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RĂ©volution de Chuquisaca

La RĂ©volution de Chuquisaca est le soulĂšvement populaire survenu le dans la ville de Chuquisaca (ancien nom de l’actuelle ville bolivienne de Sucre), sise alors dans la vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata. La Real Audiencia de Charcas, avec l’appui des milieux indĂ©pendantistes et du collĂšge des docteurs de l’universitĂ©, destituĂšrent le gouverneur en place et formĂšrent leur propre comitĂ© local de gouvernement (junta de gobierno[1]). Ce mouvement de rĂ©bellion se produisit dans un contexte de flottement politique consĂ©cutif Ă  l’occupation par les troupes napolĂ©oniennes d’une partie de la mĂ©tropole espagnole ; la mise en dĂ©tention de la famille royale par la France avait dĂ©terminĂ© la crĂ©ation en Espagne de diverses juntes prĂ©tendant rĂ©gner sur les territoires d’outre-mer au nom du souverain dĂ©chu.

Si les protagonistes de ce mouvement, restĂ© loyal en principe au roi Ferdinand VII, justifiĂšrent leur rĂ©bellion par le soupçon que le gouvernement vice-royal projetait de mettre le territoire sous l’autoritĂ© de l’infante Charlotte-Joachime de Bourbon, c'est-Ă -dire du BrĂ©sil voisin, les Ă©vĂ©nements servirent aussi d’emblĂ©e de signal pour l’entrĂ©e en action des secteurs indĂ©pendantistes, qui propagĂšrent la rĂ©bellion Ă  La Paz, oĂč se constitua bientĂŽt la dĂ©nommĂ©e Junta Tuitiva (Junte de dĂ©fense), Ă  l’issue d’un soulĂšvement plus radical et plus ouvertement indĂ©pendantiste. Une fois cette derniĂšre violemment rĂ©primĂ©e par les troupes pĂ©ruviennes, la junte de Chuquisaca fut finalement dissoute et le mouvement, au terme d’une vaine rĂ©sistance, durement rĂ©primĂ© Ă  son tour.

Dans l’historiographie hispano-amĂ©ricaine indĂ©pendantiste, il est d’usage (abusivement selon certains) de dĂ©signer cet Ă©vĂ©nement par Primer Grito Libertario de AmĂ©rica (litt. Premier Cri de libertĂ© de l’AmĂ©rique)[2], nonobstant que les mobiles des insurgĂ©s fussent variĂ©s, voire divergents. La rĂ©volution de Mai, qui eut lieu quelques mois plus tard Ă  Buenos Aires, si elle prit prĂ©texte Ă  la mĂȘme problĂ©matique institutionnelle que les rĂ©volutions de Chuquisaca et de La Paz ― problĂ©matique rendue plus aiguĂ« encore, ou plus propice, par l’occupation militaire française de la pĂ©ninsule IbĂ©rique tout entiĂšre ―, fut le vĂ©ritable dĂ©clencheur de la vague indĂ©pendantiste en AmĂ©rique hispanique.

Antécédents

Invasion de l’Espagne par les troupes françaises

Charles IV et sa famille, par Goya.

Le , les troupes françaises, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Junot, envahirent l’Espagne, alliĂ©e du Premier Empire. L’objectif poursuivi par NapolĂ©on Bonaparte Ă©tait d’occuper le royaume de Portugal, qui s’opposait Ă  la mise en Ɠuvre du blocus continental contre la Grande-Bretagne.

Le , le ministre espagnol Manuel Godoy signa le traitĂ© de Fontainebleau, par lequel l’Espagne s’engageait Ă  soutenir cette offensive. Ce nonobstant, les forces de Junot entreprirent de prendre le contrĂŽle effectif d’une sĂ©rie de villes et de points stratĂ©giques du pays, ce qui motiva la maison royale Ă  se retirer sur Aranjuez, prĂšs de Madrid, pour y prĂ©parer son Ă©migration vers l’AmĂ©rique, Ă  l’instar de la stratĂ©gie adoptĂ©e par la cour portugaise, laquelle avait, Ă  la suite de l’entrĂ©e des troupes françaises dans son pays, dĂ©cidĂ© de se transporter le vers le BrĂ©sil.

AprĂšs que l’on eut appris cette rumeur, se produisit, le , la mutinerie d'Aranjuez, qui contraignit Godoy Ă  la dĂ©mission et Charles IV Ă  abdiquer en faveur de son fils Ferdinand VII. En rĂ©action Ă  ces Ă©vĂ©nements, les Français occupĂšrent Madrid le et NapolĂ©on ordonna le transfert de la famille royale espagnole vers Bayonne.

Le deux mai 1808 Ă  Madrid.

Quelques jours aprĂšs le soulĂšvement populaire du Ă  Madrid, rĂ©primĂ© de façon sanglante, Ferdinand reconnaissait, le , lors d’une sĂ©rie d’évĂ©nements connus sous le nom d’Abdication de Bayonne, son pĂšre Charles IV comme roi lĂ©gitime, en consĂ©quence de quoi — attendu que celui-ci avait cĂ©dĂ© ses droits Ă  NapolĂ©on — la couronne revenait dĂ©sormais Ă  l’Empereur, qui dĂ©signa ensuite son frĂšre Joseph Bonaparte roi d’Espagne et des Indes.

Comités de gouvernement en Espagne

Cependant, ni l’abdication, ni le servilisme dont avait fait preuve le roi Ferdinand, ne suffirent Ă  amener la population Ă  accepter le changement dynastique. Le fut constituĂ© le premier comitĂ© de gouvernement (junta) Ă  Oviedo, dans les Asturies ; puis Ă  intervalles de quelques jours en surgirent d’autres, provinciales ou locales, Ă  Murcie, Villena, Valence, LeĂłn, Santander, la Corogne, SĂ©govie, Valladolid, Logroño, etc.[3]

SĂ©ville, port des Indes.

Le , SĂ©ville mit sur pied son propre comitĂ© de gouvernement sous le nom de Junta Suprema de España e Indias, qui prĂ©tendait, au mĂȘme titre que les autres, gouverner au nom de Ferdinand VII et prĂ©server les droits de celui-ci au trĂŽne d’Espagne, position qui la porta Ă  dĂ©clarer la guerre Ă  NapolĂ©on le [4].

C’est dans ce contexte qu’éclata en 1809, d’abord Ă  Chuquisaca, et ensuite dans nombre d’autres villes amĂ©ricaines de l’Empire espagnol, une crise politique, consĂ©cutive Ă  la fois Ă  la crise institutionnelle survenue dans la mĂ©tropole, et aux tensions rĂ©volutionnaires qui arrivaient Ă  maturation dans les sociĂ©tĂ©s coloniales.

Goyeneche dans le Haut-PĂ©rou

Lorsque les troupes de la division française du nord, commandĂ©e par Joachim Murat, prirent la ville de Madrid, le , le capitaine de milices JosĂ© Manuel de Goyeneche Ă©tait de service dans la ville. Il Ă©tait d’origine amĂ©ricaine, natif d’Arequipa, dans le Bas-PĂ©rou, et descendant d’une famille aisĂ©e d’origine europĂ©enne : son pĂšre, de convictions royalistes, l’avait envoyĂ© se former dans la pĂ©ninsule, oĂč il se signala entre autres par sa loquacitĂ© naturelle et ses dons Ă©vidents pour l’intrigue, et surtout par son entregent.

Goyeneche s’approcha de Murat, conseiller de Joseph Bonaparte, et sut gagner sa confiance. L’Empereur souhaitait Ă©tendre sa domination sur l’AmĂ©rique espagnole Ă  l’effet de priver de marchĂ©s ses adversaires et de s’assurer le flux des redevances ; cependant, sans ressources navales susceptibles de rĂ©aliser ce dessein, il dĂ©pendait totalement de sa capacitĂ© Ă  aiguiller vers ce but les loyautĂ©s des AmĂ©ricains, soit par l’expĂ©dient de maintenir leur allĂ©geance au monarque, quel qu’il fĂ»t, soit, si nĂ©cessaire, en favorisant le parti de l’indĂ©pendance.

Murat donna alors mission Ă  Goyeneche d’obtenir de la part des gouvernements et peuples d’AmĂ©rique du Sud leur soumission Ă  la nouvelle dynastie, et lui fit parvenir les lettres de crĂ©ance correspondantes[5].

Alors qu’il se trouvait dĂ©jĂ  Ă  Cadix et qu’était prĂȘt le vaisseau battant pavillon français qui devait l’emmener en AmĂ©rique, se produisit dans la proche SĂ©ville le soulĂšvement du et la subsĂ©quente formation d’une junte de gouvernement.

Fortement compromis aux yeux de ses compatriotes, Goyeneche se rendit Ă  SĂ©ville, oĂč il se prĂ©senta devant les nouvelles autoritĂ©s comme un fidĂšle vassal, victime de sa loyautĂ© Ă  la cause royaliste. Étant donnĂ© les circonstances difficiles, il ne lui coĂ»ta que peu de convaincre la junte, d’autant moins qu’un des membres de celle-ci, et l’un des plus intrigants, le pĂšre Gilito, Ă©tait un proche ami d’un de ses oncles.

La Junte de SĂ©ville ‒ tout en l’élevant, Ă  titre extraordinaire, au rang de brigadier (le bond de capitaine de milices Ă  brigadier de l’armĂ©e royale Ă©tait exceptionnelle, mĂȘme en les circonstances donnĂ©es) ‒ le nomma son chargĂ© de mission spĂ©cial en AmĂ©rique, avec l’instruction d’obtenir que Ferdinand VII fĂ»t reconnu comme roi dans les vice-royautĂ©s du RĂ­o de la Plata et du PĂ©rou, et que fussent reconnues les revendications de la Junte de SĂ©ville de gouverner au nom du monarque, ce Ă  quoi elle n’avait en rĂ©alitĂ© aucun titre.

L’ampleur de son mandat Ă©tait telle qu’il Ă©tait habilitĂ© ‒ prĂ©rogative non fondĂ©e en droit, mais seulement affirmĂ©e par ses mandants ‒ Ă  dĂ©mettre et Ă  faire incarcĂ©rer tout fonctionnaire manifestant quelque opposition que ce fĂ»t Ă  Ferdinand VII comme roi lĂ©gitime d’Espagne, sans avoir considĂ©ration de ce que l’autoritĂ© de ces mĂȘmes fonctionnaires Ă©manait du roi Charles IV, comme cela Ă©tait le cas notamment des vice-rois. ChargĂ© de ces deux dossiers, Goyeneche revint Ă  Cadix et s’embarqua en compagnie de l’émissaire français de Murat.

En faisant, sur le trajet pour Buenos Aires, escale Ă  Rio de Janeiro, en aoĂ»t de cette mĂȘme annĂ©e, il s’entretint avec l’infante Charlotte Joachime de Bourbon, sƓur de Ferdinand VII et reine rĂ©gente de Portugal au BrĂ©sil, qui nourrissait l’ambition de reprendre Ă  son compte les titres de son frĂšre sur les terres amĂ©ricaines. Charlotte remit Ă  Goyeneche des lettres contenant ses prĂ©tentions et adressĂ©es aux autoritĂ©s coloniales qu’il se proposait de visiter. Il y Ă©tait Ă©noncĂ© en particulier :

« Je fais savoir aux loyaux et fidĂšles sujets du Roi catholique des Espagnes et des Indes, [...] mes trĂšs-aimĂ©s Parents, frĂšres et sƓurs et les autres membres de ma famille royale d’Espagne se trouvant de la sorte privĂ©s de leur libertĂ© naturelle sans pouvoir exercer leur autoritĂ© ni assurer la dĂ©fense et la conservation de leurs droits [...] ce pourquoi, me considĂ©rant suffisamment autorisĂ©e et habilitĂ©e Ă  supplĂ©er mon auguste PĂšre et ma famille royale d’Espagne, Ă©tant en effet sa reprĂ©sentante la plus proche sur ce continent d’AmĂ©rique auprĂšs de ses fĂ­dĂšles et bien-aimĂ©s sujets, il m’a paru appropriĂ© et opportun de vous adresser ce mien manifeste, par lequel je dĂ©clare nulle l’abdication ou dĂ©mission que monseigneur mon PĂšre le Roi Don Carlos IV et d’autres membres de ma famille royale d’Espagne ont faite en faveur de l’Empereur ou Chef des Français ; Ă  la dĂ©claration duquel doivent adhĂ©rer tous les fidĂšles et loyaux sujets de mon auguste PĂšre, attendu que les reprĂ©sentants de ma royale famille ne se trouvent point libres et indĂ©pendants [...]. Également, je vous demande et vous charge le plus instamment de poursuivre, comme jusqu’ici, la droite administration de justice en accord avec les lois, lesquelles vous aurez soin et veillerez qu’elles soient maintenues intactes et restent en vigueur et observance, en prenant soin trĂšs particuliĂšrement de la tranquillitĂ© publique et de la dĂ©fense de ces territoires, jusqu’à ce que mon cousin bien-aimĂ© l’infant Don Pedro Carlos ou une autre personne vienne parmi vous pour gĂ©rer les affaires du gouvernement de ces territoires durant l’infortunĂ©e situation de mes bien-aimĂ©s Parents, frĂšres et sƓurs et oncle, sans que mes nouvelles dispositions n’altĂšrent le moindrement ce qui a Ă©tĂ© disposĂ© et prĂ©vu par mes augustes antĂ©cesseurs. »

— Missive de Charlotte Joachime de Bourbon, 19 aoĂ»t 1808

Goyeneche accepta la mission, sans s’engager autrement — selon ses propres dires — qu’à faire office de messager ; il est probable cependant que son attitude en Ă©tait une de pur opportunisme, autant que dans les dossiers Ă  lui confiĂ©s par Murat et par le conseil de SĂ©ville. Une lettre confidentielle que Chalotte Ă©crivit Ă  son secrĂ©taire privĂ© JosĂ© Presas porte :

« Presas, ces lettres, il me les faut toutes demain, pour les expĂ©dier Ă  CortĂ©s[6] et Ă  CerdĂĄn, aprĂšs-demain, ainsi que les deux lettres pour eux, et aussi celle d’Abascal, afin qu’ils les emportent : que celle de Goyeneche soit bien tournĂ©e, et en mĂȘme temps propice Ă  l’issue favorable de notre affaire. »

— JosĂ© Presas, Memorias secretas de la infanta Carlota, dans Biblioteca de Mayo, p. 797.

Depuis que les premiĂšres nouvelles sur les Ă©vĂ©nements d’Espagne Ă©taient arrivĂ©es au RĂ­o de la Plata, le gouverneur de Montevideo, Francisco Javier de ElĂ­o, avait exacerbĂ© le conflit qui l’opposait Ă  son supĂ©rieur, le vice-roi Jacques de Liniers. L’alcade et prĂ©sident du Cabildo de Buenos Aires, MartĂ­n de Álzaga, avec l’accord de plusieurs des principaux membres du Cabildo, fit le voyage de Montevideo et y demeura prĂšs d’un mois, plaidant en faveur de la constitution d’un comitĂ© de gouvernement (junta) en tant que premiĂšre Ă©tape dans la formation d’une junte suprĂȘme et la convocation d’un congrĂšs Ă  Buenos Aires.

L’arrivĂ©e d’un Ă©missaire de Bonaparte aviva encore le conflit, ElĂ­o entrant Ă  prĂ©sent en franche insubordination et allant jusqu’à appeler Liniers un traĂźtre. NĂ©anmoins, le Ă  Buenos Aires, l’on jura fidĂ©litĂ© Ă  Ferdinand VII, et le , la guerre Ă  la France fut dĂ©clarĂ©e par bans Ă  Buenos Aires.

Le brigadier Goyeneche gagna Montevideo muni de trois plis en rapport avec autant de missions rĂ©servĂ©es, et Ă  employer selon son intĂ©rĂȘt. Il s’accrĂ©dita auprĂšs de Francisco Javier de ElĂ­o comme le reprĂ©sentant de la Junte de SĂ©ville, et l’encouragea dans sa vellĂ©itĂ© de se rendre indĂ©pendant de Buenos Aires et de ne plus reconnaĂźtre l’autoritĂ© du vice-roi Liniers au motif de ses origines françaises : Lorsqu’il arriva Ă  Montevideo, il applaudit au zĂšle qu’avaient mis le gouverneur ElĂ­o et ses administrĂ©s pour former une junte et dĂ©clara que sa venue visait Ă  promouvoir la mise en place d’autres [juntes] dans les villes de ce royaume.[7] Sur ce, Goyeneche se rendit Ă  Buenos Aires.

Le eut lieu le premier mouvement juntiste dans la vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata. À Montevideo, un cabildo ouvert dĂ©cida la constitution d’une junte et nomma le gouverneur Francisco Javier de ElĂ­o pour son prĂ©sident, « son audace allant jusqu’à cette extrĂȘme d’émettre des ordres incitatifs Ă  l’adresse des provinces de cette vice-royautĂ© afin que celles-ci agissent de mĂȘme qu’eux, lesquelles provinces ne firent aucun cas de semblables sinistres dĂ©libĂ©rations, et tout cela Ă  l’effet d’obliger la capitale [Buenos Aires] Ă  dĂ©poser monsieur le vice-roi ; mais elles [les autres provinces] signifiĂšrent Ă  ce cabildo qu’elles n’obĂ©iraient Ă  une junte que si elle porte le nom de SuprĂȘme, ce qui fut dĂ©daignĂ©. »[8]

Une note de la Real Audiencia de Buenos Aires datée du portait que « [...] le feu que don Javier Elio alluma à Montevideo se propagea aux provinces intérieures de la vice-royauté. »

Jacques de Liniers, ou Santiago de Liniers y Bremond, selon l’équivalent de son nom en espagnol.

ArrivĂ© Ă  Buenos Aires, Goyeneche tenta de faire usage des instructions du roi Joseph, mais dĂ©concertĂ© par la fidĂ©litĂ© du vice-roi Jacques de Liniers — pourtant nĂ© français —, il se mit Ă  se proclamer royaliste pur et dĂ©fenseur intransigeant de la cause de Ferdinand[5]. Quant Ă  la population, mise au courant de l’existence en Espagne d’unz junte de gouvernement, elle fut nombreuse Ă  reconnaitre comme sien ce nouveau gouvernement en dĂ©pit de son illĂ©gitimitĂ©[9].

Dans le but de s’assurer les fonds nĂ©cessaires Ă  la poursuite de sa mission, Goyeneche n’hĂ©sita pas Ă  prĂ©sent Ă  condamner ElĂ­o : « S’étant transportĂ© Ă  Buenos Aires, il adopta un langage diffĂ©rent, et, Ă  l'unisson de Liniers et des auditeurs, de qui il escomptait des fonds et des crĂ©dits pour continuer sa mission Ă  Lima, il rĂ©crimina contre la conduite du maĂźtre de Montevideo et le qualifia de rĂ©fractaire. »[7] Ce nonobstant, il engagea des pourparlers avec Álzaga, Ă  qui il laissa entrevoir que le gouvernement pĂ©ninsulaire verrait avec complaisance que fĂ»t destituĂ© tout gouvernement amĂ©ricain sur la loyautĂ© duquel il aurait sujet d’avoir des doutes : « L'on ne cessa point pour autant d’insinuer en privĂ©, parmi les membres du Cabildo, qui Ă©taient dĂ©jĂ  alarmĂ©s au plus haut point par les manƓuvres de Liniers, qu’il serait appropriĂ© et trĂšs en adĂ©quation avec les idĂ©es de la mĂ©tropole de se sĂ©parer en AmĂ©rique des mandataires suspects et d’ériger des gouvernements populaires qui veillassent Ă  la sĂ©curitĂ© publique. »[7] C’est exactement ce qu’Álzaga dĂ©sirait entendre pour mener plus avant son projet, lequel dĂ©bouchera sur le coup de force (avortĂ©) du 1er janvier de l’annĂ©e suivante.

Finalement, l’intrigant Goyeneche continua sa route et s’achemina vers le Haut-PĂ©rou, avec Lima pour destination. Le doyen Gregorio Funes notera dans son Ensayo histĂłrico de la revoluciĂłn de AmĂ©rica : « Il fut bonapartiste Ă  Madrid, fĂ©dĂ©raliste Ă  SĂ©ville, Ă  Montevideo aristocrate, Ă  Buenos Aires royaliste pur, et au PĂ©rou tyran ».

RĂ©volution Ă  Chuquisaca

Haut-PĂ©rou

Le Haut-PĂ©rou en 1783.

Le territoire du Haut-PĂ©rou, qui fait aujourd’hui partie intĂ©grante de la Bolivie, se composait de quatre intendances ou provinces et de deux gouvernements politiques militaires. Une des provinces Ă©tait celle de Chuquisaca, dans le chef-lieu de laquelle, Chuquisaca (appelĂ©e aussi La Plata ou Charcas, et actuellement Sucre), l’Audiencia royale de Charcas avait son siĂšge.

L’intendance de Chuquisaca comprenait les partidos de Yamparáez (avec 16 doctrines, c'est-à-dire 16 villages indiens convertis de fraüche date, incluant les paroisses de San Lorenzo et de San Sebastián, sises dans les limites du chef-lieu), Tomina (onze villages), Pilaya et Paspaya (7 doctrines), Oruro (4 villages), Paria (8 villages) et Carangas (6 villages)[10].

Le Haut-PĂ©rou appartint Ă  la Vice-royautĂ© du PĂ©rou jusqu’à 1776. Par dĂ©cret royal du portant crĂ©ation de la nouvelle vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata, le territoire du Haut-PĂ©rou alla faire partie de ce nouvel ensemble. L’ordonnance royale du disposait que l’administration en matiĂšre de gouvernement, de guerre et de police entrait dans les attributions d’intendants, qui devaient en rĂ©fĂ©rer en dernier ressort au vice-roi.

De la mĂȘme façon que l’importance de PotosĂ­ s’explique par la richesse de son Cerro Rico (litt. Morne riche, car renfermant une grande quantitĂ© de minerai d’argent), celle de Chuquisaca Ă©tait liĂ©e Ă  la prĂ©sence en ses murs de l’Audiencia et de l’universitĂ© San Francisco Xavier ; celle-ci, rĂ©putĂ©e Ă  l’époque ĂȘtre l’une des meilleures du monde, attirait des Ă©tudiants des vice-royautĂ©s de Lima et de Buenos Aires, ce qui valut Ă  la ville le surnom d’« AthĂšnes amĂ©ricaine »[11].

La ville comptait Ă  l’époque entre 14 000 et 18 000 habitants, dont environ 800 Ă©taient des Ă©tudiants et 90 des membres graduĂ©s du corps professoral de l’universitĂ©.

Ainsi l’activitĂ© Ă©conomique de la ville s’appuyait-elle sur les appointements des auditeurs, des employĂ©s des tribunaux et des administrations, sur les frais de justice, sur l’universitĂ©, sur la participation Ă  des manifestations publiques littĂ©raires et constitutionnelles, sur les rentes ecclĂ©siastiques[12], etc.

Vue sur Sucre (anciennement Chuquisaca).

Depuis longtemps existaient de fortes dissensions entre le prĂ©sident de Charcas, RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro, et la Real Audiencia, ainsi qu’entre l’archevĂȘque de Charcas Benito MarĂ­a MoxĂł y FrancolĂ­ et le cabildo ecclĂ©siastique, dissensions induites en bonne partie par la convoitise et l’ambition, et qui avaient gagnĂ© en ampleur par l’état d’anarchie et de dĂ©sordre dans lequel se trouvait alors l’Espagne.

Pour faire aboutir ses objectifs, il n'Ă©tait pas inhabituel que l'un ou l'autre de ces rivaux invoquĂąt l’aide du peuple : dans l’une des pasquinades qui circulĂšrent en 1808 Ă  Chuquisaca, il Ă©tait demandĂ© au peuple de donner son appui au clergĂ© opprimĂ©, le libelle concernĂ© se concluant par l’exclamation de « Vive ! Vive la libertĂ© ! ».

DĂ©but du conflit

Les nouvelles d’Espagne Ă©taient parvenues Ă©galement dans le Haut-PĂ©rou et, dans ses Accords des 18 et , la Real Audiencia de Charcas s’opposa Ă  la reconnaissance de la Junte de SĂ©ville et de Goyeneche comme commissionnĂ© lĂ©gitime, « compte tenu qu’existent d’autres juntes provinciales indĂ©pendantes de celle de SĂ©ville ».

Ce que l’on apprit sur l’entrevue de Goyeneche avec Charlotte du BrĂ©sil mit la population en alarme. Vers le milieu du XVIIIe siĂšcle, la province de Chiquitos, dans les plaines Ă  l’est de Chuquisaca (dans l’extrĂȘme est de la Bolivie actuelle), avait Ă©tĂ© frappĂ©e par les incursions de bandeirantes brĂ©siliens, qui s’étaient employĂ©s ensuite Ă  dĂ©porter la population aborigĂšne pour la mettre en esclavage, souvenir qui rĂ©veilla la mĂ©fiance dans la population de la ville.

Le , l’archevĂȘque de Charcas, Benito MarĂ­a MoxĂł y FrancolĂ­, donna ordre, sous peine d’excommunication, de reconnaĂźtre la Junte de SĂ©ville et le reprĂ©sentant de celle-ci, Goyeneche. L’Accord royal du eut pour effet de tracer, quant Ă  l’acceptation ou non de la Junte de SĂ©ville, une ligne de dĂ©marcation nette entre les auditeurs d’une cĂŽtĂ©, et le vice-roi, le prĂ©sident RamĂłn Garcia de LeĂłn y Pizarro et l’archevĂȘque MoxĂł y FrancolĂ­ de l’autre.

DĂ©but novembre, Goyeneche fut reçu en grande pompe Ă  Chuquisaca, mais l’Audiencia campa ferme sur sa position, dĂ©fiant ainsi Ă©galement l’autoritĂ© du vice-roi Liniers, qui avait lui aussi acceptĂ© l’autoritĂ© de la Junte de SĂ©ville. Goyeneche en arriva Ă  menacer de faire arrĂȘter le rĂ©gent, ce qui provoqua une manifestation publique. La prĂ©sentation des documents de l’infante Charlotte et le dĂ©cĂšs de l’auditeur Antonio Boero, par suite des discussions, aggravĂšrent la situation :

« La Junte de SĂ©ville fut reconnue non seulement sans contradiction, mais encore avec allĂ©gresse, et dans toute la vice-royautĂ©, seul un magistrat ĂągĂ© et respectable, le rĂ©gent de Charcas, s’enhardit Ă  censurer la lĂ©gĂšretĂ© et l’impropriĂ©tĂ© de cet acte : sa singuliĂšre fermetĂ© lui coĂ»ta fort cher, car il mourut de suffocation Ă  la suite des insultes que lui lança Goyeneche en passant par cette ville[13]. »

Intervention de l’universitĂ©

Le prĂ©sident Pizarro emporta les piĂšces de Charlotte Ă  l’universitĂ© et les soumit au CollĂšge des docteurs (Claustro), sollicitant leur avis. Le CollĂšge, se tenant Ă  la position de son prĂ©sident, le Dr. Manuel de Zudåñez, non seulement rejeta les termes de l’ordre de la sƓur de Ferdinand VII, mais encore qualifia dans ses accords de subversive la communication de l’infante : en effet, ayant prĂȘtĂ© serment Ă  Ferdinand VII comme roi d’Espagne et des Indes, le fait de mĂ©connaĂźtre ce droit et d’affirmer que son pĂšre avait Ă©tĂ© contraint de cĂ©der la couronne Ă  Ferdinand par suite d’un soulĂšvement Ă  Aranjuez, provoquĂ© dans ce but, ne pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ© autrement que comme une trahison.

Les principales observations du CollĂšge de docteurs relativement aux « intentions et visĂ©es irrĂ©guliĂšres et injustes de la Cour de Portugal Ă  l’encontre des droits sacrĂ©s et inviolables de notre Auguste MaĂźtre et Seigneur naturel, Ferdinand SeptiĂšme » s’énonçaient comme suit :

« Attendu que, reconnaissant et prĂȘtant serment Ă  l’unique et lĂ©gitime monarque d’Espagne et des Indes, le seigneur Ferdinand SeptiĂšme, en vertu de l’abdication, prĂ©mĂ©ditĂ©e, lĂ©gale et spontanĂ©e, qu’en faveur de celui-ci fit de la Couronne le seigneur Don Carlos, alors qu’il se trouvait dans le site royal d’Aranjuez, le 19 mars de l’annĂ©e passĂ©e 1808, ce que nul Espagnol ni AmĂ©ricain ne peut mettre en doute sans ĂȘtre vu et traitĂ© comme crime de haute trahison, il dĂ©concerte et surprend que sa seigneurie la Princesse du BrĂ©sil, madame Charlotte Joachime, dans le susdĂ©signĂ© manifeste adressĂ© Ă  nos provinces, attribue une abdication aussi solennelle et lĂ©gitime Ă  un soulĂšvement ou tumulte suscitĂ© Ă  la cour de Madrid pour obliger le seigneur Don Carlos QuatriĂšme Ă  abdiquer la couronne : proposition subversive, qui suscite la noble indignation et horreur des dignes sujets de Ferdinand SeptiĂšme.
Attendu que l’inique dĂ©tention de la personne sacrĂ©e de notre auguste Ferdinand SeptiĂšme en France n’empĂȘche pas que ses sujets des deux hĂ©misphĂšres reconnaissent inflexiblement sa souveraine autoritĂ©, adorent sa personne, observent les lois, obĂ©issent aux autoritĂ©s, aux tribunaux et aux chefs militaires qui les gouvernent dans la paix et la quiĂ©tude, et surtout Ă  la Junte centrale Ă©tablie derniĂšrement, qui commande au nom de Ferdinand SeptiĂšme, sans que l’AmĂ©rique n’ait besoin qu’une puissance Ă©trangĂšre, comme la dame Princesse Charlotte Joachime, prenne les rĂȘnes du Gouvernement au prĂ©texte de se considĂ©rer « suffisamment autorisĂ©e et obligĂ©e Ă  remplir la supplĂ©ance de son auguste PĂšre Don Carlos QuatriĂšme (qui a dĂ©jĂ  cessĂ© d’ĂȘtre Roi) et de la Famille royale d’Espagne sĂ©journant en Europe », expressions de son manifeste. »

— RĂ©plique de l’universitĂ© de Chuquisaca, AHN Cons. Leg. 21392.85 f. 76.

L’universitĂ©, non contente d’exprimer son opinion, s’enhardit Ă  ordonner la politique Ă  suivre :

« En consĂ©quence de quoi, rĂ©flĂ©chissant sur les pernicieux effets que peuvent amener, au dĂ©triment de la souverainetĂ© et de la tranquillitĂ© publique, les susmentionnĂ©s papiers de la dame Princesse du BrĂ©sil, ils mandĂšrent et ordonnĂšrent qu’il ne soit pas rĂ©pondu Ă  la susdite dame Princesse Charlotte Joachime. »

Le collĂšge de professeurs rĂ©cusait les droits de l’infante Charlotte Ă©galement en vertu de la loi salique, sanctionnĂ©e en 1713 par Philippe V, laquelle excluait les femmes de la succession monarchique[14]. Sur ce point cependant, Benito MarĂ­a MoxĂł et Pedro Vicente Cañete, auditeur honoraire et assesseur de l’intendant de PotosĂ­, assuraient qu’il avait Ă©tĂ© dĂ©rogĂ© Ă  la Pragmatique Sanction par la Pragmatique Sanction de 1789, adoptĂ©e par les CortĂšs de Madrid, Ă  la requĂȘte de Charles IV. Quoique cet argument soit exact, cette derniĂšre rĂ©solution de 1789 n’était pas officiellement connue Ă  l’époque, y compris dans l’universitĂ©, Ă©tant donnĂ© qu’au mĂȘme moment Charles IV avait donnĂ© des ordres tendant Ă  ce que la rĂ©solution gardĂąt un caractĂšre rĂ©servĂ©. Elle restait ignorĂ©e mĂȘme de la Junte centrale, qui, face Ă  l’affirmation en ce sens de l’ambassadeur de Portugal, dut s’assurer de sa vĂ©racitĂ© en convoquant deux personnes qui avaient participĂ© en tant que procureurs auxdites CortĂšs de Madrid[14] - [15].

Les affirmations de MoxĂł et de Cañete, loin d’enlever tous ses arguments Ă  l’opposition, au contraire suscitĂšrent davantage de mĂ©fiance encore, comme l’on supposait que la dĂ©rogation inconnue ainsi rĂ©vĂ©lĂ©e au jour n’était qu’un prĂ©texte pour donner une apparence de lĂ©gitimitĂ© Ă  l’usurpation[14].

Le document final de l’universitĂ©, rĂ©digĂ© par le Dr. Jaime de Zudåñez, fut, aprĂšs approbation et signature par l’ensemble des docteurs, remis par le recteur au gouverneur et directement transmis au vice-roi. Liniers, voyant qu’y apparaissaient, en rĂ©fĂ©rence Ă  personne de moins que l’Infante, des mots tels que « trahison », donna ordre que les documents fussent effacĂ©s et dĂ©truits, Ă  la suite de quoi GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro disposa que le livre contenant les actes ainsi que tout document y affĂ©rent fĂ»t Ă©cartĂ© et que le clerc de gouvernement en arrachĂąt les feuilles et les dĂ©truisĂźt[14].

Durant son sĂ©jour Ă  Chuquisaca, Goyeneche s’entretint Ă  plusieurs reprises avec Pizarro et avec l’archevĂȘque de Charcas, Benito MarĂ­a MoxĂł y FrancolĂ­. Tous deux avaient eu auparavant des diffĂ©rends avec respectivement les auditeurs de la Real Audiencia et le cabildo ecclĂ©siastique. Il est impossible de savoir si lors de ces rencontres, toujours confidentielles, se trama la dĂ©volution de la vice-royautĂ© Ă  la princesse Charlotte, mais il est probable, Ă  en juger par la conduite antĂ©rieure et ultĂ©rieure de ces personnalitĂ©s, qu’il n’y fut question que de la maniĂšre dont chacun saurait conserver son poste en attendant la suite des Ă©vĂ©nements dans la PĂ©ninsule[5].

Les diligences de Goyeneche n’étaient guĂšre appelĂ©es Ă  durer, car la Real Audiencia et son prĂ©sident RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro reconnurent l’autoritĂ© de la Junte pĂ©ninsulaire, et les communications de l’infante Charlotte devinrent de simples formalitĂ©s que l’on transmettait, avant que le plĂ©nipotentiaire ne poursuivĂźt son chemin pour Lima, oĂč le vice-roi du PĂ©rou, JosĂ© Fernando de Abascal, le confirma dans le grade de brigadier et lui accorda Ă  titre provisoire la prĂ©sidence de la Real Audiencia de Cuzco.

ÉvĂ©nements de Buenos Aires

Le , alors que les nouvelles autoritĂ©s du Cabildo de Buenos Aires devaient entrer en fonction, se produisit le soulĂšvement connu sous le nom de mutinerie d'Álzaga (en esp. asonada ou motĂ­n de Álzaga) . Bien que ses participants fussent en majoritĂ© des Espagnols de naissance[16], nombre de criollos, comme Mariano Moreno, l’appuyaient. Une partie des milices espagnoles soutenaient aussi la rĂ©bellion : les tercios (corps d’armĂ©e) de Galiciens, de Biscayens et les miñones de Catalogne. Cependant, les milices criollas, emmenĂ©es par Cornelio Saavedra, et le tercio des Andalous donnĂšrent leur appui Ă  Liniers, par quoi le mouvement avorta. Álzaga et les autres meneurs firent l’objet d’une mesure de proscription en direction de Carmen de Patagones[17] et les corps militaires insurgĂ©s furent dissous. Le troisiĂšme mouvement aurait lieu dans les provinces d’en haut, dans le Haut-PĂ©rou : Ă  Charcas, le , et Ă  La Paz, le , et de lĂ  se propagerait Ă  Quito, le , avec l’installation de la PremiĂšre Junte de Gouvernement autonome de Quito, Ă  la suite du soulĂšvement de la Real Audiencia de Quito[18].

Les faits survenus Ă  Buenos Aires en n’étaient pas Ă©trangers Ă  ceux de Chuquisaca. D’une part, l’assesseur de l’intendant Pedro Vicente Cañete, haĂŻ par les auditeurs propriĂ©taires, Ă©crivit le la Charte consultative apologĂ©tique en soutenant Liniers. D’autre part et parallĂšlement, les partisans d’Álzaga entretenaient des contacts avec les commerçants du Haut-PĂ©rou, en particulier de PotosĂ­. Beaucoup parmi les Ă©tudiants Ă©taient originaires du RĂ­o de la Plata, et quasiment tous les diplĂŽmĂ©s de la capitale Buenos Aires avaient fait leurs Ă©tudes Ă  Chuquisaca et y Ă©taient en rapport, dans une mesure plus ou moins grande, avec les milieux indĂ©pendantistes. Tel Ă©tait le cas de Mariano Moreno, qui Ă©tait considĂ©rĂ© par ces derniers comme leur vĂ©ritable mandataire.

Arrestation de Zudåñez

La rĂ©vocation dĂ©cidĂ©e par le vice-roi Liniers de l’ordre d’expulsion de Cañete Ă©dictĂ© par l’Audiencia, et la diffusion d’une rumeur selon laquelle le prĂ©sident Pizarro aurait mis les auditeurs en dĂ©tention exacerbĂšrent la situation.

Pamphlets et pasquinades anonymes circulaient, certains rĂ©digĂ©s Ă  Charcas mĂȘme, la plupart accusant les gouvernants de charlottisme, mais, dans quelques cas, ) tendance rĂ©volutionnaire plus ou moins marquĂ©e. Le plus important parmi les Ă©crits qui circulaient pendant ces journĂ©es est le cĂ©lĂšbre DiĂĄlogo entre Atahualpa y Fernando VII en los Campos ElĂ­seos ('Dialogue entre Atahualpa et Ferdinand VII dans les Champs ÉlysĂ©es'), Ă©crit par l’avocat rĂ©publicain Bernardo de Monteagudo, diplĂŽmĂ© de 1808 — texte se clĂŽturant par les paroles suivantes :

« Habitants du PĂ©rou : si, dĂ©naturalisĂ©s et insensibles, vous avez contemplĂ© jusqu’à ce jour avec une apparente tranquillitĂ© et sĂ©rĂ©nitĂ© la dĂ©solation et l’infortune de votre malheureuse Patrie, rĂ©veillez-vous enfin de votre pesante lĂ©thargie, dans laquelle vous ĂȘtes restĂ©s submergĂ©s. Que disparaisse la pĂ©nible et funeste nuit de l’usurpation, et que se lĂšve, lumineux et clair, le jour de la libertĂ©. Brisez les terribles chaĂźnes de la servitude et commencez Ă  jouir des dĂ©licieux enchantements de l’indĂ©pendance.
Convainquez-vous, insiste Atahualpa, de ce que les Espagnols ont Ă©tĂ© des violateurs sacrilĂšges des droits sacrĂ©s et inviolables de la vie, de la libertĂ© de l’homme. Avisez-vous comment, envieux et courroucĂ©s de ce que la nature a prodiguĂ© autant de richesses Ă  leur AmĂ©rique, tout en les refusant au sol espagnol, ils l’ont foulĂ© de toutes parts. Reconnaissez, enfin, que votre trĂŽne se trouvait, en ce qui touche aux AmĂ©riques, appuyĂ© sur l’injustice et Ă©tait le siĂšge mĂȘme de l’iniquitĂ©. »

— Bernardo de Monteagudo, Dialogue entre Atahualpa et Ferdinand VII dans les Champs ÉlysĂ©es.

Le , l’avocat et Ă©chevin du Cabildo, Manuel Zudåñez, persuada les membres du Cabildo que sa dĂ©tention Ă©tait imminente, Ă  la suite de quoi ils sollicitĂšrent auprĂšs de l’Audiencia protection pour leurs personnes ; l’Audiencia entreprit alors de faire les vĂ©rifications officielles et projeta l’emprisonnement du prĂ©sident GarcĂ­a Pizarro. Le , Manuel de Zudåñez Ramirez apprit la destruction des documents portant la rĂ©solution du collĂšge professoral contre les prĂ©tentions de Charlotte Joachime et dĂ©nonça aussitĂŽt l’attitude du prĂ©sident. Tous ces faits portĂšrent les opposants Ă  donner crĂ©ance Ă  la possible remise du pouvoir Ă  Charlotte et entraĂźnĂšrent la rupture des relations entre le gouverneur et le CollĂšge professoral, l’universitĂ©, le Tribunal, le Cabildo et l’opinion publique.

Le , le président Ramón García de León y Pizarro, anticipant les événements, voulut prendre des mesures préventives et sollicita le gouverneur-intendant de Potosí, Francisco de Paula Sanz, de mobiliser ses troupes vers Chuquisaca, car :

« [...] tous les signaux indiquent qu’ils essaient de me retirer mon commandement (...) et de rĂ©pudier l’autoritĂ© du gouvernement supĂ©rieur. »

Prise du Palais

Dans la nuit du , l’Audiencia organisa des patrouilles conduites par les Ă©chevins pour Ă©viter des dĂ©tentions, pendant qu’elle prĂ©parait un document, rĂ©digĂ© par LĂłpez de Andreu, requĂ©rant la dĂ©mission du prĂ©sident. Le , le pĂšre FĂ©lix Bonet, provincial dominicain, conjointement avec le capitaine Santiesteban, prĂ©vinrent Pizarro de la conspiration et des accords secrets que avaient Ă©tĂ© conclus quelques jours auparavant.

RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro renforça de 25 hommes la garde du palais, envoya son fils Agapito Ă  PotosĂ­, porteur d’une lettre rĂ©servĂ©e Ă  l’adresse du gouverneur Francisco de Paula Sanz, et convoqua pour 15h00 environ les avocats Esteban GascĂłn et JosĂ© Eugenio Portillo, qu’il instruisit de la rĂ©union nocturne tenue par les auditeurs oĂč sa suspension fut dĂ©cidĂ©e. Le PrĂ©sident requit les avocats susnommĂ©s Ă  lui servir d’assesseurs lors de la mise en dĂ©tention des auditeurs JosĂ© Vicente Ussoz y Mozi[19] et JosĂ© VĂĄsquez de Ballesteros, du procureur Miguel LĂłpez Andreu, des membres du Cabildo civil, Manuel de Zudåñez et Domingo AnĂ­barro, et de l’avocat Jaime de Zudåñez, dĂ©fenseur des pauvres.

À 6 heures du soir, GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro Ă©mit l’ordre d’emprisonner les conjurĂ©s, Ă  l’effet de quoi se mirent en route six commissionnĂ©s accompagnĂ©s de gardes. La nouvelle cependant se rĂ©pandit vite et les personnes visĂ©es par les arrestations se mirent Ă  l’abri oĂč ils purent. On ne retrouva, dans leurs logis respectifs, ni les auditeurs VĂĄquez Ballesteros et Ussoz y Mozi, ni le procureur Andreu, qui assistaient en effet Ă  une rĂ©union au domicile du doyen JosĂ© de la Iglesia ; ensuite VĂĄsquez Ballesteros se rĂ©fugia dans un recoin dudit domicile, Ussoz y Mozi se transporta au couvent San Felipe Neri, et LĂłpez Andreu s’enfuit hors de la ville.

Ainsi, ne put ĂȘtre dĂ©tenu que le seul Jaime de Zudåñez, qu’une commission dirigĂ©e par l’officier Pedro UsĂșa transfĂ©ra, armes braquĂ©es sur lui, Ă  la caserne des vĂ©tĂ©rans. Le cortĂšge Ă©tant suivi Ă  peu de mĂštres de distance par la sƓur de Zudåñez, laquelle demandait Ă  grands cris de l’aide pour son frĂšre, une foule se constitua peu Ă  peu, raison pour laquelle Zudåñez fut transfĂ©rĂ© Ă  la prison de la Cour (ainsi dĂ©nommĂ©e car se trouvant dans le bĂątiment qui servait Ă  la Real Audiencia et qu’habitait le prĂ©sident), devant laquelle la population commença maintenant Ă  se rassembler et rĂ©clamer Ă  cris l’intervention de l’archevĂȘque, qui eut un entretien avec RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro.

Pendant que la population bombardait de pierres le bĂątiment, RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro consentit Ă  libĂ©rer Jaime de Zudåñez, qu’il considĂ©rait du reste comme le moins important des conjurĂ©s, et lui demanda de calmer la foule. Zudåñez sortit en compagnie de l’archevĂȘque et du comte de San Javier y Casa Laredo par une porte dĂ©robĂ©e, compte tenu que les jets de pierres se poursuivaient, mais, aprĂšs avoir Ă©tĂ© aperçu, fut portĂ© en triomphe comme un hĂ©ros.

AprĂšs que fut connue la nouvelle de la dĂ©tention de Zudåñez et que l’on se fut aperçu de la disparition d’autres personnes, que l’on supposait Ă©galement incarcĂ©rĂ©es, un grand nombre de citadins se mobilisa et se rassembla en tumulte sur la Grand’Place. Se signalĂšrent en particulier Bernardo de Monteagudo et d’autres dĂ©fenseurs des idĂ©es rĂ©publicaines, qui rĂ©pĂ©taient le slogan « Que meure le mauvais gouvernement, vive le roi Ferdinand VII ! », tout en exigeant la libĂ©ration des dĂ©tenus et la dĂ©mission de GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro.

Pour convoquer le peuple, l’on entreprit de sonner le tocsin dans les Ă©glises principales de la ville : Juan Manuel Lemoine força, sabre au clair, la rĂ©sistance des frĂšres du Temple Saint-François et rĂ©ussit Ă  monter jusqu’à la cloche, qu’il fit sonner jusqu’à la fĂȘler, en souvenir de quoi celle-ci est depuis lors dĂ©nommĂ©e Cloche de la LibertĂ©[20], tandis que le Français Joseph Sivilat et un serviteur de Jaime de Zudåñez faisaient de mĂȘme dans la cathĂ©drale. À la volĂ©e des cloches, davantage de gens encore affluĂšrent, et Mariano Michel Mercado, escopette en main, envoya les jeunes gens sonner les cloches des Ă©glises restantes.

Les gens que le sous-dĂ©lĂ©guĂ© de YamparĂĄez, le colonel Juan Antonio Álvarez de Arenales, avait postĂ©s aux alentours de la ville envahirent les rues, pendant que les chefs du mouvement se rĂ©unissaient une nouvelle fois au domicile de JosĂ© de la Iglesia, oĂč il fut rĂ©solu d’envoyer une note au prĂ©sident RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro exigeant la remise de l’armement prĂ©sent dans sa rĂ©sidence. Ce fut Arenales lui-mĂȘme, assistĂ© de l’alcade Antonio Paredes et du pĂšre Polanco, qui alla rĂ©clamer auprĂšs du prĂ©sident la cession de ces armes, et, devant son refus, l’auditeur Ballesteros se rendit sur les lieux pour accompagner la requĂȘte, unique façon de calmer le tumulte.

Entre-temps, la population insurgĂ©e, au sein de laquelle se dĂ©tachaient Zudåñez, Lemoine, MalavĂ­a, Monteagudo, Toro, Miranda, Sivilat, etc., s’excitait de plus en plus, pour beaucoup sous l’effet de la situation et pour quelques autres par l’action de l’eau-de-vie que, mĂȘlĂ©e Ă  la poudre, on leur distribuait[21].

Le prĂ©sident ordonna alors d’ouvrir la porte principale et laissa les insurgĂ©s s’emparer des canons demandĂ©s ; cependant, alors qu'on procĂ©dait Ă  la remise des fusils, les manifestants envahirent l’enceinte du palais de gouvernement, amenant la garde Ă  tirer en l’air, Ă  quoi il fut ripostĂ© par des tirs d’artillerie[14] - [22].

Les conjurĂ©s rĂ©digĂšrent un message Ă  l’attention du PrĂ©sident, exigeant la passation immĂ©diate du commandement politique et militaire. RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro rejeta cette requĂȘte et proposa une rĂ©union pour le lendemain , afin d’examiner le problĂšme. Les auditeurs cependant insistĂšrent, afin d'Ă©viter de « funestes Ă©vĂ©nements ». Devant un nouveau refus, une troisiĂšme requĂȘte fut envoyĂ©e, tandis qu’entre-temps le peuple rĂ©ussit Ă  abattre, par deux tirs de canon, la porte dĂ©robĂ©e de la rĂ©sidence. Finalement, au moment oĂč les groupes entraient par l’ouverture, les messagers surgirent brandissant l’acte de dĂ©mission ; il Ă©tait alors trois heures du matin.

Pour dĂ©fendre son prĂ©sident, le marquis RamĂłn Garcia de LeĂłn y Pizarro, il n’y eut que son garde, l’officier chargĂ© de la caserne, Manuel Yañez, originaire de Chuquisaca, qui en effet n’avait pas donnĂ© la permission Ă  ses soldats de sortir Ă  la rue[14].

GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro se rendit aux auditeurs, et fut mis en detenciĂłn dans l’universitĂ©. Le 26 au matin, l’Audiencia assumait le pouvoir en tant qu’Audiencia Gobernadora (litt. Audiencia gouvernante), et nomma Álvarez de Arenales commandant gĂ©nĂ©ral et le doyen de l’Audiencia, JosĂ© de la Iglesia, gouverneur de Charcas[23]. Le prĂ©sident passa en jugement pour trahison Ă  la patrie ; la garnison fut dĂ©sarmĂ©e et les armes ainsi saisies furent mises Ă  la disposition du peuple[24]. Seuls furent dĂ©mis de leurs fonctions le prĂ©sident RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro et le commandant du bataillon de milices, RamĂłn GarcĂ­a[14].

Álvarez de Arenales organisa la dĂ©fense en mettant sur pied les milices de Chuquisaca et de YamparĂĄez, composĂ©es de neuf compagnies d’infanterie, rĂ©parties selon les professions de leurs membres respectifs : I. Infanterie (sous les ordres de JoaquĂ­n Lemoine), II. AcadĂ©miciens (Manuel de Zudåñez), III. Argentiers (Juan Manuel Lemoine), IV. Tisserands (Pedro Carbajal), V. Tailleurs (Toribio Salinas), VI. Chapeliers (Manuel de Entre Ambas Aguas), VII. Cordonniers (Miguel Monteagudo), VIII. Peintres (Diego Ruiz) et IX. Divers mĂ©tiers (Manuel Corcuera). Furent formĂ©s en outre trois corps de cavalerie lĂšgĂšre sous le commandement de Manuel de Sotomayor, Mariano GuzmĂĄn et NicolĂĄs de Larrazabal, un corps d’artillerie sous les ordres de Jaime de Zudåñez, et un bataillon de mulĂątres et de noirs.

En quĂȘte de soutien

Le , le gouverneur de Potosí, Francisco de Paula Sanz, reçut une communication du vice-roi Liniers datée du :

« [...] qu’à Salta, Tomina et dans cette ville se tiennent prĂȘts, pourvus de munitions, dans chacun de ces parages, deux-cents hommes de vos milices, lesquelles, sous le commandement de Don JosĂ© Francisco Tineo, de Don Diego de Velasco, et de Don Indalecio Gonzalez de Socasa, et jointes aux compagnies de vĂ©tĂ©rans prĂ©sentes dans ladite ville, se mettent toutes Ă  la disposition de Votre Seigneurie, qu’Elle prenne le commandement par intĂ©rim et supplĂ©e Ă  la PrĂ©sidence de Charcas, pour que Votre Seigneurie, ayant rassemblĂ© cette force armĂ©e, maintienne la tranquillitĂ© et le calme intĂ©rieur de ces provinces, impose le respect de l’autoritĂ© royale, et calme tout trouble public qui existe ou pourrait survenir, quel qu’il soit [...] »

— Lettre du vice-roi Liniers au gouverneur Paula Sanz du 18 juin 1809

Dans le mĂȘme sens, il fut ordonnĂ© Ă  Pizarro de « rĂ©unir une force compĂ©tente Ă  PotosĂ­ pour maintenir le calme public et le respect aux autoritĂ©s », et d’autre part d’obĂ©ir Ă  l’Audiencia pour autant que celle-ci n’allĂąt pas Ă  l’encontre du gouvernement supĂ©rieur. Paula Sanz, se portant au secours du prĂ©sident, se mit en mouvement vers Chuquisaca avec ses troupes, mais, arrivĂ© dans les environs immĂ©diats de Chuquisaca, se vit ordonner par l’Audiencia de reculer vers PotosĂ­ avec ses forces, et obtempĂ©ra aprĂšs concertation.

Les membres de la junte de gouvernement cherchĂšrent et obtinrent l’appui d’ElĂ­o dans la Bande orientale. À Colonia del Sacramento se trouvait le nouveau vice-roi Baltasar Hidalgo de Cisneros, qui approuvait en principe la conduite observĂ©e par l’Audiencia de Charcas et ordonna Ă  l’intendant de PotosĂ­ de coopĂ©rer dans la suite.

Jusqu’à ce moment-lĂ , et selon la perception que l’on en avait Ă  cette Ă©poque, du moins dans le RĂ­o de la Plata, y compris dans le chef de beaucoup de ses protagonistes, le mouvement de Chuquisaca ne visait pas l’indĂ©pendance, mais Ă©tait au contraire animĂ© par une adhĂ©sion aveugle Ă  la cause du roi Ferdinand et par le rejet de l’ennemi traditionnel, le Portugal, et de la politique des charlottistes. Ce nonobstant, un certain nombre d’étudiants et de citoyens de Chuquisaca aspiraient quant Ă  eux Ă  avancer vers l’indĂ©pendance ; parmi eux figurent Antonio Paredes, Mariano Michel, JosĂ© Benito AlzĂ©rreca, JosĂ© Manuel Mercado, Álvarez de Arenales, Manuel Victorio GarcĂ­a Lanza et Bernardo de Monteagudo[5]. Avec cet objectif dissimulĂ©, l’on envoya des Ă©missaires vers diffĂ©rentes villes : sous couleur de vouloir affirmer leur loyautĂ© envers Ferdinand VII et d’exĂ©cuter des missions confiĂ©es par l’Audiencia, ils avaient pour mission rĂ©elle d’attiser les sentiments indĂ©pendantistes parmi les habitants des autres villes.

Les commissionnés formaient une société secrÚte, connue sous le nom de Société des Indépendants de Chuquisaca.

Prirent d’abord le dĂ©part, Ă  destination de Cochabamba, Mariano « malaco » Michel et TomĂĄs AlzĂ©rreca, puis JosĂ© Benito AlzĂ©rreca et Justo MarĂ­a Pulido. Vers La Paz furent dĂ©pĂȘchĂ©s d’abord Gregorio JimĂ©nez et Manuel Toro, mais ceux-ci Ă©chouĂšrent dans leur mission, en raison de quoi l’on rĂ©solut d’envoyer Michel accompagnĂ© de son frĂšre, l’abbĂ© Juan Manuel Mercado, et du maire provincial de Cuzco, Antonio Paredes. À Sicasica, sur le chemin de La Paz, JosĂ© Antonio Medina se joignit Ă  eux. Paredes poursuivit ensuite son chemin jusqu’à Cuzco. Bernardo Monteagudo fut envoyĂ© Ă  PotosĂ­ et Ă  Tupiza, avec le mandat d’encourager le soulĂšvement, d’intercepter le courrier royaliste entre Buenos Aires et Lima, et, quand le mouvement aurait triomphĂ©, de continuer jusqu’à Buenos Aires. JoaquĂ­n Lemoine et Eustaquio Moldes prirent le chemin de Santa Cruz de la Sierra, et l’on dĂ©signa Teodoro SĂĄnchez de Bustamante comme Ă©missaire pour San Salvador de Jujuy, JosĂ© Mariano Serrano pour Salta, Mariano SĂĄnchez de Loria pour TucumĂĄn, et l’ancien Ă©tudiant Mariano Moreno pour Buenos Aires[25] - [26].

La Paz

Le poste de gouverneur de la Paz Ă©tait occupĂ© Ă  titre intĂ©rimaire (Ă  la suite de la mort de l’intendant Antonio Burgundo de Juan) par le Dr. Tadeo DĂĄvila, que l’on soupçonnait, sur la base de faits survenus en 1805, de nourrir des sympathies rĂ©volutionnaires, Ă  l’instar de son prĂ©dĂ©cesseur[5]. Un chroniqueur affirmait :

« Ces machinateurs (les patriotes de la Paz) se composaient dans leur majeure partie de membres du club du sieur DĂĄvila, Ă  qui ils apportaient des ragots Ă  rĂ©pĂ©tition, calomniant sans Ă©gards les habitants les plus honorables, et lui faisant comprendre que ceux-ci mettaient sur pied des comitĂ©s afin de porter au pouvoir le sieur Prada ; et quoique rien de tout cela n’arrivĂąt, c’était lĂ  la seule prĂ©occupation du sieur DĂĄvila.
Ils voyaient les Ă©vĂ©nements de Chuquisaca comme modĂšle de ce qui devait se produire dans cette ville (la Paz) ; ils voyaient immĂ©diatement la flamme, et le vent Ă©pais et rĂ©chauffĂ© de l’atmosphĂšre incendiĂ© embarrassait leur respiration : il n’y avait que le chef que rien ne perturbait, et l’on ne pouvait rien lui dire, car, mĂ©prisant tout, il ne rĂ©solvait rien.
Le peuple ainsi rendu Ă©tourdi, les comploteurs ne rencontrĂšrent aucune opposition Ă  leur dessein ; ils continuaient avec zĂšle au sein de leurs comitĂ©s et entrĂšrent en effervescence avec l’arrivĂ©e de l’émissaire, le Dr. Mariano Michel, envoyĂ© par l’Audiencia de Chuquisaca, et dotĂ© d’un mandat royal les habilitant Ă  se saisir de plusieurs personnes qui s’étaient Ă©chappĂ©es dans la nuit du 26 mai. »

— CitĂ© dans La guerra de los 15 años en el Alto PerĂș de RamĂłn Muñoz.

Michel, outrepassant sa mission officielle, incitait à la révolution. Il amena à La Paz le document intitulé Proclama de la ciudad de La Plata a los valerosos habitantes de La Paz ('Proclamation de la ville de La Plata aux valeureux habitants de La Paz'), qui allait devenir fameux sous le nom de Proclamation de la Junte protectrice de La Paz :

« Nous avons jusqu’ici tolĂ©rĂ© une sorte d’exil au sein de notre Patrie. Pendant plus de trois siĂšcles, nous avons regardĂ© avec indiffĂ©rence notre primitive libertĂ© ĂȘtre soumise au despotisme et Ă  la tyrannie d’un usurpateur injuste qui, nous dĂ©gradant hors de l’espĂšce humaine, nous a fait passer pour des sauvages et nous a regardĂ©s comme des esclaves ; nous avons gardĂ© un silence assez analogue Ă  la stupiditĂ© que nous a attribuĂ©e l’inculte Espagnol.
Il est temps donc de secouer le joug, funeste pour notre bonheur autant qu’il est favorable Ă  l’orgueil national de l’Espagnol ; il est temps d’organiser un nouveau systĂšme de gouvernement fondĂ© sur les intĂ©rĂȘts de notre Patrie, hautement dĂ©primĂ©e par la politique de Madrid ; il est temps enfin, de lever l’étendard de la libertĂ© dans ces colonies disgraciĂ©es, acquises sans le moindre titre et conservĂ©es avec la plus grande injustice et tyrannie.
Valeureux habitants de La Paz et de tout l’empire du PĂ©rou, menez Ă  bien vos projets ; mettez Ă  profit les circonstances oĂč nous nous trouvons ; ne regardez pas avec dĂ©dain le bonheur de notre sol ; ne perdez jamais de vue l’union qui doit rĂ©gner en tous afin d’ĂȘtre heureux dĂ©sormais, autant que nous Ă©tions malheureux jusqu’à maintenant[27] »

La mission fut un succĂšs, et Michel retourna Ă  Chuquisaca au bout d’un mois. Le , les indĂ©pendantistes se rĂ©unirent au domicile de Juan Antonio Figueroa et convinrent de frapper le coup dĂ©finitif le , en profitant de la circonstance que la troupe recevrait son congĂ© Ă  l’issue de la procession de Notre-Dame du Mont-Carmel, laquelle est en Bolivie l’une des plus solennelles[5]. Mariano Graneros y Melchor JimĂ©nez furent chargĂ©s de sonder l’attitude des soldats du bataillon.

Les principaux conjurĂ©s Ă©taient Pedro Domingo Murillo, Melchor GimĂ©nez (alias el Pichitanga), Mariano Graneros (alias el Chaya-tegeta) et Juan Pedro de Indaburu. À la date prĂ©vue, le bataillon de milices, commandĂ© par le chef en second Juan Pedro de Indaburu, s’empara de la caserne de vĂ©tĂ©rans, tandis que la population se prĂ©cipitait vers la place. Le gouverneur DĂĄvila fut mis en detention par les rĂ©volutionnaires et destituĂ© par un Cabildo ouvert organisĂ© le soir mĂȘme, en mĂȘme temps que l’évĂȘque Remigio de la Santa y Ortega, les alcades ordinaires, les sous-dĂ©lĂ©guĂ©s et tous les fonctionnaires placĂ©s par le roi. Toutes les dettes contractĂ©es au crĂ©dit du fisc furent annulĂ©es ce mĂȘme jour, et dans la matinĂ©e du 20 l’ordre fut donnĂ© de brĂ»ler sur la grand’place, Ă  la vue de tous, les documents et papiers y relatifs[5] - [14].

Le peuple demanda et obtint la dĂ©mission du prĂ©lat ainsi que celle du gouverneur DĂĄvila, proclama Murillo chef des armes, nomination agrĂ©Ă©e ensuite par disposition du Cabildo. Cette dĂ©cision, qui d’une certaine maniĂšre frustrait les espoirs d’Indaburu, entraĂźnera, ainsi que nous le verrons ci-dessous, de fatales consĂ©quences et sera Ă  l’origine d’évĂ©nements dĂ©sastreux[5].

Une junte de gouvernement indĂ©pendantiste fut formĂ©e, dĂ©nommĂ©e Junta Tuitiva (litt. Junte protectrice ou de dĂ©fense), prĂ©sidĂ©e par le colonel Pedro Domingo Murillo, tandis qu’était nommĂ© secrĂ©taire SebastiĂĄn Aparicio, greffier Juan Manuel CĂĄceres, et qu’étaient dĂ©signĂ©s membres de la junte le Dr. Gregorio Garcia Lanza, le Dr. Melchor LeĂłn de la Barra (curĂ© de Caquiavire), JosĂ© Antonio Medina (Tucuman, curĂ© de Sicasica), le prĂȘtre Juan Manuel Mercado (de Chuquisaca), le Dr. Juan Basilio CatĂĄcora et le Dr. Juan de la Cruz Monje y Ortega. Par la suite furent nommĂ©s les membres supplĂ©ants et des citoyens agrĂ©gĂ©s : SebastiĂĄn Arrieta (trĂ©sorier), le Dr. Antonio Avila, Francisco Diego Palacios et JosĂ© MarĂ­a Santos Rubio (commerçants), Buenaventura Bueno (maĂźtre de latin) et Francisco X. Iturres Patiño (sous-chantre[28]).

Murillo fut Ă©levĂ© au grade de colonel et de chef militaire de la province, et Indaburu Ă  celui de lieutenant-colonel, subordonnĂ© au premier. Cette dĂ©cision s’appuyait d’un cĂŽtĂ© sur la popularitĂ© de Murillo, mais de l’autre Ă©galement sur une mĂ©fiance vis-Ă -vis d’Indaburu, considĂ©rĂ© comme un homme ambitieux, dominateur et impĂ©tueux.

PotosĂ­

La montagne argentifùre Cerro Rico à Potosí, vue à travers l’arc de Cobija.

Alors qu’à La Paz, le mouvement trouvait un Ă©cho favorable et se radicalisait, dans la ville de PotosĂ­ au contraire, Francisco de Paula Sanz sut agir avec rapiditĂ© et dĂ©cision. AprĂšs avoir refusĂ© de reconnaĂźtre l’Audiencia de Charcas et la Junta Tuitiva de La Paz, il cantonna le bataillon de milices, qu’il plaça sous le commandement du colonel Indalecio GonzĂĄlez de Socasa, et Ă©carta les officiers amĂ©ricains pour les remplacer par des europĂ©ens[14]. Comme les chefs du bataillon d’Azogueros (amalgameurs) se manifestĂšrent en faveur des Ă©volutions survenant Ă  Chuquisaca, Sanz ordonna aussi de se saisir du colonel Pedro Antonio Ascarate et du lieutenant-colonel Diego de Barrenechea, et de procĂ©der Ă  l’arrestation du sous-lieutenant JoaquĂ­n de la Quintana, de l’essayeur de la banque Salvador Matos, de quatre frĂšres rĂ©pondant au patronyme de Nogales, et du greffier Toro, entre autres citoyens[14].

Pendant qu’il adoptait ces mesures, Sanz sollicita des renforts de la part du vice-roi du PĂ©rou JosĂ© Fernando de Abascal y Sousa, futur marquis de la Concordia. Abascal, redoutant que le mouvement rĂ©volutionnaire, qui atteignait ses propres frontiĂšres, ne se propageĂąt aux provinces de Puno, d’Arequipa et de Cuzco, oĂč le souvenir de la rĂ©volte de TĂșpac Amaru II Ă©tait encore vivace, rĂ©solut de ne pas attendre les dĂ©cisions de Buenos Aires et de commencer aussitĂŽt Ă  lever une armĂ©e et Ă  rĂ©primer la rĂ©bellion. À cet effet, il nomma le prĂ©sident de la Real Audiencia de Cuzco, JosĂ© Manuel de Goyeneche, gĂ©nĂ©ral en chef de l’armĂ©e expĂ©ditionnaire, donnant ordre au colonel Juan RamĂ­rez, gouverneur de Puno, de se mettre sous ses ordres avec les troupes sous son commandement, et disposant dans le mĂȘme sens Ă  l’égard des troupes d’Arequipa[5]. Afin de se mĂ©nager une caution lĂ©gale pour ce qui Ă©quivalait dans les faits Ă  l’invasion d’une autre juridiction en l’absence de toute habilitation, il requit Goyeneche, tout en prenant toutes dispositions en vue de la mobilisation, d’offrir ses troupes au nouveau vice-roi du RĂ­o de la Plata Baltasar Hidalgo de Cisneros, lequel les accepta le .

La répression

Goyeneche se hĂąta d’accepter la mission qui lui Ă©tait confiĂ©e et se mit immĂ©diatement en marche pour le rĂ­o Desaguadero, qui formait la limite entre les deux vice-royautĂ©s. Les troupes qu’emmenait Goyeneche pour combattre l’insurrection de La Paz comprenaient 5 000 hommes, bien armĂ©s et approvisionnĂ©s, venant de Cuzco, Arequipa et Puno, alors que les rĂ©volutionnaires ne disposaient que de 800 fusils de mauvaise qualitĂ© et de 11 piĂšces d’artillerie en tout aussi mauvais Ă©tat[5].

Devant la menace, le Cabildo ouvert de La Paz dĂ©cida, le , sur les instances des patriotes JosĂ© Gabriel Castro, Landaeta, Cossio, Arias et Ordoñez, de dĂ©clarer la guerre Ă  la province de Puno et d’ordonner au sergent-major Juan Bautista SagĂĄrnaga d’avancer vers le Desaguadero. L’expĂ©dition se mit en mouvement le , la ville ne gardant que dix compagnies.

Lorsque l’avant-garde de Goyeneche, comptant cent hommes et deux piĂšces d’artillerie, sous les ordres du colonel FermĂ­n PiĂ©rola, parvint au pont sur le Desaguadero, celui-ci Ă©tait dĂ©jĂ  occupĂ© par une petite force des rĂ©volutionnaires de la Paz, qui, inexpĂ©rimentĂ©s et mal Ă©quipĂ©s, ne purent rĂ©sister Ă  l’artillerie ennemie et durent se replier sur La Paz, cĂ©dant la position aux envahisseurs[5].

Jusqu’à la mi-octobre, Goyeneche s’attacha Ă  discipliner son armĂ©e et Ă©tablit son campement gĂ©nĂ©ral Ă  Zepita, d’oĂč il fit mouvement le 13 du mĂȘme mois en direction de La Paz[5].

Un chroniqueur royaliste relate :

« Goyeneche fit, avant d’attaquer, des propositions pacifiques, qui furent repoussĂ©es avec hauteur.
Les plus engagĂ©s s’efforçaient toujours de soutenir que la mutinerie du 16 juillet Ă©tait le rĂ©sultat de la fidĂ©litĂ©, du zĂšle et de l’honneur de cette population, poussĂ©e par la mĂ©fiance que lui inspirait la secrĂšte intelligence que l’on supposait avoir dĂ©celĂ©e entre la cour de Rio de Janeiro et les chefs supĂ©rieurs de la vice-royautĂ© de Buenos Aires. C’est dans ce sens que la mairie elle-mĂȘme de La Paz avait Ă©crit au marquis de la Concordia, lui assurant en outre pouvoir produire des preuves irrĂ©fragables de ce que des troupes portugaises se concentraient aux confins du Mato Grosso[29] et sur d’autres points de la frontiĂšre de Mojos, de la prĂ©sence incognito de l’infant don Antonio dans la ville de Buenos Aires, de l’arraisonnement de la frĂ©gate espagnole Prueba, des insultes profĂ©rĂ©es Ă  l’endroit de Pascual Ruiz Huidobro[30], et de courriers Ă  rĂ©pĂ©tition envoyĂ©s du BrĂ©sil Ă  la capitale de la vice-royautĂ©. »

— GarcĂ­a CambĂĄ, Memoria para la historia de las armas españolas en AmĂ©rica.

À Buenos Aires, « lorsque parvint au mois de juin la nouvelle du premier mouvement de la ville de La Plata [...], Liniers [...] se prononça contre ce mouvement, le qualifiant d’attentat scandaleux dans le message qu’il adressa Ă  la cour d’Espagne le suivant »[31]. Ce nonobstant, Liniers suspendit l’envoi de troupes au motif qu’il avait Ă©tĂ© instruit que son successeur, le nouveau vice-roi dĂ©signĂ© par la Junte centrale, Cisneros, venait de dĂ©barquer Ă  Montevideo. Ce dernier, se mĂ©fiant de Liniers et du parti criollo, rejoignit Buenos Aires le et se montrait trĂšs morose.

Cisneros plaça le marĂ©chal Vicente Nieto Ă  la tĂȘte du corps expĂ©ditionnaire[32], et nomma pour son second le capitaine de frĂ©gate JosĂ© de CĂłrdoba y Rojas.

Le corps expĂ©ditionnaire Ă©tait en Ă©tat de faire mouvement Ă  la mi-aoĂ»t, mais le fut entreprise une importante rĂ©forme des milices tendant Ă  rĂ©duire le fort dĂ©ficit et Ă  affaiblir les forces criollas (principalement patriciennes et de hussards)[33], et peu de jours plus tard, le , « attendu que la ville de La Paz, dans le PĂ©rou, province dĂ©pendante de la prĂ©sente Vice-royautĂ©, a formĂ© une Junte suprĂȘme, dĂ©nommĂ©e Junta tuitiva del Alto PerĂș, qui refuse d’obĂ©ir Ă  la prĂ©sente autoritĂ© »[8], les premiĂšres troupes, une compagnie d’infanterie et une autre de dragons vĂ©tĂ©rans, se mirent en marche.

Le , le contingent principal, sous le commandement du marĂ©chal Vicente Nieto, dĂ©signĂ© comme nouveau prĂ©sident de l’Audiencia de Charcas, prit le dĂ©part :

« Le marĂ©chal passa l’inspection de son armĂ©e sur la grand’place de la capitale, armĂ©e composĂ©e de deux compagnies de patriciens, une d’Arribeños, une de Cantabres et une autre d’Andalous, un piquet de marins et trois piquets de vĂ©tĂ©rans du contingent, artilleurs et hussards du roi, composant une force de 400 Ă  500 hommes, avec facultĂ© de l’augmenter dans les villages traversĂ©s [...] mit ses forces en mouvement en trois divisions, qui quittĂšrent la capitale Ă  intervalles de plusieurs jours, lui-mĂȘme marchant Ă  l’avant-garde. »

— Ignacio NĂșñez, Noticias histĂłricas de la RepĂșblica Argentina, dans Biblioteca de Mayo, p. 402.

Cependant, vu la lenteur de sa prise de décision, la répression fut laissée aux soins de Goyeneche :

« Ce n’est pas la disposition prise par Cisneros et le choix de Vicente Nieto qui furent mauvais, car tendant Ă  apaiser les innovations de La Paz, Haut-PĂ©rou, ce qui fut mauvais est le calme de Cisneros, qui, fraĂźchement nommĂ© fin fĂ©vrier, venait d’arriver dĂ©but juillet Ă  Montevideo et perdit tout le mois dans cette ville et Ă  Colonia en prĂ©cautions, de sorte qu’il ne donna ses ordres que tardivement, tandis que le finaud Goyeneche avait quant Ă  lui fait avancer son affaire, en exploitant en aventurier les craintes d’Abascal, et, s’autorisant de celui-ci, pharisiennement et brutalement, sans avoir titre Ă  s’immiscer dans une juridiction et territoire totalement sĂ©parĂ©s, ensanglanta son propre pays ou patrie, la livrant Ă  la canaille, sans mĂȘme chercher Ă  maintenir les apparences, comme il le laissa voir Ă  Madrid, SĂ©ville, Montevideo, Buenos Aires, partout oĂč il Ă©tait apparu en importun. »

— Domingo Matheu, Autobiografía, incise 126, dans Biblioteca de Mayo, p. 2285/6.

Devant la pression de Goyeneche, la Junta Tuitiva de la Paz dĂ©cida de se dissoudre et de transfĂ©rer Ă  son prĂ©sident Morillo le commandement politique et militaire. Murillo ne disposait que d’un millier hommes et se posta, pour Ă©viter les dĂ©sertions, avec le gros des troupes dans la banlieue de la ville, dans la localitĂ© de Chacaltaya, sur les hauteurs de La Paz, laissant Indaburu dans la ville avec une compagnie. Le , Indaburu, s’étant entendu avec un Ă©missaire de Goyeneche, trahit le mouvement. Il fit arrĂȘter les dirigeants rĂ©volutionnaires qui se trouvaient dans la ville, parmi lesquels les patriotes JimĂ©nez, Medina, Orrantia, Cossio, RodrĂ­guez, Iriarte et Zegarra, et le lendemain fit exĂ©cuter Pedro RodrĂ­guez, condamnĂ© par un conseil composĂ© de l’alcade Diez de Medina, de l’aide de camp de Goyeneche, Miguel Carrazas, d’Indaburu lui-mĂȘme et de l’assesseur Baltasar Aquiza.

JosĂ© Gabriel Castro, qui se tenait sur les hauteurs de La Paz, reçut la nouvelle de la trahison par JosĂ© Manuel Bravo et, aprĂšs avoir rassemblĂ© rapidement une force de 250 hommes, descendit sur la ville, attaqua la tranchĂ©e de la rue du Commerce, oĂč se concentrait la rĂ©sistance, et fit mettre Ă  mort Indaburu.

Les dissensions et affrontements entre les rebelles mirent à mal leur capacité de résistance :

« Ses auteurs [de la rĂ©volution de La Paz], quelque bien intentionnĂ©s qu’ils fussent en se lançant dans une entreprise si pĂ©rilleuse, se divisĂšrent sur leurs intĂ©rĂȘts, et occupĂšrent le temps ― qu’ils devaient employer Ă  organiser les forces pour la mener Ă  bien et la faire embrasser dans les villages limitrophes ― Ă  de nouvelles discussions mesquines, qui la firent avorter misĂ©rablement. À La Paz, celles-ci prirent un caractĂšre tellement sanglant et fĂ©roce que les diffĂ©rents caudillos qui se disputĂšrent alternativement le commandement, le faisaient Ă  vive force et au moyen de luttes intestines, lors desquelles ils se dĂ©moralisĂšrent entiĂšrement et s’affaiblirent de sorte Ă  ne pouvoir rĂ©sister avec quelque probabilitĂ© aux forces qui dĂ©jĂ  se pressaient de façon accĂ©lĂ©rĂ©e pour les battre. »

— Dámaso de Uriburu, Memorias 1794-1857, dans Biblioteca de Mayo, p. 632/3.

Le , une division rĂ©volutionnaire, composĂ©e d’une cinquantaine d’hommes armĂ©s et de deux milliers d’Indiens emmenĂ©s par le protecteur des naturels Francisco Pozo, et placĂ©e sous les ordres de Apolinar JaĂ©n, partit pour Chulumani, dans les Yungas boliviennes.

À La Paz, Goyeneche attaqua enfin les forces dĂ©sorganisĂ©es de Murillo, qu’il battit et dispersa avec facilitĂ© le sur les hauteurs de Chacaltaya. Dans le mĂȘme temps, les troupes de JaĂ©n furent vaincues Ă  Chicaloma Ă  l’issue d’une longue lutte, et se retirĂšrent de nouveau sur Chulumani le .

Une division rebelle, sous le commandement de Manuel Victorio GarcĂ­a Lanza, de JosĂ© Gabriel Castro, Mariano Graneros et de SagĂĄrnaga entre autres patriotes, se dirigea, Ă  la suite de la dispersion Ă  Chacaltaya, vers les Yungas dans le dessein de soulever les indigĂšnes. Castro s’y attela Ă  Coroico, SagĂĄrnaga Ă  Pacollo, et Lanza Ă  Chulumani. Goyeneche dĂ©pĂȘcha Ă  leurs trousses, le , son cousin le colonel Domingo TristĂĄn avec une force de 550 hommes, qui marcha sur Irupana, et le , une autre de 300 hommes, sous le commandement de Narciso Basagoitia, qui fit mouvement vers la localitĂ© de Chulumani voisine.

Le , TristĂĄn lança l’offensive, de concert avec La Santa, l’évĂȘque destituĂ© de La Paz, lequel alla jusqu’à convertir quelques prĂȘtres en soldats, et vainquit les patriotes Ă  la bataille d’Irupana (16° 28â€Č 00″ S, 67° 28â€Č 00″ O)[34], le jour mĂȘme, tuant les dirigeants[35].

Les rĂ©volutionnaires de Chuquisaca, Ă  la nouvelle de la fin dĂ©sastreuse de ceux de La Paz, remirent en libertĂ© Pizarro et reconnurent l’autoritĂ© du nouveau prĂ©sident de Charcas, Vicente Nieto, qui se tenait alors Ă  Tupiza.

Exécution de Pedro Murillo.

Le , les troupes de Buenos Aires arrivĂšrent Ă  PotosĂ­, oĂč ils furent instruits de la soumission de la Real Audiencia de Charcas. Nieto se remit en route le 17, en compagnie de l’archevĂȘque MoxĂł, qui se trouvait alors ĂȘtre disponible, et entra dans Chuiquisaca le 21. Ses troupes avaient fait leur entrĂ©e quelques jours auparavant[14].

Le , aprĂšs que lui fut parvenu le courrier de La Paz, Nieto donna ordre de procĂ©der Ă  l’arrestation et Ă  la mise au secret de tous les auditeurs de la Real Audiencia, c'est-Ă -dire Juan Antonio FernĂĄndez, JoaquĂ­n Lemoine, Juan Antonio Alvarez de Arenales[36], Domingo AnĂ­barro, Angel GutiĂ©rrez, le Dr. Angel Mariano Toro, les deux Zudañez (Manuel devait mourir en prison), Antonio Amaya, le Dr. Bernardo de Monteagudo, les Français Marcos Miranda et Joseph Sivilat, et quelques autres, dont il Ă©tait craint qu’ils pussent s’échapper[14].

Au bout d’une pĂ©riode de dĂ©tention rigoureuse, ils subirent pour la majeure partie d’entre eux une mesure de proscription et furent transfĂ©rĂ©s Ă  Lima comme prisonniers. Les ministres de l’Audiencia, Ă  l’exception du comte de San Javier y Casa Laredo et de l’auditeur Monte Blanco, furent mis en confinement en diffĂ©rentes endroits, tandis que l’assesseur Bonard et le commandant Arenales furent relĂ©guĂ©s Ă  Lima[37]. Pour le lieu de bannissement, il fut tenu compte de l’origine des proscrits : « (Goyeneche) assigna ceux originaires de La Paz Ă  Buenos Aires, puisque leurs relations avec cette ville Ă©taient Ă©loignĂ©es, le second (Nieto) ceux originaires de Chuquisaca Ă  Lima, car ceux-ci eussent trouvĂ© Ă  Buenos Aires beaucoup de compagnons d’études[38]. »

Beaucoup surent se sauver « en achetant aux uns et aux autres la grùce de la vie avec des dons de sommes considérables en objets de valeur et en espÚces[38] ».

Ainsi s’acheva la rĂ©volution patriotique de 1809, avec le sacrifice de nombreux AmĂ©ricains et l’exil d’autres, plus de 30, condamnĂ©s aux prĂ©sides de Boca Chica (CarthagĂšne), des Philippines et du Morro de la Havane.

Le furent exécutés Pedro Murillo, Mariano Graneros, Juan Bautista Sagårnaga et García Lanza[39], entre autres.

Mai 1810

À Buenos Aires, Ă©tant donnĂ© les mesures conciliatrices prises par Cisneros Ă  l’égard des participants Ă  la rĂ©volte du 1er janvier 1809, mesures qui aboutirent le Ă  une amnistie complĂšte, l’on supposa donc que seraient prises des dispositions semblables Ă  l'Ă©gard des insurgĂ©s du Haut-PĂ©rou : « On a passĂ© l’éponge sur toute l’affaire de Buenos Aires... Les prisonniers du jour 1 [1er janvier] sont libres et nous sommes tous amis, et la mĂȘme chose se passera avec ceux du PĂ©rou... Les demi-chambards de La Paz et Chuquisaca se sont apaisĂ©s, et si je pouvais parler, je dirais ce qui a causĂ© ces chambards, mais de loin. »[40]

Lorsque l’on apprit la nouvelle de la rĂ©pression, la rĂ©action fut profondĂ©ment nĂ©gative dans tous les partis, et la conduite de Cisneros, si elle avait Ă©tĂ© adoptĂ©e dans le but d’intimider et de consolider son autoritĂ©, alla en fait Ă  rebours de ce qui Ă©tait escomptĂ© :

« Fin janvier commençaient Ă  parvenir de vagues nouvelles de la pacification de La Paz et Chuquisaca ; mais tous ceux qui ne sont pas prĂ©disposĂ©s par un esprit personnel croient qu’il aurait fallu les traiter comme ceux de cette ville (=Buenos Aires) le 1er janvier 1809, et que le vice-roi Cisneros autant que Nieto ont agi avec imprudence en abandonnant ces possessions (=le Haut-PĂ©rou) aux agissements de Goyeneche et d’Abascal, manquant ainsi Ă  l’esprit sourcilleux qui devait les animer Ă  constater l’invasion de leur autoritĂ© et devant les soupçons qui s’étaient dĂ©jĂ  avĂ©rĂ©s sur le bellicisme du premier ; ensuite, Ă  la mi-mars, l’on eut la certitude de leur criminelle et mensongĂšre pacification Ă  feu et Ă  sang, avec procĂšs et sentence, du 29 janvier au 10 fĂ©vrier 1810, que seuls des gens mauvais pouvaient imiter, et tout fut approuvĂ© par le vice-roi Cisneros ; comme une violation barbare et immotivĂ©e... Cela bouleverse toutes les consciences »

— Domingo Matheu, Autobiografía, incise 129, dans Biblioteca de Mayo, p. 2286/7.

Manuel Moreno estima dans le mĂȘme sens que « de tels actes de barbarie rendirent odieuse l’autoritĂ© de Cisneros et ne tardĂšrent pas Ă  changer en mĂ©pris la froideur des habitants vis-Ă -vis d’un chef sans appui. Les Ă©vĂ©nements malheureux de la mĂ©tropole vinrent prĂ©cipiter la conclusion de la scĂšne[41] » . En effet, aprĂšs que l’on eut appris la chute de SĂ©ville et la dissolution de la Junte centrale, Cisneros fut suspendu par voie du Cabildo ouvert du , et le 23 fut constituĂ© un comitĂ© de gouvernement, alors encore prĂ©sidĂ© par l’ancien vice-roi. De courte durĂ©e, cet arrangement permit que Cisneros (signant en tant que vice-roi et non en qualitĂ© de prĂ©sident, pour que son ordre fĂ»t suivi), pressions aidant, commuĂąt la peine d’exil prononcĂ©e contre le curĂ© Medina. Le 25 mai 1810 fut formĂ©e un nouveau comitĂ© exĂ©cutif, sans Cisneros cette fois, le premier prĂ©sidĂ© par un AmĂ©ricain.

Nieto et Sanz apprirent la destitution de Cisneros par courrier arrivĂ© Ă  Chuquisaca le . Ils se mirent alors sous les ordres du vice-roi du PĂ©rou, qualifiĂšrent Buenos Aires de sĂ©ditieuse et sollicitĂšrent des secours. Le 26 au matin, l’on dĂ©signa, dans les troupes appartenant aux corps de patriciens et d’Arribeños de Buenos Aires, un soldat sur cinq[42], et ceux que le sort avait choisis, soit entre cinquante et soixante hommes, furent conduits menottĂ©s Ă  PotosĂ­, oĂč Paula Sanz les envoya au travail d’extraction dans les mines du Cerro Rico de PotosĂ­, oĂč il en mourut plus d’un tiers en moins de trois mois[43]. Dans la soirĂ©e du 25, les soldats, aprĂšs avoir appris que Cornelio Saavedra allait prĂ©sider la Junte de Buenos Aires, avaient trinquĂ© en son honneur, mais sans savoir si ce nouveau gouvernement Ă©tait lĂ©gal ou non[14].

Face Ă  ces nouveaux dĂ©veloppements, Nieto remit en libertĂ© FernĂĄndez, AnĂ­barro, GutiĂ©rrez, Toro et Amaya, et assigna les auditeurs Ă  rĂ©sidence dans telle province du PĂ©rou qu’il jugea convenable, tandis qu’il expĂ©dia les autres, y compris le Dr Pedro JosĂ© Rivera, dĂ©tenu Ă  Oruro, vers Lima, Ă  la disposition d’Abascal, qui les fit transfĂ©rer au prĂ©side de Casas Matas, d’oĂč ils furent libĂ©rĂ©s en application du dĂ©cret d’amnistie des Cortes de Cadix du [14].

Avec ses troupes et quatre compagnies de PotosĂ­ sous les ordres du colonel GonzĂĄlez Socasa, Nieto se dirigea vers Santiago de Cotagaita(20° 49â€Č 03,87″ S, 65° 39â€Č 35,24″ O), quelque 400 km au nord de San Salvador de Jujuy, oĂč il fit creuser des tranchĂ©es tout au long du ravin et face Ă  la riviĂšre, pendant qu’Abascal y envoyait les corps du contingent fixe ou royal de Lima, en mettait sur pied d’autres dans ses provinces et adressait des proclamations aux villages du Haut-PĂ©rou, dont une oĂč il affirmait que les AmĂ©ricains Ă©taient nĂ©s pour ĂȘtre esclaves, paroles qui eurent pour seul effet d’inciter davantage encore Ă  la rĂ©volution[14].

Le sort rĂ©servĂ© aux rĂ©volutionnaires de Buenos Aires tombĂ©s aux mains de Nieto aprĂšs la victoire de celui-ci ne devait pas diffĂ©rer beaucoup de celui rĂ©servĂ© aux rĂ©volutionnaires de La Paz. AprĂšs avoir prĂ©levĂ© un cinquiĂšme du corps des patriciens, ce dont on se targuait publiquement, Nieto dĂ©clarait dans une lettre du envoyĂ©e Ă  Montevideo : « Je commanderai, au titre de gĂ©nĂ©ral en chef, l’armĂ©e tout entiĂšre, plaçant Ă  la tĂȘte de ses divisions des chefs selon ma prĂ©fĂ©rence, comme l’est monsieur le brigadier JosĂ© Manuel de Goyeneche, accoutumĂ© Ă  corrigĂ©r assidĂ»ment des crimes de cette nature »[43]. Et poursuivant : « Une fois que sera prise Santa Fe, qui doit ĂȘtre une de mes principales visĂ©es, il restera Buenos Aires..., on les prendra en tenaille plus ou moins afin qu’elle rentre dans ses devoirs, sans oublier le chĂątiment des auteurs de tant de maux. Je tiens en mon pouvoir plusieurs officiels de la Junte rĂ©volutionnaire Ă  qui je n’ai pas donnĂ© le traitement qui convenait, car j’espĂšre avoir la satisfaction de leur faire manger en Ă©gales proportions les sales et viles insurgĂ©s qui m’ont Ă©tĂ© livrĂ©s... »[44].

PremiĂšre campagne dans le Haut-PĂ©rou (1810-1811).

Entre-temps, l’armĂ©e du Nord, ou armĂ©e du PĂ©rou, engagĂ©e dans sa premiĂšre expĂ©dition dite auxiliaire dans le Haut-PĂ©rou (en esp. ExpediciĂłn auxiliadora al Alto PerĂș) progressait avec rapiditĂ©. À la nouvelle de l’avancĂ©e patriote, de nouveaux mouvements Ă©clataient qui faisaient allĂ©geance Ă  la Junte de Buenos Aires. Le se produisit la rĂ©volution de Cochabamba, le fut constituĂ©e un comitĂ© de gouvernement dans la ville de Santa Cruz de la Sierra, dont faisaient partie Juan Manuel Lemoine et l’envoyĂ© de la PremiĂšre Junte de Buenos Aires, Eustaquio Moldes, le se prononça Ă©galement la ville d’Oruro, et le , aprĂšs la victoire des rebelles lors de la bataille d’Aroma, l’étau se resserra sur l’arriĂšre-garde royaliste.

Environ un millier d’hommes, commandĂ©s par Antonio GonzĂĄlez Balcarce et Eustoquio DĂ­az VĂ©lez, avec Ă  leurs cĂŽtĂ©s Juan JosĂ© Castelli au titre de reprĂ©sentant de la Junte, affrontĂšrent le les troupes de Nieto dans la bataille de Cotagaita. AprĂšs avoir pilonnĂ© au moyen de leur maigre artillerie les tranchĂ©es ennemies, mais n’avoir pas Ă©tĂ© en mesure de s’emparer de la position, les forces rĂ©volutionnaires se repliĂšrent plus au sud. Le , les forces pĂ©ruviennes firent mouvement dans les pas de Balcarce et entrĂšrent dans Tupiza. Le , l’on s’affronta Ă  la bataille de Suipacha(21° 33â€Č 56,17″ S, 65° 36â€Č 32″ O), oĂč l’armĂ©e rioplatense remporta sa premiĂšre victoire sur l’armĂ©e de JosĂ© de CĂłrdoba, qui avait hissĂ© le pavillon de la guerre Ă  mort, et put ainsi avancer jusqu’à la riviĂšre Desaguadero, limite de la vice-royautĂ©. Le gĂ©nĂ©ral Juan MartĂ­n de PueyrredĂłn fut nommĂ© prĂ©sident de l’Audiencia de Charcas.

Ayant appris la nouvelle de la dĂ©faite, Nieto s'employa d'abord Ă  dĂ©truire les fortifications de Cotagaita puis tenta, en compagnie du prĂȘtre de Tupiza et de quelques officiers, de prendre la fuite, mais fut capturĂ© Ă  LĂ­pez. C’est un dĂ©tachement composĂ© de soldats des compagnies de patriciens que Nieto avaient envoyĂ©s travailler dans la mine de PotosĂ­ quatre mois auparavant qui se chargea de ramener le prisonnier.

CĂłrdoba s’enfuit avec les restes de son armĂ©e Ă  Cotagaita et au lendemain de la bataille Ă©crivit Ă  Balcarce :

« Vous avez vaincu dans la lice, et Ă  prĂ©sent je donne les ordres les plus actifs pour que se rassemble ce qu’a dispersĂ© l’indigne PrĂ©sident. Je reconnais la Junte, je me soumets Ă  elle, je fais la mĂȘme chose que ce que fait cette marine, et que ce que feront les troupes que j’ai commandĂ©es, car j’ai donnĂ© en ce sens des ordres trĂšs stricts. »

HĂŽtel de la Monnaie Ă  PotosĂ­.

Castelli lui rĂ©pondit en l’invitant Ă  s'en remettre « Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© du Gouvernement de la Junte » ; CĂłrdoba cependant, craignant avec raison pour son sort, tenta de fuir Ă  Chuquisaca, mais fut fait prisonnier dans les environs de PotosĂ­. Paula Sanz retarda son dĂ©part de PotosĂ­, de sorte que, quand le un officiel de Castelli arriva dans la ville annonçant la venue imminente de ce dernier et ordonnant au cabildo de se saisir du gouverneur, Paula Sanz fut lui aussi dĂ©tenu. Nieto, CĂłrdoba et Paula Sanz restĂšrent ensuite emprisonnĂ©s dans l'hĂŽtel de la Monnaie (Casa de la Moneda) de PotosĂ­ durant un mois[45].

Mis en jugement au quartier-gĂ©nĂ©ral de PotosĂ­ le , « les susdĂ©signĂ©s Sanz, Nieto et CĂłrdoba [furent condamnĂ©s] comme coupables de haute trahison, d’usurpation et de trouble Ă  l'ordre public, y compris avec violence et Ă  main armĂ©e, Ă  subir la peine de mort » et, le , Ă  10 heures du matin, furent mis Ă  genoux sur la Grand’Place et fusillĂ©s[46].

Controverse

La rĂ©volution de Chuquisaca, surnommĂ©e en Bolivie Premier Cri de libertĂ© de l’AmĂ©rique ('Primer Grito Libertario de AmĂ©rica'), ou Étincelle de la libĂ©ration amĂ©ricaine ('Chispa de la liberaciĂłn americana'), est considĂ©rĂ©e par une grande partie de l’historiographie traditionnelle comme le premier des mouvements indĂ©pendantistes en AmĂ©rique hispanique.

De fait, nombreux sont ceux qui partagent ce point de vue. En 1812 dĂ©jĂ , dans un essai intitulĂ© Ensayo sobre la RevoluciĂłn del RĂ­o de la Plata desde el 25 de mayo de 1809 et publiĂ© Ă  l’occasion du troisiĂšme anniversaire de la rĂ©volution dans la revue MĂĄrtir o Libre, Bernardo de Monteagudo, dirigeant indĂ©pendantiste radical et l’un des principaux acteurs des Ă©vĂ©nements, considĂ©rait la rĂ©volution de Chuquisaca comme le dĂ©but de la rĂ©volution du RĂ­o de la Plata. Des historiens Ă©trangers, tels que BenjamĂ­n Vicuña Mackenna, ont appelĂ© Chuquisaca le « berceau volcanique de la rĂ©volution »[5]. Le , Antonio JosĂ© de Sucre lui-mĂȘme disposa que fussent publiquement commĂ©morĂ©s les Ă©vĂ©nements de la rĂ©volution de 1809, et voulut rendre personnellement hommage aux rĂ©volutionnaires de Charcas, ceux-ci ayant en effet Ă©tĂ© selon lui les premiers Ă  proclamer l’indĂ©pendance de l’AmĂ©rique.

Cependant, dans l’historiographie rĂ©cente a surgi un courant rĂ©visionniste, qui nomme cet Ă©vĂ©nement une rĂ©volution monarchique, en raison de ses expressions de loyautĂ© envers le monarque ; il est arguĂ© qu’il s’est agi d’une rĂ©volte au cours de laquelle s’affrontĂšrent Ferdinandistes et Charlottistes, semblablement Ă©loignĂ©s tous deux de toute intention indĂ©pendantiste, ce qui rend sujet Ă  caution le statut de fĂȘte civique patriotique confĂ©rĂ© Ă  cette rĂ©volution ; en mĂȘme temps, le contraste est soulignĂ© avec la rĂ©volution du de la mĂȘme annĂ©e Ă  La Paz, laquelle est considĂ©rĂ©e au contraire comme une rĂ©volution ouvertement indĂ©pendantiste, et c’est donc la Junta Tuitiva ('Junte protectrice') qui est dĂ©signĂ©e comme le premier gouvernement libre d’AmĂ©rique du Sud et comme le point d’origine de l’indĂ©pendance hispano-amĂ©ricaine[47] - [48] - [49] - [50].

Quoi qu’il en soit, il est certain que les motivations publiques et privĂ©es des protagonistes de ce mouvement Ă©taient dissemblables, concurrentes et dans beaucoup de cas contradictoires : outre la menace charlottiste, les craintes concernant la destinĂ©e de l’Espagne, l’illĂ©gitimitĂ© du mandat de la Junte de SĂ©ville et de sa primautĂ©, l’antagonisme prĂ©existant entre le gouverneur et les auditeurs appuyĂ©s par l’universitĂ©, celui entre l’évĂȘque et le cabildo ecclĂ©siastique, le localisme et le dĂ©sir de maintenir les marges d’indĂ©pendance vis-Ă -vis de Buenos Aires et de Lima acquises depuis les offensives britanniques de 1806-1807 , les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, les jalouzies, haines et sentiments personnels, etc. les dĂ©sirs d’indĂ©pendance jouĂšrent sans aucun doute Ă©galement un rĂŽle, fĂ»t-ce, pour certains, sous couleur de comitĂ©s de gouvernement fidĂšles au monarque, fĂ»t-ce, pour d’autres, sous forme de systĂšmes politiques prĂ©parant Ă  la rĂ©publique ; les Ă©missaires dĂ©pĂȘchĂ©s vers les autres villes par les rĂ©volutionnaires adhĂ©raient Ă  cette derniĂšre position.

Le mĂȘme raisonnement pourrait du reste ĂȘtre appliquĂ© aux mouvements de juillet Ă  La Paz (oĂč la masque de la fidĂ©litĂ© au monarque Ă©tait, lĂ  aussi, officiellement maintenu devant les autoritĂ©s), de Ă  Buenos Aires, et de façon gĂ©nĂ©rale Ă  chaque soulĂšvement en AmĂ©rique espagnole.

D’autre part, si la rĂ©volution Ă  La Paz fut certes plus radicale dans ses objectifs et dans son dĂ©roulement, c’est l’étincelle allumĂ©e Ă  Chuquisaca qui la fit Ă©clater. D’une maniĂšre ou d’une autre, les Ă©vĂ©nements de , lors desquels plusieurs patriotes laissĂšrent la vie ou subirent privation de libertĂ© ou proscription, constituent, de quelque façon qu’on en jauge la puretĂ© rĂ©volutionnaire, un prĂ©lude lĂ©gitime au mouvement indĂ©pendantiste sud-amĂ©ricain.

Références

  1. Observons que le terme junta n’a pas en espagnol la connotation nĂ©gative qu’il a dans les autres langues, notamment en français, et dĂ©signe, de façon tout Ă  fait gĂ©nĂ©rale, tout groupe de personnes aptes ou habilitĂ©es Ă  prendre des dĂ©cisions au nom d’une collectivitĂ©, quelle qu’en soit la taille et quelle que soit la matiĂšre concernĂ©e. Ainsi, un comitĂ© d’entreprise est appelĂ© junta de empresa, le conseil communal junta municipal, etc. Pour mieux coller aux dĂ©nominations historiques originales, nous avons jugĂ© opportun de garder le mot ― sous sa forme francisĂ©e de junte ― dans PremiĂšre Junte, Grande Junte, Junte protectrice, etc., plutĂŽt que d’adopter des appellations telles que Premier ComitĂ© de gouvernement, Grand ComitĂ© etc., sans doute plus neutres, mais assez malcommodes et peu Ă©vocatrices.
  2. El primer grito libertario de América « Copie archivée » (version du 20 octobre 2011 sur Internet Archive). Bolivian Press
  3. Radaelli, Sigfrido, Las juntas españolas de 1808, p. 5.
  4. AprĂšs quelques dissensions entre les juntes et devant la nĂ©cessitĂ© Ă©vidente de s’accorder sur une politique commune face Ă  l’invasion et devant les gouvernements amis, principalement la Grande-Bretagne et le Portugal, il fut mis en place Ă  Aranjuez, le 25 septembre de cette mĂȘme annĂ©e, la Junte suprĂȘme centrale, ou Junte suprĂȘme centrale gouvernementale du Royaume (Junta Suprema Central Gubernativa del Reino), comprenant des reprĂ©sentants de plusieurs des juntes locales. PoussĂ©e par l’avancĂ©e des troupes françaises, la Junte se retira en novembre vers l’EstrĂ©madure, et le 17 dĂ©cembre 1808 sur SĂ©ville, oĂč furent convoquĂ©es en mai 1809 les Cortes constitutionnelles, et dut finalement se replier sur l’ Ăźle de LĂ©on, Ă  Cadix, le 23 janvier 1810. Peu de jours plus tard, le 29 janvier, la Junte suprĂȘme dĂ©cida de se dissoudre et de cĂ©der la place au Conseil de rĂ©gence d’Espagne et des Indes, composĂ© de cinq membres, avec seulement un reprĂ©sentant de l’AmĂ©rique. Le 24 septembre 1810 ne restĂšrent finalement en place que les Cortes gĂ©nĂ©rales, qui allaient approuver la constitution espagnole de 1812. Cf. Sigfrido Radaelli, Las juntas españolas de 1808, p. 5- 6.
  5. RamĂłn Muñoz, La guerra de los 15 años en el Alto PerĂș.
  6. Le lieutenant (chilien) CortĂ©s, alors en sevice dans la marine royale, passa plus tard dans l’armĂ©e patriote, apporta son concours Ă  l’indĂ©pendance de sa patrie et monta au rang de gĂ©nĂ©ral de toutes les armĂ©es du Chili.
  7. Manuel Moreno, Vida y memorias de Mariano Moreno, dans Biblioteca de Mayo, p. 1219.
  8. Juan Manuel Beruti , Memorias Curiosas.
  9. À ce moment-lĂ , les diffĂ©rentes juntes ne s’étaient mĂȘme pas organisĂ©es sous une direction unique. Celle de SĂ©ville n’en Ă©tait qu’une parmi d’autres, lors mĂȘme qu’elle s’arrogeĂąt l’autoritĂ© sur « les Indes ». De fait, la Junte de Galice dĂ©pĂȘcha dans le RĂ­o de la Plata Pascual Ruiz Huidobro comme vice-roi, mais celui-ci, aprĂšs avoir pris connaissance de la rĂ©alitĂ© du territoire, choisit de ne pas tenter de faire valoir ses supposĂ©s droits, conscient dĂ©sormais de la fragilitĂ© de l’autoritĂ© dont ils Ă©manaient.
  10. Manuel Moreno, Vida y memorias de Mariano Moreno, en Biblioteca de Mayo, pĂĄgina 1164.
  11. Cette appellation d’« AthĂšnes d’AmĂ©rique » Ă©tait usuelle et se trouve attestĂ©e par de nombreux auteurs, parmi lesquels, pour n’en mentionner que quelques-uns :
    • JosĂ© MarĂ­a Camacho, Compendio de historia de Bolivia, Tip. comercial, 1896 (p. 64 ),
    • Universidad Mayor de San Francisco Xavier, Universidad de San Francisco Xavier, 1927 (p. 74),
    • Domingo Faustino Sarmiento, Facundo, FundaciĂłn Biblioteca Ayacucho, 1985, (ISBN 980-276-274-1), 9789802762743 (p. 226),
    • Juan RamĂłn Muñoz Cabrera, La guerra de los quince años en el Alto PerĂș, Imprenta del Independiente, 1867 (p. 42),
    • Manuel Ordóñez LĂłpez, Luis S. Crespo, Bosquejo de la historia de Bolivia, Imp. Boliviana, 1912 (p. 125)
    • Estuardo NĂșñez, Viajeros hispanoamericanos: temas continentales, FundaciĂłn Biblioteca Ayacucho, 1989, (ISBN 980-276-085-4), 9789802760855 (p. 479), etc.
  12. L’archevĂȘchĂ© jouissait d’une rente annuelle de plus de 80 000 pesos, et la cathĂ©drale comptait de nombreux chanoines et prĂ©lats, rĂ©putĂ©s ĂȘtre les plus riches de tout le royaume. Cette richesse se fondait sur l’exploitation de biens-fonds, sur la perception de dĂźmes et de droits paroissiaux, et sur les dons en faveur des Ăąmes du purgatoire, gĂ©nĂ©reusement versĂ©s par toutes les classes sociales (Manuel Moreno, Vida y memorias de Mariano Moreno, dans Biblioteca de Mayo, p. 1165).
  13. Manuel Moreno, Vida y memorias de Mariano Moreno, en Biblioteca de Mayo, pĂĄgina 1220.
  14. Manuel MarĂ­a Urcullu, Apuntes para la historia de la revoluciĂłn del Alto PerĂș.
  15. À propos de l'ignorance, rĂ©elle ou politique, des CortĂšs quant Ă  la dĂ©rogation Ă  la Pragmatique Sanction de Philippe V, l’on se rappellera que ladite Pragmatique Sanction servira quelques annĂ©es plus tard de prĂ©texte aux guerres carlistes.
  16. Les loyautĂ©s au roi et les allĂ©geances rĂ©gionales Ă©taient fortes : Álzaga Ă©tait basque, et quand il dĂ©barqua Ă  Buenos Aires, il ignorait l’espagnol.
  17. Les proscrits seront délivrés de Patagonie par Elío et transférés à Montevideo.
  18. La constitution de juntes allait se poursuivre l’annĂ©e suivante : la Junte suprĂȘme de Caracas, le 19 avril 1810 ; celle de CarthagĂšne des Indes, le 22 mai ; la PremiĂšre Junte Ă  Buenos Aires, le 22 et 25 mai ; la PremiĂšre Junte nationale de Gouvernement du Chili, le 18 septembre 1810, etc. À leurs dĂ©buts, seules les juntes de Buenos Aires et de Caracas rĂ©pudiĂšrent l’autoritĂ© supĂ©rieure du Conseil de rĂ©gence. Quoique le mouvement d’ElĂ­o eĂ»t Ă©tĂ© promu par Álzaga, rĂ©fractaire Ă  accepter toute autoritĂ© europĂ©enne autre que celle du roi lui-mĂȘme, le premier, aprĂšs l’échec du second Ă  Buenos Aires, se distancia du mouvement et finit par choisir d’appuyer le Conseil de rĂ©gence, fidĂ©litĂ© qui lui valut sa nomination comme vice-roi du RĂ­o de la Plata.
  19. L’auditeur Ussoz y Mosi eut une forte influence sur Monteagudo, l’un des membres les plus dĂ©cidĂ©s et les plus brillants du parti de l’indĂ©pendance. Ussoz y Mosi fut son directeur de thĂšse de doctorat et, Monteagudo une fois diplĂŽmĂ©, devint son protecteur. C’est sous son influence que l’Audiencia dĂ©signa Monteagudo dĂ©fenseur des pauvres en matiĂšre civile.
  20. La Campana de la Libertad de l’église San Francisco est sonnĂ©e chaque 25 mai en honneur Ă  la Chispa de la LiberaciĂłn Americana (Ă©tincelle de la libĂ©ration amĂ©ricaine).
  21. Et probablement aussi par l’argent que, pour pousser des cris et des vivats Ă  Ferdinand VII et clamer des « Meure le gouvernement », ils recevaient de quelques-uns des dirigeants (cf. Estanislao Just Lleo, Comienzos de la independencia en el Alto PerĂș).
  22. L’on chargea les cinq petits canons de montagne avec des pierres et l’on effectua 92 tirs contre le palais. Selon certaines sources, la mitraille fit seulement deux blessĂ©s, selon d’autres, il y eut des tuĂ©s. Certaines sources indiquent mĂȘme que GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro fit fermer les portes et assassiner les nĂ©gociateurs.
  23. Le rĂ©gent de l’Audiencia Antonio Boeto Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ©, le doyen, le Dr.JosĂ© de la Iglesia, devait le supplĂ©er, le gouvernement de la province se mettant ainsi en conformitĂ© avec la loi dans les cas de dĂ©mission ou de destitution du gouverneur.
  24. Cf. Juan R. Muñoz Cabrera, La guerra de los 15 años en el Ato PerĂș, 1867.
  25. HilariĂłn Acosta Renteria, La EvoluciĂłn de Bolivia - Chuquisaca insurgente 25 de mayo de 1809.
  26. Moreno, qui se trouvait dĂ©jĂ  Ă  Buenos Aires et Ă©tait en relations avec Álzaga, avait, de mĂȘme que Juan JosĂ© Castelli, Juan JosĂ© Paso, JosĂ© Mariano Serrano, Manuel Luis de Oliden, TomĂĄs de Anchorena entre autres abajeños (gens de la plaine), et avant Monteagudo, fait ses Ă©tudes Ă  Chuquisaca et fait partie lĂ -bas du mouvement libĂ©ral.
  27. FacsimilĂ© de la Proclamation de la ville de La Plata aux valeureux habitants de La Paz, selon un tĂ©moignage judiciaire contemporain (1809, Fichier gĂ©nĂ©ral de la Nation argentine), dans Revista ExpresiĂłn, Ă©dition speciale nÂș 11 et 12, juin 2008. Publication de l’universitĂ© Mayor Real y Pontificia de San Francisco Xavier de Chuquisaca (Sucre, Bolivie).
  28. MaĂźtre de chƓur, qui entonne et prĂ©side au chant lors d’offices religieux.
  29. Effectivement, en plus de renforcer ses positions Ă  la frontiĂšre, la cour portugaise envoya en 1808 une forte division pour se rendre maĂźtre de la Guyane française, ce que, dans l’ignorance du dessein rĂ©el, l’on perçut alors comme la confirmation de l’avancĂ©e lusitanienne.
  30. Quand en novembre 1808 Huidobro arriva, sur son trajet vers Buenos Aires, Ă  Rio de Janeiro par la frĂ©gate Prueba porteur de sa nomination comme vice-roi Ă©mise par la Junte de Galice, Charlotte tenta, avec l’appui du commandant de l’escadre britannique, de l’arrĂȘter pour le renvoyer en Espagne. Cependant, lorsqu’il se fut Ă©chouĂ© en essayant de fuir, il fut secouru par des vaisseaux britanniques et portugais et put poursuivre son chemin.
  31. Ignacio NĂșñez, Noticias histĂłricas de la RepĂșblica Argentina, dans Biblioteca de Mayo, p. 400.
  32. Nieto accompagnait Cisneros quand celui-ci partit remplacer ElĂ­o Ă  Montevideo. ElĂ­o devait rester chargĂ© des forces armĂ©es. Pourtant, bien que les rĂ©giments criollos acceptassent d’obĂ©ir Ă  Cisneros, ils le prĂ©vinrent qu’ils n’accepteraient pas ElĂ­o, compte tenu de quoi Cisneros (qui sĂ©journait alors encore Ă  Colonia) envoya Nieto Ă  sa place. Nieto arriva Ă  Buenos Aires le 19 juillet le soir et le 20 prit en charge les forces armĂ©es, tandis que Liniers quittait ses fonctions. Lucas Muñoz y Cubero, rĂ©gent de la Real Audiencia, s’occupa Ă  titre intĂ©rimaire du volet politique.
  33. Les bataillons de patriciens furent rĂ©duits de trois Ă  deux (rebaptisĂ©s bataillons 1 et 2) ; il resta un bataillon de Cantabres (bataillon n° 4), un d’Andalous (n° 5) et un autre d’Arribeños (c'est-Ă -dire de gens de la plaine, riverains du RĂ­o de la Plata, n° 3), chacun composĂ© de 9 compagnies, l’état-major comprenant un commandant, un sergent-major, deux adjudants, deux porte-drapeau, un chapelain, un chirurgien, un tambour-major et deux fifres. Furent maintenus : un bataillon de grenadiers de Ferdinand VII de six compagnies, un d’artillerie volante (anciennement UniĂłn) de force Ă©gale, un escadron de hussards de cavalerie de 150 hommes de 3 compagnies (avec un commandant, un major, un adjudant et un porte-Ă©tendard), un bataillon de castas (c'est-Ă -dire de mĂ©tis) de 9 compagnies mais avec deux de grenadiers, deux ou trois bataillons Ă  former (les bataillons 6, 7, et 8) avec 9 compagnies mais de rĂ©serve (ces bataillons Ă©taient prĂ©vus pour s’incorporer dans les rĂ©giments de Biscayens, de Catalans et de Galiciens dissous aprĂšs la mutinerie d'Álzaga). Disparaissaient ainsi le 3e de patriciens, celui de Charles IV, de chasseurs, le deuxiĂšme et troisiĂšme de hussards, les migueletes (corps de miliciens catalans) et les castas d’artillerie.
  34. D’autres sources situent la bataille sur les hauteurs de Chicaloma, localitĂ© trĂšs proche d’Irupana.
  35. Manuel José Cortés, Ensayo sobre la historia de Bolivia.
  36. Dans le cas prĂ©cis d’Arenales, l’archevĂȘque MoxĂł intrigua efficacement Ă  son encontre, et obtint qu’il fĂ»t envoyĂ© prisonnier aux Casas Matas de Callao (DĂĄmaso de Uriburu, Memorias 1794-1857, dans Biblioteca de Mayo, p. 633).
  37. Torrente, Historia de la RevoluciĂłn Hispano-americana.
  38. Ignacio NĂșñez, Noticias histĂłricas de la RepĂșblica Argentina, dans Biblioteca de Mayo, p. 402.
  39. Medina ne fut pas mis Ă  mort eu Ă©gard Ă  sa condition de prĂȘtre.
  40. Matheu, AutobiografĂ­a, incise 127, dans Biblioteca de Mayo, p. 2286.
  41. Manuel Moreno, Vida y memorias de Mariano Moreno, dans Biblioteca de Mayo, p. 1224.
  42. D’autres sources indiquent un sur dix.
  43. Ignacio NĂșñez, Noticias histĂłricas de la RepĂșblica Argentina, dans Biblioteca de Mayo, p. 404.
  44. Ignacio NĂșñez, Noticias histĂłricas de la RepĂșblica Argentina, en Biblioteca de Mayo, pĂĄgina 405.
  45. Historia del General GĂŒemes y de la provincia de Salta, o sea de la Independencia Argentina. RĂ©digĂ© par Bernardo FrĂ­as et publiĂ© par les ateliers de typ. de El CĂ­vico, 1907, p. 159 - 160.
  46. En dĂ©pit des faits passĂ©s, l’exĂ©cution fut rĂ©prouvĂ©e par beaucoup, qui dĂ©chargeaient les condamnĂ©s d’une partie de la responsabilitĂ© et la concentraient sur Goyeneche : « Rien ne pouvait justifier ni pallier un aussi atroce attentat, tel que la mort donnĂ©e de sang froid Ă  deux anciens, l’un d’eux (Sanz) trĂšs illustre et jouissant du respect gĂ©nĂ©ral ; l’autre (Nieto), qui n’avait provoquĂ© par aucun acte une vengeance si sanglante, et le sieur CĂłrdoba, personnage de haut rang par sa famille dans la pĂ©ninsule, qui ne s’était pas davantage rendu passible, par aucun trait de comportement, d’un sort aussi acerbe » (DĂĄmaso de Uriburu, Memorias 1794-1857, dans Biblioteca de Mayo, p. 646). Comme il a Ă©tĂ© exposĂ©, la responsabilitĂ© de Goyeneche fut fondamentale, mais Nieto ne fut certes pas Ă©tranger aux dĂ©cisions prises par celui-lĂ .
  47. La independencia de Hispanoamérica, chap. 14, dans Historia de América, de Carlos Malamud, Madrid 2005
  48. La independencia y el comienzo de los regĂ­menes representativos, de Guillermo Palacios et Fabio Morga, Madrid, 2002
  49. Antecedentes de la revolución del 16 de julio de 1809 en La Paz, d’Evelyn Ríos de Reyes, La Paz, 2002
  50. Los hechos del primer grito libertario en la AmĂ©rica HispĂĄna e inicio de la Guerra de la Independencia en el eje La Paz – Cuzco, de Juan Reyes Aramayo et Genoveva Loza Balsa. La Paz, 2004.

Bibliographie

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