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Mariano Moreno

Mariano Moreno (nĂ© Ă  Buenos Aires en 1778, mort en haute mer en 1811) Ă©tait un avocat, journaliste et homme politique des Provinces-Unies du RĂ­o de la Plata. Il joua, en qualitĂ© de secrĂ©taire de la guerre, un rĂŽle de premier plan dans le premier gouvernement national de l’Argentine, dit PremiĂšre Junte (esp. Primera Junta), mis en place Ă  la suite de la rĂ©volution de Mai, de laquelle, par ailleurs, il fut l’idĂ©ologue.

Mariano Moreno
Illustration.
Seul portrait authentique de Mariano Moreno,
de la main du graveur Juan de Dios Rivera.
Fonctions
Secrétaire de la Guerre et de Gouvernement de la PremiÚre Junte
–
Président Cornelio Saavedra
Représentant de la PremiÚre Junte auprÚs des gouvernements de Rio de Janeiro et de Londres
–
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Buenos Aires, Vice-royauté du Río de la Plata
Date de décÚs
Lieu de décÚs En haute mer, à bord de la goélette britannique Fame, au large des cÎtes brésiliennes
Nature du décÚs Intoxication médicamenteuse, probablement accidentelle
Parti politique Parti alzaguiste ; Parti unitaire
Fratrie Manuel Moreno, frĂšre cadet, diplomate et homme de science
Conjoint MarĂ­a Guadalupe Cuenca
DiplÎmé de Université de Chuquisaca
Profession Avocat
Religion Controverse[1] entre : athée[2] et catholique[3]
RĂ©sidence Buenos Aires

Signature de Mariano Moreno

Moreno naquit d’un pĂšre espagnol originaire de Santander, arrivĂ© Ă  Buenos Aires en 1776, et d’une mĂšre issue de la haute bourgeoisie portĂšgne. L’aĂźnĂ© d’une fratrie de quatorze garçons, il Ă©tudia le latin, la logique et la philosophie au CollĂšge royal Saint-Charles, puis le droit Ă  l’universitĂ© de Chuquisaca, alors la plus prestigieuse dans cette partie du monde. Au cours de ses Ă©tudes, il s’initia aux idĂ©es nouvelles des LumiĂšres espagnoles et Ă  la pensĂ©e de Jean-Jacques Rousseau, dont il Ă©tait un admirateur. AprĂšs son mariage, il retourna Ă  Buenos Aires, pour y devenir un Ă©minent avocat pour le cabildo. À la diffĂ©rence de la plupart des autres criollos (EuropĂ©ens nĂ©s dans les colonies), il rejeta le charlottisme, estimant que l’éphĂ©mĂšre projet politique autour de la princesse Charlotte Joachime, sƓur de Ferdinand VII et Ă©pouse du prince Juan de Braganza, n’était pas la voie appropriĂ©e pour l’indĂ©pendance des peuples de ces territoires. Il fut portĂ© ainsi Ă  s’opposer au gouvernement de Jacques de Liniers et Ă  se joindre Ă  la mutinerie avortĂ©e d’Álzaga dirigĂ©e contre lui. Travaillant ensuite pour le vice-roi suivant, Baltasar Hidalgo de Cisneros, il rĂ©digea un rapport Ă©conomique intitulĂ© La RepresentaciĂłn de los Hacendados, qui fut propre Ă  persuader le vice-roi d’engager des Ă©changes commerciaux avec la Grande-Bretagne.

Quoique ne s’étant pas impliquĂ© de façon trĂšs notable dans la rĂ©volution de Mai, laquelle aboutit Ă  la destitution de Cisneros, il fut nommĂ© secrĂ©taire de la guerre du nouveau gouvernement, appelĂ© la PremiĂšre Junte. Avec Juan JosĂ© Castelli, il prit un ensemble de mesures drastiques dirigĂ©es contre les partisans du prĂ©cĂ©dent gouvernement et destinĂ©es Ă  renforcer le nouveau. Cette politique fut exposĂ©e en dĂ©tail dans un document secret, le Plan de Operaciones, dont la paternitĂ© reste cependant sujette Ă  controverse. Moreno lança des campagnes militaires au Paraguay et dans le Haut-PĂ©rou, et eut soin que Jacques de Liniers fĂ»t exĂ©cutĂ© aprĂšs l’échec de la contre-rĂ©volution que celui-ci avait fomentĂ©e. Il fonda le premier quotidien d’Argentine, la Gazeta de Buenos Ayres, et traduisit en espagnol Du contrat social de Rousseau. Il s’était fait aussi l’avocat des droits des populations indigĂšnes.

AprĂšs les premiĂšres victoires militaires obtenues par la Junte, le prĂ©sident Cornelio Saavedra, favorable Ă  une politique plus modĂ©rĂ©e, commença Ă  faire opposition Ă  Moreno. S’alliant avec Gregorio Funes, Saavedra s’employa Ă  accroĂźtre le nombre des membres de la Junte de sorte Ă  mettre les morĂ©nistes en minoritĂ©. Alors que les dissensions se poursuivaient, Moreno fut chargĂ© d’une mission diplomatique en Grande-Bretagne, mais dĂ©cĂ©da en mer pendant la traversĂ©e, vraisemblablement Ă  la suite d'un surdosage accidentel de mĂ©dicaments, quoique certains, tels que son frĂšre, prĂ©sent sur le navire, soutinssent la thĂšse d’un empoisonnement. Le groupe de ses partisans resta un parti politique influent pendant quelques annĂ©es encore aprĂšs sa mort. Les historiens ont des visions divergentes sur le rĂŽle et l’importance historique de Moreno, l’éventail des points de vue allant de la franche hagiographie Ă  la dĂ©traction. Il est considĂ©rĂ© comme le prĂ©curseur du journalisme en Argentine.

Jeunes années et formation intellectuelle

Mariano Moreno naquit dans une famille de quatorze enfants, peu fortunĂ©e, mais apparentĂ©e par la mĂšre avec la haute bourgeoisie portĂšgne. L’éminent citoyen TomĂĄs Antonio Valle, qui eut une activitĂ© publique de premier plan aux temps de la vice-royautĂ© et des premiers gouvernements patriotiques entre 1810 et 1813, Ă©tait son oncle. Ses aĂŻeuls maternels Ă©taient propriĂ©taires d’importantes Ă©tendues de terre dans la province de Buenos Aires. Mariano fit des Ă©tudes secondaires au collĂšge Saint-Charles (Colegio San Carlos, l’actuel Colegio Nacional Buenos Aires), Ă©tudes qu’il acheva avec le diplĂŽme d’honneur[4].

Par des contacts qu’il sut nouer dans le milieu littĂ©raire, il put, quoique son pĂšre eĂ»t Ă©tĂ© incapable d’en assumer les frais, poursuivre ses Ă©tudes Ă  l’universitĂ© de Chuquisaca (ancien nom de la ville de Sucre, capitale de la Bolivie actuelle), qui Ă©tait la seule vĂ©ritable universitĂ© que comptait l’AmĂ©rique du Sud Ă  cette Ă©poque. Au terme d’un rude voyage en charrette pour le Haut-PĂ©rou, Ă  travers les vastes territoires de la vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata, Mariano Moreno arriva Ă  Chuquisaca en 1799. Il avait alors 22 ans et allait demeurer lĂ -bas pendant les cinq annĂ©es suivantes, pour y vivre une des Ă©tapes les plus intenses de sa vie. Dans l’universitĂ© Ă©tait Ă©galement Ă©tablie l’AcadĂ©mie Caroline, sorte d’institut supĂ©rieur, oĂč enseignait un corps de grands lettrĂ©s. Pour obtenir le titre d’avocat, il fallait suivre dans cette acadĂ©mie deux ans d’études et y passer un examen thĂ©orique final[5].

C’est lĂ  aussi qu’il lut les livres de Montesquieu, Voltaire, Denis Diderot, Jean-Jacques Rousseau et d’autres penseurs europĂ©ens de l’époque. Il entreprit d’étudier les langues anglaise et française pour ĂȘtre Ă  mĂȘme de comprendre les auteurs Ă©crivant dans ces langues, ce qui lui permit de dĂ©ployer aussi une activitĂ© de traducteur. Il vint ainsi Ă  traduire Du contrat social de Rousseau, travail auquel il consacra plusieurs annĂ©es. Il ne fera paraĂźtre sa traduction qu’en 1810, dans La Gaceta de Buenos Ayres, dotĂ©e d’un avant-propos de sa main, dans laquelle se lit la phrase suivante : « Si les peuples ne s’illustrent point, si leurs droits ne se vulgarisent, si chaque homme ne connaĂźt point ce qu’il vaut, ce dont il est capable, et ce qui lui est dĂ», de nouvelles espĂ©rances succĂ©deront aux anciennes, et, aprĂšs avoir vacillĂ© quelque temps entre mille incertitudes, notre sort sera alors peut-ĂȘtre de changer de tyrans sans dĂ©truire la tyrannie. » Il y exprime par ailleurs son admiration pour le penseur français : « Cet homme immortel, qui fit l’admiration de son siĂšcle et sera l’éblouissement de tous les Ăąges, fut peut-ĂȘtre le premier qui, dissipant complĂštement les tĂ©nĂšbres avec lesquelles le despotisme enveloppait ses usurpations, mit clairement en lumiĂšre les droits des peuples, et, en leur enseignant la vĂ©ritable origine de leurs obligations, dĂ©montra celles que corrĂ©lativement contractaient les dĂ©positaires de leurs gouvernements »[6]. Moreno Ă©tait par ailleurs convaincu que la sociĂ©tĂ© pouvait ĂȘtre changĂ©e par la puissance de l’intelligence et de la raison[7].

Sous le tutorat du chanoine Terrazas, il fit connaissance avec les textes philosophiques des LumiĂšres espagnoles et conçut le vƓu de voir appliquĂ©es les mĂȘmes idĂ©es dans son propre pays. InfluencĂ© par des personnalitĂ©s telles que le juriste espagnol Juan de SolĂłrzano Pereira, spĂ©cialiste le plus Ă©minent du droit des Indiens, et VictoriĂĄn de Villava, procureur au tribunal de Charcas et dĂ©fenseur de la cause indigĂšne, il rĂ©digea sa thĂšse de doctorat, qu’il intitula : DisertaciĂłn jurĂ­dica sobre el servicio personal de los indios, et oĂč l’on peut lire ce qui suit :

« DĂšs la dĂ©couverte (du continent) se mit Ă  s’exercer cette malignitĂ© de persĂ©cuter certains hommes qui n’avaient commis d’autre crime que d’ĂȘtre nĂ©s sur des terres que la nature avait pourvues avec opulence et qui prĂ©fĂ©rĂšrent abandonner leurs villages que de se soumettre aux oppressions et Ă  l’obligation de servir leurs maĂźtres, juges et prĂȘtres. L’on vit continuellement ces malheureux ĂȘtre arrachĂ©s violemment de leurs foyers et de leurs patries, pour devenir les victimes d’une immolation dissimulĂ©e. On les vit contraints Ă  entrer dans des conduits Ă©troits et souterrains, chargeant sur leurs Ă©paules les aliments et les outils nĂ©cessaires pour leur labeur, Ă  se trouver enfermĂ©s pendant de longs jours, Ă  emporter ensuite sur leurs propres dos les mĂ©taux qu’ils avaient extraits, cela en notoire infraction des lois, lesquelles interdisent qu’ils puissent, y compris volontairement, porter des charges sur leurs Ă©paules ― souffrances qui, unies au mauvais traitement qui en rĂ©sulte, conduisent Ă  ce que sur quatre Ă©quipes d’indiens qui sortent de la mine, il est rare que puissent rentrer dans leurs patries trois entiĂšres[8]. »

Moreno ne voulut pas s’en retourner Ă  Buenos Aires sans avoir pu apprĂ©hender la source des richesses et des disgrĂąces du PĂ©rou. À cette fin, il visita en 1802 la ville de PotosĂ­, oĂč il vit les descendants de Pizarro exercer sans merci, entourĂ©s de grandes richesses, leurs diverses fonctions de corregidores et de encomenderos. Il assista Ă  la mita, façon de corvĂ©e, expression de la misĂšre de l’indien et de la spoliation dont il fut l’objet, et rĂ©plique exacte de ce qu’il avait lu dans l’Ɠuvre de VictoriĂĄn de Villava. Mariano Moreno retourna Ă  Chuquisaca plongĂ© dans une profonde tristesse, l’esprit tout entier occupĂ© par la souffrance d’un peuple. En , il prĂ©senta Ă  l’AcadĂ©mie Caroline une monographie intitulĂ©e : DisertaciĂłn jurĂ­dica sobre el servicio personal de los indios en general y sobre el particular de yanaconas (servage) y mitarios. Il s’agit d’un ouvrage Ă  caractĂšre politique, le premier Ă©crit de sa main, dans lequel il critiquait l’organisation coloniale. En termes passionnĂ©s, Moreno mettait en cause les rapports sociaux en vigueur dans la sociĂ©tĂ© coloniale ; il attaquait les encomenderos et les fonctionnaires qu’il accusait de gauchir l’esprit des lois des Indes, et requĂ©rait la justice de mettre un terme aux abus et au servage.

À la fin de 1802, le singulier Ă©tudiant devait prĂ©parer le dernier examen thĂ©orique pour obtenir son titre d’avocat. Bien qu’il se fĂ»t peu de mois auparavant exprimĂ© contre l’ordre colonial Ă©tabli, il prit le parti, pour sa dissertation finale, d’éluder toute polĂ©mique avec les tenants de cet ordre ― en effet, comme devait le dire Bernardo de Monteagudo en 1812, « Qui, en ce temps-lĂ , eĂ»t osĂ© regarder ses chaĂźnes avec dĂ©dain ? ». Le futur conspirateur Ă©tait contraint, par une hycocrisie transitoire et un sacrifice nĂ©cessaire, de simuler. Son choix se fixa alors sur un sujet anodin : une loi relative aux biens du mari ou de l’épouse convolant en secondes noces[9].

Entre 1803 et 1804, il effectua ses stages pratiques dans le cabinet de AgustĂ­n GascĂłn, travaillant comme avocat des Indiens en butte aux abus de leurs patrons, et Ă  ce titre, il Ă©tait amenĂ© Ă  faire inculper de puissants personnages tels que l’intendant de Cochabamba et l’alcade de Chayanta. Ces activitĂ©s eurent pour effet de compliquer son sĂ©jour Ă  Chuquisaca, et, aprĂšs avoir Ă©tĂ© menacĂ©, il quitta la ville et retourna Ă  Buenos Aires en 1805 avec son Ă©pouse Maria Guadalupe Cuenca, ĂągĂ©e de quinze ans, et leur fils nouveau-nĂ©[10] - [11].

Une fois Ă  Buenos Aires, et ayant Ă©tĂ© habilitĂ© par l’Audiencia Ă  exercer la profession d’avocat, il remplit l’office de rapporteur de l’Audiencia et d’assesseur du Cabildo de Buenos Aires. Une de ses premiĂšres affaires fut la dĂ©fense du chanoine Melchor FernĂĄndez, offensĂ© par l’évĂȘque Benito LuĂ© y Riega. Dans une autre de ses premiĂšres causes, il dĂ©fendit le bien-fondĂ© de la dĂ©cision du Cabildo de refuser de nommer comme enseigne le jeune Bernardino Rivadavia[12].

Les invasions anglaises

En 1806 eurent lieu les Invasiones anglaises du RĂ­o de la Plata, lors desquelles Buenos Aires fut occupĂ©e par une force militaire britannique. Bien que Moreno ne prĂźt pas part activement aux contre-offensives militaires qui permirent d’expulser les troupes britanniques, il Ă©tait un opposant Ă  la prĂ©sence anglaise Ă  Buenos Aires et tenait tout au long de celle-ci un carnet personnel oĂč il consigna tous les faits et Ă©vĂ©nements, de sorte que ses compatriotes pussent plus tard connaĂźtre dans quelles circonstances une telle invasion a pu ĂȘtre possible. Moreno y affirmait notamment ce qui suit :

« J’ai de mes yeux vu beaucoup d’hommes pleurer Ă  cause de l’infamie qui leur Ă©tait infligĂ©e ; et moi-mĂȘme ai pleurĂ© plus que tout autre, lorsqu'Ă  trois heures de l’aprĂšs-midi, le 27 juin 1806, je vis entrer 1560 hommes anglais, qui, s’étant emparĂ© de ma patrie, prirent leurs quartiers dans le fort et dans les autres casernes de la ville[13] »

.

En 1807, avant d’attaquer une fois encore la ville de Buenos Aires, un nouveau corps expĂ©ditionnaire anglais prit la ville de Montevideo. Les occupants commencĂšrent alors Ă  publier dans cette ville un journal bilingue, tant en anglais qu’en castillan, sous le titre de The Southern Star ou de La estrella del Sur, qui plaidait pour le libre-Ă©change, un des buts de guerre des Anglais, et faisait l’éloge de l’indĂ©pendance sud-amĂ©ricaine sous tutelle anglaise[14]. À Buenos Aires, l’Audiencia en interdit la diffusion, et requit Moreno de rĂ©diger des articles rĂ©futant les affirmations de ce journal. Moreno cependant refusa, au motif que s’il n’acceptait pas la domination anglaise, il n’en Ă©tait pas moins d’accord avec certaines des critiques formulĂ©es Ă  l’endroit du gouvernement espagnol[15].

PremiĂšres interventions publiques

Page de titre de La RepresentaciĂłn de los Hacendados.

Par ses liens avec l’alcade MartĂ­n de Álzaga, il vint Ă  occuper la charge d’assesseur juridique du Cabildo de la ville. Il fut, en cette qualitĂ©, l’auteur d’une pĂ©tition au roi d’Espagne, tendant Ă  ce que le Cabildo de Buenos Aires fĂ»t nommĂ© « protecteur des Cabildos de la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata Â», de sorte que nul cabildo local ne pĂ»t dĂ©sormais se diriger au roi ou au vice-roi, si ce n’est par l’intermĂ©diaire de la capitale.

Il fut aux cĂŽtĂ©s d’Álzaga un des organisateurs de la mutinerie d’Álzaga (en esp. Asonada de Álzaga), intervenue le , qui visait Ă  remplacer le vice-roi Jacques de Liniers par une junte de gouvernement, dont il eĂ»t dĂ» faire partie. Les insurgĂ©s furent cependant mis en Ă©chec par la vigoureuse rĂ©action du colonel Cornelio Saavedra, Ă  la tĂȘte du RĂ©giment de Patriciens (Regimiento de Patricios). Lors du procĂšs qui s’ensuivit, ― procĂšs estampillĂ© jugement sur l’indĂ©pendance ― Moreno plaida en tant qu’avocat d’Álzaga.

AprĂšs l’arrivĂ©e Ă  Buenos Aires du nouveau vice-roi, Baltasar Hidalgo de Cisneros, les dĂ©tenus impliquĂ©s dans ce soulĂšvement furent remis en libertĂ©, sur la foi d’un rapport favorable rĂ©digĂ© par Moreno et par le syndic JuliĂĄn de Leyva. Mariano Moreno fut promu rapporteur de la Real Audiencia de Buenos Aires.

Sur instruction de la Junte de SĂ©ville, et alors que jusque-lĂ  l’Espagne imposait Ă  ses colonies le monopole du commerce extĂ©rieur, duquel Buenos Aires s’estimait tenue Ă  l’écart, Cisneros instaura le libre Ă©change avec l’Angleterre, celle-ci Ă©tant dĂ©sormais l’alliĂ©e de l’Espagne dans la guerre d’indĂ©pendance espagnole. La situation s’exacerba encore Ă  la suite de l’intensification en Europe des guerres napolĂ©oniennes, qui provoqua un ralentissement du commerce espagnol et entraĂźna un lourd dĂ©ficit pour la ville. La mesure fut critiquĂ©e par le chargĂ© de pouvoirs du consulat de Cadix, qui arguait que la libre importation de produits anglais serait prĂ©judiciable aux industries artisanales des villes de l’intĂ©rieur et Ă  la relation avec l’Espagne et son roi, et affecterait les mƓurs, les coutumes et la religion[16].

La RepresentaciĂłn de los Hacendados

Un important groupe de grands fermiers, qui ne s’estimaient pas adĂ©quatement reprĂ©sentĂ©s dans le Cabildo, sollicitĂšrent Moreno de rĂ©diger une apologie de l’ouverture Ă©conomique. RĂ©pondant Ă  ce vƓu, il fit paraĂźtre une Ă©tude Ă©conomique intitulĂ©e La RepresentaciĂłn de los Hacendados, dans laquelle il prĂŽnait le libre-Ă©change, attaquait les privilĂšges des monopolistes, et dĂ©fendait les intĂ©rĂȘts des Ă©leveurs exportateurs. Ce mĂ©moire est considĂ©rĂ© comme le rapport Ă©conomique le plus complet sur le RĂ­o de la Plata Ă  l’époque de la vice-royautĂ©[17] ; il y exposait les idĂ©es Ă©conomiques nouvelles Ă©laborĂ©es en Europe, et faisait observer que le monopole commercial avec l’Espagne n’empĂȘchait nullement les produits anglais d’ĂȘtre introduits illĂ©galement dans le pays.

Divers auteurs[18] - [19] ont mis en doute que la paternitĂ© du document doive ĂȘtre attribuĂ©e Ă  Moreno, arguant qu’il constituait une actualisation d’un autre, rĂ©digĂ© antĂ©rieurement par Manuel Belgrano, secrĂ©taire du Consulat de Commerce de Buenos Aires, pour ĂȘtre prĂ©sentĂ© Ă  Liniers. D’autre part, le vice-roi avait dĂ©jĂ  alors dĂ©cidĂ© de proclamer le libre-Ă©change, suivant les instructions qu’il avait reçues d’Espagne. Dans cette perspective, il avait commandĂ© des rapports Ă  diffĂ©rentes corporations, comme le Consulado, le Cabildo et l’Audiencia, qui s’y Ă©taient tous dĂ©clarĂ©s favorables.

Cette RepresentaciĂłn, ainsi que le prestige et l’important entregent de Moreno dans la sociĂ©tĂ© vice-royale, lui permirent de s’assurer la confiance de Cisneros. Ce nonobstant, Moreno appuyait, secrĂštement, les mouvements qui projetaient de destituer le vice-roi.

La révolution de Mai

Si Mariano Moreno entretenait des contacts avec les groupes qui cherchaient Ă  mettre fin au pouvoir du vice-roi Cisneros, il ne joua pourtant qu’une rĂŽle assez modeste dans la rĂ©volution de Mai de 1810. La chute de la Junte de SĂ©ville fin janvier apparut aux instigateurs de cette rĂ©volution comme un motif dĂ©cisif pour dĂ©poser le vice-roi et mettre en place un gouvernement local. Moreno, qui Ă  ce moment-lĂ  restait loyal Ă  Álzaga, assista certes au Cabildo ouvert du , mais, aux dires du pĂšre de Vicente Fidel LĂłpez et du beau-pĂšre de BartolomĂ© Mitre, tĂ©moins directs, il se tenait silencieux sur le cĂŽtĂ© et ne se mĂȘlait pas aux dĂ©bats[20]. Il vota en faveur de la proposition de Saavedra : Ă©carter le vice-roi Cisneros et le remplacer par une junte de gouvernement. Manuel Hermenegildo Aguirre, homme d'affaires et avocat, proposa que le Cabildo prĂźt les rĂȘnes du pouvoir et formĂąt un gouvernement composĂ© de cinq membres dĂ©nommĂ©s conseillers, dont Moreno ; cependant, personne d’autre ne vota pour cette proposition, la seule Ă  inclure Moreno[21]. Moreno se sentit trahi quand le Cabildo, faussant les rĂ©sultats des dĂ©libĂ©rations, dĂ©signa une junte qui serait dirigĂ©e par Cisneros. Il refusa dĂšs lors tous contacts avec les rĂ©volutionnaires et resta Ă  son domicile durant tout le reste des Ă©vĂ©nements de la rĂ©volution de Mai.

Le noyau rĂ©volutionnaire cependant rejetait catĂ©goriquement que le vice-roi fĂ»t Ă  la tĂȘte du gouvernement patriotique, et Ă©tablit sa propre liste des membres de la nouvelle junte. Cette liste une fois adoptĂ©e par acclamation, un document, appelĂ© La RepresentaciĂłn, fut rĂ©digĂ©, dans lequel le Cabildo Ă©tait requis d’accomplir la volontĂ© populaire. Dans la nuit du 24 au , un groupe de patriotes sortit parcourir les Ă©troites ruelles de la Buenos Aires coloniale afin qu’un nombre le plus grand possible d’habitants apposĂąt sa signature sur le document destinĂ© Ă  ĂȘtre prĂ©sentĂ© dans le Cabildo le jour suivant. Face Ă  la pression du noyau rĂ©volutionnaire et du peuple, Cisneros finit par renoncer. Il ne resta plus d’autre choix au Cabildo que d’accepter la liste de la nouvelle Junte de gouvernement.

Les raisons pour lesquelles Moreno figurait sur cette liste ne sont pas claires, ce qui, au demeurant, vaut pour tous les autres membres de la Junte ; une thĂ©orie communĂ©ment admise suppose que la liste rĂ©pondait Ă  un Ă©quilibre entre charlottistes et alzaguistes[22]. Toujours est-il que Moreno ne prenait pas part au cabildo au moment oĂč furent annoncĂ©s les noms des membres du nouveau conseil de gouvernement, et n’était pas non plus prĂ©sent la soirĂ©e de la veille au domicile de NicolĂĄs RodrĂ­guez Peña ― un des lieux de rĂ©union prĂ©fĂ©rĂ©s des rĂ©volutionnaires ― lorsque Antonio Luis Beruti dressa la liste des membres de la Junte. Mais l’attitude rĂ©solue qu’il avait adoptĂ©e dans les rĂ©unions secrĂštes convoquĂ©es antĂ©rieurement pour dĂ©finir le cheminement de la rĂ©volution avait dĂ©jĂ  fait toute la clartĂ© nĂ©cessaire et permettait d’infĂ©rer une position favorable vis-Ă -vis du futur gouvernement. Si donc l’idĂ©ologue de la rĂ©volution ne pouvait savoir encore que son nom avait Ă©tĂ© inclus dans la liste de nomination, il en eut assurĂ©ment l’intuition. Ce vendredi , son frĂšre Manuel le chercha vivement dans tous les endroits que Moreno avait coutume de frĂ©quenter pour lui annoncer la nouvelle, qu’il n’apprit que tard dans l’aprĂšs-midi.

Ce , Moreno ne se dissimulait pas que le nouveau gouvernement non seulement ferait l’objet de pressions extĂ©rieures, mais aurait Ă  faire face aussi Ă  l’hostilitĂ© et aux difficultĂ©s intĂ©rieures: « Il est donc nĂ©cessaire d’emprunter une voie nouvelle dans laquelle, loin de se trouver quelque sentier tout prĂ©parĂ©, il sera nĂ©cessaire d’en dĂ©gager un, entre les obstacles que le despotisme, la vĂ©nalitĂ© et les prĂ©occupations ont accumulĂ©s depuis des siĂšcles devant les progrĂšs du bonheur de ce continent. AprĂšs que la nouvelle autoritĂ© aura Ă©chappĂ© aux attaques auxquelles elle se sera vue exposĂ©e pour sa seule qualitĂ© d’ĂȘtre nouvelle, il lui faudra souffrir celles des passions, des intĂ©rĂȘts et de l’inconstance de ceux-lĂ  mĂȘmes qui aujourd'hui promeuvent la rĂ©forme. Un homme juste placĂ© Ă  la tĂȘte du gouvernement sera peut-ĂȘtre la victime de l’ignorance et des rivalitĂ©s ».

En rĂ©alitĂ©, Mariano Moreno avait dĂ©jĂ  dĂ©fini sa position politique vers la fin 1809. Il Ă©tait rĂ©solument opposĂ© aux Espagnols royalistes et au Français Jacques de Liniers, et Ă©tait en mĂȘme temps trĂšs Ă©loignĂ© des criollos monarchistes partisans du charlottisme. Le jeune avocat resta fidĂšle Ă  sa position, fort de l’appui de la fraction jeune et rĂ©publicaine du parti patriote. Il Ɠuvra pour la constitution d’un junte de gouvernement autonome qui, tout en revĂȘtant le masque de la soumission Ă  Ferdinand VII, respectĂąt la volontĂ© du peuple[23].

La PremiĂšre Junte

Moreno Ă©tait l’auteur de la proclamation du , par voie de laquelle la Junte annonçait sa propre installation aux peuples de l’intĂ©rieur et aux gouvernements du monde, et invitait les reprĂ©sentants des autres villes Ă  la rejoindre.

Cependant, dĂšs ses dĂ©buts, la Junte dut faire face Ă  une forte opposition : lui rĂ©sistaient, localement, le Cabildo et l’Audiencia royale de Buenos Aires, restĂ©s loyaux aux factions absolutistes ; ensuite, les places voisines de Montevideo et du Paraguay se refusaient Ă  la reconnaĂźtre ; et enfin, une contre-rĂ©volution fut organisĂ©e par Jacques de Liniers Ă  CĂłrdoba. Mariano Moreno, homme politique de peu d’importance jusqu’à cet instant, s’érigea en chef de file des partisans les plus radicaux de la Junte. Il Ă©tait appuyĂ© par les chefs populaires Domingo French et Antonio Beruti, par Dupuy, Donado, Orma, et Cardozo, et par certains ecclĂ©siastiques, tels que Grela et Aparicio[24]. Selon l’historien Carlos Ibarguren, les jeunesses morĂ©nistes parcouraient les rues de Buenos Aires, prĂȘchant les idĂ©es nouvelles Ă  tout passant qu’ils rencontraient ; ils transformĂšrent le cafĂ© Marcos en permanence politique, et proposaient que toutes les classes sociales pussent bĂ©nĂ©ficier de l’instruction[25]. Au sein de la Junte elle-mĂȘme, Moreno Ă©tait soutenu par Manuel Belgrano et Juan JosĂ© Castelli, tandis que French fut promu colonel du rĂ©giment AmĂ©rica, lequel, connu aussi sous le nom de l’Étoile, Ă  cause de l’étoile qu’ils portaient sur leur manches, se composait de jeunes radicaux naguĂšre menĂ©s par French lors des Ă©meutes de la rĂ©volution de Mai[26].

La Gazeta de Buenos Ayres.

Moreno rendit plusieurs dĂ©crets dans ses premiĂšres journĂ©es au gouvernement. Il ordonna de punir quiconque tenterait de semer la discorde civile, s’abstiendrait de dĂ©voiler les conspirations ou porterait atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© des personnes[27]. Les corps d’armĂ©e de Pardos et de Morenos, composĂ©s d’indigĂšnes, furent rĂ©formĂ©s de sorte Ă  avoir les mĂȘmes grades que les corps d’armĂ©e espagnols. Il justifia cette rĂ©forme en invoquant les dispositions des Rois catholiques au temps de la premiĂšre colonisation espagnole des AmĂ©riques[28].

En seulement sept mois, il attacha son nom Ă  une longue liste de rĂ©alisations rĂ©volutionnaires : il Ă©tablit un bureau de recensement et organisa la crĂ©ation d’une bibliothĂšque publique nationale ; il remit en service les ports de Maldonado, d’Ensenada et de Carmen de Patagones ; au moyen d’un ensemble de dĂ©crets, il leva les anciennes restrictions pesant sur le commerce et les exploitations miniĂšres. Il tenta d’imposer l’autoritĂ© de l’État sur l’Église, Ă©tablit les ordonnances militaires pour les officiers et cadets, crĂ©a de nouvelles compagnies de volontaires et organisa la police municipale.

Par un dĂ©cret du , il fonda la Gazette de Buenos Aires (esp. Gazeta de Buenos Ayres), le journal officiel, et en supervisait le contenu. Quasiment chaque semaine, il publia des notes de gouvernement longues et dĂ©taillĂ©es, qui, rĂ©unies, couvrent des centaines de pages. Il promulgua un dĂ©cret sur la libertĂ© de la presse, autorisant la presse de diffuser toute publication pour autant qu’elle n’offensĂąt pas la morale publique, ni n’attaquĂąt la RĂ©volution ou le gouvernement. Cinq jours aprĂšs, les premiers journaux Ă©taient proposĂ©s au public. Moreno fit paraĂźtre quelques ouvrages de Gaspar de Jovellanos, et publia sa traduction de Du contrat social de Jean-Jacques Rousseau, mais en supprimant le chapitre sur la religion ; cette omission, qui pour certains indiquerait qu’il s’était « Ă©garĂ© dans les affaires religieuses »[29], s’explique plus probablement par sa volontĂ© de prĂ©venir toute querelle religieuse entre patriotes[30]. Ce nonobstant, cette publication fut vivement critiquĂ©e par les conservateurs, tels que TomĂĄs de Anchorena, qui affirmait qu’elle Ă©tait de nature Ă  semer le trouble dans la population[31].

À l’instar de la Junte elle-mĂȘme, les Ă©crits de Moreno affichaient une loyautĂ© vis-Ă -vis de Ferdinand VII. Il n’a pu ĂȘtre Ă©lucidĂ© par les historiens s’il dissimulait ainsi ses ambitions indĂ©pendantistes, ou s’il Ă©tait rĂ©ellement restĂ© fidĂšle au roi destituĂ©. Cependant, il fit des rĂ©fĂ©rences spĂ©cifiques Ă  l’indĂ©pendance dĂšs [32]. Faisant allusion Ă  la Cour de Cadix, qui se proposait de rĂ©diger une constitution, il dĂ©clara qu’il Ă©tait loisible au CongrĂšs « d’établir un rĂ©gime absolu pour notre trĂšs-aimĂ© Ferdinand »[33], signifiant par lĂ  que le droit Ă  l’auto-dĂ©termination pouvait s’accommoder mĂȘme de cela. Il pensait que l’autoritĂ© monarchique Ă©tait non de droit divin, mais soumise Ă  la souverainetĂ© populaire, de sorte qu’un monarque est sujet Ă  perdre son autoritĂ© s’il Ɠuvre contre le bien commun du peuple[34]. Il considĂ©rait Ă©galement que si Ferdinand VII montait Ă  nouveau sur le trĂŽne, il ne pourrait pas rĂ©pudier une Constitution rĂ©digĂ©e en son absence[35] ― Ă©tant entendu qu’il n’envisageait cela que comme une simple hypothĂšse, pour illustrer la vigueur d’une Constitution, non comme une possibilitĂ© probable[36].

La politique Ă©conomique de la Junte Ă©tait libre-Ă©changiste pour trois raisons : il y avait un besoin urgent d’une certaine ouverture commerciale ; l’on escomptait de cette ouverture une hausse des recettes publiques (la douane Ă©tait en effet la principale ressource envisagĂ©e) ; et enfin, il fallait s’assurer quelque alliĂ© face Ă  l’Espagne, et le plus puissant Ă©tait l’Angleterre. NĂ©anmoins, Moreno, dans une note dans la Gaceta, Ă©crivait : « L’étranger ne vient pas dans notre pays afin d’Ɠuvrer pour notre bien, mais pour en retirer autant d’avantages qu’il s’en pourra procurer. Faisons-lui bon accueil, apprenons les amĂ©liorations de sa civilisation, acceptons les rĂ©alisations de son industrie et pourvoyons-le des fruits que la nature nous prodigue Ă  pleines mains. Mais regardons ses conseils avec la plus grande rĂ©serve... »

RĂ©pression des mouvements royalistes

AprĂšs que la Junte de SĂ©ville eut Ă©tĂ© dĂ©faite, une autre, le Conseil de RĂ©gence, fut crĂ©Ă©e aussitĂŽt. Si la PremiĂšre Junte (argentine) se refusa Ă  faire serment de loyautĂ© envers le Conseil de RĂ©gence, la Real Audiencia en revanche fit allĂ©geance Ă  celui-ci, dĂ©fiant ainsi la nouvelle autoritĂ© locale. Mis en demeure par la Junte, les membres de l’Audiencia, ainsi que le ci-devant vice-roi Cisneros, furent exilĂ©s vers l’Espagne, au motif que leurs vies Ă©taient menacĂ©es. La Junte nomma une nouvelle Audiencia, composĂ©e de membres loyaux Ă  la rĂ©volution[37]. Moreno Ă©crivit dans la Gazeta que l’Audiencia attaquait la bonne foi du gouvernement, et que la Junte, par souci de la sĂ©curitĂ© du peuple, fut contrainte de rĂ©server temporairement son habituelle modĂ©ration[38].

La Junte fut rĂ©cusĂ©e Ă  Montevideo, et le bannissement de Cisneros et de l’ancienne Audiencia rĂ©prouvĂ©. Moreno rĂ©agit immĂ©diatement, en rĂ©pliquant aux prĂ©occupations montevidĂ©ennes. Il justifia la lĂ©gitimitĂ© de la PremiĂšre Junte par la dĂ©considĂ©ration du Conseil de RĂ©gence, et par sa conviction que les territoires d’outre-mer espagnols n’étaient pas moins capables que la mĂ©tropole de mettre en place un gouvernement, ainsi qu’il appert des dĂ©bats lors du cabildo ouvert[39]. ParallĂšlement, lançant un appel Ă  l’unitĂ©, et exhortant Ă  soutenir la mĂ©tropole[40], il appela les deux villes Ă  reconnaĂźtre Ferdinand VII pour leur monarque lĂ©gitime[41]. Il prĂ©cisa que la Junte avait initialement traitĂ© les futurs exilĂ©s avec modĂ©ration, mais leur obstination, en particulier celle de Cisneros, avait fini par provoquer le mĂ©contentement du peuple[42]. MatĂ­as Irigoyen tint les mĂȘmes propos devant l’Anglais Lord Strangford Ă  Rio de Janeiro[43].

Par ailleurs, Moreno organisa deux expĂ©ditions militaires pour faire Ă©chec Ă  deux foyers de rĂ©sistance qui menaçaient la Junte. La premiĂšre, commandĂ©e par Francisco Ortiz de Ocampo, fit route vers CĂłrdoba pour combattre la contre-rĂ©volution fomentĂ©e par le ci-devant vice-roi Jacques de Liniers ; ensuite, le corps expĂ©ditionnaire devait marcher sur le Haut-PĂ©rou. Les ordres donnĂ©s initialement Ă  Ocampo Ă©taient de capturer les chefs contre-rĂ©volutionnaires et de les envoyer Ă  Buenos Aires pour y ĂȘtre jugĂ©s[44]. Cependant, voyant que la contre-rĂ©volution prenait de la vigueur, Moreno convoqua la Junte et, avec l’appui de Castelli et de Juan JosĂ© Paso, proposa que les chefs ennemis fussent exĂ©cutĂ©s sitĂŽt capturĂ©s au lieu d’ĂȘtre conduits devant la justice[45]. La Junte accepta la nouvelle proposition le , et la fit transmettre Ă  Ocampo. La contre-rĂ©volution fut dĂ©faite au mois d’aoĂ»t suivant, mais Ocampo s’abstint d’exĂ©cuter les prisonniers. Gregorio Funes, dirigeant du parti patriotique de CĂłrdoba, l’avait persuadĂ© de les Ă©pargner, invoquant leur popularitĂ© Ă  CĂłrdoba et l’opposition de la population Ă  leur mise Ă  mort[46]. Moreno ne l’accepta pas, et reprĂ©senta Ă  Ocampo qu’un gĂ©nĂ©ral Ă©tait tenu d’obĂ©ir aux ordres[47]. Ayant convoquĂ© une nouvelle rĂ©union de la Junte, il brandit en sĂ©ance un billet qu’il avait trouvĂ© jetĂ© dans le vestibule de sa maison, et qui portait l’inscription (en lettres capitales pour la proposition principale) : « Si Liniers ne meurt pas, QU’IL VIVE ! » (Si no muere Liniers, ÂĄQUE VIVA! ), c'est-Ă -dire : s’il n’est pas exĂ©cutĂ© maintenant, il finira par entrer triomphalement Ă  Buenos Aires[48]. La Junte alors consentit Ă  limoger Ocampo et Ă  le remplacer par Castelli[49], avec NicolĂĄs RodrĂ­guez Peña comme secrĂ©taire et Domingo French dirigeant l’escorte. Ils interceptĂšrent le convoi de prisonniers Ă  Cabeza de Tigre et exĂ©cutĂšrent ceux-ci, Ă  l’exception de l’évĂȘque Orellana, par respect pour sa qualitĂ© d’homme de religion. L’ArmĂ©e auxiliaire, commandĂ©e par Ocampo et Castelli, fut rĂ©organisĂ©e en armĂ©e du Nord (EjĂ©rcito del Norte), au moyen de laquelle fut lancĂ©e la premiĂšre expĂ©dition dans le Haut-PĂ©rou. Moreno donna pour celle-ci des instructions fort dures : « surveillez les activitĂ©s des riches ; tuez Ă  vue Goyeneche, Nieto, Paula Sanz et l’évĂȘque ; et permettez aux soldats de piller les ennemis dĂšs la premiĂšre victoire patriotique, de sorte Ă  provoquer la terreur »[50]. Le contexte Ă©tait peu favorable : seuls Cochabamba et Charcas soutenaient sincĂšrement la rĂ©volution, et une partie des Indiens hĂ©sitait Ă  la rallier, par peur d’une possible contre-attaque royaliste[51]. Les desseins morĂ©nistes pour le Haut-PĂ©rou, qui comportaient l’émancipation des Indiens et la nationalisation des mines de PotosĂ­, Ă©taient contrecarrĂ©s par les populations locales qui tiraient avantage du systĂšme en place[52] - [53]. Castelli proposa de pousser la campagne militaire plus avant encore en direction de Lima, mais Moreno lui demanda de garder ses positions[54].

L’autre expĂ©dition, commandĂ©e par Manuel Belgrano, fit mouvement vers le Paraguay. En route vers cette destination, Belgrano aida, suivant les instructions de Moreno, les indigĂšnes dans les provinces de Misiones et de Corrientes, leur accordant les pleins droits civils et politiques, leur attribuant des terres, et levant toute restriction sur l’accĂšs aux fonctions publiques ou religieuses. Il autorisa le commerce avec les Provinces-Unies du RĂ­o de la Plata, supprima l’impĂŽt pour une pĂ©riode de dix ans, et abolit toute forme de torture[55].

Moreno durcit sa politique contre les royalistes. En juillet, il donna aux alcades voisins l’ordre d’empĂȘcher la crĂ©ation de groupes secrets, ou la tenue d’activitĂ©s incitant Ă  l’hostilitĂ© vis-Ă -vis de la Junte[56]. Il fit promulguer un nouveau dĂ©cret de la Junte visant Ă  dĂ©fĂ©rer devant la justice avec confiscation des biens quiconque quitte la ville sans autorisation[57], dĂ©tient en secret des armes de guerre[58], attise l’hostilitĂ© ou le mĂ©contentement populaires contre le gouvernement[59], ou Ă©crit dans ce but des lettres adressĂ©es Ă  des personnes dans d’autres villes[60]. Les cas graves Ă©taient d’ordinaire punis de la peine capitale ou du bannissement. Durent ainsi s’exiler plusieurs personnages riches et en vue, dont Manuel AndrĂ©s Arroyo y Pinedo, qui blĂąma Moreno pour ces dĂ©cisions, l’accusant de confondre diffĂ©rence d’opinion et antipatriotisme, et qui estimait que l’égalitarisme ne pouvait qu’attirer de grands maux[61]. Ces mesures furent aussi critiquĂ©es par des partisans plus modĂ©rĂ©s de la rĂ©volution, tels que Gregorio Funes de CĂłrdoba, qui condamnait l’absence de vĂ©ritables jugements en justice[62], ou DĂĄmaso de Uriburu, de Salta, qui compara Moreno, Castelli et Vieytes avec les Jacobins français[63].

À ce moment, Moreno Ă©tait persuadĂ© que la seule façon d’assurer la rĂ©volution Ă©tait de faire en sorte qu’elle fĂ»t victorieuse Ă  travers le continent tout entier[64]. Toutefois, il estimait que l’intĂ©gration de l’AmĂ©rique latine devait se rĂ©aliser pacifiquement, entre Ă©gaux, et non comme l’aboutissement d’une campagne de conquĂȘte. Il Ă©crivit dans la Gazeta que « quelque pures qui soient nos intentions, il serait dangereux que la libertĂ© de l’AmĂ©rique soit exclusivement notre Ɠuvre. Une telle circonstance pourrait conduire Ă  un rĂ©el despotisme et les PĂ©ruviens ne gagneraient rien en ayant des oppresseurs portĂšgnes au lieu d’europĂ©ens »[65]. Il accueillit favorablement les rĂ©bellions de Cochabamba et du Chili[65].

Plan de Operaciones

PremiĂšre page du Plan de Operaciones.

Donnant suite Ă  une proposition de Manuel Belgrano, la Junte rĂ©solut de rĂ©diger une plateforme politique dans laquelle serait dĂ©fini un ensemble de grands objectifs ainsi que les procĂ©dures Ă  suivre pour les rĂ©aliser. La rĂ©daction de ce document, dĂ©signĂ© souvent par le raccourci Plan d’opĂ©rations (en esp. Plan de Operaciones ou de las Operaciones), fut confiĂ©e Ă  Mariano Moreno. L’authenticitĂ© de ce document a Ă©tĂ© contestĂ©e par certains historiens, notamment Paul Groussac, qui le soupçonnait d’ĂȘtre un faux, fabriquĂ© par un Espagnol travaillant Ă  la cour du Portugal dans le but de discrĂ©diter la Junte[66] ; d’autres historiens cependant, comme Norberto Piñero, soulignent, pour dĂ©fendre l’authenticitĂ© de ce document, que son contenu en tous cas n’est pas en porte-Ă -faux avec les actes dĂ©cidĂ©s par le gouvernement de la PremiĂšre Junte[67] - [68].

Le document, aprĂšs avoir posĂ© la nĂ©cessitĂ© de vaincre les forces royalistes, propose, Ă  cet effet, un large Ă©ventail d’actions envisageables, qui s’apparentent aux actions menĂ©es par les Jacobins sous la Terreur. La modĂ©ration politique est rejetĂ©e, au motif que celle-ci serait, dans le contexte rĂ©volutionnaire, dangereuse[69]. Un parallĂšle est Ă©tabli entre la rĂ©volution sud-amĂ©ricaine, encore au stade des prĂ©mices, et les rĂ©volutions française et nord-amĂ©ricaine[70], voire avec la rĂ©volution en Espagne mĂȘme, en relevant qu’aucune de ces rĂ©volutions ne s’est appuyĂ©e sur la seule pratique des conspirations ou des rĂ©unions secrĂštes[71]. Le document propose d’accorder un traitement de faveur aux patriotes, et de les laisser occuper tous les postes dans les services de l’État[72]. Les pĂ©ninsulaires, en revanche, devaient ĂȘtre surveillĂ©s minutieusement, et punis Ă  la moindre indication d’activitĂ© contre la Junte, et exĂ©cutĂ©s s’ils sont riches et influents[73]. À cet effet, il conviendrait par ailleurs, dit le document, que la Junte se dotĂąt d’un rĂ©seau d’espionnage[74]. Cette politique envers les pĂ©ninsulaires, telle que prĂŽnĂ©e dans le document, concorde avec les actions effectivement entreprises Ă  l’encontre de la contre-rĂ©volution de Liniers, et est similaire Ă  celle que SimĂłn BolĂ­var devait mettre en Ɠuvre dans le nord peu aprĂšs. Moreno pensait que JosĂ© Gervasio Artigas serait un alliĂ© inestimable, et que Buenos Aires devait employer tous les moyens Ă  sa disposition pour l’amener Ă  se joindre Ă  la lutte contre l’absolutisme[75]. Attentif aux conflits intĂ©rieurs du Chili et du Paraguay, il insistait que l’on vĂźnt en aide aux patriotes de ces rĂ©gions contre les royalistes locaux.

Dans le domaine des relations internationales, Mariano Moreno dĂ©nonçait l’esclavage pratiquĂ© au BrĂ©sil, colonie portugaise voisine. Il proposa d’y faire distribuer en grand nombre des exemplaires de la Gazeta de Buenos Ayres, remplis d’idĂ©es rĂ©volutionnaires et traduits pour l’occasion en portugais[76] - [77], et, s’il advenait que les esclaves se rĂ©voltaient, de venir Ă  leur secours militairement. Il voyait une grande menace autant dans une dĂ©faite complĂšte de l’Espagne dans la guerre d’IndĂ©pendance espagnole, que dans la restauration de l’absolutisme dans ce mĂȘme pays, et considĂ©rait la Grande-Bretagne comme un alliĂ© potentiel contre ces pĂ©rils[78]. En cas de conflit, la Grande-Bretagne serait apte Ă  pourvoir les rĂ©volutionnaires en armements et autres marchandises non produites sur place. Les critiques de Moreno l’ont taxĂ© d’anglophile en raison de cette proposition, cependant le mĂȘme document met aussi en garde contre le risque de permettre Ă  la Grande-Bretagne d’exercer trop d’influence sur l’économie nationale. Il dĂ©nonçait la relation entre la Grande-Bretagne et le Portugal, estimant que le Portugal Ă©tait soumis Ă  une « honteuse servitude » vis-Ă -vis de la Grande-Bretagne[79], et que l’influence britannique au BrĂ©sil Ă©tait si importante dĂ©jĂ  qu’il Ă©tait Ă  craindre que les colonies portugaises ne finissent par devenir britanniques[80]. Les propos tenus par Moreno dans les pages de la Gazeta tendait de la mĂȘme façon Ă  recommander une attitude Ă  la fois amicale et circonspecte envers la Grande-Bretagne. NĂ©anmoins, le document propose, en reconnaissance de la protection offerte par la Grande-Bretagne contre l’Espagne, que l’üle MartĂ­n GarcĂ­a, situĂ© dans le RĂ­o de la Plata, en face de Buenos Aires, fĂ»t cĂ©dĂ©e Ă  la couronne britannique[81].

Dans le domaine Ă©conomique, le document aborde la question de l’absence d’une bourgeoisie capable de convertir les changements politiques en dĂ©veloppement Ă©conomique, et propose de surmonter cette absence par un vigoureux interventionnisme d’État. Mariano Moreno prĂ©conisa ainsi que l’État investĂźt 200 ou 300 millions dans les manufactures, les arts, l’agriculture, la navigation et dans d’autres domaines critiques[82]. Il n’y aurait aucun danger de faillite de l’État, car celui-ci serait en mĂȘme temps appelĂ© Ă  rĂ©genter les activitĂ©s Ă©conomiques[83]. Avec les fonds produits, l’État ferait acquisition de semences et d’outils, finissant ainsi par obtenir que le continent vĂźt en autarcie Ă©conomique. Les sommes de dĂ©part dont l’État aurait besoin pour s’ériger en force Ă©conomique active proviendraient des mines de PotosĂ­, oĂč les esclavagistes dĂ©tenaient aux alentours de 500 ou 600 millions. Moreno proposait simplement de confisquer l’argent et de nationaliser les mines[84]. Il calcula que cinq ou six mille personnes seraient lĂ©sĂ©es par cette mesure, tandis que quatre-vingts ou cent mille en tireraient bĂ©nĂ©fice[85]. L’État n’exercerait pas la tutelle sur ces domaines indĂ©finiment ; Moreno en effet proposait que cette politique ne fĂ»t pas appliquĂ©e au-delĂ  du moment oĂč une vigoureuse activitĂ© Ă©conomique se serait dĂ©ployĂ©e dans chaque domaine, l’État se cantonnant alors Ă  un rĂŽle d’observateur, assurant que les lois promulguĂ©es pour l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral de la sociĂ©tĂ© fussent respectĂ©es.

Les rĂ©volutionnaires du dĂ©but du XIXe siĂšcle n’avaient pas retenu la confiscation parmi les mesures qu’ils prĂ©conisaient, mais un prĂ©cĂ©dent en est fourni par la conspiration des Égaux fomentĂ©e par François-NoĂ«l Babeuf pendant la RĂ©volution française[86]. Moreno pensait que des fortunes de la taille d’un budget d’État dĂ©tenues par un petit nombre d’individus Ă©taient prĂ©judiciables Ă  la sociĂ©tĂ© civile, ces individus tendant en effet Ă  orienter l’économie dans le sens de leurs propres intĂ©rĂȘts, sans rĂ©soudre les problĂšmes de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble.

Le document, enfin, prĂ©conise d’éviter d’exporter des devises, et de taxer fortement l’importation de biens de luxe, ce qui a pu ĂȘtre vu comme contredisant La RepresentaciĂłn de los Hacendados. Cependant, les deux opuscules demandent des choses diffĂ©rentes : l’interdiction absolue de tout Ă©change avec la Grande-Bretagne, Ă  laquelle La RepresentaciĂłn Ă©tait opposĂ©e, est assurĂ©ment autre chose qu’une politique consistant Ă  autoriser ces Ă©changes moyennant quelques restrictions protectionnistes[87]. En tant que secrĂ©taire de la PremiĂšre Junte, Moreno rĂ©duisit les taxes sur les exportations nationales, mais en maintint de hautes sur les importations.

Dissensions entre Moreno et Saavedra

Cornelio Saavedra, président de la PremiÚre Junte.

DĂšs les Ă©vĂ©nements de Mai, des dĂ©saccords avaient existĂ© entre Mariano Moreno et le prĂ©sident Cornelio Saavedra, portant sur le sens de la RĂ©volution et sur le futur mode de gouvernement. Peu aprĂšs la constitution de la Junte, leurs dissensions Ă©clatĂšrent au grand jour. Saavedra Ă©tait certes le prĂ©sident, et Moreno secrĂ©taire, mais ce dernier pouvait compter sur l’appui de plusieurs autres membres. Les morĂ©nistes soupçonnaient le prĂ©sident de vouloir restaurer, Ă  travers sa fonction, l’autoritĂ© des vice-rois, et par lĂ  diminuer le rang des autres membres de la Junte lors d’évĂ©nements publics ; les saavĂ©dristes, quant Ă  eux, considĂ©raient que le secrĂ©taire outrepassait son autoritĂ© et ne permettait pas mĂȘme la nomination d’un concierge qui ne fĂ»t de son goĂ»t[88]. Cependant, Domingo Matheu devait prĂ©ciser dans ses mĂ©moires que la prĂ©occupation initiale Ă  l’endroit de Saavedra Ă©tait dĂ©terminĂ©e davantage par son appĂ©tit des honneurs et des privilĂšges que par une rĂ©elle lutte de pouvoir[89]. Ignacio NĂșñez (1857) fit le recensement des groupes qui s’opposaient Ă  Moreno : un certain nombre de criollos qui, aprĂšs avoir au dĂ©part soutenu la rĂ©volution, s’effarouchaient Ă  prĂ©sent des consĂ©quences Ă  long terme, et s’alarmaient de la maniĂšre trĂšs franche qu’avait Moreno d’aborder des concepts tels que l’autodĂ©termination, la tyrannie, l’esclavage et la libertĂ© ; les thĂ©ologiens, qui dĂ©ploraient que Moreno citĂąt des auteurs comme Rousseau, Voltaire ou Montesquieu, plutĂŽt que les philosophes chrĂ©tiens comme saint Augustin ou saint Thomas ; enfin, les avocats conservateurs et la plupart des militaires[90].

À partir d’octobre, les mesures dĂ©cidĂ©es par Moreno commencĂšrent Ă  provoquer des rĂ©sistances chez certaines personnes ayant au dĂ©but soutenu la rĂ©volution de Mai. Les gens d’affaires n’apprĂ©ciaient pas sa politique protectionniste, et certains membres de l’armĂ©e, qui avaient des liens Ă©troits avec des nantis, faisaient opposition au chĂątiment de ces derniers[91]. Le , il fut mis au jour que dix membres du Cabildo avaient fait serment de loyautĂ© envers le Conseil de RĂ©gence le mois de juillet prĂ©cĂ©dent. Tous furent incarcĂ©rĂ©s, parmi eux JuliĂĄn de Leyva et Juan JosĂ© de Lezica[92]. Lorsque la Junte eut Ă  dĂ©cider quelle conduite tenir dans cette affaire, Moreno et Saavedra se faisaient face : Moreno, les accusant d’intelligence avec le Cabildo de Montevideo, ennemi de la Junte, prĂ©conisait de les exĂ©cuter par mesure de dissuasion[93], tandis que Saavedra, rĂ©torquant que le gouvernement devait faire preuve de clĂ©mence, refusait qu’il fĂ»t fait appel au rĂ©giment de Patriciens pour accomplir les exĂ©cutions[94]. Les prisonniers furent finalement exilĂ©s vers LujĂĄn, Ranchos et Salto, et Leiva fut hĂ©bergĂ© par Gregorio Funes Ă  CĂłrdoba[95].

À ce stade, le seul soutien militaire de Moreno Ă©tait Domingo French, chef du rĂ©giment l’Étoile (La Estrella). Castelli et Belgrano, qui faisaient Ă©galement partie de ses appuis, Ă©taient Ă©loignĂ©s de la capitale, occupĂ©s Ă  leur campagne militaire respective. Le soutenaient aussi les activistes de la rĂ©volution de Mai, de mĂȘme que certains membres de la Junte et d’autres patriotes tels que Vieytes et NicolĂĄs RodrĂ­guez Peña. Saavedra gardait le soutien du RĂ©giment de Patriciens, auquel venait s’ajouter celui des nĂ©gociants et mĂȘme de quelques partisans de l’ancien rĂ©gime qui considĂ©raient le modĂ©rĂ© Saavedra un moindre mal[96]. Moreno alors s’ingĂ©nia Ă  modifier l’équilibre du pouvoir militaire par le biais d’une rĂ©forme des rĂšgles d’avancement dans l’armĂ©e. Jusque-lĂ , les fils d’officier se voyaient octroyer automatiquement le statut de cadet et leur promotion se faisait uniquement par le mĂ©canisme de l’anciennetĂ© ; Moreno fit en sorte que l’avancement s’obtĂźnt dĂ©sormais par le mĂ©rite militaire[97]. Cependant, Ă  court terme, cette mesure se retourna contre lui, puisqu’il se mit Ă  dos les membres de l’armĂ©e qui obtenaient leur avancement justement grĂące Ă  l’ancienne rĂ©glementation[98]. Il pensait d’autre part que la rĂ©ussite de la RĂ©volution Ă©tait en partie conditionnĂ©e par l’adhĂ©sion des classes infĂ©rieures de la sociĂ©tĂ©[99], et Ă©crivit Ă  Chiclana des lettres pour le requĂ©rir de tenter de rĂ©aliser une telle adhĂ©sion dans le Haut-PĂ©rou[100]. L’appui populaire toutefois allait mettre encore un certain temps avant de prendre corps : la Guerra Gaucha, la Guerre des RĂ©publiquettes (Guerra de las Republiquetas) et l’ascension de JosĂ© Gervasio Artigas n’eurent lieu que plus tard, et non dĂšs l’annĂ©e 1810[101].

À la suite de la bataille victorieuse de Suipacha, Saavedra s’opposa avec plus de fermetĂ© encore aux rĂ©solutions de Moreno au motif que la rĂ©volution avait battu ses ennemis et qu’elle devait en consĂ©quence se montrer moins implacable[102]. Certain soir, le RĂ©giment de Patriciens donnait un banquet dans son casernement, auquel n’étaient admis Ă  prendre part que les militaires et les partisans de Saavedra. Moreno, que les gardes de faction Ă  la porte prĂ©tendirent ne pas avoir reconnu, fut refoulĂ© par eux, ce qui provoqua un incident[103]. En outre, ce mĂȘme soir, l’officier Atanasio Duarte, qui Ă©tait ivre, offrit une couronne de sucre Ă  l’épouse de Saavedra et salua Saavedra comme s’il Ă©tait le nouveau roi ou empereur des AmĂ©riques[104]. Le lendemain, aprĂšs avoir Ă©tĂ© informĂ© de l’incident, Moreno rĂ©digea le DĂ©cret de suppression des honneurs (Decreto de SupresiĂłn de Honores), lequel portait abolition de la cĂ©rĂ©monie ordinairement rĂ©servĂ©e au prĂ©sident de la Junte et des privilĂšges hĂ©ritĂ©s de la fonction de vice-roi[104]. Duarte fut exilĂ©, dĂ©cision que Moreno justifia en indiquant « qu’un habitant de Buenos Aires, fĂ»t-il assoupi ou ivre, ne doit faire de dĂ©clarations contraires Ă  la libertĂ© de son pays »[105]. L’affirmation de certains historiens[106], selon laquelle Moreno voulait provoquer une confrontation ouverte avec Saavedra, fĂ»t-elle mĂȘme exacte, il reste que celui-ci esquiva toute querelle, signant le dĂ©cret sans faire aucune observation. Toutefois, selon Gregorio Funes, les Patriciens en conçurent du ressentiment Ă  l’endroit de Moreno[107].

Gregorio Funes, originaire de CĂłrdoba, se rallia Ă  Saavedra contre Moreno.

Les frictions entre Moreno et Saavedra eurent des rĂ©percussions internationales. Lord Strangford dĂ©plora les mesures rĂ©centes de la Junte, notamment l’exĂ©cution de Liniers, mesures perçues comme plus violentes que la politique de la Junte Ă  ses dĂ©buts[108]. Le BrĂ©sil Ă©galement s’en prĂ©occupa, d’autant que des exemplaires de la Gazeta, insufflant des idĂ©es rĂ©volutionnaires aux esclaves, Ă©taient Ă  ce moment-lĂ  distribuĂ©s en grand nombre dans le Rio Grande do Sul[109] - [110]. Le gouvernement brĂ©silien dĂ©pĂȘcha le nĂ©gociant Carlos JosĂ© Guezzi Ă  Buenos Aires, en vue de jouer un rĂŽle de mĂ©diateur dans le conflit avec les royalistes de Montevideo et de faire aboutir l’ambition de Charlotte Joachime de rĂ©gner en qualitĂ© de rĂ©gente sur le RĂ­o de la Plata[109]. Lors de sa premiĂšre entrevue, en juillet, il rencontra Saavedra, qui lui fit bonne impression. Saavedra dĂ©clara que si les droits de Charlotte Ă©taient confirmĂ©s par la monarchie espagnole, Buenos Aires l’appuierait, mĂȘme si cela devait signifier qu’ils eussent Ă  s’affronter aux autres provinces[111]. Le mois suivant, Guezzi sollicita un Ă©missaire pour la cour du BrĂ©sil, offrit la mĂ©diation de Charlotte dans le diffĂ©rend avec Montevideo[112], et fit observer que le BrĂ©sil avait concentrĂ© des forces armĂ©es prĂšs de la frontiĂšre, attendant l’ordre d’attaquer la rĂ©volution[113]. Cette fois-ci, Moreno fit opposition, rejeta l’idĂ©e d’envoyer un Ă©missaire et reprĂ©senta Ă  Guezzi que la Junte ne travaillait pas pour les intĂ©rĂȘts du BrĂ©sil, mais pour ceux des Provinces-Unies[114]. De mĂȘme, il dĂ©clina la mĂ©diation brĂ©silienne, au motif qu’aucune mĂ©diation n’était possible sous une menace militaire[115]. Guezzi, qui fut renvoyĂ© aussitĂŽt Ă  Rio de Janeiro par le premier navire disponible, dĂ©crivit Moreno comme « le Robespierre du jour »[110] et accusa la Junte de tenter d’instaurer une rĂ©publique[110].

En dĂ©cembre, les dĂ©putĂ©s des provinces de l’intĂ©rieur, convoquĂ©s par la circulaire du , arrivĂšrent Ă  Buenos Aires. Gregorio Funes, doyen de la cathĂ©drale de CĂłrdoba et alliĂ© de Saavedra, avait sur eux une grande influence et la plupart d’entre eux se reconnaissaient plutĂŽt dans les idĂ©es de Saavedra. Le principal motif de discorde Ă©tait l’interprĂ©tation Ă  donner Ă  la circulaire, et plus particuliĂšrement la question quel corps politique les dĂ©putĂ©s Ă©taient censĂ©s aller rejoindre. Funes avait calculĂ© que si les dĂ©putĂ©s faisaient partie de la Junte, ils y seraient en surnombre et ainsi en mesure de faire barrage Ă  Moreno, dont les propositions ne seraient plus alors soutenues que par une minoritĂ©. Moreno en revanche, soulignant qu’un exĂ©cutif d’une aussi grande taille serait inopĂ©rant, dĂ©fendait le point de vue que les dĂ©putĂ©s de l’intĂ©rieur devaient former une assemblĂ©e constituante. Les dĂ©putĂ©s menĂ©s par Gregorio Funes firent cependant observer que la junte qui gouvernait en ce moment la totalitĂ© du pays Ă©tait de composition exclusivement portĂšgne. En dĂ©clarant que Buenos Aires n’avait pas le droit de gouverner les autres provinces sans leur consentement, Funes sut s’assurer l’appui des autres membres[116]. Il fit Ă©tat en outre d’un mĂ©contentement populaire contre la Junte[116]. Les partisans de Moreno rĂ©torquĂšrent que si mĂ©contentement il y avait, cela ne concernait en vĂ©ritĂ© que certains factieux[116], et selon Moreno, il ne s’agissait que de la grogne des patriciens Ă  la suite du DĂ©cret des suppressions[116]. Le , Saavedra ordonna de soumettre au vote l’intĂ©gration ou non des dĂ©putĂ©s Ă  la Junte lors d’une sĂ©ance Ă  laquelle ces derniers Ă©taient Ă©galement prĂ©sents. Paso Ă©tant seul Ă  voter pour Moreno, Saavedra obtint ainsi un vote favorable, conduisant Ă  la constitution d’une nouvelle junte Ă©largie, dite Junta Grande. Moreno, battu par le vote de la majoritĂ©, voulut dĂ©missionner, mais sa dĂ©mission fut refusĂ©e par la Junte. Il demanda alors, et obtint, que lui fĂ»t confiĂ©e une mission diplomatique au BrĂ©sil et en Grande-Bretagne, visant Ă  trouver des appuis Ă  l’indĂ©pendance argentine.

L’opposition de Moreno Ă  l’intĂ©gration, dans la Junte, des dĂ©putĂ©s de l’intĂ©rieur a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e par certains historiens comme une des premiĂšres passes d’armes du conflit entre Buenos Aires et les autres provinces, ou comme la prĂ©figuration de la lutte entre unitaires et fĂ©dĂ©ralistes, qui allait marquer la politique argentine dans les dĂ©cennies suivantes. Certains voient dans sa faction le prĂ©curseur du parti unitaire, alors que d’autres trouvent que ses paroles et actions s’accordent mieux avec l’idĂ©ologie du parti fĂ©dĂ©raliste. Cependant, les historiens Paul Groussac et Norberto Piñeiro qualifient de hasardeuses des extrapolations poussĂ©es aussi en avant dans le temps. Pour Piñeiro, catĂ©goriser Moreno comme « fĂ©dĂ©ral Â» ou comme « unitaire Â» relevait d’une discussion oiseuse, attendu qu’à ce stade, la question de l’organisation politique du jeune État primait sur l’aspect, pour l’heure secondaire, du centralisme ou du fĂ©dĂ©ralisme ; Groussac Ă©galement note que Moreno vouait alors toute son Ă©nergie au problĂšme immĂ©diat de rĂ©aliser l’indĂ©pendance, sans encore se prĂ©occuper outre mesure de possibles scĂ©narios Ă  long terme.

Pour beaucoup d’historiens, Mariano Moreno et Cornelio Saavedra incarnent les deux principaux courants internes qui s'affrontaient au sein de la PremiĂšre Junte ; selon cette vision classique, Mariano Moreno aspirait Ă  opĂ©rer des changements profonds dans la sociĂ©tĂ©, tandis que Saavedra cherchait seulement Ă  permettre aux criollos d’accĂ©der au pouvoir, tout en assurant la perpĂ©tuation de l’ordre social de la vice-royautĂ©[117].

En octobre fut promulguĂ© un dĂ©cret portant crĂ©ation d’un corps d’officiers de carriĂšre et d’une acadĂ©mie militaire. Fut fondĂ© en outre un nouveau rĂ©giment de milices, dĂ©nommĂ© Regimiento de la UniĂłn ou de la Estrella, dont le commandement fut confiĂ© aux morĂ©nistes Domingo French et Antonio Luis Beruti. Ces mesures eurent pour effet d’affaiblir les chefs militaires dĂ©vouĂ©s Ă  Saavedra.

Mission outre-mer et mort inopinée

Le Dr Mariano Moreno, par le sculpteur Erminio Blotta.

HipĂłlito Vieytes se disposait Ă  effectuer une mission diplomatique en Grande-Bretagne, mais Moreno sollicita d’en ĂȘtre lui-mĂȘme chargĂ© Ă  la place de Vieytes. Saavedra accepta immĂ©diatement. En compagnie de son frĂšre Manuel et de son secrĂ©taire TomĂĄs Guido, Moreno prit passage, pour se rendre en Grande-Bretagne, sur la goĂ©lette anglaise Fame. Cependant, il tomba malade pendant la traversĂ©e, et bien qu’il n’y eĂ»t pas de mĂ©decin Ă  bord, le capitaine dĂ©daigna les demandes pressantes de faire escale dans quelque port plus proche, comme Rio de Janeiro ou le Cap en Afrique australe. Au lieu de cela, le capitaine lui administra quatre grammes d’un Ă©mĂ©tique prĂ©parĂ© Ă  base d’acide tartrique et d’antimoine, qui Ă©tait d’usage commun Ă  cette Ă©poque. AprĂšs avoir ingurgitĂ© le mĂ©dicament, Moreno fut agitĂ© de fortes convulsions, et mourut peu de temps aprĂšs[118]. Manuel Moreno rapporta ainsi l’incident : « 
Si Moreno avait su qu’on lui donnait pareille quantitĂ© de cette substance, il ne fait point de doute qu’il ne l’eĂ»t point prise, car Ă  la vue du ravage que cela lui causait, et mis au courant du fait, lui-mĂȘme vint Ă  dire que sa constitution ne pouvait supporter davantage qu’un quart de gramme et que dĂšs lors, il se considĂ©rait vouĂ© Ă  la mort. Les circonstances n’ayant pas permis une autopsie du cadavre, il subsiste un doute si la quantitĂ© de cette drogue ou d’autre substance corrosive qui lui fut administrĂ©e ne fut point en rĂ©alitĂ© plus grande. À cela succĂ©da une terrible convulsion, qui ne lui laissa guĂšre le temps de prendre congĂ© de sa patrie, de sa famille et de ses amis. »[119]. Mariano Moreno dĂ©cĂ©da en haute mer dans la matinĂ©e du . Son corps fut enveloppĂ© d’un drapeau anglais et prĂ©cipitĂ© Ă  la mer, aprĂšs plusieurs salves d’armes Ă  feu, Ă  quelques kilomĂštres de la cĂŽte du BrĂ©sil, prĂšs de l’üle de Santa Catarina.

Les deux tĂ©moins, Manuel Moreno et TomĂĄs Guido, conjecturĂšrent ultĂ©rieurement que Moreno fut dĂ©libĂ©rĂ©ment empoisonnĂ© par le capitaine, et que l’ordre en avait Ă©manĂ© de Saavedra. À l’appui de cette thĂšse de l’assassinat, Manuel Moreno, qui disait ne pas mĂȘme pouvoir ĂȘtre sĂ»r, en l’absence d’autopsie, que la substance administrĂ©e Ă©tait bien celle indiquĂ©e, ou qu’une autre ne lui avait pas Ă©tĂ© substituĂ©e, ou qu’une dose plus Ă©levĂ©e encore ne lui avait pas Ă©tĂ© donnĂ©e, mit en avant le refus du capitaine d’amarrer dans quelque port quand Moreno Ă©tait mal, l’allure lente du navire, le fait que l’émĂ©tique avait Ă©tĂ© administrĂ© Ă  la dĂ©robĂ©e, et que le capitaine ne retourna pas Ă  Buenos Aires avec le navire[120]. Enrique de GandĂ­a a signalĂ© une disposition irrĂ©guliĂšre de la Junte, par laquelle un Britannique, du nom de Curtis, fut nommĂ©, pour le cas oĂč Moreno mourrait, comme son remplaçant pour la mission diplomatique. Le fils de Mariano Moreno confia Ă  l’historien Adolfo SaldĂ­as que sa mĂšre, Guadalupe Cuenca, avait reçu un cadeau anonyme, consistant en un Ă©ventail et un mouchoir de deuil, assorti de l’instruction de s’en servir prochainement. Du reste, en ce temps-lĂ , l’assassinat de Moreno Ă©tait communĂ©ment admis, et fut Ă©voquĂ© lors du jugement de rĂ©sidence (juicio de residencia) des membres de la Junte. Juan Madera dĂ©clara Ă  l’occasion de ce procĂšs que Moreno avait pu solliciter de se rendre en Grande-Bretagne par crainte d’ĂȘtre assassinĂ©, et qu’il avait pu en avoir fait mention Ă  la sĂ©ance de la Junte oĂč fut discutĂ©e sa dĂ©mission[121]. Les sources historiographiques ne confirment pas la thĂšse de l'assassinat politique, et l’on peine en outre Ă  dĂ©signer quelque mobile dĂ©terminĂ© : Saavedra en effet devait tenir son adversaire pour battu, et au demeurant, il n’entrait pas dans ses habitudes de faire assassiner ses ennemis. D’autre part, Mariano Moreno n’était pas adversaire des desseins britanniques dans le RĂ­o de la Plata, ce qui rend peu plausible Ă©galement un meurtre sur ordre de la diplomatie anglaise[122].

Postérité de Mariano Moreno

Leur chef disparu, les partisans de Mariano Moreno continuĂšrent nĂ©anmoins de constituer pendant un temps encore un parti influent Ă  Buenos Aires. Les morĂ©nistes accusĂšrent Saavedra et Funes de comploter pour favoriser le couronnement de Carlota, et, s’appuyant sur le RĂ©giment de l’Étoile, montĂšrent une rĂ©bellion. Cependant, les saavĂ©dristes en eurent vent, et organisĂšrent Ă  leur tour une rĂ©bellion les 5 et . Celle-ci rĂ©clama, et obtint, d’importants changements au sein du gouvernement : l’éviction hors de la Junte des morĂ©nistes NicolĂĄs RodrĂ­guez Peña, HipĂłlito Vieytes, Miguel de AzcuĂ©naga et Juan Larrea ; le bannissement de Domingo French, Antonio Beruti, AgustĂ­n Donado, Gervasio Posadas et RamĂłn Vieytes ; enfin, le rappel et le jugement de Manuel Belgrano. Le parti morĂ©niste fut ainsi de fait Ă©cartĂ© du gouvernement[123].

Toutefois, l’hĂ©gĂ©monie saavĂ©driste fut de courte durĂ©e. Les dĂ©faites militaires de Castelli et de Belgrano provoquĂšrent une nouvelle crise politique, et le premier triumvirat remplaça la Junta Grande comme pouvoir exĂ©cutif, pour la dissoudre ensuite tout Ă  fait. Plus tard, les anciens partisans de Moreno ― Belgrano, Dupuy, TomĂĄs Guido, Beruti, Monteagudo, French, Vicente LĂłpez ― devaient s’en aller appuyer la campagne de JosĂ© de San MartĂ­n[124]. La guerre d’indĂ©pendance de l’Argentine allait cĂ©der le pas Ă  la guerre civile argentine opposant les partis unitaire et fĂ©dĂ©raliste. Des saavĂ©dristes comme MartĂ­n RodrĂ­guez, Ortiz de Ocampo, de la Cruz, y compris Saavedra lui-mĂȘme, devinrent des unitaires[125]. Manuel Moreno, French, Agrelo, Vicente LĂłpez et Pancho Planes s’opposĂšrent d’abord au premier triumvirat, puis Ă  la prĂ©sidence de l’unitaire Bernardino Rivadavia[126]. Manuel Moreno et TomĂĄs Guido, en particulier, devaient ensuite faire partie du gouvernement du plus puissant des dirigeants fĂ©dĂ©ralistes, le dictateur Juan Manuel de Rosas.

Mise en perspective historique

Monument Ă  Mariano Moreno sur la Plaza del Congreso Ă  Buenos Aires.

Les historiens argentins de la premiĂšre heure se sont plu Ă  prĂ©senter Mariano Moreno comme le chef de file de la rĂ©volution de Mai et comme un grand acteur de l’Histoire. Plus tard, vers la fin du XIXe siĂšcle, les historiens classiques, gens de gauche et presque tous avocats, devaient enjoliver davantage encore ce portrait, tendant Ă  le dĂ©peindre comme un homme d’État serein, un Ă©conomiste important, un dĂ©mocrate rĂ©solu, et comme un grand dirigeant, patriote et libĂ©ral[127]. Un exemple de ce parti-pris historiographique est l’ouvrage La RevoluciĂłn de Mayo y Mariano Moreno de Ricardo Levene[127]. Aux yeux de ces historiens, Moreno Ă©tait l’ñme de la rĂ©volution, et La RepresentaciĂłn de los Hacendados rien de moins que la plate-forme programmatique de la rĂ©volution de Mai[128]. Par contrecoup, Saavedra, pour s’ĂȘtre opposĂ© Ă  Moreno, fut taxĂ© de contre-rĂ©volutionnaire. RaĂșl Scalabrini Ortiz, par exemple, donne de Moreno la description suivante : « Avec la chute de Moreno se clot un itinĂ©raire historique... La Nation, dans la conception de Moreno, doit se constituer entiĂšre... Le chemin de perspectives qu’ouvrit la clairvoyance de Moreno Ă©tait dĂ©finitivement clos... Il pressentit une grandeur et une maniĂšre de l’atteindre, en se prĂ©munissant contre les habiles pratiques usuraires de l’Angleterre. L’autre chemin Ă©tait incarnĂ© par Rivadavia. »[129].

PostĂ©rieurement, des auteurs dits « rĂ©visionnistes Â» allaient formuler une sĂ©rie d’accusations contre lui, tout en glorifiant Saavedra en chef populaire. Selon ces auteurs, Moreno, dĂ©crit Ă  tort comme la figure dirigeante de la RĂ©volution par l’historiographie de gauche, Ă©tait un agent britannique, un caudillo dĂ©magogique, un paranoĂŻaque, un homme aux idĂ©es purement thĂ©oriques, s’évertuant Ă  appliquer des principes europĂ©ens, qui firent long feu dans le contexte local[130]. L’ouvrage de Hugo Wast, Año X, assurĂ©ment le livre le plus Ăąpre jamais Ă©crit contre Moreno, le dĂ©peint, en le mettant en contraste avec Saavedra, comme un dĂ©magogue de gauche : « Au sein de la Junte, Moreno reprĂ©sentait la dĂ©magogie de gauche contre la tradition catholique et dĂ©mocratique qu’incarnait Saavedra. Aussi les dĂ©magogues modernes, les francs-maçons, les anticatholiques, dans quelque parti qu’ils militent (socialistes, communistes, etc.) dĂ©couvrent-ils en Moreno leur premier prĂ©dĂ©cesseur dans l’histoire de l’Argentine. »[131]. Si Moreno Ă©tait encore tenu pour anglophile, c’était, cette fois, en mauvaise part. C’était aussi dĂ©sormais Ă  Moreno, qualifiĂ© de terroriste ou de prĂ©curseur du marxisme, que furent imputĂ©s tous les cĂŽtĂ©s rudes de la politique de la Junte[132]. Federico Ibarguren fustigea en particulier les mesures radicales prĂ©conisĂ©es dans le Plan de Operaciones, voyant en celui-ci des similitudes avec le programme marxiste : « Cinquante ans plus tard, personne de moins que Karl Marx Ă©crira aussi, de façon concordante, cette pensĂ©e clef du communisme actuel. »[133]. Les historiens de gauche, au contraire, s’efforçaient d’occulter son cĂŽtĂ© intransigeant[134].

Les auteurs modernes comme Ernesto Palacio, Norberto Galasso et Jorge Abelardo Ramos s’appliquent Ă  rĂ©tablir une juste image de Moreno en Ă©vitant ces deux extrĂȘmes : le doux Moreno de gauche, ou le rĂ©volutionnaire violent et intransigeant tel que dĂ©crit par les rĂ©visionnistes[135]. Ces historiens rechignent Ă  voir en Bernardino Rivadavia un successeur de Moreno, et n’interprĂštent pas la proposition de ce dernier de faire alliance avec la Grande-Bretagne comme le produit d’une quelconque anglophilie, mais seulement comme l’illustration des options limitĂ©es qui s’offraient Ă  la PremiĂšre Junte[136]. De mĂȘme, ils n’attribuent pas un rĂŽle trĂšs important Ă  la RepresentaciĂłn, tenant cet opuscule pour un simple travail de commande Ă  l’usage d’un client[137], qui n’eut pas d’influence rĂ©elle sur Cisneros, lequel, mĂȘme sans cela, aurait autorisĂ© le libre-Ă©change, eu Ă©gard aux contextes internationaux[138]. Si les politiques dures sont certes reconnues, la responsabilitĂ© n’en est pas attribuĂ©e spĂ©cifiquement Ă  Moreno, mais plutĂŽt Ă  la Junte dans son ensemble ; du reste, ces politiques sont mises en regard de mesures similaires prises par le camp adverse pour rĂ©primer les rĂ©volutions de Chuquisaca et de La Paz, et la rĂ©bellion indienne de TĂșpac Amaru II[139].

Journalisme

Mariano Moreno est considĂ©rĂ©, pour avoir fondĂ© la Gazeta de Buenos Ayres, comme le premier journaliste argentin. Le , jour oĂč ce quotidien parut pour la premiĂšre fois, est depuis 1938 fĂȘtĂ©e en Argentine comme la JournĂ©e du Journaliste (DĂ­a del Periodista)[140]. La Gazeta, n’était pas, il est vrai, le premier journal Ă  Buenos Aires, mais le premier depuis la rĂ©volution de Mai ; le premier journal fut en rĂ©alitĂ© le TelĂ©grafo Mercantil (1801), suivi du Semanario de Agricultura Industria y Comercio (1802) et du Correo de Comercio de Buenos Aires (1810), qui parurent pendant la pĂ©riode coloniale.

Moreno fut le seul Ă  signer le dĂ©cret portant crĂ©ation du journal, mais le texte laisse entendre que ce dĂ©cret n’était pas de sa seule initiative, mais le rĂ©sultat d’une discussion impliquant la Junte tout entiĂšre[141]. Manuel Alberti, membre titulaire de la Junte, fut nommĂ© directeur du journal ; cependant, et quoi qu’en ait dit l’historien Guillermo Furlong, Alberti ne dirigea jamais rĂ©ellement le journal, et en abandonna la charge Ă  Moreno, comme le confirment les mĂ©moires de JosĂ© Pedro Agrelo (directeur ultĂ©rieur du journal), de TomĂĄs Guido et de Saavedra[142]. Si l’on a pu cĂ©lĂ©brer Moreno comme le dĂ©fenseur de la libertĂ© de la presse, la Gazeta Ă©tait en fait un journal qui paraissait sous le contrĂŽle pointilleux des nouvelles autoritĂ©s, et la Junte n’autorisait la publication que d’informations ne contrariant pas les objectifs politiques du gouvernement.

Personnalité

MarĂ­a Guadalupe Cuenca, Ă©pouse de Mariano Moreno.

La famille Moreno, bien que peu fortunĂ©e, possĂ©dait une maison et pouvait se permettre quelques esclaves. Ana MarĂ­a Valle y Ramos, la mĂšre de Mariano, Ă©tait l’une des quelques femmes lettrĂ©es de Buenos Aires. Mariano Moreno, l’aĂźnĂ© des quatorze enfants de la famille, se rendit, dĂšs que sa famille eut rĂ©uni les fonds nĂ©cessaires, Ă  Chuquisaca (l’actuel Sucre) en compagnie de son frĂšre Manuel Moreno et de leur commun ami TomĂĄs Guido[143]. Le long et difficile pĂ©riple valut Ă  Mariano une attaque de rhumatisme, qui l’obligea Ă  tenir le lit pendant quinze jours aprĂšs son arrivĂ©e. D’autres attaques devaient le frapper plusieurs annĂ©es plus tard[144]. C’est dans la mĂȘme ville de Chuquisaca que Moreno fit la rencontre de sa future Ă©pouse MarĂ­a Guadalupe Cuenca, aprĂšs avoir vu, dans la maison d’un orfĂšvre-argentier, un mĂ©daillon la reprĂ©sentant. Pour leurs familles respectives, Moreno aussi bien que MarĂ­a Ă©taient supposĂ©s suivre des Ă©tudes religieuses, et le pĂšre de Moreno ne permit pas de changement d’orientation. Moreno nĂ©anmoins entreprit des Ă©tudes de droit, et Ă©pousa MarĂ­a en secret pour Ă©viter la dĂ©sapprobation familiale. Ils eurent un unique fils, baptisĂ© Mariano comme son pĂšre[145].

Lorsqu’en 1811, Moreno partit pour l’Europe en mission diplomatique, son Ă©pouse et son fils restĂšrent Ă  Buenos Aires. Dans les nombreuses lettres qu’elle adressa Ă  Moreno, MarĂ­a lui dĂ©crivait les Ă©vĂ©nements qui avaient lieu dans la ville. La plupart furent rĂ©digĂ©es alors que Moreno Ă©tait dĂ©jĂ  dĂ©cĂ©dĂ© ; MarĂ­a demeura ignorante de son sort jusqu’au mois d’aoĂ»t suivant, lorsqu’une lettre arriva de la part de Manuel Moreno. Elle sollicita une pension de veuve auprĂšs du premier triumvirat, alors au pouvoir ; son montant Ă©tait de trente pesos[146].

Convictions politiques

Pendant ses Ă©tudes Ă  Chuquisaca, Mariano Moreno lut les auteurs français et espagnols de l’ñge des LumiĂšres. Du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau eut sur lui une influence dĂ©cisive ; il traduisit l’ouvrage en espagnol et s’y rĂ©fĂ©rait pour justifier ses dĂ©cisions politiques au sein de la PremiĂšre Junte. Ignacio NĂșñez et TomĂĄs de Anchorena, ses contemporains, reconnurent ses qualitĂ©s de traducteur. Pourtant, au motif que la page de titre mentionne que l’ouvrage fut « rĂ©imprimĂ© Ă  Buenos Ayres », certains historiens mettent en doute que cette traduction soit rĂ©ellement de son cru. Vicente Fidel LĂłpez affirma que Moreno ne fit que republier une traduction faite auparavant par l’Espagnol Gaspar Melchor de Jovellanos ; cependant les deux traductions diffĂšrent[147]. Paul Groussac, pour sa part, la tenait pour une rĂ©Ă©dition d’une traduction asturienne, et Ricardo Levene prĂ©tendait que Moreno n’en Ă©tait pas le traducteur, mais ni l’un ni l’autre n’ont donnĂ© aucune indication sur l’identitĂ© de celui qu’ils pensaient en ĂȘtre l’auteur[148]. Pour Enrique de GandĂ­a, les commentaires des contemporains et l’absence d’une traduction similaire plus ancienne de cette Ɠuvre de Rousseau amĂšnent Ă  conclure que Moreno doit en avoir Ă©tĂ© le traducteur, du moins aussi longtemps qu’une traduction antĂ©rieure n’a pas Ă©tĂ© dĂ©couverte[149].

L’intĂ©rĂȘt que Mariano Moreno portait aux auteurs français ne doit pas conduire Ă  admettre qu’il fĂ»t francophile, voire afrancesado (« francisĂ© Â»). Il Ă©tait avant tout le dĂ©positaire d’un solide hĂ©ritage culturel hispanique, et Levene et Abelardo Ramos s’accordent Ă  dire que son sĂ©jour Ă  Chuquisaca l’influença davantage que la lecture de livres. Du reste, Moreno avait gardĂ©, tout dans l’esprit des LumiĂšres espagnoles, une foi religieuse fervente, se refusant Ă  jamais adhĂ©rer Ă  la franc-maçonnerie et allant jusqu’à supprimer dans sa traduction de Rousseau le chapitre oĂč la religion est mise en cause[150]. Il renonça Ă  des Ă©tudes religieuses pour se vouer au droit et se marier, et ne devint donc jamais prĂȘtre, par consĂ©quent, il n’est pas question qu’il eĂ»t dĂ©froquĂ©. Il Ă©tudia certes accompagnĂ© par des prĂȘtres, comme Terrazas, lequel approuva, voire encouragea peut-ĂȘtre, son changement de vocation[150].

Aspect physique

Mariano Moreno Ă  sa table de travail (Mariano Moreno en su mesa de trabajo), image canonique du dirigeant rĂ©volutionnaire, crĂ©Ă©e une centaine d’annĂ©es aprĂšs sa mort par le peintre Pedro Subercaseaux sur indications de l’historien Adolfo Carranza.

Le tableau Mariano Moreno en su mesa de trabajo (en espagnol : Mariano Moreno Ă  sa table de travail), rĂ©alisĂ© par l’artiste chilien Pedro Subercaseaux Ă  l’occasion du centenaire de la rĂ©volution de Mai cĂ©lĂ©brĂ© en 1910, demeure jusqu’à aujourd'hui le portrait canonique de Mariano Moreno. L’historien Adolfo Carranza sollicita Subercaseaux de rĂ©aliser plusieurs images emblĂ©matiques de cet Ă©vĂ©nement. Carranza appartenait au courant, alors majoritaire, des historiens vouant une grande admiration Ă  Moreno, qu’il caractĂ©risa comme suit : « Il Ă©tait l’ñme du gouvernement de la rĂ©volution de Mai, son ressort, l’homme d’État du groupe distinguĂ©, qui, pilotant le navire, s’en prenait Ă  l’absolutisme et au doute, avide d’atteindre l’objectif de ses idĂ©aux et de son destin. Moreno fut la boussole et aussi celui qui se saisit du timon, vu que lui Ă©tait le plus vigoureux et le plus capable de ceux qui allaient le diriger »[151]. Il commanda donc une reprĂ©sentation picturale de Moreno en adĂ©quation avec ce portrait moral. Le portrait livrĂ© par Subercaseaux le montre en homme aimable, avec un visage rond et ouvert, un large front et un regard serein. Les interprĂ©tations ultĂ©rieures, telles que celle d’Antonio Estrada, de mĂȘme du reste que les portraits des autres membres de la Junte, allaient prolonger cette tendance. Cependant, ayant Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© prĂšs d’une centaine d’annĂ©es aprĂšs la mort du modĂšle, sans que l’on connĂ»t alors de reprĂ©sentations de celui-ci faites de son vivant, ce portrait reposait donc sur l’imagination de l’artiste. L’on savait certes que le visage de Moreno Ă©tait, de façon nettement visible, piquĂ© de variole depuis l’ñge de huit ans, mais non au point d’en ĂȘtre dĂ©figurĂ©[152].

Ce n’est que plus tard que fut dĂ©couvert un portrait de Moreno, rĂ©alisĂ© par l’orfĂšvre pĂ©ruvien Juan de Dios Rivera en 1808 ou en 1809, c'est-Ă -dire du vivant de Moreno, et avant sa nomination au poste de secrĂ©taire de la Junte. Dans ce portrait, qui est actuellement considĂ©rĂ© comme la reprĂ©sentation de Moreno se rapprochant le plus de son apparence rĂ©elle, celui-ci prĂ©sente un visage oblong, encadrĂ© d’une chevelure abondante et de longues rouflaquettes, et dotĂ© de grands yeux et d’un nez pointu[153].

Notes et références

  1. Gioffre, Marcelo, « La manipulación oportunista de Mariano Moreno », La Gaceta-Buenos Aires
  2. catedrahendler.org, « El ideal revolucionario de Mayo, Mariano Moreno y el Plan de Operaciones » (consultĂ© le ) : « Gustavo Martinez ZubirĂ­a (dont le nom de plume Ă©tait Hugo Wast) affirma en 1960 dans son livre Año X que Moreno Ă©tait jacobin et athĂ©e. »
  3. catedrahendler.org, « El ideal revolucionario de Mayo, Mariano Moreno y el Plan de Operaciones » (consultĂ© le ) : « Enrique de GandĂ­a dĂ©crit Moreno comme un catholique non franc-maçon. »
  4. (es) Félix Luna, Mariano Moreno, Buenos Aires, La Nación & Planeta, coll. « Grandes protagonistas de la Historia Argentina », (ISBN 950-49-1248-6), « Chuquisaca - El Talento », p. 31
  5. (es) Aguirre, Arguindeguy, Cabot, Deleis, de Tito, Flores, Gallego, Mazzeo, Niccolini, NĂșnez, Papandrea, Orovitz, Ploese, Sabanes, San MartĂ­n, Scaltritti, Spangaro, Toral, Valiente, Mariano Moreno pura pasion y pensamiento, Buenos Aires, BiografĂ­as Planeta, , colecciĂłn del Bicentenario Ă©d., « Chuquisaca », p. 29, 30 et 31
  6. (es) Aguirre, Arguindeguy, Cabot, Deleis, de Tito, Flores, Gallego, Mazzeo, Niccolini, NĂșnez, Papandrea, Orovitz, Ploese, Sabanes, San MartĂ­n, Scaltritti, Spangaro, Toral, Valiente, Mariano Moreno pura pasiĂłn y pensamiento, Buenos Aires, BiografĂ­as Planeta, , colecciĂłn del Bicentenario Ă©d., « El pensamiento Roussoniano y su relaciĂłn con la America Colonial », p. 34
  7. Luna, p. 13.
  8. Mariano Moreno, Escritos, Ă©d. Estrada, 1943.
  9. (es) Aguirre, Arguindeguy, Cabot, Deleis, de Tito, Flores, Gallego, Mazzeo, Niccolini, NĂșnez, Papandrea, Orovitz, Ploese, Sabanes, San MartĂ­n, Scaltritti, Spangaro, Toral, Valiente, Mariano Moreno pura pasiĂłn y pensamiento, Buenos Aires, BiografĂ­as Planeta, , colecciĂłn del Bicentenario Ă©d., « PotosĂ­ y los Ășltimos años en Chuquisaca », p. 35, 36, 37 et 38
  10. Luna, p. 44
  11. (es) Aguirre, Arguindeguy, Cabot, Deleis, de Tito, Flores, Gallego, Mazzeo, Niccolini, NĂșnez, Papandrea, Orovitz, Ploese, Sabanes, San MartĂ­n, Scaltritti, Spangaro, Toral, Valiente, Mariano Moreno pura pasiĂłn y pensamiento, Buenos Aires, BiografĂ­as Planeta, , colecciĂłn del Bicentenario Ă©d., « El Regreso », p. 39
  12. Lagleyze, p. 11.
  13. (es) Félix Luna, Mariano Moreno, Buenos Aires, La Nación & Planeta, coll. « Grandes protagonistas de la Historia Argentina », , 1re éd. (ISBN 950-49-1248-6), « Las Invasiones Inglesas - La memoria », p. 31, 47-49
  14. "La guerra retĂłrica de la Independencia": el caso del periĂłdico The Southern Star (es)
  15. Luna, p. 60.
  16. (es) Félix Luna, Mariano Moreno, Buenos Aires, La Nación, coll. « Grandes protagonistas de la Historia Argentina », , 1re éd. (ISBN 950-49-1248-6), « La Representación de los Hacendados », p. 64
  17. (es) Félix Luna, Mariano Moreno, Buenos Aires, La Nación, coll. « Grandes protagonistas de la Historia Argentina », , 1re éd. (ISBN 950-49-1248-6), « La Representación de los Hacendados - El testimonio », p. 66
  18. (es) Diego Luis Molinari, La representaciĂłn de los hacendados de Mariano Moreno; su ninguna influencia en la vida econĂłmica del paĂ­s y en los sucesos de Mayo de 1810, Buenos Aires, Universidad de Buenos Aires, Facultad de Ciencias EconĂłmicas, , 2e. Ă©d., p. 464
  19. Miguel Ángel Scenna, Las brevas maduras. Memorial de la Patria, tome I, Buenos Aires, La Bastilla, (ISBN 950-00-8021-4), « VI, El virrey Cisneros », p. 252
  20. Scenna, p. 33–34.
  21. Balmaceda, p. 22–23.
  22. Scenna, p. 46-47.
  23. (es) Aguirre, Arguindeguy, Cabot, Deleis, de Tito, Flores, Gallego, Mazzeo, Niccolini, NĂșnez, Papandrea, Orovitz, Ploese, Sabanes, San MartĂ­n, Scaltritti, Spangaro, Toral, Valiente, Mariano Moreno pura pasiĂłn y pensamiento, Buenos Aires, BiografĂ­as Planeta, , colecciĂłn del Bicentenario Ă©d., « La revoluciĂłn de Mayo », p. 5,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15,16,17,18,19,20,21
  24. Galasso, p. 9.
  25. Carlos Ibarguren, p. 18.
  26. Galasso, p. 10–11.
  27.  Â« Capturez et chĂątiez avec rigueur quiconque par ses actes ou ses paroles s’applique Ă  semer la division ou le mĂ©contentement... quiconque s’abstient de signaler tout projet ou toute conspiration contre les autoritĂ©s ou contre la sĂ©curitĂ© des individus sera dĂ©clarĂ© responsable devant le gouvernement. Â» (dĂ©cret du 6 juin 1810) – Galasso, p. 10.
  28. "La Junte ne pouvait voir avec indiffĂ©rence que les indigĂšnes fussent incorporĂ©s dans des corps de caste et exclus des bataillons espagnols, oĂč est pourtant leur place. (
) Ă  compter de ce jour, il n’y aura plus aucune diffĂ©rence entre militaires espagnols et militaires indiens ; ils seront Ă©gaux, et eussent toujours dĂ» l’ĂȘtre, attendu que dĂšs le dĂ©but de la dĂ©couverte de ces AmĂ©riques, les Rois catholiques ont dĂ©sirĂ© que leurs peuples eussent les mĂȘmes privilĂšges que les vassaux de Castille." (discours de Mariano Moreno, Ă©voquĂ© en dĂ©tail dans les mĂ©moires de Juan Manuel Beruti) – Galasso, p. 10.
  29. Mariano Moreno, prologue à la traduction de Du contrat social – Galasso, p. 65.
  30. Galasso, p. 65.
  31. « Je ne sais s’il a Ă©tĂ© donnĂ© Ă  quelqu’un de lire un quelconque des ouvrages de politique moderne, ni s’il y en avait d’autres que Du contrat social de Rousseau, traduit en espagnol par l’illustre Mariano Moreno, Ɠuvre qui ne peut servir qu’à dĂ©sintĂ©grer les populations, les transformer en grandes hordes de forcenĂ©s et de butors » (TomĂĄs de Anchorena). – Carlos Ibarguren, p. 16.
  32. Galasso, p. 100.
  33. Galasso, p. 103.
  34. « Ferdinand VII, homme imprudent, que dĂ©couvrez-vous dans votre personne qui vous rende supĂ©rieur Ă  nous ? Que serait votre empire, si nous ne vous l’avions pas donnĂ© ? Vous avons-nous cĂ©dĂ© nos pouvoirs afin que vous en fassiez usage pour notre malheur ? Il Ă©tait de votre devoir de pourvoir par vous-mĂȘme Ă  notre bonheur, et c’est Ă  ce prix seul que nous avons posĂ© la couronne sur votre tĂȘte. Vous avez permis, par un acte d’inexpĂ©rience, que celle-ci fĂ»t volĂ©e, ― acte propre Ă  faire naĂźtre le doute et Ă  supposer que vous Ă©tiez exclu du cercle des hommes que la nature semble avoir façonnĂ© pour en gouverner d’autres ; vous-mĂȘme rĂ©duit Ă  la prison et empĂȘchĂ© de remplir vos devoirs, c’était Ă  nous d’assumer l’ingrate tĂąche de faire par nous-mĂȘmes ce qui aurait dĂ» ĂȘtre fait par ceux que se nomment nos rois ; si vous vous opposez Ă  notre bien, vous ne mĂ©ritez pas de rĂ©gner sur nous, et si vous voulez vous montrer digne crĂ©diteur de la haute dignitĂ© que nous avons confĂ©rĂ©e, vous vous fĂ©liciteriez de diriger une nation libre." (Moreno) – Galasso, p. 105–106.
  35. « Le roi peut-il contrecarrer les rĂ©solutions du CongrĂšs ? (
) Le roi, Ă  son retour, ne pourrait s’opposer Ă  une Constitution, qu’il lui faudrait accepter, lors mĂȘme qu’il dirigerait les Cortes... et si un jour il rĂ©alise la libertĂ© Ă  laquelle nous aspirons, une simple passation le restaurerait sur le trĂŽne de ses aĂŻeux, avec les variations et les rĂ©formes que les peuples auraient adoptĂ©es pour Ă©viter les nĂ©fastes consĂ©quences d’un pouvoir arbitraire. » (Moreno) – Galasso, p. 106.
  36. Galasso, p. 106.
  37. Galasso, p. 11.
  38. « La fermetĂ© du gouvernement dans lequel repose votre confiance a Ă©tĂ© fortement attaquĂ©e et il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire que la Junte dĂ©rogeĂąt Ă  sa modĂ©ration, de sorte que le peuple ne fĂ»t point victime d’une pusillanime dĂ©fĂ©rence." (Mariano Moreno, Gazeta de Buenos Ayres, 23 juin 1810) – Galasso, p. 12.
  39. « La Junte vous conseille de regarder attentivement les principes qui ont sous-tendu son Ă©tablissement. Le principal motif de celui-ci a Ă©tĂ© le doute quant Ă  la lĂ©gitimitĂ© avec laquelle la Junte centrale fugitive, mĂ©prisĂ©e par le peuple, insultĂ©e par ses propres sujets et publiquement accusĂ©e de trahison, a nommĂ© par elle-mĂȘme un Conseil de RĂ©gence sans demander le suffrage des peuples. » (Mariano Moreno, 8 juin 1810) – Federico Ibarguren, p. 215.
  40. « Redoublons d’effort pour aider la mĂ©tropole, dĂ©fendre leur cause, observer leurs lois, cĂ©lĂ©brer leurs triomphes, pleurer leurs mauvaises fortunes, et faisons ce que les juntes provinciales faisaient avant l’établissement de la Junte centrale. » (Mariano Moreno, 8 juin 1810) – Federico Ibarguren, p. 216.
  41. « Les deux villes reconnaissent le mĂȘme monarque, la Junte a jurĂ© fidĂ©litĂ© Ă  Ferdinand VII et mourra prĂ©servant ses augustes droits. » (Mariano Moreno, 8 juin 1810) – Federico Ibarguren, p. 216.
  42. « L’obstination des magistrats et de l’ancien vice-roi don Baltasar H. de Cisneros, en dĂ©pit de la sollicitude et de la modĂ©ration avec lesquelles la Junte les traitait, eut pour effet d’exacerber la colĂšre populaire, de telle sorte qu’il Ă©tait devenu impĂ©ratif de les Ă©loigner de la ville et de les dĂ©porter vers les Îles Canaries jusqu’à ce que Sa MajestĂ© dispose du sort de ces gens qui, pour motifs personnels, ont failli provoquer la perte de nos royaumes. » (PremiĂšre Junte, 21 juin 1810) – Federico Ibarguren, p. 39.
  43. « La Junte n’a point en ce moment le moindre intĂ©rĂȘt pour l’indĂ©pendance, systĂšme que l’AmĂ©rique espagnole ne voudrait adopter qu’en tant que solution de recours pour Ă©chapper au plus grand de tous les maux : un retour Ă  l’ancien Ă©tat de choses. » (MatĂ­as Irigoyen) – Federico Ibarguren, p. 36.
  44. Galasso, p. 18.
  45. « La Junte ordonne de fusiller don Santiago de Liniers, don Juan GutiĂ©rrez de la Concha, l’évĂȘque de CĂłrdoba, don JoaquĂ­n RodrĂ­guez, le colonel Allende et l’officier royal don JoaquĂ­n Moreno. Au moment mĂȘme oĂč ils seront capturĂ©s, dans quelques circonstances que ce soit, cette rĂ©solution sera exĂ©cutĂ©e... » (Mariano Moreno, 28 juillet 1810) – Galasso, p. 18.
  46. « Une grande part de la ville serait plongĂ©e dans le deuil, et [admettrait que la Junte] est guidĂ©e par la force, et non par l’amour, qui est la base la plus sĂ»re pour renforcer le nouveau systĂšme de gouvernement. » (Ortiz de Ocampo) – Galasso, p. 19.
  47. « L’obĂ©issance est la premiĂšre des vertus d’un gĂ©nĂ©ral, et la meilleure leçon qu’il puisse donner Ă  son armĂ©e, et doit ĂȘtre exigĂ©e lors d’un combat. Le gouvernement supĂ©rieur rassemble et centralise des rapports, dont il ne peut ĂȘtre fait communication, et les soldats n’en doivent pas avoir connaissance afin qu’ils obĂ©issent aux ordres qui leur sont donnĂ©s. » (Mariano Moreno) – Galasso, p. 19, et encore : la rĂ©ponse de Moreno fut pĂ©remptoire : « il devait obĂ©ir aux ordres reçus », et il ajoutait dans une lettre Ă  l’auditeur militaire de l’expĂ©dition, Feliciano Chiclana, qu’il « prĂ©fĂ©rait une dĂ©faite Ă  la dĂ©sobĂ©issance des chefs ».
  48. Galasso, p. 19.
  49. « Allez (Castelli), et j’espĂšre que vous ne tomberez pas dans la mĂȘme faiblesse que notre gĂ©nĂ©ral ; si une fois encore la dĂ©termination prise ne s’accomplit pas, c’est le membre Larrea qui ira, Ă  qui, je pense, la rĂ©solution ne fera point dĂ©faut, et en dernier ressort, j’irai moi-mĂȘme s’il en Ă©tait besoin (...). » (Mariano Moreno) – ChĂĄvez, p. 167.
  50. Galasso, p. 60.
  51. Galasso, p. 76.
  52. Galasso, p. 77–80.
  53. ChĂĄvez, p. 274
  54. Galasso, p. 87.
  55. Galasso, p. 59.
  56. « Prenez garde Ă  la constitution de groupes suspects et Ă  la propagation de rumeurs susceptibles de susciter l’hostilitĂ© ou la mĂ©fiance envers le gouvernement. » (Mariano Moreno) – Galasso, p. 50.
  57. « Tout individu qui quitte la ville sans y ĂȘtre autorisĂ© par le gouvernement se verra confisquer ses biens, la seule confirmation de ce dĂ©part tenant lieu de procĂ©dure judiciaire. » (Decret de la PremiĂšre Junte, art. 1, 31 juillet 1810) – Galasso, p. 50.
  58. « Toute personne trouvĂ©e dĂ©tentrice d’armes royales en dĂ©pit de l’ordre de s’en dessaisir, pourra ĂȘtre punie de tout type de peine, sans exclure la peine capitale si les circonstances le justifient. » (dĂ©cret de la PremiĂšre Junte, art. 3, 31 juillet 1810) – Galasso, p. 50.
  59. « Quiconque propage des rumeurs contre les EuropĂ©ens ou les Patriotes, incitant Ă  la division, sera puni en accord avec les lois sur la sĂ©dition. » (dĂ©cret de la PremiĂšre Junte, art. 4, 31 juillet 1810) – Galasso, p. 50.
  60. « Quiconque aura Ă©tĂ© trouvĂ© correspondant avec des individus qui en d’autres lieux incitent Ă  la division et Ă  la mĂ©fiance, et Ă  la formation de partis contre le gouvernement actuel, sera exĂ©cutĂ©, la seule confirmation de ce fait tenant lieu de procĂšs. » (dĂ©cret de la PremiĂšre Junte, art. 5, 31 juillet 1810) – Galasso, p. 50.
  61. « Moreno, qui avait de l’habilitĂ© et de l’ambition, Ă©tait par nature rĂ©tif. Il inventa l’ostracisme spartiate contre les EuropĂ©ens espagnols, et politiquement contre les AmĂ©ricains Ă©galement, ce qui Ă©tait la maniĂšre la plus sĂ»re de subjuguer les gens et d’avoir un parti : quiconque ne suit pas ses idĂ©es sera rĂ©putĂ© antipatriotique et cela sera de notoriĂ©tĂ© publique dans ses clubs. [...] Mais, selon Moreno, nous sommes tous Ă©gaux Ă  prĂ©sent, maxime qui, ainsi gĂ©nĂ©ralisĂ©e, a provoquĂ© tant de maux, et d’autres souffrances adviendront par ce maudit dĂ©sordre. » (Manuel AndrĂ©s Arroyo y Pinedo) – Galasso, p. 51.
  62. « ...il (Moreno) dĂ©signait les tĂȘtes les plus respectables Ă  la mort sans aucune forme de procĂšs. » (Gregorio Funes, Manifeste Ă  propos des Ă©vĂ©nements des 5 et 6 avril 1811) – Carlos Ibarguren, p. 31.
  63. « Moreno, Castelli et Vieytes Ă©taient, au sein de la Junte de gouvernement, les reprĂ©sentants de la doctrine de cette secte politique qui tentait, en guise d’échantillon de son modĂšle, de rĂ©gĂ©nĂ©rer l’ordre politique et social de ces pays Ă  travers le sang et le crime. » (DĂĄmaso Uriburu) – Galasso, p. 51.
  64. « Nous devons mettre Ă  l’abri le systĂšme continental de notre glorieuse insurrection. Jamais auparavant l’AmĂ©rique du Sud n’a eu de meilleures chances d’établir une rĂ©publique. » (Mariano Moreno, Escritos polĂ­ticos y econĂłmicos) – Galasso, p. 56–57.
  65. Mariano Moreno, Gazeta de Buenos Ayres, 22 novembre 1810 – Galasso, p. 58
  66. Groussac, p. 103-143
  67. Piñeiro, p. 33-103.
  68. (es) Félix Luna, Mariano Moreno, Buenos Aires, La Nación & Planeta, coll. « Grandes protagonistas de la Historia Argentina », , 1re éd. (ISBN 950-49-1248-6), « El Enemigo - La estrategia y el plan de operaciones », p. 102
  69. espagnol : "La moderaciĂłn fuera de tiempo no es cordura, ni es una verdad; al contrario, es una debilidad cuando se adopta un sistema que sus circunstancias no lo requieren; jamĂĄs en ningĂșn tiempo de revoluciĂłn, se vio adoptada por los gobernantes la moderaciĂłn ni la tolerancia; el menor pensamiento de un hombre que sea contrario a un nuevo sistema, es un delito por la influencia y por el estrago que puede causar con su ejemplo, y su castigo es irremediable."
    français : « La modĂ©ration exercĂ©e Ă  contretemps n’est point sagesse, ni une vĂ©ritĂ© ; au contraire, c’est faire preuve de faiblesse que d’adopter un systĂšme lorsque celui-ci n’est point requis par les circonstances ; jamais, en aucun temps de rĂ©volution, n’a-t-on vu adoptĂ©e par les gouvernants la modĂ©ration ni la tolĂ©rance ; la moindre pensĂ©e d’un homme, si elle est contraire au nouveau systĂšme, constitue un dĂ©lit en raison de l’influence et des ravages qu’elle est susceptible de causer par son exemple, et son chĂątiment est dĂšs lors incontournable. » (Moreno) - Plan de Operaciones, p. 276.
  70. espagnol : Patria mía, ¥cuåntas mutaciones tienes que sufrir! ¿Dónde estån, noble y grande Washington, las lecciones de tu política? ¿Dónde las reglas laboriosas de la arquitectura de tu grande obra? Tus principios y tu régimen serían capaces de conducirnos, proporcionåndonos tus luces, a conseguir los fines que nos hemos propuesto.
    français : Mienne Patrie, combien de mutations te faut-il souffrir ! OĂč sont-elles, noble et grand Washington, les leçons de ta politique ? Et oĂč les rĂšgles laborieuses de l’architecture de ta grande Ɠuvre ? Tes principes et ton rĂ©gime, nous prodiguant tes lumiĂšres, seraient propres Ă  nous guider dans la rĂ©alisation des buts que nous nous sommes assignĂ©s. (Moreno) - Plan de Operaciones, p. 273-274.
  71. espagnol : Hablemos con franqueza: hasta ahora sĂłlo hemos conocido la especulativa de las conspiraciones, y como tal cuando tratamos de pasar a la prĂĄctica nos amilanamos. Pues no; no son Ă©stas las lecciones que nos han enseñado y dado a conocer los maestros de las grandes revoluciones; fĂ­jese la vista sobre los anales de las historias del Norte, de la Francia, etc., y aun de la misma España, y se observarĂĄ las tramas y astucias polĂ­ticas, Ășnicamente dirigidas a conseguir por todo camino aquellos fines a que han aspirado.
    français : Parlons avec franchise : jusqu'ici, nous n’avons connu que la spĂ©culation sur les conspirations, et dĂšs lors, lorsque nous tentons de passer Ă  la pratique, nous sommes intimidĂ©s. Eh bien non : ce ne sont point lĂ  les leçons que nous ont enseignĂ©es et donnĂ© Ă  connaĂźtre les maĂźtres des grandes rĂ©volutions ; examinez avec attention les annales des histoires du nord, de la France, etc., voire de l’Espagne elle-mĂȘme, et vous observerez les trames et les ruses politiques, tendant uniquement Ă  atteindre les buts qu’ils s’étaient fixĂ©s. (Moreno) - Plan de Operaciones, p. 281-282.
  72. espagnol : A todos los verdaderos patriotas, cuya conducta sea satisfactoria, y tengan dado de ella pruebas relevantes, si en algo delinquiesen, que no sea concerniente al sistema, dĂ©bese siempre tener con Ă©stos una consideraciĂłn, extremada bondad: en una palabra, en tiempo de revoluciĂłn, ningĂșn otro [delito] debe castigarse, sino el de incidencia y rebeliĂłn contra los sagrados derechos de la causa que se establece; y todo lo demĂĄs debe disimularse.
    français : Tous les patriotes vĂ©ritables, pour autant que leur conduite est satisfaisante et qu’ils ont donnĂ© de celle-ci des preuves significatives, s’il advient qu’ils commettent un mĂ©fait qui ne concerne pas le systĂšme, devront toujours se voir traitĂ©s avec considĂ©ration et extrĂȘme bontĂ© ; en un mot, en pĂ©riode rĂ©volutionnaire, il y aura lieu de ne point sanctionner d’autres dĂ©lits que ceux de dĂ©loyautĂ© et de rĂ©bellion contre les droits sacrĂ©s de la cause qui s’édifie ; tout le reste doit ĂȘtre dissimulĂ©. (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 1, §2, p. 283-284.
  73. espagnol : Igualmente con los segundos, a la menor semiprueba de hechos, palabras, etc., contra la causa, debe castigarse con pena capital, principalmente cuando concurran las circunstancias de recaer en sujetos de talento, riqueza, carĂĄcter, y de alguna opiniĂłn; pero cuando recaiga en quienes no concurran Ă©stas, puede tenerse alguna consideraciĂłn moderando el castigo; pero nunca haciendo de Ă©stos la mĂĄs mĂ­nima confianza, aun cuando diesen las pruebas mĂĄs relevantes y aun cuando se desprendiesen de la mitad de sus intereses, hasta tanto no consolidar nuestro sistema sobre bases fijas y estables (...).
    français : En outre, les seconds (c'est-Ă -dire les ennemis dĂ©clarĂ©s et connus) devront, Ă  la moindre demi-preuve de faits, paroles etc., contre la cause, ĂȘtre punis de la peine capitale, en particulier lorsque sont ainsi dĂ©signĂ©es des personnes rĂ©unissant talent, fortune, caractĂšre et quelque solide opinion ; mais si sont dĂ©signĂ©es des personnes ne rĂ©unissant pas ces circonstances, il sera permis d’avoir quelque considĂ©ration propre Ă  modĂ©rer le chĂątiment, sans jamais pour autant leur faire la moindre confiance, lors mĂȘme qu’ils fourniraient les preuves les plus significatives et se dessaisiraient de la moitiĂ© de leurs intĂ©rĂȘts, ― et cela aussi longtemps que notre systĂšme ne se sera pas consolidĂ© sur des bases fixes et stables. (Mariano Moreno) - Plan de Operaciones, art. 1, §5, p. 284-285.
  74. espagnol : El Gobierno debe, tanto en la Capital como en todos los pueblos, a proporciĂłn de su extensiĂłn, conservar unos espĂ­as no de los de primer ni segundo orden, en talentos y circunstancias, pero de una adhesiĂłn conocida a la causa, a quienes indistintamente se les instruya bajo de secreto, comisionĂĄndolos para que introduciĂ©ndose con aquellas personas de mĂĄs sospecha, entablando comunicaciones, y manifestĂĄndose siempre de un modo contrario de pensar a la causa que se defiende, traten de descubrir por este medio los pensamientos de nuestros enemigos y cualesquiera tramas que se pudieran intentar; y a Ă©stos dĂ©bese agraciarlos con un corto sueldo mensual, instruyĂ©ndolos como he referido, bajo de ciertas restricciones que se les debe imponer; Ă©stos no han de obtener ningĂșn empleo o cargo alguno, ni aun el de soldado, pues este solo carĂĄcter serĂ­a suficiente para frustrar los intentos de este fin.
    français : Le gouvernement doit, tant dans la capitale que dans les villages, en proportion de leur extension, maintenir quelques espions, non de ceux de premier ou second ordre, en talents et circonstances, mais de ceux dont l’adhĂ©sion Ă  la cause soit connue, et qui seraient, instruits indistinctement sous le sceau du secret, commissionnĂ©s de s’insinuer parmi les personnes les plus suspectes, de lier conversation avec elles en se prĂ©sentant sous l’aspect d’une façon de penser contraire Ă  la cause dĂ©fendue, et de tenter par ce moyen de dĂ©couvrir les pensĂ©es de nos ennemis et tous types de complots qui se puissent tenter (
). (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 1, §6, p. 285.
  75. espagnol : SerĂ­a muy del caso atraerse a dos sujetos por cualquier interĂ©s y promesas, asĂ­ por sus conocimientos, que nos consta son muy extensos en la campaña, como por sus talentos, opiniĂłn, concepto y respeto, como son los del capitĂĄn de dragones don JosĂ© Rondeau y los del capitĂĄn de blandengues don JosĂ© Artigas (
)
    français : (...) il y a deux sujets particuliers que, par quelque intĂ©ressement ou par quelque promesse, il serait fort Ă  propos d’attirer Ă  notre cause, tant en raison de leurs connaissances, que nous savons ĂȘtre grandes dans les campagnes, que de leurs talents, de leur opinion, de leurs conceptions et du respect dont ils jouissent ― ce sont le capitaine de dragons don JosĂ© Rondeau et le capitaine de blandengues don JosĂ© Artigas. (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 1, §7, p. 294-295.
  76. espagnol : Deben mandĂĄrseles colecciones de Gacetas de la Capital y Montevideo, lo mĂĄs a menudo y siempre que sea posible, debiĂ©ndose tratar en sus discursos de los principios del hombre, de sus derechos, de la racionalidad, de las concesiones que la naturaleza le ha franqueado; Ășltimamente, haciendo elogios lo mĂĄs elevados de la felicidad, libertad, igualdad y benevolencia del nuevo sistema, y de cuanto sea capaz y lisonjero, y de las ventajas que estĂĄn disfrutando; vituperando al mismo tiempo a los magistrados antiguos del despotismo, de la opresiĂłn y del envilecimiento en que se hallaban, e igualmente introduciendo al mismo tiempo algunas reflexiones sobre la ceguedad de aquellas naciones que, envilecidas por el despotismo de los reyes, no procuran por su santa libertad; estos y otros discursos polĂ­ticos deben ser el sistema y orden del entable de este negocio, figurĂĄndolos en las gacetas no como publicados por las autoridades, sino como dictados por algunos ciudadanos, por dos razones muy poderosas: la primera.
    français : ...il y aura lieu de leur envoyer des collections de Gazetas de la Capitale et de Montevideo, le plus souvent et chaque fois qu’il sera possible, devant contenir des discours traitant des principes de l’Homme, de ses droits, de la rationalitĂ©, des concessions que la nature lui a amĂ©nagĂ©es, et enfin, faisant l’éloge du bonheur, de la libertĂ©, de l’égalitĂ© et de la bienveillance du nouveau systĂšme [...], vitupĂ©rant en mĂȘme temps les anciens magistrats du despotisme, de l’oppression et de l’avilissement dans lesquels ils se trouvaient, et introduisant Ă©galement quelques rĂ©flexions sur la cĂ©citĂ© de certaines nations qui, avilies par le despotisme des rois, s’abstiennent d’Ɠuvrer pour leur sainte libertĂ©. (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 8, §5, p. 325.
  77. espagnol : Estos discursos y gacetas con cualesquiera otras noticias deben imprimirse y remitirse en portugués.
    français : Ces discours et gazettes, et quelques autres nouvelles qu’elles contiennent, doivent ĂȘtre imprimĂ©s et diffusĂ©s en portugais... (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 8, §6, p. 326.
  78. espagnol : (...) ni dejando de asistirles con cuantos intereses sean necesarios, para persuadir y apoyar nuestros intentos, siempre por delante con las consideraciones y propuestas de intereses benéficos que les deben resultar, para poder merecer la protección que necesitamos, principalmente de la Inglaterra, mediante a que conocemos en dicha nación, en primer lugar, ser una de las mås intrigantes por los respetos del señorío de los mares, y lo segundo por dirigirse siempre todas sus relaciones bajo el principio de la extensión de miras mercantiles, cuya ambición no ha podido nunca disimular su caråcter, y bajo estos mismos principios han de ser los que dirijan nuestras empresas hacia sus consecuciones en aquella corte.
    français : ...ni ne devons cesser de les (le Portugal et l’Angleterre) assister par autant d’intĂ©rĂȘts qu’il sera nĂ©cessaire, pour les persuader d’appuyer nos desseins, et ce en mettant toujours en avant les considĂ©rations et propositions d’intĂ©rĂȘts bĂ©nĂ©fiques qui doivent en rĂ©sulter pour eux, afin de nous valoir la protection dont nous avons besoin, principalement de la part de l’Angleterre, compte tenu de ce que nous savons de cette nation, c’est assavoir, en premier lieu, qu’elle est une des plus enclines aux intrigues lorsqu’il s’agit de sa suprĂ©matie sur les mers, et en second lieu, qu’elle subordonne toutes ses relations au principe de l’extension de visĂ©es mercantiles, ne pouvant dissimuler le caractĂšre de ses ambitions, ― c’est Ă  la lumiĂšre de ces principes-lĂ  que doivent ĂȘtre Ă©laborĂ©s les principes destinĂ©s Ă  orienter nos entreprises sur ce terrain, si l’on veut qu’elles aboutissent. (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 7, §1, p. 320-321.
  79. espagnol : (
) mientras dure la alianza con ella, o por mejor decir, la vergonzosa e ignominiosa esclavitud en que lo tiene.
    français : (...) tant que dure l’alliance avec elle (c'est-à-dire l’alliance luso-britannique), ou, pour parler plus exactement, la honteuse et ignominieuse servitude dans laquelle ladite alliance tient celui-là (=le Portugal)(
). (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 7, §2, p. 321.
  80. espagnol : Pues no debe creer que aquel interĂ©s sea por el auxilio de sus tropas, ni de su marina porque claramente se deja entender que sus fines no son sino chuparle la sangre de su estado, extenuĂĄndolo de tal suerte que tal vez sus colonias americanas se conviertan en inglesas algĂșn dĂ­a, (...)
    français : (...) car il (le Portugal) ne doit pas croire que l’intĂ©rĂȘt (de la Grande-Bretagne) soit de lui venir en aide par ses troupes ou par sa marine, attendu qu’il apparaĂźt clairement que ses objectifs ne sont autres que de sucer le sang de son État, extĂ©nuant celui-ci de telle sorte que ses colonies en AmĂ©rique se transforment peut-ĂȘtre un jour en colonies britanniques (...). (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 7, §3, p. 322.
  81. Plan de Operaciones, art. 4, §7.
  82. espagnol : Se verå que una cantidad de doscientos o trescientos millones de pesos, puestos en el centro del Estado para la fomentación de las artes, agricultura, navegación, etc., producirå en pocos años un continente laborioso, instruido y virtuoso, sin necesidad de buscar exteriormente nada de lo que necesite para la conservación de sus habitantes.
    français : L’on verra qu’une somme de deux ou trois cents millions de pesos, mises au centre de l’État pour stimuler les arts, l’agriculture, la navigation, etc. produira en peu d’annĂ©es un continent laborieux, instruit et vertueux, sans nĂ©cessitĂ© de chercher Ă  l’extĂ©rieur rien de ce qu’il faut pour la conservation de ses habitants. (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 6, §4, p. 314.
  83. espagnol : (
) y tal vez se halla expuesto a quiebras, lo que en la circulación del centro mismo del estado no está mayormente expuesto a ellas.
    français : (...) et peut-ĂȘtre se trouve-t-il exposĂ© au danger de banqueroutes, cependant, dĂšs lors que cela se situe au centre mĂȘme de l’État, celui-ci n’y sera pas gravement exposĂ©. (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 6, §3, p. 314.
  84. espagnol : Se prohĂ­ba absolutamente que ningĂșn particular trabaje minas de plata u oro, quedando el arbitrio de beneficiarla y sacar sus tesoros por cuenta de la NaciĂłn, y esto por el tĂ©rmino de diez años (mĂĄs o menos)
    français : ...il sera absolument interdit Ă  tout particulier d’exploiter des mines d’or ou d’argent, leur mise en valeur et l’extraction de leurs gisements demeurant rĂ©servĂ© Ă  la Nation, et ce pour une durĂ©e de dix annĂ©es plus ou moins (...). (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 6, §5, p. 315.
  85. espagnol : Consiguientemente deduzco, que aunque en unas provincias tan vastas como Ă©stas, hayan de desentenderse por lo pronto cinco o seis mil individuos, resulta que como recaen las ventajas particulares en ochenta o cien mil habitantes, despuĂ©s de las generales, ni la opiniĂłn del Gobierno claudicarĂ­a ni perderĂ­a nada en el concepto pĂșblico cuando tambiĂ©n despuĂ©s de conseguidos los fines, se les recompense aquellos a quienes se gradĂșe agraviados, con algunas gracias o prerrogativas.
    français : J’en dĂ©duis en consĂ©quence, que, si dans des provinces aussi vastes que celles-lĂ , il serait portĂ© prĂ©judice Ă  cinq ou six mille individus au moins, alors que dans le mĂȘme temps quatre-vingts ou cent mille habitants seraient avantagĂ©s, l’opinion Ă  propos du gouvernement ne serait pas amenĂ©e Ă  chanceler ni le gouvernement ne perdrait rien dans la perception du public si, une fois atteints les objectifs, ceux qui ont subi un prĂ©judice sont rĂ©compensĂ©s par quelques grĂąces ou prĂ©rogatives. (Moreno) - Plan de Operaciones, art. 6, §3, p. 314.
  86. Galasso, p. 36.
  87. Galasso, 39-41.
  88. NĂșñez, p. 174.
  89. Galasso, p. 12–13.
  90. NĂșñez, p. 177.
  91. Galasso, p. 66–67.
  92. Galasso, p. 67
  93. « Il y a lieu de condamner Leiva et ses sbires, en guise d’exemple pour les ennemis du pays et de notre systĂšme »[...] « Auriez-vous (Saavedra) oubliĂ© que Leiva est de connivence avec le Cabildo de Montevideo, et certainement avec le Conseil de RĂ©gence, pour ourdir ce complot rĂ©actionnaire ? » (discussion entre Moreno et Saavedra) – CrĂłnica HistĂłrica Argentina, p. 198.
  94. « La proposition va Ă  l’encontre des sentiments de clĂ©mence que le gouvernement devrait encourager. [...] Si l’on insiste Ă  vouloir appliquer la peine de mort, je refuse dĂšs Ă  prĂ©sent que mes troupes soient mises Ă  contribution pour l’appliquer ! » (discussion entre Moreno et Saavedra) – CrĂłnica HistĂłrica Argentina, p. 198.
  95. CrĂłnica HistĂłrica Argentina, p. 198.
  96. Galasso, p. 69
  97. « Le fils d’un colonel prend du galon dĂšs le berceau, et un soldat de soixante-dix ans peut soulever un bambin qu’il ne pourra jamais Ă©galer en honneurs et en traitement. Ce bambin pourrait ĂȘtre mal Ă©levĂ©, sans maniĂšres, sans talent, mais il finirait par devenir gĂ©nĂ©ral... car, avec de la longĂ©vitĂ©, il accumulerait de longues annĂ©es de service, lesquelles lui procureraient de l’anciennetĂ©, qui Ă  son tour lui ouvrirait la porte aux promotions... La Junte va suivre une voie entiĂšrement diffĂ©rente : elle est convaincue que ne peut ĂȘtre un bon officier qui n’a jamais Ă©tĂ© un bon soldat, et ne permettra jamais que les cicatrices d’un brave soient recouvertes de lambeaux, pendant que les tristes reliques d’un soldat vĂ©reux seraient cachĂ©es par des galons. » (dĂ©cret de la PremiĂšre Junte, 19 septembre 1810 – Galasso, p. 70.
  98. Galasso, p. 70
  99. « Ce ne sont pas seulement les gens des villages qui ont fait montre d’un patriotisme n’excluant pas les sacrifices personnels, mais aussi les habitants de nos campagnes, par de purs et simples dons, leurs foyers montrant en effet une gentillesse et une reconnaissance des plus respectueuses lorsqu’ils parlent de la Junte. De lĂ  nous vient l’abondance de ressources, capables de multiplier par mille les moyens d’accomplir nos tĂąches urgentes. C’est ce qui explique les marches rapides de nos troupes, lesquelles, en une seule semaine, traversent des espaces que les anciens vice-rois n’eussent Ă©tĂ© en mesure de parcourir en un mois et demi. Les campagnards font don de leur bĂ©tail sans intĂ©rĂȘt, donnent aux soldats leurs propres chevaux personnels, et ne cherchent pas Ă  rien sauver de la petite fortune de leur fils lorsque cela est requis pour la nation et le gouvernement. » (Mariano Moreno, Gazeta de Buenos Ayres, 15 septembre 1810) – Galasso, p. 71.
  100. « Ne nĂ©glige pas la levĂ©e de criollos et fais en sorte qu’ils prennent un intĂ©rĂȘt personnel dans cette Ɠuvre. Ne laisse personne diriger s’il n’est fils du pays, et fais-leur connaĂźtre les avantages. » (Mariano Moreno, courrier Ă  l’attention de Chiclana) – Justo, p. 160.
  101. Galasso, p. 72.
  102. « Les circonstances de toutes choses ont changĂ© par la rĂ©union des provinces de la Vice-royautĂ©, il y a lieu par consĂ©quent de changer aussi les rĂ©solutions, c'est-Ă -dire allĂ©ger les rigueurs adoptĂ©es jusqu’ici. » (Cornelio Saavedra) – CrĂłnica histĂłrica argentina, p. 226.
  103. NĂșñez, p. 175.
  104. NĂșñez, p. 176.
  105. (dĂ©cret de la PremiĂšre Junte, 6 dĂ©cembre 1810) – Galasso, p. 90.
  106. Cf. Segreti, Carlos, La aurora de la Independencia, op. cit.
  107. « Le corps de Patriciens prit cela comme une offense personnelle, et il s’en fallut de peu qu’il n’y eĂ»t une rupture de relations. Cette commotion s’est apaisĂ©e, mais je crois qu’elle s’accroĂźt en secret. Saavedra est trĂšs prudent et va tout refrĂ©ner. Je me suis laissĂ© dire qu’il a lui-mĂȘme interrogĂ© l’officier qui avait portĂ© le toast. » (Gregorio Funes, courrier Ă  l’attention de son frĂšre, 10 dĂ©cembre 1810) – Galasso, p. 90.
  108. « Les plus rĂ©centes procĂ©dures de la Junte Ă  l’encontre de Liniers et de ses compagnons sont peu conformes Ă  l’esprit de modĂ©ration qui prĂ©sidait Ă  vos premiĂšres mesures et ont donnĂ©, Ă  ceux qui avaient de bonnes dispositions Ă  votre Ă©gard, des raisons d’ĂȘtre contre vous. » (Lord Strangford, courrier Ă  l’attention de Mariano Moreno, 17 novembre 1810) – Galasso, p. 91.
  109. Galasso, p. 92
  110. « Moreno est le Robespierre du jour et les autres sont bons Ă  rien et de fervents outils de la tyrannie. Tous parmi eux prĂ©tendent instaurer une rĂ©publique. Parmi leurs desseins favoris il y a celui d’étendre la rĂ©volution au BrĂ©sil. » (Carlos Guezzi, mĂ©moires) – PueyrredĂłn, p. 475.
  111. "...Saavedra dit alors qu’il n’y avait pas de place pour le doute, et lors mĂȘme que le pays entier aurait une opinion diffĂ©rente, les gens de Buenos Aires et la Junte seraient les premiers Ă  offrir leurs armes pour la sauvegarde de ses droits. » (Carlos Guezzi, mĂ©moires) – PueyrredĂłn, p. 469.
  112. "...reconnaĂźtre les droits ultimes de la princesse ou d’accepter la mĂ©diation du BrĂ©sil afin de rĂ©soudre les diffĂ©rends dans la vice-royautĂ©. » (Carlos Guezzi, mĂ©moires) – PueyrredĂłn, p. 469.
  113. « Les divisions entre les provinces et les diffĂ©rences d’opinion prĂ©occupent la cour du BrĂ©sil, qui tient ses forces prĂȘtes Ă  Ă©teindre ou Ă  contenir tout mouvement rĂ©volutionnaire qui se manifesterait dans le bassin de La Plata. » (Carlos Guezzi, mĂ©moires) – PueyrredĂłn, p. 470.
  114. « La Junte n’Ɠuvre pas dans l’intĂ©rĂȘt du BrĂ©sil, mais dans celui de la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata. » (Mariano Moreno, mĂ©moires de Carlos Guezzi) – PueyrredĂłn, p. 471
  115. « La cour du BrĂ©sil peut ĂȘtre tentĂ©e d’user de la force, et dans de telles conditions, toute mĂ©diation est inacceptable. » (Mariano Moreno, mĂ©moires de Carlos Guezzi) – PueyrredĂłn, p. 471.
  116. Galasso, p. 112.
  117. (es) Felipe Pigna, Los mitos de la historia argentina, Argentine, Grupo editoral Norma, , 26e éd. (ISBN 978-987-545-149-0 et 987-545-149-5), « Hacía falta tanto fuego: La muerte de Mariano Moreno », p. 322
  118. Scenna, p. 97-98.
  119. Manuel Moreno, préface à Colección de arengas en el foro y escritos de Mariano Moreno, Londres, 1836.
  120. Scenna, p. 98–99.
  121. Scenna, p. 99–100.
  122. Cf. Moreno, Manuel, Vida y memorias de Mariano Moreno, LibrerĂ­a HistĂłrica, Buenos Aires., 2001, (ISBN 987-98971-0-2) et Guido, TomĂĄs, AutobiografĂ­a.
  123. Galasso, p. 124-131.
  124. Galasso, p. 136-137.
  125. Ferla, p. 149.
  126. Galasso, p. 137.
  127. Scenna, p. 6.
  128. Scenna, p. 27–28.
  129. Las dos rutas de Mayo, conférence pour la FORJA, août 1937.
  130. Scenna, p. 6–7.
  131. Año X, Librería Goncourt, Buenos Aires, 1960.
  132. Scenna, p. 74–75.
  133. Las etapas de mayo y el verdadero Moreno, Ă©ditions TheorĂ­a. Buenos Aires, 1963, p. 73.
  134. Scenna, p. 74.
  135. Scenna, p. 8.
  136. Scenna, p. 69–74.
  137. Scenna, p. 29.
  138. Scenna, p. 32.
  139. Scenna, p. 75–79.
  140. DĂ­a del Periodista(es)
  141. Scenna, p. 53.
  142. Scenna, p. 54–55.
  143. Lagleyze, p. 8.
  144. Lagleyze, p. 9.
  145. Lagleyze, p. 10.
  146. Pigna, p. 338–341.
  147. Scenna, p. 37.
  148. Scenna, p. 57–58.
  149. Scenna, p. 58.
  150. Scenna, p. 60.
  151. La Junta Gubernativa de 1810
  152. Scenna, p. 101.
  153. Scenna, p. 102.

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