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FORJA

La Force d’orientation radicale de la jeune Argentine (en espagnol Fuerza de OrientaciĂłn Radical de la Joven Argentina), mieux connue sous son acronyme FORJA, Ă©tait un groupement politique argentin fondĂ© en , dont les principales figures de proue Ă©taient l’essayiste et homme politique Arturo Jauretche et l’ingĂ©nieur et penseur RaĂșl Scalabrini Ortiz.

Sceau du mouvement FORJA.

AdossĂ©e Ă  l’Union civique radicale (UCR), mais peu tournĂ©e toutefois vers l’action politique Ă  proprement parler, la FORJA se prĂ©senta plutĂŽt comme un cercle d’intellectuels, une cellule de rĂ©flexion, dĂ©ployant une activitĂ© d’enquĂȘte et d’étude, dont elle diffusa les rĂ©sultats par voie de brochures, de confĂ©rences-dĂ©bats, d’essais, etc., mais aussi d’affiches et de dĂ©monstrations de rue. Sous la devise « Nous sommes une Argentine coloniale, nous voulons ĂȘtre une Argentine libre », la FORJA prĂŽnait un nationalisme Ă©conomique, en dĂ©nonçant la mainmise Ă©trangĂšre, surtout britannique, sur l’économie argentine. Ses critiques ciblaient durement les gouvernements successifs de la Concordancia, parti de droite conservatrice qui tenait alors les rĂȘnes du pouvoir, que la FORJA accusait de corruption, d’autoritarisme et d’infĂ©odation aux capitaux Ă©trangers. Le mouvement dĂ©cida son auto-dissolution aprĂšs que la convocation d’élections (honnĂȘtes) eut Ă©tĂ© annoncĂ©e en . Ses idĂ©es irrigueront durablement le champ intellectuel en Argentine, Ă  telle enseigne que certaines formations politiques se rĂ©clament aujourd’hui encore (2017) de son hĂ©ritage.

Histoire

Affiche de la FORJA contre le gouvernement de la Concordancia.

La FORJA ― acronyme qui est aussi un nom commun en espagnol, signifiant forge ― fut fondĂ©e en 1935, deux ans aprĂšs la mort d’HipĂłlito Yrigoyen, au moment oĂč l’Union civique radicale (UCR) dĂ©cidait de renoncer Ă  l’attitude d’abstention Ă©lectorale que ce parti avait adoptĂ©e en 1931 en opposition au systĂšme institutionnalisĂ© de scrutins frauduleux. La raison d’ĂȘtre de la FORJA Ă©tait d’incarner et de promouvoir une position politique yrigoyĂ©niste, c’est-Ă -dire une attitude critique dure vis-Ă -vis des diffĂ©rents gouvernements qui, Ă  la suite du coup d’État du 6 septembre 1930, exercĂšrent le pouvoir sous la banniĂšre de la coalition de droite conservatrice Concordancia, gouvernements qui, Ă  commencer par celui de facto de JosĂ© FĂ©lix Uriburu, forment ensemble la pĂ©riode que l’on viendra Ă  appeler la DĂ©cennie infĂąme.

Sous la direction initiale de Juan Bautista Fleitas et de Manuel Ortiz Pereyra, la FORJA comptait, parmi ses associĂ©s fondateurs, les noms d’Arturo Jauretche, d’Homero Manzi, d’Oscar et de Guillermo Meana, de Luis Dellepiane, de Gabriel del Mazo, d’Atilio GarcĂ­a Mellid, de Jorge del RĂ­o et de DarĂ­o Alessandro (pĂšre). RaĂșl Scalabrini Ortiz, proche du groupe et inspirateur de ses idĂ©es, n’en faisait par partie organiquement, attendu que pour y adhĂ©rer l’affiliation Ă  l’UCR Ă©tait requise.

La FORJA n’aura qu’une faible incidence sur la vie de parti de l’UCR, et son activitĂ© consistera fondamentalement Ă  rĂ©aliser des enquĂȘtes et des Ă©tudes politico-sociales, rendues publiques ensuite par le biais de cahiers (cuadernos) ou lors de confĂ©rences et de dĂ©bats organisĂ©s dans son cĂ©lĂšbre souterrain sis au no 1725 de la rue Lavalle Ă  Buenos Aires, ou encore par des dĂ©monstrations de rue.

Vers 1940, la fraction dirigĂ©e par Dellepiane et Del Mazo nĂ©gocia sa rĂ©integration Ă  la direction nationale de l’UCR, et quitta le mouvement. Bien que cette dĂ©fection favorisĂąt la ligne la plus dure ― que reprĂ©sentait Scalabrini Ortiz, autorisĂ© Ă  prĂ©sent Ă  se rallier formellement au groupe aprĂšs que l’obligation d’adhĂ©sion Ă  l’UCR eut Ă©tĂ© supprimĂ©e — et qu’elle plaçùt Jauretche Ă  la tĂȘte de la FORJA, elle eut dans le mĂȘme temps pour effet d’affaiblir les fondements du groupe. En 1943, Scalabrini Ortiz s’en Ă©loigna Ă  son tour.

Face au coup d’État militaire de 1943, qui renversa le gouvernement frauduleux de RamĂłn Castillo, la FORJA publia un document oĂč elle Ă©nonçait : « Le renversement du rĂ©gime constitue la premiĂšre Ă©tape de toute politique de reconstruction de la nationalitĂ© et d’expression authentique de la souverainetĂ© ». Au lendemain de l’appel Ă  la tenue d’élections lancĂ© en , la FORJA annonça que ses objectifs avaient Ă©tĂ© atteints et qu’elle dĂ©cidait de se dissoudre. Quelques-uns de ses membres menĂšrent campagne pour la candidature de PerĂłn, tandis que d’autres — comme p.ex. Manzi[1] — s’engageront aux cĂŽtĂ©s de Tamborini.

Idéologie

Affiche de la FORJA dĂ©nonçant la corruption des dirigeants politiques, leur trahison de la dĂ©mocratie, la mainmise Ă©trangĂšre sur l’économie, et le chaos social.

La FORJA dĂ©veloppa un ensemble de propositions fortement nationalistes, axĂ©es sur la dĂ©nonciation et la mise en Ă©chec des visĂ©es nĂ©ocolonialistes dont l’Argentine serait l’objet. Propageant le mot d’ordre « Nous sommes une Argentine coloniale, nous voulons ĂȘtre une Argentine libre », la FORJA s’attachait Ă  porter au jour et Ă  analyser les mĂ©canismes Ă©conomiques dudit nĂ©ocolonialisme, fustigeant les actions illĂ©gitimes des entreprises et des capitaux Ă©trangers qui tendaient Ă  monopoliser les secteurs clef de l’économie du pays.

Dans ses travaux de recherche, la FORJA examinait les mesures politiques et Ă©conomiques prises par les gouvernements de la Concordancia, telles que p.ex. : l’accord commercial anglo-argentin dit traitĂ© Roca-Runciman ; la crĂ©ation de la Banque centrale qui, selon le groupe, avait pour but de mettre le systĂšme monĂ©taire et financier argentin sous la houlette d’hommes liĂ©s aux intĂ©rĂȘts Ă©conomiques britanniques ; la mise en place de la Corporation des transports de la ville de Buenos Aires destinĂ©e Ă  garantir aux compagnies ferroviaires britanniques une position Ă  l’abri de la concurrence ; la rupture des relations avec l’Union soviĂ©tique, dĂ©cision critiquĂ©e par la FORJA, car susceptible de priver le pays d’un important dĂ©bouchĂ© pour ses produits agricoles, etc. L’un des principes inconditionnels de la FORJA Ă©tait son appui Ă  la neutralitĂ© de l’Argentine dans la DeuxiĂšme Guerre mondiale.

Dans le domaine de la politique intĂ©rieure, la FORJA blĂąmait le gouvernement d’AgustĂ­n Pedro Justo de recourir Ă  la procĂ©dure de l’intervention fĂ©dĂ©rale contre les provinces (c’est-Ă -dire leur mise sous tutelle directe du pouvoir central) dĂšs que des partis opposĂ©s au pouvoir en place emportaient une Ă©lection, et le rendait responsable de la dĂ©tĂ©rioration de l’emploi et des salaires.

La FORJA dĂ©signa par « statut colonial » (estatuto del Coloniaje) l’ensemble des mesures Ă©conomiques, politiques et sociales, tant nationales qu’internationales, que dĂ©cidaient les gouvernements de la Concordancia.

La FORJA mit au point une mĂ©thodologie socio-Ă©conomique d’analyse politique, qui devait ouvrir la voie peu d’annĂ©es plus tard Ă  l’apparition dans toute l’AmĂ©rique latine de la thĂ©orie de la dĂ©pendance. Si l’impact de la FORJA sur l’activitĂ© politique directe fut mineure, elle exerça une influence dĂ©terminante sur la culture politique argentine des dĂ©cennies suivantes.

Rémanence des idées forjistes

En 2007, un ensemble de personnalitĂ©s issues du radicalisme ou d’autres partis, et qui appuyaient la politique de concertation lancĂ©e par l’ancien prĂ©sident NĂ©stor Kirchner, dĂ©cidĂšrent de se regrouper pour former leur propre espace politique, en dehors de la l’Union civique radicale, en mettant sur pied le Partido de la ConcertaciĂłn, avec reprĂ©sentation dans la plupart des provinces d’Argentine et dans la capitale fĂ©dĂ©rale. Affirmant que l’objectif poursuivi par le groupement Ă©tait semblable aux idĂ©es forgĂ©es autrefois par le mouvement d’origine radicale FORJA, il fut dĂ©cidĂ© en 2010 de refondre le parti, et d’ajouter Ă  son nom le sigle FORJA, pour ainsi se prĂ©senter aux Ă©lecteurs sous la dĂ©nomination de Partido de la ConcertaciĂłn – FORJA[2].

Plus rĂ©cemment, le , dans le cadre d’une convention nationale du Radicalismo K au centre de congrĂšs Costa Salguero, le Movimiento Nacional Alfonsinista, emmenĂ© par Leopoldo Moreau, et ConcertaciĂłn Forja, avec Ă  sa tĂȘte Gustavo Fernando LĂłpez, dĂ©cidĂšrent d’unifier leurs forces et leurs structures militantes pour crĂ©er un nouvel acteur politique, le Partido MNA-Forja. Lors de ce mĂȘme congrĂšs, il fut dĂ©cidĂ© de soutenir les candidatures de Daniel Scioli et de Carlos Zannini, respectivement Ă  la prĂ©sidence et la vice-prĂ©sidence, qui concouraient en binĂŽme sous la banniĂšre du Front pour la victoire[3] - [4].

MNA-FORJA joue (2017) un rĂŽle important dans la politique kirchnĂ©riste d’opposition, et ses personnalitĂ©s apparaissent dans les rassemblements du Frente para la Victoria. En , le parti organisa une rĂ©union publique Ă  l’occasion du centenaire du premier gouvernement d’Yrigoyen en prĂ©sence de l’ancienne prĂ©sidente Cristina FernĂĄndez de Kirchner[5].

D’autre part, l’association politique La Baldrich se rĂ©clame des idĂ©es forjistes[6]. Dans la ville de Rosario existe une AgrupaciĂłn Forja, organisation Ă©tudiante de l’universitĂ© nationale de Rosario.

Bibliographie

  • Arturo MartĂ­n Jauretche, FORJA y la DĂ©cada infame, A. Peña Lillo Editor, (ISBN 978-950-517-009-8)
  • Arturo M. Jauretche, PolĂ­tica nacional y revisionismo histĂłrico, A. Peña Lillo Editor, (ISBN 978-950-517-007-4)
  • Juan JosĂ© HernĂĄndez Arregui, La FormaciĂłn de la Conciencia Nacional, Peña Lillo, coll. « Biblioteca del Pensamiento Nacional », 2011, 2e Ă©dition (ISBN 978-950-754-130-8)
  • Miguel Ángel Scenna, FORJA, una aventura argentina (de Yrigoyen a PerĂłn), Buenos Aires, De Belgrano, (OCLC 10379087)

Notes et références

  1. Horacio Salas, Homero Manzi y su tiempo, Buenos Aires 2001, Javier Vergara editor, p. 249. (ISBN 950-15-2244-X)
  2. Le parti de la Concertation Forja a été lancé
  3. « Nace el Movimiento Nacional Alfonsinista-Forja, de LĂłpez y Moreau », Diario Popular,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  4. Laura Cortes, « Encuentro nacional del Partido MNA FORJA », Infobaires, (consulté le )
  5. « La continuidad de un proyecto », PĂĄgina 12,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. AgrupaciĂłn La Baldrich
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