Baltasar Hidalgo de Cisneros
Baltasar Hidalgo de Cisneros (CarthagĂšne (Espagne), â id., 1829[1]) Ă©tait un officier de marine et administrateur colonial espagnol. Il sâĂ©leva jusquâau grade dâamiral et fut le dernier vice-roi de la vice-royautĂ© du RĂo de la Plata ayant pouvoir effectif sur tout le territoire de ladite vice-royautĂ© ; celui qui fut dĂ©signĂ© son successeur par le Conseil de rĂ©gence dâEspagne et des Indes, Francisco Javier de ElĂo, ne parvint Ă gouverner, durant lâannĂ©e 1811, que la seule ville de Montevideo.
Baltasar Hidalgo de Cisneros | |
Baltasar Hidalgo de Cisneros. | |
Titre | |
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Vice-roi du RĂo de la Plata | |
â (10 mois et 25 jours) |
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Monarque | Joseph-Napoléon Ier |
Prédécesseur | Jacques de Liniers |
Successeur | Francisco Javier de ElĂo |
Biographie | |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | CarthagĂšne |
Date de décÚs | (à 73 ans) |
Lieu de décÚs | CarthagÚne |
Nationalité | Royaume d'Espagne |
Profession | Militaire |
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Vice-roi du RĂo de la Plata | |
CarriĂšre militaire
Issu dâune famille d'Ă©minents officiers de marine, fils de Francisco Hidalgo de Cisneros y Seijas, lieutenant-gĂ©nĂ©ral de la Real Armada, il embrassa dĂšs le jeune Ăąge la carriĂšre navale, sâenrĂŽlant en 1770 dans la Compagnie royale des Gardes maritimes[2].
En 1780, commandant la corvette Flecha, il rĂ©ussit Ă capturer deux navires corsaires britanniques, le Rodney et le Nimbre. LâannĂ©e suivante, se trouvant au commandement de la frĂ©gate Santa BĂĄrbara, il parvint Ă sâemparer de quatre autres navires corsaires, britanniques Ă©galement[3]. Dans les annĂ©es qui suivirent, il prit part Ă une expĂ©dition Ă Alger et fut Ă©levĂ©, pour sa participation Ă la dĂ©fense de Cadix contre le blocus anglais, au grade de brigadier. Au dĂ©but du XIXe siĂšcle, bien que destinĂ© Ă rejoindre lâĂ©tat-major de la marine espagnole, il prit le parti, Ă la fin de 1804, de sâincorporer dans lâescadre qui, Ă Cadix, allait sâunir Ă la flotte française en vue de la bataille dĂ©cisive contre la Grande-Bretagne[2].
En 1805 donc, il lutta contre les Anglais dans la bataille de Trafalgar et fut, parmi les marins espagnols engagĂ©s dans la bataille, lâun de ceux qui sâillustrĂšrent particuliĂšrement par leur conduite. DotĂ© du rang de gĂ©nĂ©ral et de chef dâescadre, il combattit sur le vaisseau SantĂsima Trinidad, qui Ă©tait le plus grand des navires qui participaient Ă la bataille, et qui intervint dans un des Ă©pisodes les plus intenses de celle-ci. De ces faits dâarmes, il garda un certain degrĂ© de surditĂ© Ă la suite d'un coup reçu lorsque le grand mĂąt de son navire sâabattit sur lui[2].
Trafalgar fut sa derniĂšre prestation proprement navale. Il participa ensuite, en tant que vice-prĂ©sident de la Junte de CarthagĂšne, chargĂ© de la dĂ©fense de la ville, Ă la rĂ©sistance contre lâinvasion française de lâEspagne en prenant le commandement du port de CarthagĂšne, un des ports de guerre les plus importants du pays.
Vice-royautĂ© du RĂo de la Plata
En 1809, la Junte suprĂȘme de SĂ©ville le nomma vice-roi du RĂo de la Plata, en remplacement de Jacques de Liniers. Sa mission principale Ă©tait de restaurer lâautoritĂ© vice-royale, Ă©cornĂ©e par les dissensions entre son prĂ©dĂ©cesseur Jacques de Liniers â soupçonnĂ©, en raison de ses origines françaises, de dĂ©loyautĂ© vis-Ă -vis de lâEspagne â et le gouverneur de Montevideo, Francisco Javier de ElĂo, qui avait instituĂ© une junte de gouvernement locale.
AprĂšs lâarrivĂ©e de Cisneros Ă Montevideo, au milieu du mois de juillet 1809, ElĂo reconnut lâautoritĂ© du nouveau vice-roi et, nommĂ© inspecteur militaire de la Vice-royautĂ©, dissolut la Junte locale. Ă Buenos Aires Ă©taient en prĂ©sence deux groupes dâopposants : dâune part, les juntistes locaux, dirigĂ©s par MartĂn de Ălzaga, qui Ă©taient certes en perte de vitesse Ă la suite de lâĂ©chec de la dĂ©nommĂ©e mutinerie dâĂlzaga (en esp. asonada de Ălzaga) du premier janvier passĂ©, mais Ă©taient vus dâun Ćil assez favorable en Espagne, ce pourquoi Cisneros chercha Ă attirer leurs bonnes grĂąces, en ne dĂ©pouillant pas ElĂo de son autoritĂ© et en se montrant clĂ©ment avec les responsables de la mutinerie ; et dâautre part, les charlottistes, qui Ćuvraient Ă instaurer la rĂ©gence de Charlotte Joachime dâEspagne sur le RĂo de la Plata, et mettaient en cause lâautoritĂ© de la Junte suprĂȘme et, par voie de consĂ©quence, celle de Cisneros. Celui-ci Ă©vita les attaques charlottistes en exigeant, et obtenant, que le commandement politique fĂ»t transfĂ©rĂ© hors de la capitale, Ă Colonia del Sacramento[2].
Revenu finalement Ă Buenos Aires pour y exercer ses fonctions, il sâappliqua Ă rĂ©duire les conspirations et Ă affermir son pouvoir ; bien quâil se vĂźt obligĂ© dâenvoyer ElĂo en Espagne, il parvint Ă rĂ©armer les milices espagnoles dissoutes aprĂšs la mutinerie dâĂlzaga, et rĂ©ussit ainsi Ă amortir momentanĂ©ment la crise politique.
Cependant, Cisneros entra en fonction dans un contexte qui en Ă©tait aussi un de crise Ă©conomique : le commerce de lâEspagne avec les colonies Ă©tait en effet paralysĂ© par suite de la dĂ©faite infligĂ©e Ă la flotte espagnole par la marine britannique et de lâimpossibilitĂ© subsĂ©quente pour lâEspagne dâenvoyer des vaisseaux de commerce vers ses colonies. MĂȘme lorsque lâEspagne eut conclu une alliance avec la Grande-Bretagne, le monopole sĂ©culaire de lâEspagne sur le commerce avec ses colonies interdisait Ă celles-ci dâavoir des Ă©changes commerciaux avec lâAngleterre.
Cisneros alors eut lâidĂ©e dâautoriser le libre-Ă©change avec la Grande-Bretagne, mais provoqua par lĂ le mĂ©contentement des puissants nĂ©gociants de Buenos Aires, Ă qui les activitĂ©s de contrebande apportaient de plantureux bĂ©nĂ©fices. Pour sâassurer leur appui, Cisneros fut donc portĂ© Ă annuler le dĂ©cret de libre-Ă©change quâil avait dictĂ©, ce qui suscita cette fois les protestations des hommes dâaffaires anglais, lesquels, en tant quâalliĂ©s de lâEspagne contre NapolĂ©on, rĂ©clamaient la rĂ©vocation dâune mesure par laquelle ils sâestimaient lĂ©sĂ©s. Soucieux de rester en bons termes avec les deux parties, Cisneros prorogea de quatre mois le libre-Ă©change afin de donner aux Anglais du moins le temps de conclure leurs affaires.
Dans le courant de 1809, deux rĂ©volutions Ă©clatĂšrent dans la rĂ©gion du Haut-PĂ©rou, qui dĂ©pendait alors de la vice-royautĂ© du RĂo de la Plata, et correspondait grosso modo Ă la Bolivie actuelle : ce fut dâabord, le 25 mai, la rĂ©volution de Chuquisaca, puis, le 16 juillet, une rĂ©volution Ă La Paz. Dans chacune de ces deux villes, une junte de gouvernement fut mise en place, au motif de la captivitĂ© du roi dâEspagne. Cisneros dĂ©pĂȘcha contre elles une armĂ©e placĂ©e sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Vicente Nieto, qui accomplit sa mission Ă Chuquisaca sans effusion de sang. En revanche, le soulĂšvement de La Paz fut Ă©crasĂ© avec duretĂ© par des troupes envoyĂ©es depuis la vice-royautĂ© du PĂ©rou, et les meneurs furent condamnĂ©s Ă mort. Ă Buenos Aires, cette rĂ©pression eut lâeffet dâaccroĂźtre encore le ressentiment des rĂ©volutionnaires portĂšgnes : Domingo French et Antonio Luis Beruti eurent beau jeu de faire observer que les soulĂšvements du Haut-PĂ©rou â menĂ©s par des criollos â avaient Ă©tĂ© rĂ©primĂ©s par la peine capitale, alors que ceux dirigĂ©s contre Liniers â menĂ©s par des Espagnols pĂ©ninsulaires â sâĂ©taient soldĂ©s par des mesures de grĂące.
AprĂšs lâaccostage, le 13 mai 1810, dâun navire avec Ă son bord des journaux contenant des nouvelles dâEspagne, celle en particulier de la soumission totale de la couronne dâEspagne et de la Junte de SĂ©ville aux forces napolĂ©oniennes, Cisneros tenta dâintercepter ces journaux afin dâempĂȘcher que cette nouvelle vĂźnt Ă se rĂ©pandre. Un exemplaire nĂ©anmoins parvint aux mains de Manuel Belgrano et de Juan JosĂ© Castelli, qui sâempressĂšrent de diffuser la fatidique nouvelle, de sorte que Cisneros ne put faire autrement que de la proclamer officiellement le 18 mai.
RĂ©volution de Mai
La rĂ©volution de Mai, Ă©galement dĂ©nommĂ©e semaine de Mai, dĂ©signe la sĂ©rie de sept journĂ©es consĂ©cutives du 18 au 25 mai 1810, qui dĂ©buta par la confirmation de la chute de la Junte de SĂ©ville et dĂ©boucha sur la destitution de Cisneros et lâinstallation de la PremiĂšre Junte.
Castelli et MartĂn RodrĂguez, sâĂ©tant prĂ©sentĂ©s le 20 mai chez Cisneros, le sollicitĂšrent de tenir un cabildo ouvert (esp. cabildo abierto) pour y dĂ©cider du futur gouvernement de la colonie. Cisneros, rĂ©ticent, finit par y consentir pour le lendemain 22 mai. Lors dudit cabildo ouvert, il fut dĂ©cidĂ© de former une junte de gouvernement, de laquelle Cisneros tenta dâabord de se faire dĂ©signer prĂ©sident. Cornelio Saavedra cependant lui reprĂ©senta quâune grande partie de la population rejetait lâidĂ©e quâil restĂąt aux affaires et que donc cette manĆuvre ne prendrait pas : la population Ă coup sĂ»r se rebellerait, et les soldats dĂ©serteraient de leurs postes. Il sâensuivit la convocation dâun nouveau cabildo ouvert.
Au cours de la matinĂ©e du 25 mai, une grande multitude, emmenĂ©e par les miliciens Domingo French et Antonio Beruti, se rassembla sur la Plaza Mayor, lâactuelle place de Mai, rĂ©clamant lâannulation de la rĂ©solution de la veille, la dĂ©mission dĂ©finitive du vice-roi Cisneros, et la constitution dâune junte de gouvernement. Une rĂ©solution en ce sens tardant Ă ĂȘtre adoptĂ©e par le Cabildo, la foule amassĂ©e sur la place commença Ă sâagiter, clamant « le peuple veut savoir ce qui se prĂ©pare ! » (ÂĄEl pueblo quiere saber de quĂ© se trata!).
Cisneros sâobstina Ă ne pas vouloir dĂ©missionner, mais au terme de longs efforts, les membres du Cabildo obtinrent finalement quâil ratifiĂąt et formalisĂąt les termes de sa dĂ©mission, et renonçùt Ă ses prĂ©tentions de se maintenir Ă la tĂȘte du gouvernement. Cela, toutefois, apparut insuffisant, car les reprĂ©sentants de la foule rĂ©unie sur la place firent valoir que le peuple avait dĂ©cidĂ© de se ressaisir de lâautoritĂ© dĂ©lĂ©guĂ©e au cabildo ouvert du 22 mai, et exigeait la formation dâune junte. Dâautre part, il fut disposĂ© quâune expĂ©dition de 500 hommes serait envoyĂ©e pour venir en aide aux provinces intĂ©rieures.
BientĂŽt arriva Ă la salle capitulaire lâacte de dĂ©mission de Cisneros, et lâon put procĂ©der Ă la dĂ©signation de la PremiĂšre Junte, premier gouvernement autonome. Cependant, ce mĂȘme 25 mai, Cisneros missionna JosĂ© Melchor LavĂn de se rendre Ă CĂłrdoba pour avertir Jacques de Liniers et le requĂ©rir dâentreprendre des actions militaires contre la Junte.
Le 15 juin, les membres de la Real Audiencia jurĂšrent secrĂštement fidĂ©litĂ© au Conseil de rĂ©gence dâEspagne et des Indes et envoyĂšrent aux villes de lâintĂ©rieur des circulaires les appelant Ă ne pas faire allĂ©geance au nouveau gouvernement. Pour mettre un terme Ă ces manĆuvres, la PremiĂšre Junte, aprĂšs avoir convoquĂ© lâensemble des membres de l'Audiencia, ainsi que le ci-devant vice-roi Cisneros, les fit embarquer, au prĂ©texte que leurs vies Ă©taient en danger, sur le navire britannique HMS Dart. Consigne fut donnĂ©e par Larrea au capitaine Mark Brigut de ne faire escale dans aucun port amĂ©ricain et de les transporter tous vers les Ăźles Canaries.
DerniÚres années
Ayant dĂ©barquĂ© aux Canaries, Cisneros avisa le Conseil de rĂ©gence des Ă©vĂ©nements survenus Ă Buenos Aires et sollicita quelques mois de mise en disponibilitĂ© pour cause de maladie. AprĂšs sâĂȘtre rĂ©uni avec sa famille, elle aussi arrivĂ©e de Buenos Aires, il quitta les Canaries et sâen retourna Ă Cadix en juillet 1811. En janvier 1813, il fut nommĂ© Commandant gĂ©nĂ©ral du dĂ©partement de Cadix, et Ă©levĂ©, peu aprĂšs, au rang de capitaine gĂ©nĂ©ral[2].
Il vint par la suite Ă occuper en Espagne plusieurs hautes fonctions encore, notamment celles de ministre de la Marine, puis de commandant dâune expĂ©dition militaire lancĂ©e afin de reconquĂ©rir le RĂo de la Plata, laquelle expĂ©dition se termina par un Ă©chec en janvier 1820 en raison notamment du pronunciamiento de Riego.
Il sâĂ©teignit dans sa ville natale en 1829.
Bibliographie
- « Biographie de don Baltasar Hidalgo de Cisneros, par le contre-amiral don Carlos MartĂnez-Valverde y MartĂnez, et rapportĂ©e par Antonio Luis MartĂnez Guanter. »
- Gerardo M. MartĂ, El fracaso de Cisneros y la RevoluciĂłn de Mayo, Ă©d. AqL, Villa Martelli, Argentine, 2010 (ISBN 978-987-1159-88-8).
- José Roselló Riera y Pedro G. Somarriba, El Corso en España.
- (es) Felipe Pigna, Los mitos de la historia argentina, Argentine, 26, , 423 p. (ISBN 978-987-54-5149-0 et 987-54-5149-5).