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Domingo Faustino Sarmiento

Domingo Faustino Sarmiento (San Juan, 1811 ― Asuncion, 1888) Ă©tait un militant, intellectuel, Ă©crivain, militaire et homme d’État argentin, et le septiĂšme prĂ©sident de la RĂ©publique argentine. Ses Ă©crits couvrent un large Ă©ventail de genres et de thĂšmes, allant du journalisme Ă  l’autobiographie, et de la philosophie politique Ă  l’historiographie. Il faisait partie d’un groupe d’intellectuels, connu sous l’appellation GĂ©nĂ©ration de 1837, qui eut une grande influence sur l’Argentine du XIXe siĂšcle. Mais c’est aux questions d’instruction publique que Sarmiento lui-mĂȘme s’intĂ©ressait au premier chef, Ă  telle enseigne qu'on le surnomme parfois le maĂźtre d’école de l’AmĂ©rique latine. Comme Ă©crivain, son influence fut Ă©galement considĂ©rable sur la littĂ©rature de cette partie mĂ©ridionale de l’AmĂ©rique du Sud.

Domingo Faustino Sarmiento
Illustration.
Domingo F. Sarmiento.
Fonctions
Président de la Nation argentine
7e chef de l'État argentin
–
Prédécesseur Bartolomé Mitre
Successeur NicolĂĄs Avellaneda
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance San Juan, Argentine
Date de dĂ©cĂšs (Ă  77 ans)
Lieu de décÚs Asuncion, Paraguay
Nature du décÚs Naturelle
SĂ©pulture CimetiĂšre de Recoleta
Nationalité Drapeau de l'Argentine Argentine
Profession journaliste, essayiste, pédagogue, homme politique, militaire

Signature de Domingo Faustino Sarmiento
Présidents de la Nation argentine

Sarmiento grandit dans une famille peu fortunĂ©e, mais instruite et politiquement engagĂ©e, qui lui prĂ©para ainsi la voie Ă  son action future. De 1843 Ă  1850, il se trouva souvent en exil, et ses Ă©crits virent le jour tant en Argentine qu’au Chili voisin. Son chef-d’Ɠuvre est l’épopĂ©e biographique Facundo, long rĂ©quisitoire contre le dictateur Juan Manuel de Rosas, que Sarmiento rĂ©digea pendant son exil au Chili, tandis qu’il collaborait au journal El Progreso. Au-delĂ  de ses qualitĂ©s littĂ©raires, le livre tĂ©moigne aussi des efforts menĂ©s par son auteur contre les dictatures et de l’énergie qu’il mit Ă  les combattre, spĂ©cialement celle de Rosas ; tout en exposant la vie du redoutable caudillo, l’ouvrage s’applique Ă  analyser les maux dont souffrait la jeune sociĂ©tĂ© argentine aprĂšs l’indĂ©pendance et Ă  cet effet met en opposition, d’une part, la « civilisation », incarnĂ©e par l’Europe des LumiĂšres, soucieuse, Ă  ses yeux, de dĂ©mocratie, de services sociaux et de rationalisme, et par la capitale Buenos Aires, oĂč Ɠuvrent les unitaires, partisans d’une dĂ©mocratie d’orientation europĂ©enne, libĂ©rale, parlementaire, Ă  gouvernement fortement centralisĂ©, et d’autre part, la « barbarie » des normes rĂ©gnant dans les campagnes reculĂ©es, oĂč rĂšgnent les caudillos, rudes potentats de l’Argentine du XIXe siĂšcle, appuyĂ©s par leurs montoneras (troupes de gauchos). Quoique cette dichotomie ne rende compte que mĂ©diocrement de la rĂ©alitĂ© historique, cet ouvrage, mĂ©lange de rĂ©flexions sociologiques, historiques et psychologiques, et de descriptions de paysages et de mƓurs, constitue un des points culminants de la littĂ©rature latino-amĂ©ricaine du XIXe siĂšcle.

Durant sa prĂ©sidence de l’Argentine entre 1868 et 1874, Sarmiento se fit l'avocat infatigable de la rationalitĂ© et de l’instruction publique — impliquant la scolarisation des enfants et la formation des femmes — et de la dĂ©mocratie pour l’AmĂ©rique latine. Il mit Ă  profit son mandat pour dĂ©velopper et moderniser le rĂ©seau ferroviaire, le systĂšme postal, et d’autres infrastructures, et pour mettre en place un systĂšme Ă©ducatif de grande envergure. Il assuma pendant de longues annĂ©es des fonctions ministĂ©rielles et diplomatiques tant au niveau fĂ©dĂ©ral qu’à celui des États fĂ©dĂ©rĂ©s, ce qui le conduisit Ă  voyager Ă  l’étranger et Ă  Ă©tudier d’autres systĂšmes Ă©ducatifs.

Il est aujourd’hui une figure respectĂ©e, tant comme homme de lettres que comme innovateur politique.

Années de jeunesse et influences

Carte de l’Argentine actuelle, figurant quelques-uns des lieux importants dans la vie de Sarmiento, not. San Juan (à l’ouest) et Buenos Aires.

Sarmiento naquit Ă  Carrascal, faubourg pauvre de San Juan le [1], d’un pĂšre, JosĂ© Clemente Quiroga Sarmiento y Funes, qui avait Ă©tĂ© combattant dans les guerres d’indĂ©pendance, chargĂ© notamment de ramener les prisonniers de guerre vers San Juan[2], et d’une mĂšre, Doña Paula Zoila de AlbarracĂ­n e IrrĂĄzabal, femme trĂšs pieuse[3], qui avait trĂšs jeune perdu son pĂšre, lequel ne lui avait laissĂ© que fort peu pour subsister[4], et qui en consĂ©quence se mit Ă  tisser et Ă  vendre ses productions afin de financer la construction de sa propre maison. JosĂ© et Paula, mariĂ©s en septembre 1801, eurent quinze enfants, dont neuf moururent en bas Ăąge, Domingo Ă©tant le seul fils Ă  survivre jusqu’à l’ñge adulte[4]. Sarmiento fut fortement influencĂ© par ses parents ― par sa mĂšre, qui s’acharnait au travail, et par son pĂšre, qui racontait des histoires empreintes de patriotisme et de la nĂ©cessitĂ© de servir son pays, ce en quoi Sarmiento croyait fermement[2]. Sarmiento lui-mĂȘme s’exprima ainsi sur ces annĂ©es :

« Je suis nĂ© dans une famille qui a vĂ©cu pendant de longues annĂ©es dans la mĂ©diocritĂ© frĂŽlant la dĂ©chĂ©ance, et qui, jusqu’à ce jour, est pauvre dans tous les sens du mot. Mon pĂšre est un homme bon, dont la vie n’a rien de remarquable, hormis le fait d’avoir servi, dans une position de simple exĂ©cutant, dans la guerre d’indĂ©pendance... Ma mĂšre est la vraie figure chrĂ©tienne dans le sens le plus pur ; pour elle, la foi en la Providence Ă©tait toujours la solution aux difficultĂ©s de Sarmiento[5]. »

Maison natale de Sarmiento Ă  San Juan.

À l’ñge de quatre ans, Sarmiento apprit Ă  lire par son pĂšre et par son oncle JosĂ© Eufrasio Quiroga Sarmiento, qui devait plus tard devenir l’évĂȘque de la rĂ©gion de Cuyo[6]. Un autre oncle qui l’influença dans sa jeunesse Ă©tait Domingo de Oro, figure notable dans la jeune rĂ©publique argentine, qui contribua Ă  porter au pouvoir Juan Manuel de Rosas[7]. Quoique Sarmiento ne fĂźt pas siennes les conceptions politiques et religieuses de De Oro, il lui Ă©tait redevable d’apprĂ©cier la valeur de l’intĂ©gritĂ© et de l’honnĂȘtetĂ© intellectuelles[4]. Il dĂ©veloppa son Ă©rudition et son habiletĂ© oratoire, qualitĂ©s pour lesquelles De Oro Ă©tait rĂ©putĂ©[4] - [8].

En 1816, Ă  l’ñge de cinq ans, Sarmiento commença Ă  frĂ©quenter l’école primaire dite La Escuela de la Patria (l’École de la Patrie). Bon Ă©lĂšve, il se vit dĂ©cerner par l’école le titre de Premier Citoyen (Primer Ciudadano)[9]. Ses Ă©tudes primaires achevĂ©es, sa mĂšre voulut l’envoyer Ă  CĂłrdoba pour en faire un prĂȘtre. Il passa ainsi une annĂ©e Ă  Ă©tudier la Bible et, encore enfant, assista son oncle lors des offices religieux[10], mais la religion et l’école eurent tĂŽt fait de l’ennuyer et il alla rejoindre un groupe d’enfants rĂ©calcitrants[11]. En 1821, son pĂšre l’emmena au sĂ©minaire de Loreto Ă  CĂłrdoba, mais, pour des raisons inconnues, Sarmiento n’entra pas au sĂ©minaire, et revint avec son pĂšre Ă  San Juan[12]. En 1823, le ministre d’État Bernardino Rivadavia annonça que les six meilleurs Ă©lĂšves de chaque État seraient dĂ©signĂ©s pour faire des Ă©tudes supĂ©rieures Ă  Buenos Aires. Sarmiento Ă©tait en tĂȘte de liste Ă  San Juan, mais il fut alors annoncĂ© que seuls dix Ă©lĂšves au total bĂ©nĂ©ficieraient de la bourse. Le choix s’opĂ©ra par tirage au sort, et Sarmiento ne fit pas partie des heureux bĂ©nĂ©ficiaires[13]. Il dut alors se rĂ©signer Ă  travailler comme assistant Ă  l'Office de Topographie de San Juan.

Toile de fond politique et départs en exil

Portrait de Sarmiento Ă  l’époque de son exil chilien.
Portrait de Sarmiento peint par sa petite-fille Eugenia.

En 1826, une assemblĂ©e Ă©lut Bernardino Rivadavia prĂ©sident des Provinces-Unies du RĂ­o de la Plata. Cet acte, ayant suscitĂ© l’ire des provinces, fut Ă  l'origine de la guerre civile. S’y affrontaient deux camps opposĂ©s : d’une part le parti unitaire, composĂ© de partisans riches et instruits, pour la plupart Ă©tablis Ă  Buenos Aires, dont ultĂ©rieurement Sarmiento lui-mĂȘme, et qui Ă©tait pro-nord-amĂ©ricain ; et d’autre part les fĂ©dĂ©ralistes, favorables Ă  une fĂ©dĂ©ration plus lĂąche laissant davantage d’autonomie aux diffĂ©rentes provinces, qui tendaient Ă  rejeter les mƓurs europĂ©ennes, avaient leur base principalement dans les zones rurales et comptaient dans leurs rangs des figures telles que Juan Manuel de Rosas et Juan Facundo Quiroga[14].

L’opinion au sein du gouvernement Rivadavia Ă©tait divisĂ©e entre ces deux idĂ©ologies. Pour les unitaires comme Sarmiento, la prĂ©sidence de Rivadavia Ă©tait une expĂ©rience positive. Il fonda une universitĂ© dont les chaires Ă©taient occupĂ©es par des EuropĂ©ens et Ă©tablit un programme d’instruction publique pour les enfants masculins en zone rurale. Il apporta son soutien Ă  des troupes de thĂ©Ăątre et d’opĂ©ra, Ă  des maisons d’édition et Ă  un musĂ©e. Ces contributions, si elles furent considĂ©rĂ©es par les unitaires comme des actions propres Ă  civiliser le pays, avaient toutefois pour effet de courroucer le camp fĂ©dĂ©raliste. Les ouvriers virent leurs salaires plafonnĂ©s par le gouvernement, et les gauchos furent arrĂȘtĂ©s par Rivadavia pour vagabondage et contraints de travailler dans des chantiers publics, en gĂ©nĂ©ral sans rĂ©munĂ©ration[15].

En 1827, le pouvoir des unitaires Ă©tait de plus en plus contestĂ© par les forces fĂ©dĂ©ralistes. AprĂšs la dĂ©mission de Rivadavia, Manuel Dorrego fut installĂ© comme gouverneur de la province de Buenos Aires. Il fit promptement la paix avec le BrĂ©sil, mais, de retour en Argentine, fut renversĂ© et exĂ©cutĂ© par ses propres troupes. Le gĂ©nĂ©ral unitaire Juan Lavalle prit sa place[16]. Lavalle cependant ne put se maintenir au pouvoir longtemps : il fut bientĂŽt renversĂ© Ă  son tour par des milices principalement composĂ©es de gauchos et menĂ©es par Rosas et Estanislao LĂłpez. À la fin de 1829, l’ancienne assemblĂ©e lĂ©gislative que Lavalle avait dissoute Ă©tait de nouveau en place et dĂ©signa Rosas gouverneur de Buenos Aires[16].

En 1827, l’oncle de Sarmiento, JosĂ© de Oro, qui avait combattu Ă  la bataille de Chacabuco sous le gĂ©nĂ©ral San MartĂ­n[17], fut forcĂ©, en raison de ses activitĂ©s militaires, de quitter San Juan pour San Francisco del Monte, dans la province voisine de San Luis, et Sarmiento l’y accompagna[18]. Il passa beaucoup de temps Ă  apprendre avec son oncle et commença mĂȘme Ă  enseigner dans une petite Ă©cole des Andes[19]. Plus tard cette mĂȘme annĂ©e, sa mĂšre lui Ă©crivit, demandant qu’il voulĂ»t rentrer. Sarmiento refusa, Ă  quoi son pĂšre rĂ©pliqua qu’il viendrait le chercher[20], puisqu’il avait rĂ©ussi Ă  persuader le gouverneur de San Juan d’envoyer Sarmiento Ă  Buenos Aires pour y faire des Ă©tudes au CollĂšge des Sciences morales[20].

Peu aprĂšs son retour, la guerre civile fit irruption dans la province de San Juan et Facundo Quiroga envahit la ville natale de Sarmiento[21]. L’historien William Katra dĂ©crivit comme suit cette « expĂ©rience traumatisante » : À l’ñge de seize ans, comme il se trouvait devant le magasin qu’il gardait, il put observer l’entrĂ©e dans San Juan de Facundo Quiroga et de ses quelque 600 cavaliers montonera. Ils constituaient une prĂ©sence inquiĂ©tante (
). Cette vision, avec toutes ses associations abondamment nĂ©gatives, laissa une empreinte indĂ©lĂ©bile dans sa conscience naissante. Pour le jeune homme impressionnable, l’ascension de Quiroga Ă  un rĂŽle de dĂ©cideur politique dans les affaires de la province s’apparentait au viol de la sociĂ©tĂ© civilisĂ©e par le mal incarnĂ©[22].

EmpĂȘchĂ©, en raison de la tourmente politique, de frĂ©quenter les cours Ă  Buenos Aires, Sarmiento rĂ©solut de combattre Quiroga et rallia l’armĂ©e unitaire comme combattant[23]. AprĂšs que Quiroga se fut finalement emparĂ© de San Juan Ă  l’issue de la bataille de Pilar, Sarmiento fut assignĂ© Ă  rĂ©sidence[23] - [24], mais, remis en libertĂ©, alla rejoindre les forces du gĂ©nĂ©ral Paz, figure centrale du camp unitaire[25].

Premier exil au Chili

BientĂŽt, les combats et la guerre reprirent, et Quiroga vainquit un Ă  un les principaux alliĂ©s du gĂ©nĂ©ral Paz, y compris le gouverneur de San Juan, contraignant Sarmiento Ă  fuir pour le Chili en 1831[25]. Il ne devait plus retourner en Argentine pendant cinq ans[26]. À cette Ă©poque, le Chili Ă©tait rĂ©putĂ© pour sa bonne gestion publique, pour ses institutions politiques et pour la libertĂ©, alors rare, de critiquer le gouvernement. Aux yeux de Sarmiento, le Chili connaissait « la sĂ©curitĂ© de la propriĂ©tĂ©, la pĂ©rennitĂ© de l’ordre, et, s’ajoutant Ă  ces deux conditions, l’amour du travail et l’esprit d’entreprise qui permettent l’accroissement de la richesse et la prospĂ©ritĂ© »[27].

EmpressĂ© d’exercer sa libertĂ© d'expression, Sarmiento se mit Ă  rĂ©diger des commentaires politiques. En plus d'Ă©crire, il commença aussi Ă  enseigner dans la ville chilienne de Los Andes. Cependant, sa façon innovante d’enseigner le mit en conflit avec le gouverneur de la province ; il rĂ©pliqua en fondant sa propre Ă©cole Ă  Pocuro, petit village Ă  peu de distance de Los Andes. Dans le mĂȘme temps, il s’éprit d’une femme et eut avec elle une fille illĂ©gitime nommĂ©e Ana Faustina, qui devait Ă  son tour donner naissance Ă  Augusto BelĂ­n, et que Sarmiento ne reconnut que lorsqu’elle eut rĂ©solu de se marier[28].

San Juan ; deuxiĂšme et troisiĂšme exil au Chili

Daguerréotype de Sarmiento en 1852 aprÚs la bataille de Caseros (auteur inconnu)[29].
Portrait de Sarmiento.

En 1836, Sarmiento revint Ă  San Juan, gravement malade de la fiĂšvre typhoĂŻde ; sa famille et ses amis le crurent condamnĂ©, mais il se rĂ©tablit et fonda une revue anti-fĂ©dĂ©raliste intitulĂ©e El Zonda[30]. Le gouvernement de San Juan n’apprĂ©cia guĂšre les critiques de Sarmiento et censura la revue en imposant sur l’achat de chaque exemplaire une taxe rĂ©dhibitoire, et contraignant ainsi Sarmiento de faire cesser la publication du magazine en 1840. Au mĂȘme moment, il fonda une Ă©cole secondaire prĂ©paratoire pour jeunes filles, dĂ©nommĂ©e Colegio de Pensionistas de Santa Rosa. Il dĂ©ploya en outre une intense activitĂ© artistique, crĂ©ant une sociĂ©tĂ© littĂ©raire (la Sociedad Literaria, 1838)[30], s’affiliant Ă  la Sociedad DramĂĄtica FilarmĂłnica et entretenant des contacts avec le groupe GeneraciĂłn del 37. Ce dernier groupe, fondĂ© en 1837 et composĂ© de littĂ©rateurs activistes tels que Esteban EcheverrĂ­a, Juan Bautista Alberdi et BartolomĂ© Mitre, s’efforçait, dans la pĂ©riode allant des annĂ©es 1830 aux annĂ©es 1880, de provoquer, au moyen de l’agitation politique, des changements de sociĂ©tĂ© dans le sens du rĂ©publicanisme, du libre Ă©change, de la libertĂ© d’expression et du progrĂšs matĂ©riel[31]. Quoique le groupe fĂ»t implantĂ© Ă  San Juan, Sarmiento n’eut aucune part Ă  sa fondation initiale, mais, aprĂšs avoir Ă©crit Ă  Alberdi en 1838 pour obtenir son avis[32], il en devint au fil du temps un des plus fervents appuis[33].

En 1840, Ă  la suite de son arrestation et face aux accusations de conspiration portĂ©es contre lui, Sarmiento fut Ă  nouveau forcĂ© de s’exiler au Chili[34]. C’est en route vers le Chili qu’il traça, dans une gorge du Zonda, prĂšs du lieu Los Baños de Zonda, le fameux graffiti « On ne tue point les idĂ©es »[34] - [35], phrase qu’il placera ultĂ©rieurement en exergue de son livre Facundo. Une fois de l’autre cĂŽtĂ© des Andes, il se mit en 1841 Ă  Ă©crire pour le quotidien de ValparaĂ­so El Mercurio, tout en travaillant en mĂȘme temps comme Ă©diteur pour le compte de la CrĂłnica ContemporĂĄnea de Latino AmĂ©rica[36]. En 1842, Sarmiento fut nommĂ© directeur de la premiĂšre Ă©cole normale d’AmĂ©rique du Sud, l'École de prĂ©cepteurs de Santiago, et fonda cette mĂȘme annĂ©e encore le quotidien El Progreso[36]. C’est Ă  cette Ă©poque qu’il fit transfĂ©rer sa famille de San Juan vers le Chili. En 1843, il publia Mi Defensa, tout en poursuivant son activitĂ© d’enseignant[26] et en proposant une rĂ©forme de l'orthographe de l'espagnol, qui inspire la rĂ©forme orthographique chilienne promulguĂ©e en 1844chap. 3,_sec. IV-3.,_§ 328-402_37-0">[37]. En mai 1845, El Progreso entama la publication en feuilleton de la premiĂšre Ă©dition de son cĂ©lĂšbre ouvrage Facundo, et en juillet, Facundo parut en volume[38].

Entre 1845 et 1847, Sarmiento voyagea en Uruguay, au BrĂ©sil, en France, en Espagne, en AlgĂ©rie, en Italie, en ArmĂ©nie, en Suisse, en Angleterre, au Canada, Ă  Cuba et aux États-Unis Ă  l’effet d’examiner les diffĂ©rents systĂšmes d'enseignement, les niveaux d’instruction et l'Ă©tat des communications. Il tira de ces voyages la matiĂšre de son livre Viajes por Europa, África, y AmĂ©rica, qui parut en 1849[26].

En 1848, Sarmiento partit volontairement pour le Chili une nouvelle fois. Cette mĂȘme annĂ©e, il fit la rencontre de la veuve Benita MartĂ­nez Pastoriza, et l’épousa, en adoptant son fils, Domingo Fidel, dit Dominguito[26], lequel sera tuĂ© au combat en 1866 comme soldat dans la Guerre de la Triple-Alliance, lors de la bataille de CurupaytĂ­[39]. Poursuivant la mise en Ɠuvre de son idĂ©al de la libertĂ© de la presse, Sarmiento lança deux nouvelles revues, intitulĂ©es La Tribuna et La CrĂłnica, qui attaquaient vigoureusement Manuel de Rosas. Ses essais rĂ©digĂ©s pendant ce sĂ©jour au Chili visaient de mĂȘme avec une violence accrue Juan Manuel de Rosas. Le gouvernement argentin rĂ©agit en tentant d’obtenir l’extradition de Sarmiento du Chili vers l’Argentine, ce que dĂ©clinĂšrent les autoritĂ©s chiliennes[28].

En 1850, il fit paraĂźtre coup sur coup ArgirĂłpolis et Recuerdos de Provincia (Souvenirs de province). AprĂšs que le rĂ©gime de Rosas eut finalement Ă©tĂ© renversĂ© en 1852, Sarmiento s’impliqua dans la discussion sur la nouvelle constitution du pays[40].

Retour en Argentine

Sarmiento comme gouverneur de San Juan.

En 1854, Sarmiento fit une brĂšve visite Ă  la ville de Mendoza, situĂ©e juste de l’autre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre, dans l’ouest de l’Argentine, mais fut arrĂȘtĂ© et emprisonnĂ©. Remis en libertĂ©, il retourna au Chili[26]. Mais en 1855, il rĂ©solut de mettre un terme Ă  ce qui lui apparaissait dorĂ©navant comme un exil « imposĂ© Ă  lui-mĂȘme par lui-mĂȘme » au Chili[41] : il fit son entrĂ©e Ă  Buenos Aires, pour devenir peu aprĂšs rĂ©dacteur en chef du quotidien El Nacional[42]. Il fut dĂ©signĂ© conseiller communal en 1856, et siĂ©gea au sĂ©nat provincial entre 1857 et 1861[43].

Ce fut en 1861, peu aprĂšs que BartolomĂ© Mitre fut devenu prĂ©sident de la rĂ©publique argentine, que Sarmiento quitta Buenos Aires et retourna Ă  San Juan, oĂč il fut Ă©lu gouverneur, mandat qu’il assuma Ă  partir de 1862[44]. C’est dans le cadre de ce mandat qu’il fit adopter la loi statutaire sur l’instruction publique, rendant obligatoire pour les enfants la frĂ©quentation de l’école primaire, et prĂ©voyant l’ouverture d’un sĂ©rie d’institutions, y compris des Ă©coles secondaires, des Ă©coles militaires et une Ă©cole de filles[45]. Pendant son mandat de gouverneur, il fit construire des routes et d’autres infrastructures, fit Ă©riger des bĂątiments publics et des hĂŽpitaux, encouragea l’agriculture et permit Ă  l’industrie miniĂšre de se dĂ©velopper en Argentine[28]. Il reprit par ailleurs son activitĂ© d’éditeur de El Zonda. En 1863, Sarmiento s’opposa au pouvoir du caudillo de La Rioja et se trouva en conflit avec Guillermo Rawson, ministre de l’IntĂ©rieur du gouvernement du gĂ©nĂ©ral Mitre. Sarmiento se dĂ©mit comme gouverneur de San Juan, mais Ă©choua en 1864 Ă  accĂ©der au poste de prĂ©sident de la rĂ©publique d’Argentine face Ă  son adversaire le gĂ©nĂ©ral Mitre[28]. En revanche, il se vit confier la charge de ministre plĂ©nipotentiaire aux États-Unis, oĂč il fut envoyĂ© en 1865, peu aprĂšs l’assassinat du prĂ©sident Abraham Lincoln. TouchĂ© par le parcours de Lincoln, Sarmiento vint alors Ă  Ă©crire son livre Vida de Lincoln[28]. Ce fut Ă©galement au cours de ce voyage qu’il se vit dĂ©cerner un doctorat honoris causa de l’universitĂ© du Michigan. Un buste le reprĂ©sentant se trouve toujours dans le bĂątiment des Langues modernes, de mĂȘme qu’une statue Ă  l’UniversitĂ© Brown. Pendant ce mĂȘme voyage encore, il fut sollicitĂ© de se porter une nouvelle fois candidat Ă  la prĂ©sidence. Il sortit gagnant cette fois, et prit ses fonctions le [28].

Président de la République argentine

Sarmiento visitant l’Exposition universelle de Paris en 1867.

À l’initiative du colonel Lucio V. Mansilla, un groupe de personnalitĂ©s politiques du pays mit en avant et appuya la candidature de Sarmiento Ă  la prĂ©sidence de la Nation argentine[46]. Alors qu’il se trouvait aux États-Unis, Sarmiento fut Ă©lu prĂ©sident aux Ă©lections nationales d’avril 1868 et entra en fonction le .

La prĂ©sidence de Sarmiento Ă©tait la deuxiĂšme de la sĂ©rie des prĂ©sidences dites historiques de l’Argentine, c’est-Ă -dire celles qui furent fondatrices de l’Argentine politique moderne, Sarmiento ayant en effet ƓuvrĂ© pour la rĂ©alisation de ces trois objectifs politiques : la nation, la constitution et la libertĂ© — la nation devant s’entendre comme l’union dĂ©finitive des provinces argentines en une entitĂ© supĂ©rieure aux parties qui la composent ; la constitution, comme la base des droits de la personne et du pouvoir politique ; et la libertĂ©, comme principe du libĂ©ralisme, capable de conduire Ă  la « civilisation » et de repousser la « barbarie ».

Deux jours aprĂšs l’investiture prĂ©sidentielle, le CongrĂšs se rĂ©unit pour une brĂšve session extraordinaire, lors de laquelle fut approuvĂ© le budget de l’annĂ©e suivante, lequel, afin de financer la poursuite de la guerre de la Triple-Alliance, comportait un crĂ©dit de quatre millions de pesos et une hausse des droits de douane[47].

Ainsi Domingo Faustino Sarmiento, devenu prĂ©sident en dĂ©pit de toutes les manƓuvres de son prĂ©dĂ©cesseur BartolomĂ© Mitre[48], prĂ©sida-t-il aux destinĂ©es de la rĂ©publique d’Argentine de 1868 Ă  1874. Selon le biographe Allison Bunkley, sa prĂ©sidence « marque l’avĂšnement des classes moyennes et de la classe des propriĂ©taires fonciers comme pivot du pouvoir dans le pays. L’ùre du gaucho prit fin, et l’ùre du commerçant et de l’éleveur commença »[49]. Sarmiento s'attacha Ă  instaurer les libertĂ©s fondamentales, et Ă  assurer la sĂ©curitĂ© civile et le progrĂšs pour tous. Le sĂ©jour qu’il avait fait aux États-Unis, plus particuliĂšrement entre 1865 et 1868, au titre d’ambassadeur d’Argentine, lui avait procurĂ© nombre d’idĂ©es nouvelles sur la politique, la dĂ©mocratie, et sur la structure de la sociĂ©tĂ©. Il note que la Nouvelle-Angleterre, spĂ©cifiquement la zone Boston-Cambridge, fut la source d’une grande part de ses influences, allant jusqu’à Ă©crire dans un journal argentin que la Nouvelle-Angleterre Ă©tait « le berceau de la rĂ©publique moderne, l’école de l’ensemble de l’AmĂ©rique ». Il dĂ©crivit Boston comme « la ville pionniĂšre du monde moderne, la Sion des antiques Puritains
 L’Europe entrevoit dans la Nouvelle-Angleterre la puissance appelĂ©e Ă  la supplanter dans le futur »[50]. Non seulement Sarmiento fit-il Ă©voluer les idĂ©es politiques, mais opĂ©ra-t-il des changements structurels en faisant basculer l’Argentine d’une Ă©conomie essentiellement agricole vers une Ă©conomie tournĂ©e vers les villes et l’industrie[51].

L’historien David Rock souligne qu’une des principales rĂ©alisations politiques de Sarmiento, outre d’avoir mis un terme au caudillismo, concerne ses efforts pour promouvoir instruction publique. Comme le note cet historien, « entre 1868 et 1874, les subventions d’éducation de la part du gouvernement central Ă  destination des provinces quadrupla »[48]. Il fonda 800 Ă©tablissements d’enseignement et institutions militaires, et ses amĂ©liorations du systĂšme scolaire permirent Ă  100 000 enfants de se faire scolariser. Il Ă©tablit l’École navale, l’École militaire, l’École d’agronomie et de sylviculture dans les provinces de San Juan, Mendoza, Salta et TucumĂĄn.

Son action, du reste, tendait Ă  la modernisation de façon gĂ©nĂ©rale, par l’installation de 5 000 km de lignes tĂ©lĂ©graphiques Ă  travers tout le pays pour amĂ©liorer les communications, par la modernisation du systĂšme postal et du rĂ©seau ferroviaire qu’il jugeait propices Ă  l’intĂ©gration Ă©conomique interrĂ©gionale et nationale, ainsi que par la construction d’une ligne ferroviaire destinĂ©e Ă  acheminer les marchandises vers Buenos Aires dans le but de faciliter les Ă©changes avec la Grande-Bretagne, laquelle ligne atteignit les 1 330 km vers la fin de son mandat prĂ©sidentiel. En 1869, il effectua le premier recensement national en Argentine[28]. Il ordonna une rĂ©vision des codes militaire et de commerce, et sous sa prĂ©sidence fut achevĂ©e la rĂ©daction du code civil. À son instigation se tint Ă  CĂłrdoba l’Exposition nationale, consacrĂ©e aux ressources agricoles et Ă©quipements industriels. Il fut Ă  l’origine de la ComptabilitĂ© nationale (ContadurĂ­a Nacional), du registre statistique, du journal officiel (BoletĂ­n Oficial), du premier service de tramways, du jardin zoologique et du jardin botanique. Toutes ces actions seront examinĂ©es plus avant dans les sections qui suivent.

Quoique Sarmiento soit aujourd’hui une figure respectĂ©e, bien connue historiquement, il n’était pas Ă  son Ă©poque un prĂ©sident aimĂ©[52]. En effet, l’historien David Rock estime que « son gouvernement fut, globalement, dĂ©cevant »[48]. Sous sa prĂ©sidence, l’Argentine mena une guerre impopulaire contre le Paraguay ; mais dans le mĂȘme temps, le peuple lui tenait rancune de ne s’ĂȘtre point battu pour le dĂ©troit de Magellan contre le Chili[52]. S’il accrut la productivitĂ©, il augmenta aussi les dĂ©penses, ce qui se rĂ©percuta dĂ©favorablement sur sa popularitĂ©[53]. L’éruption de la fiĂšvre jaune Ă  Buenos Aires et le risque de guerre civile fut imputĂ©e Ă  l’arrivĂ©e massive d'immigrants europĂ©ens[53]. De plus, durant sa prĂ©sidence, le pays continua d’ĂȘtre affectĂ© par la rivalitĂ© persistante entre Buenos Aires et les provinces. Le fils adoptif de Sarmiento, Dominguito, fut tuĂ© dans la guerre contre le Paraguay[28] ; Sarmiento en resta ulcĂ©rĂ©, et donna l’impression de ne plus ĂȘtre le mĂȘme.

En aoĂ»t 1873, Sarmiento fut la cible d’un attentat ― manquĂ© ―, oĂč deux frĂšres anarchistes Italiens, aux gages du caudillo fĂ©dĂ©raliste Ricardo LĂłpez JordĂĄn, firent feu sur son coche[28]. Un an aprĂšs, en 1874, il termina son mandat et se retira de la prĂ©sidence, cĂ©dant la place Ă  NicolĂĄs Avellaneda, son ancien ministre de l’Instruction publique[54].

Enseignement et culture

On s’accorde gĂ©nĂ©ralement Ă  admettre que l’action politique de Sarmiento comme gouvernant tendait au premier chef Ă  promouvoir l’enseignement public, encore que quelques historiens signalent qu’il attachait une importance au moins Ă©gale Ă  l’extension des communications en Argentine[55]. De toute maniĂšre, l’impulsion donnĂ©e Ă  l’enseignement sous le ministĂšre de NicolĂĄs Avellaneda fut notable. Au moyen de la loi des Subventions de 1871 — qui imputait Ă  l’instruction publique les patrimoines sans succession directe ainsi que le huitiĂšme de la vente de terres publiques —, l’on eut soin de garantir les fonds nĂ©cessaires Ă  la crĂ©ation de nouvelles Ă©coles et Ă  l’acquisition de matĂ©riel scolaire et de livres. Sous le mandat de Sarmiento, et avec l’appui de l’autoritĂ© fĂ©dĂ©rale, les provinces fondĂšrent quelque 800 Ă©coles primaires (« de premiĂšres lettres »), jusqu’à atteindre un total de 1 816 Ă©coles, dont 27 % Ă©taient privĂ©es[56] ; la population scolaire augmenta de 30 000 Ă  110 000 Ă©lĂšves[57].

Portrait de Domingo Faustino Sarmiento par sa niÚce Eugenia Belín (Musée historique Sarmiento, Buenos Aires.

Pour mettre sur pied un enseignement primaire en Argentine, Sarmiento fit venir des États-Unis 61 institutrices[58] et crĂ©a les premiĂšres Ă©coles normales, en prenant pour modĂšle l’École normale de ParanĂĄ, fondĂ©e en 1870[59]. Il subventionna la premiĂšre Ă©cole pour sourds-muets, qui Ă©tait privĂ©e[60]. Poursuivant la politique de son prĂ©dĂ©cesseur, il fonda les Colegios Nacionales de La Rioja, de Santa Fe, de San Luis, de Jujuy, de Santiago del Estero, de Corrientes et de Rosario[61]. À son instigation furent crĂ©Ă©es des Ă©coles d’arboriculture et d’agronomie Ă  San Juan, Ă  Mendoza, et, plus tard, Ă  San Miguel de TucumĂĄn et Ă  Salta.

Sarmiento fut Ă  l’origine de la crĂ©ation et du dĂ©veloppement de la Commission nationale des BibliothĂšques populaires (en abrĂ©gĂ© CONABIP), qui jusqu’à l’heure actuelle soutient et renforce les bibliothĂšques populaires au titre d’organisations de la sociĂ©tĂ© civile[62]. Dans la capitale, il mit en place la BibliothĂšque nationale des maĂźtres.

L’une de ses premiĂšres dĂ©cisions fut d’organiser une Exposition d’arts et de produits nationaux, qui finit par se tenir en 1871 dans la ville de CĂłrdoba. Lors de cet Ă©vĂ©nement, qui passa tout d’abord pour une idĂ©e saugrenue mais qui devint nĂ©anmoins un grand succĂšs, on s’appliqua Ă  mettre en valeur les productions artisanales (tissus, cuirs, taillanderie, teinturerie) et agricoles locales, en provenance des diffĂ©rentes rĂ©gions du pays. Pendant sa visite Ă  l’exposition, Sarmiento se montra vĂȘtu d’un manteau de vigogne fabriquĂ© avec des fibres du pays, et se vit dĂ©cerner une rĂ©compense pour avoir introduit l’osier en Argentine[63]. Il encouragea l’importation massive de machines agricoles et industrielles. Une des retombĂ©es de cette exposition fut l’attention portĂ©e aux sciences fondamentales, souci qui prĂ©sida en particulier Ă  la crĂ©ation de l’AcadĂ©mie des sciences de CĂłrdoba — dirigĂ©e par le botaniste allemand Hermann Burmeister — et de l’Observatoire national de CĂłrdoba, avec Ă  sa tĂȘte l’astronome nord-amĂ©ricain BenjamĂ­n Gould[60]. Dans le sein de l’universitĂ© nationale de CĂłrdoba fut instituĂ©e la facultĂ© des Sciences exactes et naturelles, destinĂ©e Ă  prĂ©parer Ă  la carriĂšre d’ingĂ©nieur[60]. À son initiative furent crĂ©Ă©es dans la rĂ©gion de Cuyo une chaire de minĂ©ralogie dans les CollĂšges nationaux de Catamarca et de San Juan, Ă©bauche de la future École d’ingĂ©nieurs de San Juan, fondĂ©e en 1876.

Fin de la Guerre de la Triple-Alliance

La Guerre de la Triple-Alliance contre le Paraguay avait Ă©clatĂ© sous la prĂ©sidence de BartolomĂ© Mitre, qui avait commandĂ© les forces alliĂ©es contre ce pays jusqu’à peu avant son dĂ©part de la prĂ©sidence. À peine Sarmiento avait-il pris ses fonctions de prĂ©sident que se produisait la percĂ©e finale des troupes brĂ©siliennes en direction d’AsunciĂłn, qui fut mise Ă  sac par les BrĂ©siliens[64]. Nonobstant l’occupation de sa capitale, Francisco Solano LĂłpez sut rĂ©unir Ă  quelque distance de lĂ  une nouvelle armĂ©e[65]. En rĂ©action, un gouvernement provisoire fut instituĂ© Ă  AsunciĂłn et placĂ© sous l’égide de l’Argentine et du BrĂ©sil[66].

Une armĂ©e composĂ©e principalement de BrĂ©siliens et commandĂ©e par eux, mais Ă  laquelle un certain nombre d’Argentins s’étaient joints au dĂ©but, se lança Ă  la poursuite de LĂłpez, lors de la dĂ©nommĂ©e campagne de la CordillĂšre ; aprĂšs deux victoires sanglantes des alliĂ©s sur les Paraguayens[67], LĂłpez parvint Ă  s’esquiver en direction des confins nord du pays, oĂč entreprirent de le traquer deux divisions brĂ©siliennes, qui rĂ©ussirent Ă  le vaincre et Ă  lui donner la mort dans le combat de Cerro CorĂĄ, le , ce qui du mĂȘme coup mit fin Ă  la guerre[68].

Le Paraguay en sortit dĂ©vastĂ© : selon les sources, il est estimĂ© qu’entre 50 et 90 % de la population du Paraguay pĂ©rit pendant ce conflit[69], et le pays dut renoncer Ă  tous les territoires qu’il disputait Ă  ses voisins, Ă  l’exception du Chaco Boreal[70]. Mais pour l’Argentine aussi, la guerre reprĂ©senta un coĂ»t considĂ©rable : au premier chef en vies humaines, puisque plus de 18 000 hommes argentins avaient laissĂ© la vie dans cette guerre[71], auxquels peuvent s’ajouter les victimes du cholĂ©ra, qui se chiffrent Ă  plusieurs milliers, dont 15 000 pour la seule province de Buenos Aires[72]. Mais la guerre eut en outre un Ă©norme prix Ă©conomique, attendu qu’en raison de ce conflit, l’Argentine se vit contrainte de s’endetter jusqu’à concurrence de 9 000 000 de livres sterling[73].

Durant la derniĂšre annĂ©e de guerre fut fondĂ© le CollĂšge militaire de la Nation, dont le premier directeur fut le Hongrois Juan F. Czetz[74]. L’éventualitĂ© d’un conflit avec le BrĂ©sil, que laissaient entrevoir les discussions menĂ©es Ă  l’issue de la guerre, portĂšrent Sarmiento Ă  moderniser l’escadre militaire : Ă  cet effet, il crĂ©a l’École navale militaire et renforça la flotte de guerre argentine par l’adjonction de plusieurs vaisseaux, donnant naissance ainsi Ă  la premiĂšre escadre fluviale argentine (dite Escuadra de Sarmiento) apte Ă  opĂ©rer Ă  un niveau comparable Ă  celui des flottes de guerre du BrĂ©sil et du Chili[75].

Les derniers caudillos fédéralistes dans le Litoral

La bataille de ÑaembĂ©.

AprĂšs la dĂ©faite de Felipe Varela, trois provinces restaient encore aux mains des fĂ©dĂ©ralistes. Dans la province de CĂłrdoba, la pression militaire poussa le gouverneur fĂ©dĂ©raliste Mateo Luque Ă  la dĂ©mission[76], et dans celle de Corrientes, une rĂ©volution libĂ©rale renversa le gouverneur fĂ©dĂ©raliste en ; une tardive rĂ©action fĂ©dĂ©raliste fut Ă©crasĂ©e par des troupes de l’armĂ©e nationale transfĂ©rĂ©es depuis le front paraguayen pour se porter au secours d’un gouvernement de province issu d’un coup d’État[77].

Il ne restait plus alors que la province d'Entre RĂ­os, oĂč Urquiza avait, Ă  l’encontre des dĂ©sirs de nombreux fĂ©dĂ©ralistes, cohabitĂ© pacifiquement avec le gouvernement national ; ainsi, dĂ©but 1870, avait-il accueilli dans son manoir, le palais San JosĂ©, le prĂ©sident de la rĂ©publique, Ă  qui il avait ordonnĂ© de rendre les honneurs qui lui Ă©taient dus. Peu aprĂšs la fin de la guerre de la Triple-Alliance, le , le gĂ©nĂ©ral Ricardo LĂłpez JordĂĄn dĂ©clencha une rĂ©volution, qui dĂ©boucha sur l’assassinat d’Urquiza par la main d’un nommĂ© SimĂłn Luengo, originaire de la province de CĂłrdoba. LĂłpez JordĂĄn fut ensuite Ă©lu gouverneur par l’AssemblĂ©e lĂ©gislative d’Entre RĂ­os[78].

Le prĂ©sident Sarmiento dĂ©pĂȘcha alors Ă  Entre RĂ­os une armĂ©e composĂ©e de divisions ayant naguĂšre combattu au Paraguay. Le gouverneur LĂłpez JordĂĄn interdit l’entrĂ©e desdites troupes dans sa province, mais le prĂ©sident Sarmiento se gaussa de cette prĂ©tention d’une province d’interdire l’entrĂ©e de troupes nationales. Lorsque le dĂ©barquement des troupes se produisit, LĂłpez JordĂĄn ordonna la mobilisation gĂ©nĂ©rale dans sa province, en rĂ©action de quoi Sarmiento dĂ©clara la guerre Ă  Entre RĂ­os, nonobstant que le CongrĂšs national n’eĂ»t pas autorisĂ© l’intervention fĂ©dĂ©rale contre cette province avant le mois d’aoĂ»t[79].

Quatre corps d’armĂ©e firent simultanĂ©ment mouvement sur la province. Les troupes nationales, supĂ©rieures en armement et en discipline, s’emparĂšrent des villes, forçant LĂłpez JordĂĄn Ă  se replier sur l’intĂ©rieur de la province, oĂč les troupes d’Entre RĂ­os, dotĂ©es de meilleurs chevaux, purent tenir tĂȘte avantageusement[80]. Voulant ouvrir un nouveau front, LĂłpez JordĂĄn envahit la province de Corrientes voisine, mais fut totalement dĂ©fait le Ă  la bataille de ÑaembĂ©, et prit bientĂŽt la fuite vers le BrĂ©sil[81]. Le Parti fĂ©dĂ©raliste d’Entre RĂ­os fut dĂ©mantelĂ© et les fĂ©dĂ©ralistes furent Ă©cartĂ©s de toutes les fonctions publiques, y compris des postes de curĂ© et de maĂźtre d’école[82].

En , LĂłpez JordĂĄn rĂ©ussit Ă  susciter une nouvelle insurrection dans sa province et Ă  rallier Ă  sa cause une troupe de 16 000 hommes, bien pourvue en artillerie et en infanterie[83]. Sarmiento rĂ©agit en mettant Ă  prix la tĂȘte de LĂłpez JordĂĄn — procĂ©dĂ© qui fut rĂ©pudiĂ© par le CongrĂšs — et en dĂ©crĂ©tant l’intervention fĂ©dĂ©rale contre Entre RĂ­os[84]. Trois corps d’armĂ©e occupĂšrent la province, sous le commandement supĂ©rieur du ministre de la Guerre, MartĂ­n de Gainza. Derechef, des combats eurent lieu dans toute la province, Ă  l’issue desquels plusieurs officiers jordanistes seront fusillĂ©s ; Ă  la suite d’une sanglante dĂ©faite en dĂ©cembre, LĂłpez JordĂĄn s’en fut en Uruguay[85].

Le , comme il se dirigeait vers la maison de VĂ©lez Sarsfield Ă  Buenos Aires, Sarmiento fut l’objet d’une tentative d’attentat ; lorsqu’il passa devant l’angle des actuelles avenues Corrientes et MaipĂș, une dĂ©tonation Ă©branla la voiture dans laquelle il se dĂ©plaçait. Sarmiento ne s’en avisa pas, car il souffrait dĂ©jĂ  d’une profonde surditĂ©. Les auteurs Ă©taient deux anarchistes italiens, les frĂšres Francisco et Pedro Guerri, qui dĂ©clarĂšrent avoir Ă©tĂ© embauchĂ©s par des agents de LĂłpez JordĂĄn. L’attentat Ă©choua parce que le tromblon explosa dans les mains de Francisco Guerri. Sarmiento sortit indemne de l’incident.

Démographie et santé publique

Une des premiĂšres mesures prises par Sarmiento en tant que prĂ©sident de la RĂ©publique fut d’organiser le premier recensement national de l’histoire argentine. Cette enquĂȘte statistique, qui eut lieu en 1869, permit de chiffrer la population du pays Ă  1 836 490 habitants, nombre qui incluait les 6 276 membres de l’armĂ©e en territoire paraguayen, mais excluait, logiquement, la population indigĂšne non assujettie Ă  l’autoritĂ© de l’État argentin. La population totale Ă©tait constituĂ©e Ă  8 % d’immigrants europĂ©ens, Ă©tait Ă  70 % rurale, et comprenait 71 % d’analphabĂštes[86].

Sous son mandat, les flux d’immigration connurent une forte hausse, par l’arrivĂ©e de quelque 280 000 immigrants, qui s’établirent principalement Ă  Buenos Aires et dans une mesure moindre dans les colonies agricoles des provinces du Litoral[87].

L’augmentation abrupte de la population dans la capitale provoqua de graves difficultĂ©s sur le plan du logement et de l’hygiĂšne : en 1871, une Ă©pidĂ©mie de fiĂšvre jaune, probablement une consĂ©quence de la guerre du Paraguay, occasionna la mort Ă  Buenos Aires d’environ 14 000 personnes[88]. AprĂšs que le gouvernement national au complet se fut enfui hors de la ville, la lutte contre l’épidĂ©mie dut ĂȘtre menĂ©e par une commission[89], qui notamment dĂ©cida de la crĂ©ation du cimetiĂšre de la Chacarita[90]. Les premiers rĂ©seaux d’eau courante et d’égouts de la ville furent construits dans les annĂ©es suivantes[88].

Action en faveur des sciences

Par sa promotion du progrĂšs scientifique, par son action et son discours constants en faveur de l’enseignement en gĂ©nĂ©ral, et par la crĂ©ation d’institutions scientifiques, Sarmiento apporta une importante contribution Ă  la connaissance scientifique en Argentine.

La dĂ©marche de Sarmiento en vue de la diffusion des sciences occidentales dans un pays en marge du monde scientifique comme l’était alors l’Argentine consista Ă  consolider un systĂšme scientifique national indĂ©pendant, tout en l’enrichissant des apports de la science europĂ©enne la plus moderne[91].

Tandis qu’il occupait la charge de ministre de l’Instruction publique de la province de Buenos Aires arrivait en Argentine le scientifique d’origine allemande Hermann Burmeister. Lorsque celui-ci Ă©tait directeur du MusĂ©e de Buenos Aires, et en exĂ©cution d’une loi de 1869, Sarmiento lui donna mission de recruter vingt professeurs europĂ©ens en vue d’assurer l’enseignement des sciences exactes et naturelles Ă  l’universitĂ© de CĂłrdoba.

Les deux points de vue qui s’affrontaient alors au niveau mondial dans le domaine des sciences naturelles Ă©taient reprĂ©sentĂ©es en Argentine d’une part par Florentino Ameghino, appartenant au camp Ă©volutionniste, et d’autre part par Burmeister, partisan du crĂ©ationnisme. Sarmiento, nonobstant que Burmeister fĂ»t un scientifique consacrĂ© en Europe, n’hĂ©sita pas Ă  se ranger aux idĂ©es d'Ameghino, de qui il dira en 1881: « Un paysan de Mercedes, Florentino Ameghino, que personne ne connaĂźt et qui est le seul savant argentin (
) que l’Europe reconnaĂźt »[92].

Pendant sa mission comme reprĂ©sentant de l’Argentine aux États-Unis, il obtint que l’astronome Benjamin Apthorp Gould acceptĂąt de faire le voyage pour l’Argentine afin d’y crĂ©er un observatoire astronomique. Lorsque Gould arriva en Argentine, Sarmiento Ă©tait dĂ©jĂ  prĂ©sident et avait entre-temps fondĂ© l’Observatoire astronomique de CĂłrdoba, qui vers cette Ă©poque commençait Ă  acquĂ©rir une rĂ©putation internationale. En outre, l’on doit Ă©galement Ă  Sarmiento et Ă  Gould le lancement des Ă©tudes mĂ©tĂ©orologiques en Argentine, par le biais de la crĂ©ation en 1872 de l’Office mĂ©tĂ©orologique national, lequel opĂ©ra jusqu’en 1884 Ă  CĂłrdoba, avant d'ĂȘtre transfĂ©rĂ© vers Buenos Aires.

Il fut un admirateur dĂ©clarĂ© du savant palĂ©ontologue, naturaliste et Ă©pidĂ©miologiste Francisco Javier Muñiz et se fit mĂȘme le compilateur de ses travaux de palĂ©ontologie argentine en 1885.

Transports et communications

Dans le domaine des transports, Sarmiento eut, en tant que prĂ©sident de la rĂ©publique argentine, comme l’un de ses principaux objectifs l’amĂ©nagement d’un chemin de fer transandin unissant l’ocĂ©an Atlantique avec le Pacifique. Dans ce but, on entreprit de construire le tronçon reliant Villa MarĂ­a Ă  RĂ­o Cuarto, de mĂȘme que le tronçon de CĂłrdoba jusqu’à TucumĂĄn, puis deux courts tronçons entre Concordia (Entre RĂ­os) et Mercedes (Corrientes), et entre Buenos Aires et Campana. Le rĂ©seau ferroviaire passa de 573 kilomĂštres en 1868 Ă  1 331 km en 1874[93].

Durant son mandat prĂ©sidentiel, on installa quelque 5 000 km de lignes tĂ©lĂ©graphiques, sous l’impulsion du prĂ©sident et de son ministre Dalmacio VĂ©lez Sarsfield ; dans son message adressĂ© au CongrĂšs en 1873, il fut fondĂ© Ă  affirmer que « la ligne des tĂ©lĂ©graphes a Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e et parcourt toute la RĂ©publique »[94]. Le , pendant l’épilogue de sa pĂ©riode prĂ©sidentielle, Sarmiento inaugura la premiĂšre liaison tĂ©lĂ©graphique avec l’Europe. Il dĂ©crĂ©ta que le jour de l’inauguration de ce cĂąble tĂ©lĂ©graphique, qui selon ses paroles Ă©tait destinĂ© Ă  faire de tous les peuples « une seule famille et un seul quartier », serait jour fĂ©riĂ© national. À la cĂ©rĂ©monie d’inauguration Ă©tait Ă©galement prĂ©sent l’ancien ministre VĂ©lez Sarsfield, que Sarmiento crĂ©dita lors de la cĂ©rĂ©monie de « l’honneur exclusif de l’idĂ©e hardie et de la rapide exĂ©cution du rĂ©seau tĂ©lĂ©graphique, qui contribue Ă  apporter la paix Ă  la RĂ©publique et le bien-ĂȘtre Ă  ses enfants ».

Plusieurs ports furent créés, tels que celui de Zårate et de San Pedro (Buenos Aires). On projeta un port moderne à Buenos Aires, en vue de la réalisation duquel le pays contracta des dettes à hauteur de 30 millions de pesos, somme qui fut cependant mal employée dans une série de travaux mineurs[95].

En 1873 fut fondĂ©e la Banque nationale (distincte de l’actuelle Banque de la Nation argentine), qui se mit Ă  prĂȘter de l’argent Ă  faible taux d'intĂ©rĂȘt ou Ă  des dĂ©biteurs insolvables. La dette publique, dont les prĂ©misses remontaient Ă  la guerre de la Triple-Alliance, atteignit bientĂŽt des niveaux insoutenables, encore que la crise Ă©conomique subsĂ©quente ne devait Ă©clater que sous le mandat de son successeur NicolĂĄs Avellaneda[96].

Politique Ă©trangĂšre

Dans la premiĂšre partie de son mandat, le chancelier (c’est-Ă -dire le ministre argentin des Affaires Ă©trangĂšres) Mariano Varela ambitionna de mener concernant l’avenir du Paraguay une politique idĂ©aliste ; en fait, sa cĂ©lĂšbre phrase « la victoire ne crĂ©e pas de droits » s’inscrivait dans une tentative de juguler les ambitions expansionnistes du BrĂ©sil[97]. La rĂ©ponse du BrĂ©sil consista Ă  tourner Ă  son propre avantage cette mĂȘme politique en incitant le gouvernement paraguayen Ă  protester contre l’occupation par l’Argentine de Villa Occidental, sise en face d’Asuncion. Quand l’ambassadeur du BrĂ©sil au Paraguay eut forcĂ© un remaniement au sein du gouvernement du Paraguay, le prĂ©sident Sarmiento remplaça Varela par Carlos Tejedor[98].

En 1872, le BrĂ©sil signa un traitĂ© frontalier avec le Paraguay, par lequel il s’adjugeait la totalitĂ© du territoire en litige, et soutint dans la suite le Paraguay contre les revendications argentines[70]. Tejedor engagea alors une vigoureuse campagne pour rĂ©soudre le plus vite possible les diffĂ©rends, ce qui entraĂźna une tension croissante avec le BrĂ©sil[99].

Les relations de l’Argentine avec le Chili Ă©taient affectĂ©es par la controverse autour des droits de ces deux pays sur la Patagonie. En 1874, il fut convenu de faire appel Ă  l’arbitrage du roi de Grande-Bretagne pour rĂ©gler le contentieux entre les deux États[100].

Cabinet ministériel

BanniÚre présidentielle
ministĂšres du gouvernement de
Domingo Faustino Sarmiento
Portefeuille Titulaire PĂ©riode
MinistĂšre de l’IntĂ©rieur
  • -
  • -
MinistÚre des Relations extérieures, du Commerce international et des Cultes
  • -
  • -
MinistĂšre de la Guerre et de la Marine
  • MartĂ­n de Gainza
  • -
Ministùre de l’Économie et des Finances
  • -
  • -
  • -
Ministùre de la Justice et de l’Instruction publique
  • -
  • -

DerniÚres années

Mausolée de Sarmiento dans le cimetiÚre de Recoleta.

En 1875, au terme de son mandat prĂ©sidentiel, Sarmiento devint directeur gĂ©nĂ©ral des Ă©coles de la province de Buenos Aires, et la mĂȘme annĂ©e, sĂ©nateur pour San Juan, poste qu’il occupa jusqu’à 1879. Cette mĂȘme annĂ©e 1879, il accepta la charge de premier ministre[101], mais remit bientĂŽt sa dĂ©mission, Ă  la suite d’un conflit avec le gouverneur de Buenos Aires, Carlos Tejedor. Il assuma alors la fonction de surintendent gĂ©nĂ©ral des Ă©coles au service du ministĂšre de l’Éducation nationale sous le prĂ©sident Roca et fit paraĂźtre El Monitor de la EducaciĂłn ComĂșn, qui constitue la rĂ©fĂ©rence fondamentale en matiĂšre d’instruction publique en Argentine[102]. En 1882, Sarmiento rĂ©ussit Ă  faire sanctionner la loi sur l’instruction gratuite prĂ©voyant que la scolaritĂ© fĂ»t gratuite, obligatoire et affranchie des Ă©coles religieuses[28].

En mai 1888, Sarmiento quitta l’Argentine pour le Paraguay[101]. Il Ă©tait accompagnĂ© de sa compagne Aurelia VĂ©lez et de sa fille Ana. Il fut foudroyĂ© d’une crise cardiaque Ă  Asuncion le , et inhumĂ© Ă  Buenos Aires[26]. Son tombeau au cimetiĂšre de la Recoleta se trouve au pied d’une sculpture, reprĂ©sentant un condor sur une stĂšle, dessinĂ©e par lui-mĂȘme et exĂ©cutĂ©e par le sculpteur Victor de Pol. Pedro II de AlcĂąntara, empereur du BrĂ©sil et grand admirateur de Sarmiento, envoya pour le cortĂšge funĂšbre une couronne de fleurs verte et or ornĂ©e d’un message Ă©crit en espagnol rappelant les moments forts de sa vie : « Civilisation et Barbarie, Passage du Tonelero, Bataille de Caseros, PetrĂłpolis, Instruction publique. Souvenir et hommage de la part de Pedro de AlcĂąntara »[103].

Pensée politique

Sarmiento s’est signalĂ© au premier chef par ses efforts de modernisation du pays et par les amĂ©liorations qu’il apporta dans le systĂšme scolaire. Il croyait profondĂ©ment Ă  la dĂ©mocratie et au libĂ©ralisme europĂ©en, mais Ă©tait nĂ©anmoins vu la plupart du temps comme un romantique. Sarmiento Ă©tait trĂšs versĂ© dans la philosophie occidentale, y compris les ouvrages de Karl Marx et de John Stuart Mill[104]. Ce qui le fascinait particuliĂšrement Ă©taient les libertĂ©s octroyĂ©es aux citoyens vivant aux États-Unis, et dont il avait Ă©tĂ© tĂ©moin en sa fonction de reprĂ©sentant du gouvernement pĂ©ruvien. Toutefois, il n’était pas sans voir aussi les Ă©cueils de la libertĂ©, dĂ©nonçant par exemple les Ă©vĂ©nements survenus dans le sillage de la RĂ©volution française, qu’il comparait Ă  la rĂ©volution de Mai de l’Argentine elle-mĂȘme[105]. Il pensait que la libertĂ© pouvait se muer en anarchie et, par lĂ , Ă  la guerre civile, ce qui s'est produit en France comme en Argentine ; si bien que lorsque Sarmiento usait du terme de libertĂ©, c’était davantage en rĂ©fĂ©rence Ă  une conception laissez-fairiste de l’économie et Ă  la libertĂ© religieuse[105]. Bien qu’il fĂ»t catholique lui-mĂȘme, il se persuada de la nĂ©cessitĂ© de sĂ©parer Église et État, sur le modĂšle des États-Unis[106]. Il croyait qu’il devait y avoir plus de libertĂ© religieuse, et moins d’allĂ©giance religieuse, dans les Ă©coles[107]. C’était un des aspects, parmi beaucoup d’autres, par lesquels il entendait faire se rapprocher AmĂ©rique du Sud et du Nord[108].

Sarmiento pensait que les besoins matĂ©riels et sociaux du peuple devaient ĂȘtre satisfaits, mais au prix de l’ordre et de la biensĂ©ance. Il accordait une grande importance au droit et Ă  la participation des citoyens. À ses yeux, ces idĂ©es s’incarnaient le mieux dans la Rome antique et dans les États-Unis, qu’il voyait comme prĂ©sentant des caractĂ©ristiques similaires. Afin de civiliser la sociĂ©tĂ© argentine et la rendre Ă©gale Ă  celle de Rome ou des États-Unis, il fallait, selon Sarmiento, Ă©liminer les caudillos ou le systĂšme latifundiaire, et crĂ©er de multiples colonies agricoles exploitĂ©es par des immigrants europĂ©ens[109].

Issu d’une famille d’écrivains, d’orateurs et de clĂ©ricaux, Domingo Sarmiento attachait un grand prix Ă  l’instruction et Ă  l’étude. Il ouvrit un grand nombre d’écoles, notamment la premiĂšre Ă©cole normale d’AmĂ©rique latine, Ă  Santiago, en 1842 : La Escuela Normal de Preceptores de Chile[45]. Il poursuivit sur cette voie en ouvrant 18 autres Ă©coles encore, et fit venir des enseignants, souvent des institutrices originaires des États-Unis, en Argentine pour instruire les candidats enseignants sur la maniĂšre efficace d’enseigner[45]. Sarmiento croyait que l’instruction Ă©tait la clef du bonheur et du succĂšs, et qu’un pays ne pouvait ĂȘtre dĂ©mocratique s’il n’était point scolarisĂ©[110]. « Nous devons donner de l’instruction Ă  nos dirigeants », disait-il. « Un peuple ignorant sera toujours conduit Ă  choisir Rosas. »[111]

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ƒuvres majeures

Facundo - CivilizaciĂłn y Barbarie - Vida de Juan Facundo Quiroga, rĂ©digĂ© lors de son long exil au Chili, est l’Ɠuvre la plus cĂ©lĂšbre de Sarmiento. Il parut d’abord en plusieurs livraisons dans le journal chilien El Progreso en 1845, puis fut publiĂ© en volume en 1851. Du vivant de son auteur, le livre parut en traduction intĂ©grale et en volume, en langues française (1853), anglaise (1868) et italienne (1881) ; mais, le public français revĂȘtant apparemment pour Sarmiento une importance particuliĂšre, les Français purent dĂšs 1846, et ensuite dans une deuxiĂšme sĂ©rie en 1852, lire des parties commentĂ©es dans la Revue des deux Mondes, et quelques chapitres parurent en outre en 1850 et 1851 Ă  Paris. Quelques extraits du livre furent traduits en langue allemande dĂšs 1848, dans une brochure pour immigrants[112].

Au moyen d’anecdotes et de rĂ©fĂ©rences au gĂ©nĂ©ral caudillo Juan Facundo Quiroga, Facundo fait l’apologie de la civilisation et de l’influence europĂ©enne sur la culture argentine. Dans ce livre, qui se veut un appel au progrĂšs, Sarmiento analyse la personnalitĂ© du peuple argentin, en y mĂȘlant ses idĂ©es et ses critiques vis-Ă -vis de Juan Manuel de Rosas, qui fut gouverneur de Buenos Aires de 1829 Ă  1832, puis de nouveau Ă  partir de 1835, Ă  la suite des remous provoquĂ©s par la mort de Facundo, jusqu’en 1852. Sarmiento se plaisait Ă  affirmer que ce livre avait contribuĂ© Ă  faire comprendre au lecteur europĂ©en le sens des luttes politiques en Argentine et qu’il Ă©tait souvent citĂ© dans les publications europĂ©ennes[113]. Sarmiento, considĂ©rablement assistĂ© dans sa tĂąche par une sĂ©rie d’autres personnes, associe Ă  ses propres souvenirs un ensemble de citations, de tĂ©moignages et de dossiers d’autres historiens et des compagnons de Facundo Quiroga. Le Facundo, en fixant l’attention sur le contraste des diffĂ©rents modes de vie en AmĂ©rique latine, sur la lutte pour le progrĂšs avec prĂ©servation concomitante de la tradition, ainsi que sur le traitement moral que font subir Ă  la population les gouvernants et les rĂ©gimes politiques, garde une grande part de sa pertinence jusqu’à notre Ă©poque contemporaine[114].

Recuerdos de Provincia (Souvenirs de Province, 1850). Dans cette deuxiĂšme autobiographie, Sarmiento s’efforce de rendre compte plus prĂ©cisĂ©ment de ses liens familiaux et de ses liens personnels avec le passĂ©, prenant le parti dans cet ouvrage, contrairement Ă  Mi defensa, d’éclairer plus avant les rapports qui le relient lui-mĂȘme avec San Juan et avec son hĂ©ritage argentin. Sarmiento y parle du fait de grandir dans l’Argentine rurale, avec ses visions rudimentaires et la frugalitĂ© de son mode de vie. De façon analogue Ă  Facundo, Sarmiento fait appel, pour l’assister pendant la rĂ©daction du livre, Ă  des dossiers antĂ©rieurement montĂ©s contre lui par ses dĂ©tracteurs, et c’est sur cette base, ainsi qu’à partir de sa propre mĂ©moire, que Sarmiento entreprend de construire son autobiographie. Cette mĂ©thode est d’une grande force persuasive : les allĂ©gations faites Ă  son encontre, qu’elles soient vĂ©ridiques ou fausses, lui servent de prĂ©misses Ă  l’écriture de Recuerdos, en ce sens qu’elles le mettent en situation, s’il y a lieu, d'objecter et de tendre, en rectifiant ces informations, vers un exposĂ© autobiographique vrai[115].

Autres ouvrages

Sarmiento Ă©tait un auteur prolifique, et ce qui suit n’est qu’une sĂ©lection parmi le reste de ses Ɠuvres :

  • Mi defensa (1843). Dans ce livre, qui est sa premiĂšre autobiographie, Sarmiento adopte la forme du pamphlet, mais en se dĂ©peignant sous les traits d’un individu dĂ©tachĂ©, et dĂ©daignant, voire stigmatisant, les attaches qui le reliaient Ă  d’autres personnes ou groupes de personnes, qui pourtant avaient assurĂ©ment Ă©tĂ© importants dans sa vie. Il est significatif Ă  cet Ă©gard que Sarmiento omet de donner sur sa fille illĂ©gitime Ana la moindre information substantielle, a fortiori de la reconnaĂźtre ― omission qui fut propre Ă  le discrĂ©diter comme pĂšre respectĂ© de la patrie argentine[116].
  • Viajes por Europa, África, AmĂ©rica (1849). C’est le rĂ©cit des divers voyages qu’il avait entrepris Ă  titre de reprĂ©sentant du gouvernement pĂ©ruvien afin de se renseigner sur les systĂšmes scolaires dans le monde, et le recueil des observations qu’il fit Ă  cette occasion[116].
  • ArgirĂłpolis, 1850. Description d’une ville future utopique dans les États du RĂ­o de la Plata[117].
  • Comentarios sobre la constituciĂłn (1852). Ce livre est l’exposĂ© officiel de la pensĂ©e politique de Sarmiento, pensĂ©e favorable Ă  la « civilisation », Ă  l’« europĂ©anisation » et Ă  la « nord-amĂ©ricanisation » de l’Argentine. Sont inclus dans cet ouvrage des dossiers, articles, allocutions et diverses informations en rapport avec la constitution alors en gestation[118].
  • Informes sobre educaciĂłn (1856). Ce rapport, le premier rapport statistique officiel sur l’enseignement scolaire en AmĂ©rique latine, comprend des informations sur le sexe et la distribution gĂ©ographique des Ă©lĂšves, sur les salaires et traitements, et des rĂ©sultats comparatifs. Informes sobre educaciĂłn propose de nouvelles thĂ©ories, des programmes d’enseignement nouveaux et de nouvelles mĂ©thodes pĂ©dagogiques, ainsi que la mise en place d’un contrĂŽle de qualitĂ© des Ă©coles et des systĂšmes d’apprentissage[117].
  • Las Escuelas, base de la prosperidad y de la repĂșblica en los Estados Unidos (1864). Cet ouvrage, conjointement avec les deux prĂ©cĂ©dents, avaient pour but de persuader l’AmĂ©rique latine et les Argentins des bienfaits des systĂšmes scolaire, Ă©conomique et politique des États-Unis, dont Sarmiento prĂ©conisait l’introduction en Argentine[116].
  • Conflictos y armonias de las razas en America (1883), porte sur les questions raciales en AmĂ©rique latine Ă  la fin du XIXe. Bien que les situations Ă©voquĂ©es dans le livre soient spĂ©cifiques Ă  l’époque et au lieu concernĂ©s, le livre garde toute son actualitĂ©, les questions raciales et conflits de race ayant en effet toujours cours aujourd’hui[119].
  • Vida de Dominguito (1886) est une biographie de Dominguito, le fils adoptif de Sarmiento, le seul de ses enfants qu’il eĂ»t toujours acceptĂ©. Beaucoup des notes utilisĂ©es par Sarmiento pour composer Vida de Dominguito avaient Ă©tĂ© rĂ©digĂ©es vingt ans auparavant, durant un de ses sĂ©jours Ă  Washington[119].
  • Educar al soberano est un recueil de lettres Ă©crites entre 1870 et 1886 et traitant de sujets tels que l’amĂ©lioration de l’enseignement, la proposition et la promotion de nouvelles rĂ©formes touchant les Ă©tablissements secondaires, les parcs, les terrains de sport et les Ă©coles spĂ©cialisĂ©es. Ce recueil eut un succĂšs bien plus important que OrtografĂ­a, InstrucciĂłn Publica et reçut une approbation plus grande de la part du public[117].
  • El camino de Lacio eut des consĂ©quences pour l’Argentine, puisqu’il y est fait une analogie entre l’histoire de l’Argentine et celle du Latium et de l’Empire romain, incitant par lĂ  de nombreux Italiens Ă  immigrer[118].
  • La publication InmigraciĂłn y colonizaciĂłn entraĂźna une immigration massive d’EuropĂ©ens vers l’Argentine, principalement dans les zones urbanisĂ©es, immigration dont Sarmiento se promettait qu’elle concourrait Ă  « civiliser » le pays, aux dĂ©pens des gauchos barbares et des provinces rurales. La rĂ©percussion de cet ouvrage sur la politique de l’Argentine fut considĂ©rable, dans la mesure oĂč une grande part des tensions sociales dans ce pays reposait justement sur l’opposition entre provinces rurales et villes. En plus d’accroĂźtre les effectifs de population des villes, ces immigrants europĂ©ens eurent un effet sur la culture argentine au sens large, par l’apport d’une culture considĂ©rĂ©e par Sarmiento comme plus civilisĂ©e, capable de rapprocher la culture argentine de celle de l’AmĂ©rique du Nord[116].
  • OrtografĂ­a, InstrucciĂłn Publica est le produit de la passion de Sarmiento pour l’amĂ©lioration de l’enseignement. Sarmiento, aprĂšs s'ĂȘtre penchĂ© sur l’illettrisme des jeunes, propose, Ă  l’intention du systĂšme scolaire public, une mĂ©thode propre Ă  simplifier la lecture et l’orthographe, mais qui ne fut jamais mise en Ɠuvre[118] (tout en inspirant cependant en partie la rĂ©forme orthographique chilienne de 1844).
  • PrĂĄctica Constitucional est un ouvrage en trois volumes qui, aprĂšs avoir dĂ©crit les mĂ©thodes politiques alors en vigueur, en propose ensuite de nouvelles[118].

Aspects controversés et note critique

Monument Ă  Sarmiento dans la Sierra Chica de Zonda, dans la province de San Juan, portant l’inscription On ne tue point les idĂ©es, phrase que grava Sarmiento lors de son dĂ©part en exil vers le Chili.

La figure de Sarmiento ne laisse de faire l’objet de controverses. Les nombreux Ă©crits et articles par lui rĂ©digĂ©s au long de plus de cinq dĂ©cennies, dont la derniĂšre compilation (par l’UniversitĂ© nationale de la Matanza, province de Buenos Aires, 2001) totalise cinquante-trois tomes, soit plus de quinze mille pages, contiennent des passages qui se contredisent mutuellement et quelques autres d’une grande violence verbale.

L’ardeur de Sarmiento Ă  dĂ©velopper son pays avait pour revers la cruautĂ© avec laquelle les troupes nationales placĂ©es sous ses ordres rĂ©primaient les rĂ©bellions des derniers caudillos (e.a. par l’assassinat du general Ángel Vicente Peñaloza) et les recrutements forcĂ©s de gauchos pour combattre les populations indigĂšnes.

Fut critiquĂ©e Ă©galement sa prise de position sur la question de la Patagonie, oĂč il tend Ă  mettre en doute la souverainetĂ© argentine sur ladite rĂ©gion :

« J’ai contribuĂ© par mes Ă©crits, et en conseillant avec insistance le gouvernement chilien, Ă  ce que celui-ci fasse ce pas (
). Le gouvernement argentin, trompĂ© par une fausse gloire, suscite une question oiseuse qui ne mĂ©rite pas que l’on Ă©change deux notes Ă  son propos. Pour Buenos Aires, cette possession est inutile. Le dĂ©troit de Magellan appartient au Chili, et peut-ĂȘtre mĂȘme toute la Patagonie
 Je n’aurai garde, Ă  la suite de mes dĂ©monstrations, comme s’enhardit Ă  le faire le gouvernement de Buenos Aires, d'appuyer, ni mĂȘme de seulement mentionner, ses droits. Il ne leur reste pas mĂȘme l’ombre ou le prĂ©texte d’une controverse[120]. »

« C’est une terre dĂ©sertique, glaciale et inutile. Elle ne vaut pas qu’on gaspille un baril de poudre pour la dĂ©fendre. Pourquoi s’obstiner Ă  poursuivre plus longtemps une occupation nominale[121]? »

Ce nonobstant, dans une lettre du , un mois aprĂšs l’entrĂ©e des troupes chiliennes dans Lima, il conseilla Ă  JosĂ© Manuel Balmaceda :

« Il m’a fallu attendre, avant de te rĂ©pondre, qu'ait cessĂ© la rumeur des batailles, que les acteurs aient racontĂ© toutes les scĂšnes du grand drame, pour vous donner mon opinion sur la politique que doit suivre le Chili aprĂšs sa grande victoire dans le Pacifique : s’interdire l’entrĂ©e dans l’Atlantique et avoir le courage de ne pas obtenir raison dans le dĂ©troit de Magellan ni en Patagonie, sous peine de constituer un État depuis le TarapacĂĄ jusqu’à Santa Cruz, long de mille cinq cents lieues, sans largeur apprĂ©ciable, trois rĂ©publiques et deux mers Ă  surveiller[122]. »

Son attitude vis-Ă -vis des indigĂšnes :

« Parviendrons-nous Ă  exterminer les Indiens ? J’éprouve pour les sauvages d’AmĂ©rique une invincible rĂ©pugnance, sans pouvoir y remĂ©dier. Cette canaille n’est autre chose que quelques Indiens rĂ©pugnants que je donnerais l’ordre de pendre s’ils rĂ©apparaissaient aujourd’hui. Lautaro et CaupolicĂĄn sont des Indiens pouilleux, car ils le sont tous. Incapables de progrĂšs, leur extermination est providentielle et utile, sublime et grande. Il y a lieu de les exterminer, sans pardonner mĂȘme au petit, lequel possĂšde dĂ©jĂ  la haine instinctive contre l’homme civilisĂ©[123]. »

Il fait part de ses idĂ©es sur le gaucho dans une lettre qu’il adressa Ă  Mitre en 1861 :

« Ne t’efforces pas d’économiser le sang des gauchos. Cela est un engrais qu’il est nĂ©cessaire de rendre utile au pays. Le sang est la seule chose d’humain qu’ils ont[124]. »

Ses propos assez crus sur les provinces arriĂ©rĂ©es de l’intĂ©rieur de l’Argentine :

« Ce sont de pauvres satellites, qui, pour applaudir, attendent de savoir qui a triomphĂ©. La Rioja, Santiago del Estero et San Luis sont des loques politiques, des provinces qui n’ont ni ville, ni hommes, ni rien qui vaille. Ce sont les entitĂ©s les plus pauvres qui existent sur terre[125]. »

Lui sont également attribuées des affirmations telles que :

« Les Ă©lections de 1857 furent les plus libres et les plus ordonnĂ©es qu’ait connues l’AmĂ©rique »[126]. »

« Pour les remporter, notre mode opĂ©ratoire a consistĂ© en audace et en terreur, lesquelles, employĂ©es habilement, ont donnĂ© ce rĂ©sultat » (aux Ă©lections du 29 mars). Les gauchos qui se refusaient Ă  voter pour nos candidats furent mis aux ceps ou envoyĂ©s aux frontiĂšres avec les Indiens et eurent leurs fermes incendiĂ©es. Des bandes de soldats armĂ©s parcouraient les rues donnant des coups de couteau aux opposants et les pourchassant. La terreur que nous avions semĂ© parmi tous ces gens fut telle que le 29, nous triomphĂąmes sans opposition. La peur est une maladie endĂ©mique de ce peuple. C’est elle la barre avec laquelle on gouvernera toujours les PortĂšgnes, qui sont des niais, des vaniteux et des idiots[127]. »

Sa critique de Rosas :

« Le premier acte administratif de Rosas fut de retirer aux Ă©coles d’hommes et de femmes de Buenos Aires les subventions dont il les trouva dotĂ©es par l’État ; il en agit de mĂȘme avec les professeurs de l’UniversitĂ©, n’ayant pas honte de consigner dans ses messages le fait que ces vĂ©nĂ©rables citoyens continuaient d’enseigner par patriotisme et sans aucune rĂ©munĂ©ration. Les ravages causĂ©s Ă  la RĂ©publique argentine par ce coquin stupide ne pourront se rĂ©parer en un demi-siĂšcle ; car non seulement il Ă©gorgea ou contraignit Ă  s’expatrier les hommes Ă©clairĂ©s que comptait le pays, mais encore il ferma les portes des maisons d’instruction, parce qu’il a l’odorat fin et sait que les lumiĂšres ne sont pas l’appui le plus sĂ»r des tyrans[128]. »

Antisémitisme :

« 
Le peuple juif. DispersĂ© sur toute la terre, Ă  exercer l’usure et Ă  accumuler des millions, rejetant la patrie dans laquelle il naĂźt et meurt, au bĂ©nĂ©fice d’une patrie idĂ©ale que baigne chichement le Jourdain, et Ă  laquelle il ne pense pas retourner jamais. Ce songe, qui se perpĂ©tue depuis vingt ou trente siĂšcles, car provenant de l’origine mĂȘme de la race, continue jusqu’à aujourd’hui Ă  perturber l’économie des sociĂ©tĂ©s dans lesquelles ils vivent, mais dont ils ne font pas partie. Et en ce moment mĂȘme, dans la Russie barbare comme dans la Prusse illustre, s’élĂšve le cri de rĂ©pulsion contre ce peuple, qui se croit Ă©lu mais est dĂ©pourvu de sentiment humain, d’amour du prochain, d’attache Ă  la terre, du culte de l’hĂ©roĂŻsme, de vertu, des hauts faits oĂč que ceux-ci se produisent[129]. »

Note critique

Son contemporain Juan Bautista Alberdi dira de lui :

« Il dĂ©teste le sang quand ce n’est pas lui qui le verse ; il a horreur des coups d’État quand ce n’est pas lui-mĂȘme qui les commet. On ne tue pas les idĂ©es, dit-il ― quand ce sont les siennes ; mais c’est un Troppmann pour les idĂ©es des autres. La libertĂ© de la presse fait figure d'idole, Ă  condition de ne pas en user pour critiquer ses livres, car en ce cas elle dĂ©gĂ©nĂšre en crime de lĂšse-patrie. »

Dans une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e, le , Ă  l’occasion de la cĂ©lĂ©bration du 200e anniversaire de la rĂ©volution de Mai et de la naissance de l’Argentine en tant qu’État national, JosĂ© Pablo Feinmann s’est exprimĂ© (oralement) comme suit Ă  propos de l’hĂ©ritage du Facundo :

« Facundo de Sarmiento a ceci d’exceptionnel qu’il s’agit d’un livre avec l’idĂ©ologie du conquĂ©rant, mais Ă©crit par un homme de l’élite du pays colonisĂ©. La question est que ce qui est dĂ©veloppĂ©, c’est la civilisation occidentale. La civilisation occidentale doit occuper le monde. Parce que, en occupant le monde, il le civilise, le fait entrer dans la voie du progrĂšs, de la culture. Et voilĂ  le pouvoir occidental faisant son entrĂ©e
 par exemple : les Anglais en Chine, les Anglais en Inde, les Anglais en Irlande – surtout les Anglais
 l’Angleterre en effet fut la grande puissance, qui façonna presque tous les pays du XIXe siĂšcle ― mais aussi les Français en AlgĂ©rie, avec un gĂ©nĂ©ral Bugeaud, qui fait sa prĂ©sentation en AlgĂ©rie en brĂ»lant vifs cinq cents AlgĂ©riens pour montrer comment fonctionnait la rationalitĂ© française lorsqu’on s’opposait Ă  elle.

Alors, ce que fait Sarmiento, c’est d’incorporer ce concept de civilisation. LĂ  oĂč entre l’Europa, entre la civilisation. Nous autres, hommes de Buenos Aires, les hommes cultivĂ©s, les hommes qui se sont formĂ©s par les idĂ©es europĂ©ennes, sommes la civilisation. Par opposition, les gauchos, les hommes des campagnes, les hommes qui ne connaissent pas les idĂ©es europĂ©ennes, sont la barbarie.

Qu’est-ce que la Barbarie ? La barbarie, c’est l’autre. La barbarie, c’est ce qui est inintĂ©grable Ă  la civilisation. (
) L’antagonisme entre Civilisation et Barbarie n'a jamais Ă©tĂ© rĂ©solue dans l’histoire de l’Argentine. Il a Ă©tĂ© posĂ© par Sarmiento dans son Facundo, et n'arrive pas Ă  etre rĂ©solu. Il n’est toujours pas levĂ© aujourd’hui. (
) Aujourd’hui, c’est l’opulente ville de Buenos Aires qui se suppose ĂȘtre la civilisation, tandis que toute la banlieue est considĂ©rĂ©e comme barbare. À Paris Ă©galement, oĂč l’on craint l’invasion des expulsĂ©s du systĂšme : les musulmans qui n’ont pas de travail et qui, Ă  certaine occasion, ont incendiĂ© Paris
 (
) Ainsi donc, le livre de Sarmiento se nomme Civilisation et Barbarie ― deux concepts totalement antinomiques, autant qu’il se peut. Une chose est la Civilisation, c'est-Ă -dire : la culture, c’est la rationalitĂ©, les idĂ©es, c’est le progrĂšs, c’est ce qu’on appelle « le train du progrĂšs » ; une autre chose est la Barbarie, qui est la campagne, qui est l’arriĂ©ration, qui est les vieilles coutumes du FĂ©dĂ©ralisme prĂ©capitaliste (
). Et la Barbarie, il faut la combattre, il faut la liquider, il faut la vaincre. Il n’y a pas de comprĂ©hension pour la Barbarie. Il n’y a pas d'arrangement possible avec la Barbarie. Au XIXe siĂšcle, Sarmiento fait la connaissance du gĂ©nĂ©ral Bugeaud en AlgĂ©rie. Et le gĂ©nĂ©ral Bugeaud lui dit : « la Barbarie doit ĂȘtre combattue par la Barbarie ». Et Sarmiento lui prĂȘte attention[130]. »

Hommages et statut

Le statut dont jouit Domingo Faustino Sarmiento trouve sans doute son illustration la plus frappante dans le fait que lors de la ConfĂ©rence interamĂ©ricaine sur l’enseignement, tenue en 1943 Ă  Panama, la JournĂ©e latino-amĂ©ricaine de l’enseignement a Ă©tĂ© fixĂ©e en son honneur au 11 septembre. Il continue jusqu’à aujourd’hui Ă  passer pour le maĂźtre d’école de l’AmĂ©rique latine[131]. À son Ă©poque, il ouvrit d’innombrables Ă©coles, mit en place des bibliothĂšques publiques et gratuites, ouvrit le pays Ă  l’immigration, et Ɠuvra en faveur d’une Union des pays de la Plata[132].

Son influence ne s’est pas seulement exercĂ©e dans le monde scolaire, mais aussi sur la structure politique et sociale de l’Argentine. Ses idĂ©es sont dĂ©sormais rĂ©vĂ©rĂ©es comme innovantes, alors qu’elles ne furent que difficilement acceptĂ©es en leur temps[133]. S’étant construit lui-mĂȘme, il croyait donc Ă  l’épanouissement sociologique et Ă©conomique de l’AmĂ©rique latine ― ce que le peuple argentin lui-mĂȘme eut toutefois du mal Ă  reconnaĂźtre, constatant que le bond fait par le niveau de vie s’accompagnait de prix Ă©levĂ©s, de hauts salaires et d’une accroissement de la dette nationale[133].

Une statue en honneur de Sarmiento, de l'artiste Yvette Compagnon, Ă©rigĂ©e en 1973, se dresse Ă  Boston sur l’avenue du Commonwealth (Commonwealth Avenue Mall), entre Gloucester street et Hereford street[134], et dans la ville de Rosario, en Argentine, existe une Plaza Sarmiento[135]. Une des derniĂšres Ɠuvres de Rodin, actuellement Ă  Buenos Aires, est une sculpture reprĂ©sentant Sarmiento[136].

Les billets de banque de 50 pesos argentins portent l'effigie de Sarmiento.

Le Club Atlético Sarmiento porte son nom.

Notes et références

  1. Francis G. Crowley (1972), Domingo Faustino Sarmiento, New York: Twayne, p. 11.
  2. A. W. Bunkley (1969), p. 31
  3. A. W. Bunkley (1969), p. 4
  4. Bunkley 1969, p. ??
  5. Mi Defensa, in Obras Completas de Domingo Faustino Sarmiento (ci-aprÚs abrégé en OC), vol. 3, Buenos Aires, Editorial Luz Del Día, 1948, p. 6-7
  6. A. W. Bunkley (1969), p. 35
  7. A. W. Bunkley (1969), p. 26
  8. J. I. GarcĂ­a Hamilton (1998), p. 270-271
  9. A. W. Bunkley (1969), p. 36
  10. A. W. Bunkley (1969), p. 37
  11. A. W. Bunkley (1969), p. 38
  12. A. W. Bunkley (1969), p. 44
  13. A. W. Bunkley (1969), p. 45
  14. J. Moss et L. Valestuk (1999), p. 171
  15. J. Moss et L. Valestuk (1999), p. 172
  16. J. Moss et L. Valestuk (1999), p. 173
  17. A. W. Bunkley (1969), p. 47
  18. F. G. Crowley (1972), p. 15
  19. A. W. Bunkley (1969), p. 48
  20. A. W. Bunkley (1969), p. 49
  21. A. W. Bunkley (1969), p. 50
  22. W. H. Katra (1996), p. 29
  23. A. W. Bunkley (1969), p. 77
  24. J. I. GarcĂ­a Hamilton (1998), p. 52-61
  25. J. I. GarcĂ­a Hamilton (1998), p. 62-65
  26. F. G. Crowley (1972), p. 10
  27. « Los diez años precedentes », El Nacional, 1er mai 1841.
  28. (es) Felipe Pigna, « Domingo Faustino Sarmiento », Buenos Aires, El Historiador (consulté le ).
  29. L’original est accrochĂ© au MusĂ©e historique Sarmiento (Argentine). TirĂ© de La FotografĂ­a en la Historia argentina, vol. I, dans le quotidien El ClarĂ­n, 2005.
  30. F. G. Crowley (1972), p. 16
  31. W. H. Katra (1996), p. 7-9
  32. W. H. Katra (1996), p. 35
  33. W. H. Katra (1996), p. 41
  34. V. Galvani (1990), p. 20
  35. D’aprĂšs Paul Groussac (dans CrĂ­tica Literaria, Buenos Aires, 1924, p. 225), la phrase serait de Volney. Paul Verdevoye pour sa part (dans Domingo faustino Sarmiento, Ă©ducateur et publiciste entre 1839 et 1852, p. 76, note 160) formule l’hypothĂšse selon laquelle Sarmiento, lecteur assidu de la Revue encyclopĂ©dique, aurait pu se souvenir de la phrase de Diderot « On ne tire pas des coups de fusil aux idĂ©es » placĂ©e en exergue d’un article de Charles Didier intitulĂ© les Doctrines et les IdĂ©es, que ladite revue avait publiĂ© en 1832. Cette hypothĂšse semble ĂȘtre confirmĂ©e par un article de Sarmiento antĂ©rieur Ă  Facundo, qui se clĂŽturait par la phrase : « No se fusilan ni degĂŒellan las ideas » (soit : On ne fusille ni ne dĂ©capite les idĂ©es). Voir aussi Roberto Yahni, annotations de Facundo dans l’édition de poche CĂĄtedra (Madrid 1990, 2011), p. 35.
  36. F. G. Crowley (1972), p. 9
  37. chap. 3,_sec. IV-3.,_§ 328-402-37" class="mw-reference-text">Verdevoye 1963, chap. 3, sec. IV-3., § 328-402.
  38. V. Galvani (1990), p. 22
  39. After Life: Recoleta Cemetery
  40. W. H. Katra (1996), p. 173-176
  41. W. H. Katra (1996), p. 189
  42. V. Galvani (1990), p. 23
  43. W. H. Katra (1996), p. 191
  44. V. Galvani (1990), p. 23-24
  45. Penn 1946, p. 387
  46. Tulio HalperĂ­n Donghi, Proyecto y construcciĂłn de una NaciĂłn, Biblioteca Ayacucho, , p. 57
  47. (es) Juan Carlos Vedoya, La magra cosecha, La Bastilla, coll. « Memorial de la Patria », , 295 p., p. 276
  48. D. Rock (1985), p. 130.
  49. A. W. Bunkley (1969), p. 449
  50. Obras, 31: 197, article Ă©crit le 9 octobre 1865, pour El Zonda, Obras, 24: 71.
  51. F. G. Crowley (1972), p. 20
  52. F. G. Crowley 1972, p. 21
  53. F. G. Crowley (1972), p. 22
  54. F. G. Crowley (1972), p. 23
  55. J. C. Vedoya (1979), p. 20-21 & 29-30.
  56. J. C. Vedoya (1979), p. 116-122.
  57. (es) « Sarmiento: sĂ­ntesis de su vida », Ministerio de EducaciĂłn de la RepĂșblica Argentina
  58. (es) Cecilia Yornet, « La historia de las maestras norteamericanas que trajo Sarmiento », sur Fundación Bataller (version du 20 février 2013 sur Internet Archive)
  59. J. C. Vedoya (1979), p. 113.
  60. « Sarmiento y la educación », Casa Natal y Monumento Histórico Nacional Domingo Faustino Sarmiento (version du 2 novembre 2013 sur Internet Archive)
  61. J. C. Vedoya (1979), p. 115.
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Voir aussi

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Liens externes

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