par l’action de la Loge lautarienne, qui orienta la politique intĂ©rieure, internationale et militaire de l’exĂ©cutif.

Le second triumvirat et le premier Directoire adoptĂšrent une attitude plus rĂ©solue en ce qui concerne la dĂ©fense militaire du jeune État et quant Ă  l’objectif de regrouper au sein de ce dernier l’intĂ©gralitĂ© de l’ancienne vice-royautĂ©, et envoyĂšrent de puissants renforts tant Ă  l’armĂ©e du Nord qu’aux troupes stationnĂ©es dans la bande Orientale.

Entre-temps, la situation en Espagne s’était modifiĂ©e, et Ferdinand VII Ă©tait remontĂ© sur le trĂŽne. La politique rĂ©solument absolutiste du roi entraĂźnait Ă©galement une attitude plus agressive Ă  l’encontre des États qui s’étaient affranchis de l’Empire espagnol, et le rejet de tout rĂšglement qui ne signifiĂąt pas un retour intĂ©gral Ă  la situation antĂ©rieure de dĂ©pendance coloniale absolue.

Les gouvernements rioplatenses rĂ©agirent en rĂ©duisant l’élan de leurs rĂ©formes sociales et en opĂ©rant une concentration du pouvoir : le dernier jour de , l’assemblĂ©e nomma Directeur suprĂȘme des Provinces Unies du RĂ­o de la Plata l’un des triumvirs, Gervasio Antonio de Posadas. Celui-ci voua tous ses efforts Ă  occuper Montevideo, dans le but d’empĂȘcher qu’il pĂ»t servir de port de dĂ©barquement Ă  des forces espagnoles de reconquĂȘte[143]. Une grande expĂ©dition de 10 600 hommes avait Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e en Espagne pour reprendre le RĂ­o de la Plata, mais la perte de Montevideo, s’ajoutant au refus portugais de permettre le dĂ©barquement et l’approvisionnement des troupes au BrĂ©sil[14], contraignit les Espagnols Ă  la dĂ©vier en direction du Venezuela[144].

Le gouvernement du successeur de Posadas, Carlos MarĂ­a de Alvear, s’employa Ă  raffermir sa position intĂ©rieure dans la capitale et Ă  rĂ©primer la rĂ©volte fĂ©dĂ©raliste dans le Litoral. Il ne mena, en revanche, aucune action militaire dans le Nord, et voulut Ă©vincer San MartĂ­n comme gouverneur de Cuyo, mais Ă©choua dans sa tentative[145]

AprĂšs la chute d’Alvear, qui avait renoncĂ© Ă  la stratĂ©gie de dĂ©fense agressive et de contre-attaque, lui succĂ©dĂšrent deux directeurs par intĂ©rim, lesquels, dans la pratique, ne gouvernĂšrent pas sur l’ensemble des provinces argentines. La politique extĂ©rieure, tant diplomatique que militaire, demeura erratique pendant cette pĂ©riode[146]. Pour sa part, l’armĂ©e du Nord poursuivit la mise en Ɠuvre des plans offensifs esquissĂ©s dans les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.

DeuxiĂšme siĂšge de Montevideo

Le , peu aprÚs que fut parvenue la nouvelle de la chute du Triumvirat, l'armée patriote mit derechef le siÚge devant Montevideo. Le , ignorant que les assiégeants avaient reçu des renforts la nuit précédente, les royalistes attaquÚrent le campement ennemi, mais furent durement battus dans la bataille de Cerrito[98].

Si la ville assiĂ©gĂ©e put rĂ©sister, ce fut en raison de son indiscutable superioritĂ© navale ; toutefois, ses dĂ©fenseurs ne tenteraient pas une nouvelle fois de se dĂ©fendre sur terre[147]. Pourtant, prĂ©cisĂ©ment au cours de l’annĂ©e 1813, de nouveaux renforts royalistes commencĂšrent Ă  arriver a Montevideo. Si entre les annĂ©es 1811 et 1812, moins de 800 hommes avaient Ă©tĂ© envoyĂ©s depuis l’Espagne, il en fut dĂ©pĂȘchĂ© Ă  Montevideo 3440 en 1813, desquels quelque 400 moururent[148]. Jusqu’alors, la prĂ©fĂ©rence avait Ă©tĂ© donnĂ©e au renforcement des armĂ©es qui luttaient dans la Vice-royautĂ© de Nouvelle-Grenade et dans la Vice-royautĂ© de Nouvelle-Espagne, mais cette annĂ©e-lĂ , 37 % des troupes expĂ©diĂ©es en AmĂ©rique le furent Ă  destination de Montevideo[149].

Le combat de San Lorenzo du 3 février 1813.

Dans l’impossibilitĂ© d'occuper quelque Ă©tendue de terrain capable de les pourvoir en vivres, les royalistes de Montevideo lancĂšrent une sĂ©rie d'attaques successives contre la rive des fleuves Uruguay et ParanĂĄ, qu’ils pillĂšrent impunĂ©ment jusqu’à ce qu’une retentissante victoire des grenadiers Ă  cheval du colonel JosĂ© de San MartĂ­n lors du combat de San Lorenzo, le , les retĂźnt d’entreprendre de nouvelles incursions[150]. Depuis lors, la ville dut se suffire Ă  elle-mĂȘme.

Le nouveau gouvernement du RĂ­o de la Plata se rĂ©signa finalement Ă  reconnaĂźtre l’autoritĂ© qu’avait Artigas sur les forces sous son commandement, et ordonna Ă  Sarratea dĂ©but 1813 de rentrer Ă  Buenos Aires. Artigas se joignit avec ses troupes au siĂšge de Montevideo, en les plaçant sous les ordres de Rondeau, mais tout en gardant une certaine autonomie[151]. Dans la suite de l’annĂ©e 1813, l’activitĂ© lors du siĂšge de Montevideo se limita Ă  quelques escarmouches.

DeuxiĂšme campagne dans le Haut-PĂ©rou

La bataille de Salta.

Les quatre mois dont disposa Belgrano pour se rĂ©organiser Ă  la suite de la victoire de TucumĂĄn lui permirent de doubler le nombre de ses effectifs et d’amĂ©liorer leur formation et leur discipline, mĂȘme s’ils eurent Ă  dĂ©plorer le dĂ©part de Holmberg, qui s’était brouillĂ© avec les autres officiers.

Bien Ă©quipĂ© et d’un bon moral, il entreprit le la marche sur Salta, oĂč TristĂĄn s’était fortifiĂ© et oĂč il avait bĂ©nĂ©ficiĂ© de renforts de la part de Goyeneche : deux bataillons, de la cavalerie et 6 canons. Un mois plus tard, sur la rive du rĂ­o Juramento, l’armĂ©e du Nord fit serment de loyautĂ© Ă  l’assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale constituante et au drapeau argentin, sous lequel se battrait dĂ©sormais l’armĂ©e du Nord.

TristĂĄn s’attendait Ă  voir Belgrano attaquer depuis le sud, mais, guidĂ©e par un officier local, l’armĂ©e du Nord se campa dans la Hacienda de Castañares, au nord de la ville, coupant ainsi la possibilitĂ© pour l’ennemi de se retirer en direction de Jujuy. Le , lors de la bataille de Salta, l’attaque menĂ©e en colonnes parallĂšles par les patriotes aboutit Ă  la reddition inconditionnelle de TristĂĄn : outre la capture de l’équipement et de l’armement, qui renforcĂšrent l’armĂ©e du Nord, 3200 hommes de troupe furent faits prisonniers[n. 8] - [152] ; cependant, attendu que retenir prisonniers un tel nombre de personnes eĂ»t rendu impossible l’avance subsĂ©quente vers le Haut-PĂ©rou[25], Belgrano les remit en libertĂ© moyennant leur serment de ne jamais plus prendre les armes contre les Provinces Unies[137].

Goyeneche Ă©vacua PotosĂ­ et prit la direction d'Oruro le 1er mars avec seulement 450 hommes, et convint avec Belgrano d’un armistice pour 40 jours. Depuis Oruro, Goyeneche fit parvenir au vice-roi sa lettre de dĂ©mission ; Ă  sa place fut alors nommĂ© le gĂ©nĂ©ral JoaquĂ­n de la Pezuela. Le supplĂ©ant provisoire de Goyeneche, le gĂ©nĂ©ral RamĂ­rez Orozco, abandonna lui aussi Chuquisaca, le , laissant comme gouverneur de Charcas le patriote Esteban AgustĂ­n GascĂłn. L’armĂ©e du Nord avança vers le Haut-PĂ©rou et occupa Tupiza.

À leur arrivĂ©e Ă  Oruro, les soldats royalistes assermentĂ©s Ă  Salta furent affranchis de leur serment par l’évĂȘque de La Paz et par le vice-roi, et en grande partie rĂ©incorporĂ©s dans l’armĂ©e. En Ă©change, TristĂĄn s’abstiendrait dĂ©sormais de combattre les Provinces unies.

Au mois de mars, avant mĂȘme l’arrivĂ©e de l’armĂ©e de Belgrano dans la rĂ©gion, tant Santa Cruz de la Sierra que Cochabamba se prononcĂšrent promptement en faveur des indĂ©pendantistes. C’était lĂ  la consĂ©quence de la dĂ©confiture de l’armĂ©e commandĂ©e par TristĂĄn et de l’effondrement du moral des royalistes, et ce qui contraignit les gĂ©nĂ©raux TacĂłn, Lombera et RamĂ­rez Orozco de se retirer plus avant encore vers le nord. Une division de 400 miliciens de Chuquisaca, sous les ordres du lieutenant-colonel Juan Antonio de Acebey, s’unit Ă  l’armĂ©e du Nord Ă  PotosĂ­, ville que Belgrano atteignit le .

Tout en poursuivant son avancĂ©e vers l’intĂ©rieur du Haut-PĂ©rou, Belgrano s’efforça d’étendre la sĂ©dition Ă  la ville pĂ©ruvienne de Tacna, sur la cĂŽte pacifique, dont l’officier portĂšgne Enrique Paillardell rĂ©ussit Ă  se rendre maĂźtre. Au lieu cependant de chercher Ă  entrer en contact avec les troupes de Belgrano, Paillardell s’ingĂ©nia Ă  avancer seul sur Arequipa, mais fut battu Ă  Camiara, et les vaincus durent s’enfuir dans le Haut-PĂ©rou. Ce nonobstant, Belgrano, Ă  la tĂȘte de 3500 hommes, dominait encore une grande partie du Haut-PĂ©rou[153].

La bataille de Vilcapugio sur un plan ancien.

Les premiers jours d’aoĂ»t, le gĂ©nĂ©ral Pezuela prit Ă  Oruro le commandement de l’armĂ©e royaliste, dont il porta les effectifs Ă  5000 hommes, et se mit ensuite Ă  la recherche de l’armĂ©e indĂ©pendantiste.

Belgrano avait missionnĂ© le colonel Cornelio Zelaya, chef de la cavalerie, de faire se soulever les populations derriĂšre le dos de l’armĂ©e royaliste. GrĂące Ă  l’interception de la correspondance entre celui-ci et quelques chefs montoneros patriotes, Pezuela sut que son ennemi attendait des renforts, de sorte qu’il dĂ©cida d’attaquer dĂšs que possible[154].

Le 1er octobre, lors de la bataille de Vilcapugio, Belgrano rĂ©ussit d’abord Ă  dĂ©sorganiser la formation royaliste, mais un signal erronĂ©ment donnĂ© de cesser l’offensive, Ă  quoi s’ajouta la rĂ©apparition inopinĂ©e dans la bataille de la cavalerie du colonel royaliste orignaire de Salta Saturnino Castro, provoqua la totale dispersion des troupes indĂ©pendantistes[155].

Plan ancien de la bataille d’Ayohuma.

Belgrano se retira vers l’est, et posta ses troupes sur la position d’Ayohuma, oĂč il parvint Ă  rĂ©unir quelque 3400 hommes, parmi lesquels ne figuraient environ que mille vĂ©tĂ©rans.

Lorsque dĂ©buta la Bataille d'Ayohuma, le , Belgrano mit ses troupes trop tĂŽt en formation de bataille, ce qui fut mis Ă  profit par Pezuela pour attaquer de flanc et obliger Belgrano Ă  changer de position. La bataille fut d'emblĂ©e une claire victoire de Pezuela, et l’armĂ©e du Nord fut rĂ©duite Ă  un tiers de sa force initiale[155].

Le , Belgrano et DĂ­az VĂ©lez, se repliant, arrivĂšrent Ă  PotosĂ­, mais, devant l’arrivĂ©e imminente de l’armĂ©e royaliste, durent dĂ©jĂ  en repartir dĂšs le jour suivant, aprĂšs avoir donnĂ© l’ordre de s’emparer du contenu de l'hĂŽtel des Monnaies, ordre qui ne fut pas exĂ©cutĂ©. Le lendemain, l’avant-garde royaliste, sous le commandement de Castro, entra effectivement dans la ville. DĂ©but 1814, l’armĂ©e royaliste se rendit Ă©galement maĂźtre de Tarija[28].

En , le gĂ©nĂ©ral Belgrano remit le commandement de l’armĂ©e du Nord au colonel JosĂ© de San MartĂ­n.

Prise de Montevideo

Le siĂšge de Montevideo s’était prolongĂ© tout au long de l’annĂ©e 1813 sans aucun changement notable, mettant en Ă©vidence l'abondance de ressources chez les assiĂ©gĂ©s et le manque de moyens des assiĂ©geants[14].

Les relations entre Artigas et le gouvernement de Buenos Aires s’étaient dĂ©tĂ©riorĂ©es : le refoulement des dĂ©putĂ©s orientaux normalement appelĂ©s Ă  siĂ©ger dans l’assemblĂ©e de l’An XIII et l’élection Ă  leur place d’autres dĂ©putĂ©s, choisis sur indication de Rondeau, portĂšrent Ă  son point culminant le conflit entre d’une part l’objectif, dĂ©fendu par Artigas, d’indĂ©pendance immĂ©diate et d’une organisation politique de type fĂ©dĂ©ral, et d’autre part le centralisme et l’attitude plus modĂ©rĂ©e en matiĂšre de souverainetĂ© du gouvernement portĂšgne[98].

Fin , les troupes loyales à Artigas levÚrent le siÚge et se retirÚrent sur le rivage du fleuve Uruguay. Ils étaient convaincus que le gouvernement de la capitale se proposait de gouverner la bande Orientale comme une dépendance de Buenos Aires[91].

Le Directeur suprĂȘme Posadas dĂ©clara Artigas « traĂźtre Ă  la patrie » et fit mettre sa tĂȘte Ă  prix[156]. Il expĂ©dia une armĂ©e pour affronter les montoneras fĂ©dĂ©ralistes d’Artigas, et dĂ©clencha ainsi la guerre entre Artigas et le Directoire, la premiĂšre des guerres civiles argentines.

L’armĂ©e envoyĂ©e pour combattre Artigas — laquelle, aprĂšs l’avoir vaincu, eĂ»t Ă  grossir les rangs des assiĂ©geants de Montevideo — fut dĂ©faite dans la bataille d'El Espinillo, le [92]. En une rapide succession, les territoires de Corrientes et de Misiones, et les villages de l’intĂ©rieur de la bande Orientale se prononcĂšrent en faveur du fĂ©dĂ©ralisme tel que prĂ©conisĂ© par Artigas[73], de sorte que les forces assiĂ©geantes ne reçurent aucun renfort.

Le gouverneur Vigodet s’immagina qu’Artigas, s’étant prononcĂ© contre le gouvernement central rioplatense, pĂ»t ĂȘtre gagnĂ© Ă  la cause du roi d’Espagne, mais le caudillo repoussa ses offres[151].

Guerre navale et occupation de Montevideo

William Brown, vainqueur des royalistes de Montevideo.

Le gouvernement rĂ©volutionnaire mit sur pied une petite flotte en lui donnant mission de disputer aux royalistes le contrĂŽle des riviĂšres intĂ©rieures et de l’estuaire du RĂ­o de la Plata. Le commandement de tous les vaisseaux Ă©tait aux mains de marins Ă©trangers, y compris le commandement en chef, dĂ©tenu par l’Irlandais William Brown. Celui-ci, aprĂšs avoir vaincu le capitaine Jacinto Romarate lors de la bataille de MartĂ­n GarcĂ­a (1814), s’empara de cette Ăźle stratĂ©gique, contraignant les navires royalistes Ă  se retirer en remontant le fleuve Uruguay le [37]. Les navires envoyĂ©s Ă  leur poursuite furent toutefois battus dans la bataille d’Arroyo de la China, mais nĂ©anmoins Romarate resta Ă  ConcepciĂłn del Uruguay jusqu’à la fin de la guerre.

L’annonce de l’imminent retour sur le trĂŽne d’Espagne de Ferdinand VII incita les indĂ©pendantistes Ă  intensifier leurs actions militaires : le , la flotte de Brown mouilla devant Montevideo et signifia Ă  la ville le blocus naval. L’escadre royaliste commandĂ©e par Miguel de la Sierra appareilla de Montevideo pour affronter Brown, mais lors de la bataille navale de El Buceo, livrĂ©e entre les 15 et , la majeure partie des navires royalistes fut capturĂ©e ou dĂ©truite. Plusieurs des vaisseaux restants s’enfuirent en direction de l’Espagne, et quelques unitĂ©s mineures et peu nombreuses se retrachĂšrent dans le port de Montevideo[37].

L’encerclement de la ville Ă©tait Ă  prĂ©sent complet, et la supĂ©rioritĂ© navale royaliste avait cessĂ© d’exister. L’infĂ©rioritĂ© numĂ©rique des assiĂ©geants ― Rondeau avait sous ses ordres quatre milliers d’hommes dans le siĂšge, tandis que Vigodet en disposait de cinq milliers pour dĂ©fendre la ville ― motiva Posadas Ă  envoya en renfort son propre neveu, le colonel Carlos MarĂ­a de Alvear, avec plus de 1500 hommes ; il portait par ailleurs l’ordre de remplacer Rondeau Ă  la tĂȘte des troupes assiĂ©geantes.

Alvear se saisit du commandement le , alors que la victoire de la flotte de Brown Ă©tait dĂ©jĂ  acquise, et aussitĂŽt entama des nĂ©gociations avec Vigodet en vue de la remise de Montevideo ; ils parvinrent Ă  un accord, aux termes duquel les royalistes seraient libres de se retirer en Espagne avec leurs embarcations et leurs armes, tandis que les patriotes prendraient Montevideo en consignation, au nom de Ferdinand VII. Cependant, s’abritant derriĂšre la non ratification de l’accord par Posadas[157], Alvear occupa la ville le , fit prisonniers les royalistes et mit la main sur tout leur armement.

La chute de Montevideo signifia la fin de la menace royaliste sur le RĂ­o de la Plata, qui avait durĂ© quatre annĂ©es. Vigodet allait ĂȘtre remis en libertĂ© peu aprĂšs, en mĂȘme temps que tous les officiers, mais les troupes d’origine amĂ©ricaine et africaine ainsi que l’armement s’en allĂšrent grossir et renforcer les armĂ©es indĂ©pendantistes ; en effet, 5340 hommes de troupe furent faits prisonniers, et 310 canons, 8000 fusils et 99 embarcations furent capturĂ©s[158].

La localité de Carmen de Patagones, qui avait été pendant deux ans et demi un bastion royaliste, fut alors également prise par les patriotes[159].

Une fois achevĂ©e la prise de Montevideo, de laquelle l’on Ă©tait redevable principalement Ă  l’escadre de guerre, celle-ci fut dĂ©mantelĂ©e Ă  l’effet de s’acquitter des dettes contractĂ©es[13].

La guerre civile

La chute de Montevideo n’avait cependant pas signifiĂ© la fin des problĂšmes sur le front oriental, mais seulement un changement de leur nature. Nonobstant sa promesse de remettre la ville aux hommes d’Artigas, Alvear attaqua ses lieutenants, relançant de ce fait la guerre civile. Celle-ci se poursuivit, avec des hauts et des bas, durant plusieurs mois, forçant le gouvernement Ă  maintenir des troupes dans la bande Orientale et dans Entre RĂ­os, qui ne pouvaient dĂšs lors pas ĂȘtre employĂ©es Ă  renforcer l’unique front encore existant contre les royalistes, celui du nord[158].

En janvier de l’annĂ©e suivante, Ă  la suite de la victoire d’Artigas dans la bataille de Guayabos, Alvear accorda la paix et remit Ă  Artigas la domination de la province Orientale[91]. Ce pacte eut certes pour effet de libĂ©rer quelques forces militaires, susceptibles d’ĂȘtre envoyĂ©es dans le nord, mais le refus d’Artigas de suspendre son aide aux fĂ©dĂ©ralistes d’Entre RĂ­os et de Corrientes obligea de maintenir en place dans cette rĂ©gion et dans la capitale de nombreuses troupes.

Une campagne lancĂ©e en contre les fĂ©dĂ©ralistes dĂ©boucha sur un soulĂšvement des unitĂ©s de Buenos Aires et sur la chute du directeur suprĂȘme Alvear. Son successeur, Ignacio Álvarez Thomas, signa un nouvel accord avec Artigas, qui permit de libĂ©rer de nouveaux effectifs et de les envoyer en aide Ă  l’armĂ©e du Nord. Pourtant, quelques mois plus tard, le mĂȘme Álvarez Thomas rompra l’accord conclu[160].

La zone fluviale du Río de la Plata restera durant de longues années comme un déversoir de ressources militaires, qui par conséquent ne seraient pas disponibles pour les campagnes sur les autres fronts.

La Guerra gaucha

Le gĂ©nĂ©ral MartĂ­n Miguel de GĂŒemes, chef de la Guerra gaucha.

Sur le front nord, l’armĂ©e royaliste entama sa progression vers le sud sans suffisamment assurer ses arriĂšres, alors que des noyaux de rĂ©sistance informelle, appelĂ©s RĂ©publiquettes, Ă©taient en cours de constitution dans les vallĂ©es de l’est du Haut-PĂ©rou. C’étaient au moins dix groupes distincts, dont les deux plus puissants Ă©taient ceux rĂ©unis par Juan Antonio Álvarez de Arenales prĂšs de Cochabamba et par Ignacio Warnes dans la ville de Santa Cruz de la Sierra. Le , les deux chefs obtinrent une grande victoire lors de la bataille de La Florida et rĂ©ussirent Ă  dominer Cochabamba peu aprĂšs[161].

Ce nonobstant, la rapide avancĂ©e royaliste atteignit ses objectifs : RamĂ­rez Orozco occupa Salta et diffĂ©rentes troupes s’emparĂšrent d’autres localitĂ©s de l’intendance ; le , Pezuela entrait dans Jujuy[162]. Quelques royalistes de Salta levĂšrent des troupes en faveur des armĂ©es royales, comme par exemple le propriĂ©taire agricole Manuel Fernando de AramburĂș, qui mit sur pied l’Escadron de cavalerie Saint-Charles (en espagnol : EscuadrĂłn de CaballerĂ­a de San Carlos[163].

Devant l’avancĂ©e de l’invasion royaliste, San MartĂ­n, convaincu que l’armĂ©e du Nord, dĂ©moralisĂ©e, n’avait pas les capacitĂ©s de l’affronter, dĂ©cida de la retirer sur TucumĂĄn. Il confia la dĂ©fense de la frontiĂšre nord Ă  une division irrĂ©guliĂšre de gauchos commandĂ©e par Manuel Dorrego, qui suffit Ă  retarder l’avancĂ©e royaliste. Peu aprĂšs, en raison de problĂšmes disciplinaires, San MartĂ­n remplaça Dorrego par MartĂ­n Miguel de GĂŒemes et Apolinario Saravia. Ceux-ci Ă©tablirent des contacts avec des fermiers de la zone, tels que JosĂ© Ignacio Gorriti, Pablo Latorre et Luis Burela, lesquels organisĂšrent et dirigĂšrent des groupes de combattants irrĂ©guliers[27].

GĂŒemes assumait la coordination des mouvements de chaque groupe de gauchos et prenait soin d’autre part de leur approvisionnement en vivres et armement. Au milieu de 1814, les gauchos de GĂŒemes dominaient la majeure partie de la zone rurale de Salta[27].

Au bout de quatre mois de commandement de l’armĂ©e du Nord, San MartĂ­n, pour raisons de santĂ©, dĂ©missionna de sa charge et fut remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Rondeau[98].

Les actions de guerrilla des gauchos de GĂŒemes et la nouvelle de la chute de Montevideo firent renoncer Pezuela Ă  avancer sur TucumĂĄn. Il replia son armĂ©e vers le nord, abandonnant Jujuy le et ralliant Suipacha le 24 du mĂȘme mois[164].

RĂ©volution Ă  Cuzco

En arrivant Ă  Tupiza, Pezuela apprit une nouvelle alarmante : peu avant en effet avait Ă©clatĂ© la rĂ©bellion de Cuzco, dirigĂ©e par les frĂšres Angulo et par le cacique indien Mateo Pumacahua, qui avait dĂ©sertĂ© le camp royaliste. Ceux-ci envoyĂšrent une armĂ©e sous le commandement du colonel Juan Manuel Pinelo, un des officiers assermentĂ©s Ă  Salta, pour s’emparer de Puno ; Ă  partir de lĂ , Pinelo marcha ensuite sur La Paz, dont il se rendit maĂźtre le . D’autres divisions firent mouvement sur Arequipa et Huamanga, obtenant d’excellents rĂ©sultats.

Pezuela dĂ©pĂȘcha son second, le gĂ©nĂ©ral RamĂ­rez Orozco, pour affronter les rĂ©volutionnaires. Orozco battit Pinelo et occupa tour Ă  tour La Paz le , Arequipa le , Puno le et Cuzco le [72].

Ce nonobstant, l’activitĂ© des rĂ©publiquettes gagna en ampleur ; parmi elles se distinguĂšrent plus particuliĂšrement celle de Larecaja, dirigĂ©e par le prĂȘtre Ildefonso de las Muñecas, celle de Tarija, qui avait pour chef Juan RamĂłn Rojas, et celle de Cinti, sous la houlette de Vicente Camargo, qui remportĂšnt plusieurs petites victoires sur les royalistes[161].

GĂŒemes, tirant parti de l’inactivitĂ© de l’avant-garde royaliste, avança sur Humahuaca et Ă©tablit un bataillon Ă  Yavi en . Pezuela rĂ©agit en envoyant le colonel Pedro Antonio Olañeta occuper Yavi et Tarija. Une tentative de soulĂšvement des troupes cantonnĂ©es Ă  Jujuy et Humahuaca, constituĂ©es de soldats issus de la reddition de Montevideo, avorta avant mĂȘme qu’elle eĂ»t pu Ă©clater[164].

Quasiment Ă  la mĂȘme date, le directeur suprĂȘme Posadas ordonna le remplacement de Rondeau, en tant que chef de l’armĂ©e du Nord, par son propre neveu Alvear. Mais plusieurs officiers de l’armĂ©e se soulevĂšrent, refusant de reconnaĂźtre l'autoritĂ© d'Alvear. Celui-ci alors rentra Ă  Buenos Aires, oĂč Posadas venait de dĂ©missionner par suite de cette rĂ©bellion ; c’est, Ă  sa place, le gĂ©nĂ©ral Alvear qui fut Ă©lu Directeur suprĂȘme[13].

La guerre au Chili

Dans le Chili voisin, le processus d’indĂ©pendance s’était jusque-lĂ  dĂ©roulĂ© presque sans effusion de sang. Il n’y eut quasiment pas de rĂ©sistance militaire de la part des royalistes. De ce pays fut envoyĂ©e en 1811 une division auxiliaire pour Ă©pauler la lutte pour l’indĂ©pendance dans le RĂ­o de la Plata[165], bien que cette division demeurĂąt ensuite inactive Ă  Buenos Aires.

En 1812, lors des affrontements internes entre patriotes chiliens, l’üle de ChiloĂ© et la ville de Valdivia se prononcĂšrent contre le gouvernement chilien et se mirent aux ordres du vice-roi Abascal. Celui-ci voulut profiter de cette situation en envoyant vers ChiloĂ© une petite expĂ©dition de 50 soldats et 20 officiers aguerris, mais dotĂ©s d’une importante quantitĂ© d’armement, d’équipement et d’argent.

En peu de mois, le brigadier Antonio Pareja mit sur pied une petite armĂ©e Ă  ChiloĂ©, renforça la troupe de Valdivia, et dĂ©barqua, Ă  la tĂȘte de 3400 hommes, prĂšs de Talcahuano et ConcepciĂłn, s’emparant de ces deux villes. Ainsi fut dĂ©clenchĂ©e la Guerre d'indĂ©pendance du Chili au dĂ©but de 1813[166].

Les troupes de la division chilienne Ă  Buenos Aires se retirĂšrent en direction de leur pays, et la lutte se prolongea tout au long de l’annĂ©e 1813 sans qu’aucun des deux camps eĂ»t l’avantage. Le gouvernement chilien sollicita des renforts Ă  celui du RĂ­o de la Plata, qui dĂ©pĂȘcha un bataillon d’Auxiliaires argentins, formĂ© de 257 soldats d’infanterie de ligne en provenance de Cuyo et de CĂłrdoba[165]. PlacĂ© sous le commandement du lieutenant-colonel Santiago Carreras, gouverneur sortant de CĂłrdoba, remplacĂ© ensuite par Marcos Balcarce, et de son second, Juan Gregorio de Las Heras[167] - [168], ce bataillon arriva Ă  Santiago du Chili en .

C’est Ă  titre d’auxiliaires des divisions chiliennes du gĂ©nĂ©ral John Mackenna que par la suite il Ă©chut Ă  ces troupes argentines de participer aux batailles de Cucha Cucha et de Membrillar[167].

Émigration chilienne

Une sĂ©rie de campagnes militaires indĂ©cises et l’échec du traitĂ© de Lircay mirent la Patria Vieja (nom donnĂ© au Chili de la pĂ©riode 1810―1814) peu Ă  peu dans une situation plus pĂ©rilleuse[169]. Une guerre civile opposant les partisans de Bernardo O'Higgins et ceux de JosĂ© Miguel Carrera aboutit Ă  ce que les Auxiliaires argentins, envoyĂ©s par Las Heras, fussent expulsĂ©s par Carrera. Laissant ses hommes Ă  Los Andes, Las Heras retourna Ă  Mendoza, d’oĂč San MartĂ­n, gouverneur de l’Intendance de Cuyo, le renvoya au Chili.

Par ailleurs, plusieurs hauts officiers de l’armĂ©e chilienne, expulsĂ©s par Carrera, notamment le gĂ©nĂ©ral Mackenna, furent remis Ă  l’Argentine, ce qui acheva de prĂ©disposer San MartĂ­n et le gouvernement argentin en dĂ©faveur du parti de Carrera[170].

Peu aprĂšs se produisit la dĂ©faite totale des indĂ©pendantistes chiliens face au gĂ©nĂ©ral Mariano Osorio lors de la bataille de Rancagua. Las Heras et le bataillon d’Auxiliaires escortĂšrent le gouvernement, quelques troupes et un grand nombre de civils vers Mendoza[171]. D’autres officiers, comme RamĂłn Freire, conduisirent leurs forces vers le sud de la province de Mendoza.

Carrera continua de se considĂ©rer le chef de gouvernement des Chiliens, mais San MartĂ­n, conseillĂ© en cela par O'Higgins, l’expulsa et plaça les troupes Ă©migrĂ©es —quelque 600 hommes — sous les ordres de Marcos Balcarce. Nombre de ces soldats chiliens dĂ©sertĂšrent et regagnĂšrent leurs foyers en Ă©tĂ©, tandis que d’autres se joignirent aux forces argentines dans la capitale. Le reste des troupes resta Ă  Cuyo, oĂč, par la suite, elles s’incorporĂšrent Ă  l’armĂ©e des Andes[172].

Le plan continental de San MartĂ­n

Le général José de San Martín.

Pendant le temps qu’il passa Ă  la tĂȘte de l'armĂ©e du Nord, San MartĂ­n s'Ă©tait convaincu qu’il serait fort malaisĂ©, pour des raisons gĂ©ographiques et logistiques, de conquĂ©rir le Haut-PĂ©rou et le PĂ©rou par la voie terrestre. Le cƓur de la rĂ©sistance royaliste se situait Ă  Lima, ville d’oĂč le vice-roi Abascal avait coordonnĂ© les opĂ©rations militaires, y compris les reconquĂȘtes du Haut-PĂ©rou, du sud du PĂ©rou et du Chili[173].

Reprenant Ă  son compte l’idĂ©e qui avait sous-tendu les anciens projets britanniques de conquĂȘte de l’AmĂ©rique du Sud[174], ou bien, comme le soutiennent certains historiens, sur ordre des autoritĂ©s militaires britanniques[175], San MartĂ­n imagina de parvenir Ă  Lima par la mer, au dĂ©part du Chili. Cela semble avoir Ă©tĂ© la vĂ©ritable raison de son abandon de l’armĂ©e du Nord et de sa demande de nomination comme gouverneur de Cuyo.

Quoique cette idĂ©e parĂ»t alors vouĂ©e Ă  ĂȘtre dĂ©laissĂ©e, en raison de la nĂ©cessitĂ© de reconquĂ©rir le Chili, San MartĂ­n s’accrocha nĂ©anmoins Ă  son « plan continental », lors mĂȘme que la situation nouvelle l’obligeait Ă  reconquĂ©rir prĂ©alablement le Chili[176]. À cette fin, il renforça les ressources militaires de sa province, et intĂ©gra dans celles-ci les officiers et troupes chiliens ; en , le Directeur suprĂȘme crĂ©a Ă  Mendoza le Bataillon no 11 d’infanterie, sur la base des Auxiliaires argentins restants[177], avec comme commandant le lieutenant-colonel Las Heras. Par la suite, en , ce corps sera transformĂ© en rĂ©giment et Las Heras Ă©levĂ© au rang de colonel[178].

Avant la fin de cette annĂ©e 1814 furent intĂ©grĂ©es dans les forces de Cuyo deux compagnies du bataillon de Castas et 50 artilleurs avec 4 canons, sous le commandement du capitaine Pedro Regalado de la Plaza. D’autres renforts arrivĂšrent dans les mois suivants, avec la mission de prĂ©venir une possible invasion royaliste depuis le Chili[179].

TroisiĂšme campagne dans le Haut-PĂ©rou

Le général José Rondeau commanda la TroisiÚme Expédition auxiliaire dans le Haut-Pérou.

Alvear ne prit aucune rĂ©solution concernant l’armĂ©e du Nord[n. 9]; nĂ©anmoins, Rondeau engagea en une nouvelle campagne dans le Haut-PĂ©rou en avançant lentement vers le nord. La lenteur sera la caractĂ©ristique la plus marquĂ©e de toute cette campagne.

GĂŒemes fut remplacĂ© comme commandant d’avant-garde par le colonel MartĂ­n RodrĂ­guez, mais celui-ci fut capturĂ© pendant la bataille d’El Tejar. La petite dĂ©faite obligea Ă  diffĂ©rer la progression vers le nord, laquelle reprit ensuite aprĂšs un Ă©change de prisonniers et la bataille de Puesto del MarquĂ©s Ă  la mi-avril.

Ne disposant pas des troupes de Ramírez Orozco, Pezuela ordonna à ses forces de se retirer de Potosí et de Chuquisaca. Cette derniÚre ville fut alors occupée par Manuel Asencio Padilla, chef de la républiquette de La Laguna, et par Álvarez de Arenales, de la républiquette de Vallegrande.

L’armĂ©e de Rondeau poursuivit son lente avancĂ©e dans le Haut-PĂ©rou, tandis qu’Arenales s’empara de Cochabamba. À Buenos Aires, la rĂ©volution dirigĂ©e par Álvarez Thomas venait de renverser Alvear, et le gĂ©nĂ©ral Rondeau fut nommĂ© Directeur suprĂȘme. Celui-ci ne pouvait exercer cette charge que dans le territoire qu’il dominait, savoir la zone s’étendant Ă  partir de TucumĂĄn vers le nord, en ce compris la meseta du Haut-PĂ©rou, le pouvoir dans la capitale Ă©tant dĂ©tenu par Álvarez Thomas lui-mĂȘme, Ă  titre de supplĂ©ant[98].

Le colonel GĂŒemes, indignĂ© par le rĂŽle secondaire dĂ©volu Ă  ses gauchos par Rondeau, et considĂ©rant que le manque de discipline de l’armĂ©e la condamnait Ă  la dĂ©faite, abandonna les rangs et, Ă  la tĂȘte de ses miliciens, rentra Ă  Salta et s’empara Ă  Jujuy des armes de la rĂ©serve de l’armĂ©e. À son arrivĂ©e dans la ville de Salta, ses habitants l’élurent gouverneur, en un acte qui n’avait pas d’autre signification que le libre exercice de la souverainetĂ© par le peuple salteño. Toutefois, du point de vue du Directeur Rondeau, cet acte Ă©quivalait Ă  un dĂ©fi ouvert Ă  son autoritĂ©, de sorte qu’il dĂ©clara GĂŒemes un dĂ©serteur, sans cependant pouvoir, pour l’heure, prendre de plus amples mesures[27].

Sipe Sipe

Le général Joaquín de la Pezuela, vainqueur de la bataille de Sipe Sipe et ultérieurement vice-roi du Pérou.

La lenteur de Rondeau laissa aux royalistes tout le loisir de se faire parvenir des renforts : un rĂ©giment et un bataillon dĂ©pĂȘchĂ©s depuis le Chili, et Ă  la mi-juillet, la division de RamĂ­rez Orozco, qui avait dĂ©jĂ  repris Cuzco. Pendant que Pezuela manƓuvrait pour se faire une position avantageuse contre son ennemi, MartĂ­n RodrĂ­guez tenta une attaque-surprise contre les royalistes, mais fut complĂštement battu lors de la bataille de Venta y Media, le , qui entraĂźna de lourdes pertes et mit fortement Ă  mal le moral de l’armĂ©e[25].

Pour venir au secours de Rondeau, l’on avait envoyĂ© deux rĂ©giments, alors dĂ©sƓuvrĂ©s en raison d’une interruption temporaire de la guerre civile, et placĂ©s sous le commandement de Domingo French et de Juan Bautista Bustos. Craignant que ceux-ci, avant de poursuivre leur route vers le nord, ne voulussent le renverser, GĂŒemes leur interdit l’entrĂ©e dans Salta qu’ils ne l’eussent d’abord reconnu comme gouverneur. Cela se produisit Ă  la mi-, alors qu’il Ă©tait tard dĂ©jĂ  pour qu’ils pussent encore s’incorporer dans l’armĂ©e du Nord[27].

Rondeau emmena ses troupes jusque dans les environs de Cochabamba, sur une position qu’il tint pour trĂšs favorable, mais une manƓuvre hardie de l’armĂ©e royaliste — descendre une cĂŽte dangereuse — permit Ă  Pezuela de remporter une victoire totale lors de la bataille dite de Sipe Sipe ou de Viluma, le . L’armĂ©e du Nord y perdit mille hommes, tuĂ©s ou prisonniers, ainsi que la totalitĂ© de l’artillerie et de l’équipement[180].

Rondeau s’enfuit sans donner d’autres ordres Ă  ses soldats, lesquels, quasi totalement dĂ©bandĂ©s, furent poursuivis avec acharnement par les royalistes. Au cours du mois de dĂ©cembre, les Espagnols se rendirent maĂźtre de toutes les villes du Haut-PĂ©rou, Ă  l’exception de Santa Cruz de la Sierra, dans l’est, dĂ©fendue par son gouverneur Ignacio Warnes.

Rondeau consacra le mois de Ă  essayer de dĂ©poser GĂŒemes, qui pour sa part s’appliqua Ă  Ă©luder le combat tout en le laissant sans vivres, le contraignant ainsi Ă  accepter un accord aux termes duquel il Ă©tait reconnu gouverneur[27]. L’unique action contre-offensive que tenta le Directeur suprĂȘme fut d’envoyer au nord Gregorio ArĂĄoz de Lamadrid, mais celui-ci fut battu dans deux affrontements et forcĂ© de se retirer vers le sud[181].

Dissolution des RĂ©publiquettes

Hormis le colonel Arenales, qui se retira sur Jujuy, les autres chefs des rĂ©publiquettes poursuivirent leur rĂ©sistance. Quoique Rondeau leur eĂ»t promis de revenir dĂšs qu’il serait possible, ils furent abandonnĂ©s Ă  leur sort et battus l’un aprĂšs l’autre : aprĂšs trois dĂ©faites en mars et avril, Vicente Camargo fut tuĂ© et sa RĂ©publiquette de Cinti dĂ©truite[182]. Le , Tarija tomba aux mains des royalistes.

Le prĂȘtre Muñecas rĂ©ussit pendant quelque temps encore Ă  se dĂ©rober Ă  ses ennemis, mais fut finalement vaincu et capturĂ©, et mourut entre les mains de ceux chargĂ©s de l’emmener prisonnier vers le PĂ©rou[183].

Manuel Ascencio Padilla et son Ă©pouse Juana Azurduy rĂ©sistĂšrent plusieurs mois, jusqu’à ce qu’ils fussent Ă  leur tour battus au mois d’octobre par le colonel Francisco Javier Aguilera, au cours d’un combat dans lequel Padilla trouva la mort[n. 10]. Aguilera continua sa marche et le , lors de la bataille d’El Pari, vainquit le colonel Warnes, qui pĂ©rit au combat, et la ville de Santa Cruz de la Sierra fut occupĂ©e Ă  son tour par les royalistes[184].

D’autres rĂ©publiquettes rĂ©sistĂšrent quelque temps encore, mais presque toutes finirent par tomber aux mains des royalistes. La seule Ă  rĂ©sister jusqu’à la fin de la guerre d’indĂ©pendance fut celle d'Ayopaya, dirigĂ©e par JosĂ© Miguel Lanza[161].

Le Directoire de PueyrredĂłn

Juan MartĂ­n de PueyrredĂłn.

Le congrĂšs de TucumĂĄn, rĂ©uni sur ordre du Directeur par intĂ©rim Álvarez Thomas, nomma comme nouveau Directeur suprĂȘme l’un de ses dĂ©putĂ©s, Juan MartĂ­n de PueyrredĂłn, qui se mit en route vers la capitale. En cours de route, il fit halte Ă  CĂłrdoba pour discuter avec le gĂ©nĂ©ral San MartĂ­n de son plan continental et des ressources que devrait lui apporter le Directoire.

Tous les efforts militaires du gouvernement de PueyrredĂłn Ă©taient axĂ©s sur deux objectifs centraux : Ă©craser l’opposition des fĂ©dĂ©ralistes dans le Litoral et dans la province de CĂłrdoba, et soutenir les efforts de San MartĂ­n dans sa campagne au Chili. Le front nord fut dĂ©laissĂ©, et, bien que continuant Ă  exister, l’armĂ©e du Nord fut affectĂ©e dĂ©sormais Ă  soumettre les rĂ©bellions de caudillos fĂ©dĂ©ralistes, telles que le soulĂšvement autonomiste de Juan Francisco Borges Ă  Santiago del Estero et les rĂ©currentes insurrections fĂ©dĂ©ralistes dans la province de CĂłrdoba.

Lorsque, Ă  partir de 1816, se produisit l’invasion portugaise de la bande Orientale, le Directeur suprĂȘme non seulement refusa de collaborer avec Artigas dans ses efforts de dĂ©fense, mais encore s’ingĂ©nia Ă  utiliser cette invasion pour faire plier les fĂ©dĂ©ralistes des provinces du Litoral.

La reconquĂȘte du Chili une fois accomplie, PueyrredĂłn requit San MartĂ­n et Belgrano, commandants des armĂ©es des Andes et du Nord respectivement, de transfĂ©rer leurs forces vers le Litoral afin d’en finir avec les fĂ©dĂ©ralistes. Les deux chefs militaires n’y donnĂšrent suite qu’à moitiĂ©.

À la mi-1819, PueyrredĂłn prĂ©senta sa dĂ©mission et fut remplacĂ© par Rondeau. Celui-ci poursuivit et renforça la politique suivie par son prĂ©dĂ©cesseur, en enjoignant pĂ©remptoirement aux deux armĂ©es de faire mouvement vers le Litoral, et en dĂ©laissant ainsi tout Ă  fait la guerre d’indĂ©pendance[185].

En Espagne, Ferdinand VII avait recouvrĂ© le pouvoir et s’appliquait rĂ©solument Ă  mettre en Ɠuvre une politique absolutiste. Dans les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, l’Espagne s’était montrĂ©e hĂ©sitante au moment de dĂ©fendre ses anciennes colonies, en raison de ce qu’elle craignait la rĂ©action des autres nations europĂ©ennes. Mais, se sentant dĂ©sormais couvert par la Sainte Alliance, laquelle, suivant les recommandations du congrĂšs de Vienne[186], soutenait tous les gouvernements Ă©tablis en Europe et favorisait le maintien de l'Ă©tat de paix entre ceux-ci, Ferdinand put consacrer tous ses efforts Ă  tenter de reconquĂ©rir l’AmĂ©rique espagnole. La position du pape Pie VII, qui avait publiĂ© l’encyclique lĂ©gitimiste de 1816, par laquelle il bĂ©nissait les actions rĂ©pressives des royalistes en Espagne, confortait Ferdinand dans son attitude offensive[187].

Ferdinand se sentit donc lĂ©gitimĂ© d’envoyer, pour reconquĂ©rir les colonies amĂ©ricaines, une sĂ©rie d’expĂ©ditions, au nombre de 13 et totalisant 26 542 hommes. Pourtant, aucune de ces expĂ©ditions n’eut jamais une puissance suffisante pour s’imposer de façon dĂ©cisive face aux indĂ©pendantistes du RĂ­o de la Plata. La seule expĂ©dition vĂ©ritablement puissante projetĂ©e contre cette rĂ©gion dut ĂȘtre suspendue plusieurs fois, par suite d’épidĂ©mies qui dĂ©cimĂšrent et affaiblirent ses effectifs[14].

Expédition corsaire dans le Pacifique

Le dĂ©mantĂšlement de l’escadre de guerre Ă  la suite de la chute de Montevideo ne laissa pas pour autant les Provinces unies sans aucune dĂ©fense maritime : le Directoire en effet organisa une guerre de course contre l’Espagne et octroya en ce sens plusieurs dizaines de patentes. Les corsaires sous pavillon argentin rĂ©ussirent Ă  capturer une centaine de vaisseaux entre 1814 et 1823[37].

En , le gouvernement rĂ©solut de lancer une campagne corsaire dans l’ocĂ©an Pacifique, Ă  titre de mesure dĂ©fensive devant l'arrivĂ©e imminente, au dĂ©part de l’Espagne, d’une expĂ©dition de reconquĂȘte. De nombreux Ă©migrĂ©s chiliens prirent part Ă  l’organisation, au financement et Ă  la dotation de cette campagne[188].

L’escadrille corsaire Ă©tait formĂ©e de 4 navires munis de quelque 150 canons et de plus de 500 membres d’équipage : la frĂ©gate HĂ©rcules, sous les ordres du commandant William Brown, le brigantin SantĂ­sima Trinidad, sous les ordres du capitaine Michael Brown, la corvette HalcĂłn, commandĂ©e par Hippolyte de Bouchard, sur laquelle voyageait Ă©galement le capitaine chilien RamĂłn Freire, et enfin la goĂ©lette ConstituciĂłn, placĂ©e sous les ordres de l'Écossais Oliver Russell, et dont l’équipage se composait de Chiliens.

Ils appareillĂšrent en octobre et se portĂšrent vers le cap Horn, affrontant une violente tempĂȘte, dans laquelle l’embarcation de Russell fit naufrage. Vers les derniers jours de l’annĂ©e, ils arrivĂšrent Ă  l’üle Mocha, sur les cĂŽtes de la l’Araucanie, oĂč ils s’efforcĂšrent de se rĂ©organiser. Le gouvernement royaliste chilien rĂ©agit en interdisant toute sortie de navires de ses ports[188].

En , ils bloquĂšrent le port de Callao, s’emparant de neuf navires qui s’y dirigeaient, et qui l'on joignit ensuite Ă  l’expĂ©dition[189].

En fĂ©vrier, ils bloquĂšrent le fleuve Guayas et occupĂšrent l’üle PunĂĄ, dans le golfe de Guayaquil, dans l’actuel Équateur. Brown lança, au dĂ©part de cette position, une attaque contre Guayaquil, mais fut battu et fait prisonnier. AprĂšs un chassĂ©-croisĂ© de menaces entre le gouverneur de Guayaquil et Bouchard, ce dernier obtint un accord d’échange de prisonniers grĂące auquel tous les captifs purent ĂȘtre libĂ©rĂ©s.

L’expĂ©dition, aprĂšs s’ĂȘtre dirigĂ©e ensuite vers les Ăźles Galapagos, se sĂ©para : Bouchard, Ă  la tĂȘte d’une frĂ©gate qui fut rebaptisĂ©e La Argentina, arriva Ă  Buenos Aires en juin. Brown se transporta Ă  la baie de San Buenaventura (dans l’actuelle Colombie), d’oĂč il se proposait de se mettre en contact avec les autoritĂ©s rĂ©volutionnaires de Bogota ; cependant, cette ville Ă©tait tombĂ©e entre-temps aux mains des royalistes[190]. AprĂšs avoir perdu le HalcĂłn dans un naufrage, Brown retourna dans l’ocĂ©an Atlantique, esquivant une escadre portugaise qui se dirigeait sur Montevideo, et continuant son voyage vers le nord. Il finit par jeter l’ancre dans les Barbades, oĂč les autoritĂ©s britanniques l’accusĂšrent de piraterie et confisquĂšrent le navire et sa cargaison. Il retourna Ă  Buenos Aires Ă  la mi-1818[191].

L’armĂ©e des Andes et la campagne au Chili

En , San MartĂ­n commença Ă  lever des troupes chez les dĂ©sƓuvrĂ©s et les volontaires dans les provinces de Mendoza et San Juan. Le mois suivant vinrent s’incorporer dans ses effectifs deux escadrons de grenadiers Ă  cheval qui avaient participĂ© Ă  la guerre civile dans la bande Orientale, auxquels se joignirent des gauchos de la province de San Luis. En , San MartĂ­n informa le gouvernement qu’il disposait Ă  prĂ©sent de 3887 hommes de troupe, y compris quelque 700 esclaves affranchis[192].

San Martín chargea le frùre Luis Beltrán, qui avait sous ses ordres quelque 700 hommes, de la fabrication de poudre à canon, d’armements, de munitions et d’uniformes[193].

San MartĂ­n dĂ©pĂȘcha au Chili, sous couvert de porter un message, JosĂ© Antonio Álvarez Condarco, directeur de la manufacture de poudre, qui utilisa ce voyage pour dresser des cartes trĂšs dĂ©taillĂ©es des cols des Andes[194].

Le , le Directeur suprĂȘme PueyrredĂłn dĂ©crĂ©ta que cette force armĂ©e fĂ»t dĂ©nommĂ©e armĂ©e des Andes, et dĂ©signa comme son gĂ©nĂ©ral en chef San MartĂ­n, que par ailleurs le congrĂšs de TucumĂĄn Ă©leva au grade de capitaine-gĂ©nĂ©ral, avec tous pouvoirs politiques et militaires utiles. San MartĂ­n dĂ©lĂ©gua la direction politique de Cuyo au colonel Toribio de Luzuriaga et s'Ă©tablit avec son ArmĂ©e dans le campement d'El Plumerillo, dans les environs de Mendoza, avec le brigadier Miguel Estanislao Soler comme chef d’état-major[173].

PueyrredĂłn fit parvenir Ă  la nouvelle armĂ©e toute l’aide qu’il put, y compris des renforts militaires, de l’argent, des provisions, des armes, des uniformes et des munitions en grande quantitĂ©[160]. Toutefois, son obstination Ă  Ă©craser l’opposition des fĂ©dĂ©ralistes, en particulier dans la province de Santa Fe, ne lui permit pas d’envoyer davantage de troupes au front des Andes, ayant en effet besoin de ces troupes pour poursuivre la guerre civile[195].

Le capitaine-gĂ©nĂ©ral espagnol Casimiro MarcĂł del Pont connaissait les desseins de San MartĂ­n, lequel pour sa part Ă©tait bien conscient qu’il ne serait jamais en mesure de mettre sur pied pour la guerre au Chili une armĂ©e aussi nombreuse que celle de son ennemi. C’est pourquoi il dĂ©cida de diviser ses forces en deux, faisant croire tour Ă  tour qu’il allait envahir le Chili par le nord et par le sud.

San MartĂ­n s’efforça de rester en bons termes avec les caciques pehuenches du sud de la province de Mendoza, qui dominaient les cols andins. Il convoqua avec eux un grand parlement, leur sollicitant la permission de traverser leurs terres pour se rendre au Chili, ce qui fut approuvĂ© par lesdits caciques. L’un des chefs indigĂšnes fit parvenir au Chili la nouvelle de cette demande de permission, nouvelle qui parut, pour MarcĂł del Pont, confirmer sa croyance que l’attaque attendue se produirait par le sud. Les forces royalistes au Chili restĂšrent divisĂ©es jusqu’à peu de temps avant l’invasion de San MartĂ­n[179].

D’autre part, quelques activistes s’ingĂ©niaient Ă  maintenir en alerte continue l’armĂ©e royaliste sur tout le territoire chilien. Le plus illustre parmi ceux-ci Ă©tait un ancien officier du parti des Carrera, Manuel RodrĂ­guez, qui parcourait le centre et le sud du pays en attaquant les localitĂ©s, causant, dans les forces royalistes, des alarmes dispendieuses, et en lançant des libelles contre le gouvernement. Il agit en outre comme espion au service de San MartĂ­n, et de courrier entre celui-ci et les patriotes chiliens[196].

Cet ensemble de stratégies indirectes visant à se créer une position avantageuse avant la bataille décisive a été appelé guerre de Sape (Guerra de Zapa)[173].

Traversée des Andes

L’infanterie de l’armĂ©e des Andes Ă©tait composĂ©e de 2334 hommes, appartenant aux bataillons suivants : le no 8, sous le commandement de Ambrosio CrĂĄmer ; le no 11, sous le commandement de Juan Gregorio de las Heras ; et le no 7, sous le commandement de Pedro Conde. La cavalerie Ă©tait formĂ©e par le rĂ©giment de Grenadiers Ă  cheval, commandĂ© par JosĂ© MatĂ­as Zapiola, et par le bataillon no 1 de Chasseurs, sous les ordres de Rudecindo Alvarado, et totalisait 1 395 hommes. Au service de l’artillerie Ă©tait affectĂ© un rĂ©giment de 258 hommes, avec Ă  leur tĂȘte Pedro Regalado de la Plaza.

Le , l’armĂ©e des Andes, qui comprenait 5 350 hommes ― 14 commandants en premier, 195 officiers et 3 778 soldats, parmi lesquels plusieurs centaines Ă©taient d’origine chilienne ― se mit en marche au dĂ©part du Campamento del Plumerillo. Les renforçaient en outre en tant qu’auxiliaires quelque 1 200 miliciens de cavalerie des provinces de La Rioja, de Mendoza, de San Juan, et du Chili, et 120 piqueurs (barreteros)[197].

Les troupes ne combattraient pas sous le drapeau argentin, mais sous celui de l’armĂ©e des Andes, lequel comportait un blason argentin sur fond bleu et blanc[198].

L’armĂ©e Ă©tait divisĂ©e en six colonnes, qui devaient passer par six cols diffĂ©rents. Deux de ces colonnes rĂ©unissaient la majeure partie de l’armĂ©e, les quatre autres, beaucoup plus petites, ayant pour but de leurrer MarcĂł del Pont sur le lieu vĂ©ritable par oĂč le gros de l’armĂ©e traverserait la cordillĂšre[199].

Réplique de la banniÚre de l'armée des Andes. L'original fut conçu et réalisé par Remedios Escalada, épouse de San Martín.
  • Par le col de Come-Caballos, dans la province de La Rioja, s’avancĂšrent 130 soldats sous les ordres de Francisco Zelada et de NicolĂĄs DĂĄvila, accompagnĂ©s de 200 miliciens. Leur mission Ă©tait d'occuper la province de Coquimbo, en particulier la ville de CopiapĂł, au nom de l’État du Chili, ce pourquoi les Ă©migrĂ©s chiliens qui les accompagnaient arboraient le drapeau du Chili. Ces troupes n’eurent pas Ă  combattre pour atteindre leur objectif.
  • Par le col de Guana, dans la province de San Juan, s’engagĂšrent 200 hommes, placĂ©s sous le commandement du lieutenant-colonel Juan Manuel Cabot[200], pour s’emparer de la ville chilienne de La Serena et du port de Coquimbo, en passant par Talacasto, Pismanta et le col de Agua Negra. Le , ils surprirent une garde royaliste, et quelques jours aprĂšs prirent position entre Coquimbo et Santiago. Les autoritĂ©s de La Serena, escortĂ©es par une garnison d’une centaine d’hommes, se retirĂšrent sur le fleuve LimarĂ­, sur les rives duquel ils furent rattrapĂ©s par les forces patriotes, ce qui donna lieu Ă  deux petits combats, Ă  Barraza et Ă  Salala. Cabot prit possession d'Illapel, de La Serena et de Coquimbo le .
  • Par le col del Portillo s’engagĂšrent 55 hommes sous les ordres du capitaine JosĂ© LeĂłn Lemos, dans un but de pure diversion[201]. Bien que ne rĂ©ussissant pas Ă  capturer le dĂ©tachement royaliste qui avait remarquĂ© leur prĂ©sence Ă  San Gabriel, ils purent mener Ă  bien leur mission et s’incorporĂšrent ensuite Ă  la force principale.
  • Par le col du PlanchĂłn franchirent les Andes une centaine d’hommes de l’armĂ©e – 80 fantassins Ă  cheval et 20 cavaliers avec 3 officiers – ainsi qu’un groupe d'Ă©migrĂ©s chiliens volontaires, sous le commandement du lieutenant-colonel RamĂłn Freire[202]. Tout en s’attachant Ă  convaincre les royalistes qu’eux-mĂȘmes constituaient l'avant-garde du gros de l’armĂ©e d’invasion, ils obtinrent une victoire prĂšs de Talca. Quoique n’ayant Ă©tĂ© en mesure de poursuivre les vaincus en raison du mauvais Ă©tat des chevaux de l’expĂ©dition, Freire parvint nĂ©anmoins Ă  capturer prĂšs de 2000 hommes. MarcĂł del Pont envoya Ă  sa rencontre un millier de soldats, qui ne purent plus ensuite retourner Ă  temps Ă  Santiago lorsque l’on sut que l’avancĂ©e du gros de l’armĂ©e se produisait au nord de Santiago.
  • Le , 3 200 hommes se mirent en mouvement par le col de Los Patos. De cette force faisaient partie les divisions de Soler, d’OÂŽHiggins et de San MartĂ­n. Les avant-gardes obtinrent une petite victoire dans la bataille de Achupallas[203], et une autre peu aprĂšs dans la bataille de Las Coimas. Le , ils entraient dans San Felipe. Le neuviĂšme jour fut reconstruit le pont sur le fleuve Aconcagua, et le commandant MeliĂĄn fit mouvement vers l’ouest avec un escadron de grenadiers.
  • Le signal de la traversĂ©e par le col d'Uspallata fut donnĂ© le . Sur ce trajet s’engagĂšrent 800 hommes aux ordres du gĂ©nĂ©ral Las Heras[n. 11] - [204], ainsi que le major Enrique MartĂ­nez, avec la quasi-totalitĂ© de l’artillerie et de l’équipement, dirigĂ©s par Fray Luis BeltrĂĄn. AprĂšs que, dans un premier temps, eurent Ă©tĂ© battues leurs avant-gardes dans les batailles de Picheuta et de Potrerillos, ils vainquirent la troupe avancĂ©e royaliste lors de la bataille de Guardia Vieja[205]. Ils arrivĂšrent dans la ville de Los Andes le , aprĂšs une halte de deux jours ordonnĂ©e par San MartĂ­n.

Le , les deux colonnes se rejoignirent dans le campement de CurimĂłn, prĂšs de la localitĂ© de Los Andes. Au dĂ©part de ce lieu, ils dĂ©pĂȘchĂšrent des dĂ©tachements d’éclaireurs, lesquels confirmĂšrent que les royalistes les attendaient dans la province de Chacabuco[206].

Chacabuco

La bataille de Chacabuco, d’aprùs un tableau de Pedro Subercaseaux.

En raison de la dispersion de ses forces, MarcĂł del Pont eut grand peine Ă  rĂ©unir une corps de bataille ; celle qu’il parvint finalement Ă  constituer comptera 1500 hommes, placĂ©s au dernier moment sous le commandement de Rafael Maroto.

La bataille de Chacabuco se dĂ©clencha dans la matinĂ©e du . Le plan d’attaque de San MartĂ­n, consistant en deux assauts simultanĂ©s depuis l’ouest et le nord, fut modifiĂ© par O'Higgins, qui, jugeant imminente une avancĂ©e de Maroto, attaqua de front, Ă  11h.45, avant l’arrivĂ©e de la colonne emmenĂ©e par Soler. L’offensive fut endiguĂ©e par une dĂ©fense royaliste efficace, en mĂȘme temps que par le profond lit d’un ruisseau. O'Higgins et Cramer lancĂšrent, avec la troupe de rĂ©serve, une nouvelle attaque ; au bout d’environ deux heures de combat, un peloton de cavalerie dĂ©fonça la ligne royaliste entre l’extrĂȘme gauche du Talavera et la droite du gros du bataillon ChiloĂ©, mettant en dĂ©route les artilleurs. L’infanterie, dĂ©jĂ  presque victorieuse, accourut au secours de la cavalerie ; vers 13h.30 arriva une avant-garde de la division de Soler, provoquant la dĂ©route totale des troupes royalistes et dĂ©terminant une Ă©crasante victoire patriote[207] - [208]. Les pertes que subirent les royalistes s’élevaient Ă  600 morts et 500 prisonniers, en plus de la totalitĂ© de l’artillerie ; les patriotes de leur cĂŽtĂ© eurent 130 morts et 180 blessĂ©s[209].

Peu aprĂšs la fin de la bataille, San MartĂ­n adressa au Directeur suprĂȘme du RĂ­o de la Plata son compte rendu officiel, dont le passage le plus cĂ©lĂšbre portait :

« En vingt-quatre jours, nous avons fait la campagne ; nous avons traversé la cordillÚre la plus élevée du globe, en avons fini avec les tyrans et donné la liberté au Chili[210]. »

Le , l’armĂ©e des Andes entra dans Santiago. O'Higgins fut nommĂ© par le Cabildo Directeur suprĂȘme de l’État du Chili, et San MartĂ­n commandant de l’armĂ©e Unie LibĂ©ratrice du Chili (EjĂ©rcito Unido Libertador de Chili[211]), agroupement militaire constituĂ© des unitĂ©s de l’armĂ©e des Andes et des formations chiliennes qui s’étaient incorporĂ©es dans elles. Bernardo de Monteagudo fut dĂ©signĂ© auditeur de l’armĂ©e.

Ainsi commença la pĂ©riode de l’histoire du Chili connue sous le nom de Patria Nueva ('Nouvelle Patrie').

Peu de jours aprĂšs son entrĂ©e en fonction comme Directeur suprĂȘme, O'Higgins envoya le brigantin Águila, capturĂ©e dans le port de ValparaĂ­so, dĂ©livrer les patriotes bannis dans l’archipel Juan FernĂĄndez.

Le nouveau Directeur organisa une armĂ©e pour affronter les forces royalistes encore actives dans la rĂ©gion du rĂ­o Itata[212]. BientĂŽt, l’armĂ©e Unie entama une marche rapide vers le sud du Chili.

GĂŒemes et la Guerra gaucha

Le gĂ©nĂ©ral JosĂ© de la Serna dirigea deux invasions de Salta avant d’ĂȘtre nommĂ© vice-roi du PĂ©rou.

La dĂ©fense de la province de Salta Ă©tait laissĂ©e aux soins du gouverneur GĂŒemes, tandis que l’armĂ©e de Rondeau se retirait sur TucumĂĄn. Celui-ci reçut alors la nouvelle de ce qu’il avait Ă©tĂ© Ă©vincĂ© du poste de Directeur de l’État, et se chargea de la protection du congrĂšs de TucumĂĄn nouvellement convoquĂ©. AprĂšs la dĂ©claration d’indĂ©pendance de l’Argentine, il fut remplacĂ© comme commandant de l’armĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Belgrano, qui, pas davantage que Rondeau, ne put jamais lancer la moindre offensive en direction du nord. Au contraire, son armĂ©e se vit rĂ©duite par le transfert de nombre de troupes et d’officiers vers l’armĂ©e des Andes.

L’armĂ©e royaliste parvint de son cĂŽtĂ© Ă  avancer jusqu’à la ville de Jujuy, mais la rĂ©sistance des rĂ©publiquettes la contraignit Ă  se replier.

En , Ă  la suite de la nomination de Pezuela comme vice-roi du PĂ©rou, le commandement passa au gĂ©nĂ©ral JosĂ© de la Serna, qui incorpora dans son armĂ©e de nombreux effectifs d'hommes de troupes et d’officiers ayant auparavant combattu dans la guerre d’indĂ©pendance espagnole contre Bonaparte. Le nouveau commandant en chef s’attela Ă  tracer un plan complet d’invasion des Provinces unies, au dĂ©part du nord et du Chili.

Fin octobre, De la Serna se mit en mouvement en direction de la province de Salta Ă  la tĂȘte de 5500 hommes, et quelques jours plus tard captura le marquis de Yavi[213]. Il pĂ©nĂ©tra dans Jujuy le , mais son armĂ©e ne rĂ©ussit pas Ă  Ă©tendre sa domination sur l’intĂ©rieur de la province, et les gauchos le forçaient Ă  se cloĂźtrer dans la ville. Peu aprĂšs, le commandant Manuel Arias dĂ©fit les royalistes dans la bataille de Humahuaca, coupant ainsi la voie d’approvisionnement de l’armĂ©e d’invasion.

Il fallut ensuite Ă  l’armĂ©e royaliste plusieurs semaines pour rĂ©tablir ses communications avec le Haut-PĂ©rou, par oĂč elle venait Ă  peine d’arriver Ă  Salta le . EnfermĂ© dans la ville et manquant de vivres, De la Serna envoya une forte expĂ©dition pour se procurer bĂ©tail et chevaux dans la vallĂ©e de Lerma ; cependant, ce corps expĂ©ditionnaire fut attaquĂ© sans discontinuer pendant plusieurs jours par des troupes de GĂŒemes, et quasiment dĂ©truit lors de la bataille du Bañado[32] - [214].

Contre-offensive de Lamadrid

Gregorio Aråoz de Lamadrid. Il sera élevé au grade de général plusieurs années plus tard.

Bien qu’il fĂ»t apparent que les forces indĂ©pendantistes Ă©taient impuissantes Ă  entreprendre une nouvelle campagne dans le Haut-PĂ©rou, Belgrano rĂ©solut nĂ©anmoins de venir en aide aux hommes de GĂŒemes. Il envoya depuis TucumĂĄn une troupe de 350 hommes et deux piĂšces d’artillerie, placĂ©e sous les ordres du lieutenant-colonel Lamadrid, avec l’objectif de couper, dans la zone du marquis de Yavi, les communications entre De la Serna et le Haut-PĂ©rou. En arrivant dans ladite zone, Lamadrid apprit que des forces montoneras Ă©taient actives Ă  l’entour de Tarija, et comme les mules de charge et les chevaux nĂ©cessaires pour pĂ©nĂ©trer plus avant en direction d’Oruro Ă  travers le dĂ©sert d’Atacama ne lui avaient pas Ă©tĂ© envoyĂ©s, il se dĂ©tourna, et se dirigeant vers Tarija, remporta la victoire dans la bataille de la Tablada de Tolomosa, Ă  la suite de laquelle le commandant royaliste Mateo RamĂ­rez fut contraint Ă  la reddition.

GalvanisĂ© par cette victoire inespĂ©rĂ©e, Lamadrid continua, au mĂ©pris des consignes reçues, son chemin vers le nord ; aprĂšs avoir fait prisonnier un escadron royaliste, il fit la tĂ©mĂ©raire tentative de s’emparer par surprise de la ville de Chuquisaca. Il fut cependant battu et commença alors de se replier vers le sud. AprĂšs avoir rĂ©uni Ă  ses forces quelques troupes de guerrilleros, il fut vaincu une nouvelle fois dans la bataille de Sopachuy, et revint Ă  TucumĂĄn fin juillet[215].

Cette campagne n’eut donc pas le rĂ©sultat escomptĂ©. En contrepartie, ayant Ă©chouĂ© Ă  consolider ses positions, et prenant en compte les renseignements de plus en plus pressants qui lui parvenaient sur le triomphe de San MartĂ­n au Chili, De la Serna dĂ©cida d’abandonner Salta et Jujuy au mois de mai pour se retirer Ă  Tupiza[27].

Nouvelles invasions de Jujuy et Salta

En , le colonel royaliste Olañeta lança une nouvelle offensive avec une troupe de 1000 hommes. Il força le colonel Arias à évacuer Humahuaca, mais échoua ensuite dans plusieurs affrontements mineurs et ne réussit pas à aller au-delà de Tilcara. Il se retira sur Yavi dans les premiers jours de .

Une cinquiĂšme invasion fut entreprise par le mĂȘme Olañeta et le colonel JerĂłnimo ValdĂ©s avec 2400 hommes. Le , ils occupĂšrent Jujuy, mais durent l’évacuer deux jours plus tard et se replier sur Yavi.

DĂ©but 1819, De la Serna dĂ©missionna et se rendit Ă  Cochabamba, laissant le commandement au colonel JosĂ© Canterac. AprĂšs avoir pacifiĂ© Tarija et Cinti, le commandant nouvellement nommĂ© dĂ©clencha une nouvelle offensive Ă  l’aide de trois colonnes, qui avancĂšrent par Humahuaca, OrĂĄn et la Puna. Le , elles s’emparĂšrent de San Salvador de Jujuy, mais durent l’évacuer Ă  nouveau aprĂšs seulement trois heures et se retirer Ă  Yala, Ă©tant donnĂ© le risque de se retrouver isolĂ©s. Ensuite, les troupes retournĂšrent Ă  Tupiza[216].

Fin de la campagne du Chili

Le général Mariano Osorio.

Alors qu’il marchait sur ConcepciĂłn, Las Heras fut attaquĂ© le prĂšs de la ville de CurapaligĂŒe par une troupe royaliste envoyĂ©e de cette ville par le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Ordóñez. La victoire patriote cependant obligea les royalistes Ă  se retirer[167].

Dans un premier temps, il fut envisagĂ© de mettre le siĂšge devant les villes de ConcepciĂłn et de Talcahuano, mais Las Heras, conscient de son infĂ©rioritĂ© numĂ©rique face aux royalistes commandĂ©s par Ordóñez, sollicita d’abord des renforts Ă  O'Higgins, lequel vint lui prĂȘter main-forte Ă  la mi-avril, Ă  la tĂȘte de 800 hommes.

Le , les troupes d’O'Higgins et de Las Heras furent attaquĂ©es par le mĂȘme Ordóñez dans la bataille du Cerro GavilĂĄn. Les attaquants furent dĂ©faits et se virent par la suite contraints d’évacuer la ville de ConcepciĂłn, pour aller se cantonner dans le port fortifiĂ© de Talcahuano[167].

AprĂšs que les royalistes eurent Ă©tĂ© assiĂ©gĂ©s pendant plusieurs mois, O'Higgins voulut prendre d’assaut la ville de Talcahuano. L’opĂ©ration, organisĂ©e et dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral français Michel Silvestre Brayer, Ă©choua totalement, se soldant par de lourdes pertes chez les assaillants[217].

Le vice-roi Pezuela dĂ©pĂȘcha 2500 hommes Ă  Talcahuano, sous le commandement de Mariano Osorio, vainqueur de la dĂ©sastreuse bataille de Rancagua. ArrivĂ© Ă  destination, il unit ses forces Ă  celles d’Ordóñez, qui avait rĂ©sistĂ© prĂšs de neuf mois aux attaques des indĂ©pendantistes. San MartĂ­n alors sollicita O'Higgins de rĂ©unir ses forces aux siennes sur le fleuve Maule, tandis que la population civile de ConcepciĂłn abandonnait la ville.

O'Higgins leva le siĂšge et se retira Ă  Talca, oĂč il approuva la DĂ©claration d'indĂ©pendance du Chili, datĂ©e du , un an exactement aprĂšs la bataille de Chacabuco[218].

Peu aprĂšs que la jonction eut Ă©tĂ© accomplie entre les divisions de l’armĂ©e patriote, le gĂ©nĂ©ral Ordóñez persuada Osorio d’attaquer par surprise le campement patriote dans la nuit du . La bataille de Cancha Rayada fut une victoire des royalistes, qui parvinrent Ă  disperser complĂštement les forces patriotes.

Lorsque la nouvelle de la dĂ©faite atteignit Santiago, la dĂ©moralisation fut gĂ©nĂ©rale et l’on alla jusqu’à y voir une rĂ©Ă©dition de la dĂ©faite de Rancagua[22]. À ce moment apparut Ă  Santiago le colonel Manuel RodrĂ­guez, qui assuma le gouvernement Ă  titre temporaire. O'Higgins, blessĂ© Ă  Cancha Rayada, revint peu aprĂšs au pouvoir[219].

BientĂŽt, l’on sut que le dĂ©sastre n’avait pas Ă©tĂ© total : les pertes royalistes avaient Ă©tĂ© plus importantes que celles des patriotes, et une bonne partie des troupes de l’armĂ©e Unie, en particulier quelque 3000 hommes emmenĂ©s par Las Heras, avaient rĂ©ussi Ă  se retirer dans l’ordre. Avec l’aide de BeltrĂĄn, San MartĂ­n rĂ©Ă©quipa et rĂ©organisa l’armĂ©e. Quinze jours Ă  peine plus tard, elle se trouvait Ă  nouveau en Ă©tat de livrer bataille[220].

MaipĂș

La bataille de MaipĂș.

Le , dans les plaines de MaipĂș, Ă  une dizaine de km au sud de Santiago, se firent face 5300 royalistes, dotĂ©s de 12 piĂšces d’artillerie, et 4900 patriotes, dotĂ©s de 21 piĂšces d’artillerie[221]. San MartĂ­n fit prendre position Ă  son armĂ©e dans un lieu surĂ©levĂ©, Ă  l’affĂ»t de l’attaque espagnole.

Le feu de l’artillerie patriote de Manuel Blanco Encalada sonna le dĂ©clenchement de la bataille et fut suivi de la charge gĂ©nĂ©rale des troupes de San MartĂ­n. Les Espagnols paraissaient triompher, lorsque San MartĂ­n lança ses forces de rĂ©serve dans une direction oblique, ce qui eut pour effet de renverser la situation. Les Grenadiers Ă  cheval appuyaient Las Heras, occupĂ© Ă  nettoyer la position royaliste.

AprĂšs la fuite d’Osorio, un restant de l’armĂ©e royaliste, dirigĂ© par Ordóñez, chercha refuge dans la propriĂ©tĂ© de Lo Espejo, jusqu’oĂč le gĂ©nĂ©ral Las Heras s’acharna Ă  les pourchasser, appuyĂ© en cela par quelque 1000 hommes qu'O'Higgins, bien que blessĂ©, venait d’amener depuis Santiago. L’artillerie patriote acheva le massacre des royalistes, jusqu’à ce qu'Ordóñez consentĂźt finalement Ă  se rendre.

La bataille Ă  peine terminĂ©e, San MartĂ­n et O'Higgins se rencontrĂšrent et se donnĂšrent l’accolade, Ă©pisode connu sous le nom de Abrazo de MaipĂș. Dans l’armĂ©e royaliste, 2000 hommes avaient Ă©tĂ© tuĂ©s et 2463 faits prisonniers, contre 1000 pertes patriotes, morts ou blessĂ©s[221]. Cette bataille fut la plus sanglante des guerres d’indĂ©pendance de l’Argentine et du Chili.

Campagne dans le sud du Chili

MalgrĂ© la sĂ©vĂšre dĂ©faite subie, les royalistes parvinrent Ă  regrouper quelques troupes de leur armĂ©e, dirigĂ©es dans un premier temps par Osorio, et Ă  les disposer le long de la riviĂšre Ñuble, sans que d'abord San MartĂ­n songeĂąt Ă  les disperser. Ce n’est qu'Ă  la mi-mai qu’il envoya contre elles une partie des Grenadiers, commandĂ©s par Zapiola, qui obtinrent certes quelques victoires mineures, mais Ă©chouĂšrent Ă  se rendre maĂźtres de ChillĂĄn[222].

En , une expĂ©dition de onze vaisseaux de transport et un de guerre appareilla de Cadix, transportant Ă  destination du Chili un peu plus de 2000 soldats. Leur dĂ©part dĂ©jĂ  venait tard, vu qu'Osorio ne disposait plus guĂšre que d’un millier d’hommes. La trahison des marins et soldats d’un des navires — le navire de transport Trinidad, qui s’en alla jeter l’ancre Ă  Buenos Aires — permit aux autoritĂ©s de connaĂźtre les dĂ©tails de l’expĂ©dition, y compris le systĂšme de signaux de la flotte et le lieu et la date oĂč ils se proposaient de se rassembler une fois entrĂ©s dans l'ocĂ©an Pacifique. Ces informations furent envoyĂ©es au Chili en mĂȘme temps que deux vaisseaux de guerre, et toute l’escadre espagnole fut capturĂ©e sur l’üle Mocha, dans le sud du Chili[223].

Les demandes d’aide lancĂ©es par Osorio Ă  Pezuela ne furent pas entendues, et en aoĂ»t les forces de ligne furent embarquĂ©es en direction du PĂ©rou. Une fraction importante de l’armĂ©e royaliste fut dĂ©truite lors de la bataille du BĂ­o BĂ­o en [224]. La dĂ©fense de la cause du roi au Chili incomberait dorĂ©navant aux seules troupes irrĂ©guliĂšres d’origine chilienne, lesquelles allaient dans les mois suivants poursuivre contre les forces chiliennes patriotes une guerre d’escarmouches, qui sera plus tard appelĂ© la guerre Ă  Mort (en esp. Guerra a Muerte)[225]. Les troupes argentines ne prirent aucune part Ă  ces affrontements, tout occupĂ©es qu’elles Ă©taient Ă  se concentrer dans le nord du pays ou Ă  s’en retourner dans les Provinces unies pour prĂ©parer la campagne de libĂ©ration du PĂ©rou.

Guerre d’indĂ©pendance en l’absence de gouvernement central

Durant toute la pĂ©riode Ă©voquĂ©e ci-haut, l’armĂ©e du Nord Ă©tait demeurĂ©e inactive Ă  TucumĂĄn, mise Ă  part la campagne malheureuse de Lamadrid et l’incorporation de petits groupes dans les troupes gauchos de GĂŒemes. En revanche, elle avait Ă©tĂ© de façon rĂ©pĂ©tĂ©e mise Ă  contribution pour lutter contre les fĂ©dĂ©ralistes des provinces de CĂłrdoba et de Santa Fe. Fin 1819, l’armĂ©e du Nord dut, sur ordre du Directeur suprĂȘme Rondeau, faire route en direction de cette derniĂšre province, mais une rĂ©bellion, la mutinerie dite d’Arequito, empĂȘcha qu’elle fĂ»t employĂ©e une fois encore dans la guerre civile. Ce nonobstant, les combattants de cette armĂ©e se dispersĂšrent dans leurs provinces d’origine respectives et ne devaient plus prendre part Ă  la guerre d’indĂ©pendance[226].

Rondeau avait donnĂ© ordre aussi Ă  San MartĂ­n de conduire l’armĂ©e des Andes vers la zone du Litoral, mais le libertador du Chili s’y refusa, et ordonna au contraire Ă  ses troupes de repasser la cordillĂšre et de se prĂ©parer Ă  la conquĂȘte du PĂ©rou. Cependant, il ne rĂ©ussit pas Ă  transfĂ©rer l’ensemble de ces forces au Chili, attendu que quelques-unes parmi elles se soulevĂšrent et prirent part ultĂ©rieurement aux guerres civiles dans l’ouest et le nord des Provinces unies[227].

La rĂ©bellion de l’armĂ©e du Nord ne laissa plus guĂšre au Directeur Rondeau, pour affronter les caudillos fĂ©dĂ©ralistes, qu’une petite armĂ©e, qui fut battue par ceux-ci dans la bataille de Cepeda, en . Cet Ă©vĂ©nement dĂ©termina la dissolution du CongrĂšs et la disparition de toute autoritĂ© nationale en , chaque province se gouvernant dĂ©sormais elle-mĂȘme.

Tout l’effort de guerre reposait sur les armĂ©es en campagne, soutenues par le gouvernement de la province de Salta – en ce qui concerne le front nord – ou par celui de la rĂ©publique du Chili – pour ce qui est de la campagne du PĂ©rou. Aucune contribution ne vint dorĂ©navant des autres gouvernements de province. La province de Buenos Aires Ă©tait la seule qui eĂ»t pu apporter un concours Ă©conomique, attendu en effet qu’elle monopolisait la principale source de recettes publiques, la Douane. Cependant, le gouvernement portĂšgne, dirigĂ© par les ministres Bernardino Rivadavia, celui-lĂ  mĂȘme qui avait, en tant que secrĂ©taire du premier triumvirat, menĂ© une politique militaire de repli, et Manuel JosĂ© GarcĂ­a, qui avait adressĂ© Ă  la Grande-Bretagne une demande de protectorat, se dĂ©sintĂ©ressait totalement de la guerre, allant mĂȘme jusqu’à l’extrĂ©mitĂ© de repousser une demande d’aide de la part de San MartĂ­n avec l’argument qu’il « serait utile au pays que les Espagnols restent au PĂ©rou »[228]. Le gouvernement portĂšgne par ailleurs signa en 1823 avec le gouvernement espagnol du Triennat libĂ©ral une Convention prĂ©liminaire de Paix — gouvernement espagnol qui du reste sera rĂ©pudiĂ© l’annĂ©e suivante par le roi Ferdinand VII remontĂ© sur le trĂŽne[229].

L’anarchie dans laquelle se dĂ©battaient les Provinces unies offraient des conditions favorables pour l’expĂ©dition projetĂ©e qui aurait dĂ», avec beaucoup de retard, appareiller pour le RĂ­o de la Plata dĂ©but 1820. Mais l’action menĂ©e par une filiale de la Loge lautarienne parmi les officiers de cette expĂ©dition, et le mĂ©contentement de nombre d’entre eux — qui avaient fait partie du corps d’officiers de la guerre d’indĂ©pendance d’Espagne — vis-Ă -vis de la politique absolutiste du roi, conduisirent Ă  un soulĂšvement de ces troupes en [230] - [231].

Les gouvernements du Triennat libĂ©ral en Espagne se montrĂšrent peu actifs dans leur dessein de restaurer l’empire colonial espagnol, et la dĂ©fense de celui-ci resta donc Ă  la charge de ses vice-rois. D’autre part, les autoritĂ©s royalistes dans l’Empire se virent trĂšs affaiblies par les affrontements, Ă  l’intĂ©rieur de leur propre camp, entre libĂ©raux et absolutistes, ce qui dans quelques cas dĂ©boucha sur des insurrections et l’instauration de pouvoirs indĂ©pendants. Le cas le plus typique, et le plus important sur le plan stratĂ©gique, fut l’indĂ©pendance du Mexique, menĂ© Ă  terme par le gĂ©nĂ©ral royaliste AgustĂ­n de Iturbide.

Lorsque fin 1823 se produisit la deuxiĂšme restauration absolutiste en Espagne, il Ă©tait dĂ©jĂ  trop tard pour entreprendre de nouveaux efforts de reconquĂȘte. À supposer que le roi l’eĂ»t encore tentĂ©e, il n’eĂ»t pas trouvĂ© de port sĂ»r oĂč faire dĂ©barquer ses troupes[232].

Phase finale de la Guerra Gaucha

Le , RamĂ­rez Orozco, qui en fĂ©vrier avait remplacĂ© Canterac comme commandant des forces espagnoles dans le Haut-PĂ©rou, quitta Tupiza Ă  la tĂȘte d’une armĂ©e de 4000 hommes : il s’empara de Jujuy le et de la ville de Salta le 31 du mĂȘme mois, poussant jusqu’à la riviĂšre Pasaje. Il obtint quelques petits triomphes, mais plusieurs victoires des gauchos, y compris la capture du colonel Antonio Vigil, contraignirent les envahisseurs Ă  se claquemurer dans les villes.

Alors qu’ils se trouvaient Ă  Salta, les chefs militaires royalistes eurent connaissance du soulĂšvement militaire du premier janvier de la mĂȘme annĂ©e en Espagne, Ă  la suite duquel fut proclamĂ©e la restauration de la Constitution libĂ©rale de Cadix de 1812. Ils apprirent en mĂȘme temps que partirait au milieu de l’annĂ©e, au dĂ©part du Chili, l’expĂ©dition libĂ©ratrice du PĂ©rou. Anticipant les Ă©vĂ©nements du PĂ©rou, RamĂ­rez Orozco ordonna le repli sur Tupiza et y arriva vers la mi-juin.

En octobre, tandis que les prestations de serment Ă  la constitution libĂ©rale avaient lieu dans le Haut-PĂ©rou, l’on eut avis du dĂ©barquement, survenu le , de l’armĂ©e emmenĂ©e par San MartĂ­n sur la cĂŽtĂ© pĂ©ruvienne et de ce que le colonel Arenales avait pris position dans la sierra avec une division. AussitĂŽt, RamĂ­rez Orozco et Canterac se mirent en marche vers le PĂ©rou avec la majeure partie des forces disponibles. Olañeta, Ă  la tĂȘte de quelque 2000 hommes, demeura Ă  Tupiza[233].

San MartĂ­n avait nommĂ© GĂŒemes gĂ©nĂ©ral en chef de l’armĂ©e d’Observation. Ils avaient convenu que, pendant que l’invasion du PĂ©rou aurait lieu, le gouverneur de la province de Salta ferait en sorte que les troupes royalistes stationnĂ©es dans le Haut-PĂ©rou fussent constamment occupĂ©es et retenues trĂšs loin de Lima. GĂŒemes, en permanence informĂ© sur les mouvements de San MartĂ­n, dĂ©cida, lorsque celui-ci dĂ©barqua sur le littoral pĂ©ruvien, d’avancer vers le Haut-PĂ©rou.

De l’armĂ©e du Nord, il ne subsistait qu’une petite division commandĂ©e par le colonel Alejandro Heredia, lequel Ă©tait sous les ordres de GĂŒemes. Le gouverneur de la province de TucumĂĄn, BernabĂ© ArĂĄoz, avait gardĂ© quelques armements de cette armĂ©e, dont il faisait usage pour tenter d'amener la province de Santiago del Estero, dĂ©pendante jusqu’à ce moment de celle de TucumĂĄn, Ă  obĂ©ir Ă  son gouvernement. Cela incita GĂŒemes Ă  s’engager dans la guerre civile et Ă  envahir la province de TucumĂĄn[27].

Olañeta mit Ă  profit les conflits internes de Salta pour lancer Ă  la mi-avril une offensive contre la ville de Jujuy, offensive dirigĂ©e par Guillermo Marquiegui, son beau-frĂšre et originaire de cette ville. AprĂšs l’avoir occupĂ©e pendant trois jours, celui-ci se retira sur la ville de LeĂłn, oĂč il attendit l’arrivĂ©e d’Olañeta.

Voyant qu’Olañeta arriverait avant les renforts de GĂŒemes, qui se trouvait encore Ă  TucumĂĄn, les Jujeños mirent sur pied une troupe de 600 hommes placĂ©e sous le commandement du colonel JosĂ© Ignacio Gorriti, laquelle infligea une dĂ©faite totale Ă  Marquiegui dans la matinĂ©e du , jour appelĂ© depuis le Grand Jour de Jujuy (en esp. DĂ­a Grande de Jujuy). Olañeta tenta de se ressaisir, mais se retira vers le nord lorsque Gorriti menaça de faire fusiller les commandants et officiers prisonniers[234].

La haute sociĂ©tĂ© de Salta, lasse du gouvernement de GĂŒemes, autoritaire et onĂ©reux pour elle, dĂ©cida de se libĂ©rer du gouverneur. Profitant de la campagne militaire que le caudillo menait dans la province de TucumĂĄn, elle le dĂ©posa en son absence pour le remplacer par Apolinario Figueroa, et appela Olañeta Ă  son aide.

GĂŒemes cependant, retournĂ© Ă  Salta aprĂšs avoir Ă©tĂ© vaincu dans la province de TucumĂĄn, put recouvrer le pouvoir sans coup fĂ©rir, mais Olañeta lança de son cĂŽtĂ© l’offensive sollicitĂ©e contre Salta, envoyant par les sentiers dĂ©serts de la Puna le colonel JosĂ© MarĂ­a Valdez, qui s’empara de Salta le , par la surprise. L’une de ses troupes infligea Ă  GĂŒemes une blessure, qui, combinĂ©e Ă  l’hĂ©mophilie dont celui-ci Ă©tait atteint, provoqua sa mort onze jours plus tard[235].

Olañeta se rendit Ă  Salta, oĂč il nomma un gouverneur fidĂšle Ă  sa cause, mais se trouva ensuite encerclĂ© par les troupes du dĂ©cĂ©dĂ© GĂŒemes, emmenĂ©es par le colonel Jorge Enrique Vidt, nommĂ© commandant desdites troupes par le gouverneur lui-mĂȘme quelques heures avant sa mort. Contraint par les forces patriotes, il signa le un armistice avec le cabildo de Salta, pour se retirer ensuite vers le Haut-PĂ©rou[27].

La derniĂšre incursion royaliste sur le sol argentin fut menĂ©e en par Olañeta, qui poussa jusqu’à la localitĂ© de VolcĂĄn, Ă  une quarantaine de kilomĂštres au nord de Jujuy, puis, le , pour l’ultime fois, se retira du territoire argentin. Ses forces toutefois s’attardĂšrent encore, occupant quelques villages frontaliers, notamment Santa Victoria Oeste. L’on a recensĂ© en territoire salteño, jusqu’à cette date, 236 affrontements armĂ©s au total[236].

Campagne de San MartĂ­n au PĂ©rou

En , l’armĂ©e Unie prit ses quartiers Ă  Quillota (Chili), oĂč fut dispensĂ©e une formation militaire Ă  un total de 5000 hommes, effectif qui alla dĂ©croissant en raison de maladies et de dĂ©sertions.

À ce moment commençaient Ă  parvenir les ordres du Directoire tendant Ă  transfĂ©rer l’armĂ©e des Andes vers Buenos Aires afin d’y mener la lutte contre les fĂ©dĂ©ralistes. San MartĂ­n ne rĂ©pondit pas, et dĂ©clara dans une lettre Ă  O'Higgins :

« L’on va me charger d’une responsabilitĂ© terrible, mais si l’expĂ©dition au PĂ©rou n’est pas entreprise, tout ira au diable.
Lettre de San Martín à O'Higgins, 9 novembre 1819[237]. »

DĂ©jĂ , l’absence d’appui Ă©conomique de Buenos Aires avait retardĂ© de nombreux mois le dĂ©part de cette expĂ©dition. Sa dĂ©sobĂ©issance valut Ă  prĂ©sent Ă  San MartĂ­n de voir cesser toute aide Ă©conomique de la part de son gouvernement, de sorte que c’était dĂ©sormais le gouvernement chilien qui eut Ă  se charger de l’ensemble du financement, au moyen d'emprunts contractĂ©s auprĂšs du Royaume-Uni et des États-Unis[238].

Le gouvernement rioplatense dissous, l’armĂ©e des Andes se retrouva sans gouvernement auquel ressortir. San MartĂ­n prĂ©senta sa dĂ©mission dans une note aux commandants en chef de l’armĂ©e le . Les officiers rioplatenses se rĂ©unirent le dans la ville de Rancagua pour Ă©laborer un document dans lequel ils dĂ©claraient que

« (...) l’autoritĂ© que reçut monsieur le gĂ©nĂ©ral pour faire la guerre aux Espagnols et faire avancer le bonheur du pays n’est pas dĂ©chue ni ne peut dĂ©choir, car son origine, qui est le salut du peuple, est immuable (...) »

— Acta de Rancagua

Son autoritĂ© ainsi consacrĂ©e, San MartĂ­n put entreprendre avec l’armĂ©e des Andes, conjointement avec les forces chiliennes, son expĂ©dition au PĂ©rou[239].

Expéditions navales

Au retour de son expĂ©dition dans le Pacifique, Bouchard organisa une nouvelle expĂ©dition corsaire, en association avec le riche homme d’affaires Vicente Anastasio de EchevarrĂ­a, qui Ă©quipa la frĂ©gate La Argentina en la dotant de 34 piĂšces d’artillerie. La majeure partie de l’équipage Ă©tait d’origine Ă©trangĂšre, mĂȘme si le pilotin argentin TomĂĄs Espora sut s'y distinguer.

Au long de leur périple de deux ans, ils libérÚrent des esclaves à Madagascar, eurent à déplorer 40 morts des suites du scorbut[240], repoussÚrent une attaque de pirates malaisiens dans le détroit de Macassar, bloquÚrent pendant deux mois le port de Manille, capitale de la Capitainerie générale des Philippines, et capturÚrent plusieurs vaisseaux.

Ils trouvĂšrent Ă  HawaĂŻ la corvette corsaire Chacabuco, dont les membres d’équipage s’étaient emparĂ©s pour l’utiliser Ă  des fins de piraterie[241], et en capturĂšrent l’équipage pour le chĂątier. Lors des nĂ©gociations avec le roi Kamehameha Ier[242], qui s’achevĂšrent par la restitution du navire, le roi et le capitaine signĂšrent un accord auquel le capitaine n'accorda pas plus d’importance, mais dont un de ses marins allait dĂ©clarer qu’il fut « un traitĂ© d’union pour la paix, la guerre et le commerce », et qu’il impliquait de fait la reconnaissance de l’indĂ©pendance des Provinces unies par un État souverain[243]. La condamnation Ă  mort du meneur des pirates donna lieu Ă  un conflit avec le roi de l’üle de Kauai[244].

En Californie, ils attaquÚrent la ville de Monterrey. AprÚs avoir vaincu une molle résistance, ils se rendirent maßtres de la ville et, six jours durant, y firent flotter le drapeau argentin[245].

Ensuite, ils attaquĂšrent tour Ă  tour Santa Barbara, la baie SebastiĂĄn VizcaĂ­no, San Blas, Sonsonate au Salvador, et El Realejo au Nicaragua, ports dans lesquels ils mirent la main sur plusieurs vaisseaux espagnols. Une version tient que la prĂ©sence du navire de Bouchard arborant le drapeau argentin inspira le drapeau des Provinces unies d’AmĂ©rique centrale, et, par le biais de celui-ci, ceux des pays d’AmĂ©rique centrale actuels[246].

Expédition libératrice du Pérou

Le gouvernement chilien avait pour sa part fait de grands efforts pour Ă©quiper sa nouvelle escadre (25 vaisseaux), la pourvoyant de munitions et de vivres, et s’employant avec succĂšs Ă  trouver des marins, dont un millier de Chiliens dans le port de ValparaĂ­so et six centaines de marins Ă©trangers, en majoritĂ© anglais. Dans l'escadre chilienne, placĂ©e sous le commandement de Manuel Blanco Encalada, rĂ©gnait cependant l’indiscipline[247] - [248].

Thomas Cochrane, commandant de l’escadre chilienne.

Le colonel Álvarez Condarco, dĂ©pĂȘchĂ© Ă  Londres, engagea l’officier de marine Thomas Cochrane, pour diriger l’escadre chilienne en cours de formation. Celui-ci arriva au Chili en .

Selon l’état du , l’armĂ©e comptait 4642 hommes. Dans le corps des officiers, 40 % Ă©tait de nationalitĂ© argentine. Pour complĂ©ter le personnel de l’escadre, il fallut muter Ă  la marine un nombre de soldats de l’armĂ©e de terre et employer Ă  protĂ©ger le port de ValparaĂ­so quelque 170 artilleurs. L’armĂ©e en resta ainsi rĂ©duite Ă  4118 soldats et 296 officiers.

Le , alors que Cochrane s’occupait Ă  organiser l’escadre, l’escadrille de Bouchard accosta Ă  ValparaĂ­so au terme d’un pĂ©riple de 2 ans. À leur arrivĂ©e, Cochrane accusa Bouchard de piraterie et mit les officiers aux arrĂȘts ; un long procĂšs fut alors engagĂ©[n. 12], au cours duquel La Argentina fut dĂ©pouillĂ©e de sa cargaison et les deux navires capturĂ©s qui l’accompagnaient furent incorporĂ©s Ă  l’escadre chilienne.

En , cinq navires commandĂ©s par Cochrane appareillĂšrent de ValparaĂ­so et mirent le cap sur Callao. Ce port Ă©tait dĂ©fendu sur terre par 3000 hommes et un grand nombre de canons, et sur mer par cinq vaisseaux. Cochrane Ă©choua dans sa tentative d’attaque au moyen de fusĂ©es Congreve, mais captura la goĂ©lette Moctezuma. De Callao, il navigua vers le nord, et le gĂ©nĂ©ral William Miller occupa pendant quelques jours la ville de Pisco.

En l’absence de Cochrane, le tribunal auditionna finalement Bouchard et Espora, qui niĂšrent les accusations[249], lesquelles furent levĂ©es en dĂ©cembre. Bien qu’il ne pĂ»t jamais rĂ©cupĂ©rer la cargaison, Bouchard fut autorisĂ© Ă  s’embarquer sur la frĂ©gate La Argentina et d’en reprendre le commandement.

De retour dans le sud avec deux vaisseaux, Cochrane attaqua la ville de Valdivia, qui Ă©tait restĂ©e aux mains des royalistes et abritait le quartier-gĂ©nĂ©ral des Espagnols dans le sud. Quoique ayant perdu un de ses deux vaisseaux dans un naufrage, il attaqua, avec le Moctezuma et les Ă©quipages rĂ©unis des deux navires, les forts qui dĂ©fendaient la ville. Avançant de fort en fort, il parvint Ă  atteindre la ville, dont il s’empara le .

De là, il se dirigea vers Chiloé, mais échoua dans son attaque terrestre contre Ancud et dut faire demi-tour[250].

DĂ©barquement et premiĂšres campagnes au PĂ©rou

Le , une escadre composĂ©e de 25 vaisseaux, dont 8 de guerre et 17 de charge, et portant 1740 marins, appareilla Ă  destination du PĂ©rou. Parmi les vaisseaux se trouvait Ă©galement La Argentina, sous les ordres de Bouchard, qui emmenait 500 hommes d’équipage, y compris les Grenadiers Ă  Cheval.

L’armĂ©e comprenait 4118 hommes de troupe et 296 officiers, dont quelque 750 originaires du RĂ­o de la Plata. Ils Ă©taient organisĂ©s en deux divisions, l’une appelĂ©e De Chile et l’autre De los Andes[251], et disposaient de 25 piĂšces d’artillerie.

L’expĂ©dition partit du Chili et commença ses campagnes militaires au PĂ©rou sous un drapeau qui Ă©tait une variante du drapeau chilien, sauf qu’il portait trois Ă©toiles au lieu d’une[252] - [253].

Le eut lieu le dĂ©barquement sur la plage de Paracas, Ă  proximitĂ© de la ville de Pisco ; c’est de cette plage que San MartĂ­n lança sa premiĂšre proclamation au peuple pĂ©ruvien[254].

DĂšs lors que le vice-roi Pezuela avait sous ses ordres quelque 20 000 soldats rĂ©partis dans toute la vice-royautĂ©, affectĂ©s pour la plupart Ă  la dĂ©fense de Lima et du Haut-PĂ©rou[255], la stratĂ©gie de San MartĂ­n, qui avait dĂ©barquĂ© avec guĂšre plus de 4000 hommes, consista Ă  Ă©viter toute attaque de front et Ă  mener au contraire une guerre d'attrition contre son ennemi et Ă  le dĂ©crĂ©diter. Dans ce but, il s’ingĂ©nia Ă  dĂ©montrer qu’il pouvait traverser le PĂ©rou avec une partie de son armĂ©e et s’établir avec le reste partout oĂč bon lui semblerait.

Il envoya prendre position dans les montagnes une division commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Juan Antonio Álvarez de Arenales et accompagnĂ©e du bataillon n° 11 de l’armĂ©e des Andes sous les ordres de RomĂĄn Deheza, du bataillon n° 2 du Chili sous les ordres de JosĂ© Santiago Aldunate, des Grenadiers Ă  Cheval commandĂ©s par Juan Lavalle, et de deux piĂšces d’artillerie.

Pour sa part, San MartĂ­n se rembarqua et se transporta par mer Ă  Huaura, dans le nord du PĂ©rou, oĂč il entama des nĂ©gociations diplomatiques avec le vice-roi.

À la suite du dĂ©barquement patriote, le colonel Manuel Quimper, commandant de la cĂŽte mĂ©ridionale du PĂ©rou, se retira vers le sud, mais fut battu lors de trois affrontements : par Rufino Guido Ă  Palpa le , par le lieutenant-colonel Manuel Patricio Rojas Ă  Nazca une semaine plus tard, et le 15 Ă  AcarĂ­, oĂč Quimper fut capturĂ©.

Arenales franchit la CordillĂšre et le s’empara sans combat de la ville de Huamanga. AprĂšs avoir battu une troupe royaliste d’appoint au pont de Mayoc, ses hommes mirent en dĂ©route une division ennemie sur la cĂŽte de Jauja. Le , Ă  Tarma, dans le dĂ©partement de JunĂ­n, Rojas rĂ©ussit Ă  rattraper l’intendant de Huancavelica, Juan Montenegro, le faisant prisonnier et s'appropriant six canons, 500 fusils et 50 000 cartouches.

Le , lors de la bataille de Pasco, Arenales détruisit intégralement la division du général Diego OŽReilly. Les royalistes eurent à souffrir 83 morts tandis que 400 hommes furent faits prisonniers, parmi lesquels toute la cavalerie dirigée par Andrés de Santa Cruz, qui passa dans les rangs patriotes aprÚs la bataille.

Le , la division d’Arenales se rĂ©intĂ©gra dans l’armĂ©e Unie. Plusieurs provinces de la Sierra avaient Ă©tĂ© occupĂ©es, mais il ne restait pas assez de troupes pour en assurer l'occupation. Quelques officiers, parmi lesquels se signala en particulier le moine sorti des ordres JosĂ© FĂ©lix Aldao, eurent soin alors d’organiser des montoneras capables de rĂ©sister par des actions de guerrilla.

Bien que les indĂ©pendantistes ne fussent pas en mesure de consolider les territoires qu’ils avaient ainsi parcourus et conquis, la campagne eut nĂ©anmoins pour effet d’affaiblir militairement le vice-roi Pezuela et de le dĂ©crĂ©diter politiquement[164] - [256]. À la suite des dĂ©monstrations de pouvoir de San MartĂ­n, les officiers royalistes d’opinion libĂ©rale, dĂ©goĂ»tĂ©s par l’orientation absolutiste de Pezuela, renversĂšrent celui-ci, par le pronunciamiento dit de Aznapuquio, le , et lui substituĂšrent le gĂ©nĂ©ral De La Serna[257].

Indépendance du Pérou

Entre-temps, les villes de Guayaquil[258] et, peu aprĂšs, de Trujillo[259] se prononcĂšrent en faveur de l’indĂ©pendance, laissant la quasi-totalitĂ© du nord du pays aux mains des alliĂ©s de San MartĂ­n.

Augmentant encore la pression sur le nouveau vice-roi, Arenales entreprit une deuxiĂšme expĂ©dition dans la montagne, et l’Anglais William Miller dĂ©barqua sur le littoral sud du PĂ©rou[173]. SimultanĂ©ment, San MartĂ­n dĂ©barqua Ă  AncĂłn, ville cĂŽtiĂšre plus proche de Lima, puisque situĂ©e Ă  seulement une quarantaine de km, et lança vers cette ville une sĂ©rie d’expĂ©ditions de reconnaissance, tout en menant fin avril de nouvelles nĂ©gociations de paix avec De la Serna. San MartĂ­n n’entendait accepter d’autre rĂ©sultat que l’indĂ©pendance du PĂ©rou, ce qui Ă©tait inadmissible pour De la Serna, de sorte qu’il n' y eut pas d’accord, mais nĂ©anmoins un Ă©change de prisonniers[n. 13].

La colonne de Miller dĂ©barqua Ă  Arica et fit route en direction de Tacna, oĂč un contingent de volontaires pĂ©ruviens vint se joindre Ă  elle. Le , elle vainquit les troupes de JosĂ© Santos La Hera dans la bataille de Mirave, puis retourna Ă  Lima[260]. Les forces que Miller laissa dans le sud du PĂ©rou allaient ĂȘtre dĂ©faites lors de la bataille d'Ica, en avril de l’annĂ©e suivante, obligeant les indĂ©pendantistes Ă  abandonner cette rĂ©gion[261].

Le soulĂšvement, en faveur de l’indĂ©pendance, du bataillon royaliste Numancia, composĂ© de VĂ©nĂ©zuĂ©liens, et la capture du vaisseau le plus puissant de l’escadre espagnole par Cochrane, contraignirent De la Serna Ă  abandonner Lima le et Ă  prendre ses quartiers dans la montagne, lĂ  oĂč l’attendait, pour l’attaquer, la division d’Arenales ; celui-ci cependant, n’ayant su dĂ©terminer quel col allait ĂȘtre utilisĂ© par les royalistes pour franchir la CordillĂšre, Ă©choua dans son projet[173].

San MartĂ­n occupa la capitale et rĂ©unit un cabildo ouvert le . Le 28, il proclama l’indĂ©pendance du PĂ©rou et assuma Ă  partir du la fonction de chef civil et militaire du Protectorat du PĂ©rou[262]. Son bras droit fut Bernardo de Monteagudo, arrivĂ© du Chili Ă  titre d’auditeur de l’armĂ©e[263].

Les forts de Callao cependant Ă©taient restĂ©s aux mains des royalistes, et les patriotes mirent plusieurs mois Ă  s’en emparer[167] - [264]. Une sĂ©rie de conflits entraĂźna la sĂ©paration de quelques officiers rioplatenses, dont le gĂ©nĂ©ral Las Heras. La majeure partie des troupes chiliennes retourna au Chili, pour y terminer la guerre dite Ă  mort (Guerra a Muerte) contre les derniers bastions royalistes dans l’Araucanie[265].

Cochrane, qui ne s’était jamais bien entendu avec San MartĂ­n, retourna lui aussi au Chili avec son escadre, ne laissant au service du PĂ©rou que quelques vaisseaux, dirigĂ©s par Bouchard et Martin Guisse[173].

En octobre de cette mĂȘme annĂ©e, San MartĂ­n crĂ©a le premier drapeau pĂ©ruvien, de couleur rouge et blanc et comportant un Ă©cusson[266], sous lequel par la suite allaient combattre les troupes, tant pĂ©ruviennes que rioplatenses, de l’armĂ©e Unie du PĂ©rou.

BolĂ­var et la campagne du PĂ©rou

Le maréchal Antonio José de Sucre.

Le , la ville de Guayaquil, dans l’actuel Équateur, s’était Ă©rigĂ©e en Province libre de Guayaquil. Le gouverneur JosĂ© JoaquĂ­n de Olmedo sollicita alors, en vue d’attaquer la ville de Quito, l’aide de SimĂłn BolĂ­var. Celui-ci venait d’obtenir l’indĂ©pendance de l’actuelle Colombie Ă  la suite de la bataille de BoyacĂĄ, et envoya Ă  Guayaquil le gĂ©nĂ©ral Antonio JosĂ© de Sucre avec 650 soldats, qui s’ajoutĂšrent aux 1400 dont disposait dĂ©jĂ  Guayaquil[267]. Par un traitĂ© signĂ© le , la province de Guayaquil restait sous la protection de la Grande Colombie, formĂ©e des anciennes Vice-royautĂ© de Nouvelle-Grenade et Capitainerie gĂ©nĂ©rale du Venezuela.

Sucre avança en direction de Quito, mais fut battu lors d’un affrontement Ă  Ambato, et se vit obligĂ© de retourner Ă  Guayaquil et de requĂ©rir d’urgents renforts du vice-prĂ©sident grand-colombien Francisco de Paula Santander, qui les lui envoya par voie de terre Ă  partir de PopayĂĄn, par un chemin assez long. Dans le mĂȘme temps, il demanda de l’aide Ă  San MartĂ­n, qui lui dĂ©pĂȘcha une division placĂ©e sous le commandement du colonel AndrĂ©s de Santa Cruz, laquelle comprenait des forces argentines, dont 90 Grenadiers Ă  Cheval sous les ordres de Juan Lavalle.

Sucre embarqua 1200 hommes pour les emmener Ă  Machala, ville au dĂ©part de laquelle il s’empara ensuite, fin fĂ©vrier, de la ville de Cuenca, oĂč il accrut ses forces Ă  2000 hommes. Continuant vers le nord, les Grenadiers et les Dragons de Colombie sortirent victorieux de la bataille de Riobamba, face Ă  des forces pourtant supĂ©rieures.

Le , les indĂ©pendantistes escaladĂšrent le volcan Pichincha, sur les flancs duquel fut livrĂ©e la bataille dite du Pichincha, qui se solda par une victoire absolue des indĂ©pendantistes sur les royalistes du capitaine gĂ©nĂ©ral Melchor Aymerich. Dans cette bataille s’illustra en particulier le bataillon n° 2 du PĂ©rou, commandĂ© par l’Argentin JosĂ© ValentĂ­n de OlavarrĂ­a. La victoire signifia l’indĂ©pendance dĂ©finitive de la PrĂ©sidence de Quito, qui fut alors incorporĂ©e Ă  la Grande Colombie[268].

À Guayaquil, l’opinion publique demeurait divisĂ©e, mais la ville fut occupĂ©e militairement et elle aussi annexĂ©e Ă  la Grande-Colombie le . Ce fait fut Ă  l’origine d’un grave dĂ©saccord entre San MartĂ­n et BolĂ­var.

San MartĂ­n Ă©tait conscient de ce qu’il lui Ă©tait impossible de terminer la campagne sans aide extĂ©rieure. Il sollicita de l’aide auprĂšs des diffĂ©rents gouvernements des Provinces unies, mais en vain, les provinces intĂ©rieures allĂ©guant leur manque de fonds, et la province de Buenos Aires prĂ©fĂ©rant maintenir son isolement, qui lui permettait de progresser Ă©conomiquement, et ne pas apporter son concours aux campagnes militaires finales contre son ancienne mĂ©tropole[269]. En consĂ©quence, le Protecteur du PĂ©rou se vit contraint d’avoir recours Ă  l’aide de BolĂ­var, avec lequel il arrangea une entrevue Ă  Guayaquil.

Vision idĂ©alisĂ©e de l’entrevue de Guayaquil entre JosĂ© de San MartĂ­n et SimĂłn BolĂ­var.

San MartĂ­n arriva Ă  Guayaquil le , et eut le jour suivant un long entretien seul Ă  seul avec BolĂ­var, dont le contenu est demeurĂ© secret. Au motif que la situation militaire et politique dans laquelle se trouvaient les deux libertadores Ă©tait diffĂ©rente, San MartĂ­n annonça renoncer au Protectorat du PĂ©rou et vouloir cĂ©der Ă  BolĂ­var le soin d’achever les campagnes militaires pour l’indĂ©pendance de ce pays[270] - [271] - [n. 14].

DĂšs ce mĂȘme jour, San MartĂ­n se rembarqua Ă  destination de Lima et, peu aprĂšs son arrivĂ©e, donna avis de sa dĂ©mission comme Protecteur, dĂ©mission qui fut acceptĂ©e le . Le CongrĂšs constituant du PĂ©rou nomma PrĂ©sident de la Junte de Gouvernement le gĂ©nĂ©ral JosĂ© de La Mar. San MartĂ­n retourna Ă  Buenos Aires, puis de lĂ  Ă©migra vers l’Europe.

Échecs et perte de Lima

San Martín avait chargé le général Rudecindo Alvarado de mener une campagne dans les ports intermédiaires (situés entre le Pérou et le Chili) pour priver les troupes du vice-roi de tout accÚs à la mer. En , 4490 hommes sous les ordres d'Alvarado, comprenant 1700 Argentins, 1390 Péruviens et 1200 Chiliens, débarquÚrent à Ilo et occupÚrent la ville de Tacna. Au départ de cette derniÚre, ils se dirigÚrent vers les montagnes, dans une tentative de pénétrer dans le Haut-Pérou, mais furent battus lors des batailles de Torata et de Moquegua par Jerónimo Valdés, et durent se rembarquer pour retourner à Lima, voyage de retour au cours duquel de nombreux soldats argentins perdirent la vie dans un naufrage.

La dĂ©faite donna lieu en fĂ©vrier Ă  un coup d’État, dit mutinerie de Balconcillo, Ă  l’issue duquel La Mar fut renversĂ© et remplacĂ© par JosĂ© de la Riva AgĂŒero, qui sollicita l’intervention de BolĂ­var. Celui-ci envoya depuis Guayaquil 6000 hommes emmenĂ©s par Sucre, qui avait par ailleurs mission de nĂ©gocier avec le gouvernement pĂ©ruvien les conditions auxquelles BolĂ­var aurait Ă  intervenir dans la guerre.

Une des premiĂšres actions de Sucre fut d’insister pour que fĂ»t organisĂ©e une seconde offensive contre les ports intermĂ©diaires entre le Chili et Lima. Il expĂ©dia vers le sud 2500 hommes placĂ©s sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Santa Cruz et transportĂ©s par la flotte sous le commandement de MartĂ­n Guisse. Ils dĂ©barquĂšrent Ă  Arica, poussĂšrent rapidement vers l’intĂ©rieur en passant par Tacna et Moquegua. La bataille de Zepita resta indĂ©cise, les deux camps revendiquant chacun la victoire[164] - [272].

AprÚs le départ des troupes de Santa Cruz et de Gamarra, Lima se trouvait quasiment privée de défenseurs. Le brigadier José Canterac rassembla à Jauja une armée de 8000 hommes, avec laquelle il marcha sur la capitale, entrant dans Lima le , cependant que le congrÚs évacuait la ville et se retirait sur Callao. Pourtant, Canterac abandonna Lima un mois plus tard pour se porter vers le sud par Jauja[273].

Sucre prit la mer avec ses troupes et s’empara d’Arequipa le . De lĂ , il avança jusqu’à Puno, mais ne parvint pas Ă  coordonner ses actions avec celles de Santa Cruz, qui poursuivit sa marche jusqu’à Oruro. La prompte rĂ©action royaliste, que les chroniqueurs ont nommĂ© la campagne du Talon, eut pour effet de laisser Santa Cruz isolĂ©, de sorte qu’il dut, sans avoir prĂ©sentĂ© bataille, retourner prĂ©cipitamment au littoral, rembarquer son armĂ©e et la reconduire vers le nord[274]. Arequipa fut rĂ©cupĂ©rĂ©e par les royalistes en octobre[275], forçant en outre une armĂ©e de 2500 hommes envoyĂ©e au secours de Santa Cruz Ă  retourner au Chile[276].

Entre-temps, dĂ©but septembre, BolĂ­var arriva Ă  Lima avec de nouveaux renforts, tandis qu’éclatait un conflit entre le nouveau prĂ©sident JosĂ© Bernardo de Tagle et Riva AgĂŒero, qui s’était installĂ© Ă  Trujillo et entretenait des contacts avec les royalistes. Ignorant des intrigues de Riva AgĂŒero, Guisse passa dans ses rangs et bloqua la cĂŽte pĂ©ruvienne, de sorte que BolĂ­var dut gaspiller l’énergie de son armĂ©e dans une campagne militaire contra Riva AgĂŒero, laquelle s'acheva par l’arrestation de ce dernier Ă  la fin novembre[259].

Le eut lieu le soulĂšvement de Callao, lors duquel la troupe cantonnĂ©e dans ce port, c'est-Ă -dire principalement des soldats originaires du RĂ­o de la Plata, mais Ă©galement des Chiliens et des PĂ©ruviens, se rebella contre ses officiers en raison du retard de paiement de leurs soldes et de l’état de misĂšre oĂč ils s’étaient retrouvĂ©s Ă  la suite de leur derniĂšre campagne dans le sud. Redoutant ensuite les consĂ©quences de leur rĂ©bellion, ils se placĂšrent sous la direction des officiers royalistes prisonniers et hissĂšrent le drapeau espagnol. En mĂȘme temps se produisait un soulĂšvement d’une partie des grenadiers Ă  cheval, qui alla se ranger du cĂŽtĂ© des royalistes[164] - [277].

La prise du port par les royalistes jeta l’alarme dans la ville de Lima. Se voyant hors d’état de tenir sa position, BolĂ­var Ă©vacua la capitale, dont s’empara ensuite l’armĂ©e royaliste emmenĂ©e par JosĂ© RamĂłn Rodil[164]. Diverses autres divisions encore passĂšrent dans le camp espagnol, et le gĂ©nĂ©ral Juan Antonio Monet fit transfĂ©rer les prisonniers de Callao Ă  Puno[278].

Cependant, dans le camp royaliste surgit un conflit non moins grave que celui qu’avaient Ă  affronter les patriotes : le gĂ©nĂ©ral absolutiste Pedro Antonio Olañeta, suivi de plusieurs illustres officiers, se rebella contre l’autoritĂ© du vice-roi De la Serna[134] et, Ă  la tĂȘte de quelque 5000 soldats, se rendit maĂźtre des quatre provinces du Haut-PĂ©rou en . Le vice-roi rĂ©agit en envoyant le gĂ©nĂ©ral ValdĂ©s avec une armĂ©e de force Ă©quivalente[279], qui poursuivit son ennemi Ă  travers tout le Haut-PĂ©rou. AprĂšs plusieurs batailles entre les deux camps, la situation, fin aoĂ»t, Ă©tait toujours indĂ©cise, mais avait coĂ»tĂ© une Ă©norme dĂ©pense d’énergie et entraĂźnĂ© pour l’armĂ©e royaliste une grande perte de ressources[134].

La campagne d’Ayacucho

Ce qui restait de l’armĂ©e de libĂ©ration, soit quelque 5000 hommes, dont 500 Ă  peine Ă©taient argentins, se concentra Ă  Trujillo, sous le commandement de BolĂ­var. LĂ , dans le courant de , il reçut de nouveaux renforts arrivĂ©s de Bogota, rassemblant ainsi une armĂ©e de 8000 hommes au total, avec laquelle, comptant tirer parti de l’état de division des forces royalistes, il se mit en route vers les montagnes en juin.

L’armĂ©e sous les ordres directs du vice-roi De la Serna vint occuper la vallĂ©e de la riviĂšre Mantaro (Ă  mi-chemin entre Lima et Cuzco), hormis les troupes du gĂ©nĂ©ral JosĂ© de Canterac, qui avaient pris position dans le nord. Celles-ci furent rejointes par les indĂ©pendantistes sur les rives du lac JunĂ­n le . Se fiant Ă  la supĂ©rioritĂ© de ses forces de cavalerie, Canterac se dĂ©fendit de l’attaque de la cavalerie patriote en ne mettant Ă  contribution que ses seuls cavaliers, de sorte que la bataille de JunĂ­n fut livrĂ©e sans tirer un seul coup de fusil. Au dĂ©but, les troupes de Canterac refoulĂšrent les patriotes dans un dĂ©filĂ© ; cependant, une contre-attaque des hussards du PĂ©rou, commandĂ©s par l’Argentin Manuel Isidoro SuĂĄrez, rĂ©ussit de son cĂŽtĂ© Ă  dĂ©sorganiser les royalistes. Une nouvelle contre-attaque patriote dĂ©cida de la victoire en faveur des forces de BolĂ­var[280] - [281].

BolĂ­var laissa l’armĂ©e sous le commandement de Sucre, qui se mit en marche vers le sud Ă  la recherche de De la Serna. Celui-ci donna Ă  ValdĂ©s l’ordre de revenir du sud avec l’ensemble de ses forces ; par un accord, Olañeta apporta 2500 hommes Ă  l’armĂ©e du vice-roi tout en gardant le pouvoir sur tout le Haut-PĂ©rou[282]. Vers la fin septembre, BolĂ­var prit contact avec Olañeta, dans une tentative de l’amener Ă  la cause indĂ©pendantiste, mais n’obtint aucune rĂ©ponse.

Durant plusieurs semaines, Sucre avança lentement vers le sud. Une rapide réaction de Valdés, ainsi que les avancées royalistes, permirent à celui-ci de vaincre Sucre le lors de la bataille de Corpahuaico, prÚs de Cangallo[275].

En dĂ©pit de cette dĂ©faite, Sucre se hĂąta de reprendre sa marche vers Huamanga, et six jours plus tard, le , l’armĂ©e Unie engagea la bataille d'Ayacucho. La supĂ©rioritĂ© tactique et morale des forces de Sucre, et une maladroite contre-attaque de De la Serna, dans laquelle il vint Ă  ĂȘtre fait prisonnier, dĂ©cidĂšrent l’issue de la bataille, de la campagne militaire, et de toute la guerre d’indĂ©pendance hispanoamĂ©ricaine, en faveur des indĂ©pendantistes.

Les royalistes eurent Ă  dĂ©plorer 1800 morts et 700 blessĂ©s, contre 370 morts et 609 blessĂ©s cĂŽtĂ© patriote. Le gĂ©nĂ©ral Canterac, incidemment gĂ©nĂ©ral en chef de l’armĂ©e royaliste, signa cette nuit-lĂ  avec Sucre la capitulation d’Ayacucho, aux termes de laquelle l’armĂ©e royaliste du PĂ©rou renonçait Ă  poursuivre le combat et ses officiers et hommes de troupe Ă©taient autorisĂ©s Ă  rentrer dans leurs foyers en Espagne[283].

Indépendance de la Bolivie

Le colonel JosĂ© MarĂ­a PĂ©rez de Urdininea, qui avait combattu au sein des rĂ©publiquettes ainsi que dans la Guerra Gaucha, se fixa vers 1820 dans la province de San Juan, dont il fut Ă©lu gouverneur en 1822. LĂ , il s’efforça de former une armĂ©e en vue d’envahir le Haut-PĂ©rou, mais ne rĂ©ussit ni Ă  rĂ©unir les fonds, ni Ă  obtenir des appuis Ă  Buenos Aires. Il parvint malgrĂ© tout Ă  rassembler un contingent de prĂšs de 500 hommes, qu’il emmena Ă  Salta et plaça sous le commandement de JosĂ© MarĂ­a Paz. Il cantonna ses forces dans la ville de Humahuaca, oĂč elles restĂšrent inactives pendant deux ans[25].

Le gĂ©nĂ©ral Arenales avait changĂ© domicile dĂ©but 1823 pour Salta, oĂč il fut Ă©lu gouverneur en . Il consacra ses efforts Ă  tenter une ultime campagne dans le Haut-PĂ©rou, en profitant des troupes rĂ©unies par Urdininea, en plus de quelques autres troupes levĂ©es par Paz dans la province de Santiago del Estero.

Le , sur requĂȘte du marĂ©chal Sucre, le gouverneur Arenales nomma le gĂ©nĂ©ral Urdininea commandant gĂ©nĂ©ral de l’avant-garde afin que celui-ci se dirigeĂąt vers le Haut-PĂ©rou Ă  attaquer Olañeta depuis le sud. Urdininea se mit en mouvement le , avec une force d’environ 600 hommes[284].

À Puno, oĂč se trouvaient les prisonniers de Callao, le gĂ©nĂ©ral PĂ­o TristĂĄn, dĂ©daignant la capitulation d’Ayacucho, assuma lui-mĂȘme la fonction de vice-roi, et sollicita Olañeta de collaborer avec lui. Olañeta se mit Ă  ses ordres, mais le commandant Francisco Anglada signa sa reddition Ă  La Paz et le colonel JosĂ© MarĂ­a Fascio livra Puno[n. 15].

TristĂĄn et d’autres chefs royalistes se ralliĂšrent alors Ă  la capitulation d’Ayacucho et renoncĂšrent Ă  la guerre. Sucre proposa aussi Ă  Olañeta de passer dans son camp, moyennant quoi il pourrait conserver le pouvoir dans le haut-PĂ©rou, mais n’obtint pas d’accord allant au-delĂ  d’un armistice pour quatre mois. Cela cependant ne fut pas reconnu par BolĂ­var, et celui-ci ordonna Ă  Sucre de traverser le Desaguadero. Les villes d’Oruro, Chuquisaca et Cochabamba, au fur et Ă  mesure qu’Olañeta les abandonnait, se livraient Ă  l’armĂ©e de Sucre. Le gouverneur de Santa Cruz, Aguilera, se rendit aux troupes patriotes Ă  Valle Grande[285].

Une fois connue Ă  Buenos Aires la nouvelle d’Ayacucho, le ministre Manuel JosĂ© GarcĂ­a chargea le gouverneur Arenales d’établir des conventions avec les chefs royalistes du Haut-PĂ©rou, ainsi que d’avancer avec ses troupes vers cette rĂ©gion. Le , le gouverneur Arenales demanda des instructions au CongrĂšs national et sollicita l’autorisation de crĂ©er une armĂ©e de 3292 hommes et, implicitement, de l’argent pour la financer[286].

Lorsque Olañeta eut cĂ©dĂ© PotosĂ­, le lieutenant-colonel Carlos Medinaceli passa dans l’autre camp et, le 1er avril, attaqua Olañeta dans la bataille de Tumusla, entre Cinti et Cotagaita, oĂč le dernier gĂ©nĂ©ral royaliste perdit la vie[287] - [n. 16].

AprĂšs qu’il eut appris la mort d’Olañeta, Arenales envoya de Humahuaca, en renfort de Medinaceli, PĂ©rez de Urdininea, mais celui-ci se nomma lui-mĂȘme commandant en chef de l’armĂ©e de LibĂ©ration de Chichas, se soustrayant Ă  l’autoritĂ© d’Arenales. Le , le colonel Valdez se rendit Ă  Urdininea, en demandant que sa reddition tombĂąt sous la capitulation d’Ayacucho[134].

La guerre d’indĂ©pendance dans le Haut-PĂ©rou Ă©tait du coup terminĂ©e.

Ultimes réduits royalistes

Le Mexique avait dĂ©clarĂ© son indĂ©pendance en , mais l’armĂ©e royaliste de Nouvelle-Espagne, retranchĂ©e dans le fort de San Juan de UlĂșa, Ă  Veracruz, s’obstina Ă  rĂ©sister jusqu’en , en relation avec des tentatives espagnoles de reconquĂȘte du Mexique, auxquelles fut mis fin cependant par la bataille de Pueblo Viejo (ou de Tampico) en [288].

Les troupes du libertador SimĂłn BolĂ­var s’emparĂšrent de Lima avec l’aide des renforts venus de la Grande Colombie. Encore bien aprĂšs la capitulation d’Ayacucho, la garnison du fort de Callao, commandĂ©e par le colonel Rodil, Ă  la tĂȘte d’un effectif de 2500 soldats royalistes, comprenant les rĂ©giments de vĂ©tĂ©rans du Chili et les rebelles de Callao de l’ancienne armĂ©e des Andes, et incluant quelque 8000 civils, rĂ©sista et soutint le siĂšge de Callao jusqu’à sa capitulation le , alors que la moitiĂ© de la garnision avait pĂ©ri de faim et des suites d’une Ă©pidĂ©mie[275] - [289].

À la suite de la dĂ©faite et de la mort de Pedro Antonio Olañeta en , les forces grand-colombiennes se rendirent maĂźtres de la Bolivie. Cependant, en encore, le ci-devant colonel royaliste Francisco Javier Aguilera, qui avait Ă©tĂ© gouverneur de l’intendance de Santa Cruz de la Sierra, se rebella contre les autoritĂ©s patriotes de Bolivie, mais fut lui aussi vaincu, puis exĂ©cutĂ©[61].

Une autre place royaliste qui rĂ©sista longuement fut l’üle de ChiloĂ©, que ses habitants, dirigĂ©s par Antonio de Quintanilla, dĂ©fendaient avec tĂ©nacitĂ©. Celui-ci avait auparavant rĂ©ussi Ă  repousser une offensive chilienne lors de la bataille de Mocopulli en 1824[290]. Une nouvelle campagne militaire menĂ©e contre l’üle, que le prĂ©sident RamĂłn Freire tint Ă  diriger personnellement, dĂ©boucha en sur la signature du traitĂ© de Tantauco[291].

À l’intĂ©rieur de l’actuel territoire argentin, les derniers dĂ©fenseurs de la cause royaliste furent les frĂšres Pincheira, qui, pour le compte d’une guĂ©rilla royaliste chilienne, firent alliance avec les indigĂšnes pehuenches, et se livrĂšrent, Ă  la tĂȘte d’une troupe de 500 Ă  1 000 hommes, Ă  des razzias sur le territoire de ce pays[292]. AprĂšs la mort de deux des Pincheira en 1823, leurs frĂšres restants s'Ă©tablirent dans l’actuelle province du NeuquĂ©n, oĂč leurs bandes lançaient contre divers endroits de la pampa des attaques surprise de type malĂłn, avant d’ĂȘtre dĂ©finitivement dĂ©truites par une troupe chilienne lors de la bataille de las Lagunas de Epulafquen, en 1832[293].

Conséquences

La Guerre d’indĂ©pendance permit aux Provinces unies du RĂ­o de la Plata d’atteindre leur objectif principal, savoir : affranchir l’ancienne Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata de la mĂ©tropole espagnole. Le premier État Ă  reconnaĂźtre l’indĂ©pendance des Provinces unies fut la Grande-Bretagne, par la voie d’un traitĂ© signĂ© le [n. 17] - [n. 18] - [294].

En 1826, les Provinces unies changĂšrent leur nom en leur actuelle dĂ©nomination de RĂ©publique argentine, officialisĂ©e dans la constitution adoptĂ©e cette mĂȘme annĂ©e[295].

L’Espagne reconnaĂźtra l’indĂ©pendance de l’Argentine une premiĂšre fois par le traitĂ© du [n. 19], qui cependant fut rejetĂ©, puis par le traitĂ© dĂ©finitif du [296].

Toutefois, ce n’est pas pour un seul pays unifiĂ© que fut acquise cette indĂ©pendance, mais pour au moins quatre États distincts : en effet, seule une bonne moitiĂ© de la partie du territoire rioplatense qui Ă  cette Ă©poque se trouvait occupĂ©e par des populations d’origine europĂ©enne appartient aujourd’hui Ă  la rĂ©publique argentine, attendu que l’ancienne vice-royautĂ© comprenait aussi le territoire des actuels États du Paraguay, de la Bolivie et de l’Uruguay[297] - [298]. Par ailleurs, les Misiones Orientales et quelques autres territoires voisins finirent par ĂȘtre annexĂ©es dĂ©finitivement au BrĂ©sil, consĂ©quence de la dispersion des forces rioplatenses lors de la guerre d’indĂ©pendance et des dissensions internes[299].

Cet Ă©tat de fait s’explique par le dĂ©roulement du processus politique et militaire de l’indĂ©pendance : les autoritĂ©s coloniales dans les trois territoires susmentionnĂ©s refusĂšrent d’emblĂ©e leur adhĂ©sion Ă  la rĂ©volution de Mai, et, par les dĂ©faites Ă  rĂ©pĂ©tition qu’ils surent infliger aux armĂ©es argentines, virent pendant longtemps couronnĂ©e de succĂšs leur insubordination au nouveau pouvoir.

Les Ă©checs rĂ©itĂ©rĂ©s des armĂ©es des Provinces unies Ă  imposer leur domination dans le Haut-PĂ©rou portĂšrent cette rĂ©gion Ă  se construire une identitĂ© gĂ©ographique et sociale propre, qui n’eut ensuite qu’à Ă©clore sous forme d’indĂ©pendance ― celle de la Bolivie ― dĂšs aprĂšs l’arrivĂ©e de l’armĂ©e de libĂ©ration venue de la Grande-Colombie[300] - [301].

Le refus des autoritĂ©s vice-royales paraguayennes, puis des premiers gouvernements paraguayens indĂ©pendants, d’appartenir aux Provinces unies fut maintenu fermement tout au long des dĂ©cennies suivantes, et soutenu par la population, jusqu’à ce que l’indĂ©pendance du Paraguay fĂ»t dĂ©finitivement reconnue par le gouvernement argentin dans la dĂ©cennie 1850[302] - [303].

Enfin, le refus des autoritĂ©s royalistes de Montevideo de se ranger auprĂšs des gouvernements indĂ©pendants, le refus subsĂ©quent des fĂ©dĂ©ralistes d’Artigas Ă  se soumettre Ă  un gouvernement centralisĂ© siĂ©geant Ă  Buenos Aires, et l’invasion brĂ©silienne, eurent de mĂȘme pour effet de faire Ă©merger la bande Orientale comme territoire ayant son identitĂ© propre, lequel finira par obtenir l’indĂ©pendance en tant que RĂ©publique Orientale de l’Uruguay, faute qu’un vainqueur incontestable ne fĂ»t sorti de la guerre du BrĂ©sil[304], laquelle peut Ă  cet Ă©gard ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un prolongement de la guerre d’indĂ©pendance de l’Argentine[305].

Notes et références

Notes

  1. Selon une tradition remontant Ă  l’époque de la conquĂȘte des AmĂ©riques par les Espagnols, l’AmĂ©rique espagnole Ă©tait vue comme une dĂ©pendance personnelle du roi. Les royalistes libĂ©raux en revanche, se rĂ©fĂ©rant Ă  la constitution espagnole de 1812, s’efforcĂšrent de rĂ©unir en un seul État la mĂ©tropole et les colonies. Cependant, puisque ces deux partis, libĂ©raux et absolutistes, considĂ©raient le roi comme leur chef d’État, ils peuvent ĂȘtre considĂ©rer comme royalistes.
  2. . L’ouverture Ă©conomique de 1809, mise en Ɠuvre par le vice-roi Baltasar Hidalgo de Cisneros, vint trop tard, et en outre, l’autonomie ayant ainsi Ă©tĂ© accordĂ©e au secteur Ă©conomique, l’absence de son pendant politique n’en Ă©tait rendue que plus patente
  3. Le charlottisme Ă©tait un projet visant Ă  installer en qualitĂ© de rĂ©gente, voire de reine, dans le RĂ­o de la Plata, la sƓur du roi Ferdinand, Charlotte Joachime de Bourbon, Ă©pouse du prince rĂ©gent de Portugal, et demeurant alors Ă  RĂ­o de Janeiro.
  4. L’on faisait aussi usage, principalement lors de siĂšges, de canons de fer et de mortiers, et lors de campagnes, il s’en utilisait aussi d’étain, en particulier dans les troupes irrĂ©guliĂšres du Haut-PĂ©rou.
  5. Une dĂ©cision royale avait ordonnĂ© de sĂ©parer Tarija de l’Intendance de PotosĂ­ et de l’incorporer dans l’Intendance de Salta del TucumĂĄn, mais l’opĂ©ration n’avait pas Ă©tĂ© menĂ©e Ă  son terme. Tarija fut la seule municipalitĂ© Ă  envoyer son dĂ©putĂ©, attendu que par la suite ce privilĂšge fut restreint Ă  ceux parmi les villes et communes dominĂ©s par des Espagnols qui Ă©taient chef-lieu de partido.
  6. Le terme utilisĂ© par Velasco pour dĂ©signer cette rĂ©union Ă©tait Congreso. Cf. El Paraguayo Independiente, tome I, p. 4, et le Registro Nacional de la RepĂșblica Argentina, tome I, p. 56.
    Dans les actes du cabildo, c’est le mot Asamblea qui Ă©tait utilisĂ©. Cf. Du Graty, La RĂ©publique du Paraguay, p. 64.
    Dans ses actes, le corps ainsi rĂ©uni se nommait lui-mĂȘme, alternativement, Junta et Asamblea.
    Certains historiens mettent en évidence la représentation par corps sociaux dans cette Junte, et pour cette raison jugent plus approprié le terme de cabildo abierto. Cf. Juan José Soler, Introducción al derecho paraguayo, 1954, p. 254.
  7. . L’historien Emilio Bidondo affirme que l’on rĂ©ussit Ă  rassembler 3000 hommes, mais que l’armĂ©e ainsi constituĂ©e Ă©tait d’emblĂ©e minĂ©e par la dĂ©sertion
  8. . La dĂ©fection, durant la bataille, du gouverneur de Salta, Juan JosĂ© Feliciano FernĂĄndez Campero, marquis de Yavi, ainsi que d’autres officiers royalistes, joua un rĂŽle important.
  9. Strictement parlant, ni le gouvernement d’Álvarez Thomas, ni celui de GonzĂĄlez Balcarce ne prirent de dĂ©cisions en la matiĂšre, mĂȘme s’il est vrai qu’ils envoyĂšrent quelques renforts.
  10. PrĂšs de deux siĂšcles aprĂšs, son Ă©pouse fut Ă©levĂ©e au grade de gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e argentine par dĂ©cret de la prĂ©sidente Cristina FernĂĄndez de Kirchner. La dĂ©pĂȘche sur la page de l’agence de presse officielle TĂ©lam. ConsultĂ© le 8 juillet 2010.
  11. Las Heras avait été élevé au grade de général peu avant le début de la campagne.
  12. Depuis que BartolomĂ© Mitre l’eut affirmĂ© dans son Historia de San MartĂ­n, les auteurs argentins expliquent gĂ©nĂ©ralement cette accusation comme le fruit de la cupiditĂ© et aussi de l’urgence qu’il y avait de recueillir des fonds pour la flotte qui s’apprĂȘtait Ă  libĂ©rer le PĂ©rou.
  13. Nombre de prisonniers rioplatenses, capturĂ©s lors des campagnes du Haut-PĂ©rou, avaient Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s et s’étaient enrĂŽlĂ©s dans l’armĂ©e de libĂ©ration.
  14. La version argentine traditionnelle de l’entrevue, dans Mitre, Historia de San MartĂ­n. Cette version de Mitre a Ă©tĂ© mise en doute par les historiens argentins du XXe siĂšcle, tels que JosĂ© MarĂ­a Rosa.
  15. Fascio devait devenir le premier gouverneur de la province de Jujuy
  16. Ayant appris que le dernier gĂ©nĂ©ral qui lui fĂ»t restĂ© loyal dans toute l’AmĂ©rique du Sud Ă©tait Olañeta, le roi Ferdinand VII le nomma le 29 mai vice-roi du RĂ­o de la Plata. Ironiquement, Ă  la date de sa nomination, Olañeta Ă©tait dĂ©jĂ  dĂ©cĂ©dĂ©.
  17. Sur le plan pratique, le traitĂ© de Bouchard avec le roi de HawaĂŻ n’eut aucune valeur pour le gouvernement du RĂ­o de la Plata, ni n’entraĂźnait aucune contrainte pour celui de l’Espagne. Voir Miguel Á. De Marco, Corsarios argentinos , Éd. Planeta, 2002. (ISBN 950-49-0944-2)
  18. Il s’agit du traitĂ© d’AmitiĂ©, de Commerce et de Navigation" signĂ© entre Manuel JosĂ© GarcĂ­a et Woodbine Parish, ratifiĂ© par le CongrĂšs gĂ©nĂ©ral et par le gouverneur Las Heras le 19 fĂ©vrier 1825.
  19. Traité signé par Juan Bautista Alberdi pour la partie argentine.

Références

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  2. Le seul territoire de la Vice-royautĂ© Ă  n'avoir pas appartenu au PĂ©rou Ă©tait le Corregimiento de Cuyo. Cf. Antonio Zinny, Historia de los gobernadores de las Provincias Argentinas, Éd. HyspamĂ©rica, 1987. (ISBN 950-614-685-3)
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  30. Cf. la description du marchĂ© aux mules de Salta dans Concolorcorvo, Lazarillo de ciegos caminantes, Éd. EmecĂ©, 1997, p. 85-99 et 102-113.
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  34. Cf. La question de Tarija.
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Bibliographie générale

Seuls sont mentionnĂ©s ci-dessous les ouvrages gĂ©nĂ©raux sur la guerre d’indĂ©pendance qui ont Ă©tĂ© consultĂ©s par les rĂ©dacteurs du prĂ©sent article ; les ouvrages ne prĂ©sentant de ladite guerre qu’une vision partielle n’ont pas Ă©tĂ© retenus dans cette liste, mais peuvent ĂȘtre retrouvĂ©s dans les RĂ©fĂ©rences.

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  • Ruiz Moreno, Isidoro J., Campañas militares argentinas, Tome I, Éd. EmecĂ©, Buenos Aires, 2004. (ISBN 950-04-2675-7)
  • Encina y Castedo, Historia de Chile, Éd. Zig-Zag, 10e Ă©dition, Santiago du Chili, 1953.

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