Litoral (Argentine)
En Argentine, il est d’usage d’appeler Litoral un ensemble de six provinces sises sur le rivage des grands fleuves qui forment le bassin du RĂo de la Plata, soit essentiellement les fleuves Uruguay et Paraná. Il s’agit des provinces de Misiones, de Corrientes, d’Entre RĂos (ces trois provinces constituant la dĂ©nommĂ©e MĂ©sopotamie argentine, dĂ©limitĂ©e par les deux fleuves susmentionnĂ©s), du Chaco, de Formosa et de Santa Fe ; en font partie Ă©galement les Ă®les du delta du Paraná. Anciennement, cette rĂ©gion historique et culturelle comprenait en outre le territoire des actuels Uruguay et Paraguay, jusqu’à ce que l’Argentine reconnĂ»t l’indĂ©pendance de ces deux pays. PhytogĂ©ographiquement, le Litoral appartient Ă la zone des selves de la rĂ©gion phytogĂ©ographique paranĂ©enne, lesquelles selves se transforment vers la partie sud et centrale du Litoral en savanes et forĂŞts xĂ©rophiles.
Toponymie
Paradoxalement, si le vocable Litoral Ă©voque tout d’abord une rĂ©gion cĂ´tière, bordant la mer ou l’ocĂ©an, il se trouve que dans le cas du Litoral argentin aucune des provinces litoraleñas n’a plus aujourd’hui d’accès direct Ă la mer ou Ă l’ocĂ©an. La dĂ©nomination gĂ©ographique remonte au temps de la domination espagnole, au cours de laquelle, notamment sous la Vice-royautĂ© du RĂo de la Plata, l’extrĂ©mitĂ© nord-est du territoire avait un accès direct Ă la mer par le TapĂ© (territoire correspondant aux Missions orientales), par la Bande orientale (actuel Uruguay) et mĂŞme par la rĂ©gion appelĂ©e la Guayrá, laquelle fait partie aujourd’hui de l’État brĂ©silien du Paraná.
Plus tard, Ă partir du dĂ©but du XIXe siècle, après que les Portugais se furent emparĂ©s des couloirs d’accès direct de ces zones Ă l’ocĂ©an, le terme Litoral allait ĂŞtre rĂ©servĂ© dĂ©sormais aux provinces qui, possĂ©dant des rivages sur les principaux fleuves et rivières du bassin du Plata, avaient gardĂ© la possibilitĂ© de transports par mer. Cette rĂ©gion, qui s’étendait au sud jusqu’aux confins nord-est de la province de Buenos Aires, a longtemps prĂ©sentĂ© des traits culturels spĂ©cifiques, liĂ©s principalement Ă ses substrats charrĂşas et guaranĂs. L’identitĂ© propre du Litoral se trouva mĂŞme ensuite renforcĂ©e encore par les immigrations de la fin du XIXe siècle[1].
Histoire
Antérieurement à la conquête européenne
Dès avant 13 000 av. J. C., les premiers groupes humains, chasseurs des grands animaux du PlĂ©istocène, vinrent occuper les rĂ©gions du BrĂ©sil mĂ©ridional et le nord de la province de Misiones. De lĂ , ils se dirigèrent vers le sud en longeant les rives du Paraná et de l’Uruguay, atteignant, vers 7000 ans av. J. C., la partie sud d’Entre RĂos. D’autres groupes s’établirent dans diffĂ©rents environnements du Litoral et y dĂ©veloppèrent une Ă©conomie aux ressources plus variĂ©es.
Vers 5000 av. J. C. arrivèrent d’autres groupes de chasseurs-pĂŞcheurs, qui installèrent leurs campements sur les terrains surĂ©levĂ©s des bords du fleuve Uruguay et laissèrent, Ă Salto Grande, des peintures rupestres d’une certaine complexitĂ©, avec des dessins gĂ©omĂ©triques. Ă€ partir de 5000 av. J. C., d’autres chasseurs encore, appartenant Ă l’industrie haut-paranĂ©enne, et ayant leurs origines au Paraguay et dans le Rio Grande do Sul, surent s’adapter Ă la selve des Misiones et s’y maintinrent jusqu’à l’arrivĂ©e, en 1000 av. J. C., des GuaranĂ. Ă€ l’aide d’os et de cornes d’animaux, ils confectionnaient des ustensiles et des parures pour le corps.
En 1500 av. J. C. firent leur apparition dans la plaine de la MĂ©sopotamie argentine les dĂ©nommĂ©s chasseurs pampĂ©ens, qui s’adaptèrent Ă leur nouveau milieu, riche en faune terrestre et fluviale. Ils parvinrent Ă une plus grande diversification de leurs possibilitĂ©s et Ă un meilleur Ă©quilibre de leurs moyens de subsistance. C’est de ceux-ci que surgit l’ethnie des CharrĂşas, qui Ă l’époque de la conquĂŞte espagnole occupaient la partie centrale d’Entre RĂos et la Bande orientale.
Ă€ partir de 500 ap. J. C. apparurent les peuples canoĂ©istes, lesquels, comme le lit des rivières augmentait, utilisaient celles-ci comme voie de communication et d’approvisionnement des plaines riveraines. Ils naviguaient sur le cours du Paraná et du Paraguay en maintenant des liaisons avec les Ă®les et les cĂ´tes. PĂŞcheurs et chasseurs, d’un physique corpulent, ils se fixèrent sur les Ă©lĂ©vations naturelles de la rĂ©gion. Taillant les valves de mollusque, connaissant la cĂ©ramique et accomplissant des cĂ©rĂ©monies funĂ©raires complexes, ils sont dĂ©signĂ©s comme appartenant Ă la culture de Goya Malabrigo ou comme riverains plasticiens. Ils Ă©taient semi-sĂ©dentaires, s’adonnaient Ă la chasse et Ă la cueillette, mais Ă©taient fondamentalement des pĂŞcheurs. Ils Ă©taient les ancĂŞtres des ethnies chaná-timbĂşe, qui au moment de l’arrivĂ©e des Espagnols peuplaient les bords du Paraná, de Misiones jusqu’à Entre RĂos.
Vers 1000 ap. J. C. s’établirent, également dans des territoires appartenant aujourd’hui au Brésil, deux civilisations agricoles : l’eldoradienne, puis, à partir de 1400, les Avás ou Guaranis. Les porteurs de la tradition eldoradienne s’abritaient dans des habitations circulaires semi-souterraines, construites sur des terre-pleins naturels se prêtant aux cultures. Les guaranis amazoniens d’autre part se fixèrent le long du Paraná et cultivaient du manioc, des patates, du maïs et de la yerba mate ; ils pratiquaient aussi la chasse, la pêche et la cueillette. Ils vivaient dans des hameaux, entourés de palissades, avec de grandes maisons communales. Excellents canoéistes, ils fabriquaient des objets de vannerie et des urnes funéraires. Ils s’implantèrent dans les Misiones et dans le delta du Paraná. Leurs communautés étaient régies par des chefferies, caciquats secondaires et conseils d’anciens. Ils observaient des pratiques chamaniques et anthropophages rituelles. Les Guaranis possédaient un panthéon polythéiste et adoraient Tupá ou Ñamandú, dieux créateur et civilisateur.
À l’arrivée des Européens, presque tous les peuples indigènes étaient en guerre entre eux, en particulier les Pampidos (Qom) ou Tobas, les Mocovis, les Avipons, les Nivakles, les Pilagas dans la zone du Chaco, également les Wichis et les Wenkayek, tandis que sur les rives des fleuves Paraná-Paraguay et Uruguay vaguaient les Avás (Guaranis), en fréquent conflit avec les Guaranis mocorétas, timbus, chanas, yaros, minuanes, quérandis et charruas.
Conquête européenne et époque coloniale
Le Litoral fut l’un des premiers territoires de l’Argentine oĂą vinrent s’établir des EuropĂ©ens, gĂ©nĂ©ralement au nom de l’Espagne ; parmi les expĂ©ditions entreprises dans la rĂ©gion se dĂ©tachent plus particulièrement celle de SĂ©bastien Cabot, qui donna lieu Ă la fondation du fort Sancti Spiritu, tout premier foyer de peuplement europĂ©en sur le territoire argentin, puis Ă celle de Juan de Ayolas, Domingo MartĂnez de Irala, Hernandarias, Juan de Garay , etc.. Après la première fondation avortĂ©e de Buenos Aires en 1536 fut Ă©levĂ©e la maison-forte d’Asuncion, puis, au dĂ©part de celle-ci, furent fondĂ©es non seulement la ville de Buenos Aires (cette fois dĂ©finitivement), mais encore, aux XVIe et XVIIe siècles, les villes les plus anciennes du Litoral, savoir : San Juan de la Vera de las Siete Corrientes (aujourd’hui Corrientes, Santa Fe de la Vera Cruz (Santa Fe), Nuestra Señora de la ConcepciĂłn del Bermejo (ou ConcepciĂłn de Buena Esperanza, dans le DĂ©partement de MaipĂş), de mĂŞme que les hameaux qui allaient donner naissance ensuite Ă d’autres villes encore : La Bajada del Paraná, Arroyo de la China (devenue ConcepciĂłn del Uruguay). Ă€ la fin de cette pĂ©riode, les jĂ©suites créèrent leurs provinces missionnaires, fondant les localitĂ©s de San Ignacio MinĂ, de Loreto, d’YapeyĂş, d’ApĂłstoles, de Corpus, ainsi que des villes sur la rive gauche du fleuve Uruguay, telles que San Francisco de Borja, ItaquĂ etc., sur la base desquelles s’élèveront par la suite les actuelles citĂ©s de Paso de los Libres, La Cruz, Monte Caseros etc.
Après l’indépendance de l’Argentine
Dans le sillage de la rĂ©volution de Mai de 1810, des tendances autonomistes (mais non indĂ©pendantistes) vis-Ă -vis du pouvoir central de la capitale Buenos Aires commencèrent Ă se faire jour dans les provinces argentines, tendances incarnĂ©es par des caudillos ou personnalitĂ©s politiques locales tels que JosĂ© Artigas dans la Bande orientale, Estanislao LĂłpez dans la province de Santa Fe, ou Justo JosĂ© de Urquiza Ă Entre RĂos. La longue guerre civile qui s’ensuivit — qui, schĂ©matiquement, opposa centralistes de Buenos Aires, plus ouverts aux idĂ©es modernes et au libre Ă©change, et fĂ©dĂ©ralistes de province, favorables Ă un système confĂ©dĂ©ral et plus enclins Ă perpĂ©tuer les rapports sociaux hĂ©ritĂ©s de l’époque coloniale, — n’épargna pas le Litoral, les tout derniers soubresauts du conflit ayant mĂŞme lieu dans la province de Corrientes.
L’indĂ©pendance du territoire une fois acquise arriva en Argentine, au cours du XIXe siècle, et plus spĂ©cialement Ă partir de 1880, une importante immigration europĂ©enne, en provenance d’Italie (du Frioul surtout, Ă destination du Chaco), d’Espagne, de Russie (Allemands de la Volga, s’installant principalement en Entre RĂos, dans le Chaco, dans les Misiones, et dans le nord-est de Corrientes, et Russes, s’établissant surtout en Misiones), de Pologne, d’Ukraine, d’Allemagne (y compris de Suisse alĂ©manique, ces immigrants choisissant majoritairement les provinces de Santa Fe, Chaco, Misiones), de France (dont de nombreux Occitans, dans la ville de Concordia), du Danemark (Misiones), du Moyen-Orient et mĂŞme du Japon (Misiones et extrĂŞme nord-est de Corrientes). Ă€ signaler enfin de nombreux juifs, qui Ă©lurent domicile dans diffĂ©rentes colonies agricoles essentiellement dans les provinces de Santa Fe et Entre RĂos.
Atouts touristiques
Le principal centre d’attraction touristique de la région sont les chutes d’eau de l’Iguazú, sur le triple point frontière entre l’Argentine, le Brésil et le Paraguay.
En Argentine mĂŞme, la très vaste zone riveraine des fleuves Paraná et Paraguay prĂ©sente un grand intĂ©rĂŞt touristique. Ainsi, la province de Misiones renferme de nombreux attraits naturels, notamment les chutes d’eau de Mocona, limitrophes du BrĂ©sil Ă©galement, les chutes d’eau du Tabay, le parc provincial Salto Encantado, la Gruta India, la cascade Berrondo, etc. La province hĂ©berge par ailleurs un important patrimoine historique : vestiges jĂ©suitiques de San Ignacio MinĂ, de Nuestra Señora de Loreto, de Santa Ana, de Santa MarĂa La Mayor, de Mártires, etc.
Dans la province de Corrientes s’étend une ample zone humide : les esteros del Iberá, qui mesurent une vingtaine de milliers de km² et abritent une faune abondante. En outre, le rivage du fleuve Paraná, lequel constitue plus de la moitié du pourtour de la province, voit se dérouler nombre de festivités et concours de pêche autour de telle ou telle espèce de poisson.
Dans la province du Chaco, il y a lieu de signaler la capitale provinciale Resistencia, promue ville des sculptures, avec ses plus de 500 œuvres d’art disposées sur les trottoirs à travers la ville.
Notes
- Ne s’agissant donc plus désormais du littoral maritime de l’Argentine, nous avons privilégié la graphie espagnole du terme, avec un seul t.