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Conserve

Le mot conserve désigne, dans le domaine de l'alimentation, à la fois l'action de conserver un aliment (« mettre en conserve ») et l'état de ce qui est conservé (ex. : légume « en conserve »). La mise en conserve (appelée appertisation) est une méthode de préservation des aliments qui consiste à les mettre dans des récipients rendus étanches à l'air puis chauffés pour détruire les micro-organismes pathogÚnes. En raison des risques d'intoxication alimentaire, une des meilleures façon de mettre en conserve la plupart des aliments reste de les soumettre à une température élevée (généralement de 110 à 120 °C) pendant le temps nécessaire à la destruction ou l'inactivation des micro-organismes. Les qualités organoleptiques des aliments sont altérées lors de l'appertisation. C'est la conséquence du traitement thermique qui dénature certaines molécules, sans risques pour la santé.

Historique

La conserve apparaßt trÚs tÎt dans l'histoire de l'humanité, par la nécessité que l'homme a connue d'assurer sa subsistance pour pallier la disette ou la famine. Elle concerne autant les viandes que les poissons, les légumes, les fruits et les laitages.

En fonction des régions, la premiÚre méthode de conservation des aliments fut le séchage[1] ou la congélation. Par la suite, la salaison et le saumurage, le fumage, le bain dans la graisse, l'huile ou le miel et le sucre, la surgélation, l'ionisation, etc., constituent d'autres procédés.

Pendant des siÚcles, la conserve a relevé de l'artisanat, que ce soit au foyer familial ou dans les conserveries. Depuis le XIXe siÚcle, elle dépend davantage de l'industrie agroalimentaire[1].

Conserve appertisée

Femmes travaillant dans une fabrique de conserves (peinture de Max Liebermann, 1879)

La conserve appertisĂ©e fut inventĂ©e en 1795 par le confiseur français Nicolas Appert (1749-1841). Celui-ci utilisait des rĂ©cipients en verre, type bouteille de champagne Ă  goulot Ă©largi. Le procĂ©dĂ© connut un succĂšs modĂ©rĂ© et fut mis en pratique progressivement dans d’autres pays europĂ©ens, puis en AmĂ©rique, aprĂšs la publication, en 1810, par Nicolas Appert, de sa dĂ©couverte, pour laquelle il n'avait pas souhaitĂ© dĂ©poser de brevet car il prĂ©fĂ©rait soulager les populations[2].

Appliquant la mĂ©thode d’Appert, Pierre Durand fit breveter, en aoĂ»t 1810, en Angleterre son procĂ©dĂ© utilisant divers rĂ©cipients, dont les boĂźtes en fer-blanc[3], un acier laminĂ© et Ă©tamĂ©.

Plusieurs inventions et amĂ©liorations suivirent et, dans les annĂ©es 1860, la durĂ©e de mise en Ɠuvre du procĂ©dĂ© fut considĂ©rablement rĂ©duite, permettant sa diffusion Ă  grande Ă©chelle. Au XIXe siĂšcle, la plus vieille conserverie au monde se trouve Ă  Douarnenez[4].

Appertisation

Bouteille Ă  conserve Appert.

La mise en conserve, ou appertisation (du nom de son inventeur Nicolas Appert, qui met a point en 1795 un procĂ©dĂ© de conservation en stĂ©rilisant dans des bouteilles Ă©tanches), est une mĂ©thode de prĂ©servation des aliments qui consiste Ă  les mettre dans des rĂ©cipients rendus Ă©tanches Ă  l’air, puis chauffĂ©s pour dĂ©truire les micro-organismes pathogĂšnes. À cause des risques d'intoxication alimentaire, une des meilleures façons de mettre en conserve la plupart des aliments est de les soumettre Ă  une tempĂ©rature Ă©levĂ©e (gĂ©nĂ©ralement de 110 Ă  120 °C) pendant le temps nĂ©cessaire Ă  la destruction ou l’inactivation des germes. Les aliments mis en conserve, en les soumettant Ă  de hautes tempĂ©ratures, sont les lĂ©gumes, la viande, les fruits de mer, la volaille et les produits laitiers. Les seuls aliments qui peuvent ĂȘtre mis en conserve sans subir de traitement thermique Ă©levĂ© sont ceux qui sont naturellement acides comme les fruits ou ceux auxquels un acide doux (acide citrique par exemple) est soigneusement dosĂ© et mĂ©langĂ©.

Les qualitĂ©s organoleptiques des aliments sont altĂ©rĂ©es lors de l’appertisation du fait du traitement thermique qui dĂ©nature certaines molĂ©cules.

Les conserves appertisées se font dans n'importe quel contenant, pourvu que celui-ci soit parfaitement étanche et qu'il puisse subir le traitement thermique adéquat à la destruction ou l'inhibition totale des micro-organismes, toxines ou enzymes dont la multiplication altÚre l'aliment conservé[5].

Type de récipients

Le schĂ©ma montre le bocal fermĂ©, le dĂ©tail de l’agrafe et du couvercle, ainsi que le graphisme du logo de la marque VSL.
Description des bocaux de la fabrique du Val Saint-Lambert, généralement utilisés en Belgique.

La popularisation du traitement thermique a pour consĂ©quence le dĂ©veloppement de l’industrie des stĂ©rilisateurs, de la verrerie et des boites mĂ©talliques, ainsi que la publication de nombreux livres et plaquettes, traitant de la conservation des denrĂ©es par les particuliers. Dans les annĂ©es 1930, l’ingĂ©nieur Paul Mougin indique dans la prĂ©face d’un ouvrage, annoncĂ© comme le premier « livre complet traitant de la fabrication des conserves familiales », que 9 millions de Français sur les 12 recensĂ©s se livrent Ă  la fabrication de conserves et que les 3⁄4 d’entre eux le font « par les moyens les plus primitifs, sans savoir exactement ce qu’ils font »[6]. Il affirme que chaque annĂ©e des milliers de Français meurent par l’ingestion de denrĂ©es alimentaires prĂ©parĂ©es de cette façon.

À la maison, les particuliers vont peu Ă  peu prendre l’habitude d’utiliser les bocaux spĂ©cialement conçus pour la conservation, et gĂ©nĂ©ralement des bocaux en verre avec des couvercles de la mĂȘme matiĂšre, articulĂ©s entre eux par une agrafe en mĂ©tal zinguĂ©, l’étanchĂ©itĂ© Ă©tant assurĂ©e par un anneau en caoutchouc sur la languette duquel il faut tirer, tout en appuyant sur le couvercle, pour ouvrir ce bocal appelĂ© Ă©galement « stĂ©rilisateur »[7].

Le chauffage des bocaux, qui vont d’un quart de litre Ă  cinq litres, se fait soit en simple casserole d’acier inoxydable, d’aluminium ou de tĂŽle Ă©maillĂ©e, soit en autocuiseur, soit au four Ă  gaz, soit au four Ă©lectrique[8] ; une autre mĂ©thode consiste Ă  utiliser un « StĂ©rivite », raccordĂ© Ă  une bouilloire ou Ă  une cafetiĂšre, pour injecter de la vapeur dans le bocal[9] - [N 1].

Les aliments ainsi conservĂ©s peuvent ĂȘtre, au dĂ©part, crus, blanchis, rĂŽtis ou Ă©tuvĂ©s, mais les rĂ©ceptaires proposent aussi de conserver de cette maniĂšre des mets cuisinĂ©s comme la blanquette de veau, le veau Marengo, la viande de mouton aux haricots verts, le pĂątĂ© de foie, la gelĂ©e de viande, le canard Ă  l’orange, les quenelles de volaille[8], les tripes Ă  la mode de Caen, le cassoulet, etc., et mĂȘme le boudin noir[7].

Dans l’industrie, les bocaux en verre avec couvercle de mĂ©tal sont de moins en moins utilisĂ©s Ă  la fin du XXe siĂšcle pour les conserves de viande, en raison de leur fragilitĂ©. La prĂ©fĂ©rence est donnĂ©e Ă  des contenants, souples ou rigides, en matiĂšre synthĂ©tique ou en mĂ©tal.

Les matiĂšres synthĂ©tiques sont le polyester (utilisĂ© pour les saucisses de Francfort en saumure ou les mets « prĂȘts-Ă -manger ») ou des films laminĂ©s de polyester et polyĂ©thylĂšne ou de polyamide et polyĂ©thylĂšne, permettant la fabrication de rĂ©cipients relativement rigides, gĂ©nĂ©ralement par emboutissage.

Les boites mĂ©talliques, gĂ©nĂ©ralement cylindriques ou parallĂ©lĂ©pipĂ©diques, sont habituellement en fer blanc ou en aluminium, et le sertissage des diffĂ©rentes parties doit ĂȘtre parfaitement rĂ©alisĂ© pour assurer l’étanchĂ©itĂ©, sous peine de voir l’aliment connaitre une nouvelle contamination par la microflore de l’environnement.

Trois croquis se succĂšdent : Ă  gauche, une main tient le manche de l’appareil, le tuyau d’oĂč la vapeur doit sortir Ă©tant horizontal ; au centre la main plonge l’appareil jusqu’au fond d’un bocal transparent, vide, pour le prĂ©chauffage ; Ă  droite, l’appareil est introduit Ă  l’horizontale sous le couvercle quasiment rabattu sur le bocal rempli d’aliment.
Mode d’utilisation du StĂ©rivite.

Toxicité

La mauvaise conservation des aliments peut ĂȘtre due Ă  :

  • un dĂ©faut d'hygiĂšne lors de la prĂ©paration, une mauvaise fabrication du contenant ou une mauvaise application du procĂ©dĂ© de conservation (sous-stĂ©rilisation par exemple), d'une conserve ou d'une boite de conserve, peuvent ĂȘtre source de botulisme, Ă©ventuellement mortel. Une Ă©pidĂ©mie de fiĂšvre typhoĂŻde, qui a touchĂ© quatre-cents personnes en 1964, en Écosse, a Ă©tĂ© attribuĂ©e, par exemple, Ă  un dĂ©faut de scellement de boites de corned-beef stĂ©rilisĂ©es, produites en AmĂ©rique du Sud. L’eau qui avait servi au refroidissement des rĂ©cipients n’était pas chlorĂ©e et le vide crĂ©Ă© lors du refroidissement a aspirĂ© des bacilles d’Eberth prĂ©sents dans cette eau[10] ;
  • les mĂ©taux utilisĂ©s ou des substances indĂ©sirables, comme des mĂ©taux lourds peuvent migrer vers le produit. En particulier, la prĂ©sence de plomb comme contaminant des soudures de la boite mĂ©tallique, facilement corrodĂ© par l'aciditĂ© des denrĂ©es conservĂ©es (tomates par exemple), peut ĂȘtre source de saturnisme. Des Ă©tudes faites au NigĂ©ria ont montrĂ© qu'en 2006 la plupart des conserves vendues dans ce pays (dont des boissons en boites) contenaient des taux de plomb et/ou de cadmium dĂ©passant les normes de l'EPA aux États-Unis et posant des problĂšmes de santĂ© publique (pour 50 produits analysĂ©s, 85,71 % dĂ©passaient le seuil-EPA pour le cadmium et 82,7 % pour les conserves non mĂ©talliques[11] et 100 % des aliments, ou boissons en boite mĂ©tallique, contenaient trop de plomb, alors que le seuil-EPA n'Ă©tait dĂ©passĂ© que pour 82,7 % des aliments vendus dans des contenants non mĂ©talliques, tels que bouteilles ou plastique)[11], fait qui n'Ă©tait pas apparu lors d'analyses faites en 1999[12].

Pour limiter le risque de contamination Ă  partir du mĂ©tal, l'intĂ©rieur des cans et boites de conserve est couvert d'un vernis, mais la Food and Drug Administration (FDA) qui avait initialement statuĂ©, en 2008, que le bisphĂ©nol A (BPA), utilisĂ© dans les revĂȘtements intĂ©rieurs de nombreuses conserves, Ă©tait absolument sans danger, a depuis modĂ©rĂ© cet avis, sur la base de nouvelles Ă©tudes concluant Ă  « des effets potentiels sur le cerveau et sur la prostate des bĂ©bĂ©s et des fƓtus ». La FDA encourage actuellement l'initiative des industriels amĂ©ricains de ne plus utiliser de BPA dans les contenants d'aliments pour bĂ©bĂ©s[13] et souhaite que le BPA ne soit plus utilisĂ© dans les revĂȘtements intĂ©rieurs de boĂźtes de conserve[14]. Depuis le , l'utilisation du bisphĂ©nol A est interdite en France[15].

Notes et références

Notes

  1. La plaquette d’information prĂ©cise que si la stĂ©rilisation Ă©choue, la cause ne peut ĂȘtre imputĂ©e au stĂ©rilisateur, mais bien Ă  une manƓuvre fausse ou maladroite !

Références

  1. Xavier Rocques et Katherine Golden Bitting, Les industries de la conservation des aliments, Gautier-Villars, , 531 p. (lire en ligne)
  2. Lettre de Nicolas Appert du 16 février 1825, Arch. Nat., F12 2432, reprise dans Nicolas Appert inventeur et humaniste, Jean Paul Barbier, Royer, 1994, p. 118.
  3. Jean-Michel Le Boulanger Douarnenez : histoire d'une ville, 2000, p. 72.
  4. Connétable, plus ancienne conserverie du monde.
  5. Les technologies de la conserve, sur le site de l'UPPIA.
  6. Paul Mougin, La Fabrication familiale de toutes les conserves et confitures à la portée de tous, 4e éd., s. éd., s.d. (post 1929, années 1930).
  7. Les meilleurs stĂ©rilisateurs sont ceux qui portent la marque V.S.L., Éd. 1932, plaquette publicitaire de la fabrique du Val Saint-Lambert, Seraing, 46 p., p. 16 et 35-38.
  8. L. S. Velooy, Tout ce qui concerne la stĂ©rilisation et la pasteurisation, Le Sillon d’Or, Mortsel, 1957, 88 p., p. 10-23.
  9. Stérivite. Instructions concernant le merveilleux appareil stérilisateur, plaquette publicitaire de Crown products (agents de Bodart & Co), vers 1940.
  10. Lansing Prescott, John Harley, Donald Klein, trad. Claire-MichĂšle Bacq-Calberg et Jean Dusart, Microbiologie, 5e Ă©d., De Boeck, Bruxelles, 2003, 1164 p. (ISBN 2-8041-4256-6), p. 972-974.
  11. J.-M. U. Maduabuchi, C. N. Nzegwu, E. O. Adigba, R. U. Aloke, C. N. Ezomike, C. E. Okocha, E. Obi et O. E. Orisakwe, Lead and cadmium exposures from canned and non-canned beverages in Nigeria: A public health concern, Science of The Total Environment, 2006, vol. 366, Issues 2–3, 1er aout 2006, p. 621-626.
  12. P. C. Onianwa, I. G. Adetola, C. M. A Iwegbue, M. F. Ojo, O. O. Tella (1999), Trace heavy metals composition of some Nigerian beverages and food drinks Food, Chemistry, vol. 66, Issue, aoĂ»t 1999, p. 275–279.
  13. Communication de l'USDA sur le bisphénol A.
  14. BisphĂ©nol A : l'agence sanitaire admet pour la 1re fois des « signaux d'alerte », (dĂ©pĂȘche AFP du 5 fĂ©vrier 2010).
  15. « BisphĂ©nol A : confirmation de l’interdiction sur tous les contenants alimentaires au 1er janvier 2015 », service-public.fr - Direction de l'information lĂ©gale et administrative (Premier ministre), 14 mai 2014.

Annexes

Bibliographie

  • Le Triangle de l'appertisation. Guide mĂ©thodique de l'appertisation Ă  l'intention de tous les professionnels, Union Syndicale Interprofessionnelle Pour la Promotion des Industries de la Conserve AppertisĂ©e (UPPIA), Paris, 1992, 33 p..
  • Evelyne Herman, L’appertisation, UniversitĂ© de Lille 2, 1992 (thĂšse).
  • Jean-Paul Barbier, Nicolas Appert. Inventeur et humaniste, Ă©ditions Royer, 1994.
  • Xavier Dubois, La RĂ©volution sardiniĂšre. PĂȘcheurs et conservateurs en Bretagne au XIXe siĂšcle, Presses Universitaires de Rennes, 2001.
  • Xavier Rocques et Katherine Golden Bitting, Les industries de la conservation des aliments, Gautier-Villars, , 531 p. (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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