Cantine
Ă lâorigine meuble de voyage, puis magasin, la cantine est aussi depuis la fin du XIXe siĂšcle un lieu oĂč lâon sert Ă boire et Ă manger aux personnes dâune collectivitĂ©, et, plus rĂ©cemment, un service gĂ©nĂ©ralement subventionnĂ© de restauration collective.
La cantine se différencie du restaurant par le fait que ses repas sont gratuits ou bon marché, tout ou partie du cout[N 1] étant pris en charge par la collectivité ou l'employeur.
La cantine concerne toutes les classes dâĂąge et se retrouve sur tous les continents. Elle a un impact social important en matiĂšre de santĂ©, dâĂ©ducation, de fonctionnement des armĂ©es, prisons, entreprises et Ă©coles. Elle dĂ©coule de choix personnels, politiques et Ă©conomiques. Les repas quâelle propose reflĂštent lâĂ©volution de la sociĂ©tĂ© quant aux habitudes alimentaires et diĂ©tĂ©tiques.
Histoire du mot : du mobilier Ă la restauration collective
Ătymologie
La majoritĂ© des dictionnaires et encyclopĂ©dies actuels[1] retient la mĂȘme origine que le Dictionnaire historique de la langue française : cantine serait empruntĂ© Ă lâitalien cantina[2] - [3]« cave, cellier » (aprĂšs 1250), dĂ©rivĂ© lui-mĂȘme de canto « angle » dâoĂč « coin retirĂ©, dĂ©barras[4] », et sâentend sur le fait que la premiĂšre dĂ©finition du terme se trouve dans le Dictionnaire françois, contenant les mots et les choses de Pierre Richelet (Ă©dition de 1680[5]).
Au XVIIe siĂšcle, Gilles MĂ©nage proposait comme origine canova[6] (cave) et AmĂ©dĂ©e Tardieu au XIXe siĂšcle, le latin quintana[7] (en rĂ©fĂ©rence Ă SuĂ©tone, Ner. 26), lieu des camps romains oĂč lâon vendait toutes sortes de choses. Mais rĂ©cemment, HĂ©lĂšne Cuvigny a dĂ©menti cette derniĂšre hypothĂšse[N 2].
Pierre Larousse indique que cantine vient de « canton[8] » dont la signification primitive Ă©tait celle de coin, dâangle. Le terme « canton » est dâorigine germanique : on le trouve en ancien haut-allemand (kant = coin, extrĂ©mitĂ©), en anglo-saxon (cant), en anglais (cantle), mais aussi en occitan (cantou[N 3]), en ancien provençal (can = cĂŽtĂ©, bord), en italien (canto ou cantone et cantina) et en espagnol (canton et cantina). En polonais âkÄ tâ, et surtout il faut noter « kÄ cina » ce qui Ă©tait une forme de lieu de culte dans la religion slave primitive.
Meuble
Historiquement, la cantine[9] est dâabord un meuble conçu pour le transport de vivres. Par extension, le terme sâapplique Ă la malle contenant les effets personnels des officiers en dĂ©placement. Le mot est attestĂ© au XVIIe siĂšcle comme une malle Ă compartiments pour le transport de bouteilles et parfois de vivres.
Lâutilisation dâun tel mobilier est cependant plus ancienne. Durant tout le Moyen Ăge, nobles et marchands, trĂšs souvent sur les grands chemins, transportaient avec eux les ustensiles nĂ©cessaires Ă la vie matĂ©rielle â et notamment couteaux, petite vaisselle de table, coupes, Ă©pices, cordiaux dans de petits flacons. EugĂšne Viollet-le-Duc prĂ©cise que les cantines des capitaines dâarmĂ©e pouvaient permettre le transport et le maintien au chaud des repas dâune journĂ©e, voire la prĂ©paration de lĂ©gumes ou de soupes[10].
Au XIXe siĂšcle, un dĂ©cret impĂ©rial[11] français rĂ©glemente le transport des bagages des officiers de troupes en campagne, ce qui donne une idĂ©e prĂ©cise du nombre de cantines : un colonel ou lieutenant-colonel a droit Ă deux cantines dâeffets et une de cuisine, un chef de bataillon ou dâescadron Ă une dâeffets et une de cuisine, un officier de tout autre grade Ă une cantine dâeffets et chaque compagnie ou escadron peut emporter une cantine de cuisine. On utilise le mĂȘme mot pour dĂ©signer, aujourdâhui encore, la malle dâeffets personnels â dont les livres et cahiers de notes â des officiers en dĂ©placement.
Magasin
DĂšs le XVIIIe siĂšcle, la cantine est aussi le magasin de distribution de nourriture, de boissons et de tabac de troupe pour les soldats[12]. Ce magasin peut ĂȘtre fixe ou ambulant (simple charrette dâabord, puis automobile ou wagon.
Ă la moitiĂ© du siĂšcle suivant, le terme dĂ©signe Ă©galement ce mĂȘme magasin dans une collectivitĂ© civile : hospice, Ă©cole, prison, etc.
Lieu et service de restauration
Au XIXe siĂšcle, la cantine indique Ă la fois le meuble, le magasin et le rĂ©fectoire oĂč lâon prend ses repas en commun â que ce lieu relĂšve de lâinitiative individuelle ou collective, quâon y mange le repas quâon a apportĂ© et fait rĂ©chauffer ou celui qui a Ă©tĂ© confectionnĂ© dans sa cuisine par des prĂ©posĂ©s.
Au XXe siĂšcle sâajoute la notion de service de restauration par lâaugmentation et lâagrandissement des cantines qui mettent Ă disposition des repas prĂ©parĂ©s sur place ou Ă lâextĂ©rieur, dans des cuisines centrales. La cantine ne constitue quâune partie de la restauration collective qui sert des repas hors du domicile. Selon sa taille, et Ă condition que la cuisine ne soit pas prĂ©parĂ©e sur place, la cantine peut faire partie ou non du catering, la branche industrielle qui approvisionne en repas un grand groupe de personnes.
La cantine offre une nourriture qui peut ĂȘtre trĂšs simple comme fort Ă©laborĂ©e. Dans les pays industrialisĂ©s, la cuisine traditionnelle de mets destinĂ©s Ă ĂȘtre consommĂ©s directement sur place est progressivement remplacĂ©e Ă la cantine, grĂące aux liaisons chaude et froide, par une cuisine de terminaison, une cuisine dâassemblage ou une cuisine de composition, intĂ©grant des produits Ă©laborĂ©s en amont, prĂ©cuits ou surgelĂ©s[13].
Selon les secteurs dâactivitĂ© et les rĂ©gions du monde, la cantine, au XXIe siĂšcle, dĂ©signe donc un meuble, un magasin, un lieu et un service.
Dans les pays anglophones, le terme canteen sâapplique Ă la fois Ă la gamelle, au lieu et au service. Dans les internats anglais, la partie magasin dâune cantine est le tuckshop.
Dans le monde
Europe
La « restauration collective autogĂ©rĂ©e » apparait Ă la fin du XIXe siĂšcle. Cependant, la pratique dâune restauration collective est bien antĂ©rieure. On peut citer en exemple la rĂšgle de saint BenoĂźt qui fait du repas des moines en commun au rĂ©fectoire une obligation, ou le Studium de Trets (deuxiĂšme moitiĂ© du XIVe siĂšcle).
Au XVIe siĂšcle, les religieux organisent rĂ©guliĂšrement, au sein des collĂšges, des rĂ©fectoires Ă lâimage de ceux existant dans les monastĂšres. Le repas se prend sur de grandes tablĂ©es de 16 Ă 25 places, et le silence est la rĂšgle. Au XVIIIe siĂšcle, la congrĂ©gation des FrĂšres des Ăcoles chrĂ©tiennes offre le couvert pour lâinstruction primaire. Cependant, au XIXe siĂšcle, les Ă©lĂšves des internats Ă©tant souvent sous-nourris, les familles fournissent rĂ©guliĂšrement des complĂ©ments[14].
Dans les annĂ©es 1880, les casernes militaires intĂšgrent progressivement des rĂ©fectoires. Ceux-ci demeurent en revanche encore rares dans les prisons. En juillet 1885, Ădouard de Tocqueville, frĂšre dâAlexis de Tocqueville, produit un rapport auprĂšs de la SociĂ©tĂ© dâĂ©conomie charitable sur « les sociĂ©tĂ©s alimentaires et les restaurants coopĂ©ratifs dans les grands Ă©tablissements industriels ». Ă lâoccasion de lâExposition universelle de 1900 Ă Paris, un restaurant coopĂ©ratif est mis en place. En parallĂšle, les repas des ouvriers sâamĂ©liorent, grĂące Ă la mise en place de coopĂ©ratives de consommation dans le cadre de la naissance du mouvement mutualiste. Dans lâinstruction publique enfin, Victor Duruy prescrit le service de soupe et dâaliments chauds dans des salles dâasiles en 1869. Les lois Jules Ferry favorisent ensuite sa multiplication, pour les Ă©lĂšves les plus Ă©loignĂ©s de leur foyer. Dâabord pris en charge par les caisses des Ă©coles, puis par les mairies, ce service adopte une optique sociale, ce repas Ă©tant alors le plus consistant de la journĂ©e pour beaucoup dâenfants. Ainsi, peu Ă peu, Ă lâusine comme Ă lâĂ©cole, la gamelle laisse place Ă la cantine[14].
Les habitudes alimentaires de chaque pays dĂ©terminent la frĂ©quentation de la cantine et sa gestion. LĂ oĂč se pratique la journĂ©e de travail continue (pays nordiques et Pays-Bas par exemple), le repas de midi se rĂ©sume souvent Ă un en-cas ; on y trouve peu de cantines. Dans les pays oĂč le repas de midi est traditionnellement copieux (comme la France, lâAllemagne, lâItalie), les cantines sont nombreuses et gĂ©nĂ©ralement gĂ©rĂ©es par des sociĂ©tĂ©s de restauration collective qui peuvent dâailleurs relever du secteur des micro-sociĂ©tĂ©s familiales (comme en Espagne, au Portugal, dans le sud de lâItalie). On note aussi une diffĂ©rence entre la gestion de la cantine scolaire qui recourt encore Ă des mĂšres au foyer pour la prĂ©paration des repas (en Allemagne par exemple) et celle de la cantine dâentreprise, gĂ©nĂ©ralement professionnalisĂ©e[15].
Au cours du XXe siĂšcle, les rĂšgles dâhygiĂšne (en provenance de la profession hospitaliĂšre) et les principes nutritionnels (sous lâimpulsion du secteur Ă©ducatif) sâimposent en Europe. En rĂ©sumĂ©, il a fallu plusieurs siĂšcles pour passer du rĂ©fectoire oĂč les gens mangeaient le plat obligatoire au libre-service oĂč chacun compose son menu.
Afrique
Dans le continent le plus pauvre du monde, lâimportante disparitĂ© des ressources et des coutumes crĂ©e des situations inĂ©gales qui permettent difficilement les comparaisons. Dans les rĂ©gions les plus pauvres, la cantine cependant, quâelle soit humanitaire ou scolaire, constitue un levier de base pour lutter contre la sous-alimentation et la faim.
Au niveau scolaire, la cantine permet lâaugmentation du nombre dâĂ©lĂšves, amĂ©liore leur Ă©tat de santĂ© et donc leurs performances, et engendre un dĂ©veloppement local â quand elle existe. Diverses associations caritatives et privĂ©es ont aidĂ© et aident encore Ă leur crĂ©ation et Ă leur survie, ce qui ne va pas de soi[N 4]. Le repas est souvent composĂ© dâune bouillie de manioc, de maĂŻs, ou de riz cuit Ă lâhuile avec du « bouillon kub » cuite sur un feu de bois, le combustible Ă©tant parfois apportĂ© par les enfants eux-mĂȘmes[16]. Selon les endroits, les enfants mangent dans une salle avec tables et bancs, ou simplement dehors, assis sur le sol. Il arrive quâils rentrent chez eux avec leur portion pour la partager en famille[17].
La CĂŽte dâIvoire fait figure dâexemple dans le dĂ©veloppement des cantines scolaires ; elle a instaurĂ© un programme de pĂ©rennisation des cantines avec lâaide du Programme alimentaire mondial et rĂ©ussi Ă crĂ©er 4 000 cantines en 15 ans dans 50 % des Ă©coles primaires existantes. La cantine scolaire sây inscrit dans une perspective dâamĂ©lioration de lâĂ©ducation et de dĂ©veloppement communautaire ; les habitants sont aidĂ©s, pendant quatre ans, par lâĂtat et des bailleurs de fonds, mais doivent apprendre Ă gĂ©rer lâapprovisionnement et le mode de gestion du service. La cinquiĂšme annĂ©e, ils doivent ĂȘtre autonomes. Ce programme est transfĂ©rable dans dâautres pays et a Ă©tĂ© citĂ©, lors de la TICAD III (3e ConfĂ©rence internationale de Tokyo sur le dĂ©veloppement de l'Afrique) en novembre 2003, comme lâun des programmes Ă inscrire dans les politiques prioritaires de dĂ©veloppement africain[18]. Au niveau supĂ©rieur, certaines universitĂ©s possĂšdent une cantine, dâautres pas. Les Ă©tudiants de lâuniversitĂ© de lâOgun (Nigeria), par exemple, se logent et se nourrissent dans les villages voisins car câest une universitĂ© non rĂ©sidentielle. Dans le mĂȘme Ă©tat, lâuniversitĂ© Obafemi Awolowo de Ife, par contre, possĂšde sa cantine Awolowo hall, ouverte de 11 Ă 17 heures et oĂč lâon sert un repas Ă base de manioc[19].
Au niveau des entreprises, la cantine fait partie des revendications syndicales de base. Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e Ă partir de questionnaires remplis par des salariĂ©s indique indique que si au Cap-Vert, 75 % des personnes interrogĂ©es ont accĂšs Ă ce service, 75 % des GhanĂ©ens, par contre, doivent apporter leur repas ou aller manger Ă lâextĂ©rieur. En Tanzanie, la plupart des entreprises publiques ont une cantine ; pourtant, l'insatisfaction causĂ©e par ce service pousse 53 % des employĂ©s Ă apporter leur propre manger. Le taux de mĂ©contentement des reprĂ©sentants syndicaux quant au problĂšme de la cantine est de 32 % au Zimbabwe, 52 % en Tanzanie, 75 % au Ghana, 89 % en GuinĂ©e, 90 % au Burkina Faso. Il arrive que, lorsque rien nâa Ă©tĂ© prĂ©vu dans lâentreprise, les travailleurs passent la journĂ©e sans manger ; quant Ă boire, lâeau potable manque et certains doivent utiliser lâeau dâune riviĂšre proche[20].
La qualitĂ© microbiologique des aliments, tant Ă la cantine quâĂ la rue, est rarement bonne, tantĂŽt Ă cause du manque dâeau potable, tantĂŽt Ă cause du manque de place qui ne permet pas le respect des rĂšgles dâhygiĂšne, tantĂŽt Ă cause de la mauvaise exposition des denrĂ©es, tantĂŽt Ă cause des additifs. Il en rĂ©sulte des problĂšmes de sĂ©curitĂ© alimentaire, des maladies diarrhĂ©iques, des risques dâintoxications[21] et des rumeurs crĂ©ant des soupçons d'ajout de formol, glutamate ou vitamines Ă la nourriture servie[22].
Amérique du Nord
Aux Ătats-Unis, Walter Scott est connu pour avoir le premier utilisĂ© une cantine roulante, tractĂ©e par chevaux, Ă Providence en 1872, pour offrir cafĂ© et sandwichs Ă ses collĂšgues du Providence Journal[23]. Son succĂšs a entrainĂ© la production commerciale de fourgons-restaurants Ă Worcester en 1887, par Thomas Buckley, et a dĂ©bouchĂ© sur la crĂ©ation des Diners et des chaines de fast food.
En, 1946, le prĂ©sident Harry S. Truman signe le Richard B. Russell National School Lunch Act qui permet de fournir gratuitement, ou Ă faible cout, des repas dans les cantines scolaires par le biais de subventions aux Ă©coles publiques â et qui permet en mĂȘme temps de rĂ©soudre partiellement le problĂšme du cout des denrĂ©es alimentaires par lâabsorption des excĂ©dents agricoles. Vingt ans plus tard, le prĂ©sident Lyndon Johnson signe le Child Nutrition Act (CNA) pour aider Ă la fourniture de repas dans les Ă©coles publiques et dans les institutions privĂ©es Ă but non lucratif.
Appliquant ses promesses faites aux gros revenus et aux entreprises, Ronald Reagan réduit dans les années 1980 les subventions sociales et notamment celles prévues pour les repas de cantine, renforçant ainsi les inégalités[24].
En 2001, le pourcentage dâĂ©lĂšves ayant droit Ă la cantine subventionnĂ©e rĂ©gule la rĂ©duction accordĂ©e pour la connexion internet des Ă©coles et des bibliothĂšques[25].
Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, la cantine amĂ©ricaine est dĂ©nommĂ©e cafeteria (canteen dans les Ă©coles). Elle se prĂ©sente toujours sous forme de libre-service, et depuis 2008 lâusage du plateau traditionnel pour transporter mets et boissons est supprimĂ© dans la plupart des universitĂ©s pour raison dâĂ©conomie[26]. Dans les Ă©coles supĂ©rieures, ce service engage souvent les Ă©lĂšves dans son personnel.
Au QuĂ©bec, il est trĂšs rare quâune entreprise possĂšde une cantine. Ce service, plus frĂ©quent dans les institutions scolaires et les hĂŽpitaux, se nomme cafĂ©tĂ©ria. Dans cette province canadienne, la cantine dĂ©signe un petit restaurant rapide, que lâon nomme maintenant « casse-croĂ»te », qui sert des mets peu Ă©laborĂ©s Ă emporter (comme la guĂ©dille, la poutine et le sandwich Ă la viande fumĂ©e). Il en va de mĂȘme pour la « cantine mobile » qui se dĂ©place entre les entreprises et les chantiers de construction, lors des pauses de travail, pour offrir des boissons chaudes ou fraiches et des aliments lĂ©gers Ă grignoter et des sandwichs[27]. La popote roulante, d'autre part, est un service de restauration Ă domicile offert par des bĂ©nĂ©voles aux aĂźnĂ©s et aux personnes en perte d'autonomie.
Amérique latine
Les cantines Ă©tablies lors de la construction du canal de Panama prouvent lâexistence de discrimination sociale : la Compagnie du Canal proposait aux cadres blancs amĂ©ricains des restaurants (menu au choix, 30 cents), aux travailleurs europĂ©ens des chapiteaux en tĂŽle avec tables et chaises (menu fixe, 13 cents) et aux Antillais et Hindous les traverses de la voie ferrĂ©e ou le sol (ration en gamelle, 5 cents, la nourriture Ă©tant acheminĂ©e par le « train de la cantine » jusquâaux points les plus Ă©loignĂ©s du chantier). Les rations de ces derniers procurant de substantiels bĂ©nĂ©fices Ă lâentreprise, elle faisait pression sur les ouvriers pour quâils utilisent son systĂšme et nâapportent pas leur propre repas[28]. Au XXe siĂšcle, la discrimination entre cadres et ouvriers existe parfois encore, comme ailleurs dans le monde.
La nourriture proposĂ©e dans les cantines dâentreprises nâest pas forcĂ©ment de qualitĂ© et les travailleurs ne peuvent parfois la pallier en apportant leur repas car les horaires de travail sont mal dĂ©finis[29].
En AmĂ©rique latine comme ailleurs, le rĂŽle des cantines est essentiel dans la lutte contre la pauvretĂ© dans les mĂ©tropoles et la gestion laĂŻque est quasiment toujours assurĂ©e par des femmes au sein de mouvements fĂ©ministes. Les femmes ont pris en charge lâexĂ©cution des programmes dâaides alimentaires. Au PĂ©rou, Ă la suite du programme dâurgence sociale dâAlberto Fujimori, leur travail a permis la crĂ©ation de 4 000 cantines populaires Ă Lima en quelques mois. En association avec lâĂtat, elles ont aussi montĂ© des « ComitĂ©s du Verre de lait » qui gĂšrent les stocks de lait en poudre, les lieux de prĂ©paration et la distribution dâun million de verres par jour. Câest au dĂ©part de ces actions sociales, et sous lâĂ©gide de Maria Elena Moyano, que sont nĂ©s des ComitĂ©s fĂ©minins de dĂ©fense de lâĂ©conomie et de la tranquillitĂ© populaire. Leur capacitĂ© Ă rĂ©gler les problĂšmes a semblĂ© suffisamment dangereuse pour que le Sentier lumineux mĂšne une sĂ©rie dâattaques contre les cantines populaires et enfin assassine Maria Elena Moyano en 1992[30]. Villa el Salvador Ă Lima est un exemple dâautogestion populaire ; dans chaque quartier (regroupant quelque 1 300 personnes) se trouve une cantine[31].
Dans les campagnes pauvres, le repas offert Ă la cantine scolaire incite aussi Ă la scolarisation[32].
Asie
En Asie, lâexistence de la cantine, et son importance, sont variables selon les pays, les habitudes culturelles ou religieuses. De trĂšs nombreuses universitĂ©s utilisent cependant ce service.
Au Japon, il nây a gĂ©nĂ©ralement pas de cantine dans les Ă©coles car le rĂŽle traditionnel de la mĂšre est de prĂ©parer le bentĆ (la gamelle) â ce qui prouve son attachement Ă lâenfant â comme elle le fait aussi pour son mari[33]. Les Ă©lĂšves mangent souvent le repas en classe, avec leur professeur. Sans ĂȘtre vraiment populaires, des cantines scolaires existent cependant ; un projet de suppression de lâune dâelles Ă Saitama a soulevĂ© de vives protestations de femmes ĂągĂ©es de 20 Ă 40 ans[34]. Les cantines (ćŠçéŁć Gakusei shokudĂŽ â salle Ă manger collective pour les Ă©tudiants), oĂč peuvent se cĂŽtoyer Ă©tudiants et fonctionnaires, sont plus frĂ©quentes dans les universitĂ©s.
Dans les entreprises, la cantine oĂč les employĂ©s vont manger leur bentĆ est appelĂ©e « cuisine ».
En ThaĂŻlande, la prise en charge par lâĂtat du cout de la cantine scolaire pour les familles pauvres est lâun des facteurs qui explique lâavance du pays sur ses voisins[35]. Les cantines pour adultes nâexistent gĂ©nĂ©ralement que pour les organismes publics ou excentrĂ©s.
Chine
En chinois, é€ç can he dĂ©signe la cantine pour transporter la nourriture prĂȘte Ă consommer, aussi bien la boite rectangulaire Ă usage unique que le porte-manger mĂ©tallique et le coffre Ă plateaux superposĂ©s pour les prĂ©sents rituels de nourriture, et éŁć shi tang la salle de cantine, lieu collectif ; é€ć can ting (mais câest une coĂŻncidence, cela se prononce « tsâan tâing[36] ») dĂ©signe la salle Ă manger en gĂ©nĂ©ral.
La tradition du repas pris dans la communautĂ© familiale est aussi forte quâen Occident. Mais, dâautre part, la tradition qui veut que les travailleurs soient nourris par celui qui les emploie, Ă©tant donnĂ© que le lieu de travail peut ĂȘtre Ă©loignĂ© du foyer et que le travailleur vit en collectivitĂ© et ne rejoint sa famille quâaux fĂȘtes ou Ă la morte-saison, est depuis toujours beaucoup plus banale quâen Occident. Il y a donc des dortoirs sur les chantiers, dans les entreprises, dans les bases des services publics, et mĂȘme dans les administrations.
Histoire
Les ouvrages classiques contiennent des prĂ©ceptes sur la nĂ©cessitĂ© de servir aux travailleurs de la bonne nourriture en abondance si on veut quâils travaillent bien. Des cantines sur le modĂšle de lâOccident ont existĂ© dĂšs la fin du XIXe siĂšcle dans les concessions Ă©trangĂšres des grandes villes cĂŽtiĂšres (Shanghai, Tianjin, Canton...).
Dans lâorganisation socialiste, Ă partir des annĂ©es 1950, lâunitĂ© de travail (danwei ćäœ), qui rĂ©unit les familles de travailleurs autour dâune activitĂ© Ă©conomique, possĂšde une cantine (shitang) qui assure trois repas par jour aux travailleurs et dont le bĂątiment est un centre de la vie collective. Les images de propagande montrent des Ă©glises et des halls de temples transformĂ©s en cantines. Dans les communes populaires (unitĂ©s de travail agricole Ă la campagne), la cantine â oĂč les familles, y compris les petits enfants, sont tenues dâaller manger â devait libĂ©rer les mĂšres de famille pour la production et briser dĂ©finitivement lâinĂ©galitĂ©. LâexpĂ©rience des communes populaires nâa durĂ© que quelques annĂ©es autour de 1959 mais a marquĂ© les consciences[37].
Au début du XXIe siÚcle, les unités de travail ont perdu leur emprise sur la vie personnelle des travailleurs mais la cantine et sa salle sont restées. Il est courant de commencer la journée de travail par un déjeuner entre collÚgues[38].
Chantiers
Sur les chantiers de construction et de travaux publics des villes, le personnel, qui vient de trĂšs loin, est nourri et logĂ© gratuitement sur place, dans des dortoirs sous tente ou dans des constructions mobiles. Les repas sont livrĂ©s par des artisans spĂ©cialisĂ©s et distribuĂ©s aux Ă©quipes. Il nây a pas de locaux collectifs pour les consommer sinon ceux qui sont improvisĂ©s sur les lieux, et donc pas Ă proprement parler de cantine. Les symboles du prestige social du mingong (le travailleur de la campagne venu sur un chantier en ville) sont le casque de plastique jaune quâil remet sur sa tĂȘte pour sortir en ville les jours de repos, et le grand bol en fer Ă©maillĂ© dans lequel on lui sert ses repas[39].
Entreprises modernes
Dans les entreprises des zones industrielles modernes, la cantine dâentreprise est identique Ă lâeuropĂ©enne. La restauration est confiĂ©e Ă un professionnel (Eurest et Sodexo opĂšrent dans ce secteur). Le repas est gratuit. Pour retenir son personnel, lâentreprise ne lĂ©sine gĂ©nĂ©ralement pas et un comitĂ© dâusagers gĂšre la subvention.
La situation dans les industries, Ă la campagne et dans les petites villes, est trĂšs variĂ©e, selon quâil sâagit dâune entreprise locale dont le personnel vit Ă proximitĂ©, ou dâune implantation de lâextĂ©rieur qui traite souvent son personnel comme celui des chantiers, sans le prestige qui y est attachĂ©.
En ville
Dans les bureaux et les commerces, ou dans les ateliers citadins, il nây a pas de cantines. Des artisans installent des Ă©tals de plats prĂ©parĂ©s dans la rue et dans les cours, et livrent sur place. Les repas emportĂ©s dans des boites en plastique Ă usage unique (canhe) sont consommĂ©s sur le lieu de travail.
Dans lâenseignement
Les Ă©coles primaires ć°ćŠ xiaoxue (« petit enseignement ») ont des cantines qui servent le repas de midi, et souvent les trois repas de la journĂ©e. Câest un aspect de lâĂ©ducation que les parents paient dans les frais globaux de scolaritĂ©. Ă la campagne, oĂč lâargent manque, ils contribuent souvent en nature[40].
La situation des Ă©coles secondaires äžćŠ zhongxue (« moyen enseignement ») qui correspondent aux collĂšges et lycĂ©es est variĂ©e : ces Ă©tablissements ne possĂšdent pas toujours une cantine et les lycĂ©ens font alors appel aux ressources de la restauration de rue.
Les Ă©tudiants des universitĂ©s et des instituts dâenseignement supĂ©rieur ć€§ćŠ daxue (« grand enseignement ») vivent sur des campus qui sont de vĂ©ritables villes, oĂč toute la gamme de restauration est disponible, des Ă©tals de rue avec plats prĂ©parĂ©s aux restaurants classiques de qualitĂ©[41]. Les cantines (shitang) sont organisĂ©es comme les espaces de restauration bon marchĂ© des centres commerciaux en ville. Une grande salle Ă©quipĂ©e de tables et chaises est bordĂ©e dâĂ©ventaires avec cuisines, tenus par des cuisiniers indĂ©pendants, qui proposent plats et boissons. Lâusager prend un plateau Ă lâentrĂ©e, va se servir ou commander aux Ă©ventaires de son choix, paie et sâinstalle Ă une table. Il peut aussi emporter la nourriture pour la consommer au dortoir ou dehors (les rĂšgles varient selon les lieux). LâuniversitĂ© prend en charge le bĂątiment avec son mobilier, et le personnel qui nettoie, ramasse les plateaux, lave la vaisselle. Les cuisiniers fournissent la nourriture et lâĂ©quipement de cuisine, et Ă©quilibrent leur exploitation. Cela permet de maintenir des prix bas. Câest aussi un des rares espaces oĂč les Ă©tudiants, qui vivent en chambrĂ©es de quatre Ă huit, peuvent se rĂ©unir en groupe hors des lieux de lâenseignement ou des activitĂ©s sociales rĂ©glĂ©es[42] - [43].
Inde
En Inde, oĂč le repas est traditionnellement prĂ©parĂ© par la femme et portĂ© sur le lieu de travail sâil nâest pas possible de manger Ă la maison, des cantines existent mais nombre de citadins de grandes villes comme Bombay ou Chennai prĂ©fĂšrent utiliser les services des dabbawalas, livreurs de nourriture. Ce mĂ©tier, qui sâest vĂ©ritablement dĂ©veloppĂ© dans les annĂ©es 1950, dĂ©coulerait directement de la cantine des administrations anglaises[44] : un Anglais, lassĂ© de la nourriture de sa cantine, aurait demandĂ© Ă son serviteur de lui apporter un repas prĂ©parĂ© Ă la maison et cette pratique ayant sĂ©duit dâautres Anglais, aurait engendrĂ© le mĂ©tier de « porteur de casse-croute » ; la clientĂšle des dabbawalas est composĂ©e de petits fonctionnaires, dâemployĂ©s, de commerçants, dâartisans qui peuvent ainsi, sans que leurs Ă©pouses ne doivent se lever aux aurores pour prĂ©parer le repas, manger une nourriture-maison et respecter les diverses rĂšgles et prescriptions religieuses quant Ă la prĂ©paration et Ă lâabsorption de la nourriture.
La prĂ©fĂ©rence des Indiens pour une nourriture prĂ©parĂ©e en famille ou Ă©ventuellement par des khanawalis (cuisiniĂšres de repas-maison), gĂ©nĂ©ralement de la mĂȘme caste que leurs clients, fait quâils consomment peu Ă la cantine les repas prĂ©parĂ©s par lâentreprise mais, le plus souvent, le repas quâon leur y apporte. Les repas de la cantine dâentreprise sont gĂ©nĂ©ralement consommĂ©s par les hommes Ă tout faire. Les cantines universitaires sont fonctionnelles comme partout dans le monde mais la convivialitĂ© y a moins dâimportance Ă©tant donnĂ© le rapport particulier des Indiens Ă la nourriture.
LâInde a mis sur pied le plus grand programme de cantines scolaires du monde, le Mid-day Meal Scheme[45] : il offre un repas gratuit, tous les jours ouvrables, Ă 120 millions dâenfants. NĂ© dans le Tamil Nadu et dans le Gujarat, ce programme a Ă©tĂ© appliquĂ© Ă lâInde entiĂšre aprĂšs une dĂ©cision historique prise par la Cour suprĂȘme de lâInde en novembre 2001. Le gouvernement y a consacrĂ© prĂšs de 864 millions dâeuros en 2006-2007[46]. Parce que cette mesure encourage les parents Ă mettre tous leurs enfants Ă lâĂ©cole, elle est perçue comme un outil pour combattre la discrimination et favoriser la scolarisation des fillettes[45] ; les autoritĂ©s doivent veiller Ă la qualitĂ© des aliments et de lâeau pour faire de cette cantine scolaire une arme contre la malnutrition et les maladies[45].
Typologie
Au XXIe siĂšcle dans les pays dĂ©veloppĂ©s, la cantine est souvent frĂ©quentĂ©e depuis le plus jeune Ăąge (Ă la crĂšche et Ă lâĂ©cole maternelle) jusquâaux derniĂšres annĂ©es de la vie (dans les maisons de retraite) ; on en trouve dans les entreprises, dans lâadministration, dans les hĂŽpitaux, les prisons, lâarmĂ©eâŠ
- Cantine dâune Ă©cole allemande, 1968.
- Cantine de lâĂ©cole Penasco, Nouveau-Mexique.
- Marins anglais sur le Drachenfels, 1961.
- Ă la maison de repos de Altenheim, 1956.
Cantine de lâarmĂ©e
La cantine militaire, en tant que lieu de fourniture de boissons, peut ĂȘtre tenue dans une maison choisie par son entrepreneur ou dans une citadelle occupĂ©e uniquement par lâarmĂ©e. Sa construction obĂ©it, dans ce dernier cas, Ă des rĂšgles prĂ©cises, telles celles dĂ©crites par Bernard Forest de BĂ©lidor en 1729[47].
Au XVIIIe siĂšcle, un grand nombre de soldats consomment beaucoup de boissons alcoolisĂ©es dans les tavernes des villes de garnison ou dans les cabarets ambulants qui suivent les rĂ©giments en marche. LâarmĂ©e, en crĂ©ant des « cantines rĂ©gimentaires » oĂč la biĂšre coute moins cher que lâalcool fort, tente de rĂ©soudre le problĂšme. Mais dans certains cas, la construction mĂȘme de la cantine favorise lâalcoolisme[48]. Les rĂšglements deviennent cependant peu Ă peu plus sĂ©vĂšres, allant parfois jusquâĂ la crĂ©ation de « cantines sĂšches » oĂč lâalcool est totalement absent[49]. Rien nâempĂȘche cependant les militaires dâaller se dĂ©saltĂ©rer en ville, posant des soucis dâordre public aux municipalitĂ©s, et lâalcoolisme reste lâun des problĂšmes majeurs de lâarmĂ©e.
Photo Pyotr Bernstein (1941)
Lâimportance des cantines ambulantes (dites « cantines roulantes », expression simplifiĂ©e dans lâarmĂ©e française actuelle en « roulantes ») pour les troupes, en temps de guerre, est reconnue tant au point de vue physique que moral ; la prise pour cibles prioritaires des vĂ©hicules de cantine a, par exemple, provoquĂ© la dĂ©moralisation des attaquants lors de la bataille de Suomussalmi et contribuĂ© Ă la victoire des Finlandais contre les troupes soviĂ©tiques pourtant largement supĂ©rieures en nombre. Dâune armĂ©e Ă lâautre, la qualitĂ© de lâapprovisionnement est variable (de la boite-repas aux repas copieux offerts dans un « environnement raffinĂ©[50] »).
La cantine pour officiers et sous-officiers est habituellement appelée le mess.
Cantine de prison
Depuis le dĂ©but du XIXe siĂšcle, la cantine de prison fournit â selon les Ă©poques, les lieux et les catĂ©gories de dĂ©tenus â un complĂ©ment apprĂ©ciĂ© de vivres, boissons, tabac (de mĂ©diocre qualitĂ©, dâoĂč lâappellation « tabac de cantine ») et objets de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, papier, encre, plumes, journaux ; selon les cas aussi (gestion par lâadministration ou par un entrepreneur privĂ©), les tarifs sont modĂ©rĂ©s[51] ou non[N 5]. La cantine fournit ainsi un service prĂ©cĂ©demment rendu par le geĂŽlier[52]. Certains pays rĂšglementent fort prĂ©cisĂ©ment la cantine de leurs maisons dâarrĂȘt[N 6].
En France dâavant-guerre, les rations alimentaires sont dĂ©finies en fonction des catĂ©gories de dĂ©tenus ; prĂ©venus, accusĂ©s et dĂ©tenus politiques peuvent recevoir leur repas de lâextĂ©rieur et acheter Ă la cantine. Les repas fournis aux dĂ©tenus sont volontairement insuffisants pour ne pas dĂ©passer ce que mangent les catĂ©gories sociales les plus pauvres[53], pour participer Ă la pĂ©nitence et obliger les prisonniers Ă travailler au mieux afin dâobtenir avec leur pĂ©cule, jadis appelĂ© le « denier de poche », un complĂ©ment alimentaire Ă la cantine. Pendant la guerre, la pĂ©nurie des matiĂšres premiĂšres oblige les dĂ©tenus au chĂŽmage, ce qui ne leur permet plus de cantiner (câest-Ă -dire faire des achats Ă la cantine de la prison). Câest ce qui se passe dĂšs 1941. La mortalitĂ© sâaccroit et pour parer la crise, des associations caritatives comme la SociĂ©tĂ© de Saint-Vincent-de-Paul sont autorisĂ©es Ă acheter Ă la cantine pour les dĂ©tenus malades ou indigents.
En France encore, depuis la fin du XXe siĂšcle, pour cantiner, le dĂ©tenu, qui a prĂ©alablement Ă©tĂ© informĂ© du prix de vente des objets et denrĂ©es, doit remplir un bon de commande qui est relevĂ© le matin et transmis Ă la cantine ; celle-ci est tenue, par cahier des charges, de fournir un conditionnement en petites quantitĂ©s et dâĂ©viter toute rupture de stocks. La commande est livrĂ©e le lendemain, en fin de journĂ©e, sauf sâil sâagit dâun achat particulier, hors liste, qui doit ĂȘtre fait par commande « Ă lâextĂ©rieur » avec autorisation de lâautoritĂ© pĂ©nitentiaire[54].
Le paiement de la commande est effectué par déduction sur la quantité disponible au compte nominatif ouvert dans la prison[55]. La privation de cantine constitue donc une punition et, à ce titre, fait partie des instruments de gestion de la prison[56].
La cantine de prison est parfois le seul lieu oĂč les prisonniers peuvent parler entre eux, Ă©changer des informations, voire prĂ©parer une Ă©vasion. Ainsi, les protagonistes de lâĂ©vasion dâAlcatraz de 1962 ont fait connaissance Ă la cantine de la prison. Dans cette prison de haut niveau de sĂ©curitĂ©, il Ă©tait difficile pour les prisonniers de communiquer entre eux, et la cantine Ă©tait presque le seul moyen pour Ă©changer des nouvelles, ou bien communiquer un plan dâĂ©vasion.
Cantine dâentreprise
La rĂ©volution industrielle modifie le tissu et les habitudes sociales. Au XIXe siĂšcle, la cantine dâentreprise doit faire face aux habitudes culturelles : le repas de midi Ă©tant traditionnellement prĂ©parĂ© par la femme au foyer, nombre dâĂ©poux rentraient manger chez eux. Lorsque la femme Ă©tait elle-mĂȘme ouvriĂšre, si elle obtenait une pause de midi plus longue pour pouvoir rentrer Ă la maison accueillir la famille avec un repas chaud, elle ne pouvait que rĂ©chauffer des plats cuits Ă lâavance. Si elle ne pouvait retourner au foyer, lâhomme devait se contenter dâun repas froid, ou de rĂ©chauffer lui-mĂȘme la nourriture quâil avait emportĂ©e ou encore, si le budget du mĂ©nage le permettait, dâaller Ă la cantine mais les ouvriers refusaient gĂ©nĂ©ralement dây manger[57].
Des cantines dâentreprises ont existĂ© dĂšs la premiĂšre moitiĂ© du XIXe siĂšcle et certains patrons sâen sont fĂ©licitĂ©s, estimant quâelles rĂ©gulaient le commerce dâalimentation et contribuaient Ă diminuer lâalcoolisme[N 7]. Cette derniĂšre affirmation doit ĂȘtre relativisĂ©e, car il va ĂȘtre frĂ©quent de voir les ouvriers dĂ©penser la plus grande partie de leur paye Ă la cantine comme ils pouvaient le faire au bistrot du patelin[58]. Et lâingĂ©niositĂ© des amateurs dâalcool compense lâinterdiction de consommer de telles boissons hors repas â lorsque interdiction il y a[59].
La premiĂšre cantine française autogĂ©rĂ©e serait celle crĂ©Ă©e Ă la Banque de France, en 1866[60]. Un certain nombre dâindustriels, comme Henri De Gorge, Gustave BoĂ«l, Ernest Solvay ou Georges Gaillard tentent dâamĂ©liorer les conditions de vie des ouvriers et crĂ©ent des citĂ©s ouvriĂšres, des corons ou simplement des cantines. DĂšs 1913, le service de cantine est parfois sous-traitĂ©.
En Autriche-Hongrie, la firme GrĂ€f & Stift, qui produit des vĂ©hicules motorisĂ©s pour lâarmĂ©e, crĂ©e en fĂ©vrier 1917 une premiĂšre cantine dâentreprise qui prĂ©pare pour un prix modique trois repas par jour. Les ouvriers qui le dĂ©sirent peuvent emporter le repas chaud pour le manger chez eux[61]. Une aide prĂ©cieuse car la PremiĂšre Guerre mondiale a provoquĂ© des pĂ©nuries alimentaires dans tous les pays belligĂ©rants dĂšs 1915 et la situation ne va cesser dâempirer au fil du temps. La mauvaise situation alimentaire suscite des revendications sociales et mĂȘme des grĂšves. Un systĂšme dâĂ©lection de dĂ©lĂ©guĂ©s est mis en place pour contrĂŽler la cantine des ouvriers du Landsturm de Wöllersdorf et parer aux nombreuses allusions de ponctions par les responsables. En 1918, la cantine de lâusine de munitions de Wöllersdorf ne propose plus au menu quâ« un petit morceau de pain, de chou et dâune sorte de cafĂ© noir[62] ».
En France, la restriction des denrĂ©es alimentaires durant la Seconde Guerre mondiale et lâOccupation, favorise le recours Ă la cantine. Puis, en 1945, la crĂ©ation des comitĂ©s dâentreprise, dont la restauration collective devient une des prĂ©rogatives, entraine la multiplication des cantines qui vont progressivement ĂȘtre appelĂ©es « restaurant dâentreprise[63] ».
La mise en place des journĂ©es continues, câest-Ă -dire avec une courte interruption pour le repas de midi, « nĂ©cessitera dâimportants changements dans les habitudes (alimentaires), en particulier un petit dĂ©jeuner plus copieux et un diner servi plus tĂŽt (âŠ). Pour aider Ă mettre au point cette « journĂ©e continue », il faut encore des cantines scolaires pour les enfants des femmes qui travaillent, des restaurants dâentreprises[64] ».
Si lâexistence dâune cantine est perçue positivement par les ouvriĂšres, dâautres femmes ne lâenvisagent que comme un pis-aller et non comme remplaçant rĂ©ellement la cuisine familiale. Elles ne prennent pas en compte le gain de temps des trajets et considĂšrent le service collectif de repas comme un substitut de cuisine « vite-faite » qui ne peut remplacer leur propre pratique de « vraie » cuisine[65].
Ă la fin du XXe siĂšcle et dans les pays industrialisĂ©s, manger Ă la cantine est totalement entrĂ© dans les mĆurs, ce qui satisfait le patronat car lâ« objectif rattachĂ© Ă ce service est de fournir une saine nutrition au salariĂ© afin de lui permettre de se maintenir en bonne condition physique et de garder un bon moral. Si le salariĂ© a plus dâĂ©nergie pour travailler, il y a moins de risques dâaccidents au travail et plus de chances dâaccroitre son rendement[66] ». Les bons gestionnaires dâentreprises veillent donc Ă la qualitĂ© de leur cantine car les investissements dans lâalimentation permettent de rĂ©duire les jours de congĂ©s de maladie et le nombre dâaccidents. Cet aspect du management nâest cependant pas encore suffisamment entrĂ© dans les mĆurs des entreprises et, en 2005, lâOrganisation internationale du travail (OIT) tient ce problĂšme en trĂšs sĂ©rieuse considĂ©ration[67].
Cantine scolaire
La cantine scolaire fut, au dĂ©part et dans les pays industrialisĂ©s, une rĂ©ponse Ă la nĂ©cessitĂ© sociale de prĂ©server la santĂ© des enfants nĂ©cessiteux[68]. Elle exerce toujours cette fonction, mĂȘme dans les pays dits riches[N 8].
Dans les pays les moins avancés
Lâorganisation dâune cantine scolaire peut ĂȘtre le rĂ©sultat dâinitiatives prises par des associations locales[69] mais dĂ©coule le plus souvent des actions du Programme alimentaire mondial (PAM) alimentĂ©es par les contributions des pays riches, en dons monĂ©taires ou en dons dâaliments[70]. Le PAM a Ă©tabli, en effet, un programme dâalimentation scolaire afin de pallier les dĂ©ficiences nutritionnelles dont souffrent les enfants et dâinciter les gouvernements et collectivitĂ©s locales Ă prendre des mesures concrĂštes pour amĂ©liorer la vie de leurs concitoyens. Dans ce cadre, les autoritĂ©s de divers pays ont amorcĂ© depuis les annĂ©es 1985-1990 des plans de pĂ©rennisation des cantines scolaires, lâobjectif gĂ©nĂ©ral Ă©tant de doter chaque Ă©cole dâune cantine. Lâaide du PAM varie en fonction des rĂ©gions et des dons quâil reçoit ; elle peut ĂȘtre constituĂ©e de nourriture comme de matĂ©riel[71]. Les cantines permettent dâamĂ©liorer la nutrition et participent de ce fait Ă lâĂ©volution positive dâun pays[72].
En Afrique, lâexistence de cantines aide Ă la scolarisation des fillettes et, par consĂ©quent, Ă lâĂ©mancipation fĂ©minine[73]. Mais le continent africain manque de systĂšmes efficaces de restauration collective et la cantine nây est pas forcĂ©ment un service organisĂ© : lâappellation « cantine scolaire » est parfois attribuĂ©e Ă un ensemble de marchands de rue qui offrent des possibilitĂ©s de repas[74].
Comme au XIXe siĂšcle dans les pays occidentaux (et par exemple Ă Mouy, en France), câest la prĂ©sence dâune cantine scolaire et donc lâassurance dâun repas qui, dans bien des pays, incite les parents Ă envoyer lâenfant Ă lâĂ©cole. Ainsi, Ă Bonsaaso (Ghana), le taux de recrutement Ă lâĂ©cole a quasiment doublĂ© aprĂšs lâinstallation de cantines scolaires[75]. Cependant, le cout du transport, des fournitures et de la cantine doit ĂȘtre souvent compensĂ© par le travail de lâenfant, obstacle Ă sa prĂ©sence rĂ©guliĂšre aux cours.
Dans les pays développés
De façon gĂ©nĂ©rale, la cantine scolaire permet Ă ceux qui ne peuvent rentrer chez eux, en raison du travail parental ou d'une distance Ă©cole-maison trop grande, dâavoir un repas chaud. Elle constitue aussi pour les Ă©lĂšves un lieu et un temps dâĂ©change, de sociabilitĂ© et de socialisation.
La modicitĂ© du repas[N 9] impliquant des aliments nourrissants mais bon marchĂ©, les plats proposĂ©s, sâils apportent bien un pourcentage calorique journalier[76], ne respectent pas forcĂ©ment les principes diĂ©tĂ©tiques ; aussi une lĂ©gislation est-elle intervenue dans les pays dĂ©veloppĂ©s. Cependant, si la nourriture servie aux Ă©lĂšves est au XXIe siĂšcle contrĂŽlĂ©e sur le plan de lâhygiĂšne et de lâĂ©quilibre diĂ©tĂ©tique, rien nâempĂȘche lâenfant de dĂ©laisser certains aliments au profit dâautres, car au XXe siĂšcle, les cantines sont passĂ©es progressivement du service dâune nourriture identique pour tous au libre-service qui permet Ă chacun de prĂ©server son rĂ©gime alimentaire personnel en fonction de ses gouts, dâimpĂ©ratifs mĂ©dicaux ou de convictions religieuses.
Selon les lieux et les rĂ©seaux dâenseignement, le menu est parfois portĂ© Ă la connaissance du public. Cela permet aux parents de choisir les mets servis Ă la maison pour Ă©quilibrer lâensemble des repas sur le plan diĂ©tĂ©tique.
La cantine scolaire aborde, surtout en Occident, un nouveau rĂŽle de dimension culturelle, celui dâexemple, car elle constitue lâun des rares lieux Ă©ducatifs sur le plan alimentaire. Elle doit dĂ©velopper une mission dâinformation diĂ©tĂ©tique, car lâenfant qui la frĂ©quente nây prend que quatre repas par semaine, soit un septiĂšme de ses repas hebdomadaires[N 10] alors que lâalimentation des jeunes devient partout dans le monde un enjeu de sociĂ©tĂ© et un enjeu de santĂ© publique. Cette dimension Ă©ducative se heurte encore aux pressions Ă©conomiques. Jane Goodall constate que les chaines de fast-food comme McDonaldâs, Domino's ou Taco Bell, qui distribuent des repas mal Ă©quilibrĂ©s, se voient octroyer le marchĂ© des cantines aux Ătats-Unis « alors que les programmes dâĂ©ducation physique sont rognĂ©s pour des raisons budgĂ©taires[77] ». Par ailleurs, avant mĂȘme de parler diĂ©tĂ©tique, la cantine doit aider parents et enseignants Ă informer lâenfant sur les produits de base.
« Lors dâune tentative dâamĂ©lioration des repas de cantine au Royaume-Uni, les Ă©coliers reçurent des pommes ou des oranges entiĂšres, certains ne savaient pas ce que câĂ©tait, ils nâavaient jamais eu affaire Ă un fruit entier de leur vie[77]. »
Elle participe Ă lâĂ©ducation du gout des enfants par la qualitĂ© et la diversitĂ© des produits consommĂ©s, la valorisation du patrimoine culinaire, et une approche ludique des repas Ă lâoccasion de semaines thĂ©matiques, telle que la semaine du gout en France. Les plus jeunes sont la premiĂšre cible, puisquâils nâont pas encore fini de dĂ©velopper leur palais.
Le type de denrĂ©es disponibles localement et les fortes traditions alimentaires culturelles ont Ă©galement un Ă©norme impact sur le type de menu : en Italie, on sert plutĂŽt des spaghettis Ă la sauce tomate en entrĂ©e, suivis de poulet frit avec pommes de terre rĂŽties et dâun fruit[78] ; en ThaĂŻlande, des nouilles prĂ©cĂšdent le riz et le dessert[79] ; en revanche, au Japon la consommation de la viande de baleine a trĂšs fortement chutĂ© ces derniĂšres dĂ©cennies, y compris dans la restauration scolaire[80].
En cas de modification des pratiques alimentaires scolaires, lâinformation et la concertation entre les pouvoirs organisateurs, les responsables de la restauration et les parents est indispensable pour obtenir un rĂ©sultat positif Ă long terme quant Ă la diĂ©tĂ©tique car il faut changer les mentalitĂ©s, lutter contre les barriĂšres culturelles et faire admettre que les habitudes traditionnelles ne sont pas forcĂ©ment les bonnes[N 11]. Il est Ă©galement nĂ©cessaire de former et motiver particuliĂšrement le personnel encadrant, quâil soit salariĂ© ou bĂ©nĂ©vole.
Le fait de servir, dans les pays dĂ©veloppĂ©s, deux sortes de lĂ©gumes en deux services date du dĂ©but du XXIe siĂšcle et est encore rare ; cela constitue une amĂ©lioration sur le plan diĂ©tĂ©tique si on compare Ă des menus plus anciens ou plus « traditionnels » qui nâĂ©taient composĂ©s que de viande et dâun lĂ©gume (style boulettes-purĂ©e) ou mĂȘme dâun plat de pĂątes. Ce qui se gĂ©nĂ©ralise, câest lâusage dâĂ©tiquettes de diverses couleurs pour attirer lâattention des jeunes sur les mets Ă ne manger quâoccasionnellement, sur ceux que lâon doit consommer avec prudence et enfin sur ceux qui sont conseillĂ©s sur le plan diĂ©tĂ©tique[81].
La cantine scolaire laïque française
DĂšs le milieu du XIXe siĂšcle, lâutilitĂ© dâinstaurer une cantine scolaire dans tous les villages, pendant une partie de lâhiver, est Ă©voquĂ©e par M. Marniquet-Gilbin pour assurer la frĂ©quentation des cours et rendre lâinstruction obligatoire plus attrayante et permettre, en cas de conflit, lâapprovisionnement des mĂšres et des enfants[82].
Ă Paris, Louise Michel crĂ©e une cantine en 1870 pour les Ă©lĂšves de lâexternat quâelle a fondĂ©. Lâan suivant, la Commune de Paris propose, parmi de nombreuses rĂ©formes, la gratuitĂ© de la cantine scolaire. En 1882, les Lois Jules Ferry crĂ©ent lâĂ©cole laĂŻque et obligatoire ; la ville de Paris offre aussitĂŽt une aide alimentaire aux Ă©lĂšves pauvres de ses Ă©coles. Ses cantines accueillent exclusivement les enfants de familles nĂ©cessiteuses ou nombreuses ou ceux Ă qui lâheure et demie dâinterclasse ne permet pas de rentrer chez eux. Lâinstauration de cantines scolaires dĂ©coule cependant dâinitiatives individuelles et non du pouvoir central, et dans de difficiles conditions dâexistence : inconfort des locaux (souvent dans des prĂ©aux couverts et non dans des locaux spĂ©cifiques), manque dâhygiĂšne, repas gras et peu variĂ©s...
Les enfants apportent leur boisson, souvent alcoolisĂ©e â le vin, le cidre, le poirĂ©, la biĂšre, Ă©tant considĂ©rĂ©s comme des boissons naturelles. Dans les annĂ©es 1900, alors que se dĂ©veloppent les mouvements anti-alcooliques, les instituteurs commencent Ă apprendre aux Ă©lĂšves les ravages de lâalcoolisme[83] mais ces boissons sont autorisĂ©es Ă la cantine et cela ne doit pas Ă©tonner car dĂšs le plus jeune Ăąge, lâenfant Ă©tait parfois alimentĂ© avec de lâalcool. La mĂšre elle-mĂȘme, pour enrichir son lait, consommait de lâalcool, et pour sevrer lâenfant, on ajoutait peu Ă peu diverses denrĂ©es (pain, Ćuf, purĂ©e de lĂ©gumes) au lait, puis des « trempettes », câest-Ă -dire du pain Ă©crasĂ© dans du cidre[84]. Lâusage des boissons alcoolisĂ©es nâest limitĂ©, en France, que depuis 1956 aux Ă©lĂšves de plus de 14 ans qui peuvent consommer au repas 1/8 de litre de vin coupĂ© dâeau Ă 3 % vol. ou de la biĂšre ou du cidre lĂ©ger[85]. La ration alimentaire se modifie peu Ă peu sous lâinfluence de la mĂ©decine scolaire et des encore rares hygiĂ©nistes.
Les cantines scolaires furent prĂ©sentĂ©es, dans la section des « Ćuvres auxiliaires et complĂ©mentaires de lâĂ©cole » de lâExposition universelle internationale de 1900 Ă Paris, par des documents statistiques et des photographies. Lâexposition prouvait que lâinstallation pouvait ĂȘtre peu couteuse et que le personnel de cuisine Ă©tait ordinairement composĂ© de la concierge de lâĂ©cole parfois aidĂ©e de son mari[86].
La crise Ă©conomique des annĂ©es trente provoque lâaugmentation des cantines (de plus de 46 % en cinq ans) et la secrĂ©taire dâĂtat Ă lâĂducation nationale CĂ©cile Brunschwig lance une enquĂȘte sur les cantines scolaires ; le rapport conclut que « lâĂ©cole publique est actuellement trĂšs loin de pouvoir donner aux enfants une alimentation normale ». LâĂtat oblige alors chaque Ă©cole Ă avoir une cantine mais les repas y restent mal proportionnĂ©s. Le nombre dâenfants dĂ©pendant de la cantine augmente durant la Seconde Guerre mondiale et malgrĂ© lâattribution de quotas de rationnement supplĂ©mentaire aux cantines, les enfants subissent des retards de croissance importants. La gratuitĂ© de la cantine scolaire est lâune des revendications de la propagande communiste clandestine sous le rĂ©gime de Vichy[87].
La transformation des cantines en « restaurants dâenfants », dans lâaprĂšs-guerre, est due Ă lâancien maitre dâĂ©cole Raymond Paumier[N 12] qui parvient Ă convaincre autoritĂ©s, enseignants et parents de la nĂ©cessitĂ© dâune formation diĂ©tĂ©tique, dâune normalisation des locaux, de la sĂ©lection du personnel et de la prise en considĂ©ration par le gouvernement de projets de loi quant Ă lâalimentation rationnelle[88].
Selon lâĂąge des Ă©lĂšves et le type dâĂ©tablissement scolaire, lâorganisation de la « restauration hors foyer » (RHF) ou « restauration hors domicile » (RHD) incombe au XXIe siĂšcle aux municipalitĂ©s, aux collectivitĂ©s et/ou au ministĂšre de lâĂducation nationale[68].
La cantine scolaire laĂŻque française sâinscrit dans la lignĂ©e du courant Ă©ducatif laĂŻc clairement issu de Condorcet et le mouvement de lâĂ©ducation populaire. Mais, au nom du principe de laĂŻcitĂ© et en fonction de la tendance politique, la cantine semble tenue ou non Ă offrir certains aliments[89], lâextrĂȘme droite allant jusquâĂ affirmer que « lâachat de produits Ă label religieux « cacher » ou « halal » par une administration publique est un dĂ©lit pĂ©nal puisquâune administration publique ne peut subventionner aucun culte ni directement, ni indirectement[90] ». Le vif dĂ©bat entre ceux qui demandent lâintroduction de plats casher ou halal et les tenants dâune alimentation gĂ©nĂ©rale, qui vont parfois jusquâĂ exclure de la cantine des Ă©lĂšves refusant de manger des mets non prĂ©parĂ©s selon leur code religieux, a provoquĂ© une prise de position du Mouvement contre le racisme et pour l'amitiĂ© entre les peuples (MRAP).
Le Syndicat national de la restauration collective estime, en 2006, Ă 6 000 000 le nombre dâĂ©lĂšves français qui dĂ©jeunent rĂ©guliĂšrement Ă la cantine, Ă 6 000 le nombre de cantines scolaires françaises, Ă 1 000 000 000 le nombre de repas servis annuellement dans ces cantines[91].
Le fait, pour des enfants du deuxiÚme flux migratoire asiatique, de ne pas fréquenter la cantine rend les services de santé scolaire plus vigilants et entraine des contrÎles médicaux plus stricts[92].
Lâorganisation de la cantine scolaire
En 2004, le Groupement des industries de lâinterconnexion, des composants et des sous-ensembles Ă©lectroniques, qui suggĂ©rait dans un livre blanc que les mĂ©thodes biomĂ©triques soient utilisĂ©es notamment pour lâorganisation du dĂ©jeuner Ă la cantine, reçoit le Big Brother Award « Orwell Novlang », exprimant les rĂ©ticences dans la sociĂ©tĂ© devant ce qui est considĂ©rĂ© comme une menace contre la vie privĂ©e.
Dans les annĂ©es 2000, divers Ă©tablissements scolaires avaient cependant dĂ©jĂ instaurĂ© des dispositifs de contrĂŽle biomĂ©trique dâaccĂšs Ă leur cantine, soit en respectant les recommandations de la CNIL (reconnaissance palmaire) soit en contrevenant Ă la loi (reconnaissance des empreintes digitales)[93]. Dâautres ont adoptĂ© les badges Ă puce pour la facturation de la cantine scolaire et de la garderie, comme en 2007 dans lâĂ©cole primaire de Saint-MĂ©dard-d'Eyrans en 2007, ou celle de La BruyĂšre (Namur) en 2008[94].
En 2011, le programme national pour l'alimentation prévoit de nouvelles rÚgles pour les cantines[95]
Cantine en temps de guerre
La cantine se rĂ©vĂšle au XXe siĂšcle un service aussi indispensable, si ce n'est plus, en temps de guerre quâen temps de paix. Elle rĂ©pond cependant Ă des besoins diffĂ©rents selon les circonstances.
Cantine de travail
La guerre oblige Ă produire davantage dâarmement, de vĂ©hicules de transports, etc. et conduit donc Ă une concentration de soldats ou de travailleurs en un mĂȘme lieu. La cantine assure le repas. Elle le fait Ă©galement pour les travailleurs dĂ©portĂ©s mais dans des conditions qui se dĂ©gradent au fil du temps, les rĂ©serves alimentaires sâĂ©puisant[96] - [97].
La pĂ©nurie de main dâĆuvre traditionnelle masculine â beaucoup dâhommes Ă©tant au front â offre aux femmes lâopportunitĂ© de jouer un grand rĂŽle dans le maintien de la production industrielle destinĂ©e tant Ă lâeffort de guerre quâaux besoins civils ; cela implique des emplois parfois fort Ă©loignĂ©s du foyer et la crĂ©ation dâinfrastructures dâaccueil, logement et cantine pour laquelle des fonds sont collectĂ©s auprĂšs du public.
Cantine pour prisonniers de guerre
Diverses personnes ont tĂ©moignĂ© de lâorganisation et de la triste qualitĂ© des cantines pour prisonniers de guerre. La Convention (III) de GenĂšve relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 aoĂ»t 1949 a dĂ©cidĂ© que tous les camps destinĂ©s aux prisonniers de guerre doivent ĂȘtre dorĂ©navant pourvus dâune cantine pour leur procurer aliments et objets usuels au prix maximal du commerce local. Les bĂ©nĂ©fices issus de ces ventes constituent un fonds spĂ©cial utilisable au profit des prisonniers ; lors de la dissolution dâun camp, le solde crĂ©diteur du fonds est remis Ă une organisation internationale pour servir « au profit des prisonniers de guerre de la mĂȘme nationalitĂ© que ceux qui ont contribuĂ© Ă constituer ce fonds. En cas de rapatriement gĂ©nĂ©ral, ces bĂ©nĂ©fices seront conservĂ©s par la Puissance dĂ©tentrice, sauf accord contraire conclu entre les Puissances intĂ©ressĂ©es[98]. »
Cantine humanitaire
Grùce aux associations caritatives (YMCA, Croix-Rouge, Armée du salut et autres), des cantines sont périodiquement créées ; dÚs la PremiÚre Guerre mondiale, l'Union des Femmes de France installe par exemple des cantines de gare.
Ainsi, aprĂšs lâeffondrement du TroisiĂšme Reich, se pose le problĂšme des millions de rĂ©fugiĂ©s civils gĂ©nĂ©ralement originaires de lâEurope de lâEst, qui vont rester longtemps maintenus dans des camps et quâil faut nourrir dans une Allemagne oĂč rĂšgne la pĂ©nurie alimentaire alors que chaque rĂ©fugiĂ© doit bĂ©nĂ©ficier dâun rĂ©gime de 2 000 calories pour pouvoir se rĂ©tablir. « Dans de nombreux camps, les 2 000 calories incluent 1 250 calories provenant dâun pain noir, humide et extrĂȘmement peu appĂ©tissant[N 13]. » Parmi ces rĂ©fugiĂ©s, des centaines de milliers dâenfants, dont certains vont pouvoir bĂ©nĂ©ficier de cantines organisĂ©es par les pays europĂ©ens : les enfants de Vienne peuvent ĂȘtre nourris Ă la cantine organisĂ©e par les SuĂ©dois, 80 000 enfants norvĂ©giens mangent les repas de cantine scolaire organisĂ©s par le Danemark[99]. Autre exemple : pendant la guerre civile d'Espagne, une cantine est organisĂ©e pour les rĂ©fugiĂ©s juifs allemands qui nâont pu fuir lâEspagne[100].
Cantine futuriste
Par le biais de la FoodTech, la restauration robotisée est mise à l'essai à Wuhan (Chine) en 2022 dans le cadre de la gestion de la crise de la Covid-19. Proposant des plats variés (parfois jusqu'à 300) et personnalisables, ces nouvelles cantines fournissent des repas en moins d'une minute[101].
Cantine et société
La cantine a jouĂ© un important rĂŽle sur le plan social dĂšs le XVIIIe siĂšcle. Outre son rĂŽle de palliatif Ă la pauvretĂ©, elle a comblĂ© peu Ă peu le besoin de multiples personnes qui nâont ni le dĂ©sir ni la possibilitĂ© de rentrer chez elles, de se rendre dans un lieu de restauration privĂ© ou encore de se nourrir Ă leur poste de travail.
La cantine a modifiĂ© les rĂšgles traditionnelles de la commensalitĂ© puisquâelle provoque des rencontres de hasard, et en crĂ©e parfois de nouvelles par le libre choix de ses commensaux sur base des affinitĂ©s.
Cantine contre gamelle, choix personnel, politique, Ă©conomique
Lâinstauration de la cantine bouleverse des habitudes ethnographiques millĂ©naires. Claude Fischler Ă©crit en 1996[102] :
« Alors que, tout au long de lâĂ©volution historique, on a assimilĂ© la maison au foyer, câest-Ă -dire Ă la cuisine, lâalimentation sâidentifie de moins en moins nĂ©cessairement Ă lâunivers domestique. »
La cantine a constituĂ© un passage obligĂ© dans ce processus. Mais elle a provoquĂ© (et rĂ©vĂ©lĂ©) une rivalitĂ©, voire un conflit, entre milieux familial et collectif, entre « la gamelle » et la « cantine ». La gamelle, pour la plupart des gens, câest le rĂ©cipient indispensable, dâabord en bois, puis en tĂŽle Ă©maillĂ©e, en fer battu, en aluminium[103] ou en plastique, qui a servi longtemps Ă transporter la nourriture prĂ©parĂ©e Ă la maison, gĂ©nĂ©ralement par la mĂšre, la sĆur ou lâĂ©pouse â au point que certains jeunes gens nâimaginaient le mariage que parce quâil fallait quelquâun pour prĂ©parer le panier-repas.
La gamelle nâest pas lâapanage de lâhomme, les femmes aussi lâutilisent, comme mode de transport ou comme rĂ©cipient Ă manger[104], mais souvent pour des plats prĂ©parĂ©s par elles-mĂȘmes[105]. La gamelle, câest un repas froid ou chaud si lâon peut le faire rĂ©chauffer sur le poĂȘle de la classe ou Ă la cantine[106], ou quâil soit rĂ©chauffĂ© au bain-marie dans dâautres cas[107], mais câest un repas sans risque, quâon absorbe avec confiance â pas comme lâ« aliment-service » fourni Ă la cantine par lâindustrie agro-alimentaire.
- Double gamelle en tÎle émaillée[N 14].
- Gamelle métallique ouverte et garnie[N 15].
- Gamelle japonaise en bois[N 16].
- Ătal de gamelles de fantaisie[N 17].
La gamelle fait partie de la culture enfantine, « boite Ă tartine » rĂ©cupĂ©rĂ©e par les marques et qui crĂ©e une compĂ©tition sociale entre les parents, particuliĂšrement aux Ătats-Unis. La gamelle fait partie de la culture ouvriĂšre ; on en consomme le contenu entre ouvriers du mĂȘme bord, Ă lâĂ©cart des chefs, « entre soi » ; on prĂ©fĂšre mĂȘme manger sa gamelle au vestiaire, assis par terre, plutĂŽt que dâaller Ă la cantine oĂč se cĂŽtoient cadres, employĂ©s et ouvriers. La cantine expose lâĂȘtre humain Ă une confrontation avec dâautres, de sexe, de niveaux et de classes sociales parfois diffĂ©rents, ce qui peut poser problĂšme[108].
Dâune certaine façon, la gamelle est Ă lâorigine de la cantine, un local rĂ©servĂ© pour y rĂ©chauffer et y manger le contenu de la gamelle[109]. Peu Ă peu, de la soupe puis des repas sont proposĂ©s dans la cantine, ce qui amĂšne la disparition de la gamelle[84].
La cantine peut ĂȘtre pour certains libĂ©ratoire des contraintes familiales mais constitue aussi une restriction â voire une privation â de libertĂ©, quant Ă la maniĂšre de sâalimenter, pour des raisons Ă©ducatives, politiques ou religieuses : des utopistes[110] Ă Mao Zedong, en passant par les sionistes, les rĂ©gimes totalitaires de CorĂ©e ou du Cambodge[111], les gestionnaires de camps ou dâentreprises, le fait de forcer les gens Ă se rassembler pour manger un repas prĂ©parĂ© hors du foyer impose le changement radical du mode de vie traditionnel et conditionne lâindividu Ă accepter de nouvelles rĂšgles de sociĂ©tĂ©.
Certains choix religieux prĂ©sentent les mĂȘmes exigences : Saint Benoit, par exemple, inscrit dans sa RĂšgle la cuisine commune[112] et le repas commun des moines au rĂ©fectoire[113] au mĂȘme rang que les offices, ce qui impose une hiĂ©rarchie (comme dans une famille) et interdit la constitution de petits groupes de commensaux (comme des amis) Ă lâintĂ©rieur de la communautĂ©.
En France, comme dans nombre de pays europĂ©ens, une alternative Ă la « contrainte » de la cantine comme Ă celle de la gamelle est apparue avec lâinstauration des titres restaurant. Cette facultĂ©, qui nâautorise cependant pas les employeurs Ă sâexonĂ©rer de lâobligation, prĂ©vue par le Code du travail[114], de mise en place dâun lieu de restauration, y compris au sein des petites entreprises (allant a minima dâun « emplacement », permettant de se restaurer dans de bonnes conditions de santĂ© et de sĂ©curitĂ©, Ă la « cantine »), leur offre cependant la possibilitĂ© de substituer lâoctroi de « chĂšques restaurants » au paiement des indemnitĂ©s de petit dĂ©placement (destinĂ©es Ă lâindemnisation de la « gamelle » lorsque le repas au domicile ou dans lâentreprise est rendu impossible du fait de lâĂ©loignement) comme dans le secteur du bĂątiment et des travaux publics par exemple (voir la prime de panier). Ălargie Ă dâautres secteurs dâactivitĂ© et dâautres situations par conventions collectives, elle a Ă©galement permis Ă une partie des salariĂ©s de retrouver une certaine libertĂ© dans le choix de leur lieu de repas (alternative Ă la « cantine ») et dans celui de leur mode dâalimentation (alternative Ă la « gamelle »).
RĂŽle de socialisation
La cantine est aussi un lieu de diffusion de lâinformation, qu'elle soit officielle ou officieuse[115] (potins, rumeurs, affichage, sonorisation d'annonces).
La cantine, Ă©tant gĂ©nĂ©ralement un local assez vaste, sert partout de lieu de rassemblement pour les communications[116], discours et fĂȘtes[117], activitĂ© politique et syndicale[118], culturelle[119] et mĂȘme scolaire[120]. Elle matĂ©rialise un espace Ă usage collectif qui autrement nâexisterait pas.
En Belgique, dans le Sillon Sambre-et-Meuse, la cantine a constituĂ©, au XXe siĂšcle, un lieu de rassemblement et de convivialitĂ© â en dehors des heures de repas â pour les travailleurs immigrĂ©s, et particuliĂšrement pour les Italiens qui sây retrouvaient le dimanche pour bavarder, jouer aux cartes ou aux boules (sorte de jeu de pĂ©tanque) en mangeant ensemble un plat de leur pays comme la pizza[121]. Ă Houdeng-GĆgnies, Ă proximitĂ© des ascenseurs Ă bateaux du Canal du Centre, les usines BoĂ«l firent construire, peu aprĂšs la Seconde Guerre mondiale des logements en matĂ©riaux robustes pour les travailleurs immigrĂ©s Ă la suite des accords signĂ©s entre la Belgique et lâItalie. Cette « cantine des Italiens » est aujourdâhui un musĂ©e de lâimmigration italienne[122].
En France, lâancienne cantine des fondeurs dâAntoignĂ© Ă Sainte-Jamme-sur-Sarthe est aussi devenue un lieu de mĂ©moire. Lâinstallation dâune cantine a parfois permis la survie dâune Ă©cole ou la repopulation dâun village (comme Ă Villers-en-Arthies[123] dans les annĂ©es 1990). La cantine a inspirĂ© Coluche pour le lancement des Restos du CĆur[124] - [125].
Réputation de la cantine dans les pays européens
Pour le petit enfant, aller Ă la cantine, câest ne plus manger le repas prĂ©parĂ© par le parent, câest devoir changer dâhabitudes alimentaires, câest devoir parfois â ou souvent â se forcer ou ĂȘtre forcĂ© Ă avaler des mets quâon nâaime pas, de subir Ă©ventuellement les lazzi des autres Ă©lĂšves et des professeurs, et connaĂźtre la honte[126]. Le cĂŽtĂ© Ă©motif joue un rĂŽle, mais il ne peut justifier la mauvaise rĂ©putation quâont les cantines depuis des dĂ©cennies.
Cette mauvaise rĂ©putation nâest pas nouvelle. Sylvie-Anne MĂ©riot fait remonter son origine Ă lâAncien RĂ©gime, Ă©poque oĂč la nourriture collective consistait en des soupes lĂ©gĂšres, lĂ©gumes cuits Ă lâeau et fromages dessĂ©chĂ©s, servis dans les hospices aux exclus de la sociĂ©tĂ© (pauvres et mendiants, malades et handicapĂ©s[127]âŠ). Lâimage nĂ©gative de la cantine, qui existe dans tous les milieux, est au XXIe siĂšcle principalement alimentĂ©e par la monotonie et la tristesse des repas qui furent proposĂ©s dans les annĂ©es 1930[128] et le sont encore parfois : pĂątes, boulettes, purĂ©e, petits pois, jambon ou Ă©pinards[129]⊠Une nourriture parfois rare[N 18], souvent lourde, voire indigeste, de la ragougnasse, qui a menĂ© des Ă©lĂšves, comme Auguste Angellier, ou des prisonniers, comme ceux de la prison de Nancy en 1972[130], Ă la rĂ©volte. Lâobligation de manger « toute son assiette » est aussi difficilement acceptable â sauf lorsquâon aime ça Ă en mourir[131].
Les gens ont Ă©galement mis en doute la qualitĂ© nutritionnelle des aliments ou leur origine, comme lâexprime clairement Pierre Perret[132] :
Je comprends pas maman que ça tâaffole
Ăa quâon mange Ă la cantine de lâĂ©cole
Ils lâont bien prĂ©cisĂ© tout est pulvĂ©risĂ©
Traité piqué aseptisé ça peut pas nous peser
Crois-moi quâavec toutes ces vitamines
Le chlorate et la pénicilline
Quây a dans les Ă©pinoches
Et les chipolatas
Y a pas un astibloche
Qui viendrait y faire sa casbah
(...)
Question de la bidoche y a rien Ă redire
Tout ce qui est pas au granulé on le vire
Le directeur est formel
Y dit que ça serait mortel
Si tout dâun coup comme ça on bouffait des trucs naturels
Tout ce qui est douteux y fait le sacrifice
Il lâenvoie aux vioques dans les hospices
Ăa part dans les casernes aux cuisines des prisons
Ăa y a suffi dâune fois quâça y a fait crever ses cochons
Pour certains, la cantine est aussi synonyme de pauvretĂ© car son image est associĂ©e Ă celle de lâaide alimentaire[N 19].
La cantine toutefois a aussi un cĂŽtĂ© ludique[133] et parfois mĂȘme dâexcellents aspects : lâactrice Barbara Schulz apprĂ©cie le homard servi Ă la cantine de la production amĂ©ricaine French Kiss, les repas du lycĂ©e de l'EmpĂ©ri sont rĂ©putĂ©s[N 20], etc.
Ătant donnĂ© « lâexistence de risques de dĂ©sĂ©quilibre alimentaire plus importants pour les Ă©lĂšves qui ne dĂ©jeunent jamais Ă la cantine et pour ceux qui grignotent, Ă midi ou en dehors des repas[134] », il est probable que la cantine, toutes rĂ©putations confondues, va continuer longtemps encore de jouer son rĂŽle social.
Le poids Ă©conomique de la restauration collective
En Europe, la restauration collective reprĂ©sente prĂšs de la moitiĂ© des repas consommĂ©s hors foyer[135]. Si la part de marchĂ© de la restauration commerciale croĂźt, le nombre de repas servis en restauration collective demeure en France depuis lâaprĂšs-guerre, supĂ©rieur et en croissance[136]. En 1995, les 3 milliards de repas servis en restauration collective se rĂ©partissent ainsi : 1,1 milliard de repas servis dans 42 500 Ă©tablissements scolaires et universitaires, 1 milliard dans 3 500 Ă©tablissements sociaux et de santĂ©, 500 millions en entreprises, 200 millions dans les Ă©tablissements militaires, 150 millions dans les centres de loisir et 55 millions dans 190 prisons[137], chiffres stables en 2004[138].
De plus en plus externalisĂ©e dans les pays occidentaux, la conception des repas a donnĂ© naissance Ă un secteur de la restauration collective dite « concĂ©dĂ©e »[136], dominĂ© aujourdâhui par trois grandes entreprises europĂ©ennes : la britannique Compass Group et les françaises Sodexo et Elior, qui devancent lâamĂ©ricaine Aramark Corporation. ReprĂ©sentant en Europe 22 milliards dâeuros de chiffre dâaffaires en 2004 et 31 % de la restauration collective en 2005, le nombre de repas concĂ©dĂ©s en France a Ă©tĂ© multipliĂ© par 4,5 entre 1973 et 1990[137]. Dans ces pays, en 2004, 56 % des activitĂ©s de la restauration collective concĂ©dĂ©e sont rĂ©alisĂ©s en entreprise, 21 % dans le secteur santĂ© et social, et 18 % en cantine scolaire et universitaire[135].
En France en 2017, la gestion concédée représente 40 % des repas servis et varie suivant les secteurs. Quasiment absente des restaurants universitaires, elle passe à 8 % dans le second degré et 70 % dans le premier degré [139].
Menu
La cantine ne propose de menu que dans les pays industrialisés ; celle des pays pauvres ne peut généralement que proposer un plat unique réalisé avec les ingrédients immédiatement disponibles.
Les menus sont diffĂ©rents selon les rĂ©gions du monde et correspondent aux habitudes culturelles de leurs habitants. Cela peut aller du simple (un plat principal et un dessert) Ă lâĂ©laborĂ© (entrĂ©e, plat principal, fromage, dessert). Il nâexiste donc pas de menu type.
Partout dans le monde cependant, la composition du menu doit tenir compte de différents facteurs ou contraintes :
- le type de cuisine et de matériel mis à disposition (sans friteuse, ni frites ni beignets) ;
- le budget disponible pour lâachat des aliments et le paiement des frais de fonctionnement (personnel, Ă©nergie, etc.[140]) ;
- l'offre des aliments sur le marché ;
- les désirs des convives et habitudes alimentaires ;
- les apports nutritionnels et l'équilibre diététique. Pour ce dernier point, les collectivités font de plus en plus appel à des diététiciens qui établissent les menus sur une durée de 15 jours.
LâĂ©tablissement des menus dĂ©pend aussi des rĂ©glementations quâimpose la santĂ© publique en matiĂšre de sĂ©curitĂ© alimentaire, de sĂ©curitĂ© sanitaire des aliments et, depuis peu, de prĂ©vention contre lâobĂ©sitĂ©. De nombreuses actions mises en place par les diffĂ©rents pouvoirs organisateurs[141] concernent les menus des cantines.
Dans les pays industrialisĂ©s, sous la pression de lâopinion publique et dâassociations comme Slow Food, la qualitĂ© diĂ©tĂ©tique des menus sâaccroit et les aliments dâorigine biologique prennent peu Ă peu une place croissante[81]. L'ONG Greenpeace attire l'attention sur les questions autant de santĂ© publique que de durabilitĂ© et d'empreinte Ă©cologique dans les cantines scolaires [142]. En France, la part des achats d'aliments d'origine biologique dans la restauration collective est estimĂ©e Ă 2,9 % par l'Agence Française pour le DĂ©veloppement et la Promotion de l'Agriculture Biologique[143].
Dâautre part, le type de poisson servi aux enfants soulĂšve parfois une critique sur le plan de lâenvironnement. Certains reprochent lâutilisation de poissons vivant menacĂ©s de disparition, comme la sĂ©baste ou le grenadier de roche en France[144] ou la baleine au Japon[145].
Architecture
Il nây a pas dâarchitecture-type de cantine. En fonction de la volontĂ©, des finances de lâautoritĂ© organisatrice (Ă©cole, entreprise, association, etc.) et du nombre de personnes Ă alimenter, lâespace de la cantine peut ĂȘtre un simple prĂ©au, un baraquement (sur les chantiers de construction par exemple), une petite, moyenne ou immense salle.
- Simple local, ni tables, ni chaises, nourriture posée au sol[N 21].
- Local couvert mais ouvert, tables identiques et bancs alignés[N 22].
- Local fermĂ© sans fenĂȘtres, bancs attachĂ©s aux tables, en enfilade[N 23].
- Local sous combles avec tables et chaises rigoureusement identiques et alignées[N 24].
- Grande et haute salle vitrĂ©e, Ă lâĂ©tage, tables de couleurs diffĂ©rentes selon les rangĂ©es et chaises[N 25].
- Salle gigantesque sur pilier central, compartimentée, tables de formes variables et chaises.
Dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle, se produit une uniformisation de la structure des cantines, surtout dans les pays industrialisĂ©s. Pour des raisons Ă©conomiques (rĂ©duction des coĂ»ts de main dâĆuvre), les cantines des Ă©coles secondaires importantes, des universitĂ©s et des grandes entreprises sont dĂ©sormais conçues pour le libre-service.
Ă Marçon, la cantine scolaire « Marca », construite en 1959 dâaprĂšs les plans Ă©tablis par Le Corbusier avec AndrĂ© Wogenscky, a Ă©tĂ© classĂ©e monument historique en 2001[146].
Dans lâargot, les jargons et les rĂ©gionalismes
- La cantine de caserne est nommée le « tapis de grives[148] ».
- La cantine de prison est le « tapis de malades[148] ».
- « Cantine », ou encore « cantoche », est le terme souvent utilisé par les écoliers et adolescents pour désigner la restauration scolaire[N 26].
- La cantine de lâĂcole normale supĂ©rieure sâappelle le « pot ».
- Dans le vocabulaire de la marine, la cantine commune pendant lâarmement ou le dĂ©sarmement dâun navire sâappelle la « cayenne ».
- Dans le vocabulaire de lâarmĂ©e, la cantine pour les militaires du rang dans une caserne sâappelle lâ« ordinaire » ; la cantine des officiers et sous-officiers est le mess.
- La « cantine » quĂ©bĂ©coise est quasiment lâĂ©quivalent dâun snack-bar amĂ©ricain : un petit restaurant « rapide » au bord dâune route ou dâune rue, sans places assises â sauf Ă©ventuellement quelques tables de pique-nique Ă lâextĂ©rieur â et sans serveur. Les mets y sont parfois de qualitĂ© mais toujours peu Ă©laborĂ©s : sandwichs en tous genres, poutine, guĂ©dille...
- La « cantine » est aussi un rĂ©gionalisme suisse signifiant gamelle (le rĂ©cipient), selon le Robert historique dâAlain Rey.
- La « cantine » est encore un rĂ©gionalisme suisse dĂ©finissant une tente dressĂ©e lors d'une fĂȘte en plein air, oĂč l'on peut se restaurer et parfois danser, Ă©couter des discours (patriotiques, politiques, etc.) ou assister Ă des concerts Ă l'abri des Ă©lĂ©ments[149].
- La « cantine » est, dans certaines régions de France, un récipient pour conserve ; ainsi, dans le pays lyonnais, est-elle un bocal cylindrique en verre, largement ouvert dans le haut, pour la mise en conserve des fruits à l'eau-de-vie[150].
- La « cantine » est le nom de la boutique dans les marchés de Dakar[151].
- La cantina italienne est un lieu de stockage et de vieillissement des vins, alcools et charcuteries.
- La cantina espagnole est lâendroit oĂč on garde les boissons et oĂč on boit ; câest un synonyme de bar. Le terme est encore utilisĂ© pour le lieu de restauration dans les gares de chemin de fer, mais il est peu Ă peu remplacĂ© par cafeteria.
Dans les arts
Au cinéma
- Consultations de nourrissons et cantine maternelle, impasse des Allemands de Hippolyte De Kempeneer, Belgique, 1918. Une cantine Ă destination des mĂšres est lâun des deux sujets de ce documentaire.
- Les Temps modernes de Charlie Chaplin, Ătats-Unis, 1936. Ă la cantine de la prison, Charlot se demande si la nourriture servie est tombĂ©e du plafond.
- Le DĂ©serteur / Je tâattendrai de LĂ©onide Moguy, France, 1939. La presse reproduit les lĂ©gendes des photographies du film rĂ©alisĂ© en 1939 et distribuĂ© en 1940 comme film de propagande et de mobilisation contre lâAllemagne « Les soldats au repos : on boit un verre et on joue Ă la belote. 1918-1940 : lâatmosphĂšre de la cantine nâa pas changĂ©. ».
- Listen to Britain de Humphrey Jennings, Royaume-Uni, 1942. Dans ce documentaire sur la Seconde Guerre mondiale, le rĂ©alisateur filme des femmes allant chercher du thĂ© Ă la cantine ambulante. Ă deux reprises, Jennings revient sur le menu de la cantine quâil a dâabord filmĂ© en plan plein cadre (bouillon Ă©cossais, cabillaud pommes sautĂ©es, saucisse grillĂ©e, lĂ©gumes verts, gĂąteau au citron, confiture) ; il insiste ainsi sur la nostalgie quâĂ©voque une nourriture opulente en pĂ©riode de rationnement.
- Stage Door Canteen de Frank Borzage, Ătats-Unis, 1943. Des femmes travaillent bĂ©nĂ©volement dans une cantine pour soldats.
- Hollywood Canteen de Delmer Daves, Ătats-Unis, 1944. Ce film relate la crĂ©ation et la vie dâune cantine qui a accueilli, de 1942 Ă 1945, quelque trois millions de soldats et dont les cantiniĂšres et serveuses furent des vedettes d'Hollywood.
- The Seafarers de Stanley Kubrick, Ătats-Unis, 1953. Le long travelling de la scĂšne de la cantine laisse transparaĂźtre le style que Stanley Kubrick dĂ©veloppera par la suite dans ses longs mĂ©trages.
- The Blues Brothers de John Landis, Ătats-Unis, 1980. La scĂšne finale se dĂ©roule dans la cantine de la prison.
- SalĂ©, sucrĂ© de Ang Lee, TaĂŻwan, 1994. Ă la cantine de lâĂ©cole, les enfants mangent ce que leurs parents leur ont donnĂ©, dans une gamelle faite dâassiettes en acier inoxydable emboitĂ©es et serrĂ©es par une courroie. Seuls les plus dĂ©laissĂ©s mangent le repas prĂ©parĂ© par la cantine.
- Vivre ! de Zhang Yimou, Chine, 1994. La cantine municipale est lâune des manifestations du changement social.
- Ăa commence aujourd'hui de Bertrand Tavernier, France, 1999. Une scĂšne dĂ©crit lâaffrontement entre le maire et le directeur de lâĂ©cole primaire au sujet du non-paiement de la cantine.
- Les Fautes d'orthographe de Jean-Jacques Zilbermann, France, 2003. La qualitĂ© de la nourriture Ă la cantine de lâinternat rassemble dans la rĂ©volte Ă©lĂšves et professeurs.
- La Cuisine des cantines : Les coulisses de la restauration scolaire d'Isabelle Brokman, France, 2006, DVD. La rĂ©alisatrice fait le point sur les cantines scolaires en partant de lâexemple dâune Ă©cole de Tours.
- Nos enfants nous accuseront de Jean-Paul Jaud, France, 2008. Une commune du Gard décide de passer aux aliments biologiques pour la cantine scolaire.
Dans la littérature
- La Cantine Chapuzot de Jean Drault, Librairie BlĂ©riot, Henri Gautier Successeur, Paris, sans date, ca 1893. Jean Drault, Ă©crivain et critique thĂ©Ăątral dâextrĂȘme droite, y traite, avec facĂ©tie et une moquerie parfois bon enfant, les pratiques habituelles de lâarmĂ©e Ă une Ă©poque oĂč le fonctionnement de celle-ci subit des critiques sarcastiques, bouffonnes ou amĂšres de Georges Courteline, dâAlphonse Allais et de son beau-frĂšre Charles Leroy, et dâautres encore.
- Fond de cantine (recueil de poĂšmes) de Pierre Drieu la Rochelle, Ăditions de la Nouvelle Revue française, 1920, publiĂ© Ă compte dâauteur. Au sortir de la guerre, le jeune Ă©crivain traumatisĂ© par elle, exprime sa dĂ©sillusion de la paix, son pressentiment de lâarrivĂ©e dâun monde nouveau.
- Un barrage contre le Pacifique (roman) de Marguerite Duras, Gallimard, 1950. Câest Ă la cantine de Ram que surgit lâespoir et une rencontre qui modifie profondĂ©ment le rĂ©cit[152].
- LâĂden cinĂ©ma (thĂ©Ăątre) de Marguerite Duras, Mercure de France, 1977. La cantine de RĂ©am y constitue cette fois un lieu ambivalent : celui de lâamour déçu, du rĂȘve non abouti, de lâexploitation de la fille par la mĂšre mais aussi celui dâune entente heureuse possible entre les membres de la famille, ce que traduit une valse imposĂ©e par une didascalie[152].
- La Cantine des Italiens de Claude Favry, Labor, 1996. Lâauteur y fait notamment lâhistorique des citĂ©s ouvriĂšres et y dĂ©crit le fonctionnement de la Cantine des Italiens du phalanstĂšre BoĂ«l Ă Houdeng-GĆgnies, les catĂ©gories de personnes qui la frĂ©quentaient ; il y cite aussi divers tĂ©moignages.
- Embrouilles Ă la cantine dâHervĂ© Mestron, Archipoche Ăditions, 2008. Sous forme dâenquĂȘte policiĂšre, cet auteur de livres pour adultes et jeunes traite des mystĂšres de la restauration scolaire.
- Faims d'enfance de Axel Gauvin, Seuil, 1987, se déroule dans une cantine.
La littérature pour la jeunesse utilise logiquement le thÚme de la cantine ; sont ainsi parus notamment :
- PiĂ©gĂ© dans le corps dâune dame de cantine ! de Todd Strasser, Barad, 2000 ;
- La Cantine, câest pas bon ! de Madeleine Brunelet, Actes Sud Junior, 2002 ;
- Les dinosaures de la cantine de Kochka, Belin, 2005 ;
- Gaffi : Repas magique Ă la cantine de MĂ©rel, Nathan, 2005 ;
- Ăa swingue Ă la cantine de Fanny Joly, Pocket Jeunesse, 2005 ;
- Effroyable cantine de Marie MĂ©lisou, Rouge Safran, 2006 ;
- La Cantine morbide de Loup Ragout de Richard Petit (romancier), Boomerang Jeunesse, 2007 ;
- Louise ne veut pas manger Ă la cantine, Collectif, Nathan, 2008.
Dans les arts graphiques
Si le repas est un thĂšme frĂ©quent en peinture, il est le plus souvent interprĂ©tĂ© dans un cadre familial ou de banquet, rarement dans celui dâune cantine. Outre Max Liebermann et Philip Absolon dont des Ćuvres illustrent cet article :
- Albert Anker a peint une cantine dâenfants et une soupe populaire.
- Germaine Bouret a dessiné des scÚnes de cantine.
- Camille Hilaire a utilisĂ© lâun des murs intĂ©rieurs de la cantine du collĂšge Georges-de-la-Tour Ă Metz comme support pour une impressionnante fresque.
Une gouache de Salvador DalĂ fut accrochĂ©e dans la cantine de la prison de Rikers Island de 1965 Ă 1981. Cette Ćuvre fut volĂ©e en mars 2003 par un directeur adjoint et trois agents pĂ©nitentiaires qui furent arrĂȘtĂ©s et inculpĂ©s ; elle nâa jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©e[153].
MĂ©tier : cantinier et cantiniĂšre
Le métier
Le cantinier est dâabord celui qui porte la cantine (coffret), puis celui qui tient la cantine et vend boisson et nourriture, enfin celui qui sâoccupe de la cantine (rĂ©fectoire). Ce mĂ©tier a Ă©tĂ© exercĂ© par des hommes et des femmes ; il est ancien : une lĂ©gende cite lâexistence dâune vivandiĂšre dans la bataille de Montaperti, au XIIIe siĂšcle.
CantiniĂšre ou vivandiĂšre ? Le mĂ©tier fut le mĂȘme au XIXe siĂšcle, mais la vivandiĂšre Ă©tait attachĂ©e au quartier-gĂ©nĂ©ral Ă la diffĂ©rence de la cantiniĂšre qui rĂ©sidait Ă la caserne. Plusieurs de ces femmes ont reçu des distinctions honorifiques comme la MĂ©daille de Sainte-HĂ©lĂšne et certaines ont mĂȘme Ă©tĂ© dĂ©corĂ©es de la LĂ©gion d'honneur[154]. La romanciĂšre Edmonde Charles-Roux, qui nâĂ©tait pas cantiniĂšre mais ambulanciĂšre puis infirmiĂšre pendant la Seconde Guerre mondiale, blessĂ©e Ă Verdun en portant secours Ă un lĂ©gionnaire, outre la Croix de guerre et la LĂ©gion dâhonneur, a cependant reçu la distinction de « vivandiĂšre dâhonneur » du RĂ©giment de marche de la LĂ©gion Ă©trangĂšre.
Dans lâarmĂ©e, la cantiniĂšre est lâĂ©pouse du cantinier ou la femme (obligatoirement mariĂ©e en France) qui exerce la fonction de cantinier. Dans le rĂ©giment français en parade, la cantiniĂšre marche derriĂšre la musique menĂ©e par le tambour-major et quelques pas en avant de lâĂ©tat-major, ce qui indique bien lâimportance dans laquelle on la tient. Câest aussi, gĂ©nĂ©ralement, une femme courageuse et compatissante.
« La cantiniĂšre a pour suivre les troupes une petite charrette, attelĂ©e dâun ou deux chevaux ; câest dans cet Ă©quipage que, lors des manĆuvres, elle se rend sur le terrain. Pendant le repos, elle dĂ©bite aux officiers et aux soldats son tabac et ses liqueurs. En campagne, elle se dĂ©voue pour son rĂ©giment ; plus dâune fois, au fort de la bataille, on lâa vue aller de rang en rang porter la goutte aux soldats, et braver la mitraille pour aller donner un peu dâeau aux blessĂ©s. Elle ne compte pas, ces jours-lĂ , elle ne vend pas, elle donne[155]. »
La cantiniĂšre française de lâarmĂ©e ne vend pas seulement des denrĂ©es alimentaires et du tabac. De la RĂ©volution française Ă la fin du XIXe siĂšcle, elle propose aussi un papier Ă lettres dĂ©corĂ© de vignettes imprimĂ©es (dâabord par gravure sur bois et souvent coloriĂ©es Ă la main, puis au pochoir) qui remporte un franc succĂšs auprĂšs des conscrits. On appelle ces documents des « lettres de cantiniĂšres[156] ».
Dans les collÚges et les institutions scolaires privées du XIXe siÚcle, la charge de cantiniÚre pour la préparation des repas est traditionnellement celle de la femme du directeur, ce qui explique probablement la féminisation au XXe siÚcle des métiers de la restauration collective, alors que la restauration traditionnelle est majoritairement masculine[157].
La cantiniĂšre dans les arts
La littérature (principalement les romans), le théùtre, le ballet, l'opéra ou la chanson, essentiellement du XIXe siÚcle, fourmillent de ces personnages de cantiniÚre ou vivandiÚre au caractÚre intrépide et généreux, souvent présentées comme la mascotte du régiment :
- Dans La Chartreuse de Parme, roman de Stendhal, le jeune Fabrice del Dongo égaré sur la route de Waterloo est recueilli par une cantiniÚre qui lui apprend son métier de soldat,
- Dans La VivandiĂšre, ballet dâArthur Saint-LĂ©on, Fanny Cerrito est Kathi, la VivandiĂšre, et Saint-LĂ©on, Hans son amoureux,
- Dans La VivandiĂšre, opĂ©ra de Benjamin Godard sur un livret dâHenri Cain, la vivandiĂšre est prĂ©sentĂ©e comme une femme au grand cĆur.
- Dans La Fille du rĂ©giment, opĂ©ra de Gaetano Donizetti, Marie, la vivandiĂšre des troupes de NapolĂ©on, se rĂ©vĂšle ĂȘtre la fille dâune marquise,
- Dans La Fille du tambour-major, opĂ©ra-comique de Offenbach, Stella, la fille de la duchesse della Volta, sâengage comme vivandiĂšre dans la compagnie de son pĂšre, tambour-major.
- Dans La Grande-duchesse de GĂ©rolstein, opĂ©ra-bouffe dâOffenbach, la cantiniĂšre Wanda est la rivale de la duchesse dans le cĆur du soldat Fritz quâelle a fait gĂ©nĂ©ral,
- Dans Madame Sans GĂȘne, piĂšce de thĂ©Ăątre de Victorien Sardou, le personnage de la future marĂ©chale est une ancienne cantiniĂšre devenue duchesse.
- Dans Le Matelot breton et Les Tambours, Pierre-Jean de BĂ©ranger Ă©voque le personnage de la cantiniĂšre mais câest surtout sa chanson La VivandiĂšre[158] qui a servi Ă vĂ©hiculer la reprĂ©sentation dĂ©prĂ©ciĂ©e de cette figure populaire, « mĂ©lange de fille publique entourĂ©e de soldatesque, une prostituĂ©e aurĂ©olĂ©e de gloire »[159] :
VivandiÚre du régiment,
Câest Catin quâon me nomme.
Je vends, je donne et bois gaiement
Mon vin et mon rogomme.
Jâai le pied leste et lâĆil mutin,
Tintin, tintin, tintin, râlin tintin ;
Jâai le pied leste et lâĆil mutin :
Soldats, voilĂ Catin !
- Dans MĂšre Courage et ses enfants, Bertolt Brecht en donne une image beaucoup plus sombre, et correspondant probablement davantage Ă la vie de ces femmes en temps de conflits, en choisissant la cantiniĂšre comme exemple de mĂšre de condition sociale modeste confrontĂ©e aux calamitĂ©s quâimpose toute guerre, tirant sa cantine misĂ©rable sur les champs de bataille.
- Dans La Rage au corps, film français réalisé par Ralph Habib en 1954, le personnage central est une cantiniÚre nymphomane.
- Dans sa chanson GĂ©nĂ©ral Ă vendre, Ă©crite pour les FrĂšres Jacques sur une musique de Pierre Philippe en 1954, Francis Blanche cite la cantiniĂšre Ă la fin dâune longue sĂ©rie de grades militaires[160].
La cantiniĂšre dans le folklore
La cantiniÚre est entrée dans le folklore :
- dans le cadre de reconstitutions historiques comme Ă Jemappes,
- dans les marches de l'Entre-Sambre-et-Meuse,
- dans les carnavals (la vivandiĂšre est lâun des personnages typiques du Carnaval de Paris),
- ou comme gĂ©ante : on note des cantiniĂšres Ă Nieppe oĂč se dĂ©roule la FĂȘte des cantiniĂšres avec Miss Cantine, Ă la Ducasse d'Ath, Ă Oudezeele, etc.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Raymond Paumier, Un homme se penche sur leur assiette, Max Brézol, Paris, 1967.
- Jean-Paul Aron, Le Mangeur au XIXe siÚcle, 1973, 310 p. (réédition en 1989, Payot (ISBN 2-228-88112-0)).
- M.-L PiĂ©rard, Cantines municipales : Ă boire et Ă manger, Ăditions Chiron, 1986 (ISBN 2-70270-350-X).
- Marcel Chachignon, Bon appétit les enfants ! Histoire de la restauration scolaire des origines à nos jours, UPRM, 1993.
- Jasper Becker, (en) Hungry Ghosts : China's Secret Famine, John Murray, 1996, réédité par The Free Press, 1997, 352 p. (ISBN 0-684-83457-X).
- Sylvie-Anne MĂ©riot, « Le Cas de la restauration collective en France et aux Ătats-Unis », in Jean Gadrey (dir.), HĂŽtellerie-restauration : hĂ©berger et restaurer lâemploi, La Documentation française, 2002, 200 p. (ISBN 2-11-005007-1).
- Xiaomin Yang, La Fonction sociale des restaurants en Chine, Ăditions LâHarmattan, 2006, 310 p. (ISBN 2-296-01530-1).
- Sébastien Demorand, Emmanuel Rubin, JérÎme Bryon, Sophie Brissaud, Cantines : Recettes cultes corrigées par les chefs, Librairie Académique Perrin, Paris, 2006, 146 p. (ISBN 2-262-02542-8).
- Kilien Stengel, Une cantine peut-elle ĂȘtre pĂ©dagogique ? la place de la transmission dans la restauration scolaire, L'Harmattan, Paris, 2012, 138 p. (ISBN 9782296964198).
Notes et références
Notes
- Cet article applique les recommandations orthographiques en usage depuis le Rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques.
- Corrigenda : Quintana, la femme mĂ©tamorphosĂ©e en taxe Ă La Route de Myos Hormos (dans FIFAO, 48, 2e Ă©d. 2006, p. 691, n. 9 (ISBN 2-7247-0340-5)), elle note Ă propos du quintana de SuĂ©tone : Cette fonction de la via quintana ressort de Tite Live (41.2.11) et de SuĂ©tone (Ner. 26) ; chez ce dernier, on voit comment quintana en vient par mĂ©tonymie Ă signifier « marchĂ© » : dans sa jeunesse, NĂ©ron avait instituĂ© une quintana dans son palais mĂȘme, oĂč le butin de ses rapines nocturnes perpĂ©trĂ©es Ă travers la ville Ă©tait vendu aux enchĂšres : quintana domi constituta, ubi partae et ad licitationem dividendae praedae pretium absumeretur. LâĂ©diteur de la CUF traduit astucieusement quintana « cantine », mot qui dĂ©signe, entre autres, un « endroit oĂč lâon vend des boissons, de la nourriture, de menus objets aux membres dâune collectivitĂ© » (TrĂ©sor de la langue française). Mais lâĂ©tymologie de « cantine » ne remonte pas Ă quintana.
- En Auvergne et dans le sud du Massif central par exemple, on appelle cantou le coin de la cheminĂ©e oĂč lâon sâinstallait autrefois pour surveiller la cuisson des repas Description en ligne
- Exemple : en 2009, des bĂ©nĂ©voles de lâAssociation pour le dĂ©veloppement des Ă©coles en Afrique (AGAPO) dĂ©couvrent que lâĂ©cole de Koundou (Mali) quâils ont crĂ©Ă©e ne possĂšde plus de nourriture depuis trois mois. « Face Ă la crise, qui frappe durement lĂ -bas Ă©galement, le rĂ©flexe de survie a Ă©tĂ© de vendre toute la rĂ©colte, une fois la rĂ©partition des besoins annuels pour chaque famille faite. Nous avons donc trouvĂ© une solution provisoire pour assurer un minimum de repas, en allant chercher en 4X4, 600 kilos de mil soit 12 jours de cantine, Ă 3 heures du village, en direction du Burkina Faso oĂč est partie la majoritĂ© des rĂ©coltes maliennes. », citation issu du paragraphe "RĂ©cit de voyage"
- Exemples de différence de tarifs dans des prisons françaises au 1er avril 2000 :
- 1 kg de confiture : 10 F Ă Fresnes, 14,80 F Ă Villepinte ;
- un tube de dentifrice : 11,90 F Ă Fresnes 5,45 F Ă Fleury, 12,50 F Ă Villepinte ;
- 1 kg de sucre en morceaux : 9,90 F Ă Fresnes, 8,60 F Ă Villepinte, 10,20 F Ă Bois dâArcy ;
- 1 boite de RicorĂ© de 100 g : 9,10 F Ă Fresnes, 9,30 F Ă Fleury, 12,50 F Ă Villepinte, 8,50F Ă Bois dâArcy ;
- 1 kg de bananes : 12 F Ă Fresnes, 18,50 F Ă Villepinte ;
- 1 bloc de correspondance (50 feuilles grand format : 10,70 F à Fresnes, 5,30 F à la Santé, 7,35 F à Villepinte ;
- 1 paquet de 25 enveloppes : 3,80 F à Fresnes, 3,55 F à La Santé, 4,20 F à Villepinte ;
- 1 plat cuisiné : entre 16 et 20 F à La Santé ;
- 1 boite de thon Ă lâhuile : 3,95 F Ă La SantĂ©, 6 F Ă Villepinte ;
- 1 l de lait : 3,20 F à La Santé, 3,19 F à Fleury, 4,30 F à Villepinte ;
- 1 paquet de La vache qui rit : 6 F à La Santé. à Villepinte, marque distributeur : 9 F ;
- 1 thermoplongeur (indispensable pour se faire la cuisine ou chauffer un café) : 122 F à La Santé, 70 F à Villepinte.
- Exemple de rĂ©glementation dans la toute jeune Belgique : ArrĂȘtĂ© royal portant rĂšglement pour les pistoles et les cantines des maisons dâarrĂȘt et de suretĂ© civiles et militaires du 7 avril 1833, dans Pasinomie, Collection des Lois, dĂ©crets, arrĂȘtĂ©s et rĂšglements gĂ©nĂ©raux qui peuvent ĂȘtre invoquĂ©s en Belgique, T. XIV, Administration centrale de la Pasicrisie, Bruxelles, 1833.
- Dans une lettre de mars 1845 au comte J. Arrivabene sur la condition des travailleurs dans les usines de la sociĂ©tĂ© de la Vieille-Montagne, Charles de BrouckĂšre fait mention de lâutilitĂ© de la cantine. La Revue nationale de Belgique relate ce texte : « Un usage dont M. de BrouckĂšre a pu apprĂ©cier les bons effets, câest, dit-il, lâĂ©tablissement des cantines dans les fabriques. Des hommes, sans autoritĂ© sur les travailleurs, y fournissent toutes les marchandises nĂ©cessaires Ă la vie de lâouvrier (les liqueurs fortes sont exclues), de bonne qualitĂ© et au prix marchand. Ces cantines forcent la concurrence Ă ĂȘtre honnĂȘte et loyale ; elles assurent la consommation de denrĂ©es bonnes et utiles ; deviennent un lieu de distraction et de rassemblement, sous la surveillance des maĂźtres, et contribuent Ă diminuer lâusage immodĂ©rĂ© des boissons spiritueuses. ». Dans Revue nationale de Belgique, Decq, 1844, p. 190-191.
- Ă la suite des trop nombreux malaises dâĂ©lĂšves dâun collĂšge de Roubaix (France), une enquĂȘte a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e auprĂšs de 500 jeunes en 1996. Les rĂ©sultats ont fait Ă©tat de ce que 50 Ă©lĂšves nâavaient rien mangĂ© de la journĂ©e et quâune centaine ne pouvaient frĂ©quenter la cantine Ă cause dâun tarif trop Ă©levĂ© pour eux (13 francs/repas). Le collĂšge a donc Ă©tĂ© amenĂ© Ă organiser un petit dĂ©jeuner copieux quasiment au prix coutant. Florence Quille, La Croix, 22 novembre 1996.
- Dans certains pays, la cantine est gratuite Ă lâĂ©cole primaire et secondaire, comme en Finlande depuis 1948, en SuĂšde depuis 1973.
- La rĂšgle gĂ©nĂ©rale veut que la cantine soit automatiquement ouverte quatre jours sur sept câest-Ă -dire les jours de la semaine oĂč les enfants ont cours toute la journĂ©e. Les Ă©coles qui offrent le service dâune garderie ou dâactivitĂ©s « parascolaires » le mercredi aprĂšs-midi ouvrent gĂ©nĂ©ralement la cantine ce jour-lĂ aussi.
- Les parents nâadmettent pas, par exemple, la rĂ©duction de la quantitĂ© de viande servie Ă leurs enfants. Autres exemples dans AmĂ©liorer lâoffre en matiĂšre dâalimentation saine dans les Ă©coles et les collectivitĂ©s : expĂ©riences et pistes pour relever le dĂ©fi, Fondation Roi Baudouin, Bruxelles, juin 2008, p. 23.
- Raymond Paumier fut le fondateur du premier restaurant dâenfants Ă Montgeron. Il obtint dâabord que les Ă©coliers disposent de la salle des fĂȘtes pour leur dĂ©jeuner, puis que la commune investisse dans un grand pavillon oĂč lâentresol fut converti en cuisine et les piĂšces en salles de restauration. Ămilie Forestier, Le service public de la restauration collective Ă lâĂ©chelon communal, MĂ©moire pour le DESS Management du secteur public : collectivitĂ©s et partenaires, Institut dâĂ©tudes politiques de Lyon, 2002 en ligne
- Rapport de Earl Harrison au prĂ©sident des Ătats-Unis Harry S. Truman remis le 24 aout 1945.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : deux rĂ©cipients cylindriques en tĂŽle Ă©maillĂ©e grise tachetĂ©e de blanc (rouillĂ©e en divers endroits), avec couvercle, sont attachĂ©s cĂŽte Ă cĂŽte par une piĂšce de la mĂȘme matiĂšre sur laquelle est fixĂ©e une poignĂ©e arrondie pour le transport.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : photo des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments qui composent une gamelle ronde Ă plateaux ; dans un des plateaux, du riz safranĂ© est dĂ©corĂ© dâamandes sĂšches, dans lâautre un ravier en verre (ou en plastique) qui contient des lamelles de poivron rouge est dĂ©posĂ© sur un lit dâolives noires. La luminositĂ© et lâĂ©clat des couleurs rendent cette gamelle fort appĂ©tissante.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : photo dâune boite carrĂ©e en bois sombre, Ă deux compartiments, avec son couvercle.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : gros plan sur une trentaine de « boites Ă tartines » placĂ©es les unes contre les autres sur des planches formant Ă©tagĂšres. La plupart des boites, trĂšs colorĂ©es, sont dĂ©corĂ©es de personnages de BD ou de dessins animĂ©s. Le tout forme un ensemble joyeux et ludique.
- La petitesse de la portion a laissĂ© des traces dans la mĂ©moire collective française au point de voir un mĂ©decin conseiller, dans le cadre de la lutte individuelle contre lâobĂ©sitĂ©, de « diminuer vos portions dâune cuillerĂ©e Ă soupe toutes les deux semaines jusquâĂ la portion dâun plat de cantine » (Dr Yen Bui, Maigrir en faisant des Ă©conomies, BoD - Books on Demand, 2009, 164 p. (ISBN 978-2-8106-0112-7), p. 33.
- Aide sociale, Les Restos du CĆur, PAM, Care International, etc. Ce sentiment nâest pas quâeuropĂ©en : Ă Saint Louis de Bourdon en HaĂŻti, « le service de la cantine est considĂ©rĂ© par la SĆur directrice comme un don, câest-Ă -dire une action caritative, car câest surtout avec le « manger sinistrĂ© » donnĂ© par les organismes dâassistance alimentaire comme le CARE (Centre amĂ©ricain de nutrition) que les autres Ă©coles arrivent Ă faire fonctionner leur cantine. Cela a un sens pĂ©joratif pour les enfants issus de familles aisĂ©es. La cantine est considĂ©rĂ©e comme une « Ćuvre de charitĂ© » pour les populations pauvres et non comme un service social nĂ©cessaire au bon fonctionnement de lâĂ©tablissement ». Louis Auguste Joint, SystĂšme Ă©ducatif et inĂ©galitĂ©s sociales en HaĂŻti : le cas des Ă©coles catholiques, LâHarmattan, Paris, 2007, 526 p. (ISBN 978-2-296-01970-6).
- LâĂcole polytechnique de Verviers est aussi connue pour la qualitĂ© de sa cantine. Elle propose chaque jour, au prix de 2,70 âŹ, deux menus de quatre services (entrĂ©e, potage, plat, dessert), variant les viandes au long de la semaine (deux viandes rouges, deux blanches â porc et volaille â, une « rose » â veau â, un poisson) et offre, en fonction du marchĂ©, des mets tels que thon rouge, marcassin, cochon de lait braisĂ©, canard aux figues... Michel Vargas, Il prĂ©pare 800 menus par jour Ă lâEPV, quotidien La Meuse, Ăd. Sud-Presse, 21 septembre 2008.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : de trĂšs jeunes bonzes, vĂȘtus du kesa, se tiennent cĂŽte Ă cĂŽte, debout, en deux rangĂ©es qui se font face. Entre elles, une multitude de plats et bols, posĂ©s au sol, contiennent la nourriture. DerriĂšre chaque rangĂ©e de moines, on aperçoit des civils assis au sol et des gamelles.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : dans la pĂ©nombre dâune sorte de prĂ©au couvert, qui donne sur une pelouse et laisse apercevoir, une cinquantaine de mĂštres plus loin un bĂątiment moderne, blanc et rose, illuminĂ© par le soleil, des tables rectangulaires pour quatre Ă six personnes, au plateau blanc et piĂštement rose pĂąle, sont flanquĂ©s de simples bancs peints en rose eux aussi. Sur la droite, trois courtes volĂ©es dâescalier donne accĂšs Ă une sorte de galerie.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : photo de la cantine de lâĂ©cole Calhan, au Colorado. Trois longues rangĂ©es de 7 tables rectangulaires brunes, placĂ©es cĂŽte Ă cĂŽte, auxquelles sont attachĂ©s des bancs bleus, sont rĂ©servĂ©es aux Ă©lĂšves. Dans le fond de la salle chichement Ă©clairĂ©e par des nĂ©ons intĂ©grĂ©s au plafond, dâautres tables plus claires avec chaises sont placĂ©es perpendiculairement aux rangĂ©es, prĂšs dâun tableau mural encadrĂ© des drapeaux des Ătats-Unis et du Colorado.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : photo de la Cantine universitaire de Passau crĂ©Ă©e en 1979. 24 tables pour 12 personnes, Ă plateau de stratifiĂ© blanc et pieds en bois clair comme celui des chaises, sont alignĂ©es de part et dâautre dâune longue et haute salle dont la charpente en bois apparente repose de chaque cĂŽtĂ© de la salle sur 6 piliers blancs. Les suspensions modernes dâĂ©clairage ne doivent servir que le soir car tout un cĂŽtĂ© de la salle est largement vitrĂ©. Tout le long de ces fenĂȘtres, des jardiniĂšres blanches et bois clair sont garnies de plantes vertes. LuminositĂ© et calme rĂšgnent ici. Une vingtaine de personnes Ă peine sont prĂ©sentes, soit arrivant dans la cantine, soit assises le plus souvent par groupe de deux, soit quittant le lieu.
- Description de lâimage par souci dâaccessibilitĂ© : la cantine remplie dâhommes et femmes est fermĂ©e par dâimmenses parois vitrĂ©es qui laissent voir les bĂątiments modernes environnants. Dans un angle, deux banderoles verticales sont suspendues et vantent notamment les desserts disponibles.
- Avec « cantoche », les Ă©lĂšves perpĂ©tuent sans le savoir le vocabulaire des poilus quâon retrouve dans François DĂ©chelette, Lâargot des poilus Dictionnaire humoristique et philologique du langage des soldats de la grande guerre de 1914 Argots spĂ©ciaux des aviateurs, aĂ©rostiers, automobilistes, etc., Jouve, Paris, 1918.
Références
- Voir entre autres le TLFi, le Dictionnaire Hachette de la langue française 2000, le Grand Robert de la langue française 2005, le Petit Robert 2007 et le Petit Larousse 2009.
- Cf. Ottorino Pianigiani, Vocabolario Etimologico della Lingua Italiana, 1907.
- Voir aussi « CNTRL, article « cantine » »
- Cf. A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, t. I, p. 340 (cantine), 341 (canton) et 388 (chant).
- DĂ©finition que lâon peut consulter sur Gallica, p. 108 : Petite cave dont on se sert Ă lâarmĂ©e pour mettre des bouteilles.
- Dans son Dictionnaire etymologique de la langue françoise [1650], Paris, nouv. Ă©d. 1750, t. I, p. 298 (en ligne) : caisse, dans laquelle on porte des fioles de vin en voyage [...]. CitĂ© dans Ămile LittrĂ© (dir.), Dictionnaire de la Langue française par E. LittrĂ© de lâAcadĂ©mie française, Paris, 2e Ă©d., 1873 (en ligne).
- IndiquĂ©, ici aussi, dans le LittrĂ©, citant (la) SuĂ©tone. Ă propos des sources de Tardieu, voir plus prĂ©cisĂ©ment dans ses ouvrages et ses contributions aux publications de lâĂcole nationale des chartes et de lâAcadĂ©mie des inscriptions et belles-lettres.
- Larousse du XIXe siĂšcle, 3, Paris, 1867, p. 290 (cantine) et 292 (canton).
- Centre national de ressources textuelles et lexicales Entrée Cantine en ligne
- EugĂšne Viollet-le-Duc, Ustensiles : Cantine, dans Dictionnaire raisonnĂ© du mobilier français de lâĂ©poque carolingienne Ă la Renaissance, vol. 2, Paris, 1871, p. 49-51 avec 2 figures. (Description dâune cantine du XVIIe siĂšcle, en ligne).
- DĂ©cret impĂ©rial du 24 fĂ©vrier 1860 dans J.B. Duvergier, Collection complĂšte des lois, dĂ©crets, ordonnances, rĂšglements et avis du Conseil dâĂ©tat, T. LX, Ch. Bonnet et cie, Paris, 1860, p. 47. Texte du dĂ©cret impĂ©rial relatif aux Ă©quipages de campagne des corps de troupe, pour le transport des bagages des officiers, en ligne
- Abel Boyer, Dictionnaire royal françois-anglois et anglois-françois, tiré des meilleurs auteurs qui ont écrit dans ces deux langues, Jean-Marie Bruyset, Lyon, 1780.
- François-Henri Bolnot, La nouvelle restauration scolaire Informations historiques et techniques en ligne)
- Sylvie-Anne MĂ©riot, Le Cuisinier nostalgique : entre restaurant et cantine, CNRS Ă©ditions, 2002, 332 p. (ISBN 2-271-05967-4), p. 34-35 et p. 41-42.
- La Lettre du SNRC, dossier « La restauration collective en Europe », p. 1-3, février 1999.
- Description de la cantine de Ambodirafia Ă Madagascar
- Paulette Abbadie Douce, LâĂ©cole du manguier : un pari, une rĂ©ussite au Burkina Faso, Ăditions LâHarmattan, 1994, 197 p. (ISBN 2-7384-2351-5), p. 102.
- Programme intĂ©grĂ© de pĂ©rennisation des cantines scolaires, porte dâentrĂ©e du dĂ©veloppement local, Description du programme de pĂ©rennisation en ligne
- Yann Lebeau, Ătudiants et campus du Nigeria : recomposition du champ universitaire et sociabilitĂ©s Ă©tudiantes, Karthala Ăditions, 1997, 359 p. (ISBN 2-86537-759-8), p. 118 et 127.
- GĂ©rard Kester, Les Voix des syndicalistes de base en Afrique : soif de dĂ©mocratie, Ăditions LâHarmattan, 2007, 487 p. (ISBN 978-2-296-03610-9), p. 142 et 143.
- Nicolas Barro, Lassina SangarĂ©, Marc Christian Tahita, Cheik Amadou Tidiane Ouattara et Alfred SababĂ©nĂ©djo TraorĂ©, Les Principaux Agents du pĂ©ril identifiĂ©s dans les aliments de rue et ceux des cantines et leur prĂ©valence en milieu hospitalier, Ouagadougou, 8-11 novembre 2005 Texte dâune Ă©tude menĂ©e par des chercheurs de lâUniversitĂ© de Ouagadougou, en ligne
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- Transcription EFEO, la moins mauvaise approche de la prononciation du chinois mandarin pour les francophones
- Texte dâune thĂšse Ă lâUniversitĂ© de Louvain 2006 Pan Huaqiong Rapports Ătat-paysannerie en Chine page 70. Abstract (page de rĂ©sumĂ©)
- Les Annales 1999, RĂ©forme de lâentreprise dâĂ©tat chinoise, dossier de Corinne Eyraud.
- Voir le film Shijie (Le Nouveau Monde) de Zhang Kejia, 2004.
- Voir Le Journal de Ma Yan édité par Pierre Haski, Ramsay, 2002
- Notice pour les participants aux cours de lâuniversitĂ© de Qingdao (Shandong, Chine). Clarkson University, Potsdam NY, USA
- Chris Kutchera Avoir 20 ans en Chine. Description des conditions de vie en 1995
- Campus courtship in China Conference of Asian studies in Australia 29/06/2006
- Alexandra Quien, Dans les cuisines de Bombay : travail au fĂ©minin et nouvelles sociabilitĂ©s en Inde aujourdâhui, Karthala, 2007, 314 p. (ISBN 978-2-84586-933-2), p. 35.
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- (en) MinistÚre de l'éducation indien, « Mid-Day Meal Scheme »
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- Texte de la chanson