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Manuel Alberti

Manuel MĂĄximiliano Alberti (Buenos Aires, 1763 – id., 1811) Ă©tait un prĂȘtre catholique originaire de Buenos Aires, ville appartenant alors Ă  la Vice-royautĂ© du RĂ­o de la Plata. Il dĂ©tenait une cure Ă  Maldonado, dans l’actuel Uruguay, lorsque survinrent les offensives anglaises contre le RĂ­o de la Plata, et retourna dans sa ville natale Ă  temps pour prendre part Ă  la rĂ©volution de Mai de 1810. Il fut choisi comme un des sept membres de la PremiĂšre Junte, que l’on considĂšre ĂȘtre le premier gouvernement national autonome de l’Argentine. Il appuya la plupart des propositions du secrĂ©taire Ă  la guerre Mariano Moreno et collabora Ă  la Gazeta de Buenos Ayres, journal officiel de la jeune rĂ©publique. Les vives dissensions internes au sein de la Junte ne furent sans doute pas Ă©trangĂšres Ă  sa mort prĂ©maturĂ©e, consĂ©cutive Ă  une crise cardiaque, Ă  l’ñge de 47 ans.

Biographie

Époque coloniale

Copie de l'acte de baptĂȘme de Manuel Alberti, conservĂ© Ă  la paroisse Inmaculada ConcepciĂłn de Buenos Aires.

Manuel Alberti naquit et fut baptisĂ© dans la paroisse de ConcepciĂłn Ă  Buenos Aires, et grandit dans une fratrie de sept enfants. La famille Alberti se fit le bienfaiteur de la Maison des Ɠuvres spirituelles de Buenos Aires (en esp. Casa de Ejercicios de Buenos Aires) par la donation d’un terrain, afin que cette institution pĂ»t y transfĂ©rer son siĂšge[1].

Il acheva la premiĂšre partie de ses Ă©tudes secondaires au CollĂšge Royal Saint-Charles en , obtenant le brevet de philosophie, logique, physique et mĂ©taphysique. Camarade de classe de HipĂłlito Vieytes, il termina ses Ă©tudes secondaires en . L’annĂ©e suivante, il se transporta vers CĂłrdoba, pour y poursuivre des Ă©tudes de thĂ©ologie Ă  l’universitĂ© nationale de CĂłrdoba. MalgrĂ© un bref retour Ă  Buenos Aires au cours de sa seconde annĂ©e, pour raisons de santĂ©, il rĂ©ussit Ă  terminer le cursus, et aprĂšs avoir obtenu son doctorat en thĂ©ologie et physique en , se vit remettre son titre dans l’église de la Compagnie de JĂ©sus (Iglesia de la Compañia de JesĂșs), dans l’ülot jĂ©suitique de CĂłrdoba, oĂč se trouve Ă©galement l’universitĂ©[2].

Il fut consacrĂ© prĂȘtre dans les premiers mois de 1786, et fut nommĂ© curĂ© de la paroisse de ConcepciĂłn Ă  Buenos Aires, oĂč il avait Ă©tĂ© baptisĂ©, et y travailla pendant trois ans, tout en Ɠuvrant aussi Ă  la Casa de Ejercicios, dont il devint le directeur. Selon l’avis de ses supĂ©rieurs, il se distinguait par ses hautes qualitĂ©s d’homme d’église « amĂšne, dĂ©sintĂ©ressĂ©, caritatif ». En , il fut nommĂ© curĂ© et vicaire par intĂ©rim du partido de Magdalena, mais dut dĂ©missionner une annĂ©e plus tard pour cause de problĂšmes de santĂ©. Il revint en 1793, mais dĂ©missionna dĂ©finitivement en . En dĂ©pit d’une supplique des habitants de la paroisse de ConcepciĂłn en faveur d’Alberti, dont ils avaient pu apprĂ©cier la bontĂ© de son traitement, le zĂšle de son apostolat, et sa charitĂ© avec les pauvres, il fut nommĂ© en curĂ© de San Fernando de Maldonado, dans la Bande Orientale (c'est-Ă -dire grosso modo l’actuel Uruguay). Les donnĂ©es historiques dont nous disposons sur les activitĂ©s d’Alberti dans ses cures successives restent toutefois peu abondantes[3].

La Bande Orientale, et avec elle la paroisse de Maldonado, tombĂšrent pour une brĂšve pĂ©riode en 1806 sous domination britannique lors des offensives anglaises du RĂ­o de la Plata. Des pillages ayant lieu aprĂšs qu’eut Ă©chouĂ© la rĂ©sistance contre les Anglais, Alberti dut cacher les objets de valeur vis-Ă -vis de cette paroisse non encore achevĂ©e de construire. DĂ©fiant les autoritĂ©s d’occupation, Alberti apportait de l’aide mĂ©dicale aux soldats espagnols, cĂ©lĂ©brait des obsĂšques catholiques pour les dĂ©cĂ©dĂ©s, et transmettait aux forces espagnoles des renseignements sur les troupes anglaises stationnĂ©es dans la ville[4], en consĂ©quence de quoi il fut emprisonnĂ©. Le britannique John James Backhouse cependant le remit en libertĂ© pour qu’il assurĂąt de nouveau la pratique religieuse (les envahisseurs au demeurant n’avaient aucun soin d’imposer le protestantisme Ă  la population), mais cette fois sous escorte militaire[5]. Les Anglais furent finalement battus par Jacques de Liniers et expulsĂ©s de la vice-royautĂ©.

PremiĂšre Junte

Il revint Ă  Buenos Aires en 1808, oĂč il se vit confier la paroisse de San Benito de Palermo. Celle-ci Ă©tait censĂ©e constituer une nouvelle entitĂ© dĂ©tachĂ©e de la paroisse de San NicolĂĄs de Bari, mais ce remembrement n’ayant jamais Ă©tĂ© mis en Ɠuvre, Alberti eut donc Ă  s’occuper Ă  la fois de l’une et de l’autre[5]. Dans le mĂȘme temps, il s’engagea en politique, rejoignant les groupes autour de Miguel de AzcuĂ©naga et de NicolĂĄs RodrĂ­guez Peña, qui cherchaient Ă  provoquer de profonds changements politiques et sociaux, et dont l’activitĂ© devait finalement amener la rĂ©volution de Mai. Alberti, au mĂȘme titre que 27 autres ecclĂ©siastiques, fut choisi pour prendre part au cabildo ouvert fixĂ© au afin de dĂ©cider du sort du vice-roi Baltasar Hidalgo de Cisneros. Il fut, en soutenant la proposition de Cornelio Saavedra, parmi les dix-neuf qui votĂšrent en faveur de l’évincement du vice-roi[5]. Il appuya Ă©galement Juan Nepomuceno SolĂĄ et RamĂłn Vieytes, qui proposaient la convocation de dĂ©putĂ©s des autres villes de la vice-royautĂ©[6].

Lithographie représentant les membres de la PremiÚre Junte (Alberti est le troisiÚme de haut en bas à gauche).

Son frĂšre, Manuel Silvestre Alberti, signa la pĂ©tition populaire, rĂ©digĂ©e le , en faveur d’une liste de personnalitĂ©s devant composer le futur comitĂ© de gouvernement appelĂ© Ă  remplacer Cisneros au pouvoir[7]. Ce mĂȘme jour, Alberti se porta au domicile de Manuel AzcuĂ©naga et, de cet endroit, en compagnie de nombreux autres patriotes qui s’y trouvaient rĂ©unis, observa les Ă©vĂ©nements se dĂ©roulant alors sur la Plaza de la Victoria (actuelle place de Mai) ; c’est aussi lĂ  qu’il se tenait lorsque lui parvint la nouvelle qu’il avait Ă©tĂ© choisi membre de la nouvelle junte de gouvernement[7]. Les raisons pour lesquelles Alberti fut retenu ne sont pas claires, ce qui vaut au demeurant pour tous les membres de la Junte. Une thĂ©orie gĂ©nĂ©ralement admise tient qu’il s’était agi de prĂ©server un certain Ă©quilibre entre charlottistes et alzaguistes[8], et il se peut qu’Alberti en particulier ait pu ĂȘtre choisi pour faire office de chapelain du gouvernement[9].

Au sein de la Junte, Alberti s’aligna sur la plupart des propositions rĂ©formistes de Mariano Moreno, ainsi que Juan Larrea et Juan JosĂ© Castelli[10]. Il cosigna la plupart des rĂšglements propres Ă  donner corps au nouveau rĂ©gime politique, tels que ceux relatifs Ă  la souverainetĂ© populaire, aux principes rĂ©publicains de reprĂ©sentativitĂ©, de sĂ©paration des pouvoirs, de publicitĂ© des actes de gouvernement, de libertĂ© d’expression, et ceux jetant les bases d’un fĂ©dĂ©ralisme politique. En revanche, il refusa d’appuyer, sans Ă©gard au contexte, les actions de la Junte qui allaient Ă  l’encontre de sa formation religieuse[11]. Ainsi refusa-t-il de signer la sentence de mort contre Jacques de Liniers, capturĂ© suite Ă  l’échec de la contre-rĂ©volution dont il avait pris la tĂȘte. S’il plaça certes sa signature sous les ordres durs donnĂ©s Ă  Castelli en vue de la premiĂšre des campagnes dans le Haut-PĂ©rou que celui-ci devait commander, ce fut moyennant la prĂ©cision, consignĂ©e auprĂšs de sa signature, qu’il exceptait de son approbation les articles prescrivant la peine capitale[12]. Il Ă©tait rĂ©ticent quant au rĂŽle de l’Église dans la nouvelle configuration politique et poursuivit, sur ce chapitre, une polĂ©mique avec le Cabildo de Buenos Aires ; voulant prĂ©venir les anciens abus des gouvernements absolutistes, il soutenait que le Cabildo n’était habilitĂ© Ă  exercer aucune autoritĂ© sur la Junte en matiĂšre ecclĂ©siastique[13]. Manuel Alberti eut Ă©galement une activitĂ© journalistique, par son travail Ă  la Gazeta de Buenos Ayres, journal officiel fondĂ© par la Junte. La tĂąche d’Alberti consistait, aux termes du rĂšglement prĂ©sidant Ă  la crĂ©ation de ce journal, Ă  sĂ©lectionner les nouvelles destinĂ©es Ă  la publication. Cette tĂąche Ă©tait l’attribution exclusive d’Alberti, sans qu’il eĂ»t Ă  en rĂ©fĂ©rer Ă  aucun des autres membres de la Junte. Certains historiens estiment que le vĂ©ritable auteur des Ă©ditoriaux du journal Ă©tait Alberti, et non Mariano Moreno, d’ordinaire citĂ© comme leur auteur, compte tenu qu’ils n’étaient pas signĂ©s et que leur style d’écriture est assez dissemblable Ă  celui des autres Ă©crits de ce dernier[14].

L’arrivĂ©e du doyen Gregorio Funes, dĂ©putĂ© de CĂłrdoba, douĂ© d’idĂ©es apparentĂ©es Ă  celles du prĂ©sident de la Junte Cornelio Saavedra, fut Ă  l’origine du premier dĂ©saccord entre Alberti et Moreno. Ce dernier, engagĂ© dans un conflit interne contre Saavedra, escompta qu’Alberti Ă©crivĂźt contre Funes ; il n’en fut rien, et Moreno s’exprima avec ĂąpretĂ© Ă  ce sujet[15]. La distance entre Moreno et Alberti devait se creuser davantage encore au moment oĂč la Junte vota en faveur de l’incorporation en son sein des dĂ©putĂ©s envoyĂ©s par les autres villes du territoire. Si tout d’abord, les deux hommes s’opposĂšrent conjointement Ă  cette proposition d’élargissement de l’exĂ©cutif, Alberti finit cependant par voter pour[7], dĂ©clarant qu’il s’y rĂ©signait pour des motifs de convenance politique. Ainsi la PremiĂšre Junte se mua-t-elle en la Grande Junte. Mariano Moreno, relĂ©guĂ© dorĂ©navant dans une faction minoritaire, remit bientĂŽt sa dĂ©mission[15].

L’inclusion des nouveaux dĂ©putĂ©s ne fit qu’exacerber les dissensions au sein de la Junte. Alberti s’opposait Ă  Saavedra et Funes, quoique d’une façon plus modĂ©rĂ©e que Moreno. Ces tensions mirent sa santĂ© Ă  rude Ă©preuve, et il eut une lĂ©gĂšre attaque cardiaque le [16]. Craignant alors pour sa vie, il rĂ©digea ses derniĂšres volontĂ©s et se fit administrer l’extrĂȘme-onction. Trois jours aprĂšs, s'en retournant chez lui Ă  la suite d’un vif dĂ©saccord avec Funes, il fut frappĂ© d’une nouvelle crise cardiaque et succomba. Il fut inhumĂ© au cimetiĂšre de San NicolĂĄs de Bari, Ă  Buenos Aires, selon ses vƓux[16]. Le certificat de dĂ©cĂšs porte qu’il fut privĂ© des derniers rites, en raison de ce que sa mort inopinĂ©e n’en avait point laissĂ© le temps[16]. Alberti Ă©tait le premier membre de la PremiĂšre Junte Ă  dĂ©cĂ©der[17].

Hommages

Statue de Manuel Alberti Ă  Barrancas de Belgrano.

Tous les membres de la Grande Junte assistĂšrent aux obsĂšques d’Alberti, y compris son ennemi politique Gregorio Funes. Domingo Matheu Ă©tait le plus affectĂ© par sa mort, au point de verser des larmes. Alberti fut remplacĂ© au sein de la Junte par NicolĂĄs RodrĂ­guez Peña, morĂ©niste dĂ©terminĂ©. Saavedra et Funes ne l’aimaient guĂšre, mais eu Ă©gard Ă  la commotion sociale produite par la mort d’Alberti, ils se gardĂšrent de faire opposition Ă  sa nomination[16].

Dans ses derniĂšres volontĂ©s, Alberti avait demandĂ© d’éviter des funĂ©railles fastueuses et dĂ©signĂ© ses frĂšre et sƓurs pour hĂ©ritiers de ses biens (maison, ferme, mobilier, eslaves, vĂȘtements, bibliothĂšque etc.). Ses carnets personnels sont parvenus jusqu’à nous, mĂȘme si une partie en a Ă©tĂ© perdue par suite de mauvaises conditions de conservation. Son Ɠuvre Ă©crite, qui comprend de nombreux ouvrages de thĂ©ologie, des Ă©tudes sur la Bible et sur des thĂ©ologiens scholastiques, ainsi que des ouvrages de droit, est utilisĂ©e par les historiens pour dĂ©terminer ses influences et reconstituer son bagage idĂ©ologique. Les restes d’Alberti se perdirent lorsque la chapelle fut dĂ©molie pour permettre une expansion de l’avenue 9 de Julio[16].

Le gouvernement de Buenos Aires nomma une rue en son honneur en 1822. En 1910, Ă  l’occasion du centenaire de l’Argentine, une statue le reprĂ©sentant fut Ă©rigĂ©e dans le quartier Belgrano, faubourg nord de Buenos Aires. Son nom a Ă©galement Ă©tĂ© donnĂ© au district (partido) de Manuel Alberti, dans la province de Buenos Aires.

Références

Bibliographie

  • (es) Daniel Balmaceda, Historias de Corceles y de Acero, Buenos Aires, Editorial Sudamericana, (ISBN 978-950-07-3180-5)
  • (es) FĂ©lix Luna, La independencia argentina y americana, Buenos Aires, Planeta, (ISBN 950-49-1110-2)
  • (es) AcadĂ©mie nationale d’histoire de l’Argentine, RevoluciĂłn en el Plata : protagonistas de Mayo de 1810, Buenos Aires, Emece, , 568 p. (ISBN 978-950-04-3258-0)
  • (es) Juan Guillermo DurĂĄn, « PresbĂ­tero Manuel Maximiliano Alberti (1763-1811): pĂĄrroco de San NicolĂĄs de Bari y vocal de la Primera Junta : En el bicentenario de su muerte », Revista TeologĂ­a, Buenos Aires, UniversitĂ© catholique argentine (UCA), vol. XLVII, no 105,‎ (lire en ligne).

Liens externes

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