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Felipe Varela

Felipe Varela (Huaycama, dĂ©partement de Valle Viejo, province de Catamarca, Argentine, 1821 – Nantoco (dans l'ancienne province d'Atacama), Chili, 1870) Ă©tait un grand fermier et militaire argentin. Il fut l’animateur du dernier des pronunciamientos proclamĂ©s par des caudillos de l’interieur contre l’hĂ©gĂ©monie politique nationale conquise par la province de Buenos Aires Ă  l’issue de la bataille de PavĂłn de 1861. OpposĂ© Ă  la guerre de la Triple Alliance, il reçut le sobriquet de « Quichote des Andes » en raison du dĂ©fi qu’il lança au gouvernement central avec une petite armĂ©e de moins de 5000 hommes, faisant face en effet, Ă  la tĂȘte de ses troupes, aux forces armĂ©es nationales dans la rĂ©gion des Andes et de Cuyo pendant plusieurs annĂ©es. Finalement vaincu, il mourut exilĂ© au Chili.

Felipe Varela
Biographie
Naissance
(?)
Huaycama (en)
DĂ©cĂšs
(Ă  49 ans)
Tierra Amarilla
Nom de naissance
Juan Felipe Varela Rearte
Nationalité
Allégeance
Activités
Autres informations
Date de baptĂȘme
Grades militaires
Général (à partir de )
Colonel
Conflit

La figure de Varela, comme celle de tant d’autres de cette Ă©poque, reste fortement controversĂ©e. Si les partisans de la faction libĂ©rale le considĂ©raient comme un rustre sanguinaire, les historiens rĂ©visionnistes en revanche mirent en relief son opposition Ă  BartolomĂ© Mitre et Ă  la guerre de la Triple Alliance ; d’autres auteurs ont dit leur estime pour la luciditĂ© de son Manifeste de par lequel il exprima son opposition Ă  Mitre, texte qui demeure l’une des Ă©nonciations les plus achevĂ©es et les plus poignantes de l’idĂ©ologie fĂ©dĂ©raliste.

Débuts comme combattant fédéraliste

Felipe Varela naquit en 1821, peut-ĂȘtre le , comme fils du caudillo fĂ©dĂ©raliste Javier Varela et de MarĂ­a Isabel Ruarte ou Rubiano (sic), et reçut le baptĂȘme le , Ă  l’ñge de 1 an, sous le prĂ©nom de Juan Felipe, du prĂȘtre Francisco Jacobo de Acuña, dans la chapelle de la ville de San Isidro, actuel chef-lieu du dĂ©partement de Valle Viejo, dans la province de Catamarca[1].

Dans la dĂ©cennie 1840, Varela, possĂ©dant des domaines Ă  Guandacol, dans l'ouest de la province de La Rioja, combattit le gouvernement de Juan Manuel de Rosas. La persĂ©cution exercĂ©e par le gouverneur de Buenos Aires le conduisit Ă  l’exil au Chili, oĂč il se joignit Ă  l’armĂ©e de ce pays ; Ă  la suite de la chute de Rosas en 1852, il revint en Argentine et s’engagea dans les rangs de l’armĂ©e de la ConfĂ©dĂ©ration, oĂč il occupa le poste de commandant en second de la frontiĂšre Ă  RĂ­o Cuarto, dans le sud de la province de CĂłrdoba.

En 1861, il se battit sous les ordres de Justo JosĂ© de Urquiza Ă  la bataille de PavĂłn, laquelle marqua le triomphe militaire et politique de la faction portĂšgne et inaugura l’hĂ©gĂ©monie mitriste sur le pays tout entier. AprĂšs la dĂ©faite, il rejoignit les rangs du « Chacho » Peñaloza lors du soulĂšvement dirigĂ© par celui-ci contre les nouvelles autoritĂ©s nationales.

En tant que protĂ©gĂ© du « Chacho », il fut nommĂ© chef de la police Ă  La Rioja. En 1863, il envahit la province de Catamarca, puis lutta contre les forces de Wenceslao Paunero Ă  la bataille de Las Playas, en , et Ă  celle de Lomas Blancas. À la suite de l’assassinat de Peñaloza, Varela se rĂ©fugia en Entre RĂ­os, oĂč il devint aide de camp du gouverneur Urquiza.

Un an plus tard, il s’en retourna au Chili, oĂč il entretint des contacts avec la dĂ©nommĂ©e UniĂłn Americana, rĂ©seau de correspondants appartenant aux milieux intellectuels de cette Ă©poque, qui avait Ă©tĂ© mis sur pied pour dĂ©noncer les attaques europĂ©ennes dirigĂ©es contre le PĂ©rou et avait protestĂ© avec Ă©nergie contre l’appui apportĂ© par l’Argentine et le BrĂ©sil Ă  la rĂ©volution de Venancio Flores en Uruguay[2]. D’autre part, le rĂ©seau accusait le BrĂ©sil et le gouvernement argentin d’ĂȘtre Ă  l’origine de la guerre du Paraguay.

RĂ©volution des Colorados

Felipe Varela, assis Ă  gauche.

Virulent opposant au gouvernement de Buenos Aires, Varela perçut l’impopularitĂ© de la guerre du Paraguay et dĂ©cida d’intervenir une nouvelle fois. Ayant pu, grĂące Ă  ses contacts avec l’UniĂłn Americana, saisir en profondeur le processus politique dans lequel son pays Ă©tait entraĂźnĂ©, et bien instruit des dĂ©cisions diplomatiques entourant la mise sur pied de la Triple Alliance et des motivations de Mitre, Varela entreprit d’organiser une campagne militaire pour rentrer dans son pays. Tout d’abord cependant, manquant d’argent, quoiqu’ayant liquidĂ© ses possessions, il ne fut en mesure de rien faire pendant de longs mois. Mais quelque officier chilien s’étant mis en tĂȘte qu’attaquer l’Argentine serait Ă  ce moment-lĂ  une bonne idĂ©e, il mit Ă  la disposition de Varela, sans permission de ses supĂ©rieurs, un groupe de soldats. Il dĂ©signa chef de ce corps un certain commandant Estanislao Medina, qui fut ainsi placĂ© Ă  la tĂȘte de quelque 150 soldats chiliens favorables Ă  sa cause, dotĂ©s d’armes automatiques, peu nombreuses mais d’une grande efficacitĂ©[3].

Fin 1866, Varela avait donc dĂ©cidĂ© d’ores et dĂ©jĂ  de pĂ©nĂ©trer dans son pays, ce qui eĂ»t Ă©tĂ© une folie en l’absence d’appui Ă  l’intĂ©rieur ; cependant la rĂ©volution dite des Colorados, qui Ă©clata en novembre, vint opportunĂ©ment Ă  son secours.

Le en effet eut lieu Ă  Mendoza une mutinerie des troupes destinĂ©es Ă  partir Ă  la guerre du Paraguay, menĂ©e par le colonel Juan de Dios Videla. Les mutins Ă©largirent les prisonniers de la maison d’arrĂȘt, parmi lesquels se trouvait le docteur Carlos Juan RodrĂ­guez, fĂ©dĂ©raliste originaire de San Luis, que Videla fit nommer gouverneur de Mendoza. En seulement deux jours, les rebelles eurent la province tout entiĂšre sous leur domination. Peu de jours plus tard, ils battirent le colonel uruguayen Pablo IrrazĂĄbal, l’assassin de Peñaloza. Ensuite, Videla se rendit dans la province de San Juan, dont il vainquit et expulsa dĂ©but le gouverneur pour prendre lui-mĂȘme sa place, puis dans la foulĂ©e dĂ©fit les troupes du colonel Julio Campos, gouverneur unitaire de la province de La Rioja, lors de la bataille de Rinconada del Pocito.

Le commandement militaire de la rĂ©volution resta aux mains du colonel Felipe SaĂĄ, qui de son cĂŽtĂ© rĂ©cupĂ©ra la province de San Luis. Ainsi les rebelles s’étaient-ils en trĂšs peu de temps saisi du pouvoir dans toute la rĂ©gion de Cuyo. Ils pouvaient en outre compter sur le soutien du gouverneur de CĂłrdoba, Mateo Luque[4].

AprĂšs avoir mobilisĂ©, Ă  travers tout le pays, les montoneras (troupes irrĂ©guliĂšres locales) rĂ©siduelles d’autres caudillos dĂ©cĂ©dĂ©s, et leur avoir adjoint des combattants chiliens, Varela fit mouvement vers le territoire argentin arborant un drapeau avec la devise « ÂĄFederaciĂłn o Muerte ! » (La FĂ©dĂ©ration ou la Mort). À San JosĂ© de JĂĄchal, dans la province de San Juan, il lança le sa proclamation rĂ©volutionnaire intitulĂ©e Manifeste du gĂ©nĂ©ral Felipe Varela Ă  l’attention des peuples amĂ©ricains :

« La charte constitutionnelle fĂ©dĂ©rale, dĂ©mocratique et rĂ©publicaine, la plus belle et la plus parfaite, que les valeureux Entrerrianos donnĂšrent au prix de leur sang prĂ©cieux, vainquant Ă  Caseros le centralisme odieux des faux fils de la Buenos Aires cultivĂ©e, a Ă©tĂ©, de l’annĂ©e soixante-et-un jusqu’à aujourd’hui, violĂ©e et mutilĂ©e par Mitre et son entourage de sbires. »
« ARGENTINS ! Le pavillon de Mai qui, rayonnant de gloire, flottait victorieux des Andes jusqu’à Ayacucho, et que la fatalitĂ© fit Ă©choir, pendant la funeste journĂ©e de PavĂłn, entre les inaptes et fĂ©briles mains du caudillo Mitre, a Ă©tĂ© lĂąchement traĂźnĂ© Ă  travers les bourbiers d’Estero Bellaco, Tuyuty, CuruzĂș et Curupayty. Notre nation, si heureuse auparavant, si grande en puissance, si riche en avenir, si parĂ©e de gloires, a Ă©tĂ© humiliĂ©e comme une esclave, restant endettĂ©e Ă  hauteur de cent millions et son haut nom ainsi que ses grandes destinĂ©es compromis par le caprice barbare du susnommĂ© PortĂšgne, qui Ă  la suite de la dĂ©faite de Cepeda, jura, larmoyant, de la respecter. »
« VALEUREUSES GENS D’ENTRE RÍOS ! Les frĂšres qui partagent votre cause dans les autres provinces vous saluent, en marchant vers le champ de la gloire, oĂč ils vous attendent. Votre illustre chef et compagnon d’armes, le magnanime capitaine-gĂ©nĂ©ral Urquiza, vous accompagnera, et sous ses ordres, tous ensemble, une fois encore, nous vaincrons les ennemis de la cause nationale. »
« À lui et Ă  vous il incombe de conclure la grande Ɠuvre que vous commençùtes Ă  Caseros, de la mĂ©morable journĂ©e de laquelle surgit notre rĂ©demption politique, consignĂ©e dans les pages de notre belle Constitution que, sur ce champ d’honneur, vous Ă©crivĂźtes avec votre sang. »
« Si grande est la haine que ces fratricides PortĂšgnes Ă©prouvent Ă  l’endroit des Provinciaux, que nombre de nos villages ont Ă©tĂ© dĂ©solĂ©s, saccagĂ©s et assassinĂ©s par les fourbes poignards des dĂ©capiteurs attitrĂ©s : Sarmiento, Sandes, Paunero, Campos, IrrazĂĄval et plusieurs autres, dignes de Mitre. »
« Assez de victimes immolĂ©es par le caprice de petits chefs sans loi, sans cƓur, sans conscience ! Cinquante mille victimes immolĂ©es sans raison justifiable apportent le tĂ©moignage flagrant de la triste et insupportable situation que nous traversons et qu’il est temps de contenir ! »
« À bas les infracteurs de la loi ! À bas les traĂźtres Ă  la Patrie ! À bas les marchands des croix d’Uruguaiana, au prix de l’or, des larmes et du sang argentin et oriental ! »
« ARRIÈRE les usurpateurs des rentes et droits des provinces au bĂ©nĂ©fice d’un peuple vain, despote et indolent ! SOLDATS FÉDÉRAUX ! Notre programme est la stricte mise en Ɠuvre de la constitution jurĂ©e, l’ordre commun, la paix et l’amitiĂ© avec le Paraguay, et l’union avec les autres rĂ©publiques amĂ©ricaines. Malheur Ă  qui dĂ©roge Ă  ce programme ! »
« Compatriotes nationalistes ! La lice nous montrera l’ennemi. C’est lĂ  que vous invite Ă  recueillir les lauriers du triomphe ou la mort votre commandant et ami. »

La Rioja tomba aux mains des fĂ©dĂ©ralistes Ă  la faveur d’une rĂ©bellion militaire contre le commandant IrrazĂĄbal, auteur de l’assassinat du Chacho Peñaloza. Peu de temps aprĂšs se joignirent Ă  Varela plusieurs autres caudillos, d’envergure moindre, comme Santos Guayama, SebastiĂĄn Elizondo et Aurelio Zalazar, en conjonction avec lesquels ils parvint Ă  former une armĂ©e de plus de 4 000 hommes[5].

Varela se rendit maĂźtre de l’ouest des provinces de La Rioja, s’empara de la ville de La Rioja, puis, retournant dans l’ouest aprĂšs la victoire du montonero chilien Estanislao Medina sur l’ancien gouverneur de Catamarca MelitĂłn CĂłrdoba, qui pĂ©rit dans la bataille, le prĂšs de Tinogasta[6], s’empara Ă©galement des dĂ©partements occidentaux de Catamarca Ă  l’aide d’une force de 2 000 hommes[6]. Dans toute cette zone, ainsi que dans la majeure partie de l’intĂ©rieur du pays prĂ©dominait un franc sentiment fĂ©dĂ©raliste. Les deux bataillons avec lesquels il s’était lancĂ© depuis le Chili, et dans lesquels figuraient quelques soldats et officiers chiliens, s’étaient entre-temps transformĂ©s en une armĂ©e de plusieurs milliers d’hommes, et allĂšrent jusqu’à totaliser prĂšs de 5 000 montoneros, c'est-Ă -dire la force la plus importante que le parti fĂ©dĂ©raliste eĂ»t jamais mis en armes depuis la bataille de PavĂłn.

Devant le tiĂšde accueil que leur rĂ©serva Urquiza, sur qui ils avaient d’abord comptĂ© pour prendre la tĂȘte du soulĂšvement, ils planifiĂšrent leurs actions depuis leur quartier-gĂ©nĂ©ral de JĂĄchal. Varela serait chargĂ© de soulever les provinces occidentales, tandis que SaĂĄ et Videla avanceraient sur le Litoral, oĂč ils espĂ©raient amener Ă  se joindre Ă  eux quelque dirigeant fĂ©dĂ©raliste[7]. Dans l’hypothĂšse la plus hardie, ils pourraient s’assurer le soutien de Timoteo Aparicio en Uruguay, en mĂȘme temps que celui du parti Blanco de ce pays.

Écrasement de la rĂ©bellion

La situation Ă©tait devenue rĂ©ellement pĂ©rilleuse pour le gouvernement de BartolomĂ© Mitre, qui se trouvait alors personnellement au commandement des armĂ©es alliĂ©es au Paraguay. Il dut rentrer Ă  Rosario pour y organiser les troupes destinĂ©es Ă  affronter la sĂ©dition, Ă  la tĂȘte desquelles il plaça JosĂ© Miguel Arredondo, Wenceslao Paunero — revenus du Paraguay — et Antonino Taboada, frĂšre du gouverneur de Santiago del Estero.

En mars, l’armĂ©e, sous les ordres de Paunero, reçut Ă  Rosario l’équipe moderne retirĂ©e du front paraguayen, et amorça son avancĂ©e sur CĂłrdoba, oĂč dĂ©jĂ  le ministre de la guerre, JuliĂĄn MartĂ­nez, s’était transportĂ© pour y imposer l’autoritĂ© civile du gouvernement central. AlertĂ© de la marche de l’armĂ©e fĂ©dĂ©raliste, commandĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Juan SaĂĄ, frĂšre de Felipe, fraĂźchement arrivĂ© du Chili, Paunero dĂ©pĂȘcha Arredondo pour l’intercepter. Dans la matinĂ©e du , les forces de montoneros et leurs alliĂ©s ranquels, qui avaient apportĂ© aux insurgĂ©s 500 lanciers, furent vaincues lors de la bataille de San Ignacio, sur la rive du rĂ­o Quinto ; les troupes fĂ©dĂ©ralistes, qui semblaient d’abord sur le point de l’emporter, furent finalement dĂ©truites par l’action dĂ©cisive de l’infanterie de Luis MarĂ­a Campos, qui sut inverser le sens de la bataille.

Les dirigeants fĂ©dĂ©ralistes s’enfuirent tous au Chili. Varela cependant, qui se trouvait Ă  ce moment encore trop loin pour ĂȘtre instruit de ce qui s’était passĂ©, avança sur la ville de Catamarca, mais, prĂšs d’arriver, apprit que Taboada s’était emparĂ© de La Rioja. Commettant une lourde erreur, il fit alors route vers La Rioja, dans le but de faire front.

AprĂšs avoir envoyĂ© un Ă©missaire Ă  Taboada pour lui proposer de combattre en dehors de la ville, dans le souci de rĂ©duire les dommages civils, Varela se mit donc en marche vers La Rioja. Cependant, il nĂ©gligea de prĂ©voir des provisions d’eau suffisantes dans ce dĂ©sert, ce que Taboada exploita cavaliĂšrement : il prit position au lieu dĂ©nommĂ© Pozo de Vargas, l’unique source d’eau entre Catamarca et La Rioja, et y attendit Varela. À son arrivĂ©e, ce dernier s’aperçut qu’il ne pouvait poursuivre son chemin sans faire donner de l’eau Ă  ses hommes, et dĂ©cida d’attaquer, sonnant le signal de la bataille de Pozo de Vargas.

Si la premiĂšre charge des fĂ©dĂ©ralistes, dirigĂ©e par le Chilien Estanislao Medina, fut un succĂšs, la position stratĂ©gique des troupes de Taboada et la supĂ©rioritĂ© de son artillerie empechĂšrent les fĂ©dĂ©ralistes de l’emporter au terme des combats subsĂ©quents, qui se prolongĂšrent pendant prĂšs de huit heures. Pourtant, par une habile manƓuvre, le capitaine montonero SebastiĂĄn Elizondo sut mettre la main sur les animaux et le parc d’armes de Taboada, mais l’effet en fut anĂ©anti par son empressement Ă  s’éloigner avec le butin au lieu de reformer les rangs et de rĂ©intĂ©grer le champ de bataille. Varela dut se retirer avec moins de 180 hommes d’effectif, laissant le champ Ă  une armĂ©e nationale elle aussi fort mal en point.

RĂ©sistance de Varela

ArrivĂ© Ă  JĂĄchal peu de jours aprĂšs, il y apprit la dĂ©faite de SaĂĄ, et tĂącha de regrouper avec les siens les hommes dĂ©bandĂ©s de ce dernier. Toutefois, au lieu de fuir pour le Chili, il rĂ©solut d’adopter une tactique de guĂ©rilla. Le , devant l’avancĂ©e de Paunero, il quitta JĂĄchal et, « se jetant Ă  la montagne », devait, de cette position, harceler les forces rĂ©guliĂšres de ses adversaires, mettant Ă  profit sa meilleure connaissance du terrain.

Le , aux environs de Las Bateas, il s’élança inopinĂ©ment sur le campement de Paunero, et s’en fut avec les chevaux et les munitions. Le 16 du mĂȘme mois, mettant en Ɠuvre ses faibles moyens, il attaqua par surprise, dans le ravin de Miranda, un groupe de conscrits emmenĂ©s par le colonel JosĂ© MarĂ­a Linares, qui promptement dĂ©laissĂšrent le drapeau national pour se joindre Ă  lui, en dĂ©sobĂ©issant Ă  leurs officiers. Il fit Linares prisonnier et lui demanda ce qu’il eĂ»t fait si la situation avait Ă©tĂ© inverse. Linares rĂ©pondit qu’il l’eĂ»t tuĂ© comme un chien ; Ă  la suite de quoi Varela le fit fusiller.

Ce type d’actions d’escarmouche allaient perdurer pendant des mois, contraignant le gouvernement central Ă  maintenir ses troupes — baptisĂ©es « ArmĂ©e intĂ©rieure » — en alerte permanente dans la rĂ©gion. Estanislao Medina fit transpercer d’une lance TristĂĄn DĂĄvila, le plus fortunĂ© et le plus capable des chefs du parti unitaire de La Rioja. AprĂšs Pozo de Vargas, la guerre commença Ă  perdre son caractĂšre quasi romantique : les assassinats des « nationaux » appelaient rĂ©torsions et reprĂ©sailles, et bientĂŽt le territoire entier se trouva en proie Ă  des campagnes rĂ©ciproques d’assassinats et de mises Ă  sac.

À peine l’armĂ©e de Taboada se fut-elle retirĂ©e (du reste en emportant tout le bĂ©tail qu’elle trouva sur son chemin), que les montoneras d’Elizondo et de Zalazar prirent La Rioja, permettant Ă  Varela d’occuper la ville pendant un peu plus d’une semaine. Cependant, n’ayant garde d’attendre le retour de Taboada, lequel faisait Ă  nouveau mouvement vers le sud, il entreprit de se replier sur Chilecito, mais fut attaquĂ© en chemin et battu.

Sans plus aucun espoir, il renvoya Medina au Chili et chercha asile dans la Puna. Alors que ses ennemis le croyaient dĂ©jĂ  rĂ©fugiĂ© en Bolivie, il rĂ©apparut Ă  l’improviste dans les vallĂ©es Calchaquies, dans la province de Salta. DĂ©but octobre, il rĂ©ussit Ă  avancer jusqu’au centre de cette province, poursuivi par le colonel Octaviano Navarro, vieil alliĂ© du Chacho, que peu de semaines auparavant Varela escomptait encore pouvoir convaincre de rejoindre la rĂ©volution. Curieusement, Navarro le poursuivit de prĂšs sans jamais l’atteindre, les deux hommes rechignant en effet Ă  engager le combat.

Les habitants de la Salta dressĂšrent des barricades dans les principales rues de la ville et, surexcitĂ©s par le mythe de la cruautĂ© de Varela rĂ©pandu par les libĂ©raux, se disposĂšrent Ă  rĂ©sister. Varela les invita Ă  combattre hors de la ville, afin de prĂ©server celle-ci des effets d’une bataille de rue. Les Salteños cependant dĂ©clinĂšrent cette injonction et aprĂšs une lutte hĂ©roĂŻque des deux cĂŽtĂ©s, qui dura deux heures et demie, les fĂ©dĂ©ralistes se rendirent maĂźtres de la ville, mais au prix de la perte d’une moitiĂ© de leurs effectifs dans les combats[8].

Ayant appris que Navarro s’approchait, Varela Ă©vacua Salta en direction du nord, avec les quelques canons sur lesquels il avait mis la main dans la ville et avec moins de poudre qu’il n’en dĂ©tenait auparavant. Il se dirigea Ă  San Salvador de Jujuy, ville qu’il occupa, elle aussi, briĂšvement. Dans les premiers jours de novembre, il s’introduisit en Bolivie, oĂč il obtint l’asile du prĂ©sident Mariano Melgarejo, se rĂ©fugiant temporairement Ă  PotosĂ­.

Cependant, les vicissitudes de la politique bolivienne eurent tĂŽt fait de compromettre son asile, le portant en , incitĂ© par la mise Ă  mort du caudillo de La Rioja Aurelio Zalazar, Ă  reprendre, en compagnie de deux centaines d’hommes, le chemin de Salta. Le , un petit contingent national le battit Ă  Pastos Grandes, dans la Puna, dispersant dĂ©finitivement sa troupe.

Mort et posterité

Phtisique et dĂ©nuĂ© d’appui, Varela se rĂ©fugia au Chili. Le gouvernement de ce pays, peu dĂ©sireux de donner l’hospitalitĂ© Ă  un insurgĂ© rĂ©cidiviste, le maintint briĂšvement en observation avant de l’autoriser Ă  se fixer Ă  CopiapĂł. Le , la maladie eut raison de sa vie. Le gouvernement de Catamarca rapatria ses restes, malgrĂ© l’opposition de l’exĂ©cutif national dirigĂ© par Domingo Faustino Sarmiento.

En , la lĂ©gislature de Catamarca adressa au gouvernement national une requĂȘte pour Ă©lever Ă  titre posthume le colonel Felipe Varela au grade de gĂ©nĂ©ral de la Nation, requĂȘte Ă  laquelle il fut fait honneur en par la prĂ©sidente Cristina FernĂĄndez de Kirchner[9].

Bibliographie

  • (es)Luna, FĂ©lix, Los caudillos, Ed. Peña Lillo, Buenos Aires, 1971.
  • (es)Rosa, JosĂ© MarĂ­a, La guerra del Paraguay y las montoneras argentinas, Éd. HyspamĂ©rica, 1986.
  • (es)BazĂĄn, Armando R., Historia de La Rioja, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1991.
  • (es)BazĂĄn, Armando R., Historia de Catamarca, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1996.
  • (es)Vera-Ortiz, Jorge A., Aportes para la genealogĂ­a agnaticia del caudillo Federal Felipe Varela, B. n° 238, Inst. Arg. de C. GenealĂłgicas, Buenos Aires, 2005
  • (es)Chianelli, Trinidad Delia, El gobierno del puerto. Memorial de la Patria, tome XII, Éd. La Bastilla, Buenos Aires, 1984.
  • (es)De Paoli, Pedro et Mercado, Manuel G., Proceso a los montoneros y guerra del Paraguay, Eudeba, Buenos Aires, 1973.
  • (es)Mercado Luna, Ricardo, Los coroneles de Mitre, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1974.
  • (es)AlĂ©n Lascano, Luis C., Los Taboada, revue Todo es Historia, n° 47.
  • (es)CĂĄrdenas, Felipe, Muerte y resurrecciĂłn del Chacho, revue Todo es Historia, n° 25.
  • (es)AlĂ©n Lascano, Luis C., Historia de Santiago del Estero, Éd. Plus Ultra, Buenos Aires, 1991.
  • (es)Vera-Ortiz, Jorge, El Mausoleo de Felipe Varela y su verdadero año de nacimiento, journal « La UniĂłn », supplĂ©ment d’histoire, Catamarca, .
  • (es)Zinny, JosĂ© Antonio, Historia de los gobernadores de las Provincias Argentinas, Éd. HyspamĂ©rica, 1987.
  • (es)Chumbita, Hugo, Jinetes rebeldes, Éd. Vergara, Buenos Aires, 1999.

Notes et références

  • EscudĂ©, Carlos; Cisneros, AndrĂ©s, Historia de las Relaciones Exteriores Argentinas, Buenos Aires: Consejo Argentino para las Relaciones Internacionales,
  1. Il a Ă©tĂ© affirmĂ© erronĂ©ment qu’il naquit en 1819, et c’est cette date qui figure comme sa date de naissance dans le mausolĂ©e qui lui est consacrĂ© Ă  San Ferdinando del Valle. Le 9 juin 1822, date de son baptĂȘme, Varela Ă©tait ĂągĂ© d’un an, c’est-Ă -dire qu’il devait ĂȘtre nĂ© en mai 1821 ou dans les premiers jours de juin 1821. Dans le martyrologe chrĂ©tien, l’on peut lire que le prĂ©nom Philippe (Felipe) est cĂ©lĂ©brĂ© le 11 mai en souvenir de l’un des douze apĂŽtres, ce qui porte Ă  supposer, eu Ă©gard aux coutumes religieuses de l’époque, que c’est lĂ  sa date de naissance. La controverse Ă  propos de l’annĂ©e de sa naissance a Ă©tĂ© dĂ©finitivement tranchĂ©e par la publication de deux articles, l’un paru dans le bulletin nÂș 238 de l’Institut argentin des Sciences gĂ©nĂ©alogiques (2005), l’autre dans le journal La UniĂłn de Catamarca du 28 fĂ©vrier 2009 (voir bibliographie).
  2. Si l’invasion de l’Uruguay par Flores Ă©tait certes placĂ©e sous le commandement de ce gĂ©nĂ©ral, tous les autres dĂ©cideurs, hormis quelques officiers uruguayens, et la plupart des dĂ©cisions prises ainsi que la majeure partie du financement, dĂ©pendaient de Buenos Aires et de Rio de Janeiro.
  3. Plusieurs auteurs ont reprochĂ© Ă  Varela d’envahir son pays avec une troupe chilienne, alors que d’autres au contraire soutiennent qu’il amena au moment de l’invasion moins de quarante soldats originaires de ce pays (le reste Ă©tant des Argentins rĂ©fugiĂ©s au Chili), qu’aprĂšs il rassembla plusieurs milliers de gauchos argentins, et que la participation chilienne ne fut guĂšre utile dans les premiers jours, avant d’ĂȘtre contre-productive par la suite.
  4. Mateo Luque, le gouverneur de CĂłrdoba, sympathisait avec le mouvement des colorados et avec celui de Varela, mais n’alla jamais jusqu’à l’appuyer rĂ©ellement. AprĂšs plusieurs mois d’indĂ©cision, le colonel SimĂłn Luengo voulut l’y obliger en s’emparant du gouvernement en son absence, mais Luque laissa l’armĂ©e nationale Ă©craser la rĂ©bellion de Luengo. Pour salaire de sa loyautĂ©, le gouvernement national dĂ©crĂ©ta l’intervention fĂ©dĂ©rale contre la province et le remplaça par un libĂ©ral, liquidant du coup le parti fĂ©dĂ©raliste de CĂłrdoba. Luengo devait, des annĂ©es plus tard, se rendre responsable de la mort du gĂ©nĂ©ral Urquiza.
  5. Tradición Gaucha - 4 de Junio de 1870 – Fallecimiento de Felipe Varela
  6. Catamarca GuĂ­a - Historia - Personalidades - Gobernadores - Cordoba Meliton
  7. Peut-ĂȘtre Ricardo LĂłpez JordĂĄn, gĂ©nĂ©ral d’Entre RĂ­os sceptique sur l’engagement d’Urquiza aux cĂŽtĂ©s du parti fĂ©dĂ©raliste, dont pourtant il restait supposĂ©ment le chef.
  8. La lĂ©gende historique veut que Varela pilla Ă  fond la ville de Salta, et qu’il y eut des centaines d’assassinats et de viols. Toutefois, cela est tout simplement impossible, attendu que l’occupation de la ville ne dura guĂšre plus d’une heure, et qu’il n’y eut donc pas assez de temps pour perpĂ©trer des viols. Certes, pillage il y eut, car c’est bien en quĂȘte d’armes que les troupes de Varela s’étaient emparĂ©es de Salta, mais le pillage fut de faible ampleur : les tĂ©moignages qui nous sont parvenus Ă©voquent des cas de menaces et de violences, et de vols d’argent et de chevaux, mais pas au-delĂ . Il n’a pu ĂȘtre Ă©tabli aucun meurtre.
  9. Procédure en faveur du caudillo Felipe Varela : paroles de la présidente de la Nation argentine, Présidence de la Nation argentine, consulté le 5 juin 2012

Liens externes

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