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Francisco de Paula Sanz

Francisco de Paula Sanz (Malaga, 1745 - Potosí, 1810) était un haut fonctionnaire espagnol qui exerça ses fonctions dans la vice-royauté du Río de la Plata à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siÚcle.

Francisco de Paula Sanz
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Nationalité
Sceau
signature de Francisco de Paula Sanz
Signature

D’abord affectĂ© Ă  Buenos Aires, comme directeur des douanes, puis comme gouverneur-intendant de Buenos Aires (auquel titre il fit prendre une sĂ©rie de mesures Ă  tendance progressiste), il remplit ensuite, Ă  partir de 1788, un mandat Ă  PotosĂ­, dans le Haut-PĂ©rou, oĂč il tenta, mais en vain, de redynamiser l’activitĂ© des mines d’argent de PotosĂ­, alors en rapide dĂ©clin, par une rĂ©organisation des structures d’exploitation et par l’introduction de techniques nouvelles.

Sa fidĂ©litĂ© au roi le porta Ă  s’opposer en 1809 aux mouvements indĂ©pendantistes surgis dans le Haut-PĂ©rou et Ă  apporter son concours Ă  leur rĂ©pression par les troupes royalistes, mais sans prendre part directement aux aspects les plus fĂ©roces de ladite rĂ©pression. NĂ©anmoins, aprĂšs qu’il eut Ă©galement refusĂ© en 1810 de faire allĂ©geance au nouveau gouvernement issu de la rĂ©volution de Mai, il fut apprĂ©hendĂ© par Castelli et les siens et condamnĂ© Ă  mort.

Biographie

Francisco de Paula Sanz y Espinosa de los Monteros MartĂ­nez y Soler[1] naquit, selon la plupart des auteurs, sur la foi du document Expediente de pruebas del caballero de la orden de Carlos III, en Espagne, plus prĂ©cisĂ©ment dans la ville de Malaga, et fut baptisĂ© le dans la paroisse des Saints-Martyrs de cette mĂȘme ville[2].

Dans le document d’enquĂȘte susmentionnĂ©, il est indiquĂ© qu’il Ă©tait fils de JosĂ© Sanz, lui-mĂȘme fils de Lorenzo Sanz et Josefa MartĂ­nez, originaire d'Orihuela, et de MarĂ­a Manuela Espinosa de los Monteros, fille de TomĂĄs Espinosa de los Monteros et de MarĂ­a Manuela Soler, originaire d’Alicante, quoiqu’une bonne partie de la bibliographie le signale comme le fils naturel de Charles III d'Espagne et d’une princesse napolitaine.

Le , Sanz fut nommé directeur de la Renta del Tabaco, office de taxation du tabac, da la Vice-royauté du Río de la Plata, sur décision de son protecteur José de Gålvez, ministre des Indes.

Directeur de la Renta del Tabaco (1777-1783)

Le furent rĂ©digĂ©es dans le palais du Pardo les instructions gĂ©nĂ©rales et particuliĂšres de la mission de Sanz, comprenant des indications relatives Ă  la mise en place d'offices du tabac lĂ  oĂč ils avaient jusque-lĂ  fait dĂ©faut, et Ă  la gestion de ceux dĂ©jĂ  existants, ainsi que des rĂ©fĂ©rences Ă  la rĂ©glementation qu’il aurait Ă  observer dans les provinces amĂ©ricaines.

En , l’expĂ©dition appelĂ©e del tabaco, consistant en les deux frĂ©gates Carmen et Aurora, appareilla du port de Cadix Ă  destination de la ville de Buenos Aires, avec escale Ă  Montevideo. Sanz y cĂŽtoya entre autres l’officier contrĂŽleur des comptes Antonio MarĂ­n, le FidĂšle Interventeur de l’administration de Buenos Aires, Rufino de CĂĄrdenas, l’administrateur de Montevideo JosĂ© Álvarez de Toledo, tous en compagnie de leurs familles.

AprÚs avoir pris connaissance de la situation dans la capitale du Río de la Plata, il entreprit le 21 janvier 1779 un premier voyage dans les provinces du Litoral, visitant toutes les localités de quelque importance dans les provinces de Santa Fe (Rosario, Coronda, la ville de Santa Fe), rejoignant ensuite Bajada del Paranå, Corrientes, Asuncion et les villages des Missions, pour enfin regagner Buenos Aires, six mois aprÚs son départ.

Peu de temps plus tard, le , accompagnĂ© des secrĂ©taires Diego Siochan y Mayorga et Francisco de Paula Saubidet, et escortĂ© de quatre soldats et d’un chef de dragons, il entama une deuxiĂšme tournĂ©e, qui l’emmena dans les provinces qui lui restaient encore Ă  parcourir. En un an et demi, il visita CĂłrdoba, Santiago del Estero, TucumĂĄn, Catamarca, les provinces de La Rioja et de Mendoza, franchit la cordillĂšre des Andes et visita Santiago du Chili, ValparaĂ­so et Arica, se rendant ensuite dans les provinces du Haut-PĂ©rou et Ă  Santa Cruz de la Sierra, puis, aprĂšs un nouveau passage par CĂłrdoba, fut de retour Ă  Buenos Aires le . Par le moyen de ces voyages, il acquit une connaissance directe des provinces du RĂ­o de la Plata que fort peu d’agents de la Couronne possĂ©daient[3].

Son travail efficace Ă  la direction de la Renta del Tabaco lui valut le , plus par son mĂ©rite propre que par influence, la distinction de Chevalier surnumĂ©raire de l’Ordre royal de Charles III.

Gouverneur-intendant de Buenos Aires (1783-1788)

Le , Francisco de Paula Sanz prĂȘta serment comme Intendant de l’ArmĂ©e et des Finances royales de la Vice-royautĂ©, et le de la mĂȘme annĂ©e fut reconnu par le Cabildo de Buenos Aires surintendant ou gouverneur-intendant de Buenos Aires.

Il eut d’excellents rapports avec le vice-roi Juan JosĂ© de VĂ©rtiz y Salcedo, et les mesures progressistes communĂ©ment attribuĂ©es Ă  celui-ci furent pour une bonne part conçues, impulsĂ©es et mises en Ɠuvre par Sanz. Tant le pavage des rues et le nivellement de la Plaza Mayor, que la rĂ©glementation des façades des maisons, l’éclairage public, l’assainissement des bas-fonds de la ville, l’amĂ©lioration de l’approvisionnement en eau potable et en vivres, entre autres problĂšmes urbains, furent pour Sanz sujets d’étude et objets d’amĂ©lioration, il est vrai avec le plein appui du vice-roi. C’est lui Ă©galement qui fit en sorte que les douanes de Buenos Aires pussent bĂ©nĂ©ficier d’un Ă©difice appropriĂ© Ă  leur fonction et qui fut Ă  l’origine de la crĂ©ation du Consulat de commerce de Buenos Aires.

En 1784, Ă  la suite de la demande faite par le roi d’un rapport sur l’état des rĂ©ductions de guaranĂ­s, Sanz requit auprĂšs du gouvernorat des Missions guaranĂ­s tous Ă©lĂ©ments utiles pour Ă©tablir le rapport sollicitĂ©, qu’il fit parvenir Ă  Charles III dĂšs cette mĂȘme annĂ©e. Faisant preuve de zĂšle, il ordonna et adjoignit Ă  son rapport un recensement complet des biens des villages guaranĂ­s, ainsi qu’une carte des sites et de leur juridiction.

En mars 1784, NicolĂĄs del Campo y RodrĂ­guez de Salamanca, marquis de Loreto, accĂ©da Ă  la fonction de vice-roi. L’activitĂ© de Sanz put se poursuivre, mais les rapports avec le nouveau gouvernant furent conflictuels.

Le 17 septembre 1785, il rĂ©digea le Reglamento Interno que ha de observarse por la ciudad de Buenos Ayres y la Junta Municipal de Propios y Arbitrios de ella, en el gobierno y administraciĂłn de estos ramos y en el pago de los salarios y gastos que ha de satisfacer de sus caudales ('RĂšglement interne qui devra ĂȘtre observĂ© par la ville de Buenos Ayres et par le Commission municipale des PropriĂ©tes et ImpĂŽts de celle-ci, lors de la gestion et de l’administration de ces branches et lors du paiement des salaires et dĂ©penses dont elle devra s’acquitter au moyen des revenus qu’elle en tire'), lequel lui valut une apprĂ©ciation favorable de la part du Procureur de la Real Audiencia.

Sanz stimula la pĂȘche sur les cĂŽtes patagoniennes (baleine, morue et sardine), et ce fut sur la base de ses rapports favorables que le vice-roi Loreto octroya les permis correspondants.

En 1787, il eut un diffĂ©rend avec le cabildo de Buenos Aires Ă  propos de la durĂ©e du mandat de l’alcade de premier vote, que Sanz estimait ĂȘtre, conformĂ©ment Ă  l’Ordonnance royale sur les Intendances, de deux ans au lieu de un. Le Cabildo, avec l’appui de la Real Audiencia et du vice-roi, obtint finalement la concession royale prĂ©voyant dĂ©sormais des mandats de un an pour une fonction que le Cabildo jugeait extrĂȘmement lourde.

En 1788, le roi Charles IV d'Espagne monta sur le trĂŽne. Les nouvelles autoritĂ©s disposĂšrent que la charge de surintendant gĂ©nĂ©ral de l’intendance de Buenos Aires fĂ»t dĂ©sormais exercĂ©e par le vice-roi, par suite de quoi Sanz dut abandonner le poste. Dans le Juicio de Residencia qui fit suite Ă  cette disposition et qui avait Ă©tĂ© pris par MartĂ­n JosĂ© de Asco y Arostegui, gouverneur Ă©lu de la province de HuarochirĂ­, aucune charge n’avait Ă©tĂ© prĂ©vue pour Sanz[4]. De 1784 Ă  1788, il occupa le poste de frĂšre majeur de la ConfrĂ©rie de la CharitĂ©.

Au cours de son mandat, Sanz s’était distinguĂ© par son sens pratique et ardeur progressiste, bien qu’il lui manquĂąt une plus grande libertĂ© d’action pour pouvoir agir selon sa vocation entreprenante[5], en particulier sous le mandat du marquis de Loreto. Cependant, ce fut en accord avec Loreto qu’il avait vigoureusement dĂ©fendu la salaison et exportation de viande bovine et qu’il stimula l’industrie pelletiĂšre dans la province de Salta[3]. En ce qui concerne la rĂ©pression de la contrebande sur les rives du RĂ­o de la Plata, son action fut moins claire et on le suspectait de recevoir des « prĂȘts Â» de la part des intĂ©ressĂ©s pour financer son fastueux train de vie[6].

Gouverneur-intendant de PotosĂ­ (1788-1810)

Le Jugement de rĂ©sidence ayant Ă©tĂ© dissous sans difficultĂ©s, il fut nommĂ© cette mĂȘme annĂ©e 1788 gouverneur-intendant de PotosĂ­, en remplacement de Juan del Pino Manrique de Lara.

Si beaucoup ont soulignĂ© l’appui dĂ©cidĂ© qu’il apporta tout au long de son mandat aux Ɠuvres de charitĂ© et aux maisons de misĂ©ricorde, ainsi que les mesures qu’il prit pour favoriser l’activitĂ© des missions, c’est toutefois par la question miniĂšre et le travail de corvĂ©e des Indiens (mita) que sa longue pĂ©riode d’administration Ă  PotosĂ­ fut marquĂ©e plus particuliĂšrement.

Le travail indigĂšne

Le Cerro Rico, tel que dessiné vers 1715.

La production d’argent, principale ressource de la ville, avait atteint aux alentours de 1650 son niveau maximal. AprĂšs cette date, les gisements commencĂšrent Ă  s’épuiser, entraĂźnant une baisse lente et constante de la population de PotosĂ­ : en 1750, elle s’était rĂ©duite Ă  70 000 habitants, et en 1780, elle n’était plus que de 35 000.

Cependant, l’épuisement de quelques veines principales et l’inondation d’autres n’étaient pas les seules difficultĂ©s. Les entreprises miniĂšres potosines de l’époque, Ă  la diffĂ©rence des autres centres de production de l’Empire hispano-amĂ©ricain, se caractĂ©risait par une structure tripartite d'exploitation, qui comprenait, d’abord, les propriĂ©taires des ingenios (les infrastructures destinĂ©es Ă  transformer le minerai), ensuite les exploitants, et enfin les travailleurs, en gĂ©nĂ©ral soumis Ă  la mita, c'est-Ă -dire corvĂ©ables.

Tandis que d’un cĂŽtĂ© le nombre des ingenios existants se maintenait stable, de l’autre la demande pour leur exploitation augmentait constamment. De cette façon, les propriĂ©taires bĂ©nĂ©ficiaient d’une rente croissante et tendaient Ă  dĂ©courager toute innovation, alors que les exploitants pour leur part voyaient leur marge bĂ©nĂ©ficiaire s’amenuiser sans cesse, n’étaient guĂšre en mesure de rĂ©unir du capital pour amĂ©liorer leurs procĂ©dĂ©s techniques et, en eussent–ils Ă©tĂ© capables, n’auraient eu aucune certitude quant Ă  pouvoir maintenir l’exploitation sur la longue durĂ©e, voire Ă  moyen terme.

D’autre part, le mercure, dont il Ă©tait fait grande consommation, et qui constituait l’un des principaux intrants nĂ©cessaires Ă  sĂ©parer l’argent d’avec les matiĂšres terreuses, Ă©tait de disponibilitĂ© limitĂ©e, situation aggravĂ©e encore par les restrictions et par la spĂ©culation qui pesaient sur son commerce.

Au bout du compte donc, l’activitĂ© miniĂšre potosine s’appuyait sur l’exploitation du travail indigĂšne. Toutefois, le rĂ©servoir de main-d’Ɠuvre s’était continuellement rĂ©trĂ©ci dans le cours de ces annĂ©es, et Ă©tait, Ă  l’époque de Sanz, retombĂ© Ă  2 900 personnes, sur un nombre thĂ©orique de 4101 migrants, et ceux-lĂ  seuls se trouvaient disponibles pour les exploitants (encomenderos) traditionnels.

Sanz, avec l’aide d’exploitants miniers et du docteur Pedro Vicente Cañete, qui avait Ă©tĂ© conseiller du premier intendant de PotosĂ­, Ă©tudia la situation. L’objectif Ă©tait de dĂ©finir rapidement une politique tendant Ă  moderniser la structure miniĂšre potosine dans un sens plus favorable aux exploitants, Ă  rĂ©former et Ă  revitaliser le systĂšme de mita, et Ă  faire adopter des amĂ©liorations techniques.

Mettant Ă  profit l’arrivĂ©e Ă  Buenos Aires d’une mission technique emmenĂ©e par le savant allemand Taddeus von Nordenflicht, laquelle se proposait de se rendre au PĂ©rou, Sanz obtint qu’elle effectuĂąt le restant de son voyage par les terres et passĂąt ainsi par PotosĂ­. Sanz en effet se promettait de se faire conseiller par Nordenflicht, lequel arriva dans la ville en janvier 1789.

Les recommandations que firent alors Nordenflicht et son Ă©quipe portaient que, en plus des machines tamiseuses utilisĂ©es jusque-lĂ  dans les ateliers, il y eĂ»t Ă  installer des fourneaux pour calciner le minerai et des barriques tournantes dans lesquelles l’incorporation du mercure dans le minerai serait facilitĂ©e et accĂ©lĂ©rĂ©e par la chaleur. La mĂ©thode promettait d’augmenter le rendement de 200 %, de baisser la consommation de mercure de 7/8 et celle de sel de 50 %, et d’abrĂ©ger le temps de traitement de quatre semaines Ă  24 heures seulement.

Avec ces chiffres en main, Sanz obtint l’appui initial de la majoritĂ© des chefs amalgameurs pour le plan de rĂ©forme qu’il prĂ©senta en , et dont les points principaux prĂ©voyaient de modifier le taux imposĂ© par les propriĂ©taires aux exploitants en fixant une valeur maximale par rapport Ă  la valeur estimĂ©e de production ; d’obliger les propriĂ©taires Ă  donner la prioritĂ© Ă  l’exploitant antĂ©rieur et Ă  lui permettre de mettre en valeur pour de nouvelles pĂ©riodes leurs Ă©quipements afin de favoriser ainsi les programmes d’investissement ; de procĂ©der Ă  une nouvelle rĂ©partition de la mita par une augmentation significative de la migration annuelle de 4101 migrants thĂ©oriques (2900 rĂ©els) Ă  8000 (175 %) et par une redistribution des travailleurs forcĂ©s, qui autoriserait de les assigner Ă©galement aux mines ; d’engager le creusement de deux nouveaux puits par lesquels pourraient ĂȘtre drainĂ©es les veines inondĂ©es et qui ouvriraient la voie Ă  la mise en valeur de nouvelles veines encore inexploitĂ©es ; et, enfin, de promouvoir la gĂ©nĂ©ralisation de la mĂ©thode de Von Born (celle recommandĂ©e par Nordenflicht) avec l’appui financier de la Couronne.

Le programme de Sanz fut transposĂ© par Cañete en un long projet de loi, le code Carolino, lequel limitait la libertĂ© des propriĂ©taires de mine, plafonnant le taux qu’ils pouvaient dĂ©sormais exiger des exploitants, et prĂ©voyait une augmentation du nombre d’Indiens corvĂ©ables (mitayos) pour pouvoir les mettre Ă  disposition de davantage d’unitĂ©s de production.

Si le comité des exploitants miniers fut le principal soutien à ce projet de loi, les propriétaires de mines en revanche en furent les principaux opposants et dénoncÚrent auprÚs de la Couronne « le prurit de regarder avec prédilection les exploitants et les nouveaux détenteurs de mine qui ne bénéficient pas de la mita, au détriment des propriétaires anciens et méritants ».

Sanz cependant considĂ©rait qu’au bout du compte son modĂšle profiterait Ă©galement aux rentiers. À titre d’exemple, le site minier de Laguacayo rapportait en rentes Ă  ses propriĂ©taires, qui Ă©taient parmi les opposants les plus acharnĂ©s au nouveau Code minier, 6240 pesos annuels. L’application d’un taux de rente maximum de 9 % aurait pour effet de baisser cette somme Ă  4140, mais, comme ce taux s’appliquerait Ă  la valeur du site d’exploitation et que celle-ci Ă©tait en proportion directe des Indiens corvĂ©ables employĂ©s, la valeur du site augmenterait en mĂȘme temps qu’augmentait l’assignation de mita, par suite de quoi la rente, sous un taux de 9 %, grimperait Ă  un montant qu’il estimait Ă  7290 pesos, supĂ©rieur Ă  celui en cours.

Ce nonobstant, les propriĂ©taires n’eurent garde de se rendre Ă  ces arguments pour innover. Une commission d’exploitants rĂ©unie le devait disqualifier leur attitude en dĂ©clarant que « il en est beaucoup qui n’ont jamais touchĂ© ni connu la pratique, n’ayant en effet vĂ©cu, depuis qu’ils sont nĂ©s, que de rentes, c'est-Ă -dire, s’il est permis de parler ainsi, du travail et de la sueur d’autrui[7].

Cependant, dans l’opposition au projet de nouveau code minier, les intĂ©rĂȘts des propriĂ©taires de sites d’exploitation se trouvaient converger avec le plaidoyer humanitaire de VictoriĂĄn de Villava, procureur de l’Audiencia de Charcas et protecteur des indigĂšnes. Sanz eut une sĂ©rieuse et fameuse polĂ©mique avec Villava au sujet du travail dans les mines Ă  PotosĂ­. Villava, s’en prenant directement au systĂšme de mita, soutenait qu’il ne s’agissait pas d’un service public, et que, lors mĂȘme qu’il le serait, l’on ne pouvait forcer les indigĂšnes Ă  l’effectuer. Il proclamait que la mita avait rĂ©ussi Ă  prĂ©valoir parce que « la cause des riches avait toujours de nombreux avocats et celle des malheureux Ă  peine des procureurs ».

Sanz, au contraire, estimait que le travail dans les mines Ă©tait un service public et que l’Indien, y compris pour son propre bien, avait besoin de coercition. Quoiqu’il n'ait certes pas lĂ©gitimĂ© les procĂ©dĂ©s brutaux, il affirmait que les Indiens « n’avaient pas rĂ©ellement progressĂ© depuis le temps de la conquĂȘte et n’étaient pas moins oisifs et stupides que jadis. La rĂ©alitĂ© de cette paresse une fois admise, le service de la corvĂ©e Ă©tait utile et convenable pour les Indiens, attendu qu’elle les mettait en contact avec la sociĂ©tĂ© civilisĂ©e et les faisait travailler contre rĂ©munĂ©ration ».

En dĂ©pit des oppositions, et en attendant que la question fĂ»t tranchĂ©e dans la PĂ©ninsule, Sanz tenta de poursuivre son programme, lequel cependant se heurta bientĂŽt Ă  de sĂ©rieuses difficultĂ©s pratiques. Les coĂ»ts de fabrication des mĂ©canismes prĂ©vus se rĂ©vĂ©lĂšrent beaucoup plus Ă©levĂ©s que ceux que l’inexpĂ©rience des artisans lui avait tout d’abord fait prĂ©sumer ; pire encore, il fut bientĂŽt clair que lesdits mĂ©canismes ne pourraient se fabriquer pour moins de 10 000 pesos, somme hors de portĂ©e de la majoritĂ© des producteurs. En raison de l’insuffisance des crĂ©dits sollicitĂ©s par Sanz, seules quatre fabriques purent ĂȘtre construites.

Le deuxiĂšme inconvĂ©nient rĂ©sultait de la mĂ©thode elle-mĂȘme. Bien que le prix d’utilisation effectif du mercure eĂ»t ainsi baissĂ© d'un tiers et que le temps de traitement en fĂ»t sensiblement rĂ©duit, le rendement n’augmenta pas selon les prĂ©visions. MalgrĂ© les coĂ»ts qui furent rĂ©duits Ă  50 %, les lourds investissements nĂ©cessaires et la faible ampleur des rendements dĂ©gagĂ©s Ă©loignĂšrent les exploitants, de sorte qu'en 1791 ne demeurait plus en service qu’une des quatre fabriques Ă©difiĂ©es. Finalement, en 1797, les fonctionnaires de la mĂ©tropole mirent dĂ©finitivement au rancart le projet de Code carolin.

Cet Ă©chec toutefois ne compromit pas son mandat. En sa qualitĂ© de gouverneur de PotosĂ­, il Ă©tait subordonnĂ© au vice-roi, et le marquis de Loreto profita de l’occasion pour entraver son travail. Son mandat cependant prit bientĂŽt fin et il fut remplacĂ© en 1789 par NicolĂĄs de Arredondo, qui pourtant, Ă  plusieurs occasions, avait approuvĂ© la conduite de Sanz. En 1792, sur recommandation d’Arredondo, le monarque octroya Ă  Sanz les honneurs d’un siĂšge au Conseil des Indes.

Sanz entra Ă©galement en conflit avec le clergĂ©. Les abus que commettait le clergĂ© du Haut-PĂ©rou lors de la perception des prĂ©mices, oblations et aumĂŽnes donnĂšrent lieu Ă  ce que les autoritĂ©s civiles les sanctionnĂšrent de prĂ©lĂšvements forcĂ©s et Ă  ce que Sanz, mĂ» aussi par l’opposition du clergĂ© Ă  sa politique visant Ă  Ă©tendre la mita Ă  Chayanta, proposa en 1796 plusieurs maniĂšres de les abolir.

En mai 1797, il fut frappĂ© d’une attaque au cerveau qui le mena Ă  la lisiĂšre de la mort. Il attribua son salut Ă  deux saignĂ©es opportunĂ©ment pratiquĂ©es par ses mĂ©decins. AprĂšs s’ĂȘtre laissĂ© remplacer pour passer une pĂ©riode de convalescence Ă  La Paz, il revint Ă  PotosĂ­ afin de reprendre son mandat.

SoulĂšvements de 1809

Sanz fut tĂ©moin et acteur de la rĂ©pression qui s’abattit sur la rĂ©volution de Chuquisaca du , ainsi que sur le mouvement rĂ©volutionnaire qui avait abouti Ă  la mise en place de la Junta Tuitiva (de son nom complet Junta Tuitiva de los Derechos del Rey y del Pueblo, soit Junte de dĂ©fense des droits du roi et du peuple) Ă  La Paz en juillet de cette mĂȘme annĂ©e.

Son implication dans les Ă©vĂ©nements commença le , lorsque, face aux troubles publics, le prĂ©sident de Charcas (ou Chuquisaca, anciens noms de Sucre) RamĂłn GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro lui donna l’ordre de mobiliser ses troupes vers Chuquisaca. Le 25, GarcĂ­a de LeĂłn y Pizarro fut destituĂ© par les rĂ©volutionnaires, et Sanz, voulant se porter Ă  son secours, marcha sur Chuquisaca avec ses troupes, tandis que le rĂ©volutionnaire Álvarez de Arenales de son cĂŽtĂ© organisait la dĂ©fense en formant les milices de Chuquisaca et YamparĂĄez, avec neuf compagnies d’infanterie organisĂ©es par les soins de leurs propres membres. L’Audiencia de Charcas toutefois ordonna Ă  Paula Sanz de se replier avec ses troupes et celui-ci obtempĂ©ra. Le vice-roi du RĂ­o de la Plata, Baltasar Hidalgo de Cisneros, mis au courant, approuva les actions de l’Audiencia.

Cependant, voyant que la situation se radicalisait, Sanz agit avec rapiditĂ© et dĂ©cision : il rĂ©solut d’ignorer le gouvernement de l’Audiencia de Charcas, cantonna prĂ©ventivement le bataillon de milices commandĂ© par le colonel Indalecio GonzĂĄlez de Socasa, et sĂ©para les officiers amĂ©ricains (c'est-Ă -dire nĂ©s sur le sol amĂ©ricain) d’avec le reste de la garde civique. Comme les chefs du bataillon d’Azogeros se manifestĂšrent en faveur des Ă©vĂ©nements survenus Ă  Chuquisaca, Sanz ordonna de mettre Ă©galement aux arrĂȘts le colonel Pedro Antonio AscĂĄrate et le lieutenant-colonel Diego de Barrenechea. Il fit arrĂȘter en outre le sous-lieutenant JoaquĂ­n de la Quintana, le vĂ©rificateur-expert de banque Salvador Matos, quatre frĂšres du nom de famille Nogales, et le tabellion Toro, parmi d’autres citoyens.

Il sollicita par ailleurs l’aide du vice-roi du PĂ©rou, JosĂ© Fernando de Abascal y Sousa, et Ă©galement du cacique aymara de Chayanta, MartĂ­n Herrera Chairari, rĂ©putĂ© pour sa cruautĂ©, mais Manuel Asencio Padilla, avec ses guerrilleros recrutĂ©s Ă  Tomina et Ă  Chayanta, attaqua Chairari, l’empĂȘchant d’approvisionner en vivres et fourrage les troupes de Paula Sanz. Chairari du reste fut dĂ©capitĂ© par des Indiens aymara qui mirent Ă  profit les circonstances pour se libĂ©rer de son joug [8].

Le 9 juillet, Sanz reçut une communication du vice-roi lui ordonnant de « rĂ©unir une force compĂ©tente Ă  PotosĂ­ Ă  l’effet de maintenir la tranquillitĂ© publique et le respect aux autoritĂ©s », et lui enjoignant d’autre part d’obĂ©ir Ă  l’Audiencia pour autant que cela ne contrariĂąt pas le gouvernement supĂ©rieur.

Ce nonobstant, le Ă©clata Ă  La Paz un mouvement plus radicalisĂ©. Le , JosĂ© Manuel de Goyeneche se mit en marche vers Campamento de Zepita, tandis que Sanz faisait faire mouvement Ă  ses troupes vers Chuquisaca et que Cisneros envoyait depuis Buenos Aires un contingent de prĂšs d’un millier de soldats, placĂ©s sous le commandement du nouveau prĂ©sident de l’Audiencia de Charcas, le gĂ©nĂ©ral Vicente Nieto, et du sous-inspecteur gĂ©nĂ©ral Bernardo Lecocq.

Abascal, bien que n’ayant pas La Paz sous sa juridiction, mais redoutant que le mouvement rĂ©volutionnaire, qui touchait Ă  ses frontiĂšres, ne se propageĂąt aux provinces de Puno, Arequipa et Cuzco, oĂč l’on avait de surcroĂźt conservĂ© le souvenir du soulĂšvement de TĂșpac Amaru II, rĂ©solut de ne pas attendre la requĂȘte officielle de Buenos Aires et de s’atteler aussitĂŽt Ă  lever une armĂ©e afin de rĂ©primer la rĂ©bellion. À cet effet, il nomma gĂ©nĂ©ral en chef de l’armĂ©e expĂ©ditionnaire le prĂ©sident de la Real Audiencia de Cuzco, Goyeneche, ordonnant au colonel Juan RamĂ­rez, gouverneur de Puno, de se mettre Ă  ses ordres avec les troupes sous son commandement, et prenant la mĂȘme disposition pour celles d’Arequipa. Tandis qu’il organisait la mobilisation, il ordonna Ă  Goyeneche, pour rĂ©gulariser formellement ce qui Ă©tait en fait l’invasion d’une autre juridiction sans aucune habilitation pour ce faire, d’offrir ses troupes au nouveau vice-roi du RĂ­o de la Plata Baltasar Hidalgo de Cisneros, lequel les accepta le 21 septembre.

Sanz passa au second plan dans les Ă©vĂ©nements ultĂ©rieurs, qui conduiront Ă  la dĂ©mission de l’Audiencia de Charcas, Ă  la chute violente de la Junte provisoire et Ă  la consĂ©cutive brutale rĂ©pression des rĂ©volutionnaires, dirigĂ©e par Goyeneche ; nĂ©anmoins, pour avoir donnĂ© leur appui et leur assentiment Ă  cette rĂ©action rĂ©pressive, tant Nieto que Sanz gardĂšrent leur nom associĂ© Ă  ces Ă©vĂ©nements et devaient bientĂŽt en subir les consĂ©quences.

RĂ©volution de Mai

AprÚs que fut connue à Buenos Aires la nouvelle de la répression à Charcas, la réaction en fut une de profonde réprobation :

« Tant le vice-roi Cisneros que Nieto ont agi avec imprudence en abandonnant ces possessions aux machinations de Goyeneche et d’Abascal, manquant Ă  l’esprit sourcilleux qui eĂ»t dĂ» les animer Ă  la suite de l’invasion du territoire sous leur autoritĂ© et en raison des soupçons, avĂ©rĂ©s dĂ©jĂ , de la fourberie du premier citĂ© ; puis, Ă  la mi-mars, sa criminelle et insane pacification, au prix du sang, avec le procĂšs et la sentence du au , s’était faite rĂ©alitĂ©, que seul un scĂ©lĂ©rat pouvait vouloir imiter, et tout cela fut approuvĂ© par le vice-roi Cisneros ; comme une violation barbare et sans motivation... cela bouleverse toutes les consciences. »

— Domingo Matheu, Autobiografía, remarque 129, dans Biblioteca de Mayo, p. 2286/7.

Manuel Moreno affirma semblablement que « pareils actes de barbarie rendirent odieuse l’autoritĂ© de Cisneros et ne tardĂšrent pas Ă  muer en mĂ©pris la froideur des habitants envers un dirigeant sans appui. Les Ă©vĂ©nements malheureux de la mĂ©tropole vinrent prĂ©cipiter la conclusion de cette scĂšne Â»[9]. En effet, lorsque fut connue la chute de SĂ©ville et la dissolution de la Junte centrale, Cisneros fut suspendu de ses fonctions lors du cabildo ouvert du et, aprĂšs une commission exĂ©cutive (junte) de courte durĂ©e, prĂ©sidĂ©e par le ci-devant vice-roi, fut formĂ©e une nouvelle junte, la premiĂšre Ă  ĂȘtre prĂ©sidĂ©e par un AmĂ©ricain.

Par courrier arrivĂ© Ă  Chuquisaca le , Nieto et Sanz apprirent la destitution de Cisneros, et se mirent alors aux ordres du vice-roi du PĂ©rou, qualifiĂšrent Buenos Aires de sĂ©ditieuse et sollicitĂšrent de l’aide. Le 26 au matin, les troupes des rĂ©giments de Patriciens et d’Arribeños de Buenos Aires furent dĂ©sarmĂ©es et leurs effectifs quintadas, c'est-Ă -dire que l’on choisit parmi eux un sur cinq au hasard[10] et que ceux qui avaient tirĂ© le numĂ©ro fatidique, soit entre cinquante et soixante hommes, furent conduits menottes aux poignets Ă  PotosĂ­ ; de lĂ , Sanz les expĂ©dia Ă  travailler dans la mine sous la montagne de PotosĂ­, oĂč un tiers d’entre eux mourut en moins de trois mois[11].

Avec ses troupes et quatre compagnies de Potosi sous les ordres du colonel Gonzalez Socasa, Nieto se rendit Ă  Santiago de Cotagaita, qu’il fortifia en attendant des renforts, dans le but de poursuivre ensuite ses opĂ©rations en direction de « Santa Fe, qui doit ĂȘtre une de mes principales visĂ©es Â», et de faire mouvement ensuite vers Buenos Aires « afin qu’elle (la ville de Buenos Aires) revienne Ă  ses devoirs, sans oublier le chĂątiment aux auteurs de tant de maux : je tiens par-devers moi plusieurs directives de la junte rĂ©volutionnaire auxquelles je n’ai point voulu donner bonne suite, parce que j’attends d’avoir la satisfaction de les faire manger en d’égales proportions aux sales et vils insurgĂ©s qui me les ont transmises
 Â»[12].

Entre-temps cependant, l’armĂ©e du Nord ou armĂ©e du PĂ©rou, avait mis sur pied sa PremiĂšre expĂ©dition auxiliaire dans le Haut-PĂ©rou et faisait route avec cĂ©lĂ©ritĂ©. DĂšs que cette avance de l’armĂ©e patriote fut connue, de nouveaux mouvements commencĂšrent Ă  Ă©clater, proclamant leur adhĂ©sion Ă  la Junte de Buenos Aires. Le se produisit la rĂ©volution de Cochabamba, le , une junte fut constituĂ©e dans la ville de Santa Cruz de la Sierra, le , ce fut au tour de Oruro de se prononcer en faveur de la rĂ©volution, et le , Ă  la suite de la victoire des rebelles dans la bataille d’Aroma, le cercle se refermait sur l’arriĂšre-garde royaliste.

AprĂšs avoir tout d’abord subi un revers face aux positions fortifiĂ©es royalistes lors de la bataille de Cotagaita, le , les forces patriotes remportĂšrent leur premiĂšre victoire dans la bataille de Suipacha. Ayant appris la nouvelle de la dĂ©faite, Nieto dĂ©mantela les fortifications Ă  Cotagaita, puis tenta, en compagnie du curĂ© de Tupiza et de quelques officiers, de prendre la fuite, mais fut capturĂ© Ă  LĂ­pez par une troupe partie Ă  sa recherche et composĂ©e justement de soldats issus des compagnies de patriciens que Nieto avait envoyĂ© travailler dans les galeries de mine de PotosĂ­ quatre mois auparavant.

Sanz retarda son dĂ©part de PotosĂ­. Le parvint Ă  la ville une directive de Juan JosĂ© Castelli, membre titulaire de la Junte de Buenos Aires, annonçant son imminente arrivĂ©e et ordonnant au cabildo de mettre aux arrĂȘts le gouverneur. La nouvelle fit rapidement le tour de la ville de PotosĂ­ et le peuple ameutĂ© rĂ©clama la tenue d’un cabildo ouvert. Le patriote Manuel Molina s’empara du gouverneur Sanz en plein Cabildo et le maintint prisonnier Ă  son domicile. Vicente Nieto, JosĂ© de CĂłrdoba y Rojas et Sanz restĂšrent en dĂ©tention dans l’hĂŽtel des Monnaies (Casa de la Moneda) de PotosĂ­ pendant un mois[13].

Castelli arriva Ă  PotosĂ­ quelques jours plus tard. JugĂ©s au quartier-gĂ©nĂ©ral de PotosĂ­, le , « les susnommĂ©s Sanz, Nieto et CĂłrdoba » furent reconnus « coupables de haute trahison, usurpation et perturbation de l’ordre public, y compris avec violence et Ă  main armĂ©e, et condamnĂ©s Ă  subir la peine de mort ».

Le , Ă  10 heures du matin, les condamnĂ©s furent contraints de s’agenouiller dans le cloĂźtre de l’église principale sur la Plaza Mayor, puis fusillĂ©s. Sanz, donnant encore signe de vie, reçut une deuxiĂšme dĂ©charge. Son corps demeura, conjointement avec celui des autres fusillĂ©s, exposĂ© Ă  la vue du public durant plusieurs heures, jusqu’à ce qu’il fĂ»t rĂ©clamĂ© par les moniales du couvent de CarmĂ©lites, lesquelles lui accordĂšrent sĂ©pulture dans le temple du couvent.

En dĂ©pit des antĂ©cĂ©dents des suppliciĂ©s, l’exĂ©cution fut mal considĂ©rĂ©e par beaucoup, qui jugeaient leur responsabilitĂ© limitĂ©e et plaçaient le gros de la responsabilitĂ© sur Goyeneche : « Rien ne pouvait justifier ni apaiser pareille atroce atteinte, comme celle que fut la mort de sang froid de deux aĂźnĂ©s, l’un (Sanz) trĂšs illustre et universellement respectĂ© ; l’autre (Nieto) qui par aucun de ses actes n’avait provoquĂ© une si sanglante vengeance, et le sieur CĂłrdoba, personnage de haut rang de par sa famille dans la PĂ©ninsule, qui pas davantage, par aucun Ă©lĂ©ment de conduite, ne s’était rendu crĂ©diteur d’un sort aussi acerbe[14]. »

Castelli fit publier un arrĂȘtĂ© le , aux termes duquel Ă©taient dĂ©clarĂ©s perdus ses emplois, grades, honneurs et biens.

Jugement posthume

Blason nobiliaire de Francisco de Paula Sanz. Archives historiques de la Casa Nacional de Moneda Ă  PotosĂ­.

Pendant longtemps, Francisco de Paula Sanz a Ă©tĂ© condamnĂ© par l’historiographie sud-amĂ©ricaine en raison de la cruelle rĂ©pression des mouvements juntistes de 1809 dans le Haut-PĂ©rou, de son opposition au mouvement rĂ©volutionnaire de mai 1810 Ă  Buenos Aires et de sa politique Ă  l’égard des indigĂšnes. Cette condamnation, parfois virulente chez des auteurs tels que Vicente Fidel LĂłpez, Ă©tait plus mesurĂ©e chez d’autres, qui surent apprĂ©cier fondamentalement son Ɠuvre administrative ; parmi ces derniers figurait le doyen Gregorio Funes, qui dĂ©clara que Sanz « unissait Ă  une Ăąme aimable le talent de la persuasion ; politique et populaire tout Ă  la fois, il s’entendait Ă  rehausser ses vertus sociales par un intĂ©rĂȘt illimitĂ© et par une bienfaisance universelle grĂące auxquels il s’érigea des trĂŽnes dans le cƓur de tous ».

La dĂ©couverte de l’original de ses carnets par le pĂšre jĂ©suite Guillermo Furlong, aujourd’hui conservĂ© aux Archives gĂ©nĂ©rales de la Nation, permit de faire reconnaĂźtre ses initiatives progressistes. Luis MarĂ­a Torres estimait que Sanz fut « un des hommes qui le mieux et le plus fortement attachĂšrent leur nom au progrĂšs de la ville de Buenos Aires », et Furlong revendiqua sa mĂ©moire, le considĂ©rant « un homme probe, juste et de bienfaits », venant mĂȘme Ă  affirmer qu’il le tenait pour « un des hommes les plus extraordinaires qui aient sĂ©journĂ© sur ces terres, par ses vertus privĂ©es, son altruisme et sa gĂ©nĂ©rositĂ©, par ses initiatives culturelles et par sa fidĂ©litĂ© au roi ».

Son altruisme et sa gĂ©nĂ©rositĂ©, ainsi que ses immenses capacitĂ©s administratives, sont Ă  l’heure actuelle gĂ©nĂ©ralement reconnues, y compris mĂȘme sa probitĂ©, abstraction faite d’accusations de connivence avec la contrebande. Quant Ă  sa fidĂ©litĂ© au roi (si tant est que celle-ci fĂ»t un mĂ©rite en soi, en regard de la fidĂ©litĂ© aux idĂ©es, Ă  l’honneur, Ă  la justice ou aux intĂ©rĂȘts des territoires qu’il avait charge d’administrer), Ă  l’époque oĂč il vĂ©cut, cette fidĂ©litĂ© serait Ă  considĂ©rer bien plutĂŽt comme fidĂ©litĂ© au statu quo et par consĂ©quent d’appui rĂ©solu Ă  la cruelle rĂ©pression des mouvements juntistes qui surgirent en AmĂ©rique espagnole, au demeurant de maniĂšre similaire Ă  ceux qui se firent jour dans la pĂ©ninsule IbĂ©rique dĂšs avant l’invasion par les troupes napolĂ©oniennes, et qui seulement aprĂšs sa mort devaient se dĂ©clarer indĂ©pendantistes.

Enfin, les Ă©tudes plus rĂ©centes sur la structure de l’activitĂ© miniĂšre Ă  PotosĂ­ ont permis de mettre en perspective la question du travail forcĂ© des indigĂšnes et de rĂ©vĂ©ler, lors mĂȘme que cela ne le dĂ©charge en aucune maniĂšre de ses responsabilitĂ©s, le cadre Ă©conomique et politique dans lequel les mesures prĂ©conisĂ©es par lui furent adoptĂ©es.

Références

  1. Sanz Ă©tant le nom de famille, et Francisco de Paula le prĂ©nom, ― point de vue que contestent certains auteurs.
  2. Quelques auteurs affirment, sans cependant avancer une quelconque preuve documentaire, qu’il vit le jour à Naples, en Italie.
  3. Brading, David, Miners and Merchants in Bourbon Mexico 1763-1810.
  4. Exception faite d’une demande particuliĂšre formulĂ©e par MarĂ­a Josefa Alquizalete, veuve de JosĂ© Antonio RodrĂ­guez, secrĂ©taire de la Real Hacienda, au sujet de prĂ©judices rĂ©sultant de ce que celui-ci fut empĂȘchĂ© de dĂ©tenir le secrĂ©tariat de la Surintendance.
  5. Garner, Richard, Silver production and entrepreneurial structure in 18th century, p. 157.
  6. Brading, David, Miners and Merchants in Bourbon Mexico 1763-1810
  7. Citation trouvée dans Tandeter, Coacción y mercado, p. 245.
  8. Levantamiento de Chuquisaca (1809), Emilio Bidondo, Gobierno de Salta
  9. Manuel Moreno, Vida y memorias de Mariano Moreno, dans Biblioteca de Mayo, p. 1224.
  10. D’autres sources mentionnent qu’ils furent diezmados, c'est-Ă -dire dĂ©cimĂ©s. La mesure Ă©tait de nature prĂ©ventive et semblable Ă  celle qu’avait adoptĂ©e Sanz l’annĂ©e d’auparavant. Il trouva comme prĂ©texte que dans la soirĂ©e du 25 juin les soldats avaient portĂ© des brindes en l’honneur de leurs commandant Cornelio Saavedra aprĂšs qu’ils eurent appris qu’il prĂ©sidait la junte de gouvernement, sans savoir si cela Ă©tait lĂ©gal ou non.
  11. Ignacio NĂșñez, Noticias histĂłricas de la RepĂșblica Argentina, dans Biblioteca de Mayo, p. 404.
  12. Ignacio NĂșñez, Noticias histĂłricas de la RepĂșblica Argentina, dans Biblioteca de Mayo, p. 405.
  13. Historia del General GĂŒemes y de la provincia de Salta, o sea de la Independencia Argentina. Par Bernardo FrĂ­as. PubliĂ© par les imprimeries de "El CĂ­vico", 1907. Page 159 – 160.
  14. DĂĄmaso de Uriburu, Memorias 1794-1857, dans Biblioteca de Mayo, p. 646.

Bibliographie

  • Eduardo R. Saguier, La economĂ­a minera como rubro conflictivo del mundo colonial (Siglos XVII y XVIII), comportant six chapitres, dans : Un Debate Inconcluso en AmĂ©rica Latina. Cuatro siglos de lucha en el espacio colonial Peruano y Rioplatense y en la Argentina Moderna y ContemporĂĄnea (1600-2000), Tome XII, 1991.

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