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Ernest Solvay

Ernest Solvay, né le à Rebecq-Rognon et mort le à Ixelles, est un chimiste et un industriel belge, fondateur de la Société Solvay & Cie[1] et grand mécène de la recherche scientifique de son époque.

Ernest Solvay
Description de cette image, également commentée ci-après
Ernest Solvay vers 1900
Naissance
Rebecq-Rognon (Belgique)
Décès
Ixelles (Belgique)
Nationalité Drapeau de la Belgique Belgique

Biographie

PassionnĂ© très tĂ´t par la physique, la chimie et l'histoire naturelle, Ernest est pourtant entravĂ© dans sa quĂŞte de connaissance lorsqu'une grave maladie l'empĂŞche d'entrer Ă  l'universitĂ©. Il reçoit toutefois une bonne formation scientifique du frère Macardus, diplĂ´mĂ© de l’École des Mines de Mons, professeur de sciences de l'institut des Frères de la Doctrine ChrĂ©tienne Ă  Malonne oĂą Ernest Solvay a suivi sa formation secondaire[2]. Autodidacte, il commence Ă  travailler Ă  21 ans dans l'usine Ă  gaz de son oncle en y apportant maints perfectionnements, notamment la rĂ©cupĂ©ration de l'ammoniaque. Au cours d'une expĂ©rience, il dĂ©couvre un procĂ©dĂ© rĂ©volutionnaire de fabrication de la soude. Conscient du parti qu'il peut tirer de cette dĂ©couverte, le jeune homme fait breveter une première fois en 1861 une mĂ©thode Ă©conomique de son invention pour fabriquer du carbonate de soude trop rare Ă  l'Ă©tat naturel, un procĂ©dĂ© Ă  l'ammoniac qui permet la fabrication industrielle du carbonate de sodium (Na2CO3) Ă  partir de chlorure de sodium et de calcaire, connu depuis lors sous le nom de procĂ©dĂ© Solvay. Le carbonate de sodium est un composĂ© essentiel dans de nombreuses applications industrielles, notamment la fabrication du verre, la mĂ©tallurgie et la dĂ©tergence.

Certificat global de 100 obligations n° 1-100 de 500 francs chacune de la Société Solvay & Cie, émises le 1er mai 1874 à Ernest Solvay et signées de sa propre main en tant que gérant principal. L'emprunt d'un total de 600.000 francs, portant intérêt à 6%, a été contracté pour la réalisation d'une usine à Dombasle-sur-Meurthe.
Certificat global de 100 obligations n° 1-100 de 500 francs chacune de la Société Solvay & Cie, émises le 1er mai 1874 à Ernest Solvay et signées de sa propre main en tant que gérant principal. L'emprunt d'un total de 600.000 francs, portant intérêt à 6%, a été contracté pour la réalisation d'une usine à Dombasle-sur-Meurthe.

C’est Ă  Couillet en 1863, oĂą il installe sa première usine, qu’Ernest Solvay jette avec son frère Alfred et leur associĂ©, l’avocat Eudore Pirmez, les bases de ce qui allait devenir un empire de la chimie. Après un dĂ©part difficile, la SociĂ©tĂ© Solvay & Cie prend progressivement une dimension internationale et devient l'un des gĂ©ants de l'industrie chimique. De 200 kg en 1865, la production journalière passe Ă  3 tonnes en 1867. En 1900, 95 % de la production mondiale de soude provient du « procĂ©dĂ© Solvay ». Son entreprise Solvay & Cie devient, Ă  la fin du XIXe siècle, une rĂ©fĂ©rence mondiale de l'industrie chimique.

Parce que dans la conjoncture favorable, il entrevit les intérêts d'une union avec les sciences, il cofonda en 1900 avec Ernest Bichat l'Institut électrotechnique de Nancy, devenu en 1948 École nationale supérieure d'électricité et de mécanique de Nancy (ENSEM)[3] - [4].

Son procédé nécessite du calcaire, de la houille et du chlorure de sodium. Tout naturellement, Solvay implante des usines là où il rencontre les matériaux de base, d'abord en Lorraine française, notamment à Dombasle, qui deviendra le principal centre de production de carbonate de sodium mondial à la fin du XIXe siècle).

En 1896, Solvay & Cie installe une exploitation de calcaire dans la calanque de Port-Miou, juste avant Cassis. Le site s'y prête à merveille, Port-Miou est une calanque profonde de plus d'un kilomètre, taillée comme un fjord. De ses hautes parois rocheuses, son calcaire d'excellente qualité était concassé sur place avant d’être embarqué sur des eaux toujours calmes[5] pour l’usine de soude de Salin-de-Giraud, distante d’une centaine de kilomètres. Une centaine d’ouvriers furent embauchés, et grâce à une automatisation toujours plus perfectionnée, la production annuelle, passée de 80.000 à 100.000 tonnes, ne nécessita plus qu’une douzaine d’hommes. Jusqu’à sa fermeture en 1981, 6 à 7 millions de tonnes de roches furent extraites de ses flancs. Pourtant, si depuis 1810, ce n’était pas la première fois qu’une industrie était implantée dans les calanques sans que personne s'en émeuve, cette exploitation-là, contemporaine de la loi du 21 avril 1906, la première en France destinée à la protection des espaces naturels, souleva très tôt de vaines mais vives protestations, comme celle du 13 mai 1910, orchestrée par les instances les plus disparates, des Félibriges au conseil municipal de Cassis, en passant par les excursionnistes marseillais, le syndicat des pêcheurs de Cassis, les adeptes du naturalisme de l'époque[6].

Le brevet Solvay est ensuite exploité en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, en Autriche. C'est tout un empire industriel et commercial qui est créé, novateur aussi dans ses méthodes : collaboration étroite entre les diverses usines, contrôles stricts à chaque stade de la fabrication. Il est fondateur de l'entreprise chimique et pharmaceutique Solvay SA et de l'École de commerce Solvay (renommée Solvay Brussels School of Economics & Management[7] en 2008) de l'université libre de Bruxelles.

Grand capitaine d'industrie, il prend Ă©galement des initiatives sociales peu communes pour l'Ă©poque en Ă©tant le prĂ©curseur de la lĂ©gislation sociale dans ses usines, oĂą il a intĂ©grĂ© un système de sĂ©curitĂ© sociale : une pension pour les travailleurs dès 1899, la limitation du temps de travail avec la journĂ©e de 8 heures en 1908, l'instauration des congĂ©s payĂ©s en 1913, le recyclage professionnel…

Il dessine ainsi les contours d'une structure sociale fondée sur l'organisation du marché du travail, sur l'égalité des chances et sur l'implication de l'État. Politiquement engagé, Ernest Solvay continue son combat pour les droits des travailleurs au Sénat (de 1892 à 1894 et de 1897 à 1900) avant d'être nommé ministre d'État en 1918. Il crée également de nombreuses œuvres sociales comme, en 1914, le Comité national de Secours et d'Alimentation qui joue un rôle considérable dans le ravitaillement de la Belgique pendant la Grande Guerre.

Premier Conseil Solvay en 1911 : Ernest Solvay est le troisième assis en partant de la gauche.

Il est le mĂ©cène principal de l’universitĂ© libre de Bruxelles (ULB) oĂą il fonde l'Institut de physiologie (1895), l'Institut de sociologie (1894) et l'École de commerce Solvay (1903). Son soutien au dĂ©veloppement des sciences sociales joua un rĂ´le significatif dans la naissance de l'École de Bruxelles. Grand promoteur des sciences, sa passion s'exprime encore au travers de la crĂ©ation de l'Institut international pour la physique et la chimie Ă  Bruxelles (1894). Il crĂ©e avec le soutien de diffĂ©rentes personnalitĂ©s de l'Ă©poque, scientifiques et banquiers, une citĂ© scientifique destinĂ©e Ă  abriter ces diffĂ©rents instituts dont les bâtiments, construits par des architectes de renom, sont toujours visibles, dissĂ©minĂ©s dans le parc LĂ©opold. C'est lĂ  que se tiennent tous les 3 ans les fameux Conseils Solvay (ou Congrès Solvay). Pendant une semaine, un Conseil d'une vingtaine de spĂ©cialistes discute d'un problème d'actualitĂ© soigneusement prĂ©parĂ© par d'Ă©minents rapporteurs. La première Ă©dition, en 1911, rĂ©unit onze prix Nobel dont notamment Marie Curie, Albert Einstein, Paul Langevin, Max Planck, Ernest Rutherford, Henri PoincarĂ© et le duc Maurice de Broglie comme secrĂ©taire-rapporteur. (Cf. The Solvay Science Project(Exposition et base de donnĂ©es)

Le groupe Solvay occupe Ă  peu près 30 000 personnes et compte plus de 400 Ă©tablissements dans 50 pays. En septembre 2022, une enquĂŞte de la Radio-tĂ©lĂ©vision belge de la CommunautĂ© française (RTBF) [8] rĂ©vèle que ce groupe est responsable d’une vaste pollution aux perfluorĂ©s, connaissait la toxicitĂ© de ces "produits chimiques Ă©ternels" et continue Ă  en utiliser[9].

Sépulture de la famille Solvay au cimetière d'Ixelles[10].

Ernest Solvay Ă©tait convaincu que le bonheur des hommes ne peut provenir que de la diffusion du savoir.

En 1893, il achète au baron Antoine de Roest d'Alkemade le château de La Hulpe construit en 1842 par le marquis Maximilien-Guillaume de Béthune.

Il a été choisi comme un des Cent Wallons du siècle, par l'Institut Jules Destrée, en 1995.

Il est inhumé au cimetière d'Ixelles à Bruxelles. C'est une tombe signée Victor Horta.

Alpinisme

Ernest Solvay vient sur le tard à l'alpinisme. A cinquante-sept ans, il part pour la Suisse avec son secrétaire Charles Lefébure et ensemble ils font de mémorables ascensions[11]. Il fera notamment le Grépon d'un niveau de difficulté élevé. A soixante ans, il fait l'ascension de trois 4000 m: le Mont Blanc, la Jungfrau et le Cervin[12]. Jusqu'à quatre-vingt et un ans, il se rend dans les Alpes pour faire des courses[12]. Il fait construire en 1917 un refuge qui porte encore son nom à 4003 m sur l'arête du Hörnli (SolvayHütte) au Cervin.

Philanthropie

Buste d'Ernest Solvay dans le vestibule de la Bibliothèque Solvay à Bruxelles.

Ernest Solvay était également un philanthrope. Il commença à se préoccuper du sort des travailleurs à la suite de violentes émeutes qui firent des tués et des blessés et qui se déroulèrent dans le bassin de Charleroi, région où il avait implanté sa première usine de fabrication de la soude. À la suite de cela, il essayera de mettre en place des réformes, qu’il appellera « Plan Social », dont le but était de donner une plus grande égalité sociale[13]. Parmi ces réformes, on peut en citer plusieurs :

  • Le productivisme : selon lui, il faut absolument augmenter la production de biens matĂ©riels et intellectuels et la rĂ©pandre dans la masse humaine afin de rendre la vie de celle-ci beaucoup plus agrĂ©able.
  • Le comptabilisme : il se caractĂ©rise comme un moyen de dĂ©velopper la production des richesses. Il souhaitait via cette mesure, supprimer le système monĂ©taire en place Ă  l’époque car il le trouvait onĂ©reux, un obstacle Ă  la production et discriminatoire. En effet, il voulait une meilleure Ă©galitĂ© entre les diffĂ©rents travailleurs[14].
  • L’égalitĂ© pour tous au point de dĂ©part : pour Ernest Solvay, c’est non seulement une idĂ©e juste, mais qui permettrait Ă©galement de formater un plus grand nombre de travailleurs capables et motivĂ©s. Il souhaitait notamment une instruction Ă©quivalente pour tous les enfants qu’ils soient riches ou pauvres, et permettre aux plus douĂ©s d’entre eux d’accĂ©der plus facilement Ă  l’instruction supĂ©rieure.
  • Le chĂ´mage-capacitariat : Ernest Solvay voulait lancer le concept de « capacitariat » qui adapterait les qualifications des ouvriers en fonction des besoins de la production. Pour ce faire, il cherche Ă  crĂ©er un enseignement « spĂ©cial ». En ce qui concerne les chĂ´meurs, il prĂ©voit non seulement de leur donner un droit Ă  la vie, mais Ă©galement un droit Ă  l’occupation. Il voulait occuper et rendre plus efficaces les chĂ´meurs par le biais de formations ou de bourses de travail qui leur auraient permis de trouver plus facilement du travail et surtout d’être plus productifs[15].
  • Le dĂ©veloppement de l’instruction primaire, technique et professionnelle : il souhaitait une meilleure instruction pour tous, afin que la population reçoive une meilleure formation, soit plus efficace et donc produise plus.
  • L’assurance des fortunes : Ernest Solvay savait que pour que son Plan Social fonctionne, il fallait que les classes aisĂ©es fassent des sacrifices, et qu’elles ne se laisseraient pas faire. Il veut en contrepartie garantir une conservation de leur fortune et rĂ©viser un certain nombre de lois afin d’arriver Ă  une suppression de tout ce qui est contre la productivitĂ©, et Ă©viter que les sociĂ©tĂ©s anonymes continuent de s'approprier l’épargne.
  • La libre socialisation.
  • EmpĂŞcher les fraudes et le gaspillage de capitaux.
  • L’implication de l’État dans la production : l’État doit assurer des garanties dans la crĂ©ation de sociĂ©tĂ©s commerciales ou industrielles en y participant financièrement. Cela permettrait un dĂ©veloppement de l’industrie et du commerce qui rĂ©duirait le chĂ´mage. En contrepartie, l’État recevrait chaque annĂ©e un dividende[16].
  • L’impĂ´t unique successoral : au yeux d’Ernest Solvay, le rĂ©gime capitaliste gĂ©nère des sources d’incapacitĂ©s. L’une des raisons est la transmission du pouvoir hĂ©rĂ©ditaire et de la richesse d’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre. Selon lui, c’est une grande source d’inĂ©galitĂ©s des chances de dĂ©part, et qui nuirait Ă©galement au système productiviste. Sa rĂ©forme Ă©tait que l’État devait crĂ©er un impĂ´t afin de taxer toute transmission de fortune d’une gĂ©nĂ©ration Ă  une autre afin de permettre une meilleure Ă©galitĂ© des chances.
  • Le droit Ă  l’existence : Solvay veut par cette rĂ©forme que l’État reconnaisse le droit Ă  la vie des invalides, des indigents, des malades, des incapables et des chĂ´meurs involontaires. Il veut que l’État dĂ©bloque des aides au plus vite, afin de leur donner accès Ă  un autre mode de vie que celui des dĂ©pĂ´ts de mendicitĂ© ou des institutions de bienfaisance.

Distinctions et honneurs

Hommages

Notes et références

  1. (en) « 150 years of a distinctive history ».
  2. (en) Kenneth Bertrams, Nicolas Coupain et Ernst Homburg, Solvay : History of a Multinational Family Firm, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-31107-7, lire en ligne).
  3. « Plaquette de l'école nationale supérieure d’électricité et de mécanique » [archive du ], sur ensem.inpl-nancy.fr.
  4. « Histoire de l'ENSEM » [archive du ], sur ensem.inpl-nancy.fr.
  5. C’est là qu'en octobre 1376, la flotte du pape Grégoire XI, en route pour regagner Rome, se réfugia pour échapper à la tempête.
  6. cf Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille, 1908-1911, p. 363 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5719228h/f371.item.r=Port-Miou.zoom
  7. (en) « School History ».
  8. « RTBF.be - La référence de l'actualité belge et internationale - Accueil - RTBF.be », sur RTBF (consulté le )
  9. « Solvay, responsable d’une vaste pollution aux perfluorés, connaissait la toxicité de ces "produits chimiques éternels" et continue à en utiliser », sur RTBF (consulté le )
  10. Pelouse W, croisement des allées 15 et 16.
  11. Anne-marie Wirtz-Cordier, Nouvelle biographie nationale - Tome 7, Bruxelles, Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, , 376 p. (lire en ligne), p. 304-311
  12. « Au jour le jour », L'Indépendance belge,‎ , p. 2
  13. Louis Bertrand, Ernest Solvay, réformateur social, Bruxelles, Dechenne, , 111 p..
  14. Ernest Solvay, Notes sur le productivisme et le comptabilisme, Bruxelles, H. Lamertin, , 172 p..
  15. Jean-François Crombois, L'univers de la sociologie en Belgique de 1900 à 1940, Bruxelles, Éditions de l'université de Bruxelles, , 150 p..
  16. Andrée Despy-Meyer et Didier Devriese, Ernest Solvay et son temps, Bruxelles, Archives de l'ULB, , 349 p..
  17. Au carrefour de la chaussée d'Ixelles et de la rue du Prince Albert.
  18. CoordonnĂ©es : Altitude : 4 003 m Latitude : 45.97862, Longitude : 7.66301. Cabane non gardĂ©e.

Voir aussi

  • Paul Langevin, Hommage Ă  Ernest Solvay, 1932.
  • Marina Solvay, Ernest Solvay, histoire de son entreprise familiale et son rĂ´le dans la sociĂ©tĂ©, Bulletin trimestriel de l'ANRB, avril 2022, n° 310.

Articles connexes

Liens externes

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