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Guerres civiles argentines

Tout au long d’une grande partie du XIXe siĂšcle, l’Argentine fut le thĂ©Ăątre d’une sĂ©rie de guerres civiles, Ă  l’issue desquelles fut finalement Ă©tablie la forme de gouvernement qui rĂ©git ce pays encore aujourd’hui.

Carte des provinces d'Argentine telles qu'elles se présentent aujourd'hui.

Cette pĂ©riode de guerre civile s’échelonna entre l’annĂ©e 1814, qui vit l’apparition du parti fĂ©dĂ©raliste comme option opposĂ©e au centralisme hĂ©ritĂ© de l’administration coloniale, et l’annĂ©e 1880, oĂč l’on parvint enfin Ă  un accord politique gĂ©nĂ©ral, sanctionnĂ© par la constitution de 1853, accord articulĂ© sur les principes d’une Ă©conomie libĂ©rale et libre-Ă©changiste et d’une organisation fĂ©dĂ©rale du gouvernement ; c’est cette mĂȘme annĂ©e aussi qui fut scellĂ©e la fĂ©dĂ©ralisation de la ville de Buenos Aires comme capitale de la RĂ©publique argentine.

À divers moments, des forces Ă©trangĂšres, venues de pays voisins ou envoyĂ©es par des puissances europĂ©ennes, vinrent s’immiscer dans les conflits ; de façon gĂ©nĂ©rale, ces pays se portĂšrent au secours du camp centraliste, mais essentiellement dans le souci de dĂ©fendre leurs propres intĂ©rĂȘts commerciaux et stratĂ©giques.

Cette pĂ©riode de guerres civiles apparaĂźt comme une longue enfilade de rĂ©volutions et de coups d’État, de combats d’escarmouche et de batailles rangĂ©es, de sĂ©ditions et de blocus Ă©trangers, de compromis et de trĂȘves, et aussi de vengeances personnelles et d’atrocitĂ©s, pĂ©ripĂ©ties dont le recensement pourra sembler fastidieux, voire embrouillĂ©. Il faut se garder de confondre aspiration Ă  l’autonomie des provinces dites de l’intĂ©rieur vis-Ă -vis de Buenos Aires et volontĂ© sĂ©cessionniste — les provinces n’eurent jamais de vellĂ©itĂ© Ă  se constituer en États indĂ©pendants.

Si l’intensitĂ© des combats a pu varier au cours de la pĂ©riode dĂ©crite, si les conflits ont pu affecter davantage telle province Ă  telle date, et si les enjeux ont pu Ă©voluer et qu’ont pu s’y mĂȘler les motifs d’intĂ©rĂȘt personnel de certains protagonistes (p.ex. entre Rivadavia et Quiroga sur les droits d’exploitation d’une mine) et des rivalitĂ©s individuelles, y compris au sein du mĂȘme camp, le conflit avait nĂ©anmoins cette constante de dĂ©couler fondamentalement de l’antagonisme entre deux partis politiques, savoir : d’une part, le Parti unitaire, incarnĂ© principalement par les Ă©lites intellectuelles et Ă©conomiques de la capitale nationale Buenos Aires, d’idĂ©ologie libĂ©rale et libre-Ă©changiste, partisan d’un pouvoir central fort, davantage attirĂ© par les sphĂšres europĂ©enne et nord-amĂ©ricaine, plus rĂ©ceptif aux idĂ©es politiques nouvelles, et d’autre part, le Parti fĂ©dĂ©raliste, incarnĂ© par des potentats locaux (caudillos), enclin Ă  perpĂ©tuer les rapports sociaux traditionnels hĂ©ritĂ©s de l’époque coloniale, protectionniste en Ă©conomie, rĂ©fractaire aux Ă©volutions modernes et privilĂ©giant en politique l’ascendant et le charisme personnels. Ce fut donc de façon gĂ©nĂ©rale un conflit entre une armĂ©e nationale aux mains des unitaires et les troupes provinciales mises sur pied localement par des caudillos charismatiques, mĂȘme s’il est advenu plusieurs fois, notamment sous la dictature (centraliste, mais d’idĂ©ologie fĂ©dĂ©raliste) de Rosas, que les forces nationales aient paradoxalement Ă©tĂ© utilisĂ©es pour assurer le maintien d’une organisation Ă©tatique centraliste d’essence idĂ©ologique fĂ©dĂ©raliste.

L’enjeu du conflit se cristallisait dans le choix de l’architecture politique du pays, et donc du type de constitution nationale ; Ă  cet Ă©gard, la bataille de Cepeda de 1859 et ses suites furent un moment clef de la rĂ©solution du conflit, par l’adoption l'annĂ©e suivante d’une constitution de tendance fĂ©dĂ©raliste, mĂȘme si les unitaires portĂšgnes, contraints d’accepter la constitution Ă  la suite de la dĂ©faite de Buenos Aires Ă  Cepeda face aux forces confĂ©dĂ©rales, surent ensuite, aprĂšs le rĂ©sultat d'abord ambigu de la bataille de PavĂłn de 1861, s’emparer du pouvoir dans chacune des provinces en s’appuyant sur les troupes de Buenos Aires et sur les factions unitaires locales. Une autre cristallisation du conflit est le statut de Buenos Aires, question rĂ©solue en 1880 par la dĂ©signation de la ville comme capitale nationale et par sa fĂ©dĂ©ralisation.

Guerres civiles et révolutions

Dans la tradition historiographique occidentale, l’on dĂ©nomme guerre civile tout affrontement armĂ© se dĂ©roulant au-dedans d’un mĂȘme pays, lors duquel se combattent les unes les autres des personnes originaires d’un mĂȘme lieu, en dĂ©fendant deux idĂ©ologies diffĂ©rentes ou des intĂ©rĂȘts opposĂ©s. Dans ce type de conflagrations sont susceptibles d’intervenir Ă©galement des troupes Ă©trangĂšres, aidant ou collaborant avec l’un ou l’autre camp partie au conflit.

Aux guerres civiles participent souvent des forces militaires irrĂ©guliĂšres, constituĂ©es ou organisĂ©es par des civils. Dans le cas argentin, la diffĂ©rence entre forces rĂ©guliĂšres et irrĂ©guliĂšres tendit fortement Ă  s’estomper avec le temps[. 1]. Les forces irrĂ©guliĂšres de cavalerie Ă©taient habituellement dĂ©signĂ©es par le terme montoneras.

De mĂȘme, les limites entre les concepts de rĂ©volution et de guerre civile ont tendance ici Ă  se recouper. En gĂ©nĂ©ral, l’on nomme rĂ©volutions les affrontements de courte durĂ©e — mesurĂ©s en heures ou en jours — se dĂ©roulant en un point dĂ©terminĂ©, gĂ©nĂ©ralement une mĂȘme ville. Les guerres civiles, au contraire, se produisent sur toute l’étendue (plus ou moins vaste) d’un territoire donnĂ©, avec des opĂ©rations guerriĂšres en diffĂ©rents points, gĂ©nĂ©ralement en champ ouvert, et durent considĂ©rablement plus longtemps.

En Argentine, les distances entre les localitĂ©s forçaient les armĂ©es Ă  effectuer des dĂ©placements d’une durĂ©e de plusieurs semaines pour se rendre d’une ville Ă  l’autre ; c’est lĂ  une premiĂšre des raisons pour lesquelles les opĂ©rations de guerre duraient au minimum plusieurs semaines. Quelques-unes des guerres civiles qui dĂ©vastĂšrent l’Argentine en vinrent Ă  s’étaler sur plusieurs annĂ©es, avec dĂ©ploiement permanent des belligĂ©rants. Par exemple, la guerre entre Santa Fe et le Directoire se prolongea pendant environ cinq ans, certes avec des interruptions. La campagne militaire de Juan Lavalle contre Juan Manuel de Rosas dura quasi trois ans, sans aucune interruption ni trĂȘve.

Il est d’usage de classer sous les guerres civiles argentines l’ensemble des affrontements, y inclus les dĂ©placements de troupes en dehors des villes ou d'une ville Ă  l'autre. Sont Ă©galement regroupĂ©s sous le mĂȘme intitulĂ©, pour ĂȘtre en relation directe avec les guerres civiles, diverses rĂ©volutions et coups de force survenus au cours de la mĂȘme pĂ©riode.

Les rĂ©volutions qui eurent lieu en Argentine dans les annĂ©es ultĂ©rieures, Ă  commencer par la rĂ©volution dite du Parc, dĂ©clenchĂ©e en 1890, resteront exclues de la prĂ©sente description, attendu qu’elles apparaissent plus ponctuelles, qu’elles eurent une durĂ©e beaucoup plus rĂ©duite, qu’elles se dĂ©roulĂšrent presque exclusivement au-dedans des villes, et qu’elles Ă©taient du reste destinĂ©es Ă  trancher des contentieux politiques Ă  l’enjeu complĂštement diffĂ©rent.

Causes des guerres civiles en Argentine

Habituellement, l’ambition personnelle des caudillos de province est dĂ©signĂ©e comme principale cause des guerres civiles argentines[. 2]. S’il est sans doute possible que quelques-uns aient eu l’habiletĂ© de mener des masses de soldats par le seul intĂ©rĂȘt de leur chef, l’appui obtenu par un dirigeant s’explique en gĂ©nĂ©ral par l’identification avec les idĂ©es de celui-ci, par des intĂ©rĂȘts de groupe, ou par l’appartenance Ă  tel groupe que le dirigeant concernĂ© Ă©tait rĂ©putĂ© favoriser.

Parmi les questions que l’on entendait trancher par voie de guerre civile, les plus importantes Ă©taient celles liĂ©es Ă  la prĂ©Ă©minence de la capitale, Buenos Aires, en opposition Ă  diffĂ©rentes alliances de provinces ; Ă  l’instauration du libĂ©ralisme ou du conservatisme comme forme de gouvernement ; Ă  l’ouverture commerciale ou au protectionnisme ; et Ă  l’architecture constitutionnelle nationale, propre Ă  dĂ©finir un cadre pour tous ces enjeux.

Dans son essai, devenu classique, intitulĂ© Estudio sobre las guerras civiles argentinas, Juan Álvarez (en) mit en Ă©vidence que les changements dans la structure Ă©conomique du bassin du RĂ­o de la Plata avaient, aprĂšs la dissolution de la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata, provoquĂ© des disparitĂ©s Ă©conomiques entre les rĂ©gions, donnant une prĂ©pondĂ©rance Ă©conomique Ă  la province de Buenos Aires, que les autres provinces jugeaient excessive et injuste. Cet Ă©tat de fait aurait alors conduit Ă  une rĂ©action des caudillos fĂ©dĂ©ralistes contre le centralisme portĂšgne, c'est-Ă -dire contre l’expression politique de cette prĂ©pondĂ©rance Ă©conomique[1].

Il y eut Ă©galement des affrontements oĂč deux ou trois provinces se combattaient l’une l’autre, dont les causes ont pu ĂȘtre celles indiquĂ©es ci-haut, mais auxquelles s’ajoutait la prĂ©tention des gouvernements provinciaux de s’immiscer dans les affaires d’autres provinces ― ou encore, Ă  des dates antĂ©rieures, la sĂ©cession de telle ou telle portion du territoire provincial dĂ©sireuse de s’ériger en province autonome.

Enfin, il y eut au-dedans mĂȘme des provinces plusieurs guerres civiles internes, dans lesquelles la participation de forces externes fut peu importante, voire nulle. Si, dans quelques cas, s’y rĂ©glĂšrent des diffĂ©rends idĂ©ologiques, il s’agissait frĂ©quemment de luttes de pouvoir entre factions.

Antécédents

DĂšs avant le dĂ©clenchement des guerres civiles proprement dites, il y eut dans chaque province plusieurs affrontements internes. Quelques-uns parmi ceux-ci, comme telle rĂ©volte contre le gouverneur de Jujuy[2], ou la tentative de destituer le gouverneur intendant (en esp. teniente gobernador) de San Juan[. 3], se produisirent Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, Ă  l’époque de la Vice-royautĂ©. Cependant, ces conflits restĂšrent en rĂšgle gĂ©nĂ©rale d’ampleur modĂ©rĂ©e sous l’effet d’une commune allĂ©geance au pouvoir royal, auquel l’on pouvait recourir Ă  tout moment pour rĂ©gler les diffĂ©rends.

L’affrontement civil le plus grave survenu au cours des derniĂšres annĂ©es du rĂ©gime colonial fut la mutinerie d’Álzaga, tentative avortĂ©e de coup de force menĂ©e le par l’alcade de Buenos Aires contre le vice-roi Jacques de Liniers, dans le but de mettre en place un comitĂ© exĂ©cutif (junta) local ; elle fut toutefois Ă©touffĂ©e le jour mĂȘme, au prix d'un petit nombre de morts et de blessĂ©s[3].

Durant les premiĂšres annĂ©es suivant la rĂ©volution de Mai, les problĂšmes internes restĂšrent tout d’abord masquĂ©s par la guerre contre l’ennemi commun, les forces royalistes. Pendant des annĂ©es l’on aura Ă  relever que quelques mutineries et rĂ©voltes locales, qui se terminĂšrent en gĂ©nĂ©ral sans effusion de sang.

L’exception la plus notable est la mutinerie dite des Tresses (en esp. MotĂ­n de las Trenzas) survenue fin 1811 Ă  Buenos Aires, laquelle fut violemment rĂ©primĂ©e et se solda par l’exĂ©cution de ses meneurs[4]. Est Ă  signaler aussi une rĂ©volution Ă  San Juan, dirigĂ©e par Francisco Laprida, et enfin, la rĂ©volution d’, qui eut pour effet de remplacer le Premier triumvirat par le Second. Cependant, il s’agissait lĂ  de cas isolĂ©s, mĂ©ritant davantage le qualificatif de rĂ©volutions, voire de mutineries, que de guerre civile.

La révolution fédéraliste dans le Litoral

Affrontements entre Artigas et le Directoire

Artigas dans la Citadelle, huile sur toile de Juan Manuel Blanes.

Le caudillo JosĂ© Artigas, originaire de la Bande orientale (correspondant grosso modo Ă  l'Uruguay actuel), avait eu une part active dans le siĂšge de Montevideo en 1811. Mais, lorsque celui-ci fut levĂ© sur ordre de Buenos Aires, il refusa de s’incliner et donna aux habitants de la province Orientale (comme on commençait alors Ă  l’appeler) le signal du dĂ©nommĂ© Exode oriental. L’annĂ©e suivante, aprĂšs que le siĂšge eut Ă©tĂ© de nouveau mis devant Montevideo, de graves dĂ©saccords Ă©clatĂšrent entre les dirigeants de Buenos Aires et Artigas[5].

Ces conflits s’exacerbĂšrent quand le Second triumvirat convoqua l’AssemblĂ©e de l'an XIII (1813), Ă  laquelle les dĂ©putĂ©s orientaux se rendirent porteurs d’instructions tendant Ă  rĂ©clamer l’indĂ©pendance absolue d’avec l’Espagne et Ă  organiser le nouvel État sous une forme politique fĂ©dĂ©rale. L’assemblĂ©e, dominĂ©e par la loge lautarienne (groupe que dirigeait Carlos MarĂ­a de Alvear), refoula les dĂ©putĂ©s orientaux.

Le , Artigas dĂ©laissa le siĂšge de Montevideo, suivi en cela par ses hommes, et donna le coup d’envoi des guerres civiles argentines. Peu aprĂšs, l’actuelle province d'Entre RĂ­os se rebella Ă  l’instar d’Artigas, et, Ă  l’issue de la bataille d’El Espinillo, obtint l’autonomie. Les provinces de Misiones et de Corrientes se joignirent Ă©galement au fĂ©dĂ©ralisme. Une brĂšve reconquĂȘte de Corrientes par le chef local Genaro PerugorrĂ­a, au dĂ©triment d'Artigas, s’acheva par la dĂ©faite et l’exĂ©cution du premier.

La guerre se dĂ©plaça Ă  la Bande orientale, oĂč le gĂ©nĂ©ral Alvear vainquit l'artiguiste Fernando OtorguĂ©s, et oĂč Manuel Dorrego battit Artigas lui-mĂȘme lors de la bataille de MarmarajĂĄ. Mais aprĂšs la victoire fĂ©dĂ©raliste dans la bataille de Guayabos (dite aussi bataille d’ArerunguĂĄ) le , la province tout entiĂšre retomba aux mains des fĂ©dĂ©ralistes. Le nouveau Directeur suprĂȘme, Alvear, remit Montevideo aux fĂ©dĂ©ralistes et offrit d’octroyer l’indĂ©pendance Ă  la Bande orientale ; cette offre fut toutefois repoussĂ©e.

En mars de cette mĂȘme annĂ©e Ă©clata une rĂ©volution fĂ©dĂ©raliste Ă  Santa Fe, qui porta au pouvoir le riche fermier Francisco Candioti. Alvear rĂ©pliqua en lançant contre lui une offensive, mais le commandant de celle-ci, Ignacio Álvarez Thomas, se rebella contre l’autoritĂ© d’Alvear, pactisa avec les fĂ©dĂ©ralistes et infligea une dĂ©faite au Directeur suprĂȘme. À sa place fut alors Ă©lu le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Rondeau ; mais, vu que celui-ci dirigeait Ă  ce moment une campagne militaire Ă  destination du Haut-PĂ©rou, c’est le mĂȘme Álvarez Thomas qui fut nommĂ© son dĂ©lĂ©guĂ©. L’AssemblĂ©e et la loge lautarienne furent dissoutes et l’on entreprit de convoquer ce qui deviendrait le congrĂšs de TucumĂĄn.

Cependant, rompant ses promesses de paix, Álvarez Thomas envahit la province de Santa Fe et la soumit à son autorité vers le milieu de 1815.

Le fĂ©dĂ©ralisme dans l’IntĂ©rieur

Le passage de la province de CĂłrdoba dans le camp fĂ©dĂ©raliste se fit sans violence : une menace prononcĂ©e par Artigas suffit Ă  ce que le le gouverneur Francisco Ortiz de Ocampo dĂ©missionnĂąt et qu’à sa place fĂ»t Ă©lu JosĂ© Javier DĂ­az. Celui-ci se dĂ©clara un aliĂ© d’Artigas, mais ne voulut point rompre avec le Directoire et envoya ses dĂ©putĂ©s au congrĂšs de TucumĂĄn[6].

Le cabildo de la ville de La Rioja — qui relevait alors encore de la juridiction de CĂłrdoba — rĂ©cusa l’autoritĂ© de DĂ­az, de sorte que cette province demeura sous la domination du Directoire.

La province de Salta obtint son autonomie provinciale, aprĂšs que le colonel MartĂ­n Miguel de GĂŒemes, chef des troupes de gauchos employĂ©es Ă  dĂ©fendre le nord du pays, eut Ă©tĂ© Ă©lu gouverneur par le cabildo local, le : c'Ă©tait la premiĂšre fois que les autoritĂ©s de Salta Ă©taient Ă©lues dans la province mĂȘme. Non content de se rebeller contre l’autoritĂ© de Rondeau, GĂŒemes en outre s’empara de l’armement de l’ArmĂ©e du Nord et barra le passage aux renforts destinĂ©s Ă  cette armĂ©e, convaincu que les commandants de ceux-ci avaient reçu ordre de le destituer.

À la suite de sa dĂ©faite dans la bataille de Sipe-Sipe contre les forces royalistes, Rondeau se replia sur Salta, occupa la ville et dĂ©clara GĂŒemes un traĂźtre. Celui-ci se borna Ă  se retirer et Ă  se faire poursuivre par Rondeau, mais tout en le privant de vivres. Rondeau se vit alors contraint de signer avec GĂŒemes le traitĂ© de Los Cerrillos, aux termes duquel il le reconnut comme gouverneur de Salta et le chargeait de la dĂ©fense de la frontiĂšre. Cela cependant allait coĂ»ter Ă  Rondeau son titre de Directeur suprĂȘme ; de plus, la dĂ©faite de Sipe-Sipe lui valut, quelques mois plus tard, d’ĂȘtre relevĂ© de ses fonctions de commandement de l’armĂ©e du Nord, et d’y ĂȘtre remplacĂ© par Manuel Belgrano.

GĂŒemes ne noua aucune alliance avec Artigas, tenant Ă  garder une autoritĂ© autonome. Tacitement, il fut accordĂ© Ă  GĂŒemes ce que les PortĂšgnes n’avaient jamais voulu concĂ©der Ă  Artigas : l'armĂ©e nationale Ă©tait une alliĂ©e qui prĂȘtait son concours en tant que troupe supplĂ©tive de l’armĂ©e de Salta.

Dans la province de Santiago del Estero, il y eut deux soulĂšvements autonomistes, dirigĂ©s par le colonel Juan Francisco Borges, qui s’opposait Ă  ce que sa province dĂ©pendĂźt de TucumĂĄn. Le , il s’autoproclama gouverneur et parvint Ă  se rendre maĂźtre de la ville. Toutefois, quatre jours Ă  peine plus tard, il fut vaincu et capturĂ©. Il s’enfuit, mais revint dans sa province, oĂč il dĂ©clencha un nouveau soulĂšvement le , proclamant l’autonomie provinciale et l’alliance avec Artigas. Mais, battu Ă  nouveau, il fut fusillĂ© le premier jour de 1817.

Si l’accession au pouvoir des fĂ©dĂ©ralistes fut pacifique Ă  CĂłrdoba, leur chute en revanche s’accompagna d’affrontements armĂ©s : Juan Pablo Bulnes, chef des milices de la ville, se souleva contre DĂ­az, l’accusant de connivence avec le Directoire. Il le vainquit et le força Ă  dĂ©missionner, mais Ambrosio Funes, beau-pĂšre de Bulnes, nommĂ© par le Directeur suprĂȘme, prit les fonctions de gouverneur Ă  sa place. Un deuxiĂšme soulĂšvement de Bulnes, le , avorta Ă©galement par la rĂ©action du gouvernement national. En mars de la mĂȘme annĂ©e, Manuel Antonio Castro, nommĂ© par le Directeur suprĂȘme Juan MartĂ­n de PueyrredĂłn, devint gouverneur de Salta, tandis que La Rioja retourna sous l’obĂ©dience du gouvernement directorial de CĂłrdoba.

Plus au sud dans la province de CĂłrdoba, plusieurs caudillos fĂ©dĂ©ralistes restaient en Ă©tat d’insurrection, parmi lesquels se distinguait plus particuliĂšrement Felipe Álvarez, originaire de Fraile Muerto, qui entretint la rĂ©bellion fĂ©dĂ©raliste pendant trois ans encore. Cette situation nĂ©cessita l’envoi d’une division de l’armĂ©e du Nord, sous les ordres du colonel Juan Bautista Bustos.

La Ligue des peuples libres

Les Provinces-Unies du RĂ­o de la Plata en 1816. En rouge, la Ligue des peuples libres.

Au dĂ©but de 1816, les milices urbaines et rurales de Santa Fe se soulevĂšrent et le Ă©lurent pour leur gouverneur Mariano Vera. Álvarez Thomas lança contre celui-ci une nouvelle offensive, toutefois le chef de son avant-garde pactisa avec Vera et se retira, provoquant la dĂ©mission du Directeur supplĂ©ant, qui fut remplacĂ© par Juan MartĂ­n de PueyrredĂłn. Celui-ci exigea la soumission de Santa Fe, mais son injonction resta sans suite, en raison de quoi les provinces du Litoral[. 4] n’eurent pas de reprĂ©sentants Ă  la DĂ©claration d’indĂ©pendance de l’Argentine en .

PueyrredĂłn organisa une quatriĂšme invasion de Santa Fe, et ses troupes rĂ©ussirent Ă  occuper la ville durant 25 jours avant d’en ĂȘtre expulsĂ©es. Puis, singuliĂšrement, il n’y eut plus au cours de l’annĂ©e 1817 de nouvelles hostilitĂ©s.

Dans la Bande orientale, Artigas sut mettre en place un gouvernement progressiste et démocratique. Il mena de profondes réformes sociales et distribua aux pauvres les terres, le bétail et les biens meubles laissés par les émigrés.

Cependant, Ă  la mi-1816, sous prĂ©texte de quelques algarades — rĂ©elles ou supposĂ©es — de gauchos dans le sud du BrĂ©sil, le roi du Portugal dĂ©clencha l’invasion luso-brĂ©silienne de la province Orientale. PueyrredĂłn ne fit rien pour dĂ©fendre la province ainsi envahie, et mĂȘme vint Ă  pactiser avec le commandant en chef des envahisseurs. Au milieu de 1817, les Portugais parvinrent Ă  s’emparer de Montevideo, quoique Artigas et ses troupes rĂ©sistassent pendant trois ans encore dans l'arriĂšre-pays de la province.

En 1818, le Directoire entreprit de nouvelles attaques : la deuxiĂšme guerre du Directoire contre Artigas dans Entre RĂ­os consista en trois offensives menĂ©es contre cette province au dĂ©part du fleuve ParanĂĄ, avec l’appui de quelques caudillos mineurs. Mais le nouveau commandant de ConcepciĂłn del Uruguay, Francisco RamĂ­rez, subordonnĂ© d’Artigas, les vainquit avec une Ă©clatante facilitĂ© ; sans ĂȘtre gouverneur, il contrĂŽlait nĂ©anmoins la situation militaire d’Entre RĂ­os et savait organiser ses montoneras de maniĂšre efficace.

La province de Corrientes pour sa part fut secouĂ©e de dissensions entre fĂ©dĂ©ralistes, dissensions balayĂ©es par l’occupation de la capitale provinciale par le cacique guaranĂ­ AndrĂ©s Guazurary, protĂ©gĂ© d’Artigas, et par le marin irlandais Peter Campbell.

Le gouverneur de Santa Fe Mariano Vera fut battu par les partisans, plus motivĂ©s, d’Artigas en . Comme ceux-ci ne parvinrent pas Ă  former un gouvernement, le colonel Estanislao LĂłpez, chef des milices rurales, dĂ©cida d’occuper la ville le et se nomma lui-mĂȘme gouverneur. Il allait ĂȘtre confirmĂ© par le cabildo ultĂ©rieurement et jouir d’un Ă©norme soutien populaire.

PueyrredĂłn riposta en envoyant fin 1818 une armĂ©e de 5 000 hommes placĂ©e sous les ordres de Juan RamĂłn Balcarce (en)[. 5]. Balcarce rĂ©ussit Ă  occuper Ă©phĂ©mĂšrement la capitale provinciale, mais fut contraint ensuite de se replier. Dans le mĂȘme temps s’avançait la colonne de l’armĂ©e du Nord commandĂ©e par le colonel Bustos afin de prendre LĂłpez en tenaille, mais celui-ci l’attaqua Ă  Fraile Muerto, privant ses troupes de leur mobilitĂ©. Ensuite, il obligea Balcarce Ă  Ă©vacuer Rosario ; en guise de vengeance, Balcarce, qui pourtant avait dĂ©jĂ  saccagĂ© une moitiĂ© de cette province, fit incendier Rosario.

Peu aprĂšs, le gĂ©nĂ©ral Viamonte tenta une nouvelle invasion, mais LĂłpez rĂ©itĂ©ra sa stratĂ©gie : il attaqua Bustos Ă  La Herradura, et, ne parvenant pas Ă  le vaincre, se dirigea vers CĂłrdoba pour le forcer Ă  se retirer. Ensuite, il vira vers le sud et fit face aux forces de Viamonte Ă  Coronda, le contraignant une nouvelle fois Ă  se replier sur Rosario, oĂč les deux hommes convinrent d’une trĂȘve, qui allait durer huit mois.

L’anarchie de l’an XX

Bataille de Cepeda et traité de Pilar

En , le congrĂšs Ă©lut Directeur suprĂȘme le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Rondeau, lequel sollicita l’aide des Portugais pour combattre les fĂ©dĂ©ralistes. Au surplus, Rondeau ordonna Ă  San MartĂ­n de revenir du Chili avec son armĂ©e pour attaquer Santa Fe, mais celui-ci dĂ©sobĂ©it ouvertement. De mĂȘme, l’armĂ©e du Nord, qui, sous les ordres de Francisco FernĂĄndez de la Cruz, se dirigeait vers le sud, manifesta son refus de poursuivre la guerre civile lors de l’incident connu sous le nom de mutinerie d’Arequito[7], et retourna ensuite Ă  CĂłrdoba, oĂč le gouverneur Castro fut remplacĂ© par JosĂ© Javier DĂ­az. Peu aprĂšs eurent lieu des Ă©lections, lors desquelles Juan Bautista Bustos fut Ă©lu gouverneur ; une partie du parti fĂ©dĂ©raliste (qui a CĂłrdoba avait pour nom Primer federalismo cordobĂ©s) passa Ă  l’opposition[8].

AntĂ©rieurement Ă  ces Ă©vĂ©nements, le , le gouverneur de TucumĂĄn avait Ă©tĂ© renversĂ© et remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral BernabĂ© ArĂĄoz. Presque au mĂȘme moment que la mutinerie d’Arequito Ă©clata dans la province de San Juan une rĂ©bellion des troupes de l’armĂ©e des Andes, inaugurant un processus de chaos politique qui amena la dissolution de la province de Cuyo[. 6].

Fin janvier, Francisco Ramírez et Estanislao López envahirent la province de Buenos Aires et vainquirent les troupes de Rondeau dans la bataille de Cepeda de 1820. Cette défaite entraßna la dissolution du CongrÚs et la démission de Rondeau.

À sa place fut Ă©lu gouverneur de la province Manuel de Sarratea, qui signa avec les dirigeants fĂ©dĂ©ralistes le traitĂ© de Pilar. Chaque province acquĂ©rait une souverainetĂ© absolue, le gouvernement national cessait d’exister, et il Ă©tait envisagĂ© de convoquer un congrĂšs pour rĂ©diger et sanctionner une constitution et former un gouvernement, Ă©videmment fĂ©dĂ©raliste. À travers une clausule secrĂšte, il fut convenu de remettre les armements aux armĂ©es fĂ©dĂ©ralistes.

Le général Balcarce renversa Sarratea et prit les fonctions de gouverneur ; cependant, une semaine seulement aprÚs, les caudillos fédéralistes le contraignirent à la démission. López et Ramírez rentrÚrent dans leurs provinces, et en leur absence se succédÚrent alors comme gouverneurs Sarratea, Alvear et Ramos Mejía.

RamĂ­rez et LĂłpez n’avaient pas signĂ© le traitĂ© de Pilar en tant que subordonnĂ©s d’Artigas, mais comme gouverneurs autonomes : Artigas en effet avait Ă©tĂ© battu lors de la bataille de TacuarembĂł le , soit quelques jours avant la bataille de Cepeda, et avait dĂ» Ă©vacuer la Bande orientale et se replier dans la province de Corrientes.

Artigas n’accepta pas le traitĂ© de Pilar, qui le laissait de cĂŽtĂ© et diffĂ©rait indĂ©finiment la reprise de sa province. Il accusa RamĂ­rez de trahison et lui fit la guerre : aprĂšs quelques victoires remportĂ©es par Artigas, RamĂ­rez le vainquit en une rapide sĂ©rie de victoires. Finalement, Artigas, pĂšre fondateur du fĂ©dĂ©ralisme argentin, fut obligĂ© de se rĂ©fugier au Paraguay, se retirant dĂ©finitivement de la politique.

Le , RamĂ­rez fonda la RĂ©publique d’Entre RĂ­os, province fĂ©dĂ©raliste dĂ©sireuse non pas de s’ériger en État indĂ©pendant, mais de s’unir en une fĂ©dĂ©ration, d’égal Ă  Ă©gal, avec les autres provinces.

Nouvelles guerres dans le Litoral

Estanislao LĂłpez, pour sa part, assistĂ© d’Alvear et du gĂ©nĂ©ral chilien JosĂ© Miguel Carrera, envahit une nouvelle fois la province de Buenos Aires Ă  la tĂȘte de 1 200 hommes. Le gĂ©nĂ©ral Soler se fit Ă©lire gouverneur et l’affronta, mais fut mis en dĂ©route Ă  Cañada de la Cruz le .

Soler ayant dĂ©missionnĂ©, Manuel Dorrego fut nommĂ© au poste de gouverneur et voulut lui aussi mener une campagne contre LĂłpez. Plus heureux d’abord que son prĂ©dĂ©cesseur, rĂ©ussissant en effet Ă  battre les troupes d’Alvear et de Carrera Ă  San NicolĂĄs de los Arroyos, puis celles de LĂłpez lui-mĂȘme Ă  PavĂłn, il fut ensuite, aprĂšs avoir Ă©tĂ© abandonnĂ© Ă  son sort par MartĂ­n RodrĂ­guez et Juan Manuel de Rosas, chefs des milices rurales de Buenos Aires, totalement dĂ©fait le lors de la sanglante bataille de Gamonal.

Peu de temps aprÚs fut élu gouverneur de Buenos Aires Martín Rodríguez, lequel, avec le concours de Rosas, réprima une éphémÚre révolution dirigée par le colonel Manuel Pagola.

Sur ces entrefaites, Carrera s’associa avec les caciques ranquels pour piller quelques localitĂ©s de la province de Buenos Aires, afin de rĂ©unir assez de moyens Ă  l’aide desquels retourner au Chili, oĂč il se proposait de renverser Bernardo O'Higgins. Le gouverneur RodrĂ­guez rĂ©pliqua Ă  ses algarades en lançant une campagne militaire contre les Indiens du sud de la province, au demeurant totalement Ă©trangers aux faits incriminĂ©s, ce qui dĂ©clencha en retour une sanglante sĂ©rie de reprĂ©sailles de la part des indigĂšnes. De retour de leur campagne militaire dans le sud, RodrĂ­guez et Estanislao LĂłpez signĂšrent le , avec la mĂ©diation de Bustos, le traitĂ© de Benegas, par lequel l’on convenait de la convocation d’un congrĂšs fĂ©dĂ©ral Ă  CĂłrdoba ainsi que d’une forte indemnisation de Santa Fe par Buenos Aires, disposition dont la mise en Ɠuvre fut confiĂ©e Ă  Rosas.

RamĂ­rez pour sa part, indignĂ© de ce qu’il avait Ă©tĂ© laissĂ© de cĂŽtĂ© par le traitĂ© de Benegas, dĂ©cida d’attaquer Buenos Aires, mais voulut prĂ©alablement envahir Santa Fe. Il traversa le fleuve ParanĂĄ et stationna Ă  Coronda, attendant lĂ  que vinssent s’unir Ă  ses troupes celles du colonel Lucio Norberto Mansilla. Cependant, celui-ci, pour Ă©viter une offensive contre sa province (Buenos Aires), le trahit et se retira dans Entre RĂ­os[9].

Le général José Miguel Carrera.

Ce nonobstant, RamĂ­rez vainquit, par deux fois en l’espace de quelques jours, le colonel Gregorio ArĂĄoz de Lamadrid, qui s’était mis au service de Buenos Aires. LĂłpez incorpora les restes de sa troupe dans les forces de Santa Fe, au moyen desquelles il dĂ©fit RamĂ­rez le , le forçant Ă  fuir avec moins de 300 hommes en direction de CĂłrdoba.

Entre-temps, Carrera avait envahi la province de CĂłrdoba, battant le gouverneur Bustos. De lĂ , il pĂ©nĂ©tra dans la province de San Luis, puis recula vers le sud de la province de CĂłrdoba pour joindre ses troupes Ă  celles de RamĂ­rez et du caudillo local Felipe Álvarez. Ensemble, ils attaquĂšrent Bustos Ă  Cruz Alta, mais celui-ci s’était efficacement retranchĂ© et ne put ĂȘtre battu, de sorte que RamĂ­rez tenta Ă  prĂ©sent de rentrer dans Entre RĂ­os en passant par le Chaco, mais fut vaincu le dans la bataille de RĂ­o Seco, prĂšs de Villa de MarĂ­a et de San Francisco del Chañar, et tuĂ© pendant sa fuite. Sa tĂȘte fut apportĂ©e Ă  LĂłpez, qui la fit embaumer pour l’exposer dans une cage.

Carrera de son cĂŽtĂ© tenta de rentrer au Chili. Il battit le gĂ©nĂ©ral Bruno MorĂłn Ă  RĂ­o Cuarto et envahit la province de San Luis, puis fit route vers Mendoza. Cependant, il fut vaincu par le colonel JosĂ© Albino GutiĂ©rrez lors de la bataille de Punta del MĂ©dano, et ensuite fusillĂ© Ă  Mendoza le , en mĂȘme temps que Felipe Álvarez et le soldat Monroy, celui qui avait liquidĂ© MorĂłn.

La paix dans le Litoral

Le , le colonel Mansilla battit le successeur de RamĂ­rez, son demi-frĂšre Ricardo LĂłpez JordĂĄn (pĂšre) ; celui-ci, vaincu Ă  nouveau un mois aprĂšs, fut contraint de s’expatrier Ă  PaysandĂș[. 7].

La République était alors donnée pour morte. Corrientes, son autonomie retrouvée, se maintint en paix sous les gouvernorats de Juan José Fernåndez Blanco et de Pedro Ferré.

Le fut signé, entre les provinces de Buenos Aires, Santa Fe, Entre Ríos et Corrientes, le traité dit du QuadrilatÚre, par lequel, sous la pression du ministre portÚgne Bernardino Rivadavia, le congrÚs fédéral de Córdoba, pourtant déjà convoqué, demeura lettre morte.

Le gouvernement de Mansilla était en fait assimilable à une intervention de Buenos Aires en Entre Ríos. En , les partisans de López Jordån entreprirent une ultime tentative de rébellion à Concepción del Uruguay, mais furent vaincus. Depuis lors, si Entre Ríos ne connut pas la stabilité politique, du moins la paix y fut-elle préservée pendant plusieurs années, tant sous le gouvernorat de Mansilla que sous celui de son successeur, Juan León Solas.

La province de Santa Fe, jusqu’alors la plus affectĂ©e par la guerre civile, put jouir d’une dĂ©cennie de paix.

Chaos dans les provinces de Cuyo et de La Rioja

La rĂ©volution dĂ©clenchĂ©e dans la province de San Juan par Mariano MendizĂĄbal avait dĂ©bouchĂ© sur un chaos total. Le bataillon de Chasseurs, dirigĂ© par le colonel Francisco Solano Del Corro, marcha sur Mendoza. Bien qu’il fĂ»t battu, il provoqua la dĂ©mission du gouverneur Toribio de Luzuriaga. À San Luis, le cabildo dĂ©posa de maniĂšre pacifique Vicente Dupuy, et lui substitua JosĂ© Santos Ortiz, qui gouverna durant presque toute cette dĂ©cennie.

Dans la province de La Rioja, lorsque l’on sut la dissolution du Directoire, le , le gĂ©nĂ©ral Francisco Ortiz de Ocampo s’empara du gouvernorat et expulsa les membres de la famille DĂĄvila. Quelques semaines plus tard, la province fut envahie par Del Corro, qui battit Ocampo prĂšs de PatquĂ­a et occupa La Rioja. Mais il en fut bientĂŽt expulsĂ© par Juan Facundo Quiroga, commandant du dĂ©partement de Sierra de los Llanos (rĂ©gion situĂ©e dans le sud-est de la province), Ă  la tĂȘte d’une division de 80 hommes ; ce fut la premiĂšre victoire de l’illustre caudillo. Del Corro parvint nĂ©anmoins encore Ă  rĂ©unir une petite troupe, avec laquelle il se proposait de traverser la province de TucumĂĄn, mais il fut vaincu par les forces du gouverneur ArĂĄoz.

Le colonel NicolĂĄs DĂĄvila accĂ©da au gouvernorat de La Rioja et gouverna en paix pendant deux ans. Vers la fin de son gouvernement, il dut affronter la lĂ©gislature, qui appela Quiroga Ă  son secours. Celui-ci battit DĂĄvila dans la bataille d’El Puesto et fut Ă©lu gouverneur. Il dĂ©missionna trois mois plus tard, mais, depuis lors, gouverna de fait la province, en sa fonction de commandant d’armes.

À CĂłrdoba, une rĂ©volution dirigĂ©e contre Bustos par le futur gĂ©nĂ©ral JosĂ© MarĂ­a Paz fut rĂ©primĂ©e presque sans combat. Paz en effet, qui en rĂ©alitĂ© mĂ©prisait les montoneros qui y participaient Ă  ses cĂŽtĂ©s, n’avait pas fait de rĂ©els efforts pour faire triompher son mouvement.

La RĂ©publique de TucumĂĄn et sa dissolution

SitĂŽt aboutie la rĂ©volution qui l’avait portĂ© au pouvoir, BernabĂ© ArĂĄoz proclama la RĂ©publique de TucumĂĄn et la dota d’une constitution[. 8].

Cependant, la nouvelle RĂ©publique ne fut pas acceptĂ©e Ă  Santiago del Estero. Le , le cabildo de cette ville Ă©lut gouverneur le colonel Juan Felipe Ibarra, chef de la frontiĂšre du Chaco, et proclama formellement l’autonomie de la province. ArĂĄoz protesta et lança des menaces, mais ce n’est qu’en avril de l’annĂ©e suivante, c'est-Ă -dire avec huit mois de retard, qu’il rĂ©solut d’envoyer contre Santiago del Estero une expĂ©dition militaire, aisĂ©ment refoulĂ©e par Ibarra.

Le caudillo ArĂĄoz avait aidĂ© une petite moitiĂ© de l’armĂ©e du Nord, emmenĂ©e par le colonel Alejandro Heredia, Ă  parvenir jusqu’à Salta, et s’était ainsi assurĂ© l’appui de GĂŒemes, qui en effet se proposait de lancer, avec ses propres gauchos et avec les hommes amenĂ©s par Heredia, une nouvelle campagne militaire vers le Haut-PĂ©rou. Toutefois, le gouverneur de TucumĂĄn refusa de mettre Ă  sa disposition les armes de l’armĂ©e du Nord prises en . GĂŒemes rĂ©agit en attaquant ArĂĄoz : des troupes de Salta s’en furent occuper Catamarca, tandis que Heredia et Ibarra faisaient mouvement vers TucumĂĄn. Lors de la bataille de RincĂłn de Marlopa, le , les troupes de TucumĂĄn, conduites par le colonel Abraham GonzĂĄlez, infligĂšrent une dĂ©faite totale aux troupes de Salta et de Santiago del Estero.

À ce moment, GĂŒemes apprit qu’il avait Ă©tĂ© destituĂ© par une rĂ©volution de la haute sociĂ©tĂ© de Salta. Il retourna dans sa ville et n’eut aucune difficultĂ© Ă  reprendre le gouvernorat.

ArĂĄoz rĂ©ussit Ă  recouvrer Catamarca Ă©galement ; mais le il reconnut, par voie du traitĂ© de VinarĂĄ, l’autonomie de Santiago del Estero.

Le , Catamarca proclama aussi son autonomie. AprĂšs le gouvernorat bref et turbulent de NicolĂĄs Avellaneda y Tula[. 9], le dirigeant fĂ©dĂ©raliste Eusebio Gregorio Ruzo s’empara du pouvoir. Quelques-uns des chefs attachĂ©s Ă  la cause d’Avellaneda, comme Manuel Antonio GutiĂ©rrez, durent passer un temps en exil sous la protection d’ArĂĄoz.

Mort de GĂŒemes et anarchie dans la province de TucumĂĄn

Quelques jours aprĂšs le traitĂ© de VinarĂĄ, les royalistes, par une ultime offensive, rĂ©ussirent Ă  s’emparer de Salta et Ă  provoquer le dĂ©cĂšs de GĂŒemes, mais leurs troupes furent expulsĂ©es quelques semaines plus tard. Le parti qui s’était opposĂ© Ă  GĂŒemes vint alors au pouvoir et nomma gouverneur JosĂ© Antonio FernĂĄndez Cornejo.

Le , par une rĂ©volution sanglante, les membres du parti qui avait toujours Ă©tĂ© loyal Ă  GĂŒemes renversĂšrent Cornejo et placĂšrent Ă  sa place le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Ignacio Gorriti. Celui-ci composa un gouvernement d’union : il dĂ©signa le fĂ©dĂ©raliste Pablo Latorre commandant d’armes et FernĂĄndez Cornejo gouverneur dĂ©lĂ©guĂ© de Jujuy. NĂ©anmoins, il eut Ă  rĂ©primer en dĂ©cembre une rĂ©volution dirigĂ©e contre lui.

Dans la province de TucumĂĄn, ArĂĄoz fut renversĂ© le par ses propres officiers emmenĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Abraham GonzĂĄlez, qui accĂ©da ensuite au gouvernorat avec l’appui du cabildo. Il sut se maintenir au pouvoir pendant quelques mois, jusqu’à ce qu’il fĂ»t renversĂ© Ă  son tour le . Javier LĂłpez, chef des milices urbaines, fut alors Ă©lu Ă  sa place[10]. Ensuite, la province fut secouĂ©e d’une ribambelle de rĂ©volutions, batailles et pillages, qui amenĂšrent au pouvoir tour Ă  tour BernabĂ© ArĂĄoz, son cousin Diego ArĂĄoz, Javier LĂłpez et NicolĂĄs Laguna[. 10]. Progressivement se constituĂšrent deux partis : celui de LĂłpez, et celui d’ArĂĄoz, chacun des deux dĂ©terminĂ© Ă  vaincre totalement l’autre[11].

AprĂšs un long exercice du pouvoir – pendant presque un an – par BernabĂ© ArĂĄoz, Javier LĂłpez rĂ©ussit Ă  l’expulser le vers Salta, oĂč il ne disposait pas d’alliĂ©s. LĂ , il continua de conspirer, mais fut arrĂȘtĂ© et envoyĂ©, sur ordre du gouverneur Juan Antonio Álvarez de Arenales, Ă  TucumĂĄn, oĂč il fut fusillĂ© le . La paix civile devait ensuite durer presque deux ans dans la province de TucumĂĄn.

Guerre entre Quiroga et Lamadrid

Le congrĂšs de Buenos Aires et premiers accrocs dans l’intĂ©rieur

En 1824 se rĂ©unit Ă  Buenos Aires le CongrĂšs gĂ©nĂ©ral de 1824, fermement contrĂŽlĂ© par les PortĂšgnes. Sa mission Ă©tait de rĂ©diger et sanctionner une constitution, mais la campagne des Trente-trois Orientaux dans la Bande orientale, qui dĂ©clencha la guerre de Cisplatine, dĂ©termina la nĂ©cessitĂ© de constituer une armĂ©e nationale. Pour la financer et la diriger, ledit CongrĂšs institua la fonction de PrĂ©sident de la RĂ©publique argentine, Ă  l’exercice de laquelle fut Ă©lu le dirigeant du Parti unitaire, Bernardino Rivadavia. Celui-ci s’employa non seulement Ă  organiser la guerre de Cisplatine, mais prit Ă©galement des dĂ©cisions dans des domaines jusque-lĂ  rĂ©servĂ©s Ă  chaque province.

Peu aprĂšs son accession au pouvoir, Rivadavia dĂ©cida la dissolution du gouvernement provincial de Buenos Aires, perdant ainsi l’appui des propriĂ©taires terriens de la province. En outre, il approfondit les mesures qu’il avait prises sous le gouvernorat de MartĂ­n RodrĂ­guez, y compris une tolĂ©rance religieuse modĂ©rĂ©e et un contrĂŽle ferme sur l’église catholique locale. Dans les milieux conservateurs de l’intĂ©rieur du pays, ces mesures furent interprĂ©tĂ©es comme des « hĂ©rĂ©sies ».

Les premiĂšres difficultĂ©s dans les terres intĂ©rieures se manifestĂšrent dans la province de San Juan, oĂč le gouverneur Salvador MarĂ­a del Carril, qui s’était ingĂ©niĂ© Ă  imiter les rĂ©formes de Rivadavia, fut renversĂ© en par une rĂ©volution dirigĂ©e par le clergĂ© et forcĂ© de fuir Ă  Mendoza. LĂ , il obtint l’appui du gouverneur unitaire Juan de Dios Correas, qui venait d’accĂ©der au pouvoir peu avant, par la voie d’une rĂ©volution menĂ©e par son apparentĂ© politique Juan Lavalle. Celui-ci envoya une expĂ©dition qui, sous le commandement du colonel JosĂ© FĂ©lix Aldao — lequel deviendra plus tard l’un des plus Ă©minents caudillos fĂ©dĂ©ralistes — battit les rebelles en , pour restituer ensuite le gouvernorat aux unitaires.

À Catamarca, il y eut, vers la fin du gouvernement de Ruzo, une grave confrontation entre deux commandants dĂ©sireux de gouverner la province : Manuel Antonio GutiĂ©rrez et Marcos Antonio Figueroa. La lĂ©gislature, dĂ©cidĂ©e Ă  prĂ©server la paix avant tout, parvint, sous la garantie de Facundo Quiroga, commandant de La Rioja, Ă  un rĂšglement entre les deux adversaires, aux termes duquel GutiĂ©rrez fut nommĂ© gouverneur en . Son gouvernement Ă©tait dirigĂ© par le propriĂ©taire terrien Miguel DĂ­az de la Peña, unitaire et partisan de Rivadavia, qui le persuada d’éliminer de la lĂ©gislature les opposants fĂ©dĂ©ralistes[12].

DĂ©but d’une guerre civile

Au dĂ©but de 1826 fit son apparition dans la province de Catamarca le colonel Gregorio ArĂĄoz de Lamadrid, qui, envoyĂ© par Rivadavia, Ă©tait chargĂ© de lever le contingent militaire destinĂ© Ă  ĂȘtre engagĂ© dans la guerre de Cisplatine. GutiĂ©rrez sut le convaincre de retourner Ă  TucumĂĄn, oĂč il renversa Javier LĂłpez, qui venait de faire fusiller son oncle BernabĂ© ArĂĄoz. LĂłpez se trouvait dans le sud de la province, et fut Ă  son retour battu par Lamadrid au RincĂłn de Marlopa, dans les environs de la capitale provinciale. Dans la province de Catamarca, Figueroa et Facundo Quiroga vainquirent GutiĂ©rrez. Celui-ci alors appela Lamadrid Ă  son secours, lequel revint Ă  Catamarca et battit Figueroa en .

Facundo Quiroga avait plusieurs motifs concomitants pour se lancer dans la guerre : en premier lieu, il se trouvait ĂȘtre le principal actionnaire d’une entreprise exploitant les mines du Cerro de Famatina, alors que le prĂ©sident Rivadavia Ă©tait le gestionnaire d’une firme rivale, Ă  laquelle il avait adjugĂ©, en sa qualitĂ© de prĂ©sident de la RĂ©publique, les droits exclusifs sur les gisements concernĂ©s. En mĂȘme temps, il s’était fort alarmĂ© des mesures anticlĂ©ricales du gouvernement de Rivadavia et de la prĂ©tention du CongrĂšs d’imposer par la force la constitution unitaire de 1826.

De son cĂŽtĂ©, Rivadavia finançait l’armĂ©e de Lamadrid, a qui il confia la mission d’éliminer la rĂ©sistance des chefs fĂ©dĂ©ralistes du nord, c'est-Ă -dire Facundo Quiroga, Juan Bautista Bustos et Felipe Ibarra. La trahison de GutiĂ©rrez fournit Ă  Quiroga le mobile dĂ©cisif pour se prĂ©cipiter Ă  l’attaque. En , il envahit la province de Catamarca et replaça Figueroa au gouvernement. Lamadrid, qui s’était portĂ© au secours de GutiĂ©rrez, fut battu par Quiroga dans la bataille d’El Tala, le , dans les confins nord de Catamarca. Lamadrid fut donnĂ© pour mort, et Quiroga occupa la capitale de la province, pour la quitter peu de jours plus tard[13].

Peu aprĂšs, Facundo rentra dans sa province, anticipant l’ordre donnĂ© par Rivadavia de l’attaquer depuis le sud. Le colonel Aldao dĂ©sarma les unitaires de Mendoza, et aida ainsi le gĂ©nĂ©ral Juan Rege CorvalĂĄn Ă  accĂ©der au gouvernorat de cette province. SimultanĂ©ment, Quiroga envahit la province de San Juan, dont la lĂ©gislature, prĂ©fĂ©rant ne pas l’affronter, nomma gouverneur un de ses proches parents.

DeuxiĂšme campagne de Quiroga

Sur ces entrefaites, Lamadrid, qui s’était maintenu en vie, avait recouvrĂ© le gouvernorat Ă  TucumĂĄn. Pour se venger des fĂ©dĂ©ralistes, il missionna le colonel Francisco Bedoya d’envahir la province de Santiago del Estero. Insidieusement, le gouverneur Ibarra le laissa d’abord occuper la capitale, puis l’assiĂ©gea, en lui coupant les vivres, et l’obligea ainsi Ă  se retirer au bout d’une semaine. GutiĂ©rrez pour sa part reprit son poste de gouverneur Ă  Catamarca. Peu de temps plus tard, le gouverneur de Salta, Arenales, fut vaincu par le colonel Francisco Gorriti, lequel quelques jours aprĂšs vainquit aussi, Ă  Chicoana, le colonel Bedoya, qui y perdit la vie. Le , Arenales prit la fuite en Bolivie, et Gorriti put Ă  nouveau assumer le gouvernorat provincial.

Lamadrid envahit la province de Santiago del Estero, et battit Ibarra ; mais dans le mĂȘme temps, il dut quitter la province, et Ibarra, accompagnĂ© de Facundo Quiroga, put revenir au pouvoir. Au dĂ©part de Santiago del Estero, les fĂ©dĂ©ralistes se rendirent ensuite maĂźtres de Catamarca et marchĂšrent sur TucumĂĄn. Quiroga derechef battit Lamadrid, dans la bataille de RincĂłn de Valladares, prĂšs de la capitale provinciale, le . Lamadrid s’enfuit en Bolivie, tandis que le caudillo de La Rioja s’emparait de la ville et la soumettait au versement de fortes rĂ©parations de guerre. Lorsqu’il quitta la province, le fĂ©dĂ©raliste NicolĂĄs Laguna s’installait au pouvoir comme gouverneur.

Fin 1827, toutes les provinces Ă©taient aux mains de membres du Parti fĂ©dĂ©raliste, Ă  l’exception de la province de Salta. À Buenos Aires, c’est Manuel Dorrego qui, Ă  la suite de la dĂ©mission de Rivadavia, gouvernait la province.

Guerre entre unitaires et fĂ©dĂ©ralistes : 1828 ― 1831

La révolution de Lavalle et son échec

En dĂ©pit du succĂšs de la campagne terrestre, la guerre de Cisplatine se solda, sous l’effet du blocus maritime, par un traitĂ© de paix nĂ©faste, signĂ© par l’émissaire de Rivadavia, ce que celui-ci paya de son poste et ce qui valut au CongrĂšs de disparaĂźtre. AprĂšs que Buenos Aires eut ainsi recouvrĂ© son autonomie provinciale, Manuel Dorrego fut Ă©lu gouverneur, et conclut une entente avec les dirigeants fĂ©dĂ©ralistes de l’IntĂ©rieur, lesquels lui dĂ©lĂ©guĂšrent la responsabilitĂ© en matiĂšre de forces armĂ©es en campagne et d’affaires Ă©trangĂšres. En remplacement du CongrĂšs, une Convention nationale se rĂ©unit Ă  Santa Fe, afin d’asseoir les bases constitutionnelles du pays.

Cependant Dorrego, en raison du manque de fonds et de la pression anglaise, se vit contraint de souscrire Ă  un traitĂ© de paix qui prĂ©voyait l’indĂ©pendance de la province Orientale, sous la dĂ©nomination de RĂ©publique orientale de l’Uruguay. Les officiers de l’armĂ©e, s'estimant bafouĂ©s, dĂ©cidĂšrent de dĂ©poser Dorrego. Le gĂ©nĂ©ral Juan Lavalle fit rentrer la moitiĂ© de l’armĂ©e Ă  Buenos Aires, et le renversa Dorrego, se faisant ensuite nommer gouverneur par une assemblĂ©e de ses partisans.

Dorrego parvint nĂ©anmoins Ă  fuir dans le sud de la province, oĂč il savait pouvoir compter sur l’appui des milices rurales du colonel Juan Manuel de Rosas. Lavalle cependant vint l’y chercher et le battit dans la bataille de Navarro, puis, peu de jours aprĂšs, incitĂ© par ses alliĂ©s unitaires, donna l’ordre de le fusiller. Rosas se rendit dans la province de Santa Fe, dont le gouverneur, Estanislao LĂłpez, se mit Ă  la tĂȘte d’une campagne militaire visant Ă  destituer Lavalle.

À l’intĂ©rieur de la province de Buenos Aires se formĂšrent des groupes de montoneras fĂ©dĂ©ralistes, que poursuivirent les colonels Isidoro SuĂĄrez, Federico Rauch, qui fut vaincu et exĂ©cutĂ©, et RamĂłn BernabĂ© Estomba, qui fut frappĂ© de dĂ©mence. Peu aprĂšs, Lavalle appuya l’invasion de la province de CĂłrdoba par le gĂ©nĂ©ral JosĂ© MarĂ­a Paz.

Lavalle lança une offensive contre Santa Fe, mais LĂłpez appliqua une tactique d’attrition, le forçant, sans le combattre de front, Ă  reculer vers le sud, pour ensuite, de concert avec Rosas, le dĂ©faire dans la bataille de Puente de MĂĄrquez.

Rosas s’en alla alors assiĂ©ger Lavalle dans la ville de Buenos Aires, et le contraignit Ă  nĂ©gocier avec lui. Il en rĂ©sulta la convention de Cañuelas, qui appelait notamment Ă  la tenue d’élections, convocables Ă  Buenos Aires seulement et auxquelles seule une liste « d’union » ne devait se prĂ©senter. Cependant, quelques unitaires firent Ă©chouer les Ă©lections et le siĂšge devant la ville fut relancĂ©. Lavalle signa alors avec Rosas le pacte de Barracas, aux termes duquel le gĂ©nĂ©ral Juan JosĂ© Viamonte fut Ă©lu gouverneur. Celui-ci convoqua la commission lĂ©gislative, auparavant dissoute par Lavalle, laquelle commission Ă©lut alors Juan Manuel de Rosas gouverneur, le . Il lui fut en outre concĂ©dĂ© « toutes facultĂ©s ordinaires et extraordinaires qu’il estimera nĂ©cessaires, jusqu’à la rĂ©union d’une nouvelle lĂ©gislature ». Ces faits marquent le dĂ©but de la dĂ©nommĂ©e Ăšre rosiste.

Invasion de Córdoba par le général Paz

Le général Paz en 1829, (lithographie de César Hyppolite Bùcle).

Dans la foulĂ©e de l’exĂ©cution de Dorrego, le gĂ©nĂ©ral JosĂ© MarĂ­a Paz envahit la province de CĂłrdoba Ă  la tĂȘte d’un millier d’hommes de troupe. La province Ă©tait alors toujours gouvernĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Bustos, son compagnon lors de la mutinerie d’Arequito et son ennemi de l’annĂ©e 1821. Devant l’avancĂ©e des troupes de Paz, Bustos abandonna la capitale provinciale et se retrancha Ă  San Roque, aux portes des sierras de CĂłrdoba, dans le nord-ouest de la province. Il sollicita le secours de Facundo Quiroga et par mesure dilatoire nomma Paz gouverneur par intĂ©rim et engagea des pourparlers avec lui.

Cependant Paz le devança et le vainquit le dans la bataille de San Roque. Il regagna la capitale CĂłrdoba et se fit nommer gouverneur titulaire par une alliance d’anciens unitaires et de vieux autonomistes de l’époque de JosĂ© Javier DĂ­az. Les commandants du nord et de l’ouest de la province refusĂšrent toutefois de le reconnaĂźtre comme gouverneur.

Contact fut alors pris avec les gouverneurs Javier LĂłpez, de TucumĂĄn, et JosĂ© Ignacio Gorriti, de Salta. Le premier se transporta vers CĂłrdoba emmenant une division, tandis que le second envahit Catamarca et La Rioja, occupant, en l’absence de Quiroga, la capitale de cette derniĂšre province.

Bustos se rĂ©fugia dans la province de La Rioja et revint un mois plus tard comme commandant en second dans l’armĂ©e de Quiroga. Celui-ci fit mouvement vers la vallĂ©e de Traslasierra, puis, de lĂ , vers le sud, afin d’incorporer les forces des provinces de Mendoza et de San Luis, que commandait le gĂ©nĂ©ral Aldao. Paz, que ce dernier rĂ©ussit Ă  berner, quitta la capitale CĂłrdoba et fit route vers le sud. Quiroga surgit ensuite devant la ville et s’en empara ; mais, pour ne pas provoquer de bain de sang parmi la population, Quiroga sortit de la ville pour affronter Paz dans la bataille de La Tablada, le . La bataille se solda par une victoire totale de Paz. Pourtant, Ă  sa surprise, Quiroga regroupa ses hommes et revint l’attaquer le lendemain matin, mais fut battu derechef. Paz rĂ©cupĂ©ra la capitale provinciale, oĂč le colonel RomĂĄn Deheza donna l’ordre de fusiller des dizaines de prisonniers.

Quiroga se retira dans La Rioja, oĂč il rĂ©prima durement ceux qui avaient appuyĂ© l’invasion de Gorriti.

Paz envoya des colonnes militaires, placĂ©es sous les ordres de Pedernera, Lamadrid et Pringles (en), pacifier l’ouest et le nord de la province, oĂč ses officiers commirent toutes sortes d’exactions et de violations. Il y eut une brĂšve rĂ©volution unitaire Ă  San Luis, mais elle fut rapidement Ă©touffĂ©e. À Mendoza Ă©galement se produisit une rĂ©action du Parti unitaire, conduisant Ă  ce que le colonel Juan AgustĂ­n Moyano nomma gouverneur le gĂ©nĂ©ral Rudecindo Alvarado, ancien collaborateur de San MartĂ­n, mais Alvarado fut battu lors de la bataille de Pilar par Aldao, lequel revint Ă  CĂłrdoba et fit fusiller les vaincus en reprĂ©sailles de l’assassinat de son frĂšre. Seul Alvarado lui-mĂȘme put sauver sa vie.

Facundo Quiroga rassembla une nouvelle fois des troupes et avança sur CĂłrdoba, en divisant son armĂ©e en deux colonnes : la plus avancĂ©e envahit la province depuis le sud, pendant que l’autre se retarda Ă  dĂ©fendre Catamarca. Ce retardement provoqua la dĂ©faite de Quiroga le , dans la bataille d’Oncativo, appelĂ©e Ă©galement bataille de Laguna Larga. Quiroga s’enfuit Ă  Buenos Aires et Aldao fut capturĂ©.

La Ligue de l’intĂ©rieur et le Pacte fĂ©dĂ©ral

Par la suite, Paz envoya des divisions de son armĂ©e dans les provinces qui avaient donnĂ© leur appui Ă  Quiroga : il dĂ©pĂȘcha Ă  Mendoza le colonel JosĂ© Videla Castillo, qui se fit nommer gouverneur ; Ă  Catamarca, San Juan et San Luis, la dĂ©ferlante unitaire emporta plusieurs chefs fĂ©dĂ©ralistes secondaires. Le gouverneur de La Rioja, le gĂ©nĂ©ral Villafañe, dut prendre la fuite au Chili. Paz envoya dans cette province le gĂ©nĂ©ral Lamadrid, qui procĂ©da Ă  une mise Ă  sac violente de la province, et força la mĂšre de Facundo Ă  balayer la place de la capitale provinciale. La province de Santiago del Estero elle aussi fut mise sous la domination du gĂ©nĂ©ral Deheza, cependant celui-ci ne rĂ©ussit jamais Ă  s'affirmer dans le gouvernement provincial.

Les gouvernements ennemis une fois remplacĂ©s par d’autres Ă  son allĂ©geance, Paz convoqua ses reprĂ©sentants, et conclut avec eux un traitĂ© gĂ©nĂ©ral, fondant la dĂ©nommĂ©e Ligue de l’intĂ©rieur. Celle-ci promulgua la constitution argentine de 1826, auparavant avortĂ©e, de tendance nettement unitaire, et nomma Paz Chef militaire suprĂȘme ; les provinces restaient totalement soumises Ă  son autoritĂ©.

DĂšs lors, le gĂ©nĂ©ral Lavalle, qui avait Ă©migrĂ© vers l’Uruguay, rentra pour dĂ©faire le gouverneur de Santa Fe avec le concours de LĂłpez JordĂĄn. Si celui-ci parvint Ă  s’emparer de la capitale de la province, il le fit toutefois au nom des fĂ©dĂ©ralistes, en raison de quoi Lavalle le quitta ; LĂłpez JordĂĄn ne se maintint au gouvernement de Santa Fe que pendant guĂšre plus d’un mois. Une nouvelle tentative entreprise par les fĂ©dĂ©ralistes en Ă©choua plus lamentablement encore.

Les quatre provinces fĂ©dĂ©ralistes — Buenos Aires, Santa Fe, Entre RĂ­os et Corrientes — signĂšrent le Pacte fĂ©dĂ©ral, par lequel ils dĂ©clarĂšrent la guerre Ă  la Ligue de l’intĂ©rieur[. 11].

Victoire fédéraliste

Le brigadier Estanislao LĂłpez.

La direction de la guerre resta aux mains d’Estanislao LĂłpez, qui avança avec ses troupes vers la frontiĂšre de CĂłrdoba, appuyant les rĂ©bellions des frĂšres ReynafĂ© dans le nord de cette province. Rosas envoya Ă  son aide l’armĂ©e de Buenos Aires, sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Juan RamĂłn Balcarce.

Le gĂ©nĂ©ral Quiroga retourna Ă  la lutte Ă  la tĂȘte d’une troupe que Rosas avait mise Ă  sa disposition : 450 dĂ©linquants sortis des prisons. Avec eux, il fit mouvement vers le sud de CĂłrdoba.

Au dĂ©but de 1831, le colonel Ángel Pacheco battit, dans la bataille de Fraile Muerto, le colonel unitaire Juan Esteban Pedernera. Les vaincus Ă©taient pour la plupart des fĂ©dĂ©ralistes enrĂŽlĂ©s de force dans l’armĂ©e unitaire, et furent rĂ©incorporĂ©s dans l’armĂ©e de Quiroga. À l’aide de ces renforts, Quiroga s’empara du bourg de RĂ­o Cuarto aprĂšs plusieurs jours de siĂšge, marcha sur San Luis et vainquit en deux batailles le colonel Pringles[14]. Peu de jours plus tard, il fit son entrĂ©e dans la province de Mendoza, oĂč il dĂ©fit le le gouverneur Videla Castillo lors de la bataille de Rodeo de ChacĂłn. Ne pouvant monter Ă  cheval Ă  cause de ses rhumatismes, Quiroga dut diriger les opĂ©rations depuis le siĂšge de cocher d’une diligence.

Quiroga s’assura que des fĂ©dĂ©ralistes fussent Ă©lus aux gouvernorats des provinces de Cuyo, et soutint la rĂ©bellion de TomĂĄs Brizuela dans la province de La Rioja. De retour Ă  Mendoza, il vengea l’assassinat du gĂ©nĂ©ral Villafañe, donnant ordre de fusiller vingt-six prisonniers[. 12].

Entre-temps, le gĂ©nĂ©ral Paz gardait confiance en qu’il pourrait rĂ©tablir la situation en sa faveur par une grande bataille. Alors qu’il avançait pour obliger LĂłpez Ă  prĂ©senter bataille, il fut capturĂ© par un tir de boleadoras et emmenĂ© prisonnier Ă  Santa Fe.

Lamadrid prit alors le commandement de l’armĂ©e et ordonna la retraite vers sa propre province, TucumĂĄn, oĂč il nomma Chef militaire suprĂȘme le gĂ©nĂ©ral Alvarado, gouverneur de Salta. Cependant, celui-ci devait affronter ses propres fĂ©dĂ©ralistes sur son territoire, et ne put lui envoyer de renforts. À l’issue d’une campagne compliquĂ©e dans la province de Catamarca, Quiroga vainquit Lamadrid pour la troisiĂšme fois, dans la Bataille de La Ciudadela, le [. 13]. Lamadrid et la plupart de ses officiers s’enfuirent se rĂ©fugier en Bolivie.

Le gouvernorat de CĂłrdoba passa aux mains du commandant de milice JosĂ© Vicente ReinafĂ©, partisan d’Estanislao LĂłpez. LĂłpez lui-mĂȘme rĂ©ussit Ă  installer, comme gouverneur d’Entre RĂ­os, Pascual EchagĂŒe, qui avait Ă©tĂ© jusque-lĂ  son ministre et qui sut apporter la paix dans une province trĂšs instable.

Dans la province de TucumĂĄn, le fĂ©dĂ©raliste Alejandro Heredia fut Ă©lu gouverneur, et Alvarado promit de passer le pouvoir Ă  Pablo Latorre, caudillo de Salta ; celui-ci eut toutefois d’abord Ă  battre ses adversaires dans une bataille Ă  Cerrillos, en , avant de pouvoir assumer le gouvernorat.

L’ensemble du pays Ă©tait ainsi, pour la premiĂšre fois, tombĂ© aux mains de gouvernants fĂ©dĂ©ralistes.

Conflits entre fédéralistes dans la décennie 1830

Échec du projet de constitution fĂ©dĂ©raliste

La victoire totale du Parti fĂ©dĂ©raliste lui fournit la premiĂšre occasion historique d’organiser l’Argentine selon ses propres principes. Si les provinces rĂ©ussissaient Ă  se mettre d’accord, le moment serait favorable pour sanctionner une constitution entiĂšrement fĂ©dĂ©raliste et de dĂ©finir pour le pays une structure politique fĂ©dĂ©raliste.

Les personnalitĂ©s politiques prĂ©dominantes Ă©taient Facundo Quiroga, dotĂ© d’un ascendant dĂ©cisif dans les provinces de Cuyo et dans le nord-ouest, Estanislao LĂłpez, dans les provinces de Santa Fe, Entre RĂ­os et CĂłrdoba, avec une forte influence Ă  Corrientes et Santiago del Estero, et Rosas, qui jouait un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans la province de Buenos Aires.

La Commission reprĂ©sentative de dĂ©putĂ©s de toutes les provinces tint rĂ©union Ă  Santa Fe, et toutes souscrivirent au Pacte fĂ©dĂ©raliste. Cependant Rosas, persuadĂ© que les provinces devaient s’ĂȘtre prĂ©alablement organisĂ©es intĂ©rieurement avant mĂȘme de sanctionner telle ou telle organisation nationale, et dĂ©sireux de conserver la prĂ©Ă©minence Ă©conomique de Buenos Aires en gardant la haute main sur les douanes, tentait de convaincre les autres gouverneurs et dĂ©putĂ©s de son point de vue. Il mit Ă  profit les rivalitĂ©s entre Quiroga et LĂłpez pour indisposer les gouvernements provinciaux les uns vis-Ă -vis des autres : une imprudente lettre du dĂ©putĂ© de Corrientes Manuel Leiva lui fut l’occasion de retirer de la Commission les dĂ©putĂ©s portĂšgnes. Son exemple fut bientĂŽt imitĂ© par la quasi-totalitĂ© des autres provinces[15].

La mise en place d’une organisation constitutionnelle fut ensuite diffĂ©rĂ©e indĂ©finiment, et le pays ne garda, pour toute organisation commune, que la seule dĂ©lĂ©gation des affaires Ă©trangĂšres au gouverneur de Buenos Aires.

La révolution des Restaurateurs

Le premier gouvernorat de Rosas s’acheva le . À sa place fut Ă©lu le gĂ©nĂ©ral Juan RamĂłn Balcarce, hĂ©ros de la guerre d’indĂ©pendance, tandis que Rosas se lança dans une campagne militaire dans le dĂ©sert pour affaiblir les forces combattantes indigĂšnes du sud et, dans la mesure du possible, d’y conquĂ©rir des terres.

Balcarce profita de son absence pour rĂ©duire la prĂ©pondĂ©rance de Rosas et de ses partisans au sein du Parti fĂ©dĂ©raliste et du gouvernement portĂšgnes, en y plaçant des fĂ©dĂ©ralistes modĂ©rĂ©s, que les rosistes dĂ©signaient par Ă©chines noires (lomos negros). Les partisans de Rosas ripostĂšrent par le dĂ©clenchement en 1833 de la dĂ©nommĂ©e rĂ©volution des Restaurateurs (en esp. RĂ©voluciĂłn de los Restauradores), assiĂ©geant Balcarce pendant plusieurs jours dans la capitale. L’épouse de Rosas dirigeait les actions d’agitation dans les classes pauvres de la population et mit sur pied la SociĂ©tĂ© populaire restauratrice (Sociedad Popular Restauradora) ainsi que le bras armĂ© de celle-ci, la Mazorca (litt. quenouille, Ă©pi). La majeure partie de l’armĂ©e se joignit aux insurgĂ©s, et Rosas lui-mĂȘme se prononça en leur faveur[16]. Le , sur les rives du ruisseau Maldonado, Manuel de Olazabal, commandant en chef des forces de cavalerie de Buenos Aires, vainquit ceux, emmenĂ©s par le colonel MartĂ­n Hidalgo, qui tentaient de s’opposer Ă  Rosas[17].

Balcarce dĂ©missionna le . Lui succĂ©da le gĂ©nĂ©ral Juan JosĂ© Viamonte, sous le gouvernorat de qui la Mazorca attaqua les partisans du gouvernement dĂ©chu. Le Parti fĂ©dĂ©raliste non seulement se proposait de ne plus tolĂ©rer de dissidences externes, mais considĂ©rait en outre dĂ©sormais comme une trahison tout acte d’autonomie vis-Ă -vis de Rosas. Bon nombre des lomos negros les plus en vue prirent le chemin de Montevideo ; vers la fin de la dĂ©cennie, ils feront alliance avec les unitaires dans une lutte commune contre Rosas.

Viamonte dĂ©missionna l’annĂ©e suivante et, aprĂšs plusieurs renoncements de Rosas Ă  assumer le gouvernorat, Manuel Vicente Maza, ami du Restaurador, fut Ă©lu Ă  titre intĂ©rimaire.

Révolution et répression à Córdoba

Facundo Quiroga, qui se considĂ©rait injustement Ă©vincĂ© de la position d’influence Ă  laquelle il s’estimait en droit de prĂ©tendre Ă  CĂłrdoba, choisit d’appuyer les opposants au gouverneur de cette province. En , le commandant JosĂ© Manuel Salas, aux cĂŽtĂ©s de Juan Pablo Bulnes, Claudio MarĂ­a Arredondo ― le gendre de feu l’ancien gouverneur Bustos ― et les fils de ce dernier, dĂ©clenchĂšrent une rĂ©volution contre les frĂšres ReinafĂ©, mais furent battus lors d’une bataille aux environs de la capitale provinciale.

Peu aprĂšs la campagne de 1833 dans le dĂ©sert, le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Ruiz Huidobro, commandant de la colonne du centre, dirigea une nouvelle rĂ©volution contre les frĂšres ReynafĂ© : Ă  la mi-juin, le colonel Del Castillo, commandant de la frontiĂšre sud de la province, marcha sur la capitale ; Ă  eux vinrent se joindre Arredondo, dans l’est de la province, et RamĂłn Bustos, dans le nord.

Cependant, la rĂ©action rapide de Francisco ReinafĂ©, chef des milices du nord de la province, s’ajoutant au refus des commandants du RĂ­o Tercero, Manuel LĂłpez, et du RĂ­o Segundo, Camilo Isleño, firent avorter ce plan. Del Castillo fut battu dans une escarmouche aux environs de CĂłrdoba. Le colonel Isleño traversa rapidement la sierra de CĂłrdoba et atteignit les fuyards Ă  Yacanto de Calamuchita, oĂč il les Ă©crasa complĂštement et fit prisonniers les meneurs, lesquels furent peu aprĂšs fusillĂ©s, Ă  l’exception d’Arredondo. De mĂȘme, RamĂłn Bustos fut dĂ©fait dans le nord.

Le général Ruiz Huidobro fut conduit à Buenos Aires, et mis en jugement. Les frÚres Reynafé en gardÚrent rancune à Quiroga, lequel, de toute évidence, était derriÚre toutes ces conspirations, et conçurent le dessein de se débarrasser de lui dÚs la premiÚre occasion.

Guerre dans le nord : l’autonomie de Jujuy

Fin 1832, le commandant Manuel Puch, partisan des frĂšres Gorriti, prit la tĂȘte d’un soulĂšvement Ă  Salta. Le gouverneur Pablo Latorre dut d’abord fuir, mais une semaine plus tard battit Puch dans la bataille de Pulares.

En , le colonel Pablo AlemĂĄn, jusque-lĂ  collaborateur du gouvernement de Latorre, monta contre celui-ci une nouvelle rĂ©volution. Il Ă©choua cependant et trouva refuge Ă  TucumĂĄn, sous la protection du gouverneur Alejandro Heredia, qui rejeta la demande d’extradition introduite par Latorre.

À la mi-1834, Heredia intervint activement dans la politique de Catamarca, en apportant son appui au commandant Felipe Figueroa contre le gouverneur, et obtint que Manuel Navarro prüt sa place.

Dans la province de TucumĂĄn, le dirigeant unitaire Ángel LĂłpez, neveu du gĂ©nĂ©ral Javier LĂłpez, tenta de renverser Heredia, mais Ă©choua et s’enfuit Ă  Salta. Latorre se vengea de la rĂ©volution d’AlemĂĄn en aidant les LĂłpez dans leur tentative d’envahir TucumĂĄn, mais ceux-ci essuyĂšrent un Ă©chec et durent prendre la fuite en Bolivie. Heredia fit rĂ©clamation en raison des frais occasionnĂ©s par l’offensive des LĂłpez, et avança jusqu’à la frontiĂšre avec Salta, exigeant la dĂ©mission du gouverneur Latorre. Ce dernier sollicita le gouverneur de Buenos Aires d’intercĂ©der entre eux ; la rĂ©ponse cependant se fit trop attendre.

En , voyant dans les attaques d’Heredia une occasion propice, les dirigeants de la ville de San Salvador de Jujuy et de sa juridiction, laquelle Ă©tait du ressort de celle de la province de Salta, se prononcĂšrent, par la voie d’un cabildo ouvert, en faveur de l’autonomie. Le gouverneur dĂ©lĂ©guĂ© JosĂ© MarĂ­a Fascio s’associa Ă  eux et se fit nommer gouverneur de la nouvelle province.

Heredia engagea Latorre à reconnaütre l’autonomie de Jujuy, tout en envoyant son frùre Felipe Heredia et Alemán envahir Salta[18].

Latorre quitta la capitale provinciale, et fut destituĂ© en son absence. Les forces militaires Ă©taient toutefois restĂ©es aux mains de Latorre, qui fit face, depuis le nord, Ă  l’invasion de Fascio dans la bataille de Castañares. Le colonel Mariano Santibåñez feignit de passer dans les rangs de Latorre et parvint ainsi Ă  le capturer et par lĂ  mĂȘme Ă  disperser ses effectifs.

Un groupe de dirigeants unitaires de Salta dĂ©posa Latorre et Ă©lut Ă  sa place l’ancien colonel JosĂ© Antonio FernĂĄndez Cornejo, qui reconnut l’autonomie de Jujuy. Fascio rentra Ă  Jujuy, laissant Ă  Salta une petite escorte, sous le commandement de Santibåñez, qui quelques jours plus tard fera assassiner Latorre dans sa cellule.

Latorre avait auparavant demandé la médiation du gouverneur de Buenos Aires Manuel Vicente Maza. Celui-ci envoya comme médiateur le général Facundo Quiroga, qui apprit la défaite et la mort de Latorre en arrivant à Santiago del Estero. De ce lieu, il aida Heredia à placer Pablo Alemån au gouvernorat de Jujuy et à celui de Salta son frÚre Felipe Heredia.

Mort et héritage de Quiroga

Alors qu’il s’en retournait vers le sud, et peu avant de pĂ©nĂ©trer dans la province de CĂłrdoba, le gĂ©nĂ©ral Quiroga fut assassinĂ©, dans la zone Ă©cartĂ©e de Barranca Yaco, par une escouade placĂ©e sous les ordres du capitaine Santos PĂ©rez et commanditĂ©e par les frĂšres ReynafĂ©. Les ReynafĂ© tentĂšrent de rejeter la responsabilitĂ© de la mort de Quiroga sur le santiagueño Ibarra, mais sa propre responsabilitĂ© s’imposa bientĂŽt avec Ă©vidence.

La nouvelle du crime provoqua une commotion dans le pays tout entier. Rosas fut appelĂ© Ă  endosser d’urgence le gouvernorat de Buenos Aires et se vit investi de la somme du pouvoir public (esp. suma del poder pĂșblico), savoir : la dictature la plus absolue. NĂ©anmoins, la lĂ©gislature continua de fonctionner.

Peu aprĂšs s’acheva le mandat de gouvernement de JosĂ© Vicente ReinafĂ©. À sa place fut d’abord nommĂ© Pedro Nolasco RodrĂ­guez, qui tenta de protĂ©ger les ReynafĂ©, mais remit sa dĂ©mission devant les preuves de leur participation au crime. Son successeur, Sixto Casanova, mit aux fers Santos PĂ©rez et les frĂšres ReynafĂ© ; peu de temps aprĂšs, la montonera que Francisco ReinafĂ© avait rĂ©ussi Ă  armer fut battue dans le nord de la province.

Le , le commandant du RĂ­o Tercero, Manuel LĂłpez, rentra Ă  la capitale provinciale et se fit Ă©lire gouverneur. Il expĂ©dia les frĂšres ReynafĂ© Ă  Buenos Aires, pour y ĂȘtre jugĂ©s pour le crime. Francisco, qui rĂ©ussit Ă  s’enfuir, sera l’unique survivant des ReynafĂ©, qui furent condamnĂ©s et exĂ©cutĂ©s.

Alejandro Heredia.

À peu de temps de la mort de Quiroga, une conspiration fut dĂ©couverte Ă  Mendoza, Ă  la suite de quoi le colonel Lorenzo Barcala, protĂ©gĂ© du ministre de San Juan, fut exĂ©cutĂ©.

Par une rĂ©action singuliĂšre, le gouverneur MartĂ­n YanzĂłn envahit la province de La Rioja avec une petite armĂ©e et avec le concours du commandant Ángel Vicente Peñaloza. Il escomptait un effet de surprise, mais le gĂ©nĂ©ral TomĂĄs Brizuela le vainquit non loin de la capitale provinciale. Brizuela envahit ensuite la province de San Juan, obligeant YanzĂłn Ă  s’enfuir au Chili. À sa place fut nommĂ© gouverneur Nazario BenavĂ­dez, protĂ©gĂ© de Rosas, qui sera un Ă©minent caudillo durant plus de vingt ans. Quelques mois aprĂšs, Brizuela lui-mĂȘme prit ses fonctions de gouverneur de La Rioja.

L’hĂ©gĂ©monie d’Heredia dans le nord

À la mi-1835, Javier LĂłpez et son neveu Ángel envahirent Salta Ă  partir du nord. Ils traversĂšrent les vallĂ©es CalchaquĂ­s, mais au moment de pĂ©nĂ©trer dans la province de TucumĂĄn, ils furent battus et fusillĂ©s, sur ordre d'Heredia, « car je n’ai pas trouvĂ© sur la terre d’endroit sĂ»r d’oĂč ils ne puissent plus par la suite causer des maux. »

Une fois dĂ©barrassĂ© des LĂłpez, le caudillo tucuman envahit la province de Catamarca, accusant son gouvernement d’ĂȘtre de connivence avec eux. Il vainquit le commandant d’armes Felipe Figueroa, et en lieu et place de Navarro fut Ă©lu gouverneur Fernando Villafañe, originaire de La Rioja, marionnette d’Heredia, qui devait accepter la perte de presque tout l'ouest de la province au bĂ©nĂ©fice de la province de TucumĂĄn, et qui dĂ©clara Heredia protecteur de la province par lui gouvernĂ©e.

Heredia, dĂšs lors, vint Ă  passer pour le protecteur des provinces du nord. Au dĂ©but de 1836, il dut se charger du commandement de l’armĂ©e du Nord, dans le cadre de la guerre contre la ConfĂ©dĂ©ration pĂ©ruano-bolivienne.

Au dĂ©but de 1838, quatre provinces — San Luis, Mendoza, La Rioja et Santiago del Estero — Ă©taient gouvernĂ©es par des gouverneurs qui avaient progressivement Ă©tĂ© dĂ©possĂ©dĂ©s de leur autonomie vis-Ă -vis de Rosas. Deux autres gouverneurs — ceux de San Juan et de CĂłrdoba — Ă©taient redevables de leur gouvernorat Ă  Rosas. EchagĂŒe Ă©galement, avec un Estanislao LĂłpez au dernier stade de sa maladie, se rapprocha de Rosas.

En revanche, dans le nord, de Catamarca jusqu’à Jujuy, l’hĂ©gĂ©monie d’Heredia Ă©tait totale.

Guerre civile en Uruguay

Si la Bande orientale s’était transformĂ©e entre-temps en RĂ©publique orientale de l’Uruguay, État indĂ©pendant, cette indĂ©pendance ne lui permettait pas d’isoler ses affaires complĂštement des conflits intĂ©rieurs de l’Argentine.

Le général Juan Antonio Lavalleja, héros des Trente-trois Orientaux, avait été supplanté par le général Fructuoso Rivera, qui avait accédé à la présidence en . Voyant le gouvernement miné par le dérÚglement et la corruption, Lavalleja tenta de le renverser, mais ses quatre tentatives successives échouÚrent totalement.

En 1835, le gĂ©nĂ©ral Manuel Oribe, partisan de Lavalleja, mais qui s’était montrĂ© lĂ©galiste en faveur de Rivera, fut Ă©lu prĂ©sident. Oribe s’efforça d’exercer le pouvoir de maniĂšre ordonnĂ©e, mais se heurta aux groupes corrompus installĂ©s par les ministres de son prĂ©dĂ©cesseur. Face Ă  la protection que Rivera continuait de leur donner, Oribe supprima la charge de commandant de campagne qui avait Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  Rivera vers la fin de son mandat.

En , aprĂšs qu’Oribe eut rĂ©tabli la fonction de commandant de campagne et placĂ© Ă  ce poste son propre frĂšre Ignacio Oribe, Rivera dĂ©clencha la rĂ©volution. Il rĂ©ussit pendant un temps Ă  dominer une partie du pays, mais fut battu le par Ignacio Oribe et Lavalleja lors de la bataille de CarpinterĂ­a, et dut s’exiler au BrĂ©sil. C’est durant cette bataille que les insignes traditionnels ― blancs pour les partisans d’Oribe, et rouges (colorado) pour les gens de Rivera ― furent utilisĂ©s pour la premiĂšre fois.

L’annĂ©e suivante, Rivera revint, avec l’appui de caudillos du Rio Grande do Sul, et aprĂšs avoir ralliĂ© plusieurs officiers argentins unitaires, exilĂ©s comme lui dans ce pays. Parmi eux figurait le gĂ©nĂ©ral Lavalle, qui dirigea l’armĂ©e lors de la bataille dĂ©cisive de Palmar, le .

Le blocus français et ses conséquences

Le roi des Français Louis-Philippe, dĂ©sireux de fonder un nouvel empire outremer, avait pour tactique soit de provoquer, soit d’agrĂ©er divers gouvernements faibles ou supposĂ©s tels. Parmi ceux-ci figurait l’Argentine : se saisissant de prĂ©textes puĂ©rils, ses reprĂ©sentants exigĂšrent de la part du gouverneur Rosas, entre autres vexations, le mĂȘme traitement pour la France que celui que le gouvernement de Buenos Aires rĂ©servait Ă  l’Angleterre. Devant le refus de Rosas, la flotte française riposta en bloquant fin 1837 le RĂ­o de la Plata et ses affluents. Ensuite, la France offrit de lever le blocus pour les provinces argentines qui rompraient avec Rosas.

Domingo Cullen (en). Portrait au fusain par Juan Zorrila de San MartĂ­n.

En , le ministre de Santa Fe Domingo Cullen (en) vint Ă  Buenos Aires, avec la mission d’opĂ©rer un rapprochement entre Rosas et l’amiral français. En retour, il mena avec celui-ci des nĂ©gociations sur la levĂ©e du blocus et sur l’exigence française de dĂ©saveu de l’autoritĂ© nationale de Rosas.

La mort d’Estanislao LĂłpez fit basculer la position politique de Cullen et le porta Ă  s’enfuir prĂ©cipitamment Ă  Santa Fe. LĂ , il se fit nommer gouverneur, toutefois ni Rosas ni EchagĂŒe ne le reconnurent en cette qualitĂ©, allĂ©guant comme motif qu’il Ă©tait espagnol. Le colonel Juan Pablo LĂłpez, frĂšre d’Estanislao, qui avait fait mouvement vers Santa Fe au dĂ©part de Buenos Aires, battit le le colonel Pedro RodrĂ­guez del Fresno, loyal Ă  Cullen. Celui-ci s’enfuit Ă  Santiago del Estero, et LĂłpez fut nommĂ© gouverneur.

En , l’escadre française s’empara violemment de l’üle Martín García, sans que Rosas acceptñt pour autant d’entamer des pourparlers sur les exigences de la France.

Exploitant la faiblesse du prĂ©sident Oribe, l’escadre française exigea son concours au blocus des ports argentins, mais Oribe maintint sa neutralitĂ©. En rĂ©action, le capitaine français bloqua aussi Montevideo.

Sa capitale assiĂ©gĂ©e par terre et par mer, et sous la menace d’un pilonnage par la flotte française, Oribe prĂ©senta sa dĂ©mission Ă  la prĂ©sidence le , s’y dĂ©clarant contraint par la violence[. 14] - [19].

Oribe cependant continua de se considĂ©rer prĂ©sident, mais ne put exercer la fonction en raison de circonstances qui lui Ă©taient Ă©trangĂšres ; une telle attitude allait acquĂ©rir une grande importance plusieurs annĂ©es plus tard. Il gagna Buenos Aires, oĂč Rosas le reçut comme le prĂ©sident constitutionnel.

Rivera assuma la dictature jusqu’au , date Ă  laquelle il fut Ă©lu prĂ©sident. La premiĂšre mesure de son gouvernement sera de dĂ©clarer la guerre Ă  Rosas[. 15]. D’autre part, il rompit son alliance avec les caudillos du RĂ­o Grande, pour se liguer avec l’Empire du BrĂ©sil.

La coalition du Nord

Les premiÚres rébellions dans le nord

Le premier acte de rĂ©bellion des libĂ©raux dans le nord consista Ă  assassiner le gouverneur tucuman Alejandro Heredia en . Si l’assassin voulut certes venger une offense personnelle[20], il bĂ©nĂ©ficia par ailleurs de l’aide de plusieurs dirigeants unitaires.

Heredia Ă©liminĂ©, les nouveaux gouvernants s’attelĂšrent Ă  organiser une opposition — fort prudente dans ses dĂ©buts — contre Rosas. Parmi eux se dĂ©tachaient JosĂ© Cubas, de Catamarca, et Marco Avellaneda, de TucumĂĄn. Au dĂ©but, il y eut apparence qu'Ibarra dĂ»t s’unir Ă  eux, Ă  l’instigation de Cullen, qui s’était rĂ©fugiĂ© Ă  Santiago del Estero.

En , avec le concours d’Ibarra et de Cubas, Ă©clata Ă  CĂłrdoba une rĂ©volution contre Manuel LĂłpez. Une colonne partie de Catamarca, sous le commandement de Pedro Nolasco RodrĂ­guez, arriva trop tard pour pouvoir aider les rĂ©volutionnaires, qui avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© vaincus ; Nolasco RodrĂ­guez les enrĂŽla dans sa petite armĂ©e, mais fut battu par le gouverneur de Salta et fusillĂ©.

Peu aprĂšs, Rosas exigea d’Ibarra la capture de Cullen, lequel fut envoyĂ© Ă  Buenos Aires. À peine eĂ»t-il mis le pied sur le territoire de la province, fin juin, qu’il fut fusillĂ© par ordre de Rosas.

EchagĂŒe contre BerĂłn de Astrada et Rivera

Le brigadier Pascual EchagĂŒe (en).

En fut nommĂ© gouverneur de la province de Corrientes Genaro BerĂłn de Astrada, dont la prĂ©occupation centrale Ă©tait la libertĂ© de navigation sur le fleuve ParanĂĄ. Il entra pour cette raison en conflit avec Rosas et tĂącha d’obtenir l’alliance de Cullen. AprĂšs la fuite de ce dernier, BerĂłn se lança dans une rĂ©bellion contre Rosas, sans y ĂȘtre prĂ©parĂ©, mĂȘme si ce fut en tant qu’alliĂ© nominal des Ă©migrĂ©s unitaires de Montevideo et de Fructuoso Rivera. Cette alliance, si elle le compromit complĂštement, ne lui valut en contrepartie aucune aide.

BerĂłn rĂ©unit une armĂ©e de 5 000 hommes, sans organisation ni instruction militaire, qui fut rapidament dĂ©faite par le gouverneur d’Entre RĂ­os Pascual EchagĂŒe lors de la bataille de Pago Largo, le . Les Correntins laissaient sur le champ de bataille plus de 1000 prisonniers et prĂšs de 2 000 morts, dont BerĂłn de Astrada lui-mĂȘme[. 16] - [21].

La province de Corrientes passa briÚvement aux mains des fédéralistes, qui nommÚrent gouverneur José Antonio Romero.

DĂ©livrĂ© de l’ennemi intĂ©rieur, EchagĂŒe envahit l’Uruguay le , accompagnĂ© par Juan Antonio Lavalleja. Rivera l’attendit dans le nord du pays, et par un lent mouvement de retraite parvint Ă  l’éloigner de ses bases, tandis que lui-mĂȘme accueillait de nouveaux renforts. AprĂšs une paire de combats mineurs, les 3 000 hommes de Rivera battirent les 6000 d’EchagĂŒe dans la bataille de Cagancha le .

Les Libres du sud

À Buenos Aires, la position intĂ©rieure de Rosas paraissait solide aprĂšs l’élimination des unitaires et des fĂ©dĂ©ralistes du courant lomos negros. Mais le blocus français du RĂ­o de la Plata, mis en place Ă  partir de 1838, fit naĂźtre deux nouveaux groupes de mĂ©contents : les jeunes romantiques, aux yeux de qui la France reprĂ©sentait le plus haut degrĂ© de la civilisation universelle, et les fermiers, lĂ©sĂ©s Ă©conomiquement par le blocus, car empĂȘchĂ©s d’exporter du bĂ©tail.

Rosas dĂ©cida de rĂ©soudre la crise financiĂšre que le blocus lui occasionnait en exigeant le paiement des redevances arriĂ©rĂ©es des Ă©leveurs emphytĂ©otes, que ceux-ci ne payaient plus depuis de longues annĂ©es. Ensuite, peu aprĂšs, il exigea des emphytĂ©otes qu’ils achetassent leurs terres ou les cĂ©dassent Ă  l’autoritĂ© provinciale. Un groupe de fermiers du sud de la province de Buenos Aires, oĂč l’emphytĂ©ose prĂ©dominait, rĂ©solut de se dĂ©barrasser de Rosas. Avec l’aide des unitaires Ă©tablis Ă  Montevideo, ils planifiĂšrent une campagne militaire commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Lavalle, qui devait effectuer un dĂ©barquement au sud de Buenos Aires et venir appuyer les fermiers en rĂ©volte.

Ils escomptaient coordonner leur action avec une rĂ©volution dans la ville de Buenos Aires, qui eĂ»t Ă©tĂ© dirigĂ©e par le colonel RamĂłn Maza, fils de l’ancien gouverneur Manuel Maza, cependant ce dernier fut assassinĂ© et son fils fusillĂ©. Cela dĂ©cida les conspirateurs du sud de la province Ă  se lancer dans la rĂ©volution, laquelle donc Ă©clata Ă  Dolores le , menĂ©e par Ambrosio CrĂĄmer, Pedro Castelli (fils de Juan JosĂ© Castelli) et Manuel Leoncio Rico, qui mirent peu aprĂšs leur armĂ©e improvisĂ©e en garnison dans le village de ChascomĂșs. Toutefois, la perspective de recevoir l'aide de Lavalle s’était depuis Ă©vanouie, celui-ci ayant en effet dĂ©cidĂ© d’envahir Entre RĂ­os.

Le colonel Prudencio Rosas, frĂšre du gouverneur, les attaqua le dans la bataille de ChascomĂșs, lors de laquelle le colonel NicolĂĄs Granada — aprĂšs la fuite de Prudencio Rosas — battit les rĂ©volutionnaires. La majeure partie des gauchos se rendirent, et, sur ordre de Rosas, furent graciĂ©s. CrĂĄmer pĂ©rit sur le champ de bataille et Castelli fut tuĂ© lors de sa poursuite, au-delĂ  de Dolores. D’autres meneurs du mouvement rĂ©ussirent Ă  s’exiler, parmi lesquels Rico, qui se joignit Ă  l’armĂ©e de Lavalle[22] - [23].

La campagne de Lavalle de 1839

Lavalle, qui, convaincu par l’écrivain et juriste Florencio Varela, s’était joint aux campagnes contre Rosas, gagna, en compagnie de plusieurs officiers, l’üle MartĂ­n GarcĂ­a, encore aux mains des Français, et y constitua une petite armĂ©e de volontaires.

Cependant, aprĂšs que lui fut parvenue la nouvelle de l’invasion de l’Uruguay par EchagĂŒe, il se ravisa et, par loyautĂ© envers ses protecteurs uruguayens, se dirigea vers la province d’Entre RĂ­os Ă  bord de navires français. Il dĂ©barqua Ă  GualeguaychĂș, aux cĂŽtĂ©s de chefs militaires prestigieux comme TomĂĄs de Iriarte, Martiniano Chilavert (en), JosĂ© ValentĂ­n de OlavarrĂ­a et Manuel Hornos. Les effectifs ne dĂ©passaient pas les 400 hommes, et Lavalle les disposa comme une montonera, composĂ©e de miliciens enthousiastes mais sans discipline ni organisation. Plusieurs parmi eux avaient rejoints la troupe en qualitĂ© de citoyens et se considĂ©raient francs des obligations militaires des troupes de ligne[24].

Ces troupes avancĂšrent vers le nord et, en dĂ©pit de leur infĂ©rioritĂ© numĂ©rique, vainquirent les milices du gouverneur supplĂ©ant Vicente Zapata lors de bataille de YeruĂĄ, le . Lavalle escompta que la province se prononçùt en sa faveur, mais la population d’Entre RĂ­os demeura loyale Ă  son gouverneur.

La nouvelle de YerĂșa dĂ©cida les libĂ©raux de Corrientes Ă  dĂ©clencher une rĂ©volution, Ă  la suite de laquelle Pedro FerrĂ© fut nommĂ© gouverneur le . Comme il ne disposait d’aucune armĂ©e, FerrĂ© appela Lavalle Ă  Corrientes et le plaça Ă  la tĂȘte des milices. D’autre part, il signa un traitĂ© avec Rivera, prĂ©voyant que celui-ci se joignĂźt Ă  la campagne militaire contre Rosas qu’on Ă©tait occupĂ© Ă  planifier. Le commandement suprĂȘme des armĂ©es anti-rosistes fut attribuĂ© Ă  Rivera en Ă©change d’une aide militaire qui arriverait « au moment opportun », lequel « moment opportun » ne survint que prĂšs de trois annĂ©es plus tard.

Juan Pablo LĂłpez, gouverneur de la province de Santa Fe, envahit le sud-ouest de Corrientes, mais Lavalle Ă©vita de l’affronter, prĂ©fĂ©rant appliquer une stratĂ©gie d’attrition par une succession de manƓuvres, jusqu’à ce que LĂłpez perdĂźt patience et regagnĂąt sa province.

Formation de la Coalition du nord

Les provinces membres de la Coalition du nord' (figurées en bleu ciel) et les provinces coalisées dans la Ligue fédéraliste menée par Juan Manuel de Rosas (en rose), en 1840. Coalition du nord et Ligue fédéraliste faisaient partie de la Confédération argentine.

Voyant que l’opposition tendait Ă  se renforcer dans le nord, Rosas envoya le gĂ©nĂ©ral Lamadrid rĂ©cupĂ©rer les armements dont il avait pourvu Heredia en vue de la guerre contre Santa Cruz ; ce choix insolite s’explique par le fait que Rosas croyait sincĂšre le passage du gĂ©nĂ©ral tucuman au camp fĂ©dĂ©raliste. Il est mĂȘme possible qu’il en fĂ»t rĂ©ellement ainsi, mais qu’en mĂȘme temps Lamadrid fĂ»t particuliĂšrement inconsĂ©quent : le , la province de TucumĂĄn nomma Lamadrid commandant en chef de l’armĂ©e provinciale et retira Ă  Rosas sa compĂ©tence dĂ©lĂ©guĂ©e en matiĂšre de relations extĂ©rieures[25].

En moins d’un mois, Avellaneda sut convaincre les autres gouvernements provinciaux du nord d’imiter sa sĂ©dition : Salta, Jujuy, Catamarca et La Rioja se joignirent Ă  lui. Le , cette Coalition du nord fut sanctionnĂ©e par un traitĂ© qui, s’il Ă©tait assez explicite quant Ă  ses objectifs, ne donnait formellement corps Ă  aucun mode d’organisation interprovinciale. Pour achever de convaincre le gouverneur de La Rioja, TomĂĄs Brizuela, on le nomma commandant en chef de l’armĂ©e de la Coalition. Le seul gouverneur du nord Ă  refuser de se joindre Ă  eux fut Juan Felipe Ibarra, de la province de Santiago del Estero.

Lamadrid et Lavalle — expressĂ©ment ou tacitement — s’accordĂšrent sur une stratĂ©gie qui eĂ»t pu ĂȘtre efficace : Lavalle devait traverser Entre RĂ­os, en battant le gouverneur EchagĂŒe, et Lamadrid devait traverser CĂłrdoba, en battant Manuel « Quebracho » LĂłpez. Ensuite, les deux armĂ©es devaient mener une offensive sur Buenos Aires.

Fin juin, Lamadrid fit mouvement vers le sud. Lorsque l’armĂ©e tucumane fut parvenue a Albigasta, entre Catamarca et Santiago, le colonel Celedonio GutiĂ©rrez la dĂ©serta avec quelque 200 miliciens et passa dans les rangs d’Ibarra ; Lamadrid alors se replia sur TucumĂĄn. Au mĂȘme moment, le commandant des dĂ©partements du nord, Sixto Casanova, se soulevait Ă  CĂłrdoba, mais fut totalement dĂ©fait par LĂłpez. La stratĂ©gie combinĂ©e avait donc Ă©chouĂ©.

Peu aprÚs, à Santiago del Estero, un sanglant soulÚvement contre le gouverneur Ibarra avorta et fut cruellement réprimé.

Dans la seconde moitiĂ© de 1840, Lamadrid et ses troupes se mirent en route pour La Rioja. Le gĂ©nĂ©ral Aldao vint Ă  sa rencontre ; celui-ci cependant, aprĂšs une escarmouche mineure, dut regagner sa province afin d’y rĂ©primer un soulĂšvement unitaire.

Lamadrid poursuivit sa route vers CĂłrdoba. LĂłpez ne se trouvait pas dans la capitale provinciale, s’étant en effet rendu, dans la crainte d’une invasion de Lavalle, dans le sud de la province avec ses milices. Lorsqu’ils apprirent l’arrivĂ©e de Lamadrid, les unitaires destituĂšrent le gouverneur supplĂ©ant le et accueillirent Lamadrid en triomphe. Le nouveau gouverneur JosĂ© Francisco Álvarez adhĂ©ra Ă  la Coalition du nord.

Le gouverneur de Salta, Manuel SolĂĄ, envahit Santiago del Estero fin octobre avec 500 hommes de troupe, et Ă©leva le colonel Mariano Acha au titre de chef d’état-major. Ibarra appliqua la politique de la terre rase, de sorte que SolĂĄ dut continuer son chemin en direction de CĂłrdoba.

Campagne de Lavalle de 1840

Le , FerrĂ© dĂ©clara la guerre Ă  Rosas, et le , Lavalle commença son avancĂ©e sur Entre RĂ­os. Une expĂ©dition partie concomitamment avec celle de Lavalle et placĂ©e sous le commandement de l’ancien gouverneur de Santa Fe Mariano Vera et du cordobĂ©s Francisco ReinafĂ©, progressait par les terres vers Santa Fe. Mais le , elle fut totalement dĂ©faite Ă  CayastĂĄ, et les commandants pĂ©rirent tous deux dans la bataille.

Le , les armĂ©es d’EchagĂŒe et de Lavalle s’affrontĂšrent dans la bataille de Don CristĂłbal, qui vit le triomphe de Lavalle, bien que celui-ci ne sĂ»t pas mettre Ă  profit son avantage. Une semaine plus tard, Fructuoso Rivera envahit Entre RĂ­os, s’emparant de la ville (argentine) de ConcepciĂłn del Uruguay.

EchagĂŒe adopta une position dĂ©fensive aux abords de la capitale provinciale, entourĂ©e de dĂ©fenses naturelles. Durant prĂšs de trois mois, les armĂ©es restĂšrent l’une en face de l’autre sans combattre, pendant que Rosas faisait parvenir Ă  EchagĂŒe d’importants renforts.

Finalement, le , Lavalle se rĂ©solut Ă  attaquer les positions d’EchagĂŒe dans la bataille de Sauce Grande. Il fut repoussĂ© avec de lourdes pertes, mais cette fois, ce fut EchagĂŒe qui ne sut exploiter son avantage : Lavalle manƓuvra son armĂ©e en direction de Punta Gorda (l’actuel Diamante), oĂč il l’embarqua sur la flotte française.

Les fĂ©dĂ©ralistes crurent qu’il se retirait vers Corrientes. Cependant, dans un mouvement hardi, Lavalle dĂ©barqua Ă  San Pedro, dans la province de Buenos Aires, d’oĂč il se dirigea sur Buenos Aires. Il escomptait, pour entrer dans la capitale, l’appui de la population, mais celle-ci demeura loyale Ă  Rosas : Ă  mesure qu’il s’approchait de la ville, il se heurtait Ă  plus en plus d’ennemis. Il arriva jusqu’à Merlo, oĂč il fit halte. Tandis qu’il attendait la survenue d’un coup d’État en sa faveur, Rosas pour sa part organisait un campement militaire Ă  Santos Lugares et, derriĂšre lui, se renforçaient les forces du gĂ©nĂ©ral Pacheco.

La caserne de Santos Lugares (aujourd'hui dans l'agglomĂ©ration de Buenos Aires), d’oĂč Rosas organisa la dĂ©fense contre l’invasion de Lavalle. La photographie est de 1901, de peu antĂ©rieure Ă  sa dĂ©molition.

Dans le nord de la province surgit l’armĂ©e de Santa Fe du gouverneur Juan Pablo LĂłpez. Lavalle dĂ©cida de faire ce qui Ă©tait inĂ©vitable, et utilisa LĂłpez comme faux-fuyant : il leva son campement et le poursuivit jusque dans sa province.

AprĂšs que Lavalle se fut retirĂ© Ă©clata dans Buenos Aires une sanglante persĂ©cution Ă  l’encontre des opposants, dont beaucoup furent assassinĂ©s, dĂ©pouillĂ©s de leurs biens ou mis en dĂ©tention par la Mazorca. Au bout de deux semaines d’exactions, la persĂ©cution cessa complĂštement sur ordre de Rosas. De semblables jours de terreur se rĂ©pĂ©teront en , et cesseront de mĂȘme sur ordre de Rosas.

La marche de l’armĂ©e unitaire fut fort lente, en raison du pesant parc de chariots, chargĂ©s de centaines d’exilĂ©s, que Lavalle emportait lors de sa retraite. Aussi LĂłpez put-il se dĂ©rober Ă  lui et unir ses forces Ă  celles de Pacheco et Ă  celles amenĂ©es d’Entre RĂ­os par l’ancien prĂ©sident uruguayen Oribe. Sur instruction de Rosas, ce dernier prit le commandement de l’armĂ©e fĂ©dĂ©raliste.

Lavalle s’empara de Santa Fe, mais sa cavalerie fut dĂ©faite. Peu aprĂšs, il apprit la nouvelle de l’entrĂ©e de Lamadrid dans CĂłrdoba, et de la signature du traitĂ© Mackau-Arana entre la ConfĂ©dĂ©ration argentine et la France, qui eut pour effet la levĂ©e du blocus français : la flotte portĂšgne commandait Ă  prĂ©sent le fleuve ParanĂĄ. Aussi convint-il avec Lamadrid qu’il regagnerait CĂłrdoba et que tous deux uniraient leurs troupes pour anĂ©antir « Quebracho » LĂłpez et envahir ensuite Buenos Aires. Ils convinrent de se rassembler dans la localitĂ© de Quebracho Herrado, dans l’extrĂȘme est de la province de CĂłrdoba, le . Lavalle se mit en marche dans cette direction le , toutefois les tenaces poursuites d’Oribe et l’encombrant fardeau des chariots, inutiles militairement, l’empĂȘchĂšrent d’arriver le jour dit.

Sans aucune nouvelle de Lavalle, Lamadrid, sans en aviser d’abord son alliĂ©, se dirigea vers le sud Ă  la recherche de LĂłpez. Lamadrid n’y Ă©tait donc plus lorsque Lavalle finit par arriver Ă  destination ; il fut alors attaquĂ© et totalement vaincu par Oribe et Pacheco dans la bataille de Quebracho Herrado, le [26].

Retraite des unitaires

La campagne de Juan Lavalle, depuis son dĂ©part d’Uruguay jusqu’à sa mort Ă  San Salvador de Jujuy. En vert, les provinces de la Coalition du nord.

Ce qui subsistait de l’armĂ©e de Lavalle se replia vers la ville de CĂłrdoba. AprĂšs s’ĂȘtre rĂ©ciproquement adressĂ© des rĂ©criminations, Lavalle et Lamadrid se mirent d’accord pour se retirer vers le nord ; ils rĂ©partirent leurs troupes en plusieurs colonnes de route, qui se dirigĂšrent vers diffĂ©rentes provinces.

Lamadrid se retira jusqu’à TucumĂĄn, Ă  l’effet d'y rĂ©organiser son armĂ©e. Il envoya le colonel Acha Ă  Santiago del Estero tenter une nouvelle fois de vaincre Ibarra, mais Acha Ă©choua et s’enfuit Ă  Catamarca. À Salta, le gouverneur Miguel Otero Ă©tait passĂ© dans les rangs fĂ©dĂ©ralistes, appuyĂ© par plusieurs caudillos ruraux, en particulier par JosĂ© Manuel Saravia, beau-frĂšre d’Ibarra. Lamadrid, et peu aprĂšs Avellaneda, se transportĂšrent vers cette province pour aider SolĂĄ Ă  vaincre Saravia. Cependant Salta cessa presque de prĂȘter son concours aux campagnes militaires suivantes.

Lavalle se dirigea sur La Rioja, oĂč toutefois il ne parvint pas Ă  trouver un accord avec Brizuela, et, se sĂ©parant de lui, s’établit Ă  Famatina. Entre-temps, il envoya vers les provinces de Cuyo sa meilleure division, commandĂ©e par le colonel JosĂ© MarĂ­a Vilela, Ă  soutenir le gouvernement rĂ©volutionnaire de San Luis et la rĂ©volution unitaire de Mendoza, qui Ă©tait dĂ©jĂ  vaincue. Dans les premiers jours de , Aldao et le colonel Pablo Lucero eurent raison des unitaires dans la sierra de las Quijadas, et Vilela subit une dĂ©faite totale face Ă  Pacheco lors de la bataille de San Cala, le .

Aldao s’empara de La Rioja et avança vers le nord, laissant Lavalle sur son flanc gauche, et le commandant en premier de ses avant-garde, JosĂ© MarĂ­a Flores, infligea une dĂ©faite totale Ă  Acha, le contraignant Ă  se rĂ©fugier en Catamarca, province sur laquelle Lavalle vint Ă©galement se replier.

Brizuela de son cÎté fut vaincu et tué par un officier de ses propres troupes à Sañogasta. Ensuite, les colonels Mariano Maza et Hilario Lagos occupÚrent Catamarca avec des forces venues de Buenos Aires.

Campagne militaire de Cuyo

Lavalle nĂ©anmoins avait rĂ©ussi Ă  gagner cette quantitĂ© de temps dont avait besoin Lamadrid pour rĂ©organiser son armĂ©e dans la province de TucumĂĄn. DĂšs qu’il fut prĂȘt, Lamadrid fit route vers le sud et retrouva Lavalle dans la province de Catamarca. LĂ , ils dĂ©cidĂšrent de se scinder en deux : pendant que Lavalle resterait dans TucumĂĄn Ă  attendre Oribe, Lamadrid marcherait sur Cuyo.

Lamadrid fit donc mouvement vers La Rioja, oĂč il incorpora Ă  ses troupes celles du Chacho Peñaloza, et envoya Acha Ă  San Juan. Ce dernier, Ă  la tĂȘte de quelque 800 hommes, surprit le gouverneur BenavĂ­dez aux portes de San Juan et dispersa ses troupes. Le lendemain , il dĂ©truisit complĂštement les forces pourtant trĂšs supĂ©rieures d’Aldao lors de la bataille d’Angaco, quoiqu’il y perdĂźt la moitiĂ© de ses hommes, et occupa dans la foulĂ©e San Juan.

Entre-temps cependant, BenavĂ­dez Ă©tait parvenu Ă  rĂ©organiser ses troupes et attaqua Acha, pris au dĂ©pourvu, dans la ville de San Juan, lors de la bataille dite de La Chacarilla (du nom d’une caserne de la ville) ; en dĂ©pit de son hĂ©roĂŻque dĂ©fense, Acha fut totalement battu, fait prisonnier le , et exĂ©cutĂ© quelques semaines plus tard par le vindicatif Aldao[27].

Lamadrid arriva Ă  San Juan quelques jours aprĂšs et la trouva abandonnĂ©e par les fĂ©dĂ©ralistes. De lĂ , il continua vers Mendoza, oĂč il se fit nommer gouverneur et attendit Aldao. Celui-ci toutefois s’était joint aux divisions de BenavĂ­dez et de Pacheco. Ce dernier se saisit du commandement de l’armĂ©e et vainquit Lamadrid dans la batalla de Rodeo del Medio, le . Les rĂ©sidus de l’armĂ©e unitaire durent traverser la cordillĂšre des Andes, alors complĂštement enneigĂ©e, en direction du Chili.

Mises Ă  mort dans le nord

La bataille de FamaillĂĄ.

Oribe traversa la province de Santiago del Estero, oĂč il unit ses forces Ă  celles d'Aldao, de Maza et de Lagos, et aux renforts venus du Litoral emmenĂ©s par Eugenio GarzĂłn. De lĂ , il marcha sur TucumĂĄn, affrontant Lavalle le dans la bataille de FamaillĂĄ, et remportant une victoire totale.

Les vaincus se repliĂšrent sur la province de Salta, oĂč Lavalle voulut organiser la rĂ©sistance. Toutefois, les Correntins qui l’avaient accompagnĂ© depuis leur province l’abandonnĂšrent[28]. Ensuite, il se replia sur Jujuy, oĂč il sera tuĂ© fortuitement par une troupe fĂ©dĂ©raliste. Sa dĂ©pouille fut transportĂ©e en Bolivie par les soins de ses officiers, emmenĂ©s par Juan Esteban Pedernera.

Avellaneda s’échappa en direction du nord, mais fut remis Ă  Oribe par le chef de son escorte. Par ordre du colonel portĂšgne Mariano Maza, et en prĂ©sence d’Oribe, il fut dĂ©capitĂ© Ă  MetĂĄn, dans l’est de la province de Salta, en mĂȘme temps que plusieurs officiers, parmi lesquels le colonel Vilela.

Restait encore Catamarca. Le colonel Mariano Maza envahit cette province et battit le gouverneur Cubas le , dans le centre mĂȘme de la ville de San Fernando del Valle de Catamarca. Cubas et ses officiers furent fusillĂ©s le jour mĂȘme sur la place de Catamarca. La Coalition du nord avait ainsi succombĂ© et disparut.

Épilogue : campagnes militaires de Peñaloza contre Rosas

Les Ă©migrĂ©s argentins au Chili conçurent de nouveaux plans pour reprendre le pouvoir dans le nord de l’Argentine. La campagne la plus audacieuse fut celle menĂ©e par le « Chacho » Peñaloza. Celui-ci, avec Ă  ses cĂŽtĂ©s MartĂ­n YanzĂłn, ancien gouverneur de San Juan, TristĂĄn DĂĄvila, FlorentĂ­n Santos de LeĂłn et d’autres officiers, se lança, Ă  la tĂȘte de guĂšre plus d’une centaine d’hommes de troupe, de la ville chilienne de CopiapĂł pour arriver en Ă  San JosĂ© de JĂĄchal, dans la province de San Juan, oĂč vint se joindre Ă  eux un personnage qui sera controversĂ© par la suite, Felipe Varela. Le gouverneur BenavĂ­dez sortit les pourchasser, de sorte qu’ils durent se replier vers le nord, en envahissant l’ouest de la province de Catamarca.

El Chacho parvint Ă  occuper La Rioja pendant quelques jours, et Ă  partir de lĂ  se rendit dans les plaines du sud-est de la province, oĂč il rĂ©ussit Ă  rĂ©unir un nombre important de volontaires. Il revint Ă  La Rioja en juin, tout en esquivant BenavĂ­dez, qui nomma Lucas Llanos gouverneur, et passa Ă  Catamarca, oĂč il fut battu par le gouverneur Santos Nieva y Castilla, puis de lĂ  se rendit Ă  Santiago del Estero, poursuivi par BenavĂ­dez.

Il envahit la province de TucumĂĄn et, aprĂšs avoir vaincu le gouverneur GutiĂ©rrez, occupa la capitale provinciale. Manquant de chevaux, il envoya ses troupes en chercher ; c’est Ă  ce moment qu’il fut attaquĂ© et dĂ©fait par BenavĂ­dez Ă  El Manantial, non loin de la ville.

Force lui fut de se retirer vers le sud, par les localitĂ©s de TafĂ­ del Valle, de Santa MarĂ­a (oĂč il fut rejoint et oĂč fut tuĂ© le colonel YanzĂłn), de FiambalĂĄ, de Vinchina, et finalement de JĂĄchal. Peu de jours plus tard, FlorentĂ­n Santos subit une dĂ©faite dans les vallĂ©es Calchaquies, pour ĂȘtre fusillĂ© peu aprĂšs. Au lieu de fuir, il retourna dans les plaines par Famatina, plaines oĂč son Ă©norme prestige parmi les gauchos lui permit de recomposer ses troupes et de les Ă©quiper gĂ©nĂ©reusement.

BenavĂ­dez, qui avait d’abord retardĂ© de six mois sa contre-offensive, battit Peñaloza en Ă  Ilisca, dans l’ouest des plaines de La Rioja. Le caudillo dut fuir vers Vinchina, oĂč il remporta une petite victoire, Ă  la suite de laquelle il fusilla le chef vaincu, par un acte de cruautĂ© rare chez lui. Cependant, proche dĂ©jĂ  de la CordillĂšre, il fut derechef vaincu Ă  Leoncito, et finit comme rĂ©fugiĂ© au Chili, oĂč, lorsqu’on lui demandait comment il se portait, il avait coutume de rĂ©pondre : « Comment cela pourrait-il aller pour moi ? Au Chili, et Ă  pied ! » (ÂżCĂłmo me hai d'ir? ÂĄEn Chile y a pie!).

En , entreprenant une nouvelle tentative, il occupa la zone des plaines de La Rioja, mais fut battu par le gouverneur de la Rioja HipĂłlito Tello, lors de la bataille de Telarillo. Il prit la fuite Ă  San Juan, oĂč BenavĂ­dez lui accorda l’asile[29] - [30].

L’alliance anti-rosiste dans le Litoral

CaaguazĂș et la contre-attaque de Paz

Pedro FerrĂ© avait mis sur pied une troisiĂšme armĂ©e correntine contre Rosas, et l’avait placĂ©e sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Paz. AprĂšs s’ĂȘtre dĂ©barrassĂ© de Lavalle, en , EchagĂŒe envahit Corrientes. AprĂšs quelques affrontements mineurs, le chef envahisseur se retira sur sa province, car Lavalle Ă©tait sur le point d’occuper Santa Fe. Paz eut donc quelques mois supplĂ©mentaires pour rĂ©organiser son armĂ©e. Il obtint que quelques officiers de carriĂšre, venus de Montevideo, consentissent Ă  s’enrĂŽler. FerrĂ© conclut avec Rivera un nouveau traitĂ©, le seul traitĂ© Ă  avoir conduit celui-ci Ă  envahir effectivement l’Argentine.

Rosas envoya Ă  Oribe tous les hommes disponibles ; mais, avant mĂȘme l’arrivĂ©e de cette aide attendue, EchagĂŒe envahit Corrientes en . Paz se retira vers le rĂ­o Corriente, laissant l’avant-garde aux mains du gĂ©nĂ©ral Ángel NĂșñez et de JoaquĂ­n Madariaga. Peu aprĂšs arrivĂšrent Ă  Corrientes les survivants correntins des campagnes de Lavalle, porteurs de la nouvelle de la dĂ©faite dĂ©finitive de Lavalle Ă  FamaillĂĄ. Vers la mĂȘme Ă©poque arriva Ă©galement Ă  Corrientes un Ă©missaire de Juan Pablo LĂłpez, gouverneur de Santa Fe, chargĂ© d’entamer des pourparlers en vue d’une alliance de sa province avec Corrientes.

L’armĂ©e d’EchagĂŒe comprenait 5000 vĂ©tĂ©rans, et plusieurs chefs fort capables tels que Servando GĂłmez et Juan Bautista Thorne, mĂȘme si le plus compĂ©tent de ses gĂ©nĂ©raux, Justo JosĂ© de Urquiza, ne se trouvait pas alors parmi eux. Le , EchagĂŒe attaqua de front la position dĂ©fensive de Paz ; la retraite feinte de la cavalerie de celui-ci attira les cavaliers d’Entre RĂ­os dans un piĂšge parfait, oĂč ils furent totalement dĂ©faits, subissant 1356 pertes, morts et blessĂ©s, et laissant 800 prisonniers ; c’est de trĂšs peu qu’EchagĂŒe lui-mĂȘme eut la vie sauve[31].

Tandis que dans la province d’Entre RĂ­os le gĂ©nĂ©ral Urquiza succĂ©dait Ă  EchagĂŒe en tant que gouverneur, le gĂ©nĂ©ral Paz envahit ladite province dĂ©but . Dans le mĂȘme temps, Rivera de son cĂŽtĂ© envahissait Ă©galement le territoire d’Entre RĂ­os au dĂ©part de l’Uruguay. Rivera Ă©tait, nominalement, le commandant en chef de l’armĂ©e unie ; mais Paz, qui ne se fiait pas Ă  lui, prit les devants et s’empara de la ville de ParanĂĄ le . Urquiza se rĂ©fugia dans les Ăźles du delta du ParanĂĄ, et gagna Buenos Aires pour une courte pĂ©riode.

Les envahisseurs Ă©lurent gouverneur Pedro Pablo SeguĂ­, qui mit en place une lĂ©gislature qui lui fĂ»t dĂ©vouĂ©e. Peu aprĂšs arriva Ă©galement dans la ville de ParanĂĄ Pedro FerrĂ©, dĂ©sireux de toucher de fortes indemnisations aux dĂ©pens de la province vaincue. Paz cependant s’érigea en dĂ©fenseur des droits des Entrerrianos, ce pourquoi la lĂ©gislature le dĂ©signa gouverneur.

En rĂ©action, FerrĂ© s’en retourna le dans sa province, en ramenant avec lui toute son armĂ©e. Il ne restait plus Ă  Paz, en fait de troupes, que les prisonniers entrerrianos de CaaguazĂș et les miliciens de ParanĂĄ. Rivera de son cĂŽtĂ© s’appliqua Ă  faire main basse sur tout le bĂ©tail qu’il rencontrait sur son chemin de retour vers l’Uruguay.

L’inopportun changement de camp de Juan Pablo López

Le gouverneur de Santa Fe, Juan Pablo LĂłpez, avait Ă©tabli des contacts avec des opposants Ă  Rosas dĂšs le dĂ©but de 1840. Cependant, ayant Ă©tĂ© dĂ©sarmĂ© par Lavalle d’abord, puis par le colonel Jacinto Andrada (qui s’en Ă©tait allĂ© vers l’intĂ©rieur en compagnie d’Oribe), il n’osa point se soulever contre Rosas. Il crut l’heure venue aprĂšs la dĂ©faite fĂ©dĂ©raliste de CaaguazĂș, et signa le avec le ministre Santiago Derqui une alliance formelle avec Corrientes.

Toutefois, les dissensions entre FerrĂ© et Paz eurent pour effet de priver LĂłpez de toute aide extĂ©rieure. Rosas dĂ©pĂȘcha contre lui l’armĂ©e d’Oribe, que composaient la division d'Andrada, originaire de Santa Fe, et une autre division envoyĂ©e de Buenos Aires, dirigĂ©e par Pascual EchagĂŒe, natif de Santa Fe, avec une avant-garde sous le commandement du colonel MartĂ­n Santa Coloma. Ce dernier battit les troupes de Santa Fe Ă  Monte Flores, et dans la foulĂ©e s’empara de Rosario.

Peu aprĂšs, Oribe vint lui aussi. LĂłpez se replia vers le nord, en chargeant le gĂ©nĂ©ral Juan ApĂłstol MartĂ­nez de couvrir sa retraite. Celui-ci cependant fut battu et fusillĂ© ; de plus, son sacrifice s’avĂ©ra inutile, puisque quelques jours plus tard, LĂłpez fut rattrapĂ© et vaincu par Andrada Ă  ColastinĂ©, dans la banlieue de Santa Fe. Il s’enfuit vers Corrientes avec le maigre rĂ©sidu de son armĂ©e.

La province de Santa Fe fut sĂ©vĂšrement chĂątiĂ©e pour sa rĂ©bellion, du moins jusqu’à ce que vĂźnt Ă  ĂȘtre Ă©lu gouverneur le gĂ©nĂ©ral Pascual EchagĂŒe. Celui-ci occupera la fonction pendant presque exactement dix ans.

Arroyo Grande

Le général Manuel Oribe.

L’autoritĂ© du gĂ©nĂ©ral Paz dans la province d’Entre RĂ­os ne s’étendait pas au-delĂ  de la ville de ParanĂĄ, et Ă©tait privĂ©e de tout appui populaire. Rivera ne lui envoya plus aucune aide, ce qui incita Paz Ă  partir vers l’est pour solliciter cette aide le ; presque tous ses soldats dĂ©sertĂšrent en cours de route.

Le , la garnison et la population de ParanĂĄ proclamĂšrent Urquiza gouverneur de la province, pendant que les commandants locaux se hĂątaient de prendre le contrĂŽle des bourgs et villages de la province. MĂȘme ainsi, la reprise en main de la province prit prĂšs de trois mois. Entre-temps, Paz eut l’occasion de s’entretenir avec Rivera, LĂłpez et FerrĂ© Ă  PaysandĂș, oĂč ils conclurent un nouveau traitĂ© d’alliance. Aux termes de cet accord, le commandement suprĂȘme restait aux mains de Rivera. Paz dĂ©missionna et se fixa Ă  Montevideo.

DĂ©barrassĂ© de Paz, FerrĂ© envoya la majeure partie de son armĂ©e dans le nord-est d’Entre RĂ­os et la plaça sous les ordres de Rivera. Alors que Rivera concentrait son armĂ©e dans le nord-est de la province d’Entre RĂ­os, prĂšs de Concordia, Oribe avançait lentement dans sa direction, en intĂ©grant dans ses troupes les forces d’Urquiza ainsi que quelques nouveaux renforts dĂ©pĂȘchĂ©s par Rosas.

Les deux armĂ©es finirent par se faire face le dans la bataille d’Arroyo Grande, l’affrontement jusque-lĂ  le plus important des guerres civiles argentines quant au nombre de combattants engagĂ©s. Par leur supĂ©rioritĂ© numĂ©rique et organisationnelle, les fĂ©dĂ©ralistes et les blancos remportĂšrent une victoire totale sur l’armĂ©e unitario-colorado[32].

Les vaincus franchirent prĂ©cipitamment le fleuve Uruguay ; les sources unitaires affirment qu’Oribe et Urquiza exĂ©cutĂšrent massivement tous les officiers et sous-officiers qui n'avaient pas rĂ©ussi Ă  traverser le fleuve.

BientĂŽt, Urquiza envahit Corrientes, oĂč il ne rencontra aucune rĂ©sistance, FerrĂ© s’étant enfui au Paraguay, tandis que la plupart de ses officiers s’échappaient vers le BrĂ©sil. Urquiza s’assura que le gouvernorat revĂźnt au fĂ©dĂ©raliste Pedro Cabral, et avant de rentrer dans sa province, y laissa deux garnisons de soldats d’Entre RĂ­os pour se garantir de futures invasions unitaires.

Guerre en Uruguay et Ă  Corrientes

Le siĂšge de Montevideo (1843-1851)

Dans la foulĂ©e de la bataille d’Arroyo Grande, Oribe traversa le fleuve Uruguay et commença sa marche sur Montevideo. À la diffĂ©rence de Rivera, qui n'avait Ă©tĂ© en mesure de sauver que des troupes de cavalerie, Oribe emmenait avec lui un important convoi d’armes, de munitions, d’artillerie et d’autres Ă©quipements. Rivera s’appliquait Ă  rendre sa marche trĂšs lente, afin de donner le temps aux dĂ©fenseurs de Montevideo d’organiser la rĂ©sistance.

Les autoritĂ©s de Montevideo confiĂšrent au gĂ©nĂ©ral Paz le soin d’articuler la dĂ©fense, ce dont celui-ci s’acquitta avec sa coutumiĂšre efficacitĂ©. Il intĂ©gra dans ses troupes un grand nombre d’exilĂ©s argentins et d’immigrants europĂ©ens. De fait, plus de la moitiĂ© des dĂ©fenseurs de la ville Ă©taient des Ă©trangers. En outre, il affranchit tous les esclaves noirs, auxquels fut « accordĂ©e la libertĂ© », moyennant cependant qu’ils servissent dans la milice.

En arrivant Ă  Montevideo, Rivera protesta contre les mesures prises par Paz et exigea son remplacement, mais ne parvint pas Ă  convaincre les autoritĂ©s de la ville. Il dĂ©tacha une fraction de ses troupes de cavalerie et avec elle s’éloigna de Montevideo, dans le dessein de dĂ©tourner l’attention d’Oribe.

Oribe se prĂ©senta devant la ville le , et lança contre les positions dĂ©fensives de celle-ci une sĂ©rie de faibles attaques, qui furent repoussĂ©es. Soucieux d’éviter un bain de sang, il dĂ©cida de tenter de pousser la ville Ă  la reddition par d’autres moyens : il s’établit dans le faubourg de Cerrito et dĂ©clara Montevideo assiĂ©gĂ©e. Toutefois, des annĂ©es s’écoulĂšrent sans que la situation n’évoluĂąt clairement ni ne penchĂąt rĂ©solument en faveur de l’un ou l’autre camp, et il se passait parfois des mois sans qu’il y eĂ»t aucun type de combat entre assiĂ©gĂ©s et assiĂ©geants. Une part importante de l’armĂ©e d’Oribe Ă©tait constituĂ©e de divisions argentines ; y servaient des officiers notables comme Hilario Lagos, JerĂłnimo Costa (es)[33] - [34], Mariano Maza (es), Juan Bautista Thorne (es) et d’autres.

Oribe convoqua les dĂ©putĂ©s du CongrĂšs dissous par Rivera en 1838, Ă©tablit le nouveau CongrĂšs national Ă  El Miguelete, et s’en fit nommer prĂ©sident par ses membres. Le nouveau pouvoir Ă©tait connu sous le nom de gouvernement du Cerrito. Dans le mĂȘme temps Ă©tait instituĂ©, dans la ville assiĂ©gĂ©e, le gouvernement de la DĂ©fense, dirigĂ©, au poste de prĂ©sident intĂ©rimaire, par JoaquĂ­n SuĂĄrez, lequel gouvernement en revanche gouvernait sans congrĂšs, auquel fut substituĂ©e une commission de notables[. 17].

En soutien Ă  Oribe, Rosas chargea l’amiral Brown d’instaurer un blocus partiel du port de Montevideo, mais les escadres anglaise et française empĂȘchĂšrent que le blocus pĂ»t ĂȘtre effectivement mis en place. De fait, la ville assiĂ©gĂ©e rĂ©sista grĂące Ă  l’appui naval et Ă©conomique de la France et de l’Angleterre, au point qu'elle fonctionna, Ă©conomiquement et commercialement, comme une sorte d’enclave coloniale. Le reste du pays Ă©tait aux mains des blancos.

Les Madariaga et le général Paz de retour à Corrientes

Le , 108 Correntins, sous la conduite des frĂšres JoaquĂ­n et Juan Madariaga, franchirent le fleuve Uruguay, Ă  l’endroit oĂč se situe aujourd’hui la ville de Paso de los Libres. Peu aprĂšs se joignirent Ă  leurs forces les troupes amenĂ©es par le commandant Nicanor CĂĄceres, et cette armĂ©e rĂ©unie battit le colonel JosĂ© Miguel GalĂĄn, le , lors de la bataille de Laguna Brava, Ă  trois lieues de la ville de Corrientes. Une nouvelle lĂ©gislature, convoquĂ©e hĂątivement, Ă©lut gouverneur JoaquĂ­n Madariaga.

BientĂŽt, profitant de ce qu’Urquiza Ă©tait en campagne en Uruguay, les Madariaga envahirent la province d’Entre RĂ­os, Ă  la tĂȘte de 4 500 hommes, trĂšs majoritairement de cavalerie. Ils s’emparĂšrent de Concordia et de Salto (en Uruguay), qu’ils laissĂšrent ensuite aux mains des officiers de Fructuoso Rivera. Ils vainquirent le gĂ©nĂ©ral GarzĂłn, puis continuĂšrent sur leur lancĂ©e et prirent GualeguaychĂș. LĂ , ayant appris qu’Urquiza, qui venait d’infliger une dĂ©faite Ă  Rivera, s’en retournait Ă  prĂ©sent dans sa province, ils dĂ©cidĂšrent de se replier vers le nord, repli qui se mua bientĂŽt en fuite.

Peu aprĂšs, le gouverneur de Corrientes signa un traitĂ© de commerce et conclut une alliance militaire avec le prĂ©sident du Paraguay Carlos Antonio LĂłpez. À cette mĂȘme Ă©poque arriva Ă  Corrientes le gĂ©nĂ©ral Paz, qui se vit offrir le commandement militaire de la province et — sur la sienne exigence expresse — une certaine autoritĂ© nationale sur tous les efforts qui seraient entrepris contre Rosas. Il rĂ©organisa prestement l’armĂ©e, la prĂ©parant pour le moment oĂč Urquiza serait de retour. Toutefois, le gouverneur d’Entre RĂ­os prĂ©fĂ©ra laisser Ă  Paz le loisir de prendre l’initiative.

Campagnes militaires dans l’intĂ©rieur de l’Uruguay

Le gouvernement d’Oribe exerçait une autoritĂ© effective sur la quasi-totalitĂ© du territoire uruguayen. Le gĂ©nĂ©ral Rivera nĂ©anmoins obtint quelques succĂšs : il soutint une campagne militaire ininterrompue et parvint, lors mĂȘme qu’il ne gouvernait guĂšre plus de territoire que la zone occupĂ©e directement par ses troupes, Ă  se maintenir hors de portĂ©e des armĂ©es d’Oribe. Pour venir en aide Ă  ce dernier, le gouverneur d’Entre RĂ­os Urquiza se rendit dans le territoire uruguayen avec ses forces et pourchassa Rivera deux annĂ©es durant.

Urquiza s’avisa que Rivera bĂ©nĂ©ficiait d’un appui continu de la part du BrĂ©sil, et qu’il ne gagnait rien Ă  le combattre en de petits affrontements partiels. Il se dirigea donc vers le nord-est du pays, et, coupant Ă  Rivera ses communications avec l’Empire du BrĂ©sil, le força Ă  prĂ©senter bataille prĂšs d’India Muerta, le . Rivera perdit 1 700 hommes, en regard des 160 pertes d’Urquiza ; Rivera quitta le pays et se fixa au BrĂ©sil.

Les colorados, ayant totalement perdu la maĂźtrise de l’intĂ©rieur du pays, tentĂšrent alors de la rĂ©tablir au moyen de la flottille de Giuseppe Garibaldi. En , celui-ci s’empara de la ville de Colonia et la mit Ă  sac, puis, dans les semaines suivantes, fit de mĂȘme avec l’üle MartĂ­n GarcĂ­a et avec GualeguaychĂș. De lĂ , il attaqua Fray Bentos, PaysandĂș et Salto (Uruguay), villes que les colorados rĂ©ussirent Ă  garder quelque temps sous leur domination. Garibaldi toutefois fut lui aussi attaquĂ© par surprise et dĂ©fait, et s’en retourna en Italie peu aprĂšs.

Vers la fin de cette mĂȘme annĂ©e, Fructuoso Rivera revint en Uruguay par la mer et rĂ©ussit Ă  la suite d’un coup d’État Ă  recouvrer le pouvoir Ă  Montevideo. Cependant, aprĂšs l’échec des pourparlers par lui engagĂ©s avec Oribe, il fut dĂ©finitivement expulsĂ© vers le BrĂ©sil.

Échecs des unitaires à Santa Fe et Corrientes

Une flotte correntine, mise sur pied par Paz, rĂ©ussit Ă  imposer sa domination sur le fleuve ParanĂĄ au nord de Santa Fe. Ainsi couvert, Juan Pablo LĂłpez surgit inopinĂ©ment aux abords de cette ville, battant le colonel Santa Coloma et forçant EchagĂŒe Ă  s’enfuir Ă  Buenos Aires. Il s’empara du gouvernorat provincial le , se vouant presque exclusivement Ă  spolier ses coprovinciaux soupçonnĂ©s d’avoir collaborĂ© avec EchagĂŒe.

Un mois plus tard Ă  peine, EchagĂŒe refit son apparition. Contraint de fuir, LĂłpez se transporta vers le nord, se prĂ©occupant uniquement de sauvegarder ses propres domaines. Cette imprudence fournit aux fĂ©dĂ©ralistes l’occasion de lui faire subir une dĂ©faite totale le , Ă  Malabrigo, non loin de l’actuelle localitĂ© de Reconquista[35].

Le , la flotte anglo-française rĂ©ussit, aprĂšs avoir battu le gĂ©nĂ©ral Lucio Norberto Mansilla dans la bataille de la Vuelta de Obligado, Ă  ouvrir le fleuve ParanĂĄ et ainsi Ă  rĂ©tablir les communications entre Montevideo et Corrientes. La flotte poursuivit sa route vers Corrientes, et parvint Ă  charger de nombreux navires dans les ports correntins ; Ă  son retour, elle fut de nouveau attaquĂ©e par les fĂ©dĂ©ralistes. Cette campagne, quoiqu’elle fĂ»t un succĂšs militairement parlant, s’avĂ©ra un Ă©chec Ă©conomique, et ne fut donc pas reconduite. Corrientes retourna Ă  son ancienne situation d’isolement.

En , l’armĂ©e d’Urquiza entreprit d’envahir la province de Corrientes avec une force de 6 000 hommes, parmi lesquels figuraient de nombreux Correntins, sous le commandement des frĂšres JosĂ© Antonio et BenjamĂ­n Virasoro. Paz dĂ©cida de les attirer dans un piĂšge similaire Ă  celui qui lui avait valu sa victoire de CaaguazĂș, et se replia donc de plusieurs lieues vers le nord. Cependant, Juan Madariaga, qui s’était mis en mouvement pour combattre Urquiza, fut battu lors de la bataille de Laguna Limpia et capturĂ© ; par la correspondance que portait sur lui Madariaga, Urquiza eut vent des desseins de Paz, de sorte qu’il poursuivit celui-ci vers le nord, mais sans l’affronter, pour finalement se retirer sur Entre RĂ­os. La stratĂ©gie de Paz n’avait en fait abouti qu’à permettre Ă  Urquiza de sillonner la province entiĂšre, en pillant impunĂ©ment.

Épilogue de la rĂ©bellion correntine

Urquiza engagea des pourparlers de paix avec les Madariaga. Paz s’y opposa obstinĂ©ment et, avec l’appui de quelques dĂ©putĂ©s correntins, tenta de renverser le gouverneur. Il Ă©choua et dut s'enfuir au Paraguay, ce qui provoqua aussi la rupture entre Corrientes et ce pays.

Urquiza remit Juan Madariaga en libertĂ© et, l’utilisant comme mĂ©diateur, signa le , avec le frĂšre de celui-ci, le traitĂ© d’Alcaraz, aux termes duquel Corrientes rĂ©intĂ©grait la ConfĂ©dĂ©ration argentine et confirmait son adhĂ©sion au Pacte fĂ©dĂ©raliste. Cependant, le traitĂ© comportait une partie secrĂšte, stipulant que Corrientes restait dispensĂ©e d’apporter son concours Ă  la guerre contre le gouvernement de Montevideo et contre la France ou l’Angleterre.

Le général Benjamín Virasoro.

Rosas dĂ©savoua le traitĂ©, et Madariaga rĂ©agit en invitant Urquiza Ă  affronter ensemble le gouverneur de Buenos Aires. Au bout de plusieurs mois de nĂ©gociation, Urquiza envahit Corrientes le . Le colonel CĂĄceres passa avec ses troupes dans les rangs de l’envahisseur, qui donc put avancer prestement.

Urquiza disposait de 7 000 hommes de troupe, dont 2000 Correntins ; l’armĂ©e de Madariaga en comptait 4000. La bataille de Vences ou d’El Potrero de Vences, du , se solda par une victoire fĂ©dĂ©raliste totale. De nombreux soldats et officiers, y compris plusieurs colonels, furent tuĂ©s lors des poursuites menĂ©es dans le sillage de la bataille. Les Correntins eurent Ă  dĂ©plorer un total de 700 tuĂ©s et de 2 231 prisonniers, parmi lesquels prĂšs d’une centaine d’officiers[36].

Les frĂšres Madariaga prirent la fuite en direction du Paraguay, pendant que les fĂ©dĂ©ralistes rĂ©instauraient la lĂ©gislature qui avait Ă©tĂ© Ă  l’Ɠuvre sous le gouvernorat de Cabral. Celui-ci nomma BenjamĂ­n Virasoro gouverneur, et la province devint membre de plein exercice de la ConfĂ©dĂ©ration argentine.

L’étape suivante devait logiquement ĂȘtre, pour Oribe et Rosas, la conclusion de la paix avec l’Angleterre et la France ; d’autre part, ce n’était plus dĂ©sormais qu’une question de temps que Montevideo ne tombĂąt en leurs mains.

Fin de la Guerra Grande et bataille de Caseros

Conflits dans l’intĂ©rieur argentin prĂ©ludant Ă  la bataille de Caseros

Au dĂ©but de 1848, des soulĂšvements commencĂšrent Ă  Ă©clater dans l’intĂ©rieur du pays. Au dĂ©but pourtant, tant les rĂ©volutionnaires que les autoritĂ©s contre lesquelles ils se soulevaient se proclamaient partisans de Rosas.

À Mendoza, le gouverneur Pedro Pascual Segura fut renversĂ© sur les instances de Rosas en . Le nouveau gouverneur, Roque Mallea, dut affronter une rĂ©volution dirigĂ©e contre lui, menĂ©e par le colonel Juan Antonio RodrĂ­guez, qui fut vaincu le par le gĂ©nĂ©ral BenavĂ­dez, puis fusillĂ©.

Une courte révolution à San Luis, en , aboutit à la détention du gouverneur Lucero, mais celui-ci réussit bientÎt à récupérer le pouvoir.

Le gouverneur de La Rioja, Vicente Mota, qui en 1845 avait renversĂ© HipĂłlito Tello, fut renversĂ© Ă  son tour par le « Chacho » Peñaloza en , et remplacĂ© par Manuel Vicente Bustos, le vĂ©ritable organisateur de la rĂ©volte, que Rosas ne voulut reconnaĂźtre que de trĂšs mauvaise grĂące ; plus tard, il passera pour urquiciste, puis pour mitriste. Mota tenta par trois fois de recouvrer le gouvernorat, mais finit par ĂȘtre fusillĂ© fin sur ordre de Bustos.

Dans la province de Jujuy, le gouverneur Mariano Iturbe, qui Ă©tait en fonction depuis 1841, renonça Ă  une nouvelle rĂ©Ă©lection en 1849. Pedro Castañeda accĂ©da au poste Ă  sa place, mais fut chassĂ© du pouvoir peu aprĂšs par le colonel Santibåñez. Il fut rĂ©tabli dans ses fonctions avec l’appui de Salta, mais l’unitaire JosĂ© LĂłpez Villarlo lui succĂ©da bientĂŽt. Le gĂ©nĂ©ral Iturbe se souleva alors et battit Santibåñez, qu’il donna l’ordre de fusiller le mĂȘme jour que celui oĂč il rĂ©assuma le gouvernorat provincial, le .

À la mort du caudillo Ibarra, Ă  Santiago del Estero, son associĂ© Mauro Carranza lui succĂ©da. Celui-ci convoqua des Ă©lections, mais fut battu par Manuel Taboada, neveu d’Ibarra, de sorte qu’il annula les Ă©lections. Le frĂšre de don Manuel, Antonino Taboada, mit le siĂšge devant la capitale provinciale, forçant Carranza Ă  fuir vers TucumĂĄn ; dĂ©but octobre, Manuel Taboada s’installa au gouvernement, et battit encore quelques montoneras favorables Ă  Carranza.

Celedonio Gutiérrez tenta de se porter au secours de Carranza, mais dut y renoncer lorsque Tucumån fut envahie par le colonel unitaire Juan Crisóstomo Álvarez : celui-ci le vainquit et le fit fusiller le , c'est-à-dire quelques jours avant que ne parvßnt à Tucumån la nouvelle de la bataille de Caseros, qui eût évité son exécution.

Fin du blocus et pronunciamiento d’Urquiza

Les Britanniques, n’ayant plus d’autres alliĂ©s dĂ©sormais que les assiĂ©gĂ©s de Montevideo, et tenant compte de ce que Rosas entretenait de bonnes relations avec eux, dĂ©cidĂšrent, sans mĂȘme attendre les Français, Ă  lever le blocus, et Ă  signer avec le gouvernement de Buenos Aires le traitĂ© Arana-Southern. En , le gouvernement français de NapolĂ©on III finit, lui aussi, par signer un traitĂ©, le traitĂ© Arana-Le PrĂ©dour.

Rosas cependant soutenait que le pays n’était pas encore en Ă©tat de paix et que par consĂ©quent ne pouvait ĂȘtre organisĂ© constitutionnellement. Pour accroĂźtre la pression sur Montevideo, Rosas interdit le peu de commerce que la ville assiĂ©gĂ©e entretenait avec Entre RĂ­os et qu’il avait jusque-lĂ  tolĂ©rĂ©. Toutefois, le principal bĂ©nĂ©ficiaire de ce commerce Ă©tait le gouverneur Urquiza, lequel, frappĂ© dans ses intĂ©rĂȘts personnels, en plus d’ĂȘtre convaincu aussi de la nĂ©cessitĂ© d’une organisation politique constitutionnelle, guettait depuis lors l’occasion d’en terminer avec Rosas.

Bien que l’imminence de la chute de Montevideo parĂ»t augurer de la paix extĂ©rieure, Rosas ouvrit un nouveau front : face Ă  l’aide apportĂ©e par l’empire du BrĂ©sil aux dĂ©fenseurs de Montevideo, Rosas envoya des armes Ă  Urquiza, afin que celui-ci prĂ©parĂąt une Ă©ventuelle guerre contre le BrĂ©sil.

Urquiza en dĂ©duisit que Rosas dĂ©sirait une fois encore prolonger la situation d’inconstitutionnalitĂ© ; il prit contact avec les Ă©missaires du gouvernement de Montevideo, rĂ©affirma l’alliance avec le gouverneur correntin, et s’assura que la rĂ©bellion, si elle devait Ă©clater, bĂ©nĂ©ficiĂąt d’un financement de la part de l’empire du BrĂ©sil[. 18] - [37].

Le , dans la ville argentine de ParanĂĄ, Urquiza lança son pronunciamiento contre Rosas : la lĂ©gislature d’Entre RĂ­os accepta les dĂ©missions rĂ©pĂ©tĂ©es de Rosas au gouvernorat de Buenos Aires et se rĂ©appropria les compĂ©tences en matiĂšre de politique extĂ©rieure et de guerre dĂ©tenues par cette province. Urquiza remplaça dans les documents officiels la familiĂšre formule « Que meurent les sauvages unitaires ! » (ÂĄMueran los salvajes unitarios!) par la phrase « Que meurent les ennemis de l’organisation nationale ! » (ÂĄMueran los enemigos de la organizaciĂłn nacional!).

Peu de jours aprùs, Corrientes imita les lois d’Entre Ríos.

La Grande Armée

La presse de Buenos Aires qualifia cet acte de « trahison ». Tous les gouvernements provinciaux promirent leur aide contre « l’unitaire sauvage et fou Urquiza », et nommĂšrent Rosas Chef suprĂȘme de la Nation. Cependant nul ne se mobilisa pour le dĂ©fendre.

Avec les annĂ©es, Rosas s’était muĂ© en un bureaucrate, certes efficace, mais dont la capacitĂ© de rĂ©action s’en Ă©tait ressentie ― il se contenta d’attendre.

Fin mai fut signĂ© un traitĂ© d’alliance entre Entre RĂ­os, Corrientes, le gouvernement de Montevideo et l’empire du BrĂ©sil, Ă  l’effet d’expulser Oribe de l’Uruguay et de convoquer des Ă©lections libres partout dans ce pays. Si, comme on pouvait s’y attendre, Rosas dĂ©clarait la guerre Ă  une des parties, ils s’uniraient pour l’attaquer. Comme premiĂšre Ă©tape de son plan, Urquiza envahit l’Uruguay avec 6 000 hommes de troupe. Le gĂ©nĂ©ral Eugenio GarzĂłn d’abord, puis les armĂ©es blancos orientales vinrent se joindre Ă  lui. En mĂȘme temps, des troupes brĂ©siliennes entraient par le nord du pays. En rĂ©ponse, Rosas dĂ©clara la guerre au BrĂ©sil.

Quasiment seul dĂ©sormais, Oribe se vit obligĂ© de conclure un pacte avec Urquiza le , par lequel le siĂšge de Montevideo fut dĂ©clarĂ© levĂ©, et prĂ©senta sa dĂ©mission. Le gĂ©nĂ©ral GarzĂłn fut nommĂ© prĂ©sident, mais, dĂ©cĂ©dant peu aprĂšs, n’exerça pas la fonction. Juan Francisco GirĂł prit sa place.

L’empire du BrĂ©sil contraignit le nouveau gouvernement uruguayen Ă  accepter d’autres traitĂ©s, aux termes desquels l’Uruguay cĂ©dait une large frange de territoire dans le nord du pays. En outre, le droit fut accordĂ© au BrĂ©sil d’intervenir dans les affaires intĂ©rieures de son voisin sans aucun contrĂŽle externe.

Urquiza força les troupes de Rosas Ă  s’incorporer dans ses propres troupes, sous le commandement d’officiers unitaires et depuis lors dĂ©signa son armĂ©e par Grande ArmĂ©e (en esp. EjĂ©rcito Grande).

Fin , le BrĂ©sil, l’Uruguay et les provinces d’Entre RĂ­os et de Corrientes dĂ©clarĂšrent la guerre Ă  Rosas.

Bataille de Caseros

La Grande ArmĂ©e se concentra d’abord dans la ville de Diamante, en Entre RĂ­os, au dĂ©part de laquelle elle franchit ensuite le fleuve ParanĂĄ le jour de noĂ«l 1851. Les troupes d’infanterie et d’artillerie traversĂšrent le fleuve dans des embarcations militaires brĂ©siliennes, tandis que la cavalerie le passa Ă  la nage. AprĂšs qu’ils eurent mis pied Ă  terre sur le territoire de Santa Fe, les forces de Rosario se joignirent aussi Ă  eux ; le gouverneur EchagĂŒe quitta la capitale, emmenant ses troupes, tandis que Domingo Crespo, arrivĂ© avec les envahisseurs, se faisait Ă©lire gouverneur. Faute d’appui de la part de Pacheco, lequel se trouvait Ă  San NicolĂĄs, EchagĂŒe poursuivit son chemin vers Buenos Aires[38]. Pacheco, commandant en chef de l’armĂ©e de Buenos Aires, recula sans prĂ©senter bataille, gĂȘnĂ© en outre par les mesures contradictoires de Rosas. Finalement, il se retira dans sa propriĂ©tĂ© sans en aviser le gouverneur[. 19]. Rosas alors se chargea lui-mĂȘme de diriger son armĂ©e. Ce fut lĂ  une dĂ©cision des plus malheureuses : Rosas Ă©tait un grand politique et organisateur, mais n’était aucunement un gĂ©nĂ©ral capable. Il ne fit aucun dĂ©placement de troupes pour choisir un champ de bataille, ni ne se retrancha dans la capitale pour affronter un siĂšge ; il se borna Ă  attendre dans sa demeure de Santos Lugares. Son unique avant-garde, sous les ordres de Lagos, fut battue Ă  Campos de Álvarez le .

Les deux armĂ©es disposaient de forces Ă©quivalentes, autour de 24 000 hommes chacune, sans grande disparitĂ© quant Ă  l’armement. La grande diffĂ©rence se situait au niveau du commandement : Urquiza Ă©tait le gĂ©nĂ©ral le plus capable de son Ă©poque, alors que Rosas Ă©tait un pur administrateur. D’autre part, les troupes de Buenos Aires Ă©taient composĂ©es en leur grande majoritĂ© de trĂšs jeunes gens et de vieillards.

La bataille de Caseros eut lieu le et dura quatre heures. Ce fut, pour le nombre de combattants, la plus grande bataille de l’histoire de l’AmĂ©rique du Sud. Les tĂ©moignages la concernant divergent Ă©normĂ©ment en raison de l’étendue du front de combat, qui empĂȘchait chaque tĂ©moin de savoir ce qui se passait en dehors de son propre champ visuel. Le gros de l’armĂ©e de Rosas abandonna le champ de bataille quasi sans combattre, et les diffĂ©rentes sources citent des chiffres de pertes trĂšs variables.

Lorsque tout Ă©tait perdu, Rosas se retira et rĂ©digea sa dĂ©mission pendant qu’il se dirigeait vers la capitale. Il s’embarqua secrĂštement Ă  destination de la Grande-Bretagne, d’oĂč il ne revint plus jamais en Argentine.

À l’issue de la bataille, les colonels Chilavert (en)[39] et Santa Coloma furent passĂ©s par les armes, et dans les jours suivants, il y eut des exĂ©cutions massives de prisonniers. L’on note parmi ceux-ci les soldats d’un des rĂ©giments rosistes qui avaient Ă©tĂ© forcĂ©s Ă  se joindre Ă  Urquiza et Ă©taient repassĂ©s dans les lignes de Rosas en tuant leurs officiers.

Bilan d’une Ă©poque

Les historiens de tendance libĂ©rale ont Ă©tudiĂ© avec assiduitĂ© la pĂ©riode des guerres civiles allant de la bataille de Cepeda Ă  celle de Caseros. Cette importance confĂ©rĂ©e Ă  ladite pĂ©riode s’explique par leurs prĂ©occupations institutionnelles, attendu en effet qu’il s’agit d’une pĂ©riode tout au long de laquelle, abstraction faite de l’éphĂ©mĂšre expĂ©rience de Rivadavia, il n’y eut pas de gouvernement central.

Ces sources relĂšvent que les guerres civiles de cette pĂ©riode coĂ»tĂšrent la vie Ă  quelque 20 000 Argentins sur les champs de bataille, hommes adultes principalement, et firent un demi-million de veuves, d’orphelins et de personnes ĂągĂ©es sans soutien familial ; au total, un tiers de la population rioplatense aurait Ă©tĂ© touchĂ© par la perte d’un parent direct[40].

Selon les auteurs de tendance unitaire du milieu du XIXe siĂšcle, comme AndrĂ©s Lamas, au cours des vingt-deux ans que dura l’époque de Rosas (en comptant Ă  partir de la chute de Lavalle Ă  Buenos Aires jusqu’à Caseros), environ 16 000 personnes pĂ©rirent de mort violente par suite de la constante rĂ©pression et persĂ©cution politiques menĂ©es par Rosas (chiffres jusqu'Ă  1843), sans compter ses campagnes militaires contre les indigĂšnes de la Pampa[41]. Les sources officielles rosistes mentionnent Ă  peine 400 exĂ©cutions entre 1829 et 1843, alors que lors du procĂšs qui lui fut fait par contumace, on le jugea coupable de 2354 condamnations Ă  mort, prononcĂ©es y compris contre des prisonniers non politiques, dans des procĂ©dures nullement impartiales. Les chiffres les plus pondĂ©rĂ©s concernant le nombre de morts ont Ă©tĂ© avancĂ©s par l’historien britannique John Lynch : « plus de 250, moins de 6000 et, peut-ĂȘtre, dans l’ordre de 2000, pour toute la pĂ©riode de 1829 Ă  1852 »[42].

Une estimation, plus rĂ©cente que celle de Lamas, du nombre de dĂ©cĂšs survenus lors des combats des diffĂ©rentes guerres civiles, fait Ă©tat, trĂšs approximativement, d’environ 4 000 morts jusqu’à Cepeda, et de quelque 22 000 morts entre Cepeda et Caseros[43].

AprĂšs Caseros

Le général Urquiza.

Buenos Aires resta plongĂ©e dans la confusion, pendant qu’Urquiza s’emparait de la propriĂ©tĂ© de Rosas Ă  Palermo[44]. Deux jours plus tard, il nomma Vicente LĂłpez y Planes gouverneur de la province, lequel Ă  son tour dĂ©signa ValentĂ­n Alsina, chef des unitaires exilĂ©s Ă  Montevideo, comme son premier ministre[45]. En mĂȘme temps que lui arrivĂšrent Ă©galement Ă  Buenos Aires Domingo Faustino Sarmiento, BartolomĂ© Mitre, le gĂ©nĂ©ral Lamadrid, Vicente Fidel LĂłpez et Juan MarĂ­a GutiĂ©rrez. Dans les mois qui suivirent, le gĂ©nĂ©ral Paz et beaucoup d’autres exilĂ©s firent aussi leur apparition.

Le , jour anniversaire de la bataille d'Ituzaingó, les troupes brésiliennes et urquicistes défilÚrent dans Buenos Aires[46].

Peu aprĂšs, fĂ©dĂ©ralistes et unitaires se lancĂšrent dans une surenchĂšre : ces derniers prĂ©tendaient imposer au pays la suprĂ©matie de Buenos Aires, celle-lĂ  mĂȘme qu’avait dĂ©fendue Rosas. Lors des Ă©lections pour une nouvelle lĂ©gislature, les unitaires triomphĂšrent, mais confirmĂšrent nĂ©anmoins Vicente LĂłpez au poste de gouverneur[47].

De nombreux gouverneurs de province furent renversés : à Jujuy, Iturbe fut fusillé[48]; à Salta, José Manuel Saravia réussit au moins à avoir la vie sauve[49]; à Córdoba, une mutinerie de caserne renversa « Quebracho » López[50]; et à Mendoza, le général Segura revint au gouvernement sans difficulté majeure[51].

Urquiza invita les autres provinces Ă  une rĂ©union devant se tenir Ă  San NicolĂĄs de los Arroyos, dans l’extrĂȘme nord de la province de Buenos Aires[52], oĂč fut signĂ© fin mai l’accord de San NicolĂĄs, lequel stipulait notamment qu'un congrĂšs gĂ©nĂ©ral constituant allait ĂȘtre convoquĂ©, avec le mandat de sanctionner une constitution qui prĂźt en compte les diffĂ©rents pactes ayant jusque-lĂ  uni les diffĂ©rentes provinces. En outre, Urquiza se vit confier la fonction de Directeur provisoire de la ConfĂ©dĂ©ration argentine, c'est-Ă -dire devint le titulaire du pouvoir exĂ©cutif[53].

Alors qu’ils assistaient Ă  cette rĂ©union, les gouverneurs de TucumĂĄn et de San Juan furent renversĂ©s en leur absence. Si BenavĂ­dez n’eut pas de difficultĂ© Ă  recouvrer le gouvernement[54], GutiĂ©rrez par sa part dut recourir Ă  la force[55]. Quelques mois plus tard, le Correntin Virasoro sera lui aussi renversĂ© pour ĂȘtre remplacĂ© par le ministre d’Urquiza, Juan Gregorio Pujol[56].

Seuls quatre gouverneurs poursuivirent leur mandat aprĂšs 1852 : Taboada Ă  Santiago del Estero[57] et Bustos Ă  La Rioja, qui tous deux passĂšrent ostensiblement dans le camp adverse[58] - [. 20]. Se maintinrent Ă©galement au gouvernement : Lucero, Ă  San Luis[59], ainsi qu’Urquiza lui-mĂȘme en Entre RĂ­os[60].

Avancées libérales dans le nord

Le fĂ©dĂ©raliste Celedonio GutiĂ©rrez sĂ©journait en Catamarca, jusqu’à ce qu’une rĂ©volution renversant en le gouverneur unitaire Manuel Espinosa lui permĂźt de rentrer dans sa province, oĂč il parvint ensuite Ă  battre Taboada Ă  Arroyo del Rey, lors d’un affrontement qui coĂ»ta la vie Ă  Espinosa.

En octobre, GutiĂ©rrez envahit Santiago del Estero et occupa la capitale provinciale sans rencontrer de rĂ©sistance. DerriĂšre son dos cependant, Taboada s’était emparĂ© de San Miguel de TucumĂĄn et avait nommĂ© gouverneur l’ecclĂ©siastique JosĂ© MarĂ­a del Campo. En consĂ©quence, GutiĂ©rrez dut se replier sur sa province, dont il occupa, quoique battu, la capitale, tandis que Campo dominait le sud de la province[61]. Le jour de noĂ«l 1853, Taboada rĂ©ussit finalement Ă  vaincre GutiĂ©rrez, qui prit le chemin de l’exil en Bolivie. Del Campo s’empara du pouvoir, puis s’appliqua Ă  persĂ©cuter les fĂ©dĂ©ralistes par des emprisonnements et des exĂ©cutions[62].

Depuis lors, Manuel Taboada se trouvait, dans le nord-ouest argentin, Ă  la tĂȘte d’une alliance de gouvernements « libĂ©raux » dans les provinces de TucumĂĄn, de Salta et de Santiago del Estero, en opposition au gouvernement d’Urquiza et Ă  ses alliĂ©s au gouvernement de Buenos Aires.

À Corrientes, le gouverneur Pujol eut Ă  affronter diverses rĂ©bellions contra lui : en avorta une rĂ©volution menĂ©e par JosĂ© Antonio Virasoro, rĂ©primĂ©e par le gĂ©nĂ©ral CĂĄceres, le mĂȘme qui avait portĂ© Pujol au pouvoir. Quand Pujol le dĂ©mit de son commandement militaire, CĂĄceres se souleva contra lui, mais fut battu et s’exila en Entre RĂ­os. De lĂ , il s’en revint en , puis derechef en fĂ©vrier de l’annĂ©e suivante, mais Ă©choua dans les deux cas.

Guerres entre la ConfĂ©dĂ©ration argentine et l’État de Buenos Aires

La rébellion portÚgne

La lĂ©gislature de Buenos Aires rejeta l’accord de San NicolĂĄs, avec l’excuse, brandie par BartolomĂ© Mitre, que Vicente LĂłpez y Planes l’avait signĂ© sans son autorisation, et celle ensuite que les pouvoirs attribuĂ©s Ă  Urquiza Ă©taient excessifs. En rĂ©alitĂ©, le motif de cette opposition Ă©tait que l’on n’avait pas adoptĂ©, pour la composition du CongrĂšs, la reprĂ©sentation proportionnelle, qui avait permis Ă  Buenos Aires d'avoir la haute main sur les congrĂšs antĂ©rieurs. Urquiza rĂ©agit en dissolvant la Salle, en faisant fermer les journaux d’opposition et en occupant le palais du gouvernement : ce fut la premiĂšre intervention fĂ©dĂ©rale de l’histoire argentine[63].

Cependant, dĂšs qu'Urquiza eut quittĂ© la ville[64], Ă©clata la rĂ©volution du [64]; la lĂ©gislature dissoute se rĂ©unit Ă  nouveau et Ă©lut comme gouverneur d’abord Manuel Guillermo Pinto, puis Alsina lui-mĂȘme[65].

Les PortĂšgnes mirent alors sur pied trois armĂ©es, dont l’une s’établit Ă  San NicolĂĄs, sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Paz, en vue d’envahir Ă©ventuellement Santa Fe[. 21] - [66]. Les deux autres corps d’armĂ©e, l’une sous les ordres de Juan Madariaga et l’autre commandĂ©e par Manuel Hornos, envahirent Entre RĂ­os, mais furent rapidement battus[67] - [68].

La plupart des officiers de campagne de Buenos Aires, anciens collaborateurs de Rosas, se rebellĂšrent fin novembre contre le gouvernement portĂšgne dominĂ© par les unitaires[69]. Les colonels Hilario Lagos, RamĂłn Bustos, JosĂ© MarĂ­a Flores et JerĂłnimo Costa mirent le siĂšge devant la ville[70]. Peu aprĂšs, le colonel Pedro Rosas y Belgrano s’efforça de susciter un soulĂšvement dans l’intĂ©rieur de la province de Buenos Aires en faveur des unitaires, mais fut vaincu dans la bataille de San Gregorio, prĂšs de l’embouchure du fleuve Salado[71]. Urquiza joignit ses troupes aux assiĂ©geants de Buenos Aires. Cependant, la prolongation du siĂšge entraĂźna une rapide chute du moral des assiĂ©geants, et le commandant de la flotte d’Urquiza, qui bloquait le port de Buenos Aires, John Halstead Coe, fut subornĂ© Ă  remettre l’escadre aux PortĂšgnes[72]. En , Ă  la suite de la dĂ©fection de plusieurs unitĂ©s portĂšgnes de l’armĂ©e assiĂ©geante, Urquiza dĂ©cida de lever le siĂšge[70].

Depuis lors, l’État de Buenos Aires demeurait sĂ©parĂ© de la ConfĂ©dĂ©ration argentine, promulguant sa propre constitution, qui laissait ouverte la possibilitĂ© d’une indĂ©pendance dĂ©finitive. Dans la ConfĂ©dĂ©ration, Urquiza fut Ă©lu prĂ©sident sans opposition.

Invasions fédéralistes à Buenos Aires

La plupart des fĂ©dĂ©ralistes de Buenos Aires Ă©migrĂšrent Ă  ParanĂĄ, Rosario ou Montevideo, d’oĂč ils projetĂšrent de rentrer par le moyen d’une invasion de leur province d’origine. En , Hilario Lagos conquit le nord de la province, mais pour quelques jours seulement. En novembre, le gĂ©nĂ©ral Costa s’avança Ă  la tĂȘte de 600 hommes, mais le gĂ©nĂ©ral Hornos marcha Ă  sa rencontre et le battit lors la bataille d’El Tala, le contraignant Ă  se retirer.

Le général Jerónimo Costa.

Une nouvelle tentative fut entreprise en : JosĂ© MarĂ­a Flores dĂ©barqua Ă  Ensenada, pendant que Costa de son cĂŽtĂ© fit de mĂȘme prĂšs de ZĂĄrate, avec moins de 200 hommes. Le gouverneur Pastor Obligado (en) prescrivit la peine de mort Ă  tous les officiers impliquĂ©s dans cette invasion, les dĂ©clarant bandits, pour n’avoir pas Ă  les respecter en tant que combattants ennemis, et ordonna qu'ils fussent fusillĂ©s sans jugement. AprĂšs l’échec de Flores, Costa marcha sur Buenos Aires avec ses maigres troupes. Le , il fut dĂ©fait par Emilio Conesa prĂšs de San Justo. La plupart des soldats furent exĂ©cutĂ©s aprĂšs qu’ils se furent rendus, et les officiers fusillĂ©s deux jours aprĂšs.

En dĂ©pit de l’appel des fĂ©dĂ©ralistes Ă  la vengeance, cette tuerie porta Urquiza Ă  ĂȘtre plus prudent dans ses tentatives de soumettre ses anciens alliĂ©s portĂšgnes, et Buenos Aires et la ConfĂ©dĂ©ration maintinrent la paix pendant quelques annĂ©es[73].

Au cours des annĂ©es suivantes, le Litoral connut Ă©galement la paix. Les PortĂšgnes s’engagĂšrent cependant dans la rĂ©volution uruguayenne de 1858, en pratique une invasion de l’Uruguay lancĂ©e depuis Buenos Aires par le gĂ©nĂ©ral CĂ©sar DĂ­az. L’aventure s’acheva dans le dĂ©nommĂ© massacre de Quinteros, exĂ©cution massive d'officiers de Buenos Aires, y compris de DĂ­az lui-mĂȘme, en . Cet Ă©pisode contribua Ă  exacerber les esprits dans ce pays et Ă  ce que chaque parti uruguayen fĂ»t Ă  nouveau identifiĂ© avec son Ă©quivalent argentin respectif : depuis lors en effet, les exilĂ©s uruguayens, dirigĂ©s par Venancio Flores, firent alliance avec le gouvernement de Buenos Aires, se promettant vengeance Ă  l’encontre des blancos.

DĂ©sordres Ă  Cuyo

Le général Nazario Benavídez.

La paix, ainsi obtenue au prix du sang, ne dura guĂšre : les premiers dĂ©sordres se produisirent dans La Rioja, oĂč le gĂ©nĂ©ral Ángel Vicente Peñaloza, alias El Chacho, destitua le gouverneur, pour le remplacer par Manuel Vicente Bustos.

En mars de cette mĂȘme annĂ©e Ă©clata Ă  San Juan une rĂ©volution fĂ©dĂ©raliste, Ă  l’issue de laquelle Nazario BenavĂ­dez fut rĂ©tabli au gouvernement, dont il avait dĂ©missionnĂ© l’annĂ©e d’auparavant. L’intervention fĂ©dĂ©rale ordonnĂ©e par Urquiza permit l’élection du gouverneur Manuel JosĂ© GĂłmez Rufino, un unitaire, mais les milices restĂšrent sous le commandement de BenavĂ­dez, qui fut en outre nommĂ© commandant de la division de l’Ouest de l’armĂ©e de la ConfĂ©dĂ©ration.

GĂłmez Rufino, accusant BenavĂ­dez de conspirer contre lui, ordonna son arrestation ; lorsque ses amis tentĂšrent de le libĂ©rer, il fut assassinĂ©. Sa mort fut fĂȘtĂ©e publiquement, tant Ă  San Juan qu’à Buenos Aires[. 22] - [74].

La province de San Juan fit l’objet d’une intervention fĂ©dĂ©rale, Ă  l’issue de laquelle l’interventeur militaire, le colonel JosĂ© Antonio Virasoro, fut Ă©lu gouverneur. Peñaloza se vit confier le commandement de la division Ouest, en mĂȘme temps qu’il fut promu au grade de gĂ©nĂ©ral.

Bataille de Cepeda

AprĂšs l’échec des tentatives d’invasion de l’État de Buenos Aires, Urquiza nĂ©gocia l’intĂ©gration pacifique de la province rebelle, mais n’eut pas davantage de succĂšs. Les violences lors des Ă©lections Ă  Buenos Aires permirent la victoire de l’unitaire ValentĂ­n Alsina aux dĂ©pens du candidat fĂ©dĂ©raliste. Par ailleurs, la situation Ă©conomique de la ConfĂ©dĂ©ration Ă©tait beaucoup moins solide celle de Buenos Aires[75].

Face Ă  la provocation de San Juan, le congrĂšs adopta une loi habilitant Urquiza Ă  user de la force pour obliger Buenos Aires Ă  se rĂ©incorporer. Il s’ensuivit que les deux camps s’empressĂšrent de s’armer : le commandant en chef de l’armĂ©e portĂšgne, le colonel BartolomĂ© Mitre, fit mouvement vers le nord, tandis que les vaisseaux de guerre de Buenos Aires bloquaient le port de ParanĂĄ, pour lors capitale de la ConfĂ©dĂ©ration argentine. À la mi-octobre, l’escadre nationale força le passage de l’üle MartĂ­n GarcĂ­a aprĂšs un bref combat naval et jeta l’ancre en face de Buenos Aires.

Le eut lieu la bataille de Cepeda, aux confins des provinces de Buenos Aires et Santa Fe, oĂč s’affrontĂšrent d’une part l’armĂ©e de la ConfĂ©dĂ©ration, qui comptait 14 000 hommes de troupe, en plus de quelques divisions de guerriers indigĂšnes, et d’autre part l’armĂ©e de Buenos Aires, laquelle, quoique plus petite en effectifs, ne disposant en effet que de 9 000 hommes, Ă©tait en contrepartie mieux Ă©quipĂ©e en artillerie. La cavalerie confĂ©dĂ©rale eut d’emblĂ©e l’avantage, et lorsque l’infanterie confĂ©dĂ©rale eut rĂ©ussi Ă  culbuter celle de Buenos Aires, la bataille se trouvait tranchĂ©e en faveur de la ConfĂ©dĂ©ration. Mitre eut une centaine de morts et 2000 prisonniers, et perdit une vingtaine de piĂšces d’artillerie ; les nationaux eurent davantage de tuĂ©s, mais laissĂšrent leur ennemi sans cavalerie. Deux jours plus tard, les PortĂšgnes s’embarquĂšrent sur les navires de leur marine de guerre et engagĂšrent leur retraite sur Buenos Aires.

Urquiza marcha alors sur la ville, mais, renonçant Ă  s’en emparer par la force, Ă©tablit son campement dans le village de San JosĂ© de Flores. Alsina, qui s’obstinait, fut lĂąchĂ© par les siens et dut dĂ©missionner ; les deux camps opposĂ©s conclurent alors le pacte de San JosĂ© de Flores, aux termes duquel la province de Buenos Aires Ă©tait rĂ©intĂ©grĂ©e de droit dans la RĂ©publique argentine.

En accord avec ce qui avait été convenu dans ledit pacte, le gouvernement de Buenos Aires convoqua una convention provinciale, qui proposa des amendements à la constitution de 1853, promptement acceptées par la Convention nationale. En pratique, la réforme constitutionnelle garantissait à Buenos Aires pour six ans la continuïté de ses rentes douaniÚres et un certain contrÎle économique sur le reste du pays.

De nombreux observateurs pensaient alors que les PortĂšgnes se saisiraient de n’importe quel prĂ©texte pour ne pas se rĂ©intĂ©grer dans la RĂ©publique, Ă  moins qu’ils n’eussent pu d’abord s’assurer un contrĂŽle rĂ©el sur l'ensemble du pays. Ainsi, pour le colonel Ricardo LĂłpez JordĂĄn, Urquiza « Ă©tait arrivĂ© Ă  Buenos Aires comme vainqueur, et avait nĂ©gociĂ© comme un vaincu ». Peu aprĂšs, Santiago Derqui fut Ă©lu prĂ©sident.

Guerre civile dans les provinces de Cuyo et de CĂłrdoba

À San Juan, le gouvernement de Virasoro n’était guĂšre aimĂ©. Les unitaires le considĂ©raient comme un despote, et Sarmiento, depuis Buenos Aires, appelait ouvertement Ă  la rĂ©volution et au magnicide. En , un groupe d’officiers et de dirigeants unitaires vinrent attaquer le gouverneur Ă  son domicile et l’assassinĂšrent ainsi que plusieurs de ses proches. À nouveau, les libĂ©raux de Buenos Aires fĂȘtĂšrent ce crime, et bientĂŽt des soupçons se firent jour que les rĂ©volutionnaires de San Juan eussent Ă©tĂ© financĂ©s depuis Buenos Aires. La lĂ©gislature qui avait siĂ©gĂ© auprĂšs de GĂłmez Ă©lut comme gouverneur le chef du parti libĂ©ral de San Juan, Antonino Aberastain.

Antonino Aberastain.

Derqui dĂ©crĂ©ta l’intervention fĂ©dĂ©rale dans la province, dĂ©signant pour accomplir cette mission le gouverneur de la province de San Luis, le colonel Juan SaĂĄ, qui exigea que lui fussent remis les assassins de Virasoro et que fĂ»t convoquĂ©e la lĂ©gislature fĂ©dĂ©rale. Toutefois, Aberastain refusa et monta une armĂ©e pour repousser l’avancĂ©e de SaĂĄ. Ce dernier le vainquit dans la bataille de Rinconada del Pocito, le . Aberastain fut fait prisonnier et exĂ©cutĂ© deux jours aprĂšs par le commandant en second de SaĂĄ, le colonel Francisco Clavero.

AprÚs sa campagne à San Juan, le général Saå[. 23] se vit contraint de rentrer dans sa province de San Luis, pour faire face à une révolte unitaire menée par le colonel José Iseas, commandant en chef des troupes de frontiÚre. Celui-ci fut battu quasiment sans lutte et dut quitter San Luis pour se réfugier dans la province de Córdoba.

À CĂłrdoba, le poste de gouverneur Ă©tait occupĂ© depuis 1858 par Mariano Fragueiro, libĂ©ral alliĂ© aux unitaires, qui avait Ă©tĂ©, lors des Ă©lections de 1860, candidat au gouvernorat pour le compte du parti libĂ©ral, et avait persĂ©cutĂ© ses opposants pendant la campagne Ă©lectorale. Au dĂ©but de 1860, il dĂ©missionna Ă  la suite d’une rĂ©volution, et resta en dĂ©tention pendant quelques jours. Son successeur, FĂ©lix de la Peña, voulut affronter Derqui, se liguant Ă  cet effet au gouvernement de Buenos Aires, et donna son appui aux invasions de San Luis menĂ©es par le colonel JosĂ© Iseas. En consĂ©quence, Derqui rĂ©pondit Ă  l’appel des fĂ©dĂ©ralistes de CĂłrdoba et de San Luis, et dĂ©crĂ©ta, Ă  l’attention de CĂłrdoba, l’intervention fĂ©dĂ©rale. Cependant, il ne nomma pas un interventeur, mais se rendit lui-mĂȘme Ă  CĂłrdoba pour y assumer le commandement provincial. Il y mit sur pied un puissant corps d’infanterie en vue de la guerre contre Buenos Aires, et quelques semaines plus tard, Ă  la tĂȘte de cette armĂ©e, quitta la ville de CĂłrdoba pour mettre garnison Ă  Rosario, en laissant comme gouverneur de CĂłrdoba le fĂ©dĂ©raliste Fernando FĂ©lix de Allende.

Bataille de PavĂłn

Troupe de la Garde nationale de Buenos Aires, sur le départ pour la campagne militaire du Pavón. Huile sur toile de León PalliÚre.

Article détaillé : Bataille de Pavón.

AprĂšs la bataille de Cepeda, le gouvernement de Buenos Aires s’était consacrĂ© d’une part Ă  intriguer entre Urquiza et Derqui, et d’autre part Ă  se renforcer Ă©conomiquement et militairement. Il finit par refuser d’ĂȘtre intĂ©grĂ© au reste du pays, en saisissant comme excuse le fait que le CongrĂšs avait refoulĂ© les dĂ©putĂ©s de Buenos Aires (lesquels avaient Ă©tĂ© Ă©lus au mĂ©pris de la loi nationale, apparemment afin justement de provoquer ce rĂ©sultat) et l’exĂ©cution d’Aberastain. Il accusa Derqui de mener une politique criminelle et dĂ©nia toute autoritĂ© lĂ©gale et morale au gouvernement national[76].

Derqui gagna Rosario pour y placer l’infanterie rĂ©unie Ă  CĂłrdoba sous les ordres d’Urquiza. Celui-ci prit le commandement de l’armĂ©e nationale, Ă  laquelle vinrent se joindre un important contingent d’Entre RĂ­os et d’autres provinces du Litoral, en grande majoritĂ© des troupes de cavalerie. L’armĂ©e nationale comprenait au total quelque 17 000 hommes.

L’armĂ©e de Buenos Aires pour sa part se composait de 22 000 hommes, et avait une nette supĂ©rioritĂ© en matiĂšre d’infanterie et d’artillerie. Mitre fit mouvement vers le nord de sa province et envahit la province de Santa Fe. Les deux armĂ©es se rencontrĂšrent le prĂšs de la localitĂ© de PavĂłn, dans la province de Santa Fe, oĂč Urquiza dĂ©ploya ses troupes dans une position dĂ©fensive, en disposant sa cavalerie sur les ailes, et se plaçant lui-mĂȘme Ă  la tĂȘte de l’aile droite.

Mitre attaqua avec son infanterie, mais fut refoulĂ© en un premier temps par l’artillerie confĂ©dĂ©rale. Entre-temps, les deux ailes de l’armĂ©e confĂ©dĂ©rale attaquĂšrent la cavalerie portĂšgne, la forçant Ă  se dĂ©bander. Urquiza retourna alors sur sa position, pendant que la cavalerie de gauche, commandĂ©e par Juan SaĂĄ et Ricardo LĂłpez JordĂĄn, pourchassait les soldats de Buenos Aires sur de longues distances.

L’infanterie portĂšgne, ayant rĂ©ussi Ă  resserrer ses rangs, revint Ă  l’offensive, et repoussa ses adversaires de leur ligne de front, mais ceux-ci parvinrent Ă  rĂ©organiser leurs positions Ă  quelque distance de lĂ . Urquiza, qui n’avait aucune nouvelle de son aile gauche, dĂ©cida de ne pas envoyer chercher la rĂ©serve pour combattre, et de se retirer du champ de bataille, avec sa cavalerie et ses troupes de rĂ©serve. Ayant atteint San Lorenzo, il traversa le fleuve ParanĂĄ Ă  destination de sa province d’Entre RĂ­os, en emmenant avec lui les divisions d’Entre RĂ­os et de Corrientes.

Plusieurs thĂ©ories ont Ă©tĂ© formulĂ©es pour expliquer cette retraite, sans qu’aucune soit tout Ă  fait satisfaisante. Les hypothĂšses les plus courantes attribuent cette action inattendue soit Ă  une maladie rĂ©nale de Urquiza, soit Ă  la mĂ©fiance de celui-ci vis-Ă -vis du prĂ©sident Derqui, dont il redoutait une trahison.

Suites de la bataille de PavĂłn

Le président Bartolomé Mitre.

L’armĂ©e de Mitre, harcelĂ©e par la cavalerie de SaĂĄ, de LĂłpez JordĂĄn et des Ă©migrĂ©s de Buenos Aires, avait Ă©tĂ© forcĂ©e de se replier sur San NicolĂĄs de los Arroyos. Ce ne fut qu’au bout de quelques semaines, une fois certain de la dĂ©fection d’Urquiza, lequel avait retirĂ© y compris l’artillerie de Santa Fe vers sa province, que Mitre se rĂ©solut d’avancer.

Derqui se dĂ©battait au-dedans d’un chaos oĂč gouverner Ă©tait devenu impossible. Il tenta de nĂ©gocier avec Mitre, mais celui-ci exigea sa dĂ©mission et la dissolution du gouvernement national. Derqui dĂ©missionna finalement du gouvernement et s’exila Ă  Montevideo, de sorte que la prĂ©sidence Ă©chut au vice-prĂ©sident Juan Esteban Pedernera.

Mitre s’empara de Rosario et mit la main sur les fonds douaniers de la ville, fonds avec lesquels il se proposait de financer sa subsĂ©quente invasion des territoires de l’intĂ©rieur. Quelques jours aprĂšs, l’armĂ©e de Buenos Aires, sous le commandement de l’ancien prĂ©sident uruguayen Venancio Flores, attaqua le restant de la cavalerie fĂ©dĂ©rale dans la bataille de Cañada de GĂłmez, laquelle se mua en un massacre perpĂ©trĂ© par l’infanterie de Buenos Aires Ă  l’encontre de soldats de la cavalerie fĂ©dĂ©rale, pour beaucoup alors qu’ils se trouvaient dĂ©sarmĂ©s ou sans dĂ©fense. Peu aprĂšs, le gouverneur de Santa Fe, Pascual Rosas, prĂ©senta sa dĂ©mission et fut remplacĂ©, moyennant proscription des fĂ©dĂ©ralistes, par l’unitaire Domingo Crespo.

Urquiza non seulement ne se mobilisa pas en dĂ©fense de son gouvernement, mais encore dĂ©clara que sa province recouvrait sa souverainetĂ©, ce qui revenait Ă  dĂ©nier toute autoritĂ© au gouvernement national. Il dĂ©mantela la flotte nationale, pour la remettre au gouvernement provincial de Buenos Aires, et rĂ©cupĂ©ra pour sa province la ville de ParanĂĄ, jusque-lĂ  capitale fĂ©dĂ©rale, et chargea Mitre d’assumer le gouvernement national intĂ©rimaire. Le , Pedernera dĂ©clara dissous le gouvernement national.

À Corrientes, la nouvelle de PavĂłn incita le parti libĂ©ral, qui Ă©tait dans l’opposition, Ă  se soulever contre le gouvernement du fĂ©dĂ©raliste JosĂ© MarĂ­a RolĂłn. Le gouverneur dĂ©pĂȘcha contre les insurgĂ©s une petite armĂ©e, sous le commandement du colonel Cayetano Virasoro, qui fut vaincue Ă  Goya, dans une bataille sans portĂ©e majeure. Mais RolĂłn, s’avisant que la guerre Ă©tait susceptible de se prolonger, dĂ©missionna le pour Ă©viter toute nouvelle effusion de sang. Virasoro remit lui aussi sa dĂ©mission, et ses forces se rendirent au colonel Reguera dans la Cañada de Moreno.

Le gouvernement correntin fut alors repris en mains par le libĂ©ral JosĂ© PampĂ­n, qui appela Ă  l’aide le gĂ©nĂ©ral CĂĄceres. Toutefois, les commandants en chef, notamment les colonels Acuña et Insaurralde, refusĂšrent de se soumettre Ă  eux. CĂĄceres, avec le concours du gĂ©nĂ©ral RamĂ­rez, les battit dans un combat Ă  CuruzĂș CuatiĂĄ, en .

Invasion de CĂłrdoba et de Cuyo

Le général Wenceslao Paunero.

Dans la ville de CĂłrdoba, les milices locales avaient Ă©tĂ© mobilisĂ©es pour la bataille de PavĂłn, sauf celles qui se revendiquaient du parti libĂ©ral. Celles-ci renversĂšrent le gouverneur Allende, lui substituant le libĂ©ral RomĂĄn. Les forces fĂ©dĂ©rales dĂ©pĂȘchĂ©es sur place pour remettre Allende au pouvoir, dirigĂ©es par le colonel Francisco Clavero, furent battues par le commandant Manuel JosĂ© Olascoaga.

Peu aprĂšs, la province fut envahie par l’armĂ©e de Buenos Aires commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Wenceslao Paunero, laquelle emmenait avec elle, comme dirigeant politique, Marcos Paz. ArrivĂ©s Ă  CĂłrdoba, ils trouvĂšrent les libĂ©raux divisĂ©s en deux camps antagonistes, de sorte que Paz, qui n’était pas originaire de CĂłrdoba, prit la tĂȘte du gouvernement, sur dĂ©cision de Paunero.

Comme Marcos Paz poursuivit bientĂŽt sa route vers le nord, Paunero lui-mĂȘme fut amenĂ© Ă  exercer le gouvernement. Il s’attela Ă  envoyer des expĂ©ditions vers les provinces limitrophes, dĂ©pĂȘchant Domingo Faustino Sarmiento d’abord Ă  San Luis et Mendoza, oĂč il renversa les gouvernements des deux provinces, puis Ă  sa propre province de San Juan, oĂč il s’empara du gouvernement, et d’autre part le colonel Echegaray Ă  La Rioja et le colonel JosĂ© Miguel Arredondo Ă  Catamarca. En mars, Paunero organisa des Ă©lections, avec l’intention de se faire Ă©lire gouverneur titulaire ; mais les libĂ©raux autonomistes le battirent, et Ă©lurent Ă  sa place Justiniano Posse.

Le gĂ©nĂ©ral SaĂĄ tenta d’organiser la rĂ©sistance Ă  San Luis, mais, se voyant privĂ© de tout appui extĂ©rieur, et face Ă  une opposition renforcĂ©e, se rĂ©signa Ă  dĂ©missionner et Ă  remettre le gouvernement Ă  Justo Daract. Il Ă©migra aussitĂŽt vers le Chili.

À Mendoza, le gouverneur Laureano Nazar eut Ă  affronter une prĂ©coce rĂ©volution, qu’il put rĂ©primer facilement. La duretĂ© avec laquelle il traita les vaincus alarma quelques fĂ©dĂ©ralistes, qui pensaient qu’en gardant de bonnes relations avec les dirigeants de Buenos Aires ils pourraient sauver leur parti. L’un d’eux, le colonel Juan de Dios Videla, renversa Nazar Ă  la mi-dĂ©cembre. Rivas toutefois exigea sa dĂ©mission, et Videla dut fuir pour le Chili. Le dirigeant portĂšgne nomma alors gouverneur l’un des rares libĂ©raux qu’il put trouver Ă  Mendoza, Luis Molina.

Sans mĂȘme attendre les PortĂšgnes, le gouverneur de San Juan se dĂ©mit de sa fonction, laquelle fut exercĂ©e Ă  titre temporaire par Ruperto Godoy. Celui-ci convoqua la lĂ©gislature unitaire qui avait auparavant Ă©lu Aberastain et, anticipant l’arrivĂ©e des troupes de Rivas, dĂ©signa gouverneur son second, le colonel Domingo Faustino Sarmiento, le premier .

Jusque-lĂ , abstraction faite d’une brĂšve rĂ©sistance Ă  Mendoza, l’occupation de Cuyo n’avait pas Ă©tĂ© violente, quand mĂȘme les gouvernements dĂ©mocratiquement Ă©lus fussent remplacĂ©s par d’autres sous la menace militaire de Buenos Aires.

Santiago et TucumĂĄn

Au dĂ©but de 1860, Ă  la suite de la bataille de Cepeda, le gouverneur de Santiago del Estero, Pedro RamĂłn Alcorta, tenta de s'affranchir de l’influence des frĂšres Taboada, qui l’avaient portĂ© au gouvernement, et rĂ©ussit Ă  composer une lĂ©gislature Ă  lui dĂ©vouĂ©e. Cependant les Taboada rassemblĂšrent leurs miliciens loyaux et battirent Alcorta, qui s’enfuit Ă  TucumĂĄn et sollicita l’intervention fĂ©dĂ©rale. Mais ni Urquiza, ni davantage son successeur Derqui, ne manifestĂšrent d’engouement Ă  rĂ©soudre ce litige. Entretemps, la minoritĂ© de la lĂ©gislature nomma Pedro Gallo pour gouverneur[62].

Le général Octaviano Navarro.

À la suite d’une infructueuse intervention fĂ©dĂ©rale confiĂ©e au gouverneur tucuman Salustiano ZavalĂ­a, le prĂ©sident Derqui ordonna l’intervention du gĂ©nĂ©ral Octaviano Navarro, lequel Ă  son tour obligea ZavalĂ­a Ă  lui apporter son aide. Cependant le curĂ© Del Campo le renversa, installant au pouvoir Ă  sa place BenjamĂ­n Villafañe, unitaire de longue date.

En 1861, quand la bataille de PavĂłn Ă©tait tout prĂšs d’avoir lieu, Navarro envahit TucumĂĄn et, avec l’appui du colonel Aniceto Latorre, originaire de Salta, et du ci-devant caudillo tucuman Celedonio GutiĂ©rrez, battit Del Campo dans la bataille d’El Manantial. Ayant appris la nouvelle de la victoire fĂ©dĂ©rale Ă  PavĂłn, Navarro employa ses troupes fĂ©dĂ©rales Ă  envahir Santiago del Estero, obligeant Taboada Ă  Ă©vacuer la capitale provinciale. Ensuite cependant parvint la nouvelle de l’avancĂ©e de Mitre : la retraite d’Urquiza avait converti la victoire de PavĂłn en dĂ©faite.

Navarro alors se replia promptement sur Catamarca. Taboada se prĂ©cipita vers TucumĂĄn, oĂč il vainquit GutiĂ©rrez lors la bataille de Seibal, le , et plaça Del Campo au gouvernement. Les fĂ©dĂ©ralistes de Catamarca appelĂšrent Ă  leur secours le commandant en chef de l’armĂ©e de La Rioja, le gĂ©nĂ©ral Ángel Vicente Peñaloza, dit « El Chacho ». Celui-ci s’installa Ă  Catamarca et s’offrit comme mĂ©diateur entre les deux camps, ce qu’accepta Antonino Taboada, alors que dans le mĂȘme temps il communiqua Ă  Mitre qu’il agissait ainsi uniquement pour gagner du temps, Ă©tant en effet dĂ©cidĂ© Ă  expulser les fĂ©dĂ©ralistes de toutes les provinces. De fait, dĂšs qu’il put rĂ©unir des troupes suffisantes, il aida Del Campo a envahir Salta, provoquant la dĂ©mission du gouverneur fĂ©dĂ©raliste JosĂ© MarĂ­a Todd. Dans la foulĂ©e, il attaqua Peñaloza, et le vainquit le dans la bataille du RĂ­o Colorado, dans le sud de la province de TucumĂĄn. Ensuite, il envoya Anselmo Rojo Ă  Catamarca, oĂč celui-ci contraignit le gouverneur fĂ©dĂ©raliste Ă  la dĂ©mission, et portant au pouvoir Ă  sa place MoisĂ©s Omill[. 24] - [77].

La résistance du Chacho Peñaloza

Peñaloza rentra Ă  La Rioja, dont le gouverneur avait dĂ©cidĂ© de faire la paix avec Buenos Aires, dĂ©clarant que sa province « n’avait aucune part dans les actes de vandalisme que commettait don Ángel Vicente Peñaloza dans les provinces de TucumĂĄn et de Santiago del Estero ». En mĂȘme temps pĂ©nĂ©traient dans la province les colonels Ignacio Rivas, Ambrosio Sandes et JosĂ© Miguel Arredondo. Face Ă  cette offensive gĂ©nĂ©rale contre sa province, Peñaloza, avec plus de discernement que son gouverneur, rĂ©solut de ne pas livrer sa province dĂ©sarmĂ©e, et les fĂ©dĂ©ralistes se prĂ©paraient Ă  repousser l’invasion.

El Chacho s’empara de la capitale provinciale, puis fit mouvement vers le sud de la province, oĂč il fut rejoint et battu, lors de deux batailles, par l’efficace cavalerie de Sandes. Tous les officiers faits prisonniers furent exĂ©cutĂ©s, souvent aprĂšs avoir subi d’atroces tortures[. 25] - [78]. Les fĂ©dĂ©ralistes furent Ă©galement vaincus dans les environs de la capitale provinciale.

El Chacho ouvrit alors un nouveau front : il envahit San Luis, joignit ses troupes Ă  celles des caudillos locaux Juan Gregorio Puebla et Fructuoso Ontiveros et mit le siĂšge devant la capitale San Luis. Quoiqu’il ne parvĂźnt pas Ă  s’en rendre maĂźtre, il obtint une trĂȘve, qui devait servir de base Ă  des traitĂ©s de paix ultĂ©rieurs. À son retour dans les plaines de La Rioja, Peñaloza fut Ă  nouveau battu, mais obtint fin mai que Rivas conclĂ»t avec lui, prĂšs de la localitĂ© de Tama, le traitĂ© de La Banderita, aux termes duquel les fĂ©dĂ©ralistes se soumettaient au prĂ©sident fraĂźchement Ă©lu BartolomĂ© Mitre.

Le nouveau gouverneur, Francisco Solano GĂłmez, au passĂ© unitaire, Ă©tait cependant entourĂ© d’amis du caudillo, et dĂ©signa commandant d’armes Felipe Varela. Ce faisant, il se privait de la possibilitĂ© de dĂ©sarmer Peñaloza, lequel en effet gardait ainsi la main sur les armes de ses hommes.

Les mois suivants furent une pĂ©riode de paix, mais aussi de misĂšre et de brimades Ă  l’encontre de ceux qui Ă©taient accusĂ©s d’ĂȘtre des fĂ©dĂ©ralistes. Nombre d’anciens montoneros furent arrĂȘtĂ©s, et plusieurs exĂ©cutĂ©s[79].

La défaite du Chacho

Lorsque les gouvernements des provinces voisines intensifiĂšrent leur attitude hostile envers les montoneros, ceux-ci commencĂšrent Ă  s’insurger : en mars, les fĂ©dĂ©ralistes de San Luis attaquĂšrent le gouvernement provincial, puis Ă©tendirent leur action Ă  la vallĂ©e de Traslasierra, dans le nord-ouest de la province de CĂłrdoba. Varela au mĂȘme moment attaqua la province de Catamarca, et le colonel Clavero envahit celle de Mendoza. Par la proclamation qu’il publia fin , Peñaloza dĂ©clara adhĂ©rer Ă  la rĂ©bellion. Dans une lettre Ă  Mitre, il Ă©crivit : « Les hommes, n’ayant plus rien Ă  perdre que leur existence, aiment tous mieux la sacrifier sur le champ de bataille. »

Cet appel Ă  la rĂ©sistance se fit au nom d’Urquiza, de qui on escomptait recevoir l’aide. Don Justo toutefois se limita Ă  se taire en public et Ă  condamner en privĂ© ces rĂ©bellions.

La province fut attaquĂ©e simultanĂ©ment depuis San Juan, oĂč Sarmiento avait Ă©tĂ© nommĂ© directeur de la guerre et recommandait Ă  ses officiers de « ne pas Ă©conomiser le sang de gauchos, car c’est la seule chose d’humain qu’ils ont », et depuis le nord, par des troupes amenĂ©es par Taboada et dirigĂ©es par Arredondo. Mitre ayant proclamĂ© hors la loi ses ennemis, il Ă©tait par consĂ©quent licite de les tuer une fois capturĂ©s : « Je veux mener dans La Rioja une guerre de police. Une fois qualifiĂ©s de voleurs les montoneros, sans donc que leur soit fait l’honneur du statut d'acteurs politiques, ce qu'il y a lieu de faire est dĂšs lors trĂšs simple. »

Cette deuxiĂšme guerre prit l'allure d’une sĂ©rie de dĂ©faites pour El Chacho, cependant le soutien populaire lui permit de poursuivre la lutte armĂ©e. AppelĂ© par les fĂ©dĂ©ralistes de CĂłrdoba, il envahit cette province, dans la capitale de laquelle le commandant SimĂłn Luengo renversa le gouverneur et accueillit le Chacho, qui fut reçu en triomphe par les fĂ©dĂ©ralistes.

Le gĂ©nĂ©ral unitaire Wenceslao Paunero, Ă  la tĂȘte de l’ensemble des corps militaires qui avaient envahi La Rioja, attaqua le Chacho dans la bataille de Las Playas, le , et lui infligea une dĂ©faite totale. Une nouvelle fois, tous les officiers faits prisonniers furent fusillĂ©s, et nombre de soldats subirent une mort atroce, par bastonnade, par les ceps colombiens, et autres formes de torture.

Le caudillo prit la fuite en direction de la CordillĂšre ; cependant, alors que tous pensaient qu’il partait pour l’exil, il se dĂ©porta vers le sud et revint dans les plaines de La Rioja. Ses ennemis, s’ils redoutaient d’aller le chercher, n’acceptaient pas non plus ses offres de paix.

Il entreprit une derniÚre tentative et attaqua Caucete, ville proche de la capitale San Juan, mais fut vaincu le par le commandant Pablo Irrazåbal. Quelques jours plus tard, de retour dans les plaines, son armée fut totalement détruite par Arredondo.

Il se rĂ©fugia dans la maison d’un ami Ă  Olta, quasi totalement esseulĂ©. C’est lĂ  qu’il fut arrĂȘtĂ© par un officier dĂ©nommĂ© Vera, un sien proche parent, sur ordre d’IrrazĂĄbal. Lorsque ce dernier vint Ă  son tour dans la maison, il le perfora de sa lance et lui fit couper la tĂȘte[. 26]. Ensuite, il ordonna que sa tĂȘte fĂ»t fichĂ©e au bout d’un poteau sur la place d’Olta[80].

En apprenant la nouvelle, Sarmiento s’exclama : « J’ai applaudi la mesure, prĂ©cisĂ©ment pour sa forme. » Alors que quelques intellectuels, tels que JosĂ© HernĂĄndez et Olegario VĂ­ctor Andrade, s’efforçaient de mĂ©nager sa mĂ©moire[81], Sarmiento lui consacra un ouvrage chargĂ© d’invectives.

Dans la province de San Luis, les frĂšres Ontiveros avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© vaincus, l’un tuĂ© au combat, et l’autre rĂ©fugiĂ© dans les villages de tentes des Ranquels. Puebla, l’ultime caudillo de San Luis, se ligua avec les Ranquels et attaqua Villa Mercedes, mais pĂ©rit dans l’offensive.

Dans la province de La Rioja, l’éphĂ©mĂšre gouvernement de Manuel Vicente Bustos fut relayĂ© par celui de Julio Campos, PortĂšgne dĂ©pourvu de relations dans la province, et dont l’autoritĂ© reposait sur les seules armes. La Rioja fut pacifiĂ©e de force, et ses habitants se rĂ©signĂšrent, en Ă©change de la paix civile, Ă  vivre sous la domination de PortĂšgnes et de leurs alliĂ©s[82].

S’il n’y eut certes plus de guerres civiles en Argentine durant cette pĂ©riode, le gouvernement argentin s’impliqua dans l’invasion de l’Uruguay aux cĂŽtĂ©s de l’Uruguayen Venancio Flores, laquelle invasion sonna le dĂ©part de la dĂ©nommĂ©e Croisade libĂ©ratrice de 1863 (en esp. Cruzada Libertadora de 1863), dite aussi Petite Guerre (Guerra Chiquita). L’assistance que prĂȘtait Ă  Flores le gouvernement de Mitre (en dĂ©pit de ses Ă©nergiques dĂ©nĂ©gations, quoique cette assistance eĂ»t Ă©tĂ© mise au jour, et sous la mĂ©fiance du gouvernement paraguayen de Francisco Solano LĂłpez, qui pressentait que cette guerre, Ă  laquelle prenait part Ă©galement l’Empire du BrĂ©sil, Ă©tait le prĂ©lude d’une offensive contre son pays) trouva son prolongement dans la guerre de la Triple-Alliance, aussitĂŽt que Flores eut rĂ©ussi Ă  vaincre le gouvernement uruguayen en place.

RĂ©volution des Colorados et campagnes militaires de Felipe Varela

DĂ©clenchement

La participation de l’Argentine Ă  la guerre de la Triple Alliance requit des provinces la conscription d’un trĂšs grand nombre de soldats, appelĂ©s Ă  s’engager dans une guerre qui Ă©tait, Ă  l’intĂ©rieur du pays, fort impopulaire[. 27]. Une grande partie des volontaires qui avaient Ă©tĂ© enrĂŽlĂ©s pour aller combattre au front se rebellĂšrent ou dĂ©sertĂšrent.

L’invasion du territoire paraguayen se rĂ©vĂ©la ĂȘtre une entreprise beaucoup plus ardue que prĂ©vu, et les provinces furent obligĂ©es d’envoyer au front de nouveaux contingents de soldats. La dĂ©faite des alliĂ©s dans la bataille de Curupayty porta un rude coup au prestige militaire de Mitre ; la population en avait assez des levĂ©es forcĂ©es de troupes pour une guerre que semblait devoir s’éterniser.

Le Ă©clata dans la ville de Mendoza un soulĂšvement des troupes rassemblĂ©es pour marcher au front. Comme dans d’autres provinces, un gouvernement provincial dominĂ© par le parti libĂ©ral y avait Ă©tĂ© imposĂ© par l’armĂ©e de Buenos Aires, qui avait envahi la province peu de mois aprĂšs la bataille de PavĂłn. Les insurgĂ©s bĂ©nĂ©ficiĂšrent de l’appui de la police locale et des gardiens de prison, et remirent les prisonniers en libertĂ©. Parmi ceux-ci figuraient de nombreux fĂ©dĂ©ralistes, qui proclamĂšrent la destitution du gouverneur. Le gouvernorat Ă©chut au docteur Carlos Juan RodrĂ­guez, qui se lança dans un programme politique fort ambitieux : il rĂ©cusa l’autoritĂ© du prĂ©sident Mitre et annonça qu’il s’appliquerait Ă  faire cesser la guerre au Paraguay. RodrĂ­guez fut nommĂ© directeur de la guerre que l’on se proposait de mener contre le gouvernement central.

Les fĂ©dĂ©ralistes eurent le dessus lors d’une petite bataille Ă  LujĂĄn de Cuyo contre le colonel Pablo IrrazĂĄbal (celui-lĂ  mĂȘme qui avait assassinĂ© le Chacho Peñaloza cinq ans auparavant), et Ă  Rinconada del Pocito contre le gouverneur de La Rioja, Julio Campos. Le gĂ©nĂ©ral Juan SaĂĄ rentra du Chili et mit sur pied une division, avec laquelle il envahit la province de San Luis, infligeant une dĂ©faite au colonel JosĂ© Miguel Arredondo Ă  Pampa del Portezuelo. Son frĂšre Felipe SaĂĄ accĂ©da alors au gouvernorat de la province. Dans la province de San Juan, Juan de Dios Videla prit le pouvoir, et dans celle de La Rioja Ă©galement les fĂ©dĂ©ralistes s’emparĂšrent du gouvernorat.

SimultanĂ©ment, le colonel Felipe Varela, Ă  la tĂȘte d’une petite division, pĂ©nĂ©tra en Argentine depuis le Chili et occupa l’ouest de la province de La Rioja, puis organisa une campagne militaire contre la province de Catamarca, oĂč il disposait d’alliĂ©s. Il comptait par ailleurs sur l’alliance tacite du gouvernement de CĂłrdoba, mais cette alliance ne se concrĂ©tisera pas. Finalement, ils requirent le concours de l’ancien prĂ©sident Urquiza, nominalement toujours chef du parti fĂ©dĂ©raliste, mais Urquiza resta sourd Ă  cet appel.

La réaction du gouvernement de Mitre

Le général Juan Saå.

Le prĂ©sident Mitre se trouvait sur le front paraguayen, mais, appelĂ© en urgence, gagna Rosario, ramenant du front avec lui plusieurs rĂ©giments. Tandis qu’il donna ordre au gĂ©nĂ©ral Antonino Taboada de faire mouvement, Ă  partir de Santiago del Estero, sur La Rioja, il plaça ces forces sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Wenceslao Paunero, qui se dirigea vers San Luis, prĂ©cĂ©dĂ© d’une avant-garde conduite par le colonel Arredondo.

Sans attendre son chef, Arredondo se lança sur les troupes de SaĂĄ, dans la bataille de San Ignacio, le , sur les rives du rĂ­o Quinto. Les fĂ©dĂ©ralistes Ă©taient en passe de vaincre, mais la manƓuvre dĂ©cisive de l’infanterie de Luis MarĂ­a Campos et la supĂ©rioritĂ© de l’armement et la discipline de l’armĂ©e nationale permirent Ă  celle-ci de remporter la victoire.

Les fĂ©dĂ©ralistes furent dispersĂ©s et s’enfuirent pour la plupart au Chili, pendant que l’armĂ©e nationale se reprirent la maĂźtrise des provinces de San Luis, Mendoza et San Juan.

Taboada pour sa part s’empara de la ville de La Rioja[. 28]. La nouvelle parvint Ă  Varela alors qu’il se mettait en marche vers Catamarca avec une Ă©norme armĂ©e de 5 000 hommes. Varela cependant commit une grave erreur, en se repliant sur La Rioja pour se prĂ©server d’avoir des ennemis derriĂšre le dos ; ce faisant, il nĂ©gligea d’assurer son approvisionnement en eau, ce qui pourtant, dans ces parages dĂ©sertiques, Ă©tait vital. À cause de la subsĂ©quente pĂ©nurie d’eau dont souffrirent ses troupes, il fut donc amenĂ© Ă  prĂ©senter bataille en Ă©tat d’infĂ©rioritĂ© du point de vue de la condition physique, et fut, en dĂ©pit de sa forte supĂ©rioritĂ© numĂ©rique, totalement dĂ©fait par Taboada le , lors de la bataille de Pozo de Vargas.

DerniĂšres campagnes de Varela

Le colonel Felipe Varela en compagnie de ses officiers.

Varela se dĂ©plaça vers l’ouest de la province de La Rioja, mais refusa de fuir au Chili : il rĂ©sista plusieurs mois dans l’intĂ©rieur de la province et mena des incursions rĂ©pĂ©tĂ©es dans l’ouest des provinces de Catamarca et de CĂłrdoba. AprĂšs avoir vaincu Arredondo et le colonel Linares, il put occuper briĂšvement la capitale de la province, mais dut l’abandonner ensuite.

En avril de la mĂȘme annĂ©e Ă©clata une rĂ©volution dans le sud de la province de Salta, avec des mutineries de troupes Ă  La Candelaria et Ă  MetĂĄn. DirigĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Aniceto Latorre, ils firent route vers Chicoana, mais furent battus dans la bataille d’El Bañado[83].

Varela se transporta alors dans l’ouest de Catamarca, d’oĂč il avança vers les vallĂ©es CalchaquĂ­es. En , il prit d’assaut la ville de Salta, qu’il dut cependant Ă©vacuer aussitĂŽt, puis peu aprĂšs San Salvador de Jujuy. Il finit en exil en Bolivie.

Mateo Luque, gouverneur de la province de CĂłrdoba, Ă©tait un fĂ©dĂ©raliste dĂ©cidĂ©, mais s’abstint de se joindre Ă  la rĂ©volution. Le colonel SimĂłn Luengo voulut l’y contraindre, en s’emparant du gouvernement en son absence, mais Luque permit Ă  l’armĂ©e nationale d’écraser Luengo et ses partisans. Ce nonobstant, le prĂ©sident Mitre dĂ©cida une intervention fĂ©dĂ©rale dans la province, liquidant ainsi le parti fĂ©dĂ©raliste de CĂłrdoba[. 29]. En , Varela fit une ultime et vaine tentative, assez pitoyable, de retourner en Argentine et de ressusciter le parti fĂ©dĂ©raliste dans l’intĂ©rieur du pays, mais fut battu dans la Puna.

Pourtant la rĂ©sistance des montoneros fĂ©dĂ©ralistes, parmi lesquels s’illustrĂšrent en particulier Santos Guayama et Martina Chapanay, originaires de San Juan, devait durer deux ou trois ans encore dans les provinces de Cuyo et La Rioja. Toutefois, il ne s’agira plus guĂšre d’autre chose que d'actions de bandes rurales, incapables de se constituer en armĂ©e, qui attaquaient par surprise, indistinctement, la police, les exploitants agricoles ou les voyageurs[84].

Le gouvernement de Mitre arriva au terme de son mandat en , laissant dans son bilan plus de 8000 Argentins morts dans des rébellions contre le centralisme mitriste[85].

Fin du fédéralisme dans le Litoral : la révolution de López Jordån

La dĂ©faite du Parti fĂ©dĂ©raliste toutefois n’était pas encore totale ; grĂące Ă  sa dĂ©cision de supposer caduque la ConfĂ©dĂ©ration argentine Ă  la suite de la bataille de PavĂłn, le gĂ©nĂ©ral Urquiza avait su se maintenir comme gouverneur de la Province d'Entre RĂ­os, loin de l’influence de Buenos Aires.

Prologue : chute des fédéralistes dans la province de Corrientes

Il y eut pour un bref laps de temps un gouvernement fĂ©dĂ©raliste Ă  Corrientes Ă©galement : le gĂ©nĂ©ral CĂĄceres avait en effet fait Ă©lire gouverneur Evaristo LĂłpez. Les libĂ©raux n’ayant pas acceptĂ© leur dĂ©faite, ils le renversĂšrent le au moyen d’une rĂ©volution dirigĂ©e par Wenceslao MartĂ­nez. Tandis que Victorio Torrent accĂ©dait au gouvernement dans la capitale provinciale, CĂĄceres refusa de reconnaĂźtre le gouvernement surgi de cette rĂ©volution, et rĂ©ussit Ă  se rendre maĂźtre de la zone sud et centrale de la province, battant les forces de Raimundo Reguera lors de la bataille de Arroyo Garay, le [. 30].

Cependant, le gouvernement national dĂ©pĂȘcha en appui aux libĂ©raux (et du coup reconnaissait un gouvernement issu d’une rĂ©volution) plusieurs unitĂ©s de l’armĂ©e alors en opĂ©ration au Paraguay, commandĂ©es par les gĂ©nĂ©raux Emilio Mitre (frĂšre de BartolomĂ© Mitre) et Julio de Vedia. CĂĄceres fut contraint de se retirer sur Entre RĂ­os.

Assassinat d’Urquiza

Ricardo López Jordån (fils), dernier des caudillos fédéralistes.

Quelques dirigeants fĂ©dĂ©ralistes d’Entre RĂ­os dĂ©savouĂšrent l’appui donnĂ© par Urquiza au gouvernement national dans sa guerre au Paraguay, ainsi que son inaction lors des rĂ©bellions du Chacho Peñaloza et de Felipe Varela. Parmi eux figurait notamment le gĂ©nĂ©ral Ricardo LĂłpez JordĂĄn fils.

Le , peu aprĂšs la fin de la guerre de la Triple-Alliance, LĂłpez JordĂĄn dĂ©clencha una rĂ©volution contre Urquiza, dont la premiĂšre Ă©tape consista en une attaque contre la rĂ©sidence de celui-ci, attaque dans laquelle l’ancien prĂ©sident trouva la mort.

Trois jours aprĂšs, la LĂ©gislature Ă©lut LĂłpez JordĂĄn gouverneur, pour qu’il achevĂąt le mandat d’Urquiza.

Le prĂ©sident Sarmiento envoya Ă  Entre RĂ­os une armĂ©e formĂ©e par des divisions d’anciens combattants de la guerre du Paraguay, tandis que de son cĂŽtĂ© le gouverneur interdit l’entrĂ©e de troupes nationales dans la province sous son autoritĂ©. Quand les troupes nationales dĂ©barquĂšrent dans la province, le , il proclama qu’Entre RĂ­os Ă©tait en guerre avec le gouvernement de Sarmiento.

Le , le prĂ©sident dĂ©crĂ©ta l’état de guerre de la Nation contre la province d’Entre RĂ­os. Cependant, ce ne fut pas avant le , alors que les opĂ©rations de guerre duraient depuis plus de trois mois dĂ©jĂ , que le congrĂšs national finit par autoriser le pouvoir exĂ©cutif Ă  recourir Ă  une intervention fĂ©dĂ©rale dans la province Ă  l’effet d’y rĂ©primer une « sĂ©dition ».

La guerre jordaniste de 1870 et 1871

La bataille de ÑaembĂ©.

Le gĂ©nĂ©ral Emilio Mitre dĂ©barqua Ă  GualeguaychĂș, Ignacio Rivas fit marche vers le nord en longeant la rive du fleuve Uruguay, Emilio Conesa pĂ©nĂ©tra dans la ville de ParanĂĄ, et Juan AndrĂ©s Gelly y Obes envahit la province au dĂ©part de la province de Corrientes.

Les forces d’Entre RĂ­os Ă©taient trĂšs supĂ©rieures en effectifs et, disposant d’un cavalerie plus nombreuse, beaucoup plus mobiles, ce qui leur permit de remporter quelques petites victoires. Cependant les nationaux, beaucoup mieux Ă©quipĂ©s en armement et mieux dirigĂ©s, dominaient les villes et recherchaient avidement une bataille de grande envergure qui leur assurĂąt la victoire dĂ©finitive.

Le , Conesa battit LĂłpez JordĂĄn lors du combat d’El Sauce, empĂȘchant ainsi que le gouverneur ne s’emparĂąt de ParanĂĄ. Ce fut la premiĂšre bataille de l’histoire argentine dans laquelle furent utilisĂ©es des mitrailleuses.

Le , les jordanistes lancĂšrent une offensive contre la capitale d’Entre RĂ­os, ConcepciĂłn del Uruguay, l’occupĂšrent un temps, mais durent bientĂŽt s’en retirer. Peu aprĂšs, LĂłpez JordĂĄn dĂ©cida de renoncer aux villes et de se replier dans la campagne et dans les montagnes, Rivas se saisissant alors du commandement militaire. AprĂšs quelques combats Ă  l’issue variable, Rivas remporta le la sanglante victoire de Santa Rosa, au sud-est du bourg de Villaguay. NĂ©anmoins les jordanistes obtinrent en une Ă©phĂ©mĂšre victoire dans la bataille de Don CristĂłbal.

LĂłpez JordĂĄn tenta d’ouvrir un nouveau front : il envahit la province de Corrientes, avec l’appui des fĂ©dĂ©ralistes de cette province, mais fut totalement dĂ©fait le par le gouverneur correntin Santiago Baibiene lors de la Bataille de ÑaembĂ©.

Le caudillo retourna dans le nord d’Entre RĂ­os, mais de nouvelles dĂ©faites obligĂšrent les jordanistes Ă  se disperser dans l’intĂ©rieur de la province. Le gouverneur s’enfuit en Uruguay, puis, fin fĂ©vrier, passa au BrĂ©sil.

DeuxiĂšme campagne de LĂłpez JordĂĄn

Le gouvernement organisa des Ă©lections sans candidats fĂ©dĂ©ralistes. Le gouverneur Emilio Duportal et son successeur Leonidas EchagĂŒe s’employĂšrent Ă  Ă©loigner les fĂ©dĂ©ralistes de tous les postes publics, y compris les curĂ©s et les maĂźtres d’école. La province d’Entre RĂ­os, qui avait Ă©tĂ© jusque-lĂ  prĂ©servĂ©e des excĂšs survenus Ă  la suite de la bataille de PavĂłn, en Ă©tait profondĂ©ment humiliĂ©e.

AprĂšs que les fĂ©dĂ©ralistes d’Entre RĂ­os eurent lancĂ© un appel Ă  LĂłpez JordĂĄn exilĂ©, celui-ci traversa le fleuve Uruguay en et, en deux jours, se rendit maĂźtre de toute la province, Ă  l’exception de ParanĂĄ, GualeguaychĂș et ConcepciĂłn del Uruguay. Il mit sur pied une armĂ©e plus grande encore, laquelle, croit-on, arriva Ă  compter 16 000 hommes, et la dota d’une infanterie et d’artillerie.

Sarmiento dĂ©crĂ©ta l’intervention fĂ©dĂ©rale ainsi que l'Ă©tat de siĂšge dans les provinces d’Entre RĂ­os, de Santa Fe et de Corrientes. Il proposa une loi portant la mise Ă  prix, pour une forte somme d’argent, de la tĂȘte de LĂłpez JordĂĄn, mais le congrĂšs rejeta ce projet. Le ministre de la Guerre, le colonel MartĂ­n de Gainza, fut nommĂ© commandant en chef des forces de l’intervention, lesquelles Ă©taient organisĂ©es en trois divisions sous les ordres du gĂ©nĂ©ral Julio de Vedia et des colonels Luis MarĂ­a Campos et Juan Ayala.

Encore une fois, il y eut des combats sur toute l’étendue du territoire de la province, que les troupes nationales gagnĂšrent pour la plupart. Le , LĂłpez JordĂĄn fut vaincu dans la bataille de Don Gonzalo par les gĂ©nĂ©raux Gainza et Vedia. Le lendemain, plusieurs officiers faits prisonniers furent fusillĂ©s.

Le général Francisco Caraballo, menant les derniers vestiges des forces jordanistes, fut battu à Puente de Nogoyå. Le jour de noël, López Jordån franchit à nouveau le fleuve pour un nouvel exil en Uruguay.

Ultime tentative

En dĂ©pit de toutes les dĂ©faites subies, le caudillo et quelques-uns de ses affidĂ©s entreprirent une derniĂšre tentative : ayant refait leur apparition dans leur province le , ils ne parvinrent pourtant pas Ă  rĂ©unir plus de huit-cents hommes. Ils furent dĂ©faits dans la bataille de Alcaracito, prĂšs de La Paz, et LĂłpez JordĂĄn fut fait prisonnier[86]. Il passa en dĂ©tention plus de trois ans, et finit par s’échapper en Uruguay. Il ne devait plus jamais revoir sa province d’Entre RĂ­os, et fut assassinĂ© Ă  son retour Ă  Buenos Aires en 1889.

Ainsi s’acheva l’ultime rĂ©volution fĂ©dĂ©raliste en Argentine. Le Parti fĂ©dĂ©raliste dĂ©finitivement vaincu, quelques-uns de ses anciens membres rejoindront le Parti autonomiste national (PAN), lui apportant une partie de leurs idĂ©es ; au fil du temps cependant, les dirigeants de ce parti allaient le transformer en un parti conservateur.

Guerres civiles du mitrisme dans la décennie 1870

La dĂ©faite dĂ©finitive des fĂ©dĂ©ralistes ne mit pas le point final aux guerres civiles. L’ancien Parti unitaire allait survivre encore Ă  travers le mitrisme, qui mena ses ultimes combats pour imposer la suprĂ©matie de Buenos Aires.

PremiÚres années de la décennie 1870

Le gouverneur libĂ©ral correntin, Santiago Baibiene, aurĂ©olĂ© par la victoire de ÑaembĂ©, fit Ă©lire gouverneur AgustĂ­n Pedro Justo. Le , le colonel Valerio Insaurralde dĂ©clencha une rĂ©volution Ă  CuruzĂș CuatiĂĄ. Baibiene prit alors le commandement des forces gouvernementales dans le sud de la province, ce que le colonel Desiderio Sosa mit Ă  profit pour renverser le gouverneur dans la capitale provinciale le . Justo rĂ©ussit Ă  fuir Ă  Buenos Aires, oĂč il sollicita l’intervention fĂ©dĂ©rale, mais Sarmiento refusa de la dĂ©crĂ©ter.

Sosa affronta Baibiene dans deux petites batailles, puis se laissa poursuivre durant des semaines par les troupes de Baibiene, sachant tirer parti de la meilleure qualitĂ© de ses chevaux et de son approvisionnement. PrĂšs du village d’Empedrado se produisit le la bataille de Tabaco ou des champs d’Acosta (esp. de los campos de Acosta), qui se solda par la victoire des forces rĂ©volutionnaires ; les vaincus toutefois furent autorisĂ©s Ă  quitter la province. Lors des Ă©lections qui suivirent, les autonomistes triomphĂšrent.

En 1870, le gouverneur de Santiago del Estero, Manuel Taboada, cĂ©da le gouvernement Ă  Alejandro Montes, qui rĂ©solut de gouverner sans se laisser commander par les Taboada. En rĂ©action, Taboada organisa une rĂ©volution, lĂ©galisĂ©e ensuite par la lĂ©gislature, laquelle destitua Montes en . Un rĂ©giment de l’armĂ©e argentine tenta de le remettre au pouvoir, mais n’obtint aucun appui national et fut dĂ©fait le .

AprĂšs la mort de Manuel Taboada en septembre de cette mĂȘme annĂ©e, son propre frĂšre Antonino, chef militaire du parti mitriste, et le gouverneur AbsalĂłn Ibarra, poursuivirent sa politique[. 31]. Lors des Ă©lections nationales de 1874, les Ă©lecteurs de Santiago del Estero votĂšrent pour Mitre, mais celui-ci fut battu par NicolĂĄs Avellaneda.

La révolution de 1874

Depuis 1862 existaient deux partis libĂ©raux ; l’un d’eux, le Parti autonomiste, hissa Domingo Faustino Sarmiento Ă  la prĂ©sidence en 1868.

Lors du scrutin de 1874 Ă  Buenos Aires pour l’élection des dĂ©putĂ©s nationaux, si l’opposition triompha, la lĂ©gislature provinciale manipula les rĂ©sultats — pratique assez commune Ă  cette Ă©poque — de façon Ă  donner la victoire au Parti autonomiste.

Bien qu’ils dĂ©daignassent les Ă©lections, les nationaux attendirent le rĂ©sultat des Ă©lections prĂ©sidentielles, qui se tinrent le . Les opposants ne sortirent gagnants que dans les provinces de Buenos Aires, San Juan et Santiago del Estero, et le candidat autonomiste NicolĂĄs Avellaneda fut proclamĂ© prĂ©sident.

Le , la Chambre des dĂ©putĂ©s approuva l’élection des dĂ©putĂ©s portĂšgnes, pendant que Mitre se mettait Ă  la tĂȘte de la conspiration. À titre prĂ©ventif, Sarmiento Ă©carta de leurs commandements militaires les chefs les plus engagĂ©s, mais le commandant naval Erasmo Obligado refusa d’obĂ©ir et lança le une rĂ©volution, Ă  la tĂȘte de deux canonniĂšres. Il transfĂ©ra Mitre vers Montevideo, puis retourna dans le sud de la province de Buenos Aires.

Les chefs militaires de la rĂ©volution, les gĂ©nĂ©raux Ignacio Rivas et Juan AndrĂ©s Gelly y Obes, et les colonels JuliĂĄn Murga et Francisco Borges, se transportĂšrent dans le sud de la province, et recrutĂšrent des volontaires dans les villages de campagne, jusqu’à totaliser 5 000 hommes, mal armĂ©s et quasi entiĂšrement de cavalerie. L’armĂ©e nationale, sous les ordres des gĂ©nĂ©raux MartĂ­n de Gainza et Julio de Vedia, et des colonels Julio et Luis MarĂ­a Campos, subit une sĂ©rie de dĂ©faites mineures.

Mitre prit le commandement de l’armĂ©e le , tandis qu’Obligado se vit contraint de se rendre.

Pour sa part, le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Miguel Arredondo, aprĂšs avoir soulevĂ© la frontiĂšre sud de la province de CĂłrdoba, avança jusqu'Ă  s’emparer de la capitale provinciale, oĂč il s’approvisionna et agrandit ses troupes. De lĂ , il revint vers le sud, cherchant Ă  se joindre Ă  Mitre.

La RĂ©volution de la RĂ©publique Argentine: Occupation du palais du gouvernement par les troupes, a Buenos Aires (L'Illustration, Vol. LXIV, no 1.660, 1874).

Le colonel Julio Argentino Roca cependant s’interposa entre les deux armĂ©es rebelles, de sorte qu’Arredondo se dĂ©porta vers Mendoza, et battit les milices provinciales dans la premiĂšre bataille de Santa Rosa, le . Il força les gouverneurs de Mendoza et de San Juan Ă  dĂ©missionner et leur substitua des mitristes.

Dans la province de Buenos Aires, Mitre dirigea son armĂ©e vers le nord, se proposant d’unir ses troupes Ă  celles d’Arredondo. Ce faisant, il croisa le chemin de la petite troupe du lieutenant colonel JosĂ© Inocencio Arias : le , avec sa cavalerie, il attaqua frontalement une infanterie excellemment armĂ©e, couverte et commandĂ©e, dans la bataille de La Verde. Il fut vaincu et capitula le Ă  JunĂ­n[87].

Arredondo renforça son armĂ©e au lieu mĂȘme de sa victoire, Santa Rosa, oĂč il attendit Roca. Celui-ci cependant encercla les positions de son ennemi et le vainquit lors de la deuxiĂšme bataille de Santa Rosa, le [88].

Mitre, Arredondo et leurs officiers furent arrĂȘtĂ©s, traduits devant le conseil de guerre et limogĂ©s de l’armĂ©e[. 32], tandis qu’Avellaneda fut reconnu prĂ©sident[89].

1874 dans les provinces de Corrientes et Jujuy

À la suite du dĂ©clenchement de la rĂ©volution mitriste, il y eut une brĂšve rĂ©action libĂ©rale Ă  CaĂĄ CatĂ­, dans la province de Corrientes, mais fut facilement vaincue. À Goya, dans la mĂȘme province, le colonel PlĂĄcido MartĂ­nez se souleva et obtint que la milice locale se joignĂźt Ă  lui. Les troupes nationales, sous le commandement du colonel Manuel Obligado, gagnĂšrent la province au dĂ©part du Gran Chaco, et pourchassĂšrent MartĂ­nez Ă  travers toute la province. Celui-ci avança vers l’extrĂȘme nord de la province, pour redescendre ensuite le long du fleuve Uruguay jusqu’aux environs de Monte Caseros, oĂč il apprit la nouvelle de la dĂ©faite et reddition de Mitre, motif pour lui de franchir le fleuve Uruguay pour l’exil.

Sans relation apparente avec les rĂ©volutions libĂ©rales, une insurrection d’indigĂšnes, en dĂ©saccord avec la privatisation de leurs terres communales, Ă©clata dans la Puna de Jujuy. Les insurgĂ©s concentrĂšrent leur forces dans le village de Cochinoca et repoussĂšrent les offensives du gouverneur JosĂ© MarĂ­a Álvarez Prado. Cependant celui-ci se ressaisit et attaqua Cochinoca en , massacrant les indigĂšnes dans la bataille de Quera[. 33]. La zone resta sous le contrĂŽle du gouvernement, et la privatisation projetĂ©e fut mise en Ɠuvre, quoique de façon incomplĂšte.

Échecs et persistance du mitrisme

Antonino Taboada s’était engagĂ© Ă  appuyer la rĂ©volution mitriste, mais se retracta par aprĂšs. C’est la raison pour laquelle le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Miguel Arredondo dut, aprĂšs s’ĂȘtre rendu maĂźtre de CĂłrdoba, se replier sur la province de Mendoza, oĂč il allait ĂȘtre vaincu. Toutefois Avellaneda n’était pas disposĂ© Ă  admettre que son autoritĂ© dans le nord du pays dĂ©pendĂźt du bon vouloir de Taboada, et fit pression sur AbsalĂłn Ibarra, qui dĂ©missionna en dĂ©cembre de cette mĂȘme annĂ©e. Fin , l’arrivĂ©e de deux bataillons de ligne de l’armĂ©e nationale prĂ©cipita la rĂ©volution des dirigeants de l’opposition, appuyĂ©s par une grande partie de la population. Le processus fut trĂšs violent, entraĂźnant assassinats, dĂ©tentions et pillages. Antonino Taboada, comme ses derniers adeptes achevaient d'ĂȘtre vaincus par les troupes nationales en juin, s’exila dans la province de Salta.

À cette mĂȘme date s’établissait l’alliance entre autonomistes et mitristes dans la province de Buenos Aires, mais les libĂ©raux des autres provinces se plaignaient de ce que cette alliance ne fĂ»t pas Ă©tendue aux autres provinces. Dans quelques-unes de celles-ci, des conspirations commençaient dĂ©jĂ  Ă  se tramer.

Le cas le plus grave fut celui de Santa Fe, oĂč l’ancien gouverneur Patricio Cullen, appuyĂ© par Nicasio Oroño, ancien gouverneur lui aussi et dirigeant libĂ©ral, dĂ©clencha une rĂ©volution, mais ne fut guĂšre suivi que par des colonnes Ă©trangĂšres du nord de la province et par des mercenaires des colonies suisses d’Helvecia et d’Esperanza. Un groupe pĂ©nĂ©tra dans la capitale provinciale, mais Ă©choua Ă  s’emparer de la maison du gouvernement. Le , Cullen fut battu et tuĂ© lors de la bataille de Los Cachos, prĂšs de CayastĂĄ. L’annĂ©e suivante, dĂšs le dĂ©but du deuxiĂšme mandat du gouverneur autonomiste SimĂłn de Iriondo, il y eut plusieurs rĂ©bellions libĂ©rales dans la province, mais progressivement, le libĂ©ralisme de Santa Fe finit par accepter sa dĂ©faite.

Quand eurent lieu les Ă©lections correntines du , les libĂ©raux refusĂšrent d’y participer et organisĂšrent leurs propres bureaux de vote le mĂȘme jour, oĂč comme de juste ils remportĂšrent un triomphe. De la sorte furent Ă©lus deux lĂ©gislatures et deux gouverneurs : l’un libĂ©ral, Felipe Cabral, et l’autre autonomiste, Manuel Derqui. Le gouvernement confĂ©ra le pouvoir Ă  Derqui, alors que Cabral requit l’intervention fĂ©dĂ©rale pour la province. Les libĂ©raux, emmenĂ©s par Juan Esteban MartĂ­nez, dĂ©clenchĂšrent une rĂ©volution. Le , dans la bataille d’IfrĂĄn, le colonel libĂ©ral Raimundo Reguera dĂ©fit l’autonomiste Valerio Insaurralde, et peu aprĂšs remporta une deuxiĂšme victoire Ă  Yatay. Les libĂ©raux dominaient le sud-ouest de la province et instaurĂšrent un gouvernorat provisoire. Le prĂ©sident envoya un interventeur fĂ©dĂ©ral, JosĂ© Inocencio Arias, lequel, secrĂštement de connivence avec les libĂ©raux de Corrientes, leur fournit des armes, avec lesquelles les libĂ©raux occupĂšrent la capitale provinciale le . AprĂšs quelques combats mineurs, Derqui quitta la province. Corrientes allait ĂȘtre la seule province Ă  joindre sa voix Ă  celle de Buenos Aires en votant en 1880 pour l’opposition au candidat du pouvoir en place.

RĂ©volution portĂšgne de 1880

En 1880, la « question de la capitale » — c'est-Ă -dire la question du siĂšge du gouvernement fĂ©dĂ©ral — avait gardĂ© la mĂȘme forme provisoire que celle hĂ©ritĂ©e de la bataille de PavĂłn : le gouvernement national Ă©tait « hĂŽte » de la province de Buenos Aires, dans la ville de Buenos Aires, sur laquelle il n’avait du reste aucune autoritĂ©.

AprĂšs la rĂ©volution de 1874, et aprĂšs que se furent Ă©coulĂ©es quelques annĂ©es de proscription pour les vaincus, ceux-ci firent l’objet d’une mesure de grĂące et se joignirent Ă  la « conciliation des partis », laquelle en 1876 porta au gouvernement de la province de Buenos Aires Carlos Tejedor, autonomiste jouissant d'un grand prestige auprĂšs des partisans de Mitre.

À la mort d’Alsina fin 1877, le meilleur candidat de l’autonomisme Ă©tait le ministre de la Guerre, le gĂ©nĂ©ral Julio Argentino Roca, qu'avait menĂ© la ConquĂȘte du DĂ©sert, une des grandes rĂ©ussites du gouvernement Avellaneda. Les dirigeants portĂšgnes, dont beaucoup tenaient pour un affront d’ĂȘtre gouvernĂ©s par des provinciaux, prĂ©sentĂšrent comme leur candidat le gouverneur Tejedor.

Pour sa part, Avellaneda voulut de terminer son mandat par un autre succĂšs encore : une loi dĂ©clarant la ville de Buenos Aires capitale de l’État argentin, en accord avec ce qui avait Ă©tĂ© Ă©tabli dans la Constitution de 1853 mais n’avait pas Ă©tĂ© mis en Ɠuvre.

La derniĂšre guerre civile

Le gouverneur Carlos Tejedor.

Tejedor rĂ©pliqua en ordonnant la mobilisation militaire et la formation de milices afin d’exercer les citoyens au maniement des armes, cela en infraction Ă  une loi d’, qui interdisait aux provinces de mobiliser des milices sans la permission expresse du prĂ©sident. Le gouvernement de Buenos Aires fit l’acquisition d’une forte cargaison d’armes Ă  l’usage de ses milices ; lorsqu’un officier de l’armĂ©e tenta de rĂ©quisitionner le navire qui les transportait, les forces du colonel JosĂ© Inocencio Arias coupĂšrent court Ă  l’action des troupes nationales.

Devant l’attitude belliqueuse du gouvernement de Buenos Aires, Avellaneda dĂ©crĂ©ta le le transfert de toutes les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales vers le village de Belgrano voisin, alors hors de la tutelle portĂšgne, et le dĂ©clara siĂšge transitoire du gouvernement national. Vers le village dĂ©mĂ©nagĂšrent le SĂ©nat, la Cour suprĂȘme et une partie de la Chambre des dĂ©putĂ©s.

Combat du 20 juin: Défense du pont de Barrancas par la garde nationale de Buenos Aires (Clérice, Le Monde Illustré, no 1.230, 1880).

Dans le mĂȘme temps, le prĂ©sident ordonna Ă  plusieurs divisions de l’armĂ©e nationale d’avancer vers la ville, Ă  quoi le gouvernement de Buenos Aires rĂ©agit en rassemblant dans Buenos Aires toutes les milices de la province. Une tentative d'empĂȘcher cette concentration de forces Ă©choua le , lors de la bataille d’Olivera : bien que les troupes de Buenos Aires qui s’étaient engagĂ©es dans la bataille furent battues, la majeure partie d’entre elles rĂ©ussit Ă  pĂ©nĂ©trer dans la ville.

Les forces nationales lancĂšrent l’offensive contre la ville le . Dans les sanglantes batailles de Puente Alsina, de Barracas et de Corrales Viejos, les troupes de Buenos Aires parvinrent Ă  enrayer l’avancĂ©e nationale, mais subirent d’énormes pertes en hommes, moyens financiers et armements. La victoire stratĂ©gique revenait donc au gouvernement national.

Tejedor ordonna Ă  Mitre d’entamer des pourparlers de paix et prĂ©senta sa dĂ©mission le . La milice provinciale fut aussitĂŽt dĂ©sarmĂ©e. Le congrĂšs procĂ©da Ă  la dissolution de la lĂ©gislature portĂšgne, et quelques jours plus tard entra en jeu le gouvernement provincial.

Corrientes, ultime champ de bataille

Bataille du 21 juin : Attaque, par les troupes nationales, des hauteurs des Corrales (abattoirs), défendues par la garde nationale de Buenos Aires (Clérice, Le Monde Illustré, no 1.230, 1880).

La seule province oĂč le parti libĂ©ral mitriste gouvernait encore Ă©tait la province de Corrientes, oĂč ce parti avait gardĂ© le pouvoir depuis la rĂ©volution de 1878. Le , au moment oĂč la situation Ă  Buenos Aires Ă©tait prĂšs de dĂ©boucher sur un affrontement militaire, les dĂ©lĂ©guĂ©s correntins conclurent par Tejedor une alliance formelle avec le gouvernement portĂšgne : ils offraient le concours d'une armĂ©e provinciale de 10 000 hommes, qu’en pratique il eĂ»t Ă©tĂ© impossible de mettre sur pied. En contrepartie, le gouvernement portĂšgne s’engageait Ă  apporter 1000 fusils avec cent mille « tirs », quatre canons Krupp et un million de pesos.

Quelques jours aprĂšs, des forces correntines envahirent la province d’Entre RĂ­os, attaquant quelques garnisons de moindre importance. En rĂ©ponse, le , Avellaneda dĂ©crĂ©ta l’intervention fĂ©dĂ©rale : le docteur Goyena fut dĂ©pĂȘchĂ© Ă  Corrientes, oĂč il arriva le . Il ordonna, depuis Goya, au colonel Rufino Ortega de marcher sur la capitale provinciale, qui fut prise et occupĂ©e le 24, et au gĂ©nĂ©ral Juan Ayala d’attaquer CuruzĂș CuatiĂĄ au dĂ©part de Concordia.

Le gouverneur Felipe Cabral quitta la ville Ă  la tĂȘte de quelques troupes, mais s’exila vers le Paraguay quelques jours plus tard. Le vice-gouverneur Juan Esteban MartĂ­nez se retira ensuite vers le nord-est, et installa son campement Ă  la lisiĂšre de la zone marĂ©cageuse Esteros del IberĂĄ. Les forces du colonel Reguera se dispersĂšrent, et s’intĂ©grĂšrent pour partie dans celles de MartĂ­nez, lequel fut rattrapĂ© deux fois au cours de sa marche : une premiĂšre fois aux environs de Tacuara CarendĂ­, le , et une deuxiĂšme Ă  ItuzaingĂł, le , et fut battu dans ces deux batailles par le colonel Rufino Ortega.

Cette derniĂšre bataille fut aussi l’ultime bataille des guerres civiles argentines. Corrientes fut pacifiĂ©e, et, pour la premiĂšre fois en soixante-six ans, la paix s’instaura dĂ©finitivement dans l’ensemble du pays. NĂ©anmoins, Corrientes sera la seule province oĂč les rĂ©volutions ultĂ©rieures de la dĂ©cennie 1890 ainsi que les deux de la dĂ©cennie 1930 furent accomplies par des opĂ©rations territoriales et des transferts de troupes. Il ne s’agissait cependant pas lĂ  de guerres civiles Ă  proprement parler, et les conflits politiques d’alors avaient peu en commun avec ceux que l’on s’était proposĂ© de trancher sur les champs de bataille lors des guerres civiles survenues entre 1814 et 1880.

Fédéralisation de Buenos Aires

Le , Avellaneda présenta un projet de loi, approuvé par le congrÚs le , par lequel Buenos Aires serait déclarée capitale de la République et placée sous tutelle fédérale directe.

Il restait Ă  le faire ratifier par la lĂ©gislature portĂšgne. À cet effet furent convoquĂ©es de nouvelles Ă©lections provinciales, dont le Parti autonomiste national sortit triomphant. AprĂšs l’historique dĂ©bat entre l’homme politique et Ă©crivain JosĂ© HernĂĄndez, qui dĂ©fendait la fĂ©dĂ©ralisation de la ville, et Leandro N. Alem, qui s’y opposait — non point tant par une position porteñista, qu'en considĂ©ration des effets nĂ©gatifs sur le reste du pays — la loi fut approuvĂ©e par la province de Buenos Aires en novembre.

Le gĂ©nĂ©ral Roca, qui avait peu auparavant accĂ©dĂ© Ă  la prĂ©sidence, mena Ă  son terme en dĂ©cembre le processus de formation de la Capitale fĂ©dĂ©rale, dĂ©sormais gouvernĂ©e directement par le gouvernement national. Ses compĂ©tences lĂ©gislatives municipales vinrent Ă  dĂ©pendre d’un Conseil dĂ©libĂ©ratif (esp. Concejo Deliberante), mais le pouvoir exĂ©cutif allait rester du ressort du gouvernement national jusqu’à 1995.

Le siÚge du gouvernement de la province de Buenos Aires passa à la ville de La Plata, fondée spécialement à cette fin.

Finalement donc, l’architecture fĂ©dĂ©rale resta inscrite dans la loi, encore qu’avec de fortes limitations pratiques. Le dernier contentieux des guerres civiles argentines se trouva ainsi rĂ©solu.


Articles connexes

Notes et références

  1. La diffĂ©rence entre forces rĂ©guliĂšres et irrĂ©guliĂšres reprit de sa pertinence Ă  partir de 1862, quand BartolomĂ© Mitre et Domingo Faustino Sarmiento voulurent faire valoir cette distinction pour disqualifier leurs ennemis en leur collant l’étiquette de « bandits ».
  2. Selon Bartolomé Mitre p.ex., « les caudillos, aprÚs avoir absorbé la force des masses, se muÚrent en petits seigneurs autoritaires et irresponsables, se maintinrent au pouvoir par la violence et, arbitres des volontés de leurs subordonnés, les entraßnÚrent derriÚre eux et les conduisirent au champ de la guerre civile. » Cf. Historia de Belgrano, chap. XXX.
  3. Le cas de San Juan est connu comme ayant Ă©tĂ© la raison de ce que la famille du gĂ©nĂ©ral Juan Facundo Quiroga, originaire de la province de San Juan, s’en alla s’établir dans la province de La Rioja. À ce sujet, voir Jorge Newton, Facundo Quiroga, aventura y leyenda. Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1972.
  4. Rappelons que te terme géographique Litoral (écrit avec un seul t) renvoie non pas au littoral maritime, mais à une vaste région bordant le rivage des deux grands fleuves Uruguay et Paranå, soit les provinces de Misiones, Corrientes et Entre Ríos (formant ensemble la dénommée Mésopotamie argentine) et celles de Chaco, Formosa et Santa Fe.
  5. L’on peut observer que si PueyrredĂłn est honorĂ© par la postĂ©ritĂ© pour l’aide qu’il sonsentit Ă  apporter Ă  l’armĂ©e avec laquelle San MartĂ­n libĂ©ra le Chili, cette armĂ©e comptait 5 400 hommes, dont prĂšs de 1000 Chiliens, et qu’il y eut donc moins d’Argentins pour Ɠuvrer Ă  libĂ©rer le Chili qu’à soumettre Santa Fe.
  6. La province de Cuyo Ă©tait l’hĂ©ritiĂšre de l’éphĂ©mĂšre intendance de Cuyo crĂ©Ă©e en 1783 au sein de la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata. Cette subdivision administrative, qui comprenait les actuelles provinces de Mendoza, San Juan et San Luis et avait pour capitale la ville de Mendoza, fut reconstituĂ©e en 1813 par les Provinces-Unies du RĂ­o de la Plata, mais disparut en 1820, Ă  la suite de la sĂ©cession de San Juan et de San Luis.
  7. À PaysandĂș naĂźtra peu aprĂšs son fils, appelĂ© Ă©galement Ricardo LĂłpez JordĂĄn, qui sera l’ultime caudillo fĂ©dĂ©raliste.
  8. La RĂ©publique de TucumĂĄn, de la mĂȘme façon que la RĂ©publique d’Entre RĂ­os, Ă©tait le nom lĂ©gal d’une province « souveraine », non d’un État indĂ©pendant.
  9. NicolĂĄs Avellaneda y Tula Ă©tait le pĂšre de Marco Avellaneda, futur gouverneur de TucumĂĄn, et grand-pĂšre de NicolĂĄs Avellaneda, qui sera prĂ©sident de l’Argentine entre 1874 et 1880.
  10. NicolĂĄs Laguna Ă©tait le seul civil et le seul parmi eux pouvant ĂȘtre identifiĂ© comme fĂ©dĂ©raliste.
  11. Le Pacte fĂ©dĂ©ral constituera l’ordonnancement central de la ConfĂ©dĂ©ration argentine dans les 22 annĂ©es suivantes, jusqu’à la bataille de Caseros, nonobstant l’usage peu loyal qu’en fit Rosas. Ce pacte sera l’un des dĂ©nommĂ©s pactes prĂ©existants servant de base Ă  la constitution argentine de 1853.
  12. Contrairement au mythe colportĂ© par Sarmiento concernant son sadisme sanguinaire, d’autres auteurs, comme David Peña, affirment que celle-ci fut l’unique exĂ©cution de masse jamais ordonnĂ©e par Quiroga.
  13. Dans ses MĂ©moires, Lamadrid rejeta la faute de cette dĂ©faite sur la couardise de Pedernera. Mais le gĂ©nĂ©ral Paz le ridiculisa, observant que Lamadrid, dans ses MĂ©moires, rendait la lĂąchetĂ© de l’un ou l’autre de ses officiers responsable de chacune de ses dĂ©faites.
  14. « « Le prĂ©sident constitutionnel de la rĂ©publique, aprĂšs ĂȘtre descendu de la position Ă  laquelle l’avait Ă©levĂ© le vote de ses concitoyens, dĂ©clare en sĂ©ance qu’il ne fait que cĂ©der devant la violence d’une faction armĂ©e, dont les efforts eussent Ă©tĂ© vains s’ils n’avaient pas trouvĂ© leur principal appui et la coopĂ©ration la plus dĂ©cidĂ©e en la marine française, et qui n’a pas dĂ©daignĂ© s’allier Ă  l’anarchie pour dĂ©truire l’ordre lĂ©gal de cette rĂ©publique, qui n’a fait subir aucune offense Ă  la France. » »
  15. Il ne dĂ©clara la guerre ni Ă  l’Argentine, ni Ă  la province de Buenos Aires, ni Ă  leur gouvernement, mais au gĂ©nĂ©ral Rosas personnellement. Cette forme de dĂ©claration de guerre, assez cynique, avait Ă©tĂ© appliquĂ©e par Rosas contre la ConfĂ©dĂ©ration pĂ©ruvo-bolivienne, et allait l’ĂȘtre par BartolomĂ© Mitre pour dĂ©clencher la guerre du Paraguay.
  16. Les Correntins accusĂšrent Urquiza du massacre de centaines de prisonniers. Un dĂ©tail macabre rendit fameuse la mort de BerĂłn : un soldat d’Urquiza extrait de son dos une laniĂšre de peau, dont il fit confectionner une laisse Ă  chevaux.
  17. JoaquĂ­n SuĂĄrez devait, en tant qu’intĂ©rimaire, rester beaucoup plus longtemps en fonction – huit annĂ©es – que tout autre prĂ©sident titulaire dans l’histoire de l’Uruguay.
  18. Urquiza s’engagea Ă  hypothĂ©quer toutes les propriĂ©tĂ©s publiques de l’Argentine pour payer cette dette.
  19. Bien que tous les témoignages ne coïncident pas, Pacheco a été accusé de trahir Rosas, et sa prompte adaptation à ses vainqueurs semble le confirmer.
  20. Il est du reste assez significatif que Taboada et Bustos également passÚrent dans le camp de Bartolomé Mitre à la suite de la bataille de Pavón.
  21. Cette tentative avortera Ă  la suite de la nouvelle du siĂšge mis par Hilario Lagos devant Buenos Aires. Ce siĂšge sera le dernier fait d’armes du gĂ©nĂ©ral Paz.
  22. Parmi les hommes politiques de l’État de Buenos Aires qui s’applaudirent de l’assassinat de Benavídez, le plus notable et le plus enthousiaste fut Domingo Faustino Sarmiento, originaire de San Juan.
  23. Juan SaĂĄ fut promu au grade de gĂ©nĂ©ral en rĂ©compense de sa campagne contre les unitaires de San Juan, et nommĂ© par dĂ©cret du prĂ©sident Derqui commandant de la division Centre de l’armĂ©e nationale.
  24. Toutes les sources concordent Ă  dire qu’il n’y avait quasiment pas de libĂ©raux Ă  Catamarca ; ceux qui firent leur apparition n’étaient que des alliĂ©s de circonstance du mitrisme, motivĂ©s par des inimitiĂ©s locales. Omill reprĂ©sente un tel cas, et la quasi-totalitĂ© de ses successeurs Ă©galement.
  25. Sarmiento conseillait Ă  ses amis de Buenos Aires : « Si Sandes tue des gens, gardez le silence. Ce sont des animaux bipĂšdes d’une condition tellement perverse, que je ne saurais dire ce que l'on gagnerait Ă  les mieux traiter. »
  26. Les renseignements que JosĂ© HernĂĄndez, premier biographe de Peñaloza, donne dans son ouvrage Vida del Chacho (Centro Editor de AmĂ©rica Latina, Buenos Aires, 1967) sur les circonstances de sa mort sont erronĂ©es, notamment lorsqu’il indique qu’il mourut dans son lit.
  27. Ce point de vue cependant est fortement contesté par Marcela Gonzålez de Martínez, dans ¿Fue impopular la Guerra de la Triple Alianza?, revue Todo es Historia, no 132.
  28. La tradition Ă  La Rioja avait conservĂ© jusqu’au milieu du XXe siĂšcle le souvenir de la mise Ă  sac de la province par les troupes de Taboada. Voir Ă  ce sujet FĂ©lix Luna, Los caudillos, Éd. Peña Lillo, Buenos Aires, 1971.
  29. Luengo sera, quelques années plus tard, le responsable de la mort du général Urquiza.
  30. À cette bataille prit part aussi, aux cĂŽtĂ©s de CĂĄceres, le gĂ©nĂ©ral LĂłpez JordĂĄn.
  31. AbsalĂłn Ibarra Ă©tait le fils naturel de Juan Felipe Ibarra, mais, celui-ci ne l’ayant jamais reconnu comme tel, il fut Ă©levĂ© dans la maison de ses cousins, les Taboada.
  32. Il semblerait que le mĂȘme Roca ait aidĂ© Arredondo Ă  fuir au Chili pour sauver sa vie. Voir FĂ©lix Luna, Soy Roca, Éd. Sudamericana, Buenos Aires, 1989.
  33. Cette bataille et les faits qui l’entourent ont Ă©tĂ© relatĂ©s par HĂ©ctor TizĂłn dans son cĂ©lĂšbre roman Fuego en Casabindo, de 1969, rĂ©Ă©ditĂ© par les Ă©d. Planeta, Buenos Aires, 2001. (ISBN 950-49-0873-X)

Sources

Références

  1. Cf. Álvarez, Juan, Las guerras civiles argentinas, EUDEBA, Buenos Aires, 1983. (ISBN 950-23-0027-0)
  2. Voir Bidondo, Emilio A., Historia de Jujuy, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1980.
  3. Lozier Almazán, Bernardo, Martín de Álzaga, Éd. Ciudad Argentina, Buenos Aires, 1998. (ISBN 987-507-043-2).
  4. V. Bra, Gerardo, El MotĂ­n de las Trenzas, revue Todo es Historia, no 187.
  5. Voir Dumrauf, Clemente, El genio malĂ©fico de Artigas, revue Todo es Historia, no 74, article oĂč l’auteur rend Manuel de Sarratea responsable de la crise.
  6. Alfredo DĂ­az de Molina, El coronel JosĂ© Javier DĂ­az y la verdad histĂłrica, Éd. Platero, Buenos Aires, 1984, p. 35 et ss.
  7. V. l’analyse dĂ©taillĂ©e du processus qui conduisit Ă  la mutinerie d’Arequito dans : Mario Arturo Serrano, Arequito: Âżpor quĂ© se sublevĂł el EjĂ©rcito del Norte? , Éd. CĂ­rculo Militar, Buenos Aires, 1996. (ISBN 950-9822-37-X)
  8. NĂșñez, M., Bustos, el caudillo olvidado, Cuadernos de la revue Crisis, Buenos Aires, 1975.
  9. Trahison reconnue par l’intĂ©ressĂ© lui-mĂȘme, cf. ses Memorias pĂłstumas dans : Santiago MoritĂĄn, Mansilla, su memoria inĂ©dita. RamĂ­rez, genial guerrero y estadista. Urquiza y sus hombres, Éd. Peuser, Buenos Aires, 1945.
  10. BernabĂ© ArĂĄoz Ă©tait soutenu par les milices rurales et par les propriĂ©taires terriens. Cf. Carlos PĂĄez de la Torre (h), Historia de TucumĂĄn, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1987. (ISBN 950-21-0907-4)
  11. Cf. Armando RaĂșl BazĂĄn, Historia del noroeste argentino, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1986. (ISBN 950-21-0851-5)
  12. Zinny, JosĂ© Antonio, Historia de los gobernadores de las Provincias Argentinas, Éd, HyspamĂ©rica, 1987. (ISBN 950-614-685-3) De façon inattendue, cet auteur, d’ordinaire trĂšs critique Ă  l’égard des caudillos fĂ©dĂ©ralistes, qu'il tend Ă  rendre responsables de tout le mal survenu en Argentine, impute Ă  DĂ­az de la Peña la principale responsabilitĂ© de cette crise.
  13. Au sujet des blessures de Lamadrid, voir : Scenna, Miguel Ángel, Lamadrid, el guerrero destrozado, revue Todo es Historia, no 155.
  14. Pringles fut tué pour avoir refusé de se rendre à un officier de Quiroga.
  15. Barba, Enrique, Unitarismo, federalismo, rosismo, Éd. Pannedille, Buenos Aires, 1972.
  16. La Revolución de los Restauradores, 1833, compilé par le Centro Editor de América Latina dans la collection Historia Testimonial Argentina, Buenos Aires, 1983.
  17. Juan Carlos Maucor, El Maldonado, un arroyo con historia, Historias de la Ciudad. Année XI, no 56 juillet, (ISSN 1514-8793)
  18. Newton, Jorge, Alejandro Heredia, el Protector del Norte, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1978.
  19. Journal El Pays : Batallas que hicieron historia, tome VIII. Guerra Grande. Partie 1.
  20. Méndez, José M., ¿Quién mató a Alejandro Heredia?, revue Todo es Historia, no 126.
  21. Castello, Antonio Emilio, Historia de Corrientes, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1991. (ISBN 950-21-0619-9) et Castello, Antonio E., Pago Largo, revue Todo es Historia, no 74.
  22. Iriarte, Ignacio Manuel, Los libres del sur, revue Todo es Historia, no 47.
  23. Cresto, Juan JosĂ©, Los libres del sur, Éd. Alfar, Buenos Aires, 1993.
  24. Situation durement blĂąmĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Paz dans ses Memorias pĂłstumas. Éd. HyspamĂ©rica, Buenos Aires, 1988. (ISBN 950-614-762-0)
  25. Quesada, Ernesto, Lamadrid y a la Coalición del Norte, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1965.
  26. Voir Ă  ce sujet l’analyse dĂ©taillĂ©e des raisons de cette dĂ©faite, dans Ernesto Quesada, Lavalle y la batalla de Quebracho Herrado, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1965.
  27. Quesada, Ernesto, Acha y la batalla de Angaco, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1965.
  28. Poenitz, Erich, Los correntinos de Lavalle, revue Todo es Historia, no 119. Cet article détaille le destin de chacune des divisions fournies par la province de Corrientes à la campagne de Lavalle.
  29. Pour toute cette section, se reporter Ă  l’article de PĂ©rez Fuentes, Gerardo, La campaña antirrosista del Chacho, revue Todo es Historia, no 171.
  30. ChĂĄvez, FermĂ­n, Vida del Chacho, Éd. TheorĂ­a, Buenos Aires, 1974. Cet historien, rĂ©visionniste et rosiste, ne s’explique pas de maniĂšre satisfaisante le rĂŽle jouĂ© par el Chacho dans cette campagne.
  31. Castello, Antonio E., CaaguazĂș, la gloria efĂ­mera, revue Todo es Historia, no 107.
  32. Se reporter Ă  Academia Nacional de la Historia, Partes de batalla de las guerras civiles, Buenos Aires, 1977.
  33. Le grand pÚre de Jerónimo Costa (1808-1856), était Français; Gabriel Coste était né le à Collonges-la-Rouge en CorrÚze, qui avait émigré en Argentine, avait hispanisé son nom en se mariant le 13 octobre 1772 avec Juana Sinforosa Maria Nunez de la Torre
  34. JerĂłnimo Costa (es) est l'oncle JosĂ© Antonio Terry Costa (es) fils Sostera Costa la sƓur de JerĂłnimo Costa
  35. À ce sujet, se reporter Ă  Cervera, Manuel, Historia de la ciudad y provincia de Santa Fe, Santa Fe, 1907, ouvrage dans lequel son auteur qualifie l’attitude de LĂłpez de « retraite honteuse ».
  36. Parte de Urquiza a Rosas, dans Academia Nacional de la Historia, Partes de batalla de las guerras civiles, Buenos Aires, 1977.
  37. Rosa, José María, El Pronunciamiento de Urquiza.
  38. Gianello Leoncio, Historia de Santa Fe, Plus Ultra, , 294-295 p.
  39. Uzal, Francisco H., El incomprensible fusilamiento de Chilavert, revue Todo es Historia, no 11.
  40. Rodolfo Adelio Raffino (2006). Burmeister: El Dorado y dos argentinas. Buenos Aires: Editorial Dunken, p. 35. (ISBN 987-02-1906-3).
  41. Andrés Lamas (1849) [1845]. Apuntes históricos sobre las agresiones del dictador argentino D. Juan Manuel Rosas, contra la independencia de la republica oriental del Uruguay. Montevideo: El Nacional, p. LXXI, note no 54.
  42. Domingo Faustino Sarmiento (2003). « Facundo. CivilizaciĂłn y Barbarie en las pampas argentinas ». Miami: Stockcero Inc., (ISBN 978-9-87113-600-1). Voir la prĂ©face de Juan Carlos Casas, p. ix. BasĂ© sur l’ouvrage de Lynch, Argentine Caudillo: Juan Manuel de Rosas (Oxford, 1980, p. 232).
  43. Camogli, Batallas entre hermanos, op. cit., p. 318-320.
  44. James R. Scobie, La lucha por la consolidaciĂłn de la nacionalidad argentina: 1852-62, Hachette, , 21-22 p.
  45. MarĂ­a SĂĄenz Quesada, La RepĂșblica dividida, La Bastilla, , p. 20
  46. Castagnino, Leonardo, « Después de Caseros », La Gazeta Federal
  47. SĂĄenz Quesada (1979): 21-24.
  48. Emilio A. Bidondo, Historia de Jujuy, Plus Ultra, , p. 366-370
  49. Antonio Zinny, Historia de los Gobernadores de las Provincias Argentinas, vol. tome IV, Hyspamérica, , 244-248 p.
  50. EfraĂ­n Bischoff, Historia de CĂłrdoba, Plus Ultra, , 221-231 p.
  51. Zinny (1987) tome III: 306-315.
  52. Manzoni, MarĂ­a Elena et Vianello, Adriana, Los dos viajes de don Bernardo, revue Todo es Histoire, no 40, 1970.
  53. Cisneros y Escudé (1998): El Acuerdo de San Nicolås.
  54. Horacio Videla, Historia de San Juan, Plus Ultra, , 151-156 p.
  55. Carlos PĂĄez de la Torre, Historia de TucumĂĄn, Plus Ultra, , 507-509 p.
  56. Antonio Emilio Castello, Historia de Corrientes, Plus Ultra, , 379-388 p.
  57. Luis C. Alén Lascano, Historia de Santiago del Estero, Plus Ultra, , 351-361 p.
  58. Armando RaĂșl BazĂĄn, Historia de La Rioja, Plus Ultra, , 413-417 p.
  59. Urbano J. NĂșñez, Historia de San Luis, Plus Ultra, , 381-404 p.
  60. Beatriz Bosch, Historia de Entre RĂ­os, Plus Ultra, , 199 p.
  61. AlĂ©n Lascano, Luis C., Historia de Santiago del Estero, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1991. (ISBN 950-21-1034-X)
  62. Alén Lascano, Luis C., Los Taboada, revue Todo es Historia, no 47.
  63. Scobie (1964) : 40-49.
  64. Scobie (1964): 58-59.
  65. Cisneros y Escudé (1998): Revolución del 11 de septiembre de 1852: la secesión de Buenos Aires.
  66. Sosa de Newton, Lily, El general Paz, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1973.
  67. BenjamĂ­n MartĂ­nez, Generales de Urquiza, desfile de valientes, Tor,
  68. Bosch (1991): 195-196.
  69. Tulio Halperín Donghi, Una nación para el desierto argentino, Centro Editor de América Latina, , 62-63 p.
  70. Omar López Mato, Sin mañana: Historia del sitio de Buenos Aires, Olmo,
  71. Cf. Alicia Lahourcade, San Gregorio, una batalla olvidada, dans la revue Todo es Historia, no 126.
  72. Scobie (1964): 89-95.
  73. Pour tout ce qui touche Ă  cette pĂ©riode d’accalmie et au traitĂ© conclu au terme de celle-ci, se reporter Ă  Scobie, James, La lucha por la ConsolidaciĂłn de la Nacionalidad Argentina, Éd. Hachette, Buenos Aires, 1965.
  74. Quiroga Micheo, Ernesto, El asesinato de Nazario BenavĂ­dez, revue Todo es Historia, no 387.
  75. L’on doit à James Scobie l’une des analyses les plus lucides de cette situation, dans La lucha por la Consolidación de la Nacionalidad Argentina, Éd. Hachette, Buenos Aires, 1965.
  76. Note du gouverneur Mitre au président Derqui, juin 1861, cité dans AGM, Antecedentes de Pavón, tome VII, p. 103-104.
  77. Bazán, Armando R., Historia de Catamarca, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1996. (ISBN 950-21-1229-6)
  78. Fermín Chávez, Vida del Chacho, Éd. Theoría, Buenos Aires, 1974.
  79. Mercado Luna, Ricardo, Los coroneles de Mitre, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1974.
  80. Luna, FĂ©lix, Los caudillos, Éd. Peña Lillo, Buenos Aires, 1971.
  81. CĂĄrdenas, Felipe, Muerte y resurrecciĂłn del Chacho, revue Todo es Historia, no 25.
  82. Rojo, Roberto, HĂ©roes y cobardes en el ocaso federal. Éd. Comfer, Buenos Aires, 1994. (ISBN 987-95225-0-8)
  83. JosĂ© Antonio Zinny, Historia de los gobernadores de las Provincias Argentinas, Tome IV, p. 263, Éd. HyspamĂ©rica, 1987. (ISBN 950-614-685-3)
  84. Hugo Chumbita, Jinetes rebeldes, Éd. Vergara, Buenos Aires, 1999. (ISBN 950-15-2087-0)
  85. Alberto C. Riccardi, « Contexto histĂłrico de la vida de Francisco P. Moreno », Revista Museo, La Plata, no 1,‎ , p. 39-43
  86. La captura de LĂłpez JordĂĄn.
  87. Pour l’évolution Ă  Buenos Aires, se reporter Ă  : Miguel Ángel Scenna, 1874: Mitre contra Avellaneda, revue Todo es Historia, no 167.
  88. Voir : Omar López Mato, 1874, Historia de la Revolución Olvidada, Éd. Olmo, Buenos Aires, 2005.
  89. À ce sujet, voir : Guillermo H. Gassio et María C. San Román, La conquista del progreso. Memorial de la Patria, tome XIV, Éd. La Bastilla, Buenos Aires, 1984.

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