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Dette publique

La dette publique est, dans le domaine des finances publiques, l'ensemble des engagements financiers pris sous formes d'emprunts par un État, ses collectivitĂ©s publiques et ses organismes qui en dĂ©pendent directement (certaines entreprises publiques, les organismes de sĂ©curitĂ© sociale, etc.).

Carte de la dette publique en % du PIB en 2012 selon la CIA[1]
Voir aussi : Liste de pays par dette publique.

Tous les pays ont des dettes publiques. Lorsqu'un déficit budgétaire apparaßt, il est couvert par l'emprunt, qui, accumulé sur la longue période, se traduit en dette supplémentaire et croissante.

La dette prend le plus souvent, de nos jours, la forme d'emprunt d'État auprĂšs du public. Par ailleurs, des banques commerciales, des institutions internationales (Banque mondiale, Fonds monĂ©taire international, banques rĂ©gionales de dĂ©veloppement, institutions) ou d'autres États peuvent accorder des prĂȘts.

Un titre de dette publique peut ĂȘtre de court terme (un an ou moins), Ă  moyen terme (jusqu'Ă  dix ans), ou encore Ă  long terme (au-delĂ  de dix ans). Des durĂ©es de 30 et 50 ans ne sont pas rares, et des emprunts perpĂ©tuels, traduits en rente, continuent d'exister dans certains pays.

La capacitĂ© de remboursement des emprunts contractĂ©s au titre de la dette publique par les États et les collectivitĂ©s publiques est Ă©valuĂ©e par les agences de notation financiĂšre.

Au sein de la dette publique, on distingue la dette publique intĂ©rieure, dĂ©tenue par les agents Ă©conomiques rĂ©sidents de l'État Ă©metteur et la dette publique extĂ©rieure, dĂ©tenue par des prĂȘteurs Ă©trangers.

La dette publique se distingue donc, en macroéconomie, de la dette des ménages ou de la dette des entreprises.

La croissance des dettes publiques, inégalée en période de paix, nourrit la question de leur soutenabilité. Elle est l'objet de débats nombreux au sein de la science économique. Plusieurs théories, comme celle du supercycle de la dette, sont émises pour expliquer les variations de la dette publique dans le monde.

DĂ©limitation et problĂšmes de mesure

DĂ©limitation : qui doit ?

La dette publique est constituĂ©e par l'ensemble des engagements financiers des administrations publiques. Les administrations publiques recouvrent un pĂ©rimĂštre plus large que l'État, entendu au sens strict. Dans le cas de la norme europĂ©enne de comptabilitĂ© nationale (SEC 95), elles sont dĂ©finies comme l’« ensemble des unitĂ©s institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou d'effectuer des opĂ©rations de redistribution du revenu et des richesses nationales. [
] Le secteur des administrations publiques comprend les administrations publiques centrales, les administrations publiques locales et les administrations de sĂ©curitĂ© sociale »[2].

La dette publique n'est donc pas la dette du pays, entreprises et ménages compris, mais seulement celle de l'ensemble des administrations publiques.

Elle n'est pas non plus la dette extérieure (ce que l'ensemble des agents économiques, publics et privés, doivent à des agents hors des frontiÚres).

ProblĂšme des pensions de retraites

La question de les compter ou non comme dette est importante, de par les sommes en jeu[3].

Les comptables, au niveau international, se sont mis d'accord sur la norme IPSAS 25, qui considĂšre les engagements Ă  pension de retraite comme des dettes publiques[4]. MĂȘme si le montant Ă  verser est incertain et lointain, il n'y a pas de difficultĂ© de principe ni technique Ă  rĂ©ajuster chaque annĂ©e les provisions correspondantes en fonction des Ă©volutions, dĂ©mographiques ou rĂ©glementaires, qui l'imposent, ou des possibilitĂ©s de meilleure Ă©valuation.

Toutefois, seuls une poignĂ©e de pays appliquent effectivement cette convention, dont les États-Unis et le Japon.

En Europe, la question est posĂ©e, notamment pour que les comparaisons d'endettement des pays soient plus justes[5]. Il est bien prĂ©cisĂ© que cette question comptable ne remet nullement en cause les prĂ©rogatives des États en matiĂšre d'organisation et de financement de leur systĂšme de retraite[6].

En France, le choix a été fait d'attendre une coordination européenne[7].

Plusieurs raisons sont avancées pour résister à cette convention comptable.

  • la difficultĂ© d'Ă©valuation[8]. Les charges de retraites par exemple dĂ©pendent de dĂ©cisions libres des agents (Ă  quel Ăąge prendront-ils leur retraite ?), d'Ă©vĂšnements alĂ©atoires (le taux de mortalitĂ© des retraitĂ©s, leur nombre d'enfants, etc.), etc. Toutefois, en comptabilitĂ©, un engagement certain mais dont la valeur ou l'Ă©chĂ©ance sont incertaine(s)[9] se traite par une provision (voir Retraite (comptabilitĂ©)).
  • une conception juridique et doctrinale des prĂ©rogatives de l’État : contrairement Ă  un acteur ordinaire, qui doit se conformer aux rĂšgles lĂ©gales, l'État a le pouvoir de fixer et de modifier les rĂšgles. Rien n'oblige ce dernier Ă  appliquer plus tard les rĂšgles qu'il applique aujourd'hui. Il peut, par exemple, baisser Ă  tout moment les pensions, ou allonger la durĂ©e de service pour bĂ©nĂ©ficier d'une pension. De plus, des États considĂšrent que les engagements Ă  pension ne prennent juridiquement naissance qu'au moment de la mise Ă  la retraite, voire au moment de la liquidation (i.e. la mise en paiement). En d'autres termes, on peut contester jusqu'Ă  l'existence des engagements implicites, Ă  l'Ă©gard des agents actuellement en service, voire Ă  l'Ă©gard des actuels retraitĂ©s. LĂ  encore, le fait que l’État puisse modifier les rĂšgles n’empĂȘche nullement de comptabiliser l'effet des rĂšgles actuelles, les retraites n'Ă©tant en rien spĂ©ciales Ă  cet Ă©gard.
  • liĂ© Ă  la prĂ©cĂ©dente, une conception des pensions de retraites comme systĂšme de protection sociale pour tous sous l'Ă©gide de l’État), dans le cadre d'un fonctionnement en flux, ne prĂ©jugeant en rien du futur et indĂ©pendant du passĂ© (avoir cotisĂ© ou pas, par exemple), et qui donc n'a pas de dettes Ă  proprement parler. Ceci par opposition Ă  la conception des pensions comme salaire diffĂ©rĂ©, encore non versĂ© mais dĂ»[5].
  • une utilitĂ© douteuse : dans la mesure oĂč les engagements correspondants sont d'ores et dĂ©jĂ  tracĂ©s et Ă©valuĂ©s, et la question de la pĂ©rennitĂ© du systĂšme de retraite est prise en charge, il importerait peu d'en connaitre le stock au sens comptable[5].
  • un problĂšme de communication financiĂšre : on parle de plusieurs fois le PIB, dĂšs lors, faire apparaĂźtre de telles sommes au total des dettes publiques (pour les pays que ne le font pas dĂ©jĂ ) aurait de nombreuses consĂ©quences politiques, financiĂšres et technique (notamment : le bilan doit rester Ă©quilibrĂ©, il faut donc mettre des actifs en face de ces dettes, mais lesquels ?)[5].

Ainsi, pour des engagements (et donc des problÚmes de financement et de soutenabilité) strictement identiques, selon que

  • les pensions de retraite publiques sont incluses dans la dette publique ;
  • elles ne le sont pas, mais sont faibles (l'essentiel Ă©tant pris en charge par des systĂšmes privĂ©s) ;
  • elles ne le sont pas et sont importantes.

La dette publique sera apparemment à des niveaux radicalement différents. Il importe de garder à l'esprit cet aspect lorsqu'on compare les dettes publiques de pays dont les systÚmes de retraite et les façons qu'ils ont de comptabiliser leurs engagements en la matiÚre sont différents.

Des définitions différentes pour des usages différents

Cette dette est généralement calculée de maniÚre brute : les actifs des administrations ne sont pas soustraits au passif. Cela met l'accent sur les engagements pris, indépendamment de ce à quoi ils ont servi, des engagements reçus (mesurés par les actifs financiers), et du patrimoine. D'autres approches sont possibles, pour répondre à d'autres question. On peut considérer notamment

  • la diffĂ©rence entre la dette brute et les actifs financiers (dette nette, bien qu'ils ne s'agisse pas nĂ©cessairement d'une dette : pour certains pays c'est une crĂ©ance nette), qui mesure mieux les engagements financiers de l'État[10]. Plusieurs organismes calculent la dette financiĂšre des États du monde en prenant la dette nette. L'OCDE le fait, par exemple.
  • le patrimoine total des administrations. Sachant que les actifs les plus caractĂ©ristiques du patrimoine public sont extrĂȘmement difficiles Ă  cerner (comment compter l'environnement, la biodiversitĂ©, le capital culturel de la nation) Ă  Ă©valuer (quelle est la valeur des armes nuclĂ©aires ?), voire inestimables (que vaut le chĂąteau de Versailles ou le contenu du Louvre ?) et trĂšs peu liquides[11].

La dette publique est, souvent, exprimĂ©e en pourcentage du PIB, lorsqu'il s'agit de mesurer son importance Ă©conomique. Une mĂȘme dette brute est Ă©videmment trĂšs diffĂ©rente selon la richesse totale du pays, tant pour les autoritĂ©s qui auront plus de facilitĂ© Ă  taxer, que pour les contribuables dont la charge sera moindre s'ils sont plus riches et plus productifs. Ce ratio est donc Ă©conomiquement plus pertinent que le seul encours de la dette publique.

La dette brute a plusieurs limites.

  • Elle conduit Ă  prĂ©senter comme importantes des opĂ©rations qui sont en fait neutres pour le patrimoine public : par exemple un remboursement de dette par une vente d'actifs publics (tels que des terrains ou des participations dans des entreprises), ou inversement une nationalisation payĂ©e par une Ă©mission de dette.
  • Et par suite, elle mesure mal la soutenabilitĂ© de la dette et surestime le problĂšme qu'elle peut poser.

Dette explicite et dette implicite

La dette ne retient que les engagements financiers « explicites », c'est-Ă -dire l'ensemble des engagements financiers que l'État s'est engagĂ© explicitement Ă  payer, notamment de maniĂšre contractuelle, comme ses emprunts. Cela met de cĂŽtĂ© :

  • les engagements hors bilan, connus et recensĂ©s, mais qu'il est improbable (mais pas impossible) qu'ils se traduisent effectivement par une dĂ©pense, comme les garanties que l’État a des opĂ©rations Ă©conomiques dont il espĂšre une bonne fin, et qu'il ne garantit que pour en faciliter et rĂ©duire le coĂ»t de financement. Ce type d'engagement est recensĂ© hors bilan.
  • les engagements dits « implicites », qui n'ont fait l'objet d'aucune Ă©criture, pas mĂȘme hors bilan, mais que tout le monde s'attend Ă  ce que l’État les prenne en charge en qualitĂ© d'« assureur en dernier ressort ». Cette convention statistique, Ă  l'inverse de la prĂ©cĂ©dente, a tendance Ă  sous-estimer la dette publique et son poids Ă©ventuel.
  • l'ensemble des « dettes grises », soit les surcoĂ»ts d'entretiens d'une infrastructure usĂ©e et vieillie qui n'est pas rĂ©novĂ©e ou remplacĂ©e. Ce type de dette n'est consĂ©quent qu'Ă  moyen et long terme et rĂ©sulte d'un manque d'investissement[12] - [13] - [14].

Comparaison des niveaux d'endettement public des pays en fonction des définitions retenues

Comme on le voit sur ce tableau, le niveau et l'importance relative de la dette publique entre les pays changent en fonction du type de dĂ©finition retenue. Ainsi, la diffĂ©rence dans les niveaux d'endettement public entre la France et le Royaume-Uni est fortement diminuĂ©e si l'on considĂšre la dette nette, oĂč il est de 8 % du PIB, contre prĂšs de 25 % pour la dette brute. L'endettement public du Japon est divisĂ© par deux si l'on considĂšre la dette nette plutĂŽt que la brute, passant d'environ 160 % du PIB Ă  environ 80 %, en raison de l'importance des actifs financiers dĂ©tenus par les administrations publiques, en particulier comme rĂ©serves pour le financement des retraites[15].

Dettes publiques (% du PIB) en 2006 en fonction de 3 définitions différentes[16]
PaysDette publique brute (Maastricht)Dette publique brute (OCDE)Dette publique nette (OCDE)
États-Unis63,4 (2004)61,843,1
Zone euro68,674,848,2
dont Allemagne67,669,348,1
dont France63,671,137,5
dont Italie106,5118,292,1
Japon164 (2004)171,984,6
Royaume-Uni43,146,629,6

Dette publique et endettement intérieur total

Une confusion commune consiste Ă  confondre la dette publique avec la dette du pays. Or, l'État n'est qu'un des agents Ă©conomiques et sa dette ne reprĂ©sente pas la dette du pays tout entier : les entreprises et les mĂ©nages s'endettent Ă©galement. L'endettement intĂ©rieur total d'un pays est donc constituĂ© de la somme des dettes des administrations publiques, des mĂ©nages et des entreprises.

Par exemple, en France, en 2007, l'endettement intĂ©rieur total Ă©tait de 3 600 milliards d'euros, soit 190 % du PIB, et se rĂ©partissait ainsi :

Endettement intérieur total en France en 2008[17]
Part dans l'endettement intérieurEndettement en % du PIB
Administrations publiques33,5 %63 %
Entreprises41,5 %78 %
MĂ©nages25 %48 %
Total100 %190 %

De ce point de vue, la rĂ©partition dans la dette entre agents diffĂšre entre les pays. L'Observatoire français des conjonctures Ă©conomiques propose d'opposer deux modĂšles[18] : un modĂšle anglo-saxon et un modĂšle europĂ©en. Dans le premier modĂšle, les mĂ©nages sont trĂšs endettĂ©s (leur dette reprĂ©sente 100 % du PIB au Royaume-Uni), Ă©pargnent peu et l'État est comparativement moins endettĂ©. Dans le second modĂšle, les mĂ©nages ont un endettement limitĂ©, une Ă©pargne plus Ă©levĂ©e et l'État est comparativement plus endettĂ© : la France se rattache Ă  ce modĂšle. Les diffĂ©rences dans la structure de l'endettement renverraient partiellement aux fonctions assurĂ©es par l'État : dans le second modĂšle, l'État assure des fonctions plus nombreuses, comme la construction de logements sociaux ou l'Ă©ducation, qu'il finance en partie par endettement. Au contraire, dans le modĂšle anglo-saxon, l'État intervient moins, et les mĂ©nages s'endettent pour financer les dĂ©penses qui ne sont pas socialisĂ©es par l'État. Autrement dit, le niveau de dette publique dĂ©pendrait en partie de la rĂ©partition des activitĂ©s Ă©conomiques entre les agents.

Gestion de la dette publique

Objectifs

Parmi les objectifs de la gestion de la dette publique, la diminution des rendements obligataires, pour que l'État s'endette Ă  moindre coĂ»t. Le rĂŽle des gestionnaires de la dette publique n’est pas de dĂ©velopper ou de mettre en Ɠuvre une « politique de la dette » : ils n’ont presque aucun pouvoir sur les recettes et dĂ©penses des administrations publiques (APU). Mais leur rĂŽle est de gĂ©rer au mieux cette dette, c’est-Ă -dire de minimiser le coĂ»t de financement des administrations tout en tenant compte du risque[19] et en respectant un certain nombre de critĂšres (transparence, etc.) :

  • Minimiser le coĂ»t de la dette Ă  court, moyen et long terme. Or les possibilitĂ©s d’agir sur le coĂ»t de la dette Ă©tant d’autant plus limitĂ©es que l’horizon est court et d’autant plus alĂ©atoires que l’horizon est long, le moyen terme est de fait privilĂ©giĂ©. Ce coĂ»t est reprĂ©sentĂ© par des flux de paiements d’intĂ©rĂȘts et de remboursements Ă©talĂ©s au cours du temps (de un jour (le lendemain) – sinon de quelques heures – jusqu’à 50 ans). Mais rembourser un million d’euros la semaine prochaine n’est pas du tout identique Ă  rembourser un million d’euros dans 20 ou 40 ans, quand le PIB sera alors, en valeur, probablement beaucoup plus Ă©levĂ© qu’aujourd’hui : deux fois plus si la croissance et l’inflation sont trĂšs faibles ; ou trois fois ; ou peut-ĂȘtre dix fois si le pays connaĂźt des crises d’inflation (et mĂȘme vingt fois si le pays peut maintenir une « croissance Ă  la chinoise » sur plusieurs dĂ©cennies
).
  • Minimiser les risques Ă  court et moyen terme, en s’assurant que dans un an, deux ans ou ans, les APU puissent faire face Ă  leurs obligations de paiement y compris le remboursement du capital et le paiement des intĂ©rĂȘts de la dette, que les remboursements ne soient pas concentrĂ©s sur un mois ou une annĂ©e particuliĂšre, etc. En thĂ©orie, il faudrait aboutir Ă  un risque zĂ©ro de dĂ©faut (en rĂ©alitĂ©, de dĂ©lai) de paiement.

Or on ne peut minimiser Ă  la fois les coĂ»ts et les risques. Par exemple, en Ă©mettant des obligations indexĂ©es sur l’inflation (par exemple, sur un indice des prix Ă  la consommation), ce sont les crĂ©anciers, et non les APU, qui s’exposent au risque de poussĂ©es inflationnistes et ils demanderont un taux d’intĂ©rĂȘt d’autant plus Ă©levĂ© que le risque perçu est grand[20]. De mĂȘme, en empruntant Ă  court terme, les APU peuvent prĂ©voir prĂ©cisĂ©ment ce que l’emprunt leur coĂ»tera, mais s’exposent au risque de devoir emprunter Ă  un taux supĂ©rieur plus tard. En allongeant les Ă©chĂ©ances des emprunts, les APU se mettent mieux Ă  l’abri des chocs Ă©conomiques et financiers, mais Ă  un coĂ»t plus Ă©levĂ©. Etc.

Les contrats d’échanges de taux d’intĂ©rĂȘt (« swaps »)

Taux sur titres d'État français par maturitĂ© (3 mois Ă  50 ans), juin 2011

Plus la maturitĂ© d’un emprunt[21] est longue, plus le taux d’intĂ©rĂȘt est Ă©levĂ©[22]. Une mĂ©thode utilisĂ©e pour rĂ©duire le coĂ»t de la dette Ă  court terme, quitte Ă  en accroĂźtre le risque, est d’échanger des instruments Ă  long terme Ă  « taux longs » contre des instruments Ă  court terme Ă  « taux courts », moins Ă©levĂ©s mais plus volatils. Ces opĂ©rations de contrats d’échanges de taux d’intĂ©rĂȘt ou swaps peuvent Ă©galement concerner l’échange d’instruments Ă  taux variables contre d’autres Ă  taux fixes – ou l’inverse. C’est aux gestionnaires de la dette de juger de l’opportunitĂ© de ces swaps, selon la situation de la conjoncture, les variations de taux d’intĂ©rĂȘt et les prĂ©visions tant Ă©conomiques que budgĂ©taires[23] - [24]. Ces opĂ©rations sont cependant rendues risquĂ©es par le fait que les taux d'intĂ©rĂȘt Ă  court terme fluctuent et peuvent remonter rapidement.

Gestion de la dette publique et gestion de la trésorerie

La gestion de la dette se distingue, dans de nombreux pays, de la gestion de la trĂ©sorerie de l’État (ou d’un secteur des APU), dont la « mission essentielle de s’assurer qu’il dispose Ă  tout moment et en toutes circonstances des moyens nĂ©cessaires pour honorer ses engagements financiers »[25]. Pour cela, les gestionnaires centralisent en permanence les prĂ©visions de recettes et de dĂ©penses Ă  trĂšs court terme, pour les jours, semaines et mois suivants, parfois mĂȘme Ă  un horizon de quelques heures. Ils s’assurent que des rĂ©serves suffisantes sont disponibles, mĂȘme en cas de perturbations et placent au mieux la trĂ©sorerie excĂ©dentaire. En France, les services de l’agence France TrĂ©sor (AFT) gĂšrent Ă  la fois la trĂ©sorerie et la dette de l’État.

Au niveau international

Au niveau international[26], la Banque mondiale et le FMI fournissent une assistance Ă  divers pays pour rĂ©former et amĂ©liorer les techniques de gestion de leur dette. Dans ce but, ces organismes assurent des formations et ont publiĂ© des directives[27] ; dĂ©veloppĂ© des outils de modĂ©lisation et de mesure des risques liĂ©s Ă  la gestion de la dette publique[28], ainsi que des outils d’évaluation[29].

Un groupe de travail sur la gestion de la dette, crĂ©Ă© en 1979, permet aux gestionnaires de la dette des pays membres de l’OCDE de dialoguer et d’échanger leurs expĂ©riences[30]. Depuis 1990, le dialogue s’est Ă©tendu aux pays en transition et Ă©mergents[31].

Histoire de la dette publique

Historique rapide

Au Moyen Âge, la dette publique tend Ă  se confondre de prime abord avec le patrimoine personnel des souverains. En rĂ©alitĂ©, les souverains dĂ©pendent de diverses formes d'impositions indirectes et donc d'intermĂ©diaires (les suzerains, les charges, etc.) et surtout de banquiers marchands (les Fugger, MĂ©dicis, etc.), et ce dĂšs le XIIIe siĂšcle.

En France, par exemple, oĂč le TrĂ©sor royal est instituĂ© dĂšs le dĂ©but du XIVe siĂšcle, l'Ă©quivalent aujourd'hui du ministĂšre des Finances, apparaissent les États gĂ©nĂ©raux, quand la question de la dette du royaume devient peu ou prou insoluble. Au XVIe siĂšcle s'impose la notion d'intĂ©rĂȘt face, entre autres, aux alĂ©as du commerce maritime. Au XVIIe siĂšcle, certains États deviennent plus unitaires mais se confrontent Ă  la montĂ©e du mercantilisme et des grandes compagnies commerciales maritimes et coloniales. L’État doit faire face Ă  des dĂ©penses extraordinaires, Ă  savoir, non budgĂ©tĂ©es, et liĂ©es essentiellement Ă  des conflits armĂ©s de grande ampleur, qui n'ont pour but que de dĂ©fendre et Ă©largir les zones commerciales. C'est ainsi que Colbert crĂ©a la Caisse des emprunts : les sommes empruntĂ©es mettront plus de 25 ans Ă  ĂȘtre plus ou moins remboursĂ©es.

Avec l'apparition d’États parlementaires ou de droit, en particulier lors de la RĂ©volution financiĂšre britannique, la dette publique devient un enjeu politique pouvant mener Ă  des bouleversements de grande ampleur sur le plan interne. La notion de spĂ©culation privĂ©e apparaĂźt. Le dĂ©but du XVIIIe siĂšcle est le thĂ©Ăątre de nombreuses bulles spĂ©culatives. En 1776, le ministre français Turgot et le banquier suisse Isaac Panchaud crĂ©ent la Caisse d'escompte afin de faire baisser la surchauffe sur les taux d'intĂ©rĂȘt. En effet, cette spĂ©culation, qui visait les effets dĂ©tenus par l’État, reprĂ©sentait la presque totalitĂ© de l'activitĂ© Ă  la Bourse de Paris durant les 70 annĂ©es prĂ©cĂ©dant la RĂ©volution française.

Le marchĂ© financier est, Ă  cette Ă©poque, dĂ©jĂ  sophistiquĂ© : les textes officiels parisiens parlent d'un « jeu de primes », c'est-Ă -dire d'options d'achat et de vente, permettant de renoncer finalement Ă  la transaction si le cours n'a pas suivi une trajectoire aussi ample qu'espĂ©rĂ©e. Les crĂ©ances sur l’État rapportent en moyenne 7,5 % des sommes prĂȘtĂ©es en 1788, deux fois plus qu'en Angleterre (3,8 % en moyenne), pays dont la dette publique est pourtant plus Ă©levĂ©e d'environ 50 %[32] : 133 millions de livres sterling dĂšs 1766, malgrĂ© une fiscalitĂ© britannique plus lourde depuis la crĂ©ation de la Land Tax. En revanche, la Bourse de Paris cote une obligation diffĂ©rente pour chaque taxe française, alors qu'il n'y a qu'une seule obligation Ă  Londres, perpĂ©tuelle et Ă  taux d'intĂ©rĂȘt moindre.

En 1800, à la suite de la création de la Banque de France, le Consulat met en place la Caisse de garantie et d'amortissement, destinée à permettre l'étalement de la Dette publique, lequel, amorcé en 1791, ne prendra fin qu'en 1825.

Les conditions nécessaires à l'apparition d'une dette publique

Graphique 1 : Évolutions de la dette fĂ©dĂ©rale des États-Unis depuis 1800

Les emprunts contractĂ©s par un dirigeant politique ne constituent une dette publique que si deux conditions sont respectĂ©es. Ces conditions feront dĂ©faut, pour l'essentiel, avant l'avĂšnement des États en Occident entre la fin du Moyen Âge et le dĂ©but de la Renaissance.

Il faut tout d'abord que la dette de l'institution publique soit conçue comme une dette proprement publique, c'est-Ă -dire ne se confondant pas avec les engagements financiers personnels du chef de cette institution. Autrement dit, il est nĂ©cessaire que les individus opĂšrent un effort d'abstraction, qui les conduit Ă  voir dans le souverain qui Ă©met l'emprunt l'incarnation d'une institution transcendante, l'État, Ă  laquelle appartient seule la dette[33]. La dette publique naĂźt ainsi en mĂȘme temps que l'État moderne : celui-ci apparaĂźt, en effet, grĂące au processus par lequel les individus diffĂ©rencient la personne physique du souverain et sa personne « immortelle », c'est-Ă -dire incarnant l'institution Ă©tatique dans sa continuitĂ©[34]. De ce point de vue, il n'existait pas de dette publique sous l'Empire romain, puisque les empereurs s'endettaient Ă  titre personnel[35]. De mĂȘme, en Europe, les monarques se sont initialement endettĂ©s Ă  titre personnel : la notion de dette publique ne se dĂ©gage que progressivement, pleinement Ă  partir du XVIIe siĂšcle[36].

D'autre part, comme le notent Jean Andreu et GĂ©rard BĂ©aur, « si l’endettement des États est ancien, le principe d’une dette reconductible, dont les crĂ©ances circulent dans le public Ă  travers un marchĂ© officiel, anonyme et rĂ©gulĂ©, bref d’une vĂ©ritable dette publique, n’a pas toujours Ă©tĂ© connu et admis »[37]. Pour qu'il existe une dette publique, il faut donc que soit rĂ©unie une seconde condition : la dette publique doit ĂȘtre pĂ©renne, dĂ©passer le financement immĂ©diat de besoins, de mĂȘme que le dĂ©cĂšs Ă©ventuel du souverain qui l'a contractĂ©e. C'est en particulier le cas lorsque les emprunts Ă©tatiques prennent la forme d'emprunts publics, de long terme, durablement cessibles sur un marchĂ© secondaire.

La dette publique apparaĂźt ainsi vĂ©ritablement dans les citĂ©s italiennes du XIIIe siĂšcle, en particulier Ă  Venise et Florence, en ce que les emprunts sont contractĂ©s au nom de la citĂ© elle-mĂȘme, et non au nom de ses dirigeants. D'autre part, ces emprunts sont rapidement Ă©changĂ©s sur des marchĂ©s de la dette publique, notamment les emprunts « perpĂ©tuels », inventĂ©s Ă  cette Ă©poque, et qui donnent droit Ă  des intĂ©rĂȘts jusqu'Ă  ce que le principal soit rachetĂ© par la citĂ©[38]. Une Ă©tude rĂ©cente montre d'autre-part que la fiscalitĂ© en vigueur dans l'Espagne de Charles Quint et de Philippe II Ă©tait une gĂ©nĂ©ralisation de la dette publique dans les citĂ©s italiennes. Contrairement Ă  l'idĂ©e attachĂ©e la LĂ©gende noire espagnole, les trois « banqueroutes » espagnoles du XVIe siĂšcle ont Ă©tĂ© nĂ©gociĂ©es tant au niveau des banques, qu'au niveau des dix-huit communes qui ont reprĂ©sentĂ© le royaume espagnol - les Cortes - qui sont les administrateurs principaux des impĂŽts, le gouvernement central n'ayant aucun contrĂŽle direct sur une grande partie de l'administration fiscale. Les deux premiĂšres crises (1557-1560 et 1575-1577), ont conduit Ă  une augmentation des impĂŽts qui pourraient ĂȘtre utilisĂ©s pour le service de la dette Ă  long terme. La rĂ©solution de la deuxiĂšme et de la troisiĂšme crise (1596-1597) a entraĂźnĂ© une rĂ©duction du taux d'intĂ©rĂȘt[39] - [40].

Deux éléments structurels de la dette publique sur le long terme

Graphique 2 : Évolutions de la dette publique du Royaume-Uni depuis 1700

La dette publique est caractérisée, si on l'envisage sur le long terme, par deux éléments forts et structurants.

  • PremiĂšrement, la dette publique est indissociable de l'activitĂ© guerriĂšre des États : les États ont avant tout utilisĂ© l'emprunt pour financer les guerres. Les conflits armĂ©s rĂ©currents ont constituĂ© un des Ă©lĂ©ments essentiels dans la construction historique des États occidentaux, en les contraignant Ă  se structurer, Ă  se bureaucratiser et Ă  accroĂźtre leur capacitĂ© Ă  prĂ©lever des ressources sur leur territoire. C'est de cette nĂ©cessitĂ© que naĂźt la taxation moderne : le suzerain fĂ©odal ne pouvait se contenter de l'assistance que lui devait ses vassaux immĂ©diats. Pour vaincre, il lui fallait des fonds, qu'il obtenait en imposant directement la population de son royaume[41]. Comme le relĂšve Michael Mann, « la croissance de la fiscalitĂ© Ă©tatique est le produit du coĂ»t croissant des guerres »[42].
    Or, les revenus obtenus par taxation s'avĂ©rant insuffisants, l'emprunt a constituĂ© un moyen systĂ©matique de financement des guerres. L'emprunt a rendu ainsi possible le financement de conflits de plus grande ampleur. « Cette dynamique de la guerre et de l'endettement est donc au cƓur de l'histoire europĂ©enne », comme le souligne Jean-Yves Grenier[43]. L'importance des emprunts contractĂ©s a d'ailleurs eu pour consĂ©quence de lisser les prĂ©lĂšvements fiscaux : « du XIVe siĂšcle au XXe siĂšcle, les États qui avaient fortement empruntĂ© pour financer les guerres ont vu s'amoindrir les fluctuations de leurs dĂ©penses publiques, car les dettes Ă©taient payĂ©es durant de nombreuses annĂ©es au-delĂ  de la durĂ©e des hostilitĂ©s. La taxation en temps de paix en Ă©tait donc la consĂ©quence inĂ©vitable[44] ».
    Ainsi, jusqu'au XXe siĂšcle, ce sont les guerres, en imposant la mobilisation immĂ©diate de trĂšs importantes ressources, qui ont conduit aux principaux accroissements de la dette publique, comme le montrent les Ă©volutions de la dette publique au Royaume-Uni et aux États-Unis (graphiques 1 et 2). La dette a pu atteindre des niveaux extrĂȘmement Ă©levĂ©s, sans commune mesure avec ceux des temps de paix : ainsi la dette publique britannique a reprĂ©sentĂ© prĂšs de 300 % du PIB au sortir des guerres napolĂ©oniennes, comme aprĂšs la Seconde Guerre mondiale (graphique 2). De mĂȘme, la dette publique amĂ©ricaine s'est nettement accrue Ă  la suite des quatre principaux conflits qu'a connus le pays : la guerre d'indĂ©pendance, la guerre civile, la PremiĂšre et la Seconde Guerre mondiale, oĂč elle a atteint son sommet historique : 120 % du PIB.
  • DeuxiĂšme Ă©lĂ©ment structurant : la difficultĂ© des États Ă  pleinement assurer le remboursement de leur dette. « L'histoire financiĂšre des monarchies europĂ©ennes est pleine de ce que l'on pourrait pudiquement appeler des discontinuitĂ©s, les banqueroutes plus ou moins dĂ©guisĂ©es succĂ©dant aux tentatives des monarques de gagner non sans mal la confiance du public[45] ». L'emprunt est, comme on l'a vu, la modalitĂ© complĂ©mentaire de l'impĂŽt pour le financement des dĂ©penses. Il est choisi quand l'État ne peut accroĂźtre les prĂ©lĂšvements fiscaux, le plus souvent en raison du refus des populations. Toutefois, le service de la dette peut atteindre des niveaux Ă©crasants, reprĂ©sentant une grande part du budget de l'État : ainsi, la moitiĂ© du budget britannique est par exemple utilisĂ© pour le service de la dette de 1820 Ă  1850[46]. Ne pouvant accroĂźtre leurs ressources, incapables de rembourser leurs dettes, les États ont utilisĂ© des techniques comme la crĂ©ation monĂ©taire, la baisse imposĂ©e du taux d'intĂ©rĂȘt de leurs emprunts, le refus de rembourser tout ou partie de leurs dettes. D'Édouard Ier expropriant puis chassant d'Angleterre en 1290 la communautĂ© juive, se dĂ©barrassant par lĂ  d'une partie de ses crĂ©anciers, au dĂ©faut de l'Argentine sur sa dette en 2001 et Ă  la crise de la dette publique grecque depuis 2010, l'histoire de la dette publique est en partie une histoire de son non-remboursement complet ou partiel.

Moyen Âge

La notion de dette publique apparaĂźt au Moyen Âge dans les citĂ©s italiennes. Au XIIe siĂšcle, ces citĂ©s, politiquement indĂ©pendantes, ont tout d'abord recours Ă  des emprunts Ă  court terme, Ă  taux trĂšs Ă©levĂ©, et qu'elles dissimulent au public. Ces emprunts ne sont considĂ©rĂ©s que comme un moyen de faire face Ă  un problĂšme immĂ©diat, et sont remboursĂ©s trĂšs vite[47]. Toutefois, en raison du coĂ»t croissant des guerres, et de l'impossibilitĂ© d'augmenter les impĂŽts face au refus des populations, une dette publique de long terme se dĂ©veloppe dĂšs le XIIIe siĂšcle. DĂšs cette Ă©poque, les citĂ©s italiennes empruntent, souvent de maniĂšre forcĂ©e, des sommes importantes Ă  long terme. Progressivement, les citĂ©s italiennes crĂ©ent, durant la fin du Moyen Âge, un ensemble d'institutions financiĂšres de gestion de la dette publique, promis Ă  un avenir durable. Tout d'abord, la dette publique devient nĂ©gociable sur un marchĂ© secondaire. Elle est, d'autre part, rapidement consolidĂ©e (dĂšs 1262 Ă  Venise), et gĂ©rĂ©e par un Ă©tablissement public spĂ©cialisĂ© (comme le Monte de Florence). La citĂ© Ă©met Ă©galement des emprunts « perpĂ©tuels », dont le principal n'est remboursĂ© que lorsque la citĂ© le souhaite. Ce type de dette fut utilisĂ© en raison de la difficultĂ© Ă  rembourser le principal. Le poids de la dette et de son service devient Ă©galement pour la premiĂšre fois considĂ©rable : l'essentiel des taxes sert Ă  son financement Ă  Florence au XIVe siĂšcle[48]. Finalement, les citĂ©s italiennes ne payent, grĂące Ă  ce systĂšme, que des intĂ©rĂȘts modĂ©rĂ©s, de l'ordre de 5 %, bien plus bas que ceux des monarchies europĂ©ennes.

Ancien RĂ©gime

Graphique 3 : Évolutions des recettes et dĂ©penses de la monarchie française de 1600 Ă  1715.

L'Ancien RĂ©gime voit la diffusion de ce systĂšme Ă  l'ensemble des monarchies europĂ©ennes. Ainsi, en 1522, François Ier, Ă©met la premiĂšre rente perpĂ©tuelle de la monarchie française. Ce nouveau systĂšme va permettre aux monarchies europĂ©ennes d'accroĂźtre considĂ©rablement leur dette. Avec la consolidation des États, qui emploient du personnel beaucoup plus nombreux, les guerres sont de plus en plus coĂ»teuses et se succĂšdent Ă  un rythme soutenu. Les Habsbourg d'Espagne font banqueroute en 1557, 1575, 1596, 1607, 1627 : la lĂ©gende veut que l'or et l'argent des AmĂ©riques ne suffit pas Ă  financer les tentatives de constructions impĂ©riales mais la cause principale est que les dĂ©penses militaires conduisent Ă  une hausse de la dette flottante tandis que la dette Ă  long terme est proche du maximum compatible avec les impĂŽts autorisĂ©s par les CortĂšs[39]. Banqueroutes et consolidations forcĂ©es deviennent des expĂ©dients habituels[49].

L'endettement de la monarchie française s'accroĂźt trĂšs fortement Ă  partir du XVIIe siĂšcle, avec l'affirmation de l'absolutisme. La monarchie française a lentement Ă©tabli un systĂšme d'endettement fondĂ© sur la vente d'offices vĂ©naux, qui constituent en fait des dettes perpĂ©tuelles, et sur l'emprunt Ă  travers les corps, auquel on prĂȘte Ă  des taux beaucoup plus faibles que pour le roi directement, en raison de la confiance qu'ils inspirent. PrivilĂšges, vĂ©nalitĂ©s des offices, corps et dette publique font ainsi systĂšme[50]. Ce systĂšme a nĂ©anmoins une efficacitĂ© limitĂ©e, notamment en raison des trĂšs nombreuses exemptions d'impĂŽt. La monarchie n'a donc pas les moyens de financer des guerres rĂ©pĂ©tĂ©es et prolongĂ©es contre de larges coalitions. Les rois ne renoncent toutefois pas Ă  leurs ambitions et empruntent des sommes trĂšs importantes. Les dĂ©penses s'accroissent au fil des guerres, parfois de maniĂšre considĂ©rable, alors que les recettes n'augmentent que faiblement, et parfois s'effondrent Ă  la suite de prĂ©lĂšvements trop importants (graphique 3). La crise financiĂšre est telle, Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle, qu'elle est une des causes de la RĂ©volution française.

RĂ©volution financiĂšre britannique

La Grande-Bretagne qui s'affirme alors comme l'autre grande puissance europĂ©enne accroĂźt sa dette considĂ©rablement Ă  partir de la derniĂšre dĂ©cennie du XVIIe siĂšcle (graphique 2), aprĂšs la crĂ©ation de la Banque d'Angleterre. Entre 1688 et 1702, la dette publique anglaise est passĂ©e de 1 Ă  16,4 millions de livres[51]. Entre 1702 et 1714 elle triple pour atteindre 48 millions de sterling et en 1766 elle atteint 133 millions de sterling. Toutefois, l'Angleterre a su mettre en place un systĂšme d'endettement moderne et efficace qui lui permet d'emprunter sans dĂ©lai et Ă  des taux d'intĂ©rĂȘt faibles. Elle emprunte Ă  travers la banque d'Angleterre, crĂ©Ă©e en 1694, qui est soumise au contrĂŽle vigilant du parlement, ce qui garantit le remboursement et inspire la confiance aux crĂ©anciers. Ce systĂšme est Ă  l'origine d'une rĂ©volution financiĂšre, en favorisant le dĂ©veloppement des marchĂ©s financiers. Les banques privĂ©es s'appuient sur le contrĂŽle du marchĂ© de la dette publique par la Banque d'Angleterre pour y dĂ©velopper leur activitĂ©, y compris Ă  destination du secteur privĂ©[52], soutenant ainsi le dĂ©veloppement Ă©conomique de la Grande-Bretagne[53]. Ce systĂšme favorise en outre l'expansionnisme militaire de la couronne britannique, avec le dĂ©veloppement de la Royal Navy par les Navy bills, en particulier face Ă  l'État français.

XIXe siĂšcle

Une Ă©volution essentielle intervient au XIXe siĂšcle : les États, notamment ceux des puissances financiĂšres dominantes de l'Ă©poque, la France et la Grande-Bretagne, ne font plus banqueroute : ils assurent pleinement le remboursement de leur dette. La RĂ©volution française voit ainsi la derniĂšre banqueroute (dite des deux tiers) de l'État français en 1796, qui clĂŽt les Ă©pisodes de dĂ©fauts souverains de la France depuis l'Ă©tablissement de la monarchie. La Grande-Bretagne rembourse, durant tout le XIXe, l'intĂ©gralitĂ© de la dette colossale contractĂ©e lors des guerres napolĂ©oniennes. La croyance dans la force et la permanence de l'État s'impose alors, renforçant la confiance des crĂ©anciers dans la dette publique. Le journaliste Paul Leroy-Beaulieu, figure de l'Histoire de la presse Ă©conomique et financiĂšre en France, Ă©crit ainsi que le crĂ©dit public se distingue du crĂ©dit privĂ© car un État « peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un ĂȘtre Ă©ternel »[54]. La rente publique, sur laquelle portent la majoritĂ© des transactions Ă  la Bourse de Paris, devient par consĂ©quent l'actif sans risque par excellence, qu'elle est encore aujourd'hui[55].

Les taux d'intĂ©rĂȘt baissent tout au long du siĂšcle, Ă  mesure que diminue la prime de risque. Ils passent de 8 % Ă  4 % en France entre 1815 et 1900[56], ce qui incite les investisseurs Ă  prendre des risques dans l'expansion boursiĂšre pour ĂȘtre mieux rĂ©munĂ©rĂ©s. Les taux d'intĂ©rĂȘt britannique et français convergent par ailleurs, au moment oĂč le modĂšle britannique est importĂ© en France, d'abord par Bonaparte, qui crĂ©e la Banque de France, puis par la Restauration. Le XIXe siĂšcle est ainsi le siĂšcle du rentier public, dont les revenus sont garantis par l'absence de banqueroute et d'inflation, mĂȘme s'il a largement prospĂ©rĂ© au siĂšcle prĂ©cĂ©dent grĂące au systĂšme français des rentes constituĂ©es.

XXe siĂšcle

Le XXe siĂšcle, en raison des deux guerres mondiales, voit la dette publique atteindre des niveaux parmi les plus Ă©levĂ©s historiquement. Cette dette sera rapidement rĂ©sorbĂ©e Ă  la suite de la Seconde Guerre mondiale, grĂące Ă  la forte croissance Ă©conomique de l'aprĂšs guerre, pĂ©riode dite des Trente Glorieuses. Mais Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1980, compte tenu de la croissance ralentie, le taux d'endettement des nations s'Ă©lĂšve Ă  nouveau fortement. Sous l'impulsion de Ronald Reagan, aux États-Unis, et Margaret Thatcher, en Grande-Bretagne, les États choisissent d’instaurer des politiques de relance libĂ©rales, consistant Ă  augmenter les dĂ©penses publiques d'investissement en les finançant non par les impĂŽts (qui sont au contraire abaissĂ©s, afin de relancer la consommation et permettre aux entreprises d'investir et d'embaucher) mais par l'emprunt. De ce fait, le service de la dette atteint des niveaux Ă©crasants, principalement du fait que les investissements des États s'opĂšrent dans des secteurs que Jacques Ellul considĂšre non productifs parce que leur rentabilitĂ© est Ă  long terme : non seulement les dĂ©penses d'armement (jusqu'alors cause quasi unique de l'endettement public) mais aussi la recherche scientifique, la conquĂȘte spatiale, les nouvelles technologies, l'Ă©nergie, les rĂ©seaux de transports et ce que les contempteurs du productivisme appellent les « grands travaux inutiles »[57] et du processus croissant de technicisation-financiarisation de l'Ă©conomie[58].

XXIe siĂšcle

En 2015, le montant de la dette des nations atteint des niveaux inĂ©galĂ©s en temps de paix, par exemple 110 % du PIB aux États-Unis ; 95 % en France.

En 2020, les grandes banques centrales ont injectĂ© plus de 6 500 milliards $ sur les marchĂ©s, via leurs achats d'obligations (« quantitative easing »). En Europe, le programme d'achat « urgence pandĂ©mie » (PEPP), dotĂ© de 750 milliards € initialement, a dĂ©sormais une enveloppe de 1 850 milliards €. Selon Bloomberg, au Japon, la banque centrale dĂ©tient environ 40 % des obligations d'État, et la BCE dĂ©tiendra, Ă  la fin de 2021, 40 % de la dette souveraine italienne et 43 % de celle de l'Allemagne[59].

Analyse théorique de la dette publique

La dette publique est analysĂ©e dans le cadre de la gestion temporelle des finances publiques, des transferts inter-gĂ©nĂ©rationnels, de la gestion des chocs (guerre, destruction d’infrastructures, ...), de la dĂ©mographie, du taux de croissance Ă©conomique, du niveau des taux d'intĂ©rĂȘt et de l'inflation, 


Les principaux courants de la thĂ©orie Ă©conomique contemporaine, la synthĂšse nĂ©oclassique et le nĂ©o-keynĂ©sianisme, prĂŽnent la pratique d’une politique budgĂ©taire contra-cyclique pour partiellement lisser les variations de la production liĂ©es Ă  la cyclicitĂ© Ă©conomique. Les pays de l’OCDE pratiquent avec plus ou moins de rigueur cette politique[60]. Toutefois, les pratiques Ă©lectoralistes des Ă©lus politiques peuvent conduire Ă  la pratique de mauvaises politiques budgĂ©taires : les gouvernements en place augmentent classiquement les dĂ©penses publiques Ă  l’approche des Ă©lections[60].

Le courant de pensĂ©e keynĂ©sien prĂŽnait la mise en place de politiques de relance qui auraient permis d’augmenter durablement la production. Mais les Ă©checs rĂ©pĂ©tĂ©s des politiques de relance des annĂ©es 1970 et 1980 dans les pays dĂ©veloppĂ©s[61] - [62] ont amenĂ© ces derniers Ă  cesser ces pratiques, qui avaient amenĂ© leurs endettements Ă  des niveaux trĂšs Ă©levĂ©s. À ces Ă©checs pratiques constatĂ©s, Robert Barro a donnĂ© une explication thĂ©orique dans un cĂ©lĂšbre article[63], en 1974 : la hausse des dĂ©penses publiques favorise l’épargne des agents Ă©conomiques (en prĂ©vision de futurs impĂŽts) et que cet effet rend inefficaces les politiques de relance (principe d’équivalence ricardienne). NĂ©anmoins, cette conclusion thĂ©orique ne fait pas l'unanimitĂ© des Ă©conomistes, notamment parce que Barro fait rĂ©fĂ©rence Ă  la thĂ©orie des anticipations rationnelles, alors que les agents Ă©conomiques ne connaissent bien ni les lois de l'Ă©conomie, ni certaines donnĂ©es fondamentales, ce qui les rend (apparemment) non rationnels. En consĂ©quence, certains suggĂšrent que l'Ă©quivalence ricardienne doit ĂȘtre manipulĂ©e avec prĂ©caution et ne peut ĂȘtre invoquĂ©e systĂ©matiquement comme raison de ne pas recourir Ă  l'endettement public.

Selon l'Ă©conomiste belge Bruno Colmant, la dette publique est consubstantielle Ă  l’État[64].

Dynamique Ă©conomique de l'endettement public

Variations de l'encours de la dette : impact de la dette passĂ©e, intĂ©rĂȘt et solde primaire

La dette nette publique de l'année est, à peu prÚs, égale à la dette de l'année passée à laquelle on a soustrait le solde budgétaire. En effet, d'une année sur l'autre, la dette diminue si le solde budgétaire est en excédent : l'excédent permet de réduire la dette (ou, plus rarement, d'alimenter un fond déjà créancier). Au contraire, si le solde budgétaire est en déficit, la dette augmente : le déficit budgétaire de l'année en cours s'ajoute à la dette publique du passé. La dette est ainsi le résultat de l'accumulation des déficits budgétaires du passé.

Or, le solde budgétaire se décompose en deux éléments :

  1. le solde primaire, c'est-Ă -dire la diffĂ©rence entre les recettes de l'annĂ©e et les dĂ©penses de l'annĂ©e hors paiement des intĂ©rĂȘts de la dette. Si ce solde est nĂ©gatif, on parle de dĂ©ficit primaire, s'il est en excĂ©dent, d'excĂ©dent primaire.
  2. le paiement des intĂ©rĂȘts dus sur la dette publique passĂ©e et que l'État doit rembourser l'annĂ©e en cours.

Finalement on a donc :

solde budgĂ©taire = solde primaire - intĂ©rĂȘts de la dette

et

dette de l'année = dette passée - solde budgétaire

d'oĂč l'on dĂ©duit : solde budgĂ©taire < 0 ⇒ dette de l'annĂ©e > dette passĂ©e.

En notant le solde primaire de l'annĂ©e , le taux d'intĂ©rĂȘt et et les dettes respectivement de l'annĂ©e et de l'annĂ©e :

et

Cette équation nous permet de voir que la dette dépend :

  • de l'importance de la dette passĂ©e ;
  • des taux d'intĂ©rĂȘt ;
  • du solde primaire.

Plus les taux d'intĂ©rĂȘt seront Ă©levĂ©s, et plus la dette passĂ©e sera grande, plus l'État devra dĂ©gager un important excĂ©dent de son solde primaire, s'il souhaite diminuer la dette publique. Cela signifie qu'il ne suffit pas Ă  un État d'avoir un solde primaire en Ă©quilibre pour stabiliser sa dette : il lui faut aussi payer les intĂ©rĂȘts sur sa dette passĂ©e, intĂ©rĂȘts qui seront d'autant plus Ă©levĂ©s que la dette passĂ©e est importante et que les taux d'intĂ©rĂȘt sont forts. Pour que la dette soit stable, il faut donc que le solde primaire couvre au moins le remboursement du service de la dette (capital + intĂ©rĂȘts). Si la dette passĂ©e est trĂšs grande, ou si les taux d'intĂ©rĂȘt sont trĂšs Ă©levĂ©s, l'État, qui doit payer de trĂšs importants intĂ©rĂȘts, peut ne pas y parvenir : la dette va alors croĂźtre d'annĂ©e en annĂ©e Ă  la façon d'une « boule de neige » : la partie de la dette passĂ©e que l'État ne peut rembourser faute de ressources propres suffisantes le sera en souscrivant un nouvel emprunt, augmentant d'autant la dette passĂ©e, voire le taux d'intĂ©rĂȘt moyen.

Variations du taux d'endettement par rapport au PIB

Toutefois, la matiÚre taxable croissant avec le PIB, un des indicateurs de soutenabilité de la dette publique est le taux d'endettement, c'est-à-dire le rapport entre la dette publique et le PIB. L'évolution de ce ratio va dépendre, en plus des autres variables déjà identifiées, également du taux de croissance de l'économie.

Taux d'endettement et taux de croissance

Graphique 1 : Déficit budgétaire en France et au Portugal dans les années 1990
Graphique 2 : Endettement public en France et au Portugal dans les années 1990
Graphique 3 : Taux de croissance en France et au Portugal dans les années 1990

Le taux d'endettement d'un pays rapporté au PIB peut baisser alors que l'encours nominal de la dette augmente : il suffit que la dette croisse moins vite que le PIB. DÚs lors, le lien entre déficit et la dynamique de l'endettement n'est pas évident[65].

Un exemple peut illustrer cet aspect[66]. Durant les années 1990, la France et le Portugal ont connu des évolutions de leurs soldes budgétaires trÚs proches, le solde du Portugal présentant généralement un déficit plus marqué que celui de la France (graphique 1).

Toutefois, alors que la dette publique portugaise, mesurĂ©e par rapport au PIB, a baissĂ© de prĂšs de 10 points du PIB, la dette publique française connaissait une trĂšs importante hausse (graphique 2). Ces Ă©volutions divergentes du ratio d'endettement, alors mĂȘme que les dĂ©ficits Ă©taient supĂ©rieurs au Portugal, tiennent dans le diffĂ©rentiel des taux de croissance et d'inflation des deux Ă©conomies (graphique 3).

Un Ă©lĂ©ment essentiel de la dynamique du taux d'endettement : l'Ă©cart entre taux d'intĂ©rĂȘt et taux de croissance

Comme on l'a vu Ă  la section prĂ©cĂ©dente, le solde budgĂ©taire est fonction a) du solde primaire, qui rĂ©sulte directement des dĂ©cisions prises par les pouvoirs publics durant l'annĂ©e en cours et b) du paiement des intĂ©rĂȘts de la dette, qui dĂ©coule des engagements financiers passĂ©s. Pour un gouvernement, il est donc pertinent de connaĂźtre quel type de solde primaire il doit dĂ©gager pour maintenir ou diminuer son taux d'endettement. Ce solde primaire dĂ©pend de la diffĂ©rence entre taux d'intĂ©rĂȘt et taux de croissance nominale (ou taux de progression du PIB en valeur, autrement dit la somme du taux de croissance rĂ©elle et du taux d'inflation).

En effet, Ă  partir de l'Ă©quation Ă  laquelle on avait abouti dans la section prĂ©cĂ©dente (cf. encadrĂ©), on peut montrer qu'un État qui souhaite stabiliser son taux d'endettement doit avoir un solde primaire rapportĂ© au PIB Ă©gal Ă  :

La dynamique de la dette

On a : (1)
Pour obtenir ces grandeurs en proportion du PIB, il suffit de les diviser par le PIB () :
(2)
Puisque , (2) peut donc s'Ă©crire :
(3)
(4)
(4')

Pour que la dette publique soit stable, on doit avoir . Par conséquent :
(5)
(6)
Dans la mesure oĂč g est petit par rapport Ă  1, on peut simplifier (6) en :

Le solde budgĂ©taire public stabilisant l'endettement doit alors ĂȘtre supĂ©rieur Ă :

avec , le solde primaire par rapport au PIB (Ă©gal Ă  ) ; , le taux d'endettement de l'annĂ©e t-1 (Ă©gal Ă  ) ; le taux d'intĂ©rĂȘt nominal et le taux de croissance nominal (i.e., inflation incluse, car l'inflation a sur le poids de la dette publique, le mĂȘme effet que la croissance rĂ©elle).

Cette relation signifie que le solde primaire qui stabilise l'endettement dĂ©pend de la diffĂ©rence entre le taux d'intĂ©rĂȘt et le taux de croissance. Plus prĂ©cisĂ©ment, on peut distinguer trois situations :

  1. si les taux d'intĂ©rĂȘt sont Ă©gaux au taux de croissance nominale (), un solde primaire en Ă©quilibre () maintient la dette publique stable.
  2. si les taux d'intĂ©rĂȘt sont supĂ©rieurs au taux de croissance nominale (), le solde primaire doit ĂȘtre en excĂ©dent () pour maintenir la dette stable. Si le solde primaire est simplement Ă  l'Ă©quilibre, alors la dette s'accroĂźt. C'est ce qu'on appelle l'effet « boule de neige » de l'endettement : d'annĂ©e en annĂ©e, l'endettement va augmenter de plus en plus. Dans la situation oĂč les taux d'intĂ©rĂȘt sont supĂ©rieurs Ă  la somme des taux de croissance rĂ©elle et d'inflation, un État qui souhaite stabiliser son taux d'endettement est donc contraint d'avoir un excĂ©dent de son solde primaire d'autant plus important que l'Ă©cart entre taux d'intĂ©rĂȘt et taux de croissance nominale est fort.
  3. si les taux d'intĂ©rĂȘt sont infĂ©rieurs au taux de croissance nominale (), le solde primaire peut ĂȘtre en dĂ©ficit (), sans que la dette ne croisse. Si le solde primaire est simplement Ă  l'Ă©quilibre, le taux d'endettement diminue mĂȘme d'annĂ©e en annĂ©e.

Finalement, deux relations sont importantes dans la dynamique de l'endettement[67] :

  • L'endettement peut ĂȘtre maintenu stable avec des dĂ©ficits budgĂ©taires d'autant plus Ă©levĂ©s que la croissance du PIB en valeur est forte.
  • L'endettement peut ĂȘtre maintenu stable mĂȘme si les administrations publiques maintiennent en permanence des dĂ©ficits primaires, pour autant que le taux de croissance soit supĂ©rieur au taux d'intĂ©rĂȘt. Par consĂ©quent, les variations de l'endettement dĂ©pendent trĂšs fortement de l'Ă©cart entre les taux d'intĂ©rĂȘt et le taux de croissance. Les taux d'intĂ©rĂȘt Ă©levĂ©s ont donc un impact nĂ©gatif sur l'endettement : s'ils sont supĂ©rieurs Ă  la croissance nominale, ils accroissent mĂ©caniquement la dette publique, mĂȘme avec un solde primaire en Ă©quilibre. Si l'Ă©cart entre les deux est trĂšs grand, cela peut aller jusqu'Ă  un effet « boule de neige », oĂč l'endettement n'est plus maĂźtrisable, sauf Ă  dĂ©gager de trĂšs importants excĂ©dents budgĂ©taires. Au contraire, la croissance Ă©conomique rĂ©elle et l'inflation ont un impact positif sur le taux d'endettement : si leur somme est supĂ©rieure au taux d'intĂ©rĂȘt, cela permet de diminuer le taux d'endettement, mĂȘme avec un solde primaire en dĂ©ficit.

Les évolutions historiques récentes de la dette publique dans les pays développés

Les Ă©volutions de la dette publique en % du PIB aux États-Unis, en France et dans la zone euro depuis 1980.

AprÚs une baisse de l'endettement durant les années 1960 et 1970, les pays développés ont vu leur dette fortement augmenter à partir des années 1980[68].

Baisse de l'endettement dans les années 1960 et 1970

Durant les annĂ©es 1960, la croissance Ă©tait forte : Ă©tait, par consĂ©quent, nettement nĂ©gatif. Cela a permis aux États de diminuer la dette, alors mĂȘme qu'ils n'avaient pas des excĂ©dents primaires importants. Durant la dĂ©cennie suivante, les taux d'intĂ©rĂȘt rĂ©els ont trĂšs fortement baissĂ©, devenant mĂȘme parfois nĂ©gatifs, en raison de l'inflation. Ainsi, malgrĂ© le ralentissement de la croissance, le taux d'endettement a continuĂ© Ă  baisser, puisque demeurait nĂ©gatif.

Données

Dette publique, en % du PIB, des États-Unis, du Japon et de l'Allemagne de 1970 Ă  2008. FRG correspond Ă  l'Allemagne de l'Ouest avant la rĂ©unification allemande.

À partir des annĂ©es 1980, le taux d'endettement a trĂšs fortement augmentĂ© dans presque tous les pays dĂ©veloppĂ©s. En 25 ans, dans la zone euro, il est ainsi passĂ© approximativement de 35 % Ă  70 % du PIB et de 20 Ă  70 % en France.

Dans les annĂ©es 1980, la croissance a continuĂ© Ă  dĂ©croitre, alors que les taux d'intĂ©rĂȘt ont fortement augmentĂ©. L'Ă©cart entre taux d'intĂ©rĂȘt et taux de croissance est devenu nettement positif. Les États auraient dĂ» dĂ©gager de forts excĂ©dents primaires pour maintenir leur taux d'endettement. Ils ne l'ont pas fait, notamment parce qu'en raison de la baisse de la croissance, ils ont utilisĂ© les dĂ©penses publiques pour mener des politiques de relance. C'est notamment le cas des États-Unis qui, sous Ronald Reagan, ont menĂ© une politique trĂšs forte de baisse des impĂŽts, alors que les dĂ©penses publiques augmentaient.

Dans les annĂ©es 1990, le taux d'endettement a continuĂ© Ă  croĂźtre, surtout en Europe et notamment en France. En France, entre 1992 et 1997, il a augmentĂ© de prĂšs de 25 points du PIB. Cet accroissement rĂ©sulte de l'augmentation de l'Ă©cart entre taux d'intĂ©rĂȘt et taux de croissance qui atteint, en France, 6 points en 1993, et donc de la part croissant trĂšs rapidement des intĂ©rĂȘts cumulĂ©s dans le capital restant dĂ». Les taux d'intĂ©rĂȘt demeurent en effet trĂšs Ă©levĂ©s en Europe, en raison de la rĂ©unification allemande. Or, la croissance baisse fortement durant la pĂ©riode : elle est mĂȘme nĂ©gative en France en 1993.

À partir de la fin des annĂ©es 1990, et durant les annĂ©es 2000 puis les annĂ©es 2010, l'Ă©cart entre taux d'intĂ©rĂȘt et taux de croissance diminue trĂšs fortement, du fait d'une baisse trĂšs importante des rendements obligataires. Cela permet aux États de stabiliser ou mĂȘme de baisser leurs taux d'endettement.

La crise économique mondiale de 2008 a poussé l'ensemble des pays à accroßtre fortement leur endettement.

De 2007 à 2017, la dette mondiale s'est accrue de 40 %. En 2017, la dette publique des pays avancés atteignait en moyenne 105 % du PIB[69].

La dette publique des 35 principaux pays reprĂ©sentant 88 % du PIB mondial est passĂ©e de 16 700 milliards $ en 1995 Ă  53 300 milliards $ en 2019, puis 62 515 milliards $ en 2020, soit une multiplication par 3,7 en 25 ans. Cette dette reprĂ©sentait 59 % du PIB mondial en 1995, 70 % en 2019 et 84 % en 2020. Deux pays ont une dette publique supĂ©rieure au double de leur PIB : la Japon (250 %) et la GrĂšce (209 %) et huit autres pays dĂ©passent le seuil des 100 % du PIB : l'Italie (159 %), Singapour (155 %), l'Espagne (120 %), la France (118 %), le Canada (116 %), le Royaume-Uni (113 %), la Belgique (113 %) et l'Argentine (105 %). En moyenne, entre 1995 et 2020, la dette par habitant est passĂ©e de 4 371 $ Ă  11 187 $ dans les 35 pays considĂ©rĂ©s. Mais les taux d'intĂ©rĂȘts moyens ont baissĂ© de 7,6 % en 1995 Ă  2 % en 2020, si bien que les intĂ©rĂȘts payĂ©s par les États sur leur dette sont tombĂ©s de 3,3 % du PIB mondial en 1995 Ă  1,5 % en 2020. Fin 2020, les banques centrales dĂ©tenaient 24 % de la dette publique mondiale, pourcentage en hausse de cinq points en un an ; 52 % de tous les nouveaux emprunts publics de 2020 ont Ă©tĂ© financĂ©s par les banques centrales ; aux États-Unis, 85 % des nouveaux emprunts publics de 2020 ont Ă©tĂ© acquis par la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale et au Royaume-Uni, les deux tiers ont Ă©tĂ© acquis par la Banque d'Angleterre[70].

Causes de l'augmentation des dettes

Depuis le dĂ©but des annĂ©es 1980, l'accroissement des dĂ©penses publiques (paiements effectuĂ©s par l'État et les organismes sociaux) et l'insuffisance conjointe du taux de croissance ont entraĂźnĂ© un gonflement de la dette publique. Pour Jean-Marie Albertini, maĂźtre de recherche au CNRS français, ces dĂ©penses ont augmentĂ© rapidement pour plusieurs raisons[71] :

  • Tout d'abord l'augmentation des revenus de transfert. Si en 1938, ces revenus correspondent Ă  5 % du revenu des familles françaises, ils en reprĂ©sentent le quart en 1980. En termes de PIB, ces dĂ©penses cumulĂ©es (ajoutĂ©es les unes aux autres) en forment plus d'un quart.
  • Ensuite, cette croissance est Ă©galement due Ă  la forte amĂ©lioration de la technologie. Les rĂ©seaux de transport terrestre et les arsenaux militaires modernes sont devenus plus coĂ»teux que ceux d'il y a plus de cent ans.
  • Enfin, depuis la premiĂšre rĂ©volution française de la fin du dix-huitiĂšme siĂšcle, l'État sert l'homme, au lieu d'ĂȘtre servi par lui. Les « risques sociaux » (famille, maladie, chĂŽmage, vieillesse, logement et pauvretĂ©) sont actuellement pris en charge par l'État.
  • Par ailleurs, les guerres contemporaines et leur consĂ©quence (efforts de reconstruction, endettement public massif, dĂ©dommagement, i.e rĂ©partition des lĂ©sions causĂ©es Ă  autrui, des soldats et des autres victimes de la guerre, ...) pĂšsent lourdement en termes de dĂ©penses publiques. Les conflits militaires de la guerre froide (1945-1990) entre les États-Unis et l'URSS poussent chaque superpuissance Ă  consacrer plus de la moitiĂ© de sa richesse nationale (PIB) Ă  l'effort de guerre[71].

Niveau par pays

Tous les pays ont des dettes publiques, mĂȘme ceux dont les recettes sont supĂ©rieures aux dĂ©penses et le patrimoine financier net largement positif[72].

États-Unis

Selon le FMI, les États-Unis seront le seul pays industrialisĂ© Ă  voir Ă  moyen terme une augmentation de leur endettement public, de 107,8 % du PIB en 2017 Ă  117 % en 2023, du fait de la rĂ©forme fiscale votĂ©e par le Parlement sur proposition du prĂ©sident Trump[73].

La dette publique amĂ©ricaine a augmentĂ© de 443 % en 25 ans, de 1995 Ă  2020, atteignant 19 565 milliards $ fin 2020, soit plus de 59 000 dollars $ par habitant ; seuls le Japon et Singapour ont des dettes par habitant plus Ă©levĂ©es. La progression de la dette publique amĂ©ricaine est presque deux fois plus rapide que celle du reste du monde. Le PIB n'ayant grimpĂ© que de 175 % sur la pĂ©riode, elle a crĂ» 2,5 fois plus vite que l'Ă©conomie amĂ©ricaine. La charge d'intĂ©rĂȘts s'Ă©levait en 2020 Ă  479 milliards $, soit 1 447 $ par habitant. Le coĂ»t du service de la dette est plus Ă©levĂ© aux États-Unis que dans le reste du monde, avec un taux d'intĂ©rĂȘt de 2,6 %, bien supĂ©rieur Ă  la moyenne mondiale de 1,5 %. De plus, les obligations amĂ©ricaines ont aussi des Ă©chĂ©ances plus courtes que les titres de dette de la plupart des autres pays dĂ©veloppĂ©s ; les États-Unis sont donc plus vulnĂ©rables Ă  une future hausse des taux[70].

Chine

Selon le FMI, la dette publique de la Chine, en hausse constante de 34,3 % du PIB en 2012 Ă  47,8 % en 2017, devrait continuer Ă  progresser Ă  65,5 % du PIB en 2023[73].

En 2020, la dette publique de la Chine atteint 3 389 milliards $, Ă  peine plus que celle de la France (3 299 milliards $)[70].

Japon

Selon le FMI, la dette publique du Japon, passée de 229 % du PIB en 2012 à 236,4 % en 2017, devrait reculer légÚrement à 229,6 % du PIB en 2023[73].

La Banque du Japon détient en 2018 plus de 41 % de tous les titres de dette publique japonaise. La politique de taux bas évince les investisseurs : en 8 mois, le marché a déjà connu sept journées sans aucun échange d'obligation gouvernementale à 10 ans[74].

En 2020, la dette publique du Japon atteint 12 858 milliards $ contre 4 533 milliards $ en 1995. La dette japonaise par habitant est la plus importante au monde : 101 644 $, mais son taux d'intĂ©rĂȘt moyen ressort Ă  0,04 % et les nouveaux emprunts sont assortis d'un taux d'intĂ©rĂȘt nĂ©gatif[70].

Allemagne

AprĂšs une hausse considĂ©rable de la dette publique allemande Ă  cause de paiements forts pour l'Allemagne de l'Est aprĂšs la rĂ©unification allemande et la crise Ă©conomique mondiale de 2008, le taux de la dette publique trouvait son maximum en 2010 (82,5 % du PIB). À partir de 2012, l'Allemagne a rĂ©alisĂ© des excĂ©dents budgĂ©taires sur l'ensemble de l'État[75] et Ă©tait capable de rĂ©duire ses dettes de 82,5 % en 2010 Ă  61,2 % du PIB (2 069,6 milliards d’euros) au deuxiĂšme trimestre 2019[76]. Par consĂ©quent, l'Allemagne respecte le critĂšre sur le dĂ©ficit budgĂ©taire du Pacte de stabilitĂ© et de croissance de la zone euro, qui limite le dĂ©ficit Ă  3 % du PIB ainsi que les critĂšres du Pacte budgĂ©taire europĂ©en de 2012 qui limitent le dĂ©ficit structurel Ă  0,5 % du PIB pour l'objectif budgĂ©taire Ă  moyen terme.

En 2009 l'Allemagne a introduit un frein Ă  l'endettement pour continuer Ă  atteindre des budgets publiques sans dĂ©ficits structurels (LĂ€nder, États fĂ©dĂ©raux) ou au maximum un dĂ©ficit trĂšs limitĂ© (0,35 % du PIB pour l'État fĂ©dĂ©ral). Le frein Ă  l'endettement est maintenant fixĂ© en article 109 paragraphe 3 de la Loi fondamentale. Entre-temps, quelques LĂ€nder ont aussi adoptĂ© le frein d'endettement dans leurs constitutions rĂ©gionales. Avec le frein d'endettement, le dĂ©ficit structurel fĂ©dĂ©ral, et non le dĂ©ficit conjoncturel, ne doit plus surmonter 0,35 % du PIB Ă  partir de 2016. Pour les LĂ€nder, des dĂ©ficits structurels sont complĂštement interdits Ă  partir de 2020. Seule exception sont des catastrophes naturelles ou rĂ©cessions fortes.

En 2020, la dette publique allemande atteint 2 811 milliards $ contre 1 419 milliards $ en 1995[70].

Belgique

Au dĂ©but des annĂ©es 1990, la dette publique s'Ă©levait Ă  130 % du PIB et reprĂ©sentait une charge de 10 % du budget de l'État. La Belgique doit obtenir une dĂ©rogation aux critĂšres de convergence pour faire partie de la zone euro en 1999, dans la mesure ou son endettement dĂ©passe les 100 % fixĂ©s comme limite.

AprÚs d'importants efforts budgétaires, notamment pour faire face aux conséquences du vieillissement démographique sur les finances publiques, la dette a été ramenée à 100 % du PIB en 2003, et se situe à 91 % en 2009, l'objectif est de la réduire jusqu'à 60 % pour respecter le pacte de stabilité et de croissance.

En mars 2009, la dette représente 320 milliards d'euros, la plus grande partie, soit 98,2 %, est en euros et négociable, c'est-à-dire qu'elle fait l'objet d'une cotation sur un marché. Les obligations linéaires représentent 69 %, et les certificats de Trésorerie 16 %[77] - [78] - [79].

En 2020, la dette publique de la Belgique atteint 646 milliards $ contre 363 milliards $ en 1995. La dette belge par habitant est la cinquiĂšme plus importante au monde : prĂšs de 56 000 $, presque au mĂȘme niveau que celle des États-Unis (plus de 59 000 $)[70].

Canada

Le Canada est souvent prĂ©sentĂ©[80] en modĂšle d’une rĂ©forme de l'État rĂ©ussie et d’une gestion rigoureuse de sa dette publique.

AprĂšs une pointe de la dette fĂ©dĂ©rale du Canada Ă  68,4 % du PIB en 1994, la dette est retombĂ©e Ă  38,7 % en 2004, Ă  la suite d'une sĂ©rie d'excĂ©dents budgĂ©taires dus Ă  une politique de gestion de l'État rigoureuse (cf. politique de rigueur), inspirĂ©e des principes du libĂ©ralisme Ă©conomique : en parallĂšle Ă  la baisse du dĂ©ficit, la part des dĂ©penses publiques fĂ©dĂ©rales dans le PIB est passĂ©e de 19 % Ă  12 %, les dĂ©penses publiques totales baissant d’environ 10 % entre 1992 et 2004[81]. L'objectif officiel Ă©tait de descendre Ă  25 % du PIB vers 2015, pour faire face au vieillissement de la population. Lors du vote du budget fĂ©dĂ©ral le 26 fĂ©vrier 2008, le gouvernement fĂ©dĂ©ral avait annoncĂ© une prĂ©vision de surplus budgĂ©taires de plus de 10 milliards de dollars ; mais Ă  la suite de la rĂ©cession mondiale de 2008-2009, la dette publique du Canada est remontĂ©e Ă  84 % du PIB en 2010[82].

Selon le FMI en 2018, la dette publique du Canada, passée de 84,8 % du PIB en 2012 à 89,7 % en 2017, devrait s'abaisser à 74,3 % du PIB en 2023[73].

En 2020, la dette publique du Canada atteint 2 014 milliards $ contre 624 milliards $ en 1995. La dette canadienne par habitant est la sixiĂšme plus importante au monde : plus de 53 000 $, presque au mĂȘme niveau que celle des États-Unis (plus de 59 000 $)[70].

France

Dette publique de la France, en milliards d'euros courants et en % du PIB, de fin 1978 à fin décembre 2020.
Dette publique et affichage des couleurs politiques des gouvernements (source : INSEE).

En France, depuis le milieu des années 1970, la dette publique a augmenté pour atteindre 98,1 % du PIB à la fin du troisiÚme trimestre 2017 contre 66,8 % au troisiÚme trimestre 2008 et 55,8 % à la fin de 1995[83].

En 2011, le service de la dette devient, pour la premiĂšre fois de l’histoire Ă©conomique de la France, le premier poste du budget (il passe dĂ©sormais devant ceux de l’éducation et la dĂ©fense) : 46,9 milliards, contre 44,5 pour l’éducation (30,1 pour la dĂ©fense). Il reprĂ©sente maintenant un montant supĂ©rieur Ă  celui de l’impĂŽt sur le revenu.

La France ne respecte pas les critĂšres de Maastricht et apparait comme un des plus mauvais Ă©lĂšves : fin 2017, elle restait l'un des trois pays de l'Union europĂ©enne encore sous le coup de la procĂ©dure pour dĂ©ficit excessif, avec le Royaume-Uni et l’Espagne, alors qu’ils Ă©taient 24 en 2011[84].

Le FMI prévoyait en 2018 que la dette publique de la France, en hausse constante de 90,7 % du PIB en 2012 à 97,0 % en 2017, devrait redescendre à 89 % du PIB en 2023[73].

En 2020, la dette publique de la France atteint 3 299 milliards $ contre 915 milliards $ en 1995, au quatriĂšme rang mondial aprĂšs les États-Unis, le Japon et la Chine. La dette française par habitant est la huitiĂšme plus importante au monde : 50 500 $, infĂ©rieure de 14 % celle des États-Unis (plus de 59 000 $). La dette de la France a augmentĂ© de 274 % depuis 1995, tandis que son produit intĂ©rieur brut ne progressait que de 63 % au cours de la mĂȘme pĂ©riode. En 2020, le taux d'intĂ©rĂȘt effectif de la France n'Ă©tait que de 1,1 %, trĂšs infĂ©rieur Ă  la moyenne mondiale ; de ce fait, la charge de la dette a diminuĂ© pour les Français : les intĂ©rĂȘts revenaient en 2020 Ă  518 $ par habitant, contre 1 355 $ par habitant en 2008 pour une dette deux fois moins importante[70].

Suisse

Dette des collectivités publiques par rapport au PIB (en %) entre 1950 et 2010.

En tant qu'État fĂ©dĂ©ral, la Suisse connait trois niveaux de financement public : fĂ©dĂ©ral, cantonal, de loin le plus important et communal. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse, comme la plupart des pays, connait un fort taux d’endettement. Cependant, alors que des pays comme l'Allemagne ou la France Ă©pongent rapidement leurs dettes via l'inflation au dĂ©triment de leurs crĂ©anciers, le renchĂ©rissement en Suisse entre 1944 et 1961 reste faible, n'excĂ©dant pas 1,35 %. Le taux d’endettement baisse de maniĂšre soutenue jusqu’en 1965 grĂące Ă  des excĂ©dents budgĂ©taires. Alors que la dette nominale recommence Ă  croitre, la surchauffe Ă©conomique permet Ă  l’endettement de rester plus ou moins stable. La Suisse est fortement touchĂ©e par le premier choc pĂ©trolier si bien qu’à la fin des annĂ©es 1970, le taux d’endettement est le double de l’Allemagne ou de la France. La bonne conjoncture des annĂ©es 1980 et les excĂ©dents budgĂ©taires entre 1985 et 1989 font fondre l’endettement Ă  32 % du PIB. La mauvaise conjoncture qui sĂ©vit entre 1991 et 1996 fait exploser la dette fĂ©dĂ©rale et cantonale. L’assemblĂ©e fĂ©dĂ©rale vote une rĂ©vision de la Constitution sur le frein Ă  l'endettement. Le but est de garantir un Ă©quilibrage des comptes sur un cycle conjoncturel complet. Le peuple suisse accepte (Ă  84,7 %) cette rĂ©vision par votation en dĂ©cembre 2001. La reprise Ă©conomique amorcĂ©e au deuxiĂšme semestre 2003, qui perdura durant vingt trimestres, et les excĂ©dents budgĂ©taires rĂ©alisĂ©s aprĂšs 2005 permettent Ă  la Suisse de rĂ©duire son taux d'endettement Ă  38,3 % en 2010. En 2016, alors que la moyenne de la dette publique des pays de l'Union europĂ©enne dĂ©passe les 85 %, la dette publique suisse correspond Ă  33 % du PIB[85]. La Suisse n'Ă©tant pas membre de l'union europĂ©enne[86], son dĂ©sendettement est indĂ©pendant de la politique Ă©conomique europĂ©enne.

En 2020, la dette publique de la Suisse atteint 246 milliards $ contre 149 milliards $ en 1995[70].

Notes et références

  1. (en) The World Factbook - Country comparison : Public Debt, CIA.
  2. dĂ©finition, par l’INSEE
  3. A titre d'exemple, en France les montants en jeu sont estimés par l'INSEE à 3,7 fois le PIB, de sorte que leur prise en compte porterait la dette publique française à environ 470% du PIB
  4. (en) « IPSAS 25 ― Employee benefits », sur IFAC.org / FĂ©dĂ©ration internationale des comptables, (consultĂ© le ).
  5. Yuri Biondi, Marion Boisseau : Accounting for Pension Obligations in the European Union: A case study for EPSAS and transnational budgetary supervision
  6. European Commission. (2010). Green Paper: towards adequate, sustainable and safe European pension systems. SEC (2010)830. COM (2010)365 final. Tech. rep. European Commission. (2011). Pension systems in the EU - contingent liabilities and assets in the public and private sector. Tech. rep. European Commission. (2013a). Report from the Commission to the Council and the European Parliament. Towards implementing harmonised public sector accounting standards in Member States. The suitability of IPSAS for Member States. Tech. rep.
  7. ArrĂȘtĂ© du 17 avril 2007 portant modification des rĂšgles relatives Ă  la comptabilitĂ© gĂ©nĂ©rale de l'État, norme no 13, section I.2 -Le cas des engagements de retraites des fonctionnaires
  8. Sur les difficultĂ©s de mesure des engagements implicites voir INSEE, Évaluer les engagements implicites des retraites.
  9. Par exemple, en France, le Rapport PĂ©bereau sur la dette publique (p 11) a retenu comme Ă©valuation de ces engagements 430 milliards d'euros, Ă  partir d'une fourchette de 380 Ă  490 milliards d'euros, tout en indiquant que, selon d'autres conventions, il pouvait atteindre jusqu'Ă  1 000 milliards d'euros
  10. Gregory Mankiw, Macroéconomie, De Boeck, 2003, p. 484.
  11. AgnÚs Bénassy-Quéré et alii., Politique économique, De Boeck, 2004, p. 151
  12. « La puissance publique doit se convertir à l'économie circulaire pour la maintenance des infrastructures », sur Challenges,
  13. « La dette grise : on oublie que le patrimoine a une durĂ©e de vie limitĂ©e ! », sur La Banque Postale,
  14. « Bretagne Attention à la « dette grise », la dette du lendemain », sur Le Moniteur,
  15. OCDE, Études Ă©conomiques de l'OCDE. Japon, 2006, p. 80.
  16. Sources : Eurostat pour la dette publique brute au sens de Maastricht Dettes publiques (% PIB) en 2006 et OCDE Dettes publiques 2006 (page consultée le 1er juillet 2008)
  17. Source : INSEE, Insee - Économie - Endettement des agents non financiers
  18. Serge Penasa, « Le rĂŽle de l'État dans la vie Ă©conomique et sociale » in Alain Beitone (dir.), Analyse Ă©conomique et historique des sociĂ©tĂ©s contemporaines, Armand Colin, 2007, p. 269
  19. Voir Renne, Jean-Paul et Sagnes, Nicolas (02-2006). « Une modĂ©lisation analytique des stratĂ©gies d'endettement de l'État ». Diagnostics PrĂ©visions et Analyses Économiques, no 99, fĂ©vrier 2016, 8 pp.
  20. Renne, Jean-Paul et Sagnes, Nicolas (03-2006). « Comparaison des stratĂ©gies d’endettement de l’État. Une mĂ©thodologie appliquĂ©e Ă  la rĂ©partition entre obligations nominales et indexĂ©es ». 16 mars 2006, i + 47 pp.
  21. Durée entre la date d'émission du titre d'emprunt et la date à laquelle ce titre est remboursable.
  22. Voir le graphique sur les taux sur titres d'État français par maturitĂ© (3 mois Ă  50 ans) en juin 2011.
  23. Agence France TrĂ©sor « La dette de l’État. Gestion active. Contrat d’échange de taux d’intĂ©rĂȘt (’SWAP’). RĂ©duction de la durĂ©e de vie moyenne de la dette ». Mise Ă  jour le 5 avril 2006.
  24. Renne, Jean-Paul « Quels sont les enjeux, en termes de coĂ»t et de risque, de la gestion active de la durĂ©e de vie moyenne de la dette ? ». Les documents de travail de la DGTPE, [Direction GĂ©nĂ©rale du TrĂ©sor et de la Politique Économique, MinistĂšre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi], no 2007/10, novembre 2007, 40 pp.
  25. Agence France TrĂ©sor « La trĂ©sorerie de l’État. Missions ».
  26. « Compteur de la dette publique mondiale et par pays », sur http://science-economique.com, (consulté le )
  27. Banque mondiale et FMI « Directives pour la gestion de la dette publique », 21 mars 2001, 39 pp. (aussi sur le site de la Banque mondiale) ; FMI et Banque mondiale « Directives pour la gestion de la dette publique : document d’accompagnement », novembre 2002, 395 pp. ; FMI et Banque mondiale « Amendments to the Guidelines for Public Debt Management », 25 novembre 2003, 6 pp.
  28. Medeiros, Carlos ; Papaioannou, Michael et Souto, Marcos « Dette publique : le FMI conçoit de nouveaux outils de mesure des risques », FMI Bulletin, vol. 37, no 2, février 2008, p.21.
  29. Banque mondiale « Outil d’évaluation de la performance en matiĂšre de gestion de la dette (DeMPA) » et « Guide d’utilisation de l’outil d’évaluation de la performance en matiĂšre de gestion de la dette (DeMPA) », DĂ©partement de la politique Ă©conomique et de la dette (PRMED), DĂ©partement des opĂ©rations bancaires et de la gestion de la dette (BDM), Banque mondiale, dĂ©cembre 2009, 54 et 40 pp.
  30. OECD « Objectives, Strategy and Operations of the OECD Working Group on Public Debt Management », 14 novembre 2007, 14 pp.
  31. OCDE « Gestion de la dette publique. En savoir plus ».
  32. Histoire du franc, 1360-2002, par Georges Valance, Paris, Champs Flammarion, 1998.
  33. Comme le note Jean-Yves Granier : la dette « ne doit pas apparaĂźtre comme personnelle, c’est-Ă -dire comme l’engagement d’une personne, fĂ»t-elle prince ou roi, mais de la collectivitĂ© dans son ensemble, que ce soit une citĂ© ou un État », « Introduction. Dette d'État, dette publique. », in Jean Andreau, GĂ©rard BĂ©aur et Jean-Yves Grenier (dir.), La dette publique dans l'histoire, La documentation française, 2006, p. 2.
  34. Sur cette question, on peut consulter le livre classique de Ernst Kantorowicz, Les deux corps du roi, Gallimard, 1989.
  35. « Existait-il une dette publique dans l'Antiquité romaine ? », Jean Andreau, in La dette publique dans l'histoire, op.cit., p. 101.
  36. Philippe Hamon, « Les dettes du roi de France (fin du Moyen Âge - XVIe siĂšcle) : une dette « publique » ? » in La dette publique dans l'histoire, op.cit..
  37. « Avant propos. La dette publique sous le scalpel des historiens », La dette publique dans l'histoire, op.cit., p. VI.
  38. Luciano Pezzolo, « Bonds and Government Debts in Italian City States, 1250-1650 », in William N. Goetzmann et K. Geert Rouwenhors (dir.), The Origins of Value: The Financial Innovations that Created Modern Capitalism, Oxford University Press, 2005.
  39. Pierre-Cyrille HautcƓur. Faillites souveraines et banquiers : l'exemple de Philippe II Consulter en Ligne
  40. Carlos Álvarez-Nogal and Christophe Chamley. Debt policy under constraints between Philip II, the Cortes and Genoese bankers. Working Papers in Economic History. June 2011. en Ligne
  41. Joseph R. Strayer, Les origines mĂ©diĂ©vales de l'État moderne, Payot, 1979, p. 67.
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  43. « Introduction. Dette d'État, dette publique. », in Jean Andreau, GĂ©rard BĂ©aur et Jean-Yves Grenier (s/dir.), La dette publique dans l'histoire, 2006, p. 7.
  44. Michael Mann, ibid.
  45. Jean-Yves Granier, « Introduction. Dette d'État, dette publique. », op. cit., La dette publique dans l'histoire, p. 4.
  46. B. Mitchell et P. Dean, Abstract of British Historical Statistics, Cambridge University Press, 1962, p. 396.
  47. Luciano Pezzolo, « "Bonds and Government Debts in Italian City States, 1250-1650" », op.cit., p. 147.
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  77. Indicateurs globaux de l'agence de la dette
  78. l'évolution de la dette sur le site du programme de stabilité
  79. définition de la dette
  80. par l'assemblĂ©e nationale française, par l’État français, par des libĂ©raux,

  81. Voir graphique p.69 du Rapport prĂ©paratoire au dĂ©bat dÊŒorientation budgĂ©taire français 2008, et les chiffres dĂ©taillĂ©s, MinistĂšre des finances canadien. L'annĂ©e budgĂ©taire au Canada va du 1er avril au 31 mars de l'annĂ©e suivante. Les chiffres officiels sont ceux de fin d'exercice, c'est-Ă -dire au 31 mars de l'annĂ©e indiquĂ©e. Ils sont en dollars canadiens.
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Voir aussi

Bibliographie

  • AndrĂ© Grjebine La dette publique et comment s'en dĂ©barrasser ?, PUF, janvier 2015
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  • Laurent Braquet, Comprendre la dette publique, Breal, juillet 2012
  • Jacques Attali, Tous ruinĂ©s dans dix ans ? Dette publique : la derniĂšre chance, Fayard, mai 2010
  • Michel PĂ©bereau, Rompre avec la facilitĂ© de la dette publique, La documentation française, janvier 2006
  • Jean AndrĂ©au, GĂ©rard BĂ©aur et Jean-Yves Grenier, La dette publique dans l'histoire, ComitĂ© pour l'histoire Ă©conomique et financiĂšre de la France, coll. « XIXe et XXe siĂšcles », 2006

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