Cabildo de Buenos Aires
Le cabildo de Buenos Aires est un Ă©difice historique, pour partie vestige et pour partie reconstitution dâun ancien bĂątiment de mĂȘme nom, situĂ© sur la place de Mai, dans le centre historique de la capitale argentine.
du Cabildo et de la
révolution de Mai
Cabildo de Buenos Aires
façade principale sur la place de Mai.
Type |
Cabildo colonial |
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Destination initiale |
Mairie de Buenos Aires |
Destination actuelle |
Musée |
Style | |
Architecte |
Andrés Blanqui (projet originel de 1725) Mario Buschiazzo (reconstitution de 1940) |
Construction | |
Hauteur |
33 m (tour, hauteur actuelle) |
Propriétaire |
Gouvernement argentin |
Patrimonialité |
Monument national argentin |
Site web |
Pays | |
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Commune | |
Adresse |
Coordonnées |
34° 36âČ 32âł S, 58° 22âČ 26âł O |
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Autrefois, le terme cabildo de Buenos Aires dĂ©signait la mairie, câest-Ă -dire le corps exĂ©cutif municipal de la ville, incarnation locale dâune institution politique spĂ©cifiquement coloniale qui, Ă Buenos Aires, resta en vigueur de la fondation de la ville en 1580 jusquâĂ sa suppression en 1821. Actuellement, ce mĂȘme terme se rĂ©fĂšre uniquement Ă lâĂ©difice qui hĂ©bergea cette institution et qui, dĂ©clarĂ© monument historique national en 1933, abrite aujourdâhui, aprĂšs dâimportantes modifications dans sa structure, le MusĂ©e historique national du Cabildo et de la rĂ©volution de Mai (en esp. Museo HistĂłrico Nacional del Cabildo y de la RevoluciĂłn de Mayo).
Le cabildo de Buenos Aires fut le thĂ©Ăątre principal de la rĂ©volution de Mai de 1810, qui entraĂźna la destitution du vice-roi espagnol Baltasar Hidalgo de Cisneros et Ă laquelle sâenchaĂźna ensuite la longue guerre aboutissant Ă lâindĂ©pendance des Provinces-Unies du RĂo de la Plata.
Le bĂątiment du cabildo est sis au n° 65 de la calle BolĂvar, oĂč il occupe une parcelle de terrain qui lui fut jadis assignĂ©e par le fondateur de la ville, Juan de Garay, et fait face Ă la place de Mai, le site originel et fondateur de la ville. ĂrigĂ© dans la premiĂšre moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle, il fit lâobjet de multiples remaniements au cours de son histoire, Ă©chappa de justesse Ă la dĂ©molition totale dans les annĂ©es 1930, et ne prit son aspect actuel quâen 1940.
Le cabildo comme institution coloniale
Le cabildo de Buenos Aires, Ă lâĂ©gal des autres cabildos existant en AmĂ©rique espagnole, avait Ă lâorigine des compĂ©tences judiciaires et dâadministration municipale. Les alcades[1] ordinaires (âalcaldes ordinariosâ) du cabildo rendaient la justice de premiĂšre instance en matiĂšre civile et criminelle, tandis que les regidores (Ă©chevins) et dâautres fonctionnaires sâoccupaient des divers aspects de la gestion communale, tels que la salubritĂ©, lâembellissement et lâapprovisionnement de la ville et de la zone environnante. Le cabildo dĂ©tenait Ă©galement quelques compĂ©tences politiques, Ă©tant donnĂ© que jusquâĂ ce que fut crĂ©Ă© en 1716 le poste de teniente del rey (lieutenant, supplĂ©ant du roi), les alcaldes ordinarios pouvaient ĂȘtre amenĂ©s Ă supplĂ©er temporairement au gouverneur[2]. Le cabildo pouvait, pour dĂ©fendre ses intĂ©rĂȘts, dĂ©pĂȘcher des procureurs en Espagne ou sâadresser au roi par missive.
Usant de ses prérogatives de fondateur de la ville, Juan de Garay designa le 11 juin 1580 les premiers alcaldes ordinarios ainsi que six regidores[3] :
- Alcaldes ordinarios : Rodrigo Ortiz de ZĂĄrate et Gonzalo Martel de GuzmĂĄn ;
- Regidores : Pedro de QuirĂłs, Diego de Olavarrieta, Antonio BermĂșdez, LuĂs GaytĂĄn, Rodrigo de Ibarrola, et Alonso de Escobar :
- Procureur : Juan FernĂĄndez de Enciso.
Ă lâissue de leur mandat, chaque 24 juin (ou, Ă partir du dĂ©but du XVIIe siĂšcle, tous les 1er janvier), les alcaldes et regidores sortants Ă©lisaient leurs successeurs, Ă©tant entendu quâon ne pouvait ĂȘtre Ă©lu une nouvelle fois avant deux ans passĂ©s et quâil y avait lieu dâobtenir lâaval du gouverneur. En 1591, le roi ordonna que les postes mineurs du fonctionnariat municipal pouvaient sâacquĂ©rir en vente publique â qui normalement avait lieu Ă PotosĂ â et ĂȘtre ensuite occupĂ©s Ă vie ou transfĂ©rĂ©s Ă des tiers ; en 1607, Bernardo de LeĂłn fut le premier Ă se procurer ainsi une charge â celle de dĂ©positaire gĂ©nĂ©ral â, quâil exercera ensuite pendant 30 ans[4]. UltĂ©rieurement, le roi ordonna que les fonctions de regidores et dâautres offices sans compĂ©tences judiciaires fussent Ă©galement vendues, Ă la faveur de quoi Juan de Vergara acheta en 1617 les 6 charges de regidor pour les distribuer ensuite entre les membres de sa famille. Ă partir de cette date, les Ă©lections ne se tenaient plus que pour nommer les deux alcades ordinaires, lâalfĂ©rez royal et les alcaldes de hermandad ; cependant, faute de candidats, il advenait souvent que des postes restassent vacants, ce qui porta Ă partir de 1663 la Real Audiencia Ă donner les charges en location pour un an[5]. En 1705, lâon rĂ©tablit lâĂ©lection des regidores, en faisant alterner annuellement regidores Ă©lus et regidores nommĂ©s Ă vie, moyennant quâils fussent confirmĂ©s par le gouverneur, lequel Ă©tait le prĂ©sident du cabildo. Entre 1785 et 1799, les alcades ordinaires avaient un mandat de deux ans, lâun des deux devant ĂȘtre renouvelĂ© chaque annĂ©e, et en 1786 furent supprimĂ©s les regidores Ă vie, tandis que le syndic procureur allait dĂ©sormais aussi faire partie du cabildo[6].
Seuls pouvaient ĂȘtre membres du cabildo et voter lors des cabildos ouverts ceux parmi les citadins qui Ă©taient des rĂ©sidents permanents de la ville, possĂ©daient quelque propriĂ©tĂ©, avaient de la famille et vaquaient Ă une occupation « non vile ». Ă l'alcade ordinaire de premier vote incombaient les missions dâun juge en matiĂšre civile, Ă celui de second vote les missions de juge en matiĂšre pĂ©nale, tandis que les alcades de confrĂ©rie (âalcaldes de hermandadâ) rendaient la justice Ă la campagne. Les regidores constituaient ensemble le collĂšge des Ă©chevins (regimiento), Ă©taient Ă©lus et votaient selon un ordre dĂ©terminĂ©. La fonction dâalfĂ©rez real, habilitĂ© Ă porter lâĂ©tendard du roi, reprĂ©sentait le plus grand honneur et pouvait se cumuler avec un autre poste. Dâautres fonctionnaires Ă©taient Ă©lus par le cabildo entrant, parmi lesquels le fiel ejecutor, lâalguacil mayor, le majordome et le syndic procureur. Le trĂ©sorier et le comptable Ă©taient des officiers royaux.
En 1821, le gouverneur de Buenos Aires, MartĂn RodrĂguez, dĂ©cida lâabolition du cabildo de Buenos Aires.
Histoire de lâĂ©difice
Lorsque, en 1580, Juan de Garay fonda dĂ©finitivement la ville de Buenos Aires, la modestie de ce nouveau foyer de peuplement Ă©tait telle que lâon sâabstint tout dâabord de construire un bĂątiment pour y abriter la mairie ; les rĂ©unions du conseil municipal se dĂ©roulaient donc au domicile des habitants, et les prisonniers Ă©taient enfermĂ©s dans le logis mĂȘme des fonctionnaires du cabildo.
En cĂ©dant au Cabildo lâune des constructions du fort, afin quâelle servĂźt de salle capitulaire, le gouverneur Hernandarias permit Ă la municipalitĂ© de disposer pour la premiĂšre fois de ses propres locaux et ordonna plus tard dâĂ©difier un four Ă briques en vue de la future rĂ©alisation dâun bĂątiment Ă lâusage propre du cabildo.
PremiĂšre construction
Le 3 mars 1608, lâalcade Manuel de FrĂas souligna la nĂ©cessitĂ© de construire un cabildo ; le 30 juin de la mĂȘme annĂ©e, Hernandarias communiqua que les travaux avaient commencĂ©. La parcelle de terrain destinĂ©e au nouvel Ă©difice avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© assignĂ©e par Garay en 1580. En rĂ©alitĂ©, ce terrain, situĂ© sur la GrandâPlace (Plaza Mayor, ancien nom de la place de Mai), avait Ă©tĂ© choisi Ă lâencontre des lois des Indes, qui prescrivaient que le cabildo devait se trouver entre la Plaza Mayor et le temple, et jouxter les Maisons royales (âCasas Realesâ) et la douane, c'est-Ă -dire dans un lieu plus Ă©loignĂ© [7].
Lâouvrage fut financĂ© par de nouveaux impĂŽts sur les vaisseaux entrant et sortant du port de Buenos Aires.
La construction des deux humbles piĂšces (la salle capitulaire et la prison) fut Ă charge du maĂźtre dâouvrage Juan MĂ©ndez, tandis que Hernando de la Cueva se chargeait de la charpente, Pedro RamĂrez des portes et fenĂȘtres, Hernando Ălvarez du plafonnage et des crĂ©pis, et des couvreurs brĂ©siliens de la toiture[7].
Les travaux se terminĂšrent vers 1610, encore que peu de temps aprĂšs eĂ»t dĂ©jĂ lieu le premier dâune sĂ©rie de remaniements de sa structure originelle, dont le dernier sera exĂ©cutĂ© 200 ans plus tard.
En 1612, les maisons du Cabildo, incluant un terrain et des locaux destinĂ©s Ă ĂȘtre donnĂ©s en location, purent ĂȘtre livrĂ©s. AprĂšs seulement deux ans, en raison du nombre de dĂ©tenus logĂ©s, le cabildo apparut trop exigu et dut ĂȘtre vouĂ© entiĂšrement Ă sa seule fonction de prison, en raison de quoi les rĂ©unions des autoritĂ©s municipales durent se tenir au logis du gouverneur et, plus tard, Ă nouveau dans le fort.
Lâentretien de lâĂ©difice ayant laissĂ© Ă dĂ©sirer pendant de longues annĂ©es, il se trouva bientĂŽt fort dĂ©labrĂ©. DĂšs 1632, ce cabildo primitif commença Ă menacer ruine, motivant la construction dâun nouveau, laquelle construction ne dĂ©buta quâen 1635 et, par manque de fonds, sâĂ©tala sur plus de cinq ans.
En mai 1682, les autoritĂ©s proposĂšrent dâĂ©difier un bĂątiment de deux niveaux, lequel comporterait :
- Ă lâĂ©tage : la salle capitulaire et les archives ;
- au rez-de-chaussĂ©e : la prison pour personnes privilĂ©giĂ©es, des geĂŽles communes pour les hommes et dâautres pour les femmes, un local pour les surveillants, et des bureaux pour les juges et les greffiers.
Cependant, ce projet ne se concrĂ©tisa pas, la ville se cantonnant Ă entretenir le vieil Ă©difice, pourtant de plus en plus insuffisant Ă mesure que sâaccroissait la population.
DeuxiĂšme construction
En 1711, la Couronne donna son assentiment Ă la rĂ©alisation dâune construction plus solide.
Le 23 juillet 1725, aprĂšs quâeut dâabord Ă©tĂ© rejetĂ© en 1722 un projet de lâingĂ©nieur Domingo Petrarca, projet jugĂ© trop coĂ»teux, lâon commença la construction du nouvel Ă©difice, selon les plans des architectes jĂ©suites Italiens Andrea Bianchi (dont le nom fut hispanisĂ© dans la colonie en AndrĂ©s Blanqui) et Giovanni Battista Primoli. Ă lâorigine, le projet conçu par Primoli prĂ©voyait un plan en U composĂ© dâune enfilade de piĂšces, mais câest Ă Blanqui que revint la conception de la partie la plus notoire du bĂątiment, la façade. Blanqui Ă©tant dâorigine lombarde, lâarchitecture de la façade apparaĂźt â si lâon en croit les Ă©tudes faites au XXe siĂšcle par Dalmasio SobrĂłn â plus redevable au baroque de Lombardie, oĂč prĂ©valait une tradition maniĂ©riste, quâĂ celui typique de lâEspagne ; en outre, Blanqui sâinspirait davantage des thĂ©oriciens italiens du XVIe siĂšcle, tels que Palladio, Serlio et Vignola, ceci expliquant pourquoi, en dĂ©pit de lâallure gĂ©nĂ©rale assez austĂšre de lâĂ©difice, Blanqui intĂ©gra, dans le cabildo portĂšgne, lâarc dit albertien, lequel arc reprend le motif de lâarc de triomphe romain, avec cette particularitĂ© toutefois quâil se prĂ©sente, dans le cas du Cabildo, dupliquĂ© sur deux Ă©tages, Ă savoir au centre de la galerie supĂ©rieure, qui ouvre sur le balcon, et au centre de la galerie infĂ©rieure. Dâautres Ă©lĂ©ments issus de la tradition lombarde sont les pilastres toscans, gĂ©minĂ©s de façon Ă former des niches ; si ces niches, contrairement Ă la tradition italienne, nâont jamais logĂ© de sculptures, il reste que les pilastres contribuent Ă articuler dĂ©corativement le plan de la façade. Un autre Ă©lĂ©ment encore du baroque lombard est la corniche incurvĂ©e de la travĂ©e dâaccĂšs, semblable Ă celle de lâĂ©glise Santa Maria dei Ghirli Ă Campione dâItalia, sur la rive du lac de Lugano, dans le nord de l'Italie.
En 1728, la construction fut pour un temps retardĂ©e par le dĂ©part des architectes pour la ville (actuellement argentine) de CĂłrdoba, oĂč ils devaient se consacrer Ă la poursuite des travaux Ă la cathĂ©drale de cette ville. Les travaux du Cabildo portĂšgne furent repris en 1731, sous la direction des maĂźtres-maçons Miguel Acosta et JuliĂĄn Preciado, mais furent de nouveau suspendus en 1732 par manque de financement. De la sorte, lâĂ©difice ne fut finalement livrĂ© que vers 1740.
En 1748, un groupe de charpentiers et de ferronniers, commandĂ© par Diego Cardoso, pourvut le Cabildo de portes et de grillages ; en raison de lâimpĂ©cuniositĂ© de la municipalitĂ©, on leur donna, pour salaire de leur travail, des barres de chocolat. En octobre 1763, lâon fit acquisition Ă Cadix dâune horloge destinĂ©e Ă ĂȘtre installĂ©e dans la tour du bĂątiment, et qui allait par son carillon troubler la quiĂ©tude de cette ville paisible, jusquâĂ ce que le gouverneur Bucarelli dĂ©cida en 1770 de la faire cesser de sonner.
La tour du Cabildo, Ă©lĂ©ment caractĂ©ristique des hĂŽtels de ville mĂ©diĂ©vaux, fut dĂ©clarĂ©e achevĂ©e en 1765, mais subira plus tard de profonds remaniements. En 1767, la prison fut agrandie vers lâarriĂšre du terrain, ce qui permit de sĂ©parer hommes et femmes. En fĂ©vrier 1779 eut lieu un Ă©vĂ©nement extraordinaire : la foudre en effet vint frapper la tour de lâĂ©difice (touchant directement, selon certaines versions, lâinscription « Casa de Justicia », en effaçant la syllabe « Jus »[8]) et endommagea gravement les mĂ©canismes de lâhorloge. En 1783, lâon termina la chapelle et fit ajouter plusieurs geĂŽles, et en 1794, le bĂątiment subit une rĂ©novation gĂ©nĂ©rale. La coursive de fer du premier Ă©tage fut posĂ©e fin XVIIIe.
En 1821, une dizaine dâannĂ©es aprĂšs la rĂ©volution de Mai, dont le Cabildo fut lâĂ©picentre, lâinstitution du cabildo colonial fut supprimĂ©e et, Ă partir de lâannĂ©e suivante, lâĂ©difice allait hĂ©berger les fors civils[9].
Le Cabildo se maintint sans modifications majeures tout au long des dĂ©cennies suivantes, cependant que lâhorloge, devenue vĂ©tuste, commençait de se dĂ©tĂ©riorer, Ă tel point quâen 1850, sous le gouvernorat de Juan Manuel de Rosas, un chroniqueur français dĂ©clara en maniĂšre de plaisanterie que le gouverneur venait dâordonner aux horlogers de la ville de rĂ©gler leurs pendules sur lâhorloge du Cabildo, quelle que fĂ»t lâheure indiquĂ©e par elle[10]. En 1860, cette horloge fut remplacĂ©e par une autre, acquise auprĂšs de la firme anglaise Thwaites & Reed, tandis que la vieille horloge espagnole Ă©tait transfĂ©rĂ©e Ă lâĂ©glise de Balvanera, oĂč elle fut plus tard remplacĂ©e par une autre encore, sans que lâon en sache davantage sur le sort qui lui a Ă©tĂ© finalement rĂ©servĂ©[11].
Remaniement de 1879
En 1879 dĂ©buta la mise en Ćuvre du projet visant Ă installer dans lâĂ©difice la Chambre civile, le pouvoir judiciaire argentin ne disposant pas encore en effet de son propre bĂątiment. Lâarchitecte Pedro Benoit dessina les plans dâun remaniement intĂ©gral : il exhaussa la tour dâune dizaine de mĂštres, la coiffa dâune coupole effilĂ©e couverte de carreaux de cĂ©ramique, dĂ©pouilla la toiture de ses tuiles traditionnelles, dota la galerie du premier Ă©tage dâune balustrade de pierre, borda la travĂ©e centrale de colonnes, et remodela lâensemble de la façade dans un sens italianisant.
Ainsi, par goĂ»t pour le style europĂ©en, Ă cĂŽtĂ© duquel lâarchitecture coloniale semblait pauvre et terne, le Cabildo de Buenos Aires fut-il dĂ©naturĂ©, perdant ses proportions et son authenticitĂ© : le style de lâinĂ©lĂ©gante nouvelle tour dĂ©tonnait Ă cĂŽtĂ© des arcades coloniales et des balustrades[11]. Cependant, cette situation nâallait perdurer que pendant une dĂ©cennie environ.
DĂ©molition et reconstruction
En 1889, pour permettre le percement de lâavenue de Mai, lâingĂ©nieur Juan Antonio Buschiazzo dut dĂ©molir les trois derniĂšres travĂ©es de lâaile nord du Cabildo. Dans le mĂȘme temps, la tour construite par Benoit fut dĂ©mantelĂ©e, au motif que son poids excessif mettait en pĂ©ril la stabilitĂ© de la construction. Par ces opĂ©rations, lâĂ©difice fut privĂ© de sa symĂ©trie frontale, jusquâĂ ce quâen aoĂ»t 1931, sous le gouvernement de facto du prĂ©sident JosĂ© FĂ©lix Uriburu, fĂ»t dĂ©cidĂ©e la dĂ©molition des trois derniĂšres arcades de lâaile sud, pour faire place Ă la nouvelle diagonale Julio A. Roca, nonobstant une protestation gĂ©nĂ©rale[7] - [11].
Ă lâoccasion de cette dĂ©molition partielle, lâintendant JosĂ© Guerrico dĂ©clara quâavait Ă©tĂ© par lĂ franchi « un pas vers la dĂ©molition totale du vĂ©tuste Ă©difice, qui devra disparaĂźtre le plus tĂŽt possible, car câest ce quâexige le progrĂšs de la ville » et sollicita le pouvoir exĂ©cutif national de cĂ©der le bĂątiment Ă la ville. Cependant, la campagne de presse contre le projet de dĂ©molition, emmenĂ©e par le journal La NaciĂłn, suscita une mobilisation publique dâune ampleur telle quâelle finit par faire abandonner le projet. Dans son Ă©dition dâaoĂ»t 1932, ledit journal affirma « quâaucun intĂ©rĂȘt ne saurait justifier la destruction du vestige historique le plus apprĂ©ciĂ© des Argentins » et dĂ©nonçait « lâengouement excessif pour lâopulence matĂ©rielle ». Ensuite, le 19 mai 1933, fut adoptĂ©e la loi n° 11688 (sur la base dâun projet de loi dĂ©posĂ© par Carlos Alberto PueyrredĂłn) prescrivant la restauration de la Salle de rĂ©union du Gouvernement patriote, premier gouvernement autonome du RĂo de la Plata. Ă partir de lĂ , et tout au long de la dĂ©cennie 1930, surgirent toutes sortes de projets visant Ă conserver le monument historique ou Ă lui confĂ©rer un aspect plus majestueux[7].
Le 28 avril 1938, le Pouvoir exĂ©cutif national crĂ©a la Commission nationale des musĂ©es et monuments historiques, laquelle prit un an plus tard ses quartiers dans le Cabildo Ă titre de siĂšge permanent. Cette commission confia Ă lâarchitecte Mario Buschiazzo la mission de restaurer la Salle capitulaire et les dĂ©pendances de lâĂ©tage. Pour y parvenir, Buschiazzo sâappuya sur les plans du projet de Benoit, et rĂ©ussit Ă restaurer les salles en novembre 1939, en mĂȘme temps que le premier Ă©tage. Pour reconstituer le reste du bĂątiment, il alla rĂ©cupĂ©rer les Ă©lĂ©ments originaux, dont la plupart se trouvaient au dĂ©pĂŽt municipal. Cependant, la principale difficultĂ© Ă©tait la façade arriĂšre, dont on nâavait gardĂ© aucun document, de sorte que lâon dĂ©cida de la reconstruire semblable Ă la façade avant. La tour fut rĂ©Ă©difiĂ©e en bĂ©ton armĂ© afin de pouvoir diffĂ©rencier les parties nouvelles dâavec celles anciennes, et lâon fixa sa taille Ă une hauteur plus rĂ©duite que celle de la tour Ă lâĂ©poque coloniale, attendu que, sans cela, elle serait apparue disproportionnĂ©e en regard de la largeur de seulement cinq travĂ©es que comporte le Cabildo aujourdâhui (en comparaison des onze travĂ©es anciennement)[7].
LâĂ©difice, entiĂšrement restaurĂ©, fut inaugurĂ© le 11 octobre 1940 et, si lâouvrage eut quelques critiques, il sâagissait lĂ de la premiĂšre restauration dâun monument historique national rĂ©alisĂ©e en Argentine dans une optique scientifique[7].
Le projet incluait lâamĂ©nagement, derriĂšre le bĂątiment, dâune place, quâoccupaient alors des brocanteurs ambulants de livres anciens, mais que ceux-ci furent priĂ©s dâĂ©vacuer en 1960, en vue du 150e anniversaire de la rĂ©volution de Mai et dans lâintention dây reconstituer une maison semblable Ă lâancienne demeure patricienne Altos de Riglos (construction coloniale Ă Ă©tage et balcon qui se dressait autrefois sur une parcelle jouxtant au nord le Cabildo sur la place de Mai) et dây façonner un patio colonial propre à « offrir une vision de jadis dans le centre mĂȘme de la Buenos Aires moderne »[7].
Un tronçon du mur de clĂŽture situĂ© Ă lâangle de la rue Yrigoyen fut modifiĂ© pour les besoins dâune nouvelle bouche de mĂ©tro (station BolĂvar), inaugurĂ©e en 1966.
Commission des musées
Lâarchitecte de renom Alejandro Bustillo conçut en 1960 les plans du siĂšge de la Commission nationale des musĂ©es et monuments et sites historiques, lâorganisme fĂ©dĂ©ral chargĂ© de lâadministration et de la prĂ©servation des musĂ©es et des monuments historiques dâArgentine. Le lieu destinĂ© Ă lâaccueillir Ă©tait la cour situĂ©e derriĂšre le Cabildo, qui avant la restauration de 1940 Ă©tait bordĂ©e de divers bureaux et annexes ajoutĂ©s Ă lâancien Ă©difice du Cabildo au moment oĂč celui-ci fut transformĂ© en siĂšge de la Chambre civile en 1879. Toutes ces constructions furent jetĂ©es Ă bas et Ă leur place fut ouvert au public le nouveau Patio del Cabildo, lequel comprend un passage piĂ©tonnier semi-public reliant lâavenue de Mai avec la rue Yrigoyen et sâagrĂ©mentant aujourdâhui dâun cafĂ©.
La Commission nationale des musĂ©es est une construction Ă Ă©tage, qui respecte le style sobre propre Ă lâarchitecture coloniale locale et qui a son entrĂ©e au n° 556 de lâavenue de Mai. La Commission y tient ses bureaux et y met en vente les ouvrages et brochures quâelle Ă©dite, traitant de sujets historiques et architecturaux.
Musée national du Cabildo
Le Cabildo hĂ©berge actuellement le MusĂ©e national du Cabildo et de la rĂ©volution de Mai, oĂč sont exposĂ©s tableaux, portraits, objets et bijoux du XVIIIe siĂšcle ; le bureau des impĂŽts ; lâimprimerie autrefois installĂ©e Ă lâinstigation du vice-roi VĂ©rtiz dans la maison des enfants abandonnĂ©s (dâoĂč le nom de Real Imprenta de Niños ExpĂłsitos que porte cette imprimerie) ; la plaque de cuivre et dâargent sculptĂ©e, dite lĂĄmina de Oruro, offerte au Cabildo par la ville dâOruro (dans lâactuelle Bolivie) Ă lâoccasion de la victoire de 1807 face aux Anglais ; et, dans la cour intĂ©rieure, la ferronnerie de 1835, qui faisait office autrefois de chĂąssis de puits prĂšs de la maison natale de Manuel Belgrano.
Notes et références
- Selon le TLF, alcade est le « nom donnĂ© autrefois Ă certains juges et magistrats qui occupaient des charges civiles et judiciaires correspondant Ă la fois Ă celles du juge de paix, du lieutenant de police et du maire », charges qui coĂŻncident donc grosso modo avec celles de lâalcalde du cabildo colonial. Au sens moderne, le mot espagnol alcalde a la mĂȘme signification que le mot français maire (ou bourgmestre).
- Compendio de Historia Argentina, p. 24. Ăditeur : CUP Archive.
- Hialmar Edmundo Gammalsson, Los pobladores de Buenos Aires y su descendencia, Municipalidad de la Ciudad de Buenos Aires, SecretarĂa de Cultura, Buenos Aires, 1980.
- JosĂ© GarcĂa Hamilton, Autoritarismo y la improductividad, Ă©d. Sudamericana, 2011. (ISBN 987-566-685-8), 9789875666856
- Macarena Perusset, Contrabando y Sociedad en el RĂo de la Plata Colonial, Editorial Dunken, 2006, p. 57 (ISBN 987-02-1996-9), 9789870219965
- Revista chilena de historia del derecho, p. 95-96. Ăditeur: Editorial JurĂdica de Chile.
- RamĂłn GutiĂ©rrez et Sonia Berjman, La Plaza de Mayo, escenario de la vida argentina, ColecciĂłn cuadernos del Ăguila, FundaciĂłn Banco de Boston, .
- Pastor Obligado : Tradiciones de Buenos Aires 1711-1861. Impr. del Congreso, Buenos Aires, 1896 (p.12).
- El edificio del Cabildo y sus reformas Blog Coronados de gloria.
- http://www.tyhturismo.com/data/noticias/colaboraciones/bruzera/argentina/cabildo.htm El Cabildo de Buenos Aires par Carlos Horacio Bruzera.
- Ăditorialistes, « ÂżCĂłmo era el edificio del Cabildo de Buenos Aires? », Ciencia Hoy, vol. 20, no 116,â (lire en ligne) Article consultable en entier dans la version papier.
- Trofeos de la Reconquista de la Ciudad de Buenos Aires en el Año 1806, Buenos Aires, LitografĂa, Imprenta y EncuadernaciĂłn de Guillermo Kraft, (lire en ligne)
Bibliographie
- Enrique GandĂa, « Federico Santa Coloma y la Batalla por el Cabildo », Buenos Aires: BoletĂn del Museo Social Argentino, vol. annĂ©e XLIX, no 351, avril-mai-juin,â , p. 193-204
- MarĂa Laura San Martino de Dromi, El Cabildo, Buenos Aires: Ciudad Argentina, , 39 p. (ISBN 950-9385-82-4)
- RaĂșl Piccioni, « El pueblo quiere saber de quĂ© se trata », Viva, no 1845. Ădition 23.608. 11 septembre,â , p. 128-129. (ISSN 1514-9668)
Liens externes
- Site internet du musée du Cabildo
- Protectores y Amigos del Cabildo de Buenos Aires
- Promenade virtuelle dans le Cabildo de Buenos Aires â Balades dans Buenos Aires â Quartier de Montserrat
- BrÚve histoire de la construction et des remaniements et la polémique non encore close sur la propriété du bùtiment Academia de Historia de la Ciudad de Buenos Aires
- El Cabildo en 1925 (plans et reconstitution 3D en cours)
- El Cabildo por dentro Buenos Aires Ăntimo
- Collection de photographies du Cabildo Historia Digital - Enciclopedia FotogrĂĄfica