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Cabildo de Buenos Aires

Le cabildo de Buenos Aires est un Ă©difice historique, pour partie vestige et pour partie reconstitution d’un ancien bĂątiment de mĂȘme nom, situĂ© sur la place de Mai, dans le centre historique de la capitale argentine.

Musée historique national
du Cabildo et de la
révolution de Mai
Cabildo de Buenos Aires
Le Cabildo de Buenos Aires,
façade principale sur la place de Mai.
Présentation
Type
Cabildo colonial
Destination initiale
Mairie de Buenos Aires
Destination actuelle
Musée
Style
Baroque de type lombard
Architecte
Andrés Blanqui (projet originel de 1725)
Mario Buschiazzo (reconstitution de 1940)
Construction
1751 (originel),
1940 (actuel)
Hauteur
33 m (tour, hauteur actuelle)
Propriétaire
Gouvernement argentin
Patrimonialité
Monument national argentin
Site web
Localisation
Pays
Commune
Adresse
Coordonnées
34° 36â€Č 32″ S, 58° 22â€Č 26″ O
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Autrefois, le terme cabildo de Buenos Aires dĂ©signait la mairie, c’est-Ă -dire le corps exĂ©cutif municipal de la ville, incarnation locale d’une institution politique spĂ©cifiquement coloniale qui, Ă  Buenos Aires, resta en vigueur de la fondation de la ville en 1580 jusqu’à sa suppression en 1821. Actuellement, ce mĂȘme terme se rĂ©fĂšre uniquement Ă  l’édifice qui hĂ©bergea cette institution et qui, dĂ©clarĂ© monument historique national en 1933, abrite aujourd’hui, aprĂšs d’importantes modifications dans sa structure, le MusĂ©e historique national du Cabildo et de la rĂ©volution de Mai (en esp. Museo HistĂłrico Nacional del Cabildo y de la RevoluciĂłn de Mayo).

Le cabildo de Buenos Aires fut le thĂ©Ăątre principal de la rĂ©volution de Mai de 1810, qui entraĂźna la destitution du vice-roi espagnol Baltasar Hidalgo de Cisneros et Ă  laquelle s’enchaĂźna ensuite la longue guerre aboutissant Ă  l’indĂ©pendance des Provinces-Unies du RĂ­o de la Plata.

Le bĂątiment du cabildo est sis au n° 65 de la calle BolĂ­var, oĂč il occupe une parcelle de terrain qui lui fut jadis assignĂ©e par le fondateur de la ville, Juan de Garay, et fait face Ă  la place de Mai, le site originel et fondateur de la ville. ÉrigĂ© dans la premiĂšre moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle, il fit l’objet de multiples remaniements au cours de son histoire, Ă©chappa de justesse Ă  la dĂ©molition totale dans les annĂ©es 1930, et ne prit son aspect actuel qu’en 1940.

Le cabildo comme institution coloniale

Le cabildo de Buenos Aires, Ă  l’égal des autres cabildos existant en AmĂ©rique espagnole, avait Ă  l’origine des compĂ©tences judiciaires et d’administration municipale. Les alcades[1] ordinaires (‘alcaldes ordinarios’) du cabildo rendaient la justice de premiĂšre instance en matiĂšre civile et criminelle, tandis que les regidores (Ă©chevins) et d’autres fonctionnaires s’occupaient des divers aspects de la gestion communale, tels que la salubritĂ©, l’embellissement et l’approvisionnement de la ville et de la zone environnante. Le cabildo dĂ©tenait Ă©galement quelques compĂ©tences politiques, Ă©tant donnĂ© que jusqu’à ce que fut crĂ©Ă© en 1716 le poste de teniente del rey (lieutenant, supplĂ©ant du roi), les alcaldes ordinarios pouvaient ĂȘtre amenĂ©s Ă  supplĂ©er temporairement au gouverneur[2]. Le cabildo pouvait, pour dĂ©fendre ses intĂ©rĂȘts, dĂ©pĂȘcher des procureurs en Espagne ou s’adresser au roi par missive.

Usant de ses prérogatives de fondateur de la ville, Juan de Garay designa le 11 juin 1580 les premiers alcaldes ordinarios ainsi que six regidores[3] :

  • Alcaldes ordinarios : Rodrigo Ortiz de ZĂĄrate et Gonzalo Martel de GuzmĂĄn ;
  • Regidores : Pedro de QuirĂłs, Diego de Olavarrieta, Antonio BermĂșdez, LuĂ­s GaytĂĄn, Rodrigo de Ibarrola, et Alonso de Escobar :
  • Procureur : Juan FernĂĄndez de Enciso.
Le cabildo ouvert du 22 mai 1810. Tableau de Pedro Subercaseaux.

À l’issue de leur mandat, chaque 24 juin (ou, Ă  partir du dĂ©but du XVIIe siĂšcle, tous les 1er janvier), les alcaldes et regidores sortants Ă©lisaient leurs successeurs, Ă©tant entendu qu’on ne pouvait ĂȘtre Ă©lu une nouvelle fois avant deux ans passĂ©s et qu’il y avait lieu d’obtenir l’aval du gouverneur. En 1591, le roi ordonna que les postes mineurs du fonctionnariat municipal pouvaient s’acquĂ©rir en vente publique — qui normalement avait lieu Ă  PotosĂ­ — et ĂȘtre ensuite occupĂ©s Ă  vie ou transfĂ©rĂ©s Ă  des tiers ; en 1607, Bernardo de LeĂłn fut le premier Ă  se procurer ainsi une charge — celle de dĂ©positaire gĂ©nĂ©ral —, qu’il exercera ensuite pendant 30 ans[4]. UltĂ©rieurement, le roi ordonna que les fonctions de regidores et d’autres offices sans compĂ©tences judiciaires fussent Ă©galement vendues, Ă  la faveur de quoi Juan de Vergara acheta en 1617 les 6 charges de regidor pour les distribuer ensuite entre les membres de sa famille. À partir de cette date, les Ă©lections ne se tenaient plus que pour nommer les deux alcades ordinaires, l’alfĂ©rez royal et les alcaldes de hermandad ; cependant, faute de candidats, il advenait souvent que des postes restassent vacants, ce qui porta Ă  partir de 1663 la Real Audiencia Ă  donner les charges en location pour un an[5]. En 1705, l’on rĂ©tablit l’élection des regidores, en faisant alterner annuellement regidores Ă©lus et regidores nommĂ©s Ă  vie, moyennant qu’ils fussent confirmĂ©s par le gouverneur, lequel Ă©tait le prĂ©sident du cabildo. Entre 1785 et 1799, les alcades ordinaires avaient un mandat de deux ans, l’un des deux devant ĂȘtre renouvelĂ© chaque annĂ©e, et en 1786 furent supprimĂ©s les regidores Ă  vie, tandis que le syndic procureur allait dĂ©sormais aussi faire partie du cabildo[6].

Seuls pouvaient ĂȘtre membres du cabildo et voter lors des cabildos ouverts ceux parmi les citadins qui Ă©taient des rĂ©sidents permanents de la ville, possĂ©daient quelque propriĂ©tĂ©, avaient de la famille et vaquaient Ă  une occupation « non vile ». À l'alcade ordinaire de premier vote incombaient les missions d’un juge en matiĂšre civile, Ă  celui de second vote les missions de juge en matiĂšre pĂ©nale, tandis que les alcades de confrĂ©rie (‘alcaldes de hermandad’) rendaient la justice Ă  la campagne. Les regidores constituaient ensemble le collĂšge des Ă©chevins (regimiento), Ă©taient Ă©lus et votaient selon un ordre dĂ©terminĂ©. La fonction d’alfĂ©rez real, habilitĂ© Ă  porter l’étendard du roi, reprĂ©sentait le plus grand honneur et pouvait se cumuler avec un autre poste. D’autres fonctionnaires Ă©taient Ă©lus par le cabildo entrant, parmi lesquels le fiel ejecutor, l’alguacil mayor, le majordome et le syndic procureur. Le trĂ©sorier et le comptable Ă©taient des officiers royaux.

En 1821, le gouverneur de Buenos Aires, MartĂ­n RodrĂ­guez, dĂ©cida l’abolition du cabildo de Buenos Aires.

Histoire de l’édifice

PremiĂšre photographie du Cabildo originel, prise en 1852. Il Ă©tait alors encore dotĂ© de l’horloge espagnole de 1763, et prĂ©sentait le blason national sur la façade. Noter la position ― relativement proche encore du Cabildo ― de la pyramide de Mai, laquelle a Ă©tĂ© depuis dĂ©placĂ©e vers le centre de la place.
Le bĂątiment du Cabildo en 1864, pourvu dĂ©sormais de l’horloge anglaise, et la place de Mai arborĂ©e de lilas de Perse. Remarquer que la pyramide de Mai, quoique dĂ©jĂ  ornĂ©e de bas-reliefs et d’une sculpture, se trouve encore beaucoup plus prĂšs du Cabildo qu’actuellement.

Lorsque, en 1580, Juan de Garay fonda dĂ©finitivement la ville de Buenos Aires, la modestie de ce nouveau foyer de peuplement Ă©tait telle que l’on s’abstint tout d’abord de construire un bĂątiment pour y abriter la mairie ; les rĂ©unions du conseil municipal se dĂ©roulaient donc au domicile des habitants, et les prisonniers Ă©taient enfermĂ©s dans le logis mĂȘme des fonctionnaires du cabildo.

En cĂ©dant au Cabildo l’une des constructions du fort, afin qu’elle servĂźt de salle capitulaire, le gouverneur Hernandarias permit Ă  la municipalitĂ© de disposer pour la premiĂšre fois de ses propres locaux et ordonna plus tard d’édifier un four Ă  briques en vue de la future rĂ©alisation d’un bĂątiment Ă  l’usage propre du cabildo.

PremiĂšre construction

Le 3 mars 1608, l’alcade Manuel de FrĂ­as souligna la nĂ©cessitĂ© de construire un cabildo ; le 30 juin de la mĂȘme annĂ©e, Hernandarias communiqua que les travaux avaient commencĂ©. La parcelle de terrain destinĂ©e au nouvel Ă©difice avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© assignĂ©e par Garay en 1580. En rĂ©alitĂ©, ce terrain, situĂ© sur la Grand’Place (Plaza Mayor, ancien nom de la place de Mai), avait Ă©tĂ© choisi Ă  l’encontre des lois des Indes, qui prescrivaient que le cabildo devait se trouver entre la Plaza Mayor et le temple, et jouxter les Maisons royales (‘Casas Reales’) et la douane, c'est-Ă -dire dans un lieu plus Ă©loignĂ© [7].

L’ouvrage fut financĂ© par de nouveaux impĂŽts sur les vaisseaux entrant et sortant du port de Buenos Aires.

La construction des deux humbles piĂšces (la salle capitulaire et la prison) fut Ă  charge du maĂźtre d’ouvrage Juan MĂ©ndez, tandis que Hernando de la Cueva se chargeait de la charpente, Pedro RamĂ­rez des portes et fenĂȘtres, Hernando Álvarez du plafonnage et des crĂ©pis, et des couvreurs brĂ©siliens de la toiture[7].

Les travaux se terminĂšrent vers 1610, encore que peu de temps aprĂšs eĂ»t dĂ©jĂ  lieu le premier d’une sĂ©rie de remaniements de sa structure originelle, dont le dernier sera exĂ©cutĂ© 200 ans plus tard.

En 1612, les maisons du Cabildo, incluant un terrain et des locaux destinĂ©s Ă  ĂȘtre donnĂ©s en location, purent ĂȘtre livrĂ©s. AprĂšs seulement deux ans, en raison du nombre de dĂ©tenus logĂ©s, le cabildo apparut trop exigu et dut ĂȘtre vouĂ© entiĂšrement Ă  sa seule fonction de prison, en raison de quoi les rĂ©unions des autoritĂ©s municipales durent se tenir au logis du gouverneur et, plus tard, Ă  nouveau dans le fort.

L’entretien de l’édifice ayant laissĂ© Ă  dĂ©sirer pendant de longues annĂ©es, il se trouva bientĂŽt fort dĂ©labrĂ©. DĂšs 1632, ce cabildo primitif commença Ă  menacer ruine, motivant la construction d’un nouveau, laquelle construction ne dĂ©buta qu’en 1635 et, par manque de fonds, s’étala sur plus de cinq ans.

En mai 1682, les autoritĂ©s proposĂšrent d’édifier un bĂątiment de deux niveaux, lequel comporterait :

  • Ă  l’étage : la salle capitulaire et les archives ;
  • au rez-de-chaussĂ©e : la prison pour personnes privilĂ©giĂ©es, des geĂŽles communes pour les hommes et d’autres pour les femmes, un local pour les surveillants, et des bureaux pour les juges et les greffiers.

Cependant, ce projet ne se concrĂ©tisa pas, la ville se cantonnant Ă  entretenir le vieil Ă©difice, pourtant de plus en plus insuffisant Ă  mesure que s’accroissait la population.

DeuxiĂšme construction

En 1711, la Couronne donna son assentiment Ă  la rĂ©alisation d’une construction plus solide.

Le 23 juillet 1725, aprĂšs qu’eut d’abord Ă©tĂ© rejetĂ© en 1722 un projet de l’ingĂ©nieur Domingo Petrarca, projet jugĂ© trop coĂ»teux, l’on commença la construction du nouvel Ă©difice, selon les plans des architectes jĂ©suites Italiens Andrea Bianchi (dont le nom fut hispanisĂ© dans la colonie en AndrĂ©s Blanqui) et Giovanni Battista Primoli. À l’origine, le projet conçu par Primoli prĂ©voyait un plan en U composĂ© d’une enfilade de piĂšces, mais c’est Ă  Blanqui que revint la conception de la partie la plus notoire du bĂątiment, la façade. Blanqui Ă©tant d’origine lombarde, l’architecture de la façade apparaĂźt ― si l’on en croit les Ă©tudes faites au XXe siĂšcle par Dalmasio SobrĂłn ― plus redevable au baroque de Lombardie, oĂč prĂ©valait une tradition maniĂ©riste, qu’à celui typique de l’Espagne ; en outre, Blanqui s’inspirait davantage des thĂ©oriciens italiens du XVIe siĂšcle, tels que Palladio, Serlio et Vignola, ceci expliquant pourquoi, en dĂ©pit de l’allure gĂ©nĂ©rale assez austĂšre de l’édifice, Blanqui intĂ©gra, dans le cabildo portĂšgne, l’arc dit albertien, lequel arc reprend le motif de l’arc de triomphe romain, avec cette particularitĂ© toutefois qu’il se prĂ©sente, dans le cas du Cabildo, dupliquĂ© sur deux Ă©tages, Ă  savoir au centre de la galerie supĂ©rieure, qui ouvre sur le balcon, et au centre de la galerie infĂ©rieure. D’autres Ă©lĂ©ments issus de la tradition lombarde sont les pilastres toscans, gĂ©minĂ©s de façon Ă  former des niches ; si ces niches, contrairement Ă  la tradition italienne, n’ont jamais logĂ© de sculptures, il reste que les pilastres contribuent Ă  articuler dĂ©corativement le plan de la façade. Un autre Ă©lĂ©ment encore du baroque lombard est la corniche incurvĂ©e de la travĂ©e d’accĂšs, semblable Ă  celle de l’église Santa Maria dei Ghirli Ă  Campione d’Italia, sur la rive du lac de Lugano, dans le nord de l'Italie.

En 1728, la construction fut pour un temps retardĂ©e par le dĂ©part des architectes pour la ville (actuellement argentine) de CĂłrdoba, oĂč ils devaient se consacrer Ă  la poursuite des travaux Ă  la cathĂ©drale de cette ville. Les travaux du Cabildo portĂšgne furent repris en 1731, sous la direction des maĂźtres-maçons Miguel Acosta et JuliĂĄn Preciado, mais furent de nouveau suspendus en 1732 par manque de financement. De la sorte, l’édifice ne fut finalement livrĂ© que vers 1740.

En 1748, un groupe de charpentiers et de ferronniers, commandĂ© par Diego Cardoso, pourvut le Cabildo de portes et de grillages ; en raison de l’impĂ©cuniositĂ© de la municipalitĂ©, on leur donna, pour salaire de leur travail, des barres de chocolat. En octobre 1763, l’on fit acquisition Ă  Cadix d’une horloge destinĂ©e Ă  ĂȘtre installĂ©e dans la tour du bĂątiment, et qui allait par son carillon troubler la quiĂ©tude de cette ville paisible, jusqu’à ce que le gouverneur Bucarelli dĂ©cida en 1770 de la faire cesser de sonner.

La tour du Cabildo, Ă©lĂ©ment caractĂ©ristique des hĂŽtels de ville mĂ©diĂ©vaux, fut dĂ©clarĂ©e achevĂ©e en 1765, mais subira plus tard de profonds remaniements. En 1767, la prison fut agrandie vers l’arriĂšre du terrain, ce qui permit de sĂ©parer hommes et femmes. En fĂ©vrier 1779 eut lieu un Ă©vĂ©nement extraordinaire : la foudre en effet vint frapper la tour de l’édifice (touchant directement, selon certaines versions, l’inscription « Casa de Justicia », en effaçant la syllabe « Jus »[8]) et endommagea gravement les mĂ©canismes de l’horloge. En 1783, l’on termina la chapelle et fit ajouter plusieurs geĂŽles, et en 1794, le bĂątiment subit une rĂ©novation gĂ©nĂ©rale. La coursive de fer du premier Ă©tage fut posĂ©e fin XVIIIe.

En 1821, une dizaine d’annĂ©es aprĂšs la rĂ©volution de Mai, dont le Cabildo fut l’épicentre, l’institution du cabildo colonial fut supprimĂ©e et, Ă  partir de l’annĂ©e suivante, l’édifice allait hĂ©berger les fors civils[9].

Le Cabildo se maintint sans modifications majeures tout au long des dĂ©cennies suivantes, cependant que l’horloge, devenue vĂ©tuste, commençait de se dĂ©tĂ©riorer, Ă  tel point qu’en 1850, sous le gouvernorat de Juan Manuel de Rosas, un chroniqueur français dĂ©clara en maniĂšre de plaisanterie que le gouverneur venait d’ordonner aux horlogers de la ville de rĂ©gler leurs pendules sur l’horloge du Cabildo, quelle que fĂ»t l’heure indiquĂ©e par elle[10]. En 1860, cette horloge fut remplacĂ©e par une autre, acquise auprĂšs de la firme anglaise Thwaites & Reed, tandis que la vieille horloge espagnole Ă©tait transfĂ©rĂ©e Ă  l’église de Balvanera, oĂč elle fut plus tard remplacĂ©e par une autre encore, sans que l’on en sache davantage sur le sort qui lui a Ă©tĂ© finalement rĂ©servĂ©[11].

Remaniement de 1879

Le Cabildo, la pyramide de Mai et l’église Saint-Ignace (Ă  gauche), 1867.

En 1879 dĂ©buta la mise en Ɠuvre du projet visant Ă  installer dans l’édifice la Chambre civile, le pouvoir judiciaire argentin ne disposant pas encore en effet de son propre bĂątiment. L’architecte Pedro Benoit dessina les plans d’un remaniement intĂ©gral : il exhaussa la tour d’une dizaine de mĂštres, la coiffa d’une coupole effilĂ©e couverte de carreaux de cĂ©ramique, dĂ©pouilla la toiture de ses tuiles traditionnelles, dota la galerie du premier Ă©tage d’une balustrade de pierre, borda la travĂ©e centrale de colonnes, et remodela l’ensemble de la façade dans un sens italianisant.

Ainsi, par goĂ»t pour le style europĂ©en, Ă  cĂŽtĂ© duquel l’architecture coloniale semblait pauvre et terne, le Cabildo de Buenos Aires fut-il dĂ©naturĂ©, perdant ses proportions et son authenticitĂ© : le style de l’inĂ©lĂ©gante nouvelle tour dĂ©tonnait Ă  cĂŽtĂ© des arcades coloniales et des balustrades[11]. Cependant, cette situation n’allait perdurer que pendant une dĂ©cennie environ.

DĂ©molition et reconstruction

Le Cabildo avec sa décoration italianisante et son éphémÚre tour à trois niveaux, en 1879.

En 1889, pour permettre le percement de l’avenue de Mai, l’ingĂ©nieur Juan Antonio Buschiazzo dut dĂ©molir les trois derniĂšres travĂ©es de l’aile nord du Cabildo. Dans le mĂȘme temps, la tour construite par Benoit fut dĂ©mantelĂ©e, au motif que son poids excessif mettait en pĂ©ril la stabilitĂ© de la construction. Par ces opĂ©rations, l’édifice fut privĂ© de sa symĂ©trie frontale, jusqu’à ce qu’en aoĂ»t 1931, sous le gouvernement de facto du prĂ©sident JosĂ© FĂ©lix Uriburu, fĂ»t dĂ©cidĂ©e la dĂ©molition des trois derniĂšres arcades de l’aile sud, pour faire place Ă  la nouvelle diagonale Julio A. Roca, nonobstant une protestation gĂ©nĂ©rale[7] - [11].

Aspect du Cabildo tel qu’amputĂ© par les dĂ©molitions partielles de 1889, dotĂ© encore de sa robe italianisante, mais dĂ©pourvu dĂ©jĂ  de sa tour, vers 1930. L’on n’avait pas encore dĂ©mantelĂ© une partie de l’aile mĂ©ridionale pour ouvrir la Diagonale sud.

À l’occasion de cette dĂ©molition partielle, l’intendant JosĂ© Guerrico dĂ©clara qu’avait Ă©tĂ© par lĂ  franchi « un pas vers la dĂ©molition totale du vĂ©tuste Ă©difice, qui devra disparaĂźtre le plus tĂŽt possible, car c’est ce qu’exige le progrĂšs de la ville » et sollicita le pouvoir exĂ©cutif national de cĂ©der le bĂątiment Ă  la ville. Cependant, la campagne de presse contre le projet de dĂ©molition, emmenĂ©e par le journal La NaciĂłn, suscita une mobilisation publique d’une ampleur telle qu’elle finit par faire abandonner le projet. Dans son Ă©dition d’aoĂ»t 1932, ledit journal affirma « qu’aucun intĂ©rĂȘt ne saurait justifier la destruction du vestige historique le plus apprĂ©ciĂ© des Argentins » et dĂ©nonçait « l’engouement excessif pour l’opulence matĂ©rielle ». Ensuite, le 19 mai 1933, fut adoptĂ©e la loi n° 11688 (sur la base d’un projet de loi dĂ©posĂ© par Carlos Alberto PueyrredĂłn) prescrivant la restauration de la Salle de rĂ©union du Gouvernement patriote, premier gouvernement autonome du RĂ­o de la Plata. À partir de lĂ , et tout au long de la dĂ©cennie 1930, surgirent toutes sortes de projets visant Ă  conserver le monument historique ou Ă  lui confĂ©rer un aspect plus majestueux[7].

Le 28 avril 1938, le Pouvoir exĂ©cutif national crĂ©a la Commission nationale des musĂ©es et monuments historiques, laquelle prit un an plus tard ses quartiers dans le Cabildo Ă  titre de siĂšge permanent. Cette commission confia Ă  l’architecte Mario Buschiazzo la mission de restaurer la Salle capitulaire et les dĂ©pendances de l’étage. Pour y parvenir, Buschiazzo s’appuya sur les plans du projet de Benoit, et rĂ©ussit Ă  restaurer les salles en novembre 1939, en mĂȘme temps que le premier Ă©tage. Pour reconstituer le reste du bĂątiment, il alla rĂ©cupĂ©rer les Ă©lĂ©ments originaux, dont la plupart se trouvaient au dĂ©pĂŽt municipal. Cependant, la principale difficultĂ© Ă©tait la façade arriĂšre, dont on n’avait gardĂ© aucun document, de sorte que l’on dĂ©cida de la reconstruire semblable Ă  la façade avant. La tour fut rĂ©Ă©difiĂ©e en bĂ©ton armĂ© afin de pouvoir diffĂ©rencier les parties nouvelles d’avec celles anciennes, et l’on fixa sa taille Ă  une hauteur plus rĂ©duite que celle de la tour Ă  l’époque coloniale, attendu que, sans cela, elle serait apparue disproportionnĂ©e en regard de la largeur de seulement cinq travĂ©es que comporte le Cabildo aujourd’hui (en comparaison des onze travĂ©es anciennement)[7].

Travaux de reconstruction du Cabildo colonial en 1940. On note sur la photo, au centre, l’armature de puits en fer forgĂ© qui appartint Ă  la famille de Rosas et sera bientĂŽt installĂ©e dans la nouvelle cour intĂ©rieure (photo : AGNA).
Le Cabildo restauré à son aspect actuel, en 1950.

L’édifice, entiĂšrement restaurĂ©, fut inaugurĂ© le 11 octobre 1940 et, si l’ouvrage eut quelques critiques, il s’agissait lĂ  de la premiĂšre restauration d’un monument historique national rĂ©alisĂ©e en Argentine dans une optique scientifique[7].

Le projet incluait l’amĂ©nagement, derriĂšre le bĂątiment, d’une place, qu’occupaient alors des brocanteurs ambulants de livres anciens, mais que ceux-ci furent priĂ©s d’évacuer en 1960, en vue du 150e anniversaire de la rĂ©volution de Mai et dans l’intention d’y reconstituer une maison semblable Ă  l’ancienne demeure patricienne Altos de Riglos (construction coloniale Ă  Ă©tage et balcon qui se dressait autrefois sur une parcelle jouxtant au nord le Cabildo sur la place de Mai) et d’y façonner un patio colonial propre Ă  « offrir une vision de jadis dans le centre mĂȘme de la Buenos Aires moderne »[7].

Un tronçon du mur de clĂŽture situĂ© Ă  l’angle de la rue Yrigoyen fut modifiĂ© pour les besoins d’une nouvelle bouche de mĂ©tro (station BolĂ­var), inaugurĂ©e en 1966.

Commission des musées

Vue sur la cour intérieure et sur la façade arriÚre du Cabildo, tels que réfaçonnés en 1960.

L’architecte de renom Alejandro Bustillo conçut en 1960 les plans du siĂšge de la Commission nationale des musĂ©es et monuments et sites historiques, l’organisme fĂ©dĂ©ral chargĂ© de l’administration et de la prĂ©servation des musĂ©es et des monuments historiques d’Argentine. Le lieu destinĂ© Ă  l’accueillir Ă©tait la cour situĂ©e derriĂšre le Cabildo, qui avant la restauration de 1940 Ă©tait bordĂ©e de divers bureaux et annexes ajoutĂ©s Ă  l’ancien Ă©difice du Cabildo au moment oĂč celui-ci fut transformĂ© en siĂšge de la Chambre civile en 1879. Toutes ces constructions furent jetĂ©es Ă  bas et Ă  leur place fut ouvert au public le nouveau Patio del Cabildo, lequel comprend un passage piĂ©tonnier semi-public reliant l’avenue de Mai avec la rue Yrigoyen et s’agrĂ©mentant aujourd’hui d’un cafĂ©.

La Commission nationale des musĂ©es est une construction Ă  Ă©tage, qui respecte le style sobre propre Ă  l’architecture coloniale locale et qui a son entrĂ©e au n° 556 de l’avenue de Mai. La Commission y tient ses bureaux et y met en vente les ouvrages et brochures qu’elle Ă©dite, traitant de sujets historiques et architecturaux.

Étendard du 71e rĂ©giment de Highlanders, capturĂ© lors de la premiĂšre offensive anglaise contre le RĂ­o de la Plata en 1806 et exposĂ© au public comme trophĂ©e de guerre au MusĂ©e historique national du Cabildo et de la rĂ©volution de Mai[12].

Musée national du Cabildo

Le Cabildo hĂ©berge actuellement le MusĂ©e national du Cabildo et de la rĂ©volution de Mai, oĂč sont exposĂ©s tableaux, portraits, objets et bijoux du XVIIIe siĂšcle ; le bureau des impĂŽts ; l’imprimerie autrefois installĂ©e Ă  l’instigation du vice-roi VĂ©rtiz dans la maison des enfants abandonnĂ©s (d’oĂč le nom de Real Imprenta de Niños ExpĂłsitos que porte cette imprimerie) ; la plaque de cuivre et d’argent sculptĂ©e, dite lĂĄmina de Oruro, offerte au Cabildo par la ville d’Oruro (dans l’actuelle Bolivie) Ă  l’occasion de la victoire de 1807 face aux Anglais ; et, dans la cour intĂ©rieure, la ferronnerie de 1835, qui faisait office autrefois de chĂąssis de puits prĂšs de la maison natale de Manuel Belgrano.

Notes et références

  1. Selon le TLF, alcade est le « nom donnĂ© autrefois Ă  certains juges et magistrats qui occupaient des charges civiles et judiciaires correspondant Ă  la fois Ă  celles du juge de paix, du lieutenant de police et du maire », charges qui coĂŻncident donc grosso modo avec celles de l’alcalde du cabildo colonial. Au sens moderne, le mot espagnol alcalde a la mĂȘme signification que le mot français maire (ou bourgmestre).
  2. Compendio de Historia Argentina, p. 24. Éditeur : CUP Archive.
  3. Hialmar Edmundo Gammalsson, Los pobladores de Buenos Aires y su descendencia, Municipalidad de la Ciudad de Buenos Aires, SecretarĂ­a de Cultura, Buenos Aires, 1980.
  4. José García Hamilton, Autoritarismo y la improductividad, éd. Sudamericana, 2011. (ISBN 987-566-685-8), 9789875666856
  5. Macarena Perusset, Contrabando y Sociedad en el RĂ­o de la Plata Colonial, Editorial Dunken, 2006, p. 57 (ISBN 987-02-1996-9), 9789870219965
  6. Revista chilena de historia del derecho, p. 95-96. Éditeur: Editorial Jurídica de Chile.
  7. Ramón Gutiérrez et Sonia Berjman, La Plaza de Mayo, escenario de la vida argentina, Colección cuadernos del Águila, Fundación Banco de Boston, .
  8. Pastor Obligado : Tradiciones de Buenos Aires 1711-1861. Impr. del Congreso, Buenos Aires, 1896 (p.12).
  9. El edificio del Cabildo y sus reformas Blog Coronados de gloria.
  10. http://www.tyhturismo.com/data/noticias/colaboraciones/bruzera/argentina/cabildo.htm El Cabildo de Buenos Aires par Carlos Horacio Bruzera.
  11. Éditorialistes, « ÂżCĂłmo era el edificio del Cabildo de Buenos Aires? », Ciencia Hoy, vol. 20, no 116,‎ (lire en ligne) Article consultable en entier dans la version papier.
  12. Trofeos de la Reconquista de la Ciudad de Buenos Aires en el Año 1806, Buenos Aires, Litografía, Imprenta y Encuadernación de Guillermo Kraft, (lire en ligne)

Bibliographie

  • Enrique GandĂ­a, « Federico Santa Coloma y la Batalla por el Cabildo », Buenos Aires: BoletĂ­n del Museo Social Argentino, vol. annĂ©e XLIX, no 351, avril-mai-juin,‎ , p. 193-204
  • MarĂ­a Laura San Martino de Dromi, El Cabildo, Buenos Aires: Ciudad Argentina, , 39 p. (ISBN 950-9385-82-4)
  • RaĂșl Piccioni, « El pueblo quiere saber de quĂ© se trata », Viva, no 1845. Édition 23.608. 11 septembre,‎ , p. 128-129. (ISSN 1514-9668)

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