Salaison
La salaison ou salage est une méthode de conservation des aliments par le sel. Ce procédé utilise le bain de saumure ou du sel sec[1]. Il s'agit d'une méthode de conservation des aliments par diminution de l'activité de l'eau.
Par mĂ©tonymie, une salaison est un produit vivrier issu de l'agriculture, de l'Ă©levage, de la chasse ou de la pĂȘche, non transformĂ© et conservĂ© grĂące au procĂ©dĂ© de salaison.
Salage et salaison
Les deux termes sont synonymes par le fait quâils dĂ©rivent tous deux du verbe saler et que les suffixes -age[2] et -aison[1] indiquent tous deux lâaction de saler quelque-chose, nĂ©anmoins le deuxiĂšme dĂ©signe aussi le produit fini : une salaison.
Antoine FuretiÚre donnait cependant des sens différents à ces mots dans son Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts paru en 1690[3] :
« Salage[2] : Action de saler et la quantitĂ© de sel qui sây consomme. Il faut tant de minots de sel pour le salage dâun cochon. Le salage ou le sel dont on a besoin pour le saler, coute plus que lâachat de la bĂȘte. Il y a aussi en quelques lieux un droit de salage, qui est un droit de prendre du sel sur chaque bateau qui arrive en certains ports. »
« Salaison[1] : Saison oĂč on a coutume de saler. Au temps de la salaison des harengs, des morues, des cochons, on dĂ©bite bien du sel. »
Quatre ans plus tard, le premier Dictionnaire de l'Académie française était moins précis, passant salage sous silence[4] et donnant pour salaison la définition : « Action de saler. La salaison du beurre, des porcs se fait en tel temps. pendant la salaison. pendant le temps de la salaison »[5].
Au fil du temps, le mot salaison est passĂ© dâune pĂ©riode Ă lâaction du salage exclusivement dans le domaine de lâalimentation[1] et son pluriel, salaisons, indique des denrĂ©es alimentaires conservĂ©es par le sel.
Histoire
Produit naturel, le sel est rĂ©coltĂ© dĂšs la plus haute AntiquitĂ© au bord des lacs et des oasis comme le long des littoraux oĂč vont ĂȘtre crĂ©Ă©s parfois des sauneries. Lâhomme le recueille aussi lĂ oĂč il affleure le sol comme prĂšs de Shabwa[6], dans le YĂ©men puis va creuser des mines pour en extraire ce minĂ©ral. Que ce soit sous la forme de chlorure de sodium, de halite ou de natron, le sel sert dâexhausteur de gout et augmente la sapiditĂ© des aliments, mais il permet Ă©galement la conservation de certaines denrĂ©es, et particuliĂšrement de la viande et du poisson.
Les premiers salages ont Ă©videmment Ă©tĂ© empiriques ; la pratique de la conservation par le sel sâest appliquĂ©e dans lâalimentation comme lors de rites funĂ©raires pour la momification, notamment dĂšs lâĂgypte antique.
Salage de la viande
Le salage se pratique soit Ă sec soit en saumure selon le type de viande Ă disposition et la durĂ©e de conservation souhaitĂ©e. Pour une longue conservation, la viande doit ĂȘtre ferme et moyennement grasse, provenant plutĂŽt dâun animal ĂągĂ© que dâun jeune (les Irlandais utilisaient pour leurs salaisons destinĂ©es Ă lâexportation des bĂȘtes ĂągĂ©es d'au moins cinq ans, les Hambourgeois des bĆufs de seize ans et plus)[7].
Pour le salage Ă sec, on frotte la viande avec du sel mĂ©langĂ© de salpĂȘtre ou de cendres de bois avant de presser fortement les piĂšces les unes sur les autres ; cette opĂ©ration est rĂ©itĂ©rĂ©e quatre fois, de huit jours en huit jours. Les piĂšces sont ensuite saupoudrĂ©es de sel pour absorber lâhumiditĂ©, et mise Ă sĂ©cher dans un local chaud. Pour une conservation de longue durĂ©e, la viande saupoudrĂ©e de sel est frottĂ©e jusquâĂ parfaite saturation dans ses moindres crevasses, saupoudrĂ©e Ă nouveau et laissĂ©e en repos pendant 24 Ă 48 heures avant dâĂȘtre fortement comprimĂ©e. Une saumure sâen Ă©coule qui est mise Ă bouillir et va servir Ă arroser les piĂšces avant quâon ne les re-saupoudre de sel et quâon ne les place en tonneaux (idĂ©alement en chĂȘne, le sapin donnant un gout Ă la salaison)[7].
La saumure est aussi le bain dâeau plus ou moins fortement salĂ©e dans laquelle on plonge la viande. Elle peut provenir de sources naturellement salĂ©es comme celles de LuminiĆ ou celle de MÄrgineni que les habitants utilisent encore un peu au XXIe siĂšcle. En fonction de la salinitĂ© de lâeau et du type de saumurage Ă effectuer, on pouvait y ajouter du sel achetĂ© dans le commerce et on Ă©valuait le degrĂ© de salinitĂ© par un moyen dĂ©jĂ en usage chez les anciens Romains : lâĆuf frais qui, jetĂ© dans la saumure, surnage et indique ainsi que la concentration est bonne pour la conservation de la viande, du fromage ou du poisson[8] - [9].
Quelle que soit lâorigine de lâeau, lorsque la saumure est prĂȘte, on y immerge totalement la viande et la laisse sâimprĂ©gner. Certains lây laissent en permanence, dâautres la retirent au bout de quelques semaines pour la pendre et la sĂ©cher. Il semble que lâhumiditĂ© du climat intervienne dans le choix du salage Ă sec ou en saumure[10].
MĂ©thode simple
saucissons séchant sur claies
Frottement des morceaux de viande avec du sel (2 kg de sel pour 10 kg de viande) afin de le faire rentrer, puis disposition de la viande dans un saloir en intercalant une couche de viande avec une couche de sel pendant six mois au cours desquels des ferments lactiques développeront un milieu acide garantissant la non putréfaction des viandes.
Méthode avec mélange
La salaison des charcuteries dites « crues », avec un mélange de sel, de nitrate de sodium ou de potassium et/ou des sels de nitrites de sodium accélÚre et copie (elle permet de donner rapidement une apparence qui ressemble à celle qui apparaßtrait naturellement). Dans la salaison sur les produits cuits et les produits étuvés, les additifs nitrés donnent de la couleur à des produits qui n'en ont pas. En effet, à l'état naturel, le jambon cuit est blanc-gris ou marron, comme les rillettes ou le rÎti de porc (c'est ce qui a donné son nom au jambon « blanc »)[11].
Efficacité
Les microorganismes qui provoquent la putrĂ©faction de la viande ont besoin dâeau libre pour se dĂ©velopper. Mis en contact avec lâeau existant dans la chair, le sel se dissout en ions Na+ et Cl-, formant un solutĂ© ; la quantitĂ© dâeau disponible pour les microorganismes, mesurable en aw, diminue donc. Dâautre part, les cellules des microorganismes, placĂ©s dans une solution hypertonique, vont perdre de lâeau par le phĂ©nomĂšne dâosmose, au point de ne plus pouvoir parfois fonctionner et dâĂȘtre lysĂ©es.
Le sel nâexerce son action bactĂ©riostatique quâĂ partir de 10 % de concentration ; ce pourcentage permet de se passer de lâentreposage au froid des aliments salĂ©s mais implique de devoir dessaler lâaliment avant la cuisson en le lavant et en lâimmergeant dans une grande quantitĂ© dâeau potable, renouvelĂ©e plusieurs fois, durant plusieurs heures, voire pendant un jour entier.
Salaisons fumées
Les salaisons fumées au tuyé du Haut-Doubs *
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Jambons et saucisses du Haut-Doubs. | ||
Domaine | Savoir-faire | |
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Lieu d'inventaire | Bourgogne-Franche-Comté Haut-Doubs |
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* Descriptif officiel MinistĂšre de la Culture (France) | ||
Les viandes salĂ©es peuvent ou non ĂȘtre fumĂ©es. En France dans la rĂ©gion de la Franche-ComtĂ©, les paysans du Haut-Doubs ont dĂ©veloppĂ© une technique de fumaison de salaisons dans les tuyĂ©s, fumoirs en pierre ou cheminĂ©es en bois. La fabrication traditionnelle salaisons fumĂ©es du Haut-Doubs comme la saucisse de Morteau et la saucisse de MontbĂ©liard a Ă©tĂ© inscrite Ă l'Inventaire du patrimoine culturel immatĂ©riel en France, depuis 2017[12].
Notes et références
- Informations lexicographiques et étymologiques de « salaison » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- Informations lexicographiques et étymologiques de « salage » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- Entrées en ligne
- Dictionnaires dâautrefois, entrĂ©e salage
- Dictionnaires dâautrefois, entrĂ©e salaison
- Jean-François Breton, Conclusion : Shabwa et les capitales sud-arabiques (IerâââIVe siĂšcles de notre Ăšre), dans Syria, vol. 68, no 68-1-4, 1991, p. 420. En ligne
- Jean Baptiste Glaire et Joseph-Alexis Walsh (direc.), Encyclopédie catholique, répertoire universel et raisonné des sciences, des lettres, des arts et des métiers, t. XVII, Parent Desbarres, Paris, 1848, 1080 p., p. 81 à 83.
- Caton l'Ancien, De agri cultura, 87.
- Olivier Weller, Alexa Dufraisse et Pierre PĂ©trequin, Sel, eau et forĂȘt. Dâhier Ă aujourdâhui, Presses universitaires de Franche-ComtĂ©, 2008, 572 p. (ISBN 978-2-84867-230-4), p. 63 et 64.
- Robiou de la TrĂ©honnais, Lard et jambon, dans La Feuille du cultivateur. Journal dâagriculture pratique, nouvelle sĂ©rie, t. IV, annĂ©es 1861-1862, Librairie agricole dâĂmile Tarlier, Bruxelles, 836 p., p. 408 Ă 442.
- Guillaume Coudray, Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison, La DĂ©couverte, (lire en ligne), p. 33
- « MinistÚre de la Culture » (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
- Conservation des aliments
- Conservation de la viande
- Corned-beef
- Saumure
- Tsukemono, salaison japonaise
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :