AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Alberto Fujimori

Alberto Kenya Fujimori (prononcĂ© [alˈÎČeÉŸto fuxiˈmoÉŸi] ou [fu(ɟ)ʝiˈmoÉŸi]), nĂ© le Ă  Lima, est un homme d'État pĂ©ruvien d'origine japonaise, prĂ©sident de la RĂ©publique du au .

Alberto Fujimori
Illustration.
Alberto Fujimori en 1998.
Fonctions
Président de la République du Pérou[N 1]
–
(10 ans, 3 mois et 25 jours)
Élection 10 juin 1990
RĂ©Ă©lection 9 avril 1995
28 mai 2000
Vice-président Måximo San Romån
Carlos GarcĂ­a GarcĂ­a
Jaime Yoshiyama Tanaka
Carlos Torres y Torres Lara
Ricardo MĂĄrquez
CĂ©sar Paredes Canto
Francisco Tudela
Ricardo MĂĄrquez
Président du Conseil Juan Carlos Hurtado Miller
Carlos Torres y Torres Lara
Alfonso de los Heros
Óscar de la Puente
Alfonso Bustamante
EfraĂ­n Goldenberg
Dante CĂłrdova
Alberto Pandolfi
Javier Valle Riestra
Alberto Pandolfi
VĂ­ctor Joy Way
Alberto Bustamante BelaĂșnde
Federico Salas
Prédécesseur Alan García
Successeur ValentĂ­n Paniagua
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Lima (région de Lima, Pérou)
Nationalité Péruvienne
Japonaise
Parti politique Cambio 90 (1990-1998)
Nueva MayorĂ­a
Vamos Vecino
PerĂș 2000 (1999-2005)
SĂ­ Cumple (1998-2010)
Alliance pour l'avenir (2005-2010)
Nouveau Parti du peuple (2007-2013)
Cambio 21 (depuis 2018)
Conjoint Susana Higuchi (1974-1994)
Satomi Kataoka
Enfants Keiko Fujimori
Kenji Fujimori
DiplÎmé de Université nationale agraire La Molina
Université de Strasbourg
Université du Wisconsin-Milwaukee
Profession Ingénieur agronome, professeur des universités
Religion Catholicisme

Alberto Fujimori
Présidents de la République du Pérou

Pendant ses mandats de chef de l’État, il met fin Ă  l'insurrection armĂ©e conduite par le Sentier lumineux et rĂ©tablit la stabilitĂ© macroĂ©conomique du pays. Toutefois, sa prĂ©sidence est marquĂ©e par un autoritarisme, par des violences militaro-policiĂšres et par des affaires de corruption. Face Ă  la contestation de sa rĂ©Ă©lection en 2000, il fuit au Japon. En 2004, Transparency International le cite parmi les dix anciens chefs d’États les plus corrompus des vingt derniĂšres annĂ©es.

Mis en cause par la justice dans des tueries perpĂ©trĂ©es sous prĂ©texte d'opĂ©rations de contre-guĂ©rilla, il est extradĂ© au PĂ©rou, puis condamnĂ© Ă  25 ans de prison pour crimes contre l'humanitĂ© et Ă  huit ans pour corruption. Il est graciĂ© en 2017 par le prĂ©sident Kuczynski. La Cour suprĂȘme annule cette grĂące l’annĂ©e suivante, et la justice l’emprisonne Ă  nouveau.

Jeunesse

Fujimori est nĂ© Ă  Lima de parents japonais, Naoichi Fujimori (è—€æŁź 目侀, Fujimori Naoichi, 1897-1971) et Mutsue Fujimori (è—€æŁź ムツス, Fujimori Mutsue, 1913-2009), qui Ă©taient natifs de Kumamoto et avaient Ă©migrĂ© au PĂ©rou en 1934. La naissance fut dĂ©clarĂ©e au consulat japonais pour que le bĂ©bĂ© conserve la citoyennetĂ© japonaise par « droit du sang » car ses parents pensaient pouvoir retourner au Japon. Cependant, lorsque le Japon entra dans la Seconde Guerre mondiale, le PĂ©rou fut le premier pays d'AmĂ©rique latine Ă  entrer en guerre aux cĂŽtĂ©s des États-Unis.

La rĂ©ussite Ă©conomique de la communautĂ© japonaise ne fit qu'exacerber le ressentiment de la population pĂ©ruvienne et beaucoup de Japonais furent persĂ©cutĂ©s et envoyĂ©s en camps de concentration aux États-Unis. Plus de 600 Japonais trouvĂšrent la mort durant la mise Ă  sac de leurs petits commerces. De nombreux Japonais fuirent le PĂ©rou et malgrĂ© la confiscation de leur atelier de rĂ©paration de pneumatiques, la famille Fujimori resta Ă  Lima.

Il Ă©tudia Ă  l'Ă©cole de la Merced, puis au collĂšge Alfonso Ugarte, oĂč il sortit premier de sa promotion.

Ingénieur agronome de formation, il est aussi professeur de mathématiques, puis a ensuite été recteur de l'université Agraria de La Molina et fut deux fois président de la Commission nationale des recteurs d'universités péruviennes (Asamblea Nacional de Rectores).

Deux de ses enfants poursuivent une carriĂšre politique au PĂ©rou :

Il divorce d'avec Susana Higuchi en 1994. Celle-ci est alors formellement dĂ©mise de son titre de PremiĂšre dame, qui est remis Ă  leur fille aĂźnĂ©e. Elle dĂ©nonce dĂšs lors certains agissements criminels de la famille de son mari, et reconnaĂźt celui-ci comme un tyran et dirigeant d'un gouvernement corrompu. Elle tente de se prĂ©senter aux Ă©lections en 1995 mais Alberto Fujimori fait changer la loi Ă©lectorale pour l'en empĂȘcher[2]. C’est elle qui dĂ©nonce le scandale de la corruption du clan Fujimori dans les annĂ©es 1990. Elle tĂ©moigne en 2001, devant le CongrĂšs, des tortures qui lui ont Ă©tĂ© infligĂ©es par les services secrets de son mari[3].

Trois de ses frĂšres et sƓurs fuient le PĂ©rou aprĂšs la chute de son gouvernement, recherchĂ©s par la justice pour enrichissement illicite et association de malfaiteurs. Ils auraient dĂ©tournĂ© des dons japonais destinĂ©s aux pauvres du PĂ©rou durant la prĂ©sidence de leur frĂšre[3].

Ascension politique

Fujimori remporte de maniÚre inattendue l'élection présidentielle de 1990 avec son nouveau parti Cambio 90, mettant en ballottage le célÚbre écrivain Mario Vargas Llosa et l'emportant au second tour. Fujimori a profité de plusieurs éléments politiques locaux :

Enfin, pour certains commentateurs politiques, l'ascendance japonaise de Fujimori a pu lui rallier le vote populaire, une bonne partie des Péruviens étant d'ascendance amérindienne ; et comme lui ne parlait que peu l'espagnol, cela le distinguait du reste du personnel politique, souvent d'ascendance plus particuliÚrement espagnole. Fujimori fut surnommé el Chino (« le Chinois »)[4].

Président de la République

LibĂ©ralisation de l’économie

Pour relancer une Ă©conomie Ă  bout de souffle, Fujimori renie ses promesses de campagne et se lance dans une libĂ©ralisation Ă©conomique de grande envergure — rapidement rebaptisĂ©e « Fujishock ». Sous la tutelle du FMI, il s’engage dans de grandes rĂ©formes de l'Ă©conomie pĂ©ruvienne, plus drastiques encore que ce que Vargas Llosa avait prĂ©vu[5]. La monnaie est dĂ©valuĂ©e de 200 %, les prix augmentent fortement (en particulier l'essence, dont le prix est multipliĂ© par 30), des centaines d'entreprises publiques sont privatisĂ©es et 300 000 emplois sont supprimĂ©s. Le gouvernement obtient rapidement des rĂ©sultats spectaculaires : le pays sort de la rĂ©cession et atteint un niveau de croissance particuliĂšrement Ă©levĂ© certaines annĂ©es (+12 % du PIB en 1994) et l'inflation, qui avait atteint 2 700 % en 1989, se rĂ©sorbe[6].

Le bilan social reste cependant beaucoup moins reluisant. La majorité de la population n'a pas profité des années de forte croissance, qui n'auront finalement fait qu'accentuer les écarts entre riches et pauvres. Le taux de pauvreté s'est maintenu aux alentours des 50 %, un niveau comparable à celui de fin de mandat d'Alan Garcia[6].

Une grande partie des sommes dĂ©gagĂ©es par les privatisations ont Ă©tĂ© englouties par la corruption[7]. En 2004, Transparency International le cite parmi les dix ex-chefs d’États les plus corrompus pour ces vingt derniĂšres annĂ©es[8].

Crise de 1992

Le , Alberto Fujimori organisa un coup de force (en espagnol : autogolpe ou auto-coup d'État). La politique prĂ©sidentielle se trouvait alors partiellement entravĂ©e par le Parlement, qui comprenait une forte proportion d'Ă©lus des partis d'opposition FREDEMO et APRA.

Fujimori annonce l'instauration d'un « gouvernement d'urgence et de reconstruction nationale », invoquant la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue. Le Parlement est dissous, des partis d'opposition sont interdits et la presse est censurĂ©e[9]. À cela s’ajoute l'emprisonnement de dizaines de journalistes et dirigeants politiques et le massacre de plus d'une centaine de militants maoĂŻstes au pĂ©nitencier Castro-y-Castro, dans ce qui aurait Ă©tĂ© une tentative de mutinerie[10]. Fujimori ordonne l'arrestation d'Alan GarcĂ­a, son prĂ©dĂ©cesseur social-dĂ©mocrate Ă  la prĂ©sidence, mais celui-ci avait fui au Chili dĂšs l'annonce du coup de force et s'exile pour l'Europe[11].

Au commencement, avec la dissolution du CongrÚs et la restructuration du systÚme judiciaire, les Péruviens ont peu protesté. Selon les sondages, ce fut le moment de plus forte popularité du président, avec 70 % d'opinions favorables[9]. En raison de la situation économique et de la pauvreté, beaucoup tablaient sur le « Fujishock »[9]. La popularité officielle de Fujimori reposait en partie sur les réseaux clientélistes ; dans les quartiers populaires, les habitants devaient manifester leur soutien au président ou perdre les rations alimentaires distribuées aux cantines. Les services de renseignements surveillaient par ailleurs la population[12].

La rĂ©action internationale, elle, fut en partie nĂ©gative. Les organisations financiĂšres internationales reportĂšrent leurs prĂȘts. Les États-Unis, l'Allemagne et l'Espagne annulĂšrent toute aide au PĂ©rou, sauf l'aide humanitaire. Le Venezuela rompit ses relations diplomatiques. L'Argentine et le Chili rĂ©clamĂšrent que le PĂ©rou soit suspendu de l'Organisation des États amĂ©ricains (OEA). Le coup d'État, par ses consĂ©quences diplomatiques, mit en danger les rĂ©formes Ă©conomiques en coupant le PĂ©rou d'une partie de ses partenaires commerciaux.

Cependant, l'OEA et le gouvernement de George H. W. Bush reconnurent officiellement Fujimori comme chef lĂ©gitime du PĂ©rou, malgrĂ© le non-respect des rĂšgles dĂ©mocratiques. Leur crainte Ă©tait de voir le pays s'affaiblir, alors que les États-Unis venaient de signer en 1991 un accord de coopĂ©ration militaire avec le PĂ©rou pour lutter contre les producteurs de coca. De plus, le gouvernement amĂ©ricain commençait Ă  s'inquiĂ©ter du mouvement du Sentier lumineux (Sendero Luminoso en espagnol) d'Abimael GuzmĂĄn.

Le , une tentative militaire de coup d'État Ă©choue Ă  renverser Fujimori, qui se rĂ©fugie temporairement, en pleine nuit, dans l'ambassade japonaise.

En 1993, le PĂ©rou adopte une nouvelle Constitution. D'inspiration nĂ©olibĂ©ral, le texte facilite la privatisation d’entreprises publiques, les coupes budgĂ©taires, le recul des droits des travailleurs, et un cadre normatif et fiscal trĂšs favorable aux entreprises Ă©trangĂšres, favorisant notamment l'implantation de nombreuses multinationales miniĂšres[13]. En , au moment de sa plus forte popularitĂ©, Fujimori est rĂ©Ă©lu et son parti obtient la majoritĂ© absolue au CongrĂšs. Il bat Javier PĂ©rez de CuĂ©llar, ancien secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations unies.

Guerre avec l’Équateur

Quelques jours aprĂšs son Ă©lection, un conflit territorial Ă  la frontiĂšre avec l'Équateur Ă©clata, provoquant de quelques dizaines Ă  plusieurs centaines de morts. CĂ©dant une partie du territoire rĂ©clamĂ©, Fujimori signa un accord de paix avec l'Équateur, mettant fin Ă  prĂšs de deux siĂšcles de conflits territoriaux en Amazonie. Cet accord permit Ă©galement d'obtenir des fonds internationaux pour dĂ©velopper la rĂ©gion frontaliĂšre.

Fujimori avança également dans les discussions avec le Chili au sujet du traité d'Ancón.

Lutte contre la guérilla

Beaucoup de PĂ©ruviens crĂ©ditent Fujimori d'avoir mis fin aux insurrections armĂ©es conduites par les groupes maoĂŻste du Sentier lumineux (Sendero Luminoso) et socialiste du Mouvement rĂ©volutionnaire Tupac Amaru (MRTA), qui s'opposaient militairement au gouvernement. Pour permettre cela, Fujimori a accordĂ© Ă  l'Ă©tat-major militaire le pouvoir d'arrĂȘter les personnes suspectĂ©es de terrorisme et de les juger, en secret, par des tribunaux militaires. Dans le mĂȘme temps, Fujimori encourageait les habitants Ă  former des patrouilles de campagne (rondas campesinas) pour veiller Ă  la sĂ©curitĂ© des zones rurales.

Fujimori est accusé d'avoir permis les arrestations et assassinats de milliers de Péruviens innocents, d'avoir miné les droits et libertés individuels au profit de l'armée, sans compter les ruraux qui ont pu se trouver pris au milieu des opérations de l'armée et du Sentier lumineux. Néanmoins, en 1992, l'arrestation du principal dirigeant du PCP-SL, Abimael Guzmån, entraine une réduction significative des actions de la guérilla, et Fujimori se posa en vainqueur.

Le rapport final de la commission « VĂ©ritĂ© et RĂ©conciliation » du gouvernement pĂ©ruvien, publiĂ© le , soutient toujours la thĂšse de Fujimori voulant que la majoritĂ© des atrocitĂ©s commises entre 1980 et 1995 sont bien le fait du Sentier lumineux. Toutefois, ce rapport affirme Ă©galement que les forces armĂ©es pĂ©ruviennes sont coupables de la destruction de villages et de meurtres de paysans suspectĂ©s d'aider les terroristes, comme le massacre de 47 habitants, enfants compris, de Cayara (dĂ©partement d'Ayacucho) en 1988. Les officiers responsables furent condamnĂ©s Ă  des peines de prison de trois mois Ă  un an ; mais beaucoup ne furent pas condamnĂ©s, faute de preuve ou de tĂ©moin[14].

Les rĂ©vĂ©lations, en 2002, sur le dĂ©nouement de la prise d'otages de la rĂ©sidence de l'ambassadeur du Japon Ă  Lima parlent Ă©galement contre le comportement de l'armĂ©e. Du au , les miliciens du groupe Mouvement rĂ©volutionnaire Tupac Amaru (MRTA) prennent en otage 800 personnes (diplomates, hauts-fonctionnaires et dignitaires du rĂ©gime) dans la rĂ©sidence de l'ambassadeur japonais. MalgrĂ© la libĂ©ration de la plupart des otages, le gouvernement Fujimori a refusĂ©, en Ă©change, de dĂ©livrer des prisonniers membres du MRTA. L'armĂ©e prend la rĂ©sidence d'assaut le : sont tuĂ©s deux soldats, un otage (le juge de la Cour suprĂȘme, Carlos Ernesto Giusti) ainsi que les 14 preneurs d'otages. Selon les tĂ©moignages d'otages libĂ©rĂ©s, plusieurs membres du commando se sont rendus aux militaires mais ont Ă©tĂ© sommairement exĂ©cutĂ©s. Le seul otage tuĂ©, opposant notoire Ă  Fujimori, aurait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© sur ordre du chef des services secrets et bras droit du prĂ©sident, Vladimiro Montesinos[15].

Montesinos entretient des liens Ă©troits avec la CIA et les services secrets qu'il dirige reçoivent 10 millions de dollars de l'agence pour soutenir les activitĂ©s de contre-guĂ©rilla du gouvernement. Les ventes d'armes des États-Unis au PĂ©rou ont par ailleurs quadruplĂ© sous la prĂ©sidence de Fujimori[16].

En 1995, Alberto Fujimori amnistia tous les membres de l'armée et de la police péruvienne accusés ou coupables d'abus contre les droits de l'homme entre 1980 et 1995[12].

Stérilisations forcées de femmes indigÚnes

Alberto Fujimori fait dĂ©marrer une campagne de stĂ©rilisations forcĂ©es dans certaines rĂ©gions rurales du pays. Empreint d'eugĂ©nisme, le programme est essentiellement dirigĂ© contre les populations indigĂšnes : 330 000 femmes et 25 000 hommes en seront victimes selon un rapport du ministĂšre de la SantĂ©. L'objectif aurait Ă©tĂ© de juguler la dĂ©mographie afin de bĂ©nĂ©ficier d'une aide Ă©conomique accrue promise par les États-Unis, mais Ă©galement de rĂ©duire des populations fortement dĂ©favorisĂ©es et suspectes de sympathies pour la guĂ©rilla du Sentier lumineux[17] - [18].

DĂ©part du pouvoir

Alberto Fujimori (au centre) en 1999.

Malgré l'interdiction constitutionnelle de briguer un troisiÚme mandat présidentiel, Fujimori se porta candidat pour les élections de 2000 en prétextant que le premier mandat avait eu lieu sous l'ancienne Constitution. La télévision est totalement contrÎlée, la presse à scandales s'attaque durement aux adversaires de Fujimori (Alejandro Toledo est notamment décrit comme étant cocaïnomane)[19].

Il est déclaré vainqueur de l'élection présidentielle, avec 74 % des voix au second tour, face à Alejandro Toledo. Mais ses opposants dénoncent des irrégularités et Alejandro Toledo demande l'annulation de l'élection. Dans ce contexte, remonte le scandale de corruption autour de Vladimiro Montesinos (une vidéo de Montesinos corrompant un député d'opposition est diffusée).

Alberto Fujimori fuit le pays pour le Japon et, le , le CongrÚs péruvien vote sa destitution. AprÚs un intérim assuré par Valentín Paniagua, Alejandro Toledo est élu président de la République.

AprÚs la présidence

Exil et poursuites judiciaires

Alberto Fujimori, qui n'a pas abandonné sa nationalité japonaise lors de la réforme de la loi sur la citoyenneté de 1985, demeure au Japon.

Le , deux mois avant l'exil, le ministre de la Justice péruvien met en accusation le président Fujimori pour homicide. En , à la demande du gouvernement péruvien, Interpol émet un notice rouge contre Fujimori pour meurtre, kidnapping et crime contre l'humanité.

En , le gouvernement d'Alejandro Toledo fait une demande d'extradition de l'ancien président aux autorités japonaises. Cependant, le Japon et le Pérou n'ont pas conclu de traité d'extradition. Le gouvernement péruvien prévoit de faire présenter, par leur ministre de la Justice, les dossiers d'inculpation au gouvernement japonais et de lui rappeler que Fujimori a la double nationalité.

Emprisonnement

Il est arrĂȘtĂ© le , quelques heures aprĂšs ĂȘtre arrivĂ© Ă  Santiago du Chili. Il y a expliquĂ© qu'il voulait regagner le PĂ©rou et se porter candidat Ă  la prĂ©sidence, bien que toute fonction publique lui soit interdite dans ce pays jusqu'en 2011[20]. Le , il annonce officiellement sa candidature Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle d'avril 2006. Le Conseil Ă©lectoral pĂ©ruvien n'interdit qu'aux dĂ©linquants condamnĂ©s de se porter candidat Ă  la prĂ©sidence, mais de nombreux observateurs s'attendent Ă  ce que la candidature de Fujimori soit rejetĂ©e.

Fujimori, voyant que le procÚs permettant de l'extrader avance, décida de jouer sa derniÚre carte en et annonça sa candidature à la Chambre des conseillers, la chambre haute du Parlement japonais, ou DiÚte) sous les couleurs du Nouveau Parti du peuple (NPP), créant ainsi une tension entre le Chili et le Japon. Il est néanmoins battu aux élections sénatoriales japonaises du .

Plusieurs charges sont retenues contre Fujimori :

  • meurtre, pour le massacre de Barrios Altos en 1991 et la mort de quinze personnes dĂźnant dans un quartier pauvre de Lima, dont un enfant de 8 ans. Ils furent tuĂ©s par un escadron de la mort nommĂ© Grupo Colina et qui aurait agi sur ordre de Montesinos ;
  • meurtre, pour le massacre de l'universitĂ© de La Cantuta en 1992 et la mort de neuf Ă©tudiants et d'un professeur soupçonnĂ©s d'appartenir au Sentier lumineux, commis par le mĂȘme escadron ;
  • le CongrĂšs vota Ă©galement Ă  l'unanimitĂ© l'accusation contre Fujimori d'ĂȘtre responsable de la dĂ©tention et de la disparition de 67 Ă©tudiants de la ville andine de Huancayo et de la disparition de plusieurs habitants de la ville cĂŽtiĂšre de Chimbote pendant les annĂ©es 1990.

Alberto Fujimori a plusieurs fois déclaré que ces accusations et ces procédures étaient politiques et infondées. Il a créé, depuis le Japon, un nouveau parti, Sí Cumple, pour participer à l'élection présidentielle de 2006. La commission nationale électorale rappela en qu'il ne pouvait se présenter jusqu'en 2011, le CongrÚs l'ayant accusé d'avoir abandonné son poste en fuyant le pays.

AprĂšs cinq ans d'exil volontaire au Japon, il est arrĂȘtĂ© au Chili peu de temps avant l’élection prĂ©sidentielle de 2006. Il y demeure en attendant son extradition vers le PĂ©rou. Le , son extradition est acceptĂ©e par la Cour suprĂȘme du Chili.

Il est condamnĂ©, le , Ă  25 ans de prison par le tribunal de Lima, pour violation des droits de l'homme pendant sa prĂ©sidence, peine confirmĂ©e par la Cour suprĂȘme du pays le [21]. Il est Ă©galement condamnĂ© Ă  sept ans et demi de prison pour le dĂ©tournement des fonds avec lesquels il a payĂ© Vladimiro Montesinos, chef de ses services de renseignement. Il est par ailleurs reconnu coupable, le , d'avoir payĂ© des dĂ©putĂ©s d'opposition et des journalistes et de s'ĂȘtre livrĂ© Ă  des mises sur Ă©coute tĂ©lĂ©phonique d'opposants, de journalistes et d'hommes d'affaires, y compris Mario Vargas Llosa ou Javier PĂ©rez de CuĂ©llar ; pour ces motifs, il est condamnĂ© Ă  six ans de prison. Les peines ne s'additionnant pas au PĂ©rou, il ne devrait effectuer que la plus longue des peines de prison. Il est Ă©galement condamnĂ©, en 2015, Ă  huit ans de prison pour dĂ©tournement de fonds ; cette peine n'est pas cumulable avec la prĂ©cĂ©dente[22].

Il est dĂ©tenu dans une prison dont 10 000 mÂČ sont allouĂ©s Ă  son seul usage, disposant d'un jardin plantĂ© de 5 000 rosiers, d'une clinique privĂ©e, d'un atelier de peinture et d'un salon de rĂ©ception lui permettant de recevoir des visites sans restriction[23].

Libération

Kenji Fujimori rendant visite à son pÚre, hospitalisé ().

Les Ă©tudes d'opinion indiquent en 2017 que 60 % des PĂ©ruviens sont favorables Ă  son amnistie[24]. Le , le prĂ©sident Pedro Pablo Kuczynski, qui vient d'Ă©chapper Ă  une procĂ©dure de destitution dĂ©posĂ©e par l'opposition fujimoriste[25], lui accorde, contrairement Ă  ses promesses Ă©lectorales[26], une grĂące prĂ©sidentielle « humanitaire » en raison notamment de la dĂ©gradation de son Ă©tat de santĂ©[27]. Pour justifier sa dĂ©cision, critiquĂ©e par des familles des victimes de la prĂ©sidence Fujimori, il reconnaĂźt que l'ancien prĂ©sident est responsable de rĂ©pressions mais affirme qu'il a aussi contribuĂ© Ă  rĂ©tablir la stabilitĂ© Ă©conomique et que la grĂące constitue un acte de clĂ©mence Ă  l'Ă©gard d'un homme ĂągĂ© et malade[26] Le , depuis son lit d'hĂŽpital, Alberto Fujimori demande « pardon du fond du cƓur » aux compatriotes qu'il a déçus lors de sa prĂ©sidence[28] - [29].

Le , dans un manifeste, quelque 230 auteurs, dont le prix Nobel de littérature 2011 Mario Vargas Llosa, dénoncent la grùce et accusent Kuczynski de l'avoir effectuée en échange de son maintien au pouvoir par l'abstention d'une partie des fujimoristes[30].

Un accord avait Ă©tĂ© conclu avec Kenji Fujimori, fils de l'ancien prĂ©sident et personnalitĂ© du parti d'opposition Force populaire, qui s'Ă©tait engagĂ© Ă  convaincre des dĂ©putĂ©s de ne pas voter la destitution du chef de l’État si celui-ci graciait son pĂšre. Au contraire, sa fille, Keiko Fujimori, a tentĂ© d’empĂȘcher qu'il soit graciĂ©, craignant qu’en sortant de prison son pĂšre ne redevienne le chef de la famille[2].

Le , il quitte l'hĂŽpital libre de ses mouvements[31].

Nouveau procĂšs et annulation de la grĂące

Le , il est renvoyé devant un tribunal pour des faits liés au meurtre de six villageois en 1992[32].

Le , le juge Hugo Nuñez annule la grùce qui lui avait été accordée en 2017 et ordonne son arrestation immédiate[33]. Il est hospitalisé dans la foulée[34]. Tandis que Fujimori implore les autorités de ne pas le réincarcérer, arguant que ça reviendrait à le « condamner à mort », le ministre de l'Intérieur, Mauro Medina, déclare qu'il est considéré comme détenu et qu'il serait effectivement réincarcéré à sa sortie d'hÎpital[35]. Le , la justice refuse de le libérer avant l'examen de son appel contre l'annulation de la grùce[36].

Le , il est réincarcéré[37].

Un autre procĂšs s'ouvre en mars 2021 concernant la politique de stĂ©rilisation forcĂ©e pratiquĂ©e sur des centaines de milliers de femmes indigĂšnes dans les annĂ©es 1990. Aucun des responsables de ces pratiques n’a jusqu'alors Ă©tĂ© condamnĂ©[38].

Notes et références

Notes

  1. Président du gouvernement d'urgence et de reconstruction nationale du 5 avril 1992 au 6 janvier 1993.

Références

  1. (es) « FiscalĂ­a peruana abre investigaciĂłn contra hijos de Alberto Fujimori por lavado de activos - PULSO », PULSO,‎ (lire en ligne)
  2. Par Christelle Guibert, « Les Fujimori. Grandeur et dĂ©cadence d’une dynastie japonaise au PĂ©rou », sur Ouest-France.fr,
  3. « Au Pérou : le sulfureux clan Fujimori divise les électeurs », sur Ouest-France.fr (consulté le )
  4. « 1990, PerĂș : Alberto Fujimori gana las elecciones » [vidĂ©o], sur YouTube (consultĂ© le ).
  5. « Le PĂ©rou otage d'un pouvoir autoritaire », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
  6. « PĂ©rou: les ratĂ©s du systĂšme Fujimori », LExpress.fr,‎ (lire en ligne)
  7. (es) El Mercurio S.A.P., « Revelan en PerĂș que US$6 mil millones desaparecieron durante gobierno de Fujimori | Emol.com », Emol,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  8. « Highlights from the Global Corruption Report 2004 », Transparency International,‎
  9. « Établissement d'un gouvernement d'urgence au PĂ©rou | Perspective monde », sur perspective.usherbrooke.ca
  10. « PĂ©rou : l'armĂ©e contre les journalistes », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
  11. « ÂżAlan, dĂłnde estĂĄs? », larepublica.pe,‎ (lire en ligne)
  12. RaĂșl Zibechi, « RISAL.info - Le procĂšs de Fujimori : une opportunitĂ© pour le PĂ©rou »
  13. Reporterre, « Au Pérou, la colÚre des peuples indigÚnes contre l'élite blanche », sur Reporterre, le média de l'écologie
  14. « peru21.pe/noticia/731206/caso-
 »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?).
  15. « Montesinos mandó matar a vocal Carlos Giusti y a ex canciller Tudela | LaRepublica.pe »,
  16. Olivier Acuña, « 10 of the Most Lethal CIA Interventions in Latin America », Telesur,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  17. Vincent Ostria, « Les Inrocks - Quand le Pérou stérilisait ses femmes de force », sur Les Inrocks,
  18. « Au Pérou, 300 000 femmes stérilisées de force »,
  19. Maurice Lemoine, Les enfants cachĂ©s du gĂ©nĂ©ral Pinochet. PrĂ©cis de coups d’État modernes et autres tentatives de dĂ©stabilisation, Don Quichotte, , p. 131-137
  20. Fujimori veut rentrer au Pérou pour briguer la présidence
  21. « Massacres, disparitions : la face noire de la démocratie au Pérou », Rue89, 15 janvier 2010.
  22. « Pérou: L'ex-président Fujimori condamné à 8 ans pour détournement de fonds »,
  23. Thierry Portes, « Au PĂ©rou, la prison c'est parfois l'eldorado », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne)
  24. Le Point.fr, « Pérou : la justice refuse de libérer l'ex-président Fujimori », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  25. Marie Delcas, « Pérou : le président Kuczynski évite la destitution », lemonde.fr, 22 décembre 2017.
  26. « Pérou: l'ex-dictateur Fujimori s'excuse, le président Kuczynski s'explique - Amériques - RFI », sur RFI (consulté le )
  27. [www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/12/25/l-ancien-dirigeant-peruvien-alberto-fujimori-gracie-par-le-president-kuczynski_5234224_3222.html L’ancien dirigeant pĂ©ruvien Alberto Fujimori graciĂ© par le prĂ©sident Kuczynski], lemonde.fr, 25 dĂ©cembre 2017.
  28. Home, « Pérou: Fujimori demande «pardon» pour les actes commis par son gouvernement », sur FIGARO, (ISSN 0182-5852, consulté le ).
  29. « PĂ©rou : l’ancien prĂ©sident Alberto Fujimori demande « pardon » », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consultĂ© le )
  30. « Au PĂ©rou, 230 auteurs signent un manifeste contre la grĂące de l’ex-prĂ©sident Fujimori », sur Le Monde, (consultĂ© le )
  31. « Fureur au Pérou : l'ex-président Fujimori gracié aprÚs une combine », sur euronews (consulté le )
  32. « PĂ©rou : un nouveau procĂšs pour l’ex-prĂ©sident Fujimori », sur Le Monde.fr (consultĂ© le )
  33. « Un juge péruvien annule la grùce accordée à l'ex-président Fujimori et ordonne son arrestation - France 24 », sur France 24 (consulté le )
  34. « Pérou : Fujimori va retourner en prison », sur euronews (consulté le )
  35. « Pérou: me renvoyer en prison serait une "condamnation à mort", assure l'ex-président Fujimori », sur LExpress.fr (consulté le )
  36. Le Point, magazine, « Pérou: la justice refuse la mise en liberté de Fujimori le temps de son appel », sur Le Point (consulté le )
  37. Le Point, magazine, « PĂ©rou: Fujimori retourne en prison, oĂč il craint une "mort lente" », sur Le Point (consultĂ© le )
  38. « Au PĂ©rou, l’ex-prĂ©sident Alberto Fujimori devant la justice pour avoir orchestrĂ© une politique de stĂ©rilisations forcĂ©es », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Rei Kimura, President Fujimori of Peru : the president who dared to dream, Great Britain Woodstock, NY, Eyelevel Books Distributed by Beekman Publishers, , 184 p. (ISBN 978-1-902-52806-9 et 978-0-846-44957-7)

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.