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CharrĂșa

Le nom CharrĂșa dĂ©signe un peuple amĂ©rindien du CĂŽne sud, occupant ancestralement l'actuel territoire d'Entre RĂ­os (en Argentine), avant de se dĂ©placer le long du RĂ­o ParanĂĄ pour s'Ă©tablir sur les rives du RĂ­o de la Plata et du RĂ­o Uruguay sur les actuels territoires du BrĂ©sil et de l'Uruguay[1] - [2] - [3] - [4] - [5] - [6] - [7] - [8] - [9]. Ils subirent plusieurs campagnes d'extermination, particuliĂšrement entre 1800 et 1831, pĂ©riode durant laquelle la souverainetĂ© du RĂ­o de la Plata est disputĂ©e par les empires coloniaux espagnol, portugais et britannique, ainsi que par les colons s'y Ă©tant Ă©tablis, dits CrĂ©oles. Une partie d'entre eux rĂ©ussit Ă  survivre et, dans la foulĂ©e de l'Ă©mergence et de la diffusion de la notion de « Peuple autochtone » et des « commĂ©morations alternatives » des 500 ans de la DĂ©couverte de l'AmĂ©rique par Christophe Colomb, le peuple CharrĂșa rĂ©Ă©merge et se recompose depuis la fin des annĂ©es 1980. Ils sont notamment fĂ©dĂ©rĂ©s autour du Conseil de la Nation CharrĂșa fondĂ© en 2005 Ă  Montevideo, en Uruguay[10].

Histoire

La résistance

Les CharrĂșas opposĂšrent une forte rĂ©sistance Ă  la colonisation espagnole, le premier Ă©pisode Ă©tant connu est la mort de Juan DĂ­az de SolĂ­s pendant sa dĂ©couverte du RĂ­o de la Plata (mais il est aussi possible que ce soit une autre tribu autochtone qui l’ait tuĂ©). L’épopĂ©e de la rĂ©sistance Ă  la conquĂȘte espagnole par cette ethnie a donnĂ© lieu Ă  de nombreux ouvrages littĂ©raires, comme TabarĂ© de Juan Zorrilla de San MartĂ­n. Les CharrĂșas ont vraisemblablement continuĂ© Ă  se battre avec les troupes de JosĂ© Gervasio Artigas, contre les Espagnols, ou encore contre les Portugais. Puis petit Ă  petit, ils furent surnommĂ©s les Salsipuedes (ou sauve-qui-peut en français) Ă  cause de leurs technique de guerilla qui consistaient Ă  prendre l’ennemi par surprise et Ă  disparaĂźtre ensuite, le harcelant sans relĂąche.

Un génocide

Dans le but d’accĂ©der pleinement Ă  leurs terres et imposer la souverainetĂ© de l’État uruguayen Ă©mergeant, les CharrĂșas furent conviĂ©s Ă  la nĂ©gociation d’un traitĂ© pour un vivre ensemble au bord des rives du ruisseau Salsipuedes par les hommes de BernabĂ© Rivera, neveu du gĂ©nĂ©ral Fructuoso Rivera, premier prĂ©sident de l’Uruguay. Cette rencontre fut toutefois une mascarade pour conduire un massacre des CharrĂșas et le dĂ©membrement des familles afin d’éteindre leur rĂ©sistance et leurs droits collectifs. Plusieurs hommes, femmes et enfants moururent lors de cette occasion. Des mesures furent mises en place afin de s'assurer que les survivants, dont plusieurs furent pourchassĂ©s, ne constituent plus une menace pour l'État et la propriĂ©tĂ© privĂ©e. Les hommes furent dĂ©portĂ©s Ă  l'Ă©tranger tandis que les femmes et les enfants furent rĂ©partis parmi les officiers et les propriĂ©taires terriens pour ĂȘtre mis en servitude. L'histoire orale relate que cette servitude dura jusqu'Ă  la fin de la derniĂšre dictature en 1985. Plusieurs collectifs charrĂșas rĂ©ussirent toutefois Ă  se rĂ©fugier dans les bois de certaines estancias ou comme travailleurs ruraux oĂč ils purent transmettre l'histoire de leur famille ainsi que leurs croyances, savoirs et pratiques ancestrales. Les autochtones en Uruguay furent toutefois confrontĂ©s Ă  un gĂ©nocide structurel allant plus loin que des campagnes d'extermination physique de leur prĂ©sence se dĂ©ployant en des techniques d'Ă©limination faisant en sorte de crĂ©er un climat de peur parmi les survivants, mais aussi une honte envers leur identitĂ© et l'illusion que celle-ci est obsolĂšte dans le contexte de la modernisation de l'État.

Une exposition en France

Les derniers CharrĂșas (une femme et trois hommes se nommant SenaquĂ©, TacuabĂ©, Vaimaca PirĂș et Guyunusa) furent envoyĂ©s Ă  Paris en 1833 en vue d'ĂȘtre exhibĂ©s par une sociĂ©tĂ© française constituĂ©e pour l'occasion, devant un notaire de MontĂ©vidĂ©o. L'exposition des autochtones dans une ruelle proche des Champs-ÉlysĂ©es n'eut finalement que peu de succĂšs, mais trois des quatre autochtones moururent en France dans l'annĂ©e de leur exhibition. Leurs squelettes furent conservĂ©s, comme aussi des bocaux de leurs organes, des fragments de peau et des moulages des trois corps, durant 170 ans dans les caves du laboratoire d'anthropologie biologique, situĂ© dans le Palais de Chaillot[11].

Cette affaire fut révélée par le fondateur du Musée de l'Homme, Paul Rivet[12].

En 2002, grĂące Ă  la lutte des descendants du gĂ©nocide de Salsipuedes les restes de Vaimaca PirĂș furent rapatriĂ©s en Uruguay[13]. Le cacique est aujourd'hui enterrĂ© dans le CimetiĂšre national Ă  Montevideo tout prĂšs de BernabĂ© Rivera.

Culture

Ce peuple appartenait Ă  l'ensemble pĂĄmpido et avait beaucoup de points communs avec le peuple Puelche (de la pampa argentine) et avec celui des Tehuelches (vivant en Patagonie). Au XVe siĂšcle, il reçut de nombreuses influences culturelles du peuple amazonien GuaranĂ­. Ce qui fait que les lexiques utilisĂ©s par les charrĂșas sont proches de ceux des guaranĂ­s, comme les noms de lieux ou encore les noms propres.

Les charrĂșas croyaient en un esprit du mal, appelĂ© gualicho Ă  qui ils attribuaient l'origine des maladies et de la mauvaise chance. Les sorciers-guĂ©risseurs (curanderos) se chargeaient de pratiquer la magie pour effrayer les esprits malins.

Ils enterraient leurs morts généralement au pied d'une butte (ou tumulus) et, sur la sépulture, ils plaçaient les objets du mort : armes, ornements, peaux, etc. parce qu'ils croyaient en la vie aprÚs la mort et ils pensaient que les morts avaient besoin de leurs objets personnels.

Mode de société

Le peuple charrĂșa s'organisait en tribus, subdivisĂ©es en familles. Il y avait des chefs mais pas de rĂ©elle organisation sociale, toutes les familles Ă©taient placĂ©es sur un mĂȘme niveau, il n'y avait par exemple pas de diffĂ©rence pour les habitats ou les vĂȘtements. Les chefs de tribus n'avaient pas de pouvoir particulier mais ils pouvaient avoir plusieurs femmes. NĂ©anmoins, le noyau familial Ă©tait le lien entre la mĂšre et les enfants en bas Ăąge qui avaient besoin de protection. Les femmes prĂ©paraient Ă  manger alors que les hommes devaient chasser. Bien qu'initialement pacifiques, quelques tribus avaient quand mĂȘme un chef de guerre et en cas de danger, c'Ă©tait au conseil des anciens de se rĂ©unir pour prendre les dĂ©cisions.

L'entraide entre les familles d'une mĂȘme tribu Ă©tait habituel, c'est ce qui permettait d'avoir une sociĂ©tĂ© solidaire.

Économie

Avant l'arrivĂ©e des conquistadores, ils Ă©taient chasseurs-cueilleurs et les armes utilisĂ©es Ă©taient assez rudimentaires arcs et flĂšches, masses, lances, casse-tĂȘtes (rompecabezas) et des armes de jet constituĂ©es de laniĂšres terminĂ©es aux extrĂ©mitĂ©s par des boules (boleadoras), puis avec l'arrivĂ©e du cheval, ils chassĂšrent les bovins.

Ils pratiquaient le troc avec des tribus voisines de qui ils obtenaient des récipients de céramique et de terre cuite, du coton et du maté.

Références

  1. (es) Marisa Bucheli et Wanda Cabella, INE - Instituto Nacional de EstadĂ­stica, El perfil demogrĂĄfico y socioeconĂłmico de la poblaciĂłn uruguaya segĂșn suascendencia racial, MontĂ©vidĂ©o, UNFPA - PNUD Uruguay, 62 p. (lire en ligne)
  2. Dr. Antr. Andrea Olivera, « LA (RE)CONSTRUCTION D’UNE IDENTITE AUTOCHTONE DANS L’URUGUAY DE L’APRÈS DICTATURE: : UN PROCESSUS DE DECOLONISATION ? », DESEXIL, EXIL, VIOLENCE - http://exil-ciph.com,‎ (lire en ligne)
  3. (es) Antr. Andrea Olivera, « CHARRUAS URBANOS EN URUGUAY : UN PROCESO DE ETNOGENESIS ? » [html], sur exil-ciph.com, (consulté le )
  4. (es) Monica Michelena Diaz, « IndĂ­genas en Uruguay: A 185 años de la Matanza de Salsipuedes - Espectador.com », espectador.com,‎ 29/03/2016 15:51 (lire en ligne, consultĂ© le )
  5. (es) Gustavo Verdesio (Profesor del Departamento de Lenguas y Literaturas Romances en la University of Michigan, Ann Arbor.), « Un fantasma recorre el Uruguay: la reemergencia charrĂșa en un “paĂ­s sin indios” » [« (en) A Spectre Is Haunting Uruguay: The Charrua Reemergence in “a Country without Indians” »], CUADERNOS DE LITERATURA VOL. XVIII N.Âș36,‎ julio-diciembre 2014, p. 86-107 (ISSN 0122-8102, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) Celina San Martin, Ana Maria Magalhaes, MĂłnica Michelena DĂ­az et Gustavo Verdesio, « Reemergencia indĂ­gena en los paĂ­ses del Plata: Los casos de Uruguay y de Argentina », https://conosurconversaciones.wordpress.com/,‎ , p. 95 (lire en ligne, consultĂ© le )
  7. (es) Gustavo Sirota, UNER - Universidad Nacional de Entre RĂ­os, « Los charrĂșas de MaciĂĄ », Riberas,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (es) Liliana Melaine, « Los charrĂșas de Entre RĂ­os », El Orejiverde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  9. (pt-BR) Fernanda Wenzel, « Tidos como extintos, Ă­ndios charrua sobreviveram 'invisĂ­veis' por dĂ©cadas e hoje lutam por melhores condiçÔes de vida », BBC News Brasil,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Conseil de la Nation CharrĂșa
  11. Yves Lorelle, Le contrat Decurel-Onslow pour l'exhibition d'Indiens d'Amérique du Sud, article paru dans Gavroche, revue d'histoire populaire, avril-juin 2010.
  12. Pauml Rivet, Les derniers Charruas, Société des Amis de l'Archéologie, 1930.
  13. (es) « Restituyen al PanteĂłn Nacional los restos de Vaimaca PerĂș », LARED21,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Annexes

Bibliographie

  • (fr)Dario Arce Asenjo, "L'URUGUAY, UNE NATION D'EXTRÊME-OCCIDENT AU MIROIR DE SON HISTOIRE INDIENNE - PrĂ©face de ThĂ©rĂšse Bouysse-Cassagne. Editions l'Harmattan, Paris, 2018. http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=59613
  • (pt)JosĂ© Basini Rodriguez, Indios num paĂ­s sem Ă­ndios: a estĂ©tica do desaparecimento : um estudo sobre imagens Ă­ndias e versoes Ă©tnicas no Uruguai. Tese do doutorado, Departimento do antropologĂ­a social, Universidade Federal do Rio Grande do Sul, 2003.
  • (pt) Itala Irene Basile Becker, Os Ă­ndios Charrua e Minuano na antiga banda oriental do Uruguai, Editora Unisinos, SĂŁo Leopoldo, RS, Brasil, 2002, 248 p. (ISBN 85-7431-088-3) (texte remaniĂ© d'une thĂšse)
  • (es) Serafin Cordero, El Charrua, Montevideo
  • Yves Lorelle, Le contrat Decurel-Onslow pour l'exhibition d'Indiens d'AmĂ©rique du Sud, article paru dans Gavroche, revue d'histoire populaire, avril-juin 2010.
  • (es) Andrea Olivera, Devenir charrĂșa en el Uruguay: una etnografĂ­a junto con colectivos urbanos, Lucida Ediciones, Montevideo, 2016, 399 p.
  • (es) Andrea Olivera, « CharrĂșas urbanos en Uruguay: ÂżUn proceso de etnogĂ©nesis? » in C. A. Casas Mendoza, J. G. Rivera GonzĂĄlez et L. E. MĂĄrquez Mireles (dir.), Sujetos emergentes: nuevos y viejos contextos de negociaciĂłn de las identidades en AmĂ©rica Latina. San Luis PotosĂ­, Mexique, ECSyH Publicaciones, 2012, p. 95-110.
  • Paul Rivet, Les derniers Charruas, SociĂ©tĂ© des Amis de l'ArchĂ©ologie, 1930.
  • (es) Gustavo Verdesio, « El retorno del indio olvidado o los usos del pasado indĂ­gena en el imaginario uruguayo », Revista Canadiense de Estudios HispĂĄnicos, 26, Âœ, 2001, p. 63-82.

Filmographie

  • Dario Arce Asenjo, Les derniers Charruas ou quand le regard emprisonne, 26 minutes, productions Chromatiques - TLM, 2003.

Liens externes

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